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La Tribune de Catherine Charlemagne (154)<br />
7 février <strong>2021</strong>, chronique d’un échec attendu !<br />
Jovenel Moïse dans un message à la Nation le 7 février <strong>2021</strong><br />
C<br />
’est un échec. Nous sommes le <strong>10</strong><br />
février <strong>2021</strong>, soit trois jours après la<br />
date fatidique. Jovenel Moïse est toujours<br />
Président d’Haïti. Il n’est pas en fuite.<br />
Pire, Jovenel Moïse demeure officiellement<br />
au Palais national. Un affront pour<br />
les opposants au pouvoir ! L’opposition<br />
haïtienne a échoué. Certes, elle a réédité<br />
le coup de Me. Gérard Gourgue de 2001,<br />
avec la nomination de Me Joseph Mécène<br />
Jean-Louis comme « Président » provisoire<br />
de la Transition. Une scène qui a<br />
fait rigoler beaucoup de monde en Haïti<br />
et dans la diaspora comme il y a 20<br />
ans. Incontestablement, l’opposition n’a<br />
pas pu instaurer son gouvernement de<br />
transition. Une nouvelle « Année zéro »<br />
pour les leaders de l’opposition plurielle<br />
qui juraient de pendre « haut et court »<br />
l’un des chefs d’Etat le plus détesté par<br />
la classe politique haïtienne. L’An I de la<br />
Transition, ce sera pour plus tard. Jovenel<br />
Moïse, une fois encore, n’a pas cédé. «<br />
Il restera au pouvoir jusqu’au 7 février<br />
2022 » dit-il dans un message diffusé sur<br />
les réseaux sociaux ce même dimanche<br />
7 février.<br />
Il a su déjouer tous les pièges et<br />
résister aux manifestations de l’opposition.<br />
Depuis la mi-janvier <strong>2021</strong>, tous les<br />
dirigeants de l’opposition sont vent debout.<br />
Il faut qu’il parte et doit partir le 7<br />
février, disaient-ils. Du Secteur Démocratique<br />
et Populaire (SDP) à Pitit Dessalines<br />
en passant par la Direction Politique de<br />
l’Opposition Démocratique (DIRPOD) et<br />
le Mouvement Troisième Voix (MTV),<br />
chacun de son côté se mobilise, tantôt<br />
ensemble, tantôt seul. L’objectif : faire plier<br />
le Président coûte que coûte le 7 février<br />
<strong>2021</strong>. Avec quelques ratages à l’allumage<br />
pour cause de division, la machine à<br />
mobiliser s’était mise en marche. Mais,<br />
très tôt aussi, le pouvoir avait pris très au<br />
sérieux la menace. La riposte est donnée<br />
par le principal intéressé lui-même. En effet,<br />
face à la menace de destitution pour<br />
cause de fin de mandat, Jovenel Moïse<br />
avait pris à témoin le pays, tout au moins<br />
une partie de la population, dans une<br />
Déclaration faite à la Nation en date du<br />
25 janvier <strong>2021</strong>.<br />
Prétextant une communication<br />
sur l’insécurité et le kidnapping qui deviennent<br />
des faits divers dans la région<br />
métropolitaine de Port-au-Prince, le chef<br />
de l’Etat avait vite bifurqué sur le sujet<br />
qui l’intéresse et dont tout le monde<br />
attendait sa version sur la date de la fin<br />
de son mandat au Palais national. Après<br />
avoir abordé des points, certes cruciaux<br />
sur la conjoncture sociopolitique, Jovenel<br />
Moïse était revenu sur la thématique de<br />
l’heure : 7 février <strong>2021</strong>. En tant qu’« ingénieur<br />
», il s’est rapidement converti en<br />
professeur de mathématiques pour laisser<br />
comprendre qu’il est entré en fonction un<br />
7 février 2017 et que la fin de son mandat<br />
de cinq années ne peut être que le<br />
7 février 2022. Article 134.1, selon les<br />
prescrits de la Constitution. Point barre !<br />
Comme pour donner une fin de non-recevoir<br />
à ceux réclamant son départ avant<br />
cette date, selon l’article 134.2, il déclare<br />
: quelqu’un qui pense le contraire non<br />
seulement se trompe de date mais il rêve.<br />
Car, il n’avait nullement l’intention de<br />
satisfaire les vœux de ses adversaires. Il<br />
faut dire qu’à la vérité, en Haïti, pas grand<br />
monde n’avait imaginé une minute que le<br />
pouvoir allait changer de main le 7 février<br />
<strong>2021</strong>.<br />
Aucun risque de se tromper, pas<br />
même les dirigeants de l’opposition plurielle<br />
ne l’avaient pensé. Certes, beaucoup<br />
le souhaitaient. Mais, en vérité, ils<br />
savaient que c’était mission impossible ;<br />
dans la mesure où ils avaient mal jugé la<br />
force non pas politique de Jovenel Moïse<br />
mais son audace politicienne. Si pour<br />
l’opposition de la branche la plus radicale<br />
et ceux qui seraient prêts à accepter<br />
le compromis avec le régime Tet Kale, la<br />
date du 7 février <strong>2021</strong> était celle pouvant<br />
booster un peu la mobilisation populaire<br />
contre l’élu du parti PHTK, pour celui qui<br />
n’a jamais fait grand cas de cette opposition<br />
disparate, 7 février <strong>2021</strong> n’était en<br />
fait qu’une date comme les autres dans<br />
le cheminement inéluctable vers la conclusion<br />
de son mandat de 5 années en<br />
2022. Plus mature politiquement que<br />
la quasi-totalité des dirigeants et leaders<br />
des oppositions qui, par manque d’arguments,<br />
s’en prennent même à la Communauté<br />
internationale, Jovenel Moïse a fini<br />
par démontrer que le courage en politique<br />
et surtout l’intelligence se paient.<br />
Sur cette affaire de date de fin de<br />
mandat, dès le départ, l’occupant du Palais<br />
national savait que tout allait se jouer<br />
là-dessus vu que jamais l’opposition<br />
n’allait s’unir pour présenter ce fameux<br />
front commun qui aurait pu le déstabiliser,<br />
voire le renverser. Après les deux<br />
épisodes de « Peyi Lock », périodes durant<br />
lesquelles il a su garder un profil bas,<br />
terré chez lui à Pèlerin 5, histoire de faire<br />
le mort et de laisser passer la tempête,<br />
Jovenel Moïse a réalisé que plus rien ni<br />
personne, en tout cas en Haïti, ne pourra<br />
l’empêcher de poursuivre son petit bonhomme<br />
de chemin jusqu’aux prescrits des<br />
articles 134.1 et 134.2 de la Constitution<br />
de 1987 qui fixe son mandat à 5 ans à<br />
partir de la date de son entrée en fonction.<br />
Sauf cas contraire à ses prévisions. Au<br />
moment où l’opposition dans sa globalité<br />
tire à boulet rouge sur le Core Group et la<br />
Communauté internationale en général,<br />
Jovenel Moïse, lui, malin, en fin lecteur<br />
des « Œuvres essentielles » d’un certain<br />
Dr François Duvalier, cageole cette Communauté<br />
internationale dont, en Haïti,<br />
sauf les myopes et les malentendants ne<br />
voient et n’entendent sa puissance dans<br />
les affaires internes haïtiennes.<br />
D’ailleurs, un article fort intéressant<br />
et enrichissant de celui qui est devenu<br />
un spécialiste de la politique haïtienne,<br />
le brésilien Ricardo Seitenfus, paru dans<br />
le quotidien Le Nouvelliste de la semaine<br />
du 29 janvier <strong>2021</strong> nous enseigne plein<br />
de choses sur la problématique des fins<br />
de mandat présidentiel en Haïti. Surtout<br />
que cet ex-diplomate apporte, comme il<br />
le fait depuis un certain temps, la preuve<br />
que finalement ni l’opposition ni les dirigeants<br />
haïtiens ne contrôlent pas grand<br />
chose s’agissant de grandes décisions<br />
politiques à chaque fois que la situation<br />
sociopolitique devient compliquée pour le<br />
pays. Dans son « Papier » intitulé : « Les<br />
Dés sont jetés, Exhumer Haïti n’est pas à<br />
la portée des simples amateurs » l’ancien<br />
Représentant spécial de l’OEA en Haïti<br />
entre 2009 et 2011 et auteur de plusieurs<br />
ouvrages de références sur les crises politiques<br />
dans ce pays un peu particulier<br />
dans l’hémisphère nord américain, Ricardo<br />
Seitenfus, dessine avec brio le scénario<br />
qui attend les acteurs de l’opposition.<br />
Une analyse d’un fin connaisseur<br />
du milieu politique haïtien qui corrobore<br />
ce que nous avons déjà et à maintes reprises<br />
écrit tendant à démontrer que les<br />
deux protagonistes - opposition et pouvoir<br />
- ne maîtrisent point les données<br />
qui se précisent de plus en plus et au fur<br />
et à mesure que nous avançons dans le<br />
processus électoral et la fin du mandat du<br />
chef de l’Etat. Ricardo Seitenfus multiplie<br />
les exemples et les faits démontrant que le<br />
Core Group et la Communauté internationale<br />
finiront par imposer leur verdict aux<br />
deux entités comme ils l’ont toujours fait<br />
depuis la transition de 2004 avec la chute<br />
et le départ en exil du Président Jean-Bertrand<br />
Aristide. Or, c’est ce que les oppositions<br />
en Haïti n’ont toujours pas compris<br />
pour leur malheur dans le sens qu’à chaque<br />
fois les « amis d’Haïti » tranchent<br />
toujours en faveur de la continuité par<br />
peur d’un lendemain chaotique. C’est-àdire<br />
en faveur du pouvoir sortant même<br />
si le personnel du Palais national change<br />
de tête d’affiche.<br />
Peine est de constater qu’aucun<br />
des leaders de l’opposition dite radicale<br />
et même au sein de la branche la plus<br />
modérée, par peur d’être taxée pro-Jovenel,<br />
ne s’aperçoit que c’est le même<br />
scénario qui est en train de se mettre en<br />
place avec un Jovenel Moïse qui, longtemps,<br />
a compris le jeu de ses amis de<br />
l’Internationale. En effet, le locataire du<br />
Palais national a vite remarqué que même<br />
quand le Core Group émet discrètement<br />
une note de presse truffée d’incohérences<br />
sur sa gouvernance, c’est juste pour l’inciter<br />
à apporter un petit correctif dans les<br />
décisions qu’il prend, mais rien de grave.<br />
Les critiques un peu sournoises des membres<br />
du Core Group vis-à-vis du Président<br />
de la République sur les multiples décrets<br />
et arrêtés présidentiels de l’année écoulée<br />
ne sont en réalité destinées qu’à endormir<br />
les plus radicaux au sein de l’opposition<br />
et modérer l’appétit d’un Président devenu<br />
grand consommateur de décrets et<br />
arrêtés qui ne sont soumis à aucun contrôle<br />
et dont les signatures des membres<br />
du Conseil des ministres ne servent que<br />
de paravent.<br />
Sans aucune alternative qui aurait<br />
pu susciter un débat ou tout au moins<br />
semer le doute au sein des membres du<br />
Core Group durant toute l’année dernière,<br />
l’opposition haïtienne n’avait aucune<br />
chance de dérouter ces diplomates en<br />
poste dans la capitale haïtienne de leur<br />
mission qui est de maintenir le statu<br />
quo afin d’empêcher un vrai soulèvement<br />
populaire qui est synonyme de<br />
changement de régime politique comme<br />
en 1986 sous la dictature de feu Jean-<br />
Claude Duvalier. Ce que l’opposition doit<br />
avoir à l’esprit, c’est que la Communauté<br />
internationale, à travers le Core Group,<br />
craint comme la peste que le pays ne vire<br />
à l’anarchie incontrôlable pour que les<br />
grandes puissances via l’ONU ou l’OEA<br />
ne se trouvent dans l’obligation de monter<br />
une nouvelle fois un autre Corps expéditionnaire<br />
pour se positionner en Haïti.<br />
Une décision gravissime qui signifierait<br />
leur échec en Haïti depuis leur arrivée fin<br />
des années 90. Constatant que l’opposition<br />
n’est pas en mesure de comprendre<br />
cela, l’ONU, l’OEA et l’OIF (Organisation<br />
Internationale de la Francophonie) jouent<br />
finalement franc jeu en soutenant ouvertement<br />
et sans vergogne la partition que<br />
le Président Jovenel Moïse leur a soumise.<br />
Elle consiste, en fait, à les faire<br />
accepter, peut-être en désespoir de cause,<br />
l’alternative qui lui parait le plus consensuelle<br />
et sans doute qui fait l’unanimité<br />
au sein de ces trois institutions internationales<br />
: la réforme constitutionnelle tant<br />
souhaitée par tous mais jamais concrètement<br />
entamée et les élections générales<br />
au cours de cette année <strong>2021</strong> pour renouveler<br />
le personnel politique. C’est tout<br />
ce que demandent le Secrétaire général de<br />
l’ONU, Antonio Guterres, celui de l’OEA,<br />
Luis Almagro et celle de l’OIF, Louise Mushikiwabo.<br />
Et comme un présage, on a le<br />
sentiment que le Président Jovenel Moïse,<br />
sur ces deux thématiques, tiendrait parole.<br />
Il sait aussi qu’il n’a pas le choix.<br />
D’où, finalement et en toute logique, l’envoi<br />
à Port-au-Prince dès la fin de l’année<br />
2020 en soutien à ces deux décisions,<br />
d’émissaires et deux Conseillers chargés<br />
de guider et d’orienter le pouvoir sur ces<br />
sujets très controversés pour l’opposition<br />
qui a réalisé qu’elle s’est fait piéger par Jovenel<br />
Moïse qui est sur le point de réaliser<br />
le plus grand holdup politique et institutionnel<br />
depuis 1987 : une nouvelle Constitution<br />
avec un referendum populaire à<br />
la clé et des élections générales et ceci à<br />
lui tout seul.<br />
Puisque, en l’absence du Parlement<br />
et sans accord politique avec l’opposition<br />
sur la composition du Conseil<br />
Electoral Provisoire (CEP) et le Comité<br />
Consultatif Indépendant (CCI), il arrive<br />
à faire avaler son plan de la « Nouvelle<br />
Haïti » aux deux instances internationales<br />
les plus engagées politiquement<br />
et institutionnellement en Haïti depuis<br />
plus de trente ans. Devant tous ces faits<br />
marquants où le chef de l’Etat ne cesse<br />
de renforcer ses assises, que fait l’opposition<br />
ou que propose-t-elle en guise<br />
d’alternative au pouvoir qu’elle voulait<br />
remplacer le 7 février <strong>2021</strong>, rien ? Sinon<br />
de la chamaillerie avec une « Ribambelle<br />
» de propositions de sortie de crise<br />
dont aucune ne porte le sceau de l’unanimité<br />
encore moins de soutien collectif<br />
de l’ensemble de cette grande famille<br />
très divisée même au moment où elle<br />
devrait serer les rangs pour gagner contre<br />
un pouvoir, certes non populaire, mais<br />
suite à la page(13)<br />
Dr. Kesler Dalmacy<br />
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8 <strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
Vol 14 # 32 • Du <strong>10</strong> au 16 Février <strong>2021</strong>