Quand le réchauffement climatique jette un froid sur la planète
20 panneaux
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L’ours po<strong>la</strong>ire dépend de son environnement naturel, <strong>la</strong><br />
Ours<br />
po<strong>la</strong>ire<br />
(Ursus maritimus)<br />
banquise arctique, où ce grand mammifère marin, carnivore<br />
règne en maître. C’est bel et bien <strong>la</strong> fonte de son territoire de<br />
chasse, due au <strong>réchauffement</strong> <strong>climatique</strong>, qui l’affame et<br />
l’épuise. Mais on <strong>le</strong> voit aujourd’hui se mettre à coloniser de<br />
nouveaux territoires.<br />
Les ours b<strong>la</strong>ncs se dép<strong>la</strong>cent <strong>sur</strong> <strong>la</strong> banquise en recherche de<br />
phoques, dont <strong>la</strong> graisse (plus riche en calories que <strong>la</strong><br />
viande) <strong>le</strong>ur permet de subvenir à <strong>le</strong>urs besoins<br />
énergétiques pour chasser, se dép<strong>la</strong>cer, se nourrir et jeûner,<br />
lorsqu’ils rejoignent <strong>la</strong> terre ferme, pendant <strong>la</strong> fonte de <strong>la</strong><br />
banquise. Cel<strong>le</strong>-ci se forme à présent de plus en plus tard en<br />
automne et fond de plus en plus tôt en été, ce qui raccourcit<br />
dangereusement <strong>la</strong> période d’alimentation, ne permettant<br />
pas aux ours po<strong>la</strong>ires de se constituer des réserves de graisse<br />
en suffisance. Les p<strong>la</strong>ques de g<strong>la</strong>ce dérivantes s’éloignent de<br />
plus en plus de <strong>la</strong> côte et se réduisent aussi en tail<strong>le</strong> poussant<br />
<strong>le</strong>s ours à nager <strong>sur</strong> des centaines de kilomètres, nécessitant<br />
<strong>un</strong> effort physique considérab<strong>le</strong>.<br />
Le roi de l’Arctique est habitué à jeûner. L’ourse qui donne<br />
naissance à ses petits au milieu de l’hiver peut même rester<br />
sept mois sans s’alimenter, en puisant dans ses réserves. Mais<br />
l’allongement de quelques semaines d’<strong>un</strong> jeûne forcé,<br />
combiné à <strong>la</strong> réduction du territoire de chasse estival est<br />
souvent fatal pour <strong>un</strong> animal qui a déjà atteint ses limites<br />
physiologiques.<br />
Photo© J.-L K<strong>le</strong>in & M.-L Hubert / Naturagency<br />
Pour <strong>le</strong>s besoins de nos reportages,<br />
nous voyageons aux quatre coins de<br />
<strong>la</strong> p<strong>la</strong>nète mais l’Arctique agit <strong>sur</strong><br />
nous comme <strong>un</strong> véritab<strong>le</strong> aimant.<br />
Nous y retournons très régulièrement et<br />
certains lieux nous sont devenus<br />
familiers. Pourtant, depuis quelques<br />
années, <strong>la</strong> joie de retrouver ces paysages<br />
po<strong>la</strong>ires est teintée d’<strong>un</strong>e certaine<br />
appréhension. Année après année, <strong>le</strong>s<br />
fronts de g<strong>la</strong>ciers recu<strong>le</strong>nt…<br />
Le plus douloureux est sans doute d’assister à<br />
l’agonie d’<strong>un</strong> ours po<strong>la</strong>ire qui, faute de<br />
nourriture, meurt de faim. A notre approche,<br />
l’animal couché <strong>sur</strong> <strong>le</strong> f<strong>la</strong>nc aura juste <strong>la</strong> force<br />
de <strong>le</strong>ver <strong>la</strong> tête, de nous observer <strong>un</strong> court instant<br />
avant de se <strong>la</strong>isser retomber, épuisé. Ce regard<br />
vide, dans <strong>le</strong>quel nous pouvons lire <strong>un</strong>e immense<br />
détresse mais aussi l’acceptation d’<strong>un</strong>e mort toute<br />
proche, provoque en nous <strong>un</strong>e émotion très forte.<br />
Ce n’est pas seu<strong>le</strong>ment <strong>la</strong> gêne de voyeurisme ou<br />
notre tota<strong>le</strong> impuissance face à <strong>un</strong> dénouement<br />
fatal. Nous ressentons <strong>un</strong>e immense gif<strong>le</strong>, <strong>le</strong><br />
reproche d’<strong>un</strong>e responsabilité bafouée à l’égard du<br />
vivant…<br />
J.-L K<strong>le</strong>in & M.-L Hubert,<br />
photographes animaliers professionnels<br />
Ba<strong>le</strong>ine<br />
à bosse<br />
(Megaptera novaeangliae)<br />
Les ba<strong>le</strong>ines contribuent à <strong>la</strong> régu<strong>la</strong>tion des émissions de<br />
CO2, de manière fort origina<strong>le</strong> de par <strong>le</strong>ur production<br />
d’excréments. Consommant des tonnes de krill, Les<br />
déjections des ba<strong>le</strong>ines sont très riches en fer et fournissent<br />
ainsi beaucoup de nutriments au phytop<strong>la</strong>ncton, ce qui a<br />
pour conséquence <strong>un</strong>e production massive. Or, ce dernier<br />
en plus d’être <strong>un</strong>e des sources principa<strong>le</strong>s en oxygène de <strong>la</strong><br />
p<strong>la</strong>nète, absorbe aussi <strong>le</strong> dioxyde de carbone. Depuis des<br />
millions d’années, <strong>le</strong>s cadavres des ba<strong>le</strong>ines jouent <strong>un</strong> grand<br />
rô<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s réseaux trophiques et <strong>le</strong>s écosystèmes des<br />
grands fonds marins. Bien plus riche en lipides et protéines<br />
que tous <strong>le</strong>s autres cadavres de vertébrés marins, ils forment<br />
des oasis de biodiversité pour de nombreuses espèces<br />
nécrophages.<br />
La réapparition en nombre et <strong>la</strong> restauration des<br />
popu<strong>la</strong>tions de ba<strong>le</strong>ines, au niveau d’avant <strong>le</strong>s grands<br />
massacres de l’ère industriel<strong>le</strong>, seraient donc intéressantes.<br />
Photo©Sylvain Girardot / Naturagency<br />
De mémoire de Polynésiens, <strong>la</strong><br />
ba<strong>le</strong>ine à bosse a toujours fréquenté<br />
<strong>le</strong>s eaux de Polynésie française de<br />
juil<strong>le</strong>t à octobre. Venant des eaux<br />
<strong>froid</strong>es d’Antarctique, el<strong>le</strong>s recherchent<br />
<strong>un</strong> climat propice pour donner <strong>la</strong> vie.<br />
Au <strong>la</strong>rge de Tahiti, où <strong>le</strong>s rencontres se<br />
multiplient pour devenir quotidiennes en<br />
saison alors qu’el<strong>le</strong>s étaient<br />
exceptionnel<strong>le</strong>s il y a encore <strong>un</strong>e<br />
décennie, cette je<strong>un</strong>e femel<strong>le</strong> d’<strong>un</strong>e<br />
douzaine de mètres jouait avec des<br />
dauphins en <strong>sur</strong>face. Très intriguée par notre<br />
présence, el<strong>le</strong> se tournait de temps à autres<br />
dans notre direction. Recherchant <strong>la</strong><br />
proximité, ce doci<strong>le</strong> mégaptère s’est alors<br />
approché à moins de 50 mètres de mon optique,<br />
avant de se retirer « <strong>sur</strong> <strong>la</strong> pointe des nageoires »<br />
dans <strong>un</strong>e marche arrière précautionneuse pour<br />
retrouver ses compagnons de jeux. Dotée d’<strong>un</strong>e<br />
désarmante bienveil<strong>la</strong>nce, <strong>la</strong> ba<strong>le</strong>ine à bosse se<br />
remet <strong>le</strong>ntement du mauvais traitement que<br />
l’homme lui a longtemps réservé.<br />
Bec<br />
en sabot<br />
(Ba<strong>la</strong>eniceps rex)<br />
Le bec en sabot du Nil est <strong>un</strong> grand échassier, à l’allure<br />
origina<strong>le</strong>, endémique du continent africain. Il arbore <strong>le</strong>s<br />
marais ou <strong>le</strong>s bords de <strong>la</strong>cs où poussent des roseaux et des<br />
papyrus. Il se nourrit principa<strong>le</strong>ment de poissons,<br />
d’amphibiens et de repti<strong>le</strong>s. Cet oiseau, dont l’envergure<br />
peut atteindre 2,30 mètres n’est pas <strong>un</strong> migrateur, mais si <strong>la</strong><br />
nourriture vient à manquer, il peut effectuer des<br />
mouvements saisonniers entre <strong>le</strong> site du nid et <strong>le</strong>s zones de<br />
nourrissage. Les menaces qui pèsent actuel<strong>le</strong>ment <strong>sur</strong> <strong>la</strong><br />
destruction de son habitat, asséché pour en faire des terres<br />
cultivab<strong>le</strong>s, sont aujourd’hui accentuées par <strong>le</strong><br />
<strong>réchauffement</strong> <strong>climatique</strong> et l’espèce est désormais<br />
considérée comme vulnérab<strong>le</strong> par l’UICN.<br />
Photo©Christophe Courteau / Naturagency<br />
Pour photographier <strong>le</strong> bec en sabot,<br />
j’ai dû m’aventurer dans <strong>le</strong>s<br />
marécages reculés d’Ouganda. Cet<br />
oiseau étrange à l’allure<br />
préhistorique risque pourtant sa<br />
peau avec <strong>le</strong>s bou<strong>le</strong>versements<br />
<strong>climatique</strong>s. Selon <strong>le</strong>s ornithologues<br />
que j’ai rencontrés, si <strong>la</strong> sécheresse<br />
s’instal<strong>le</strong> durab<strong>le</strong>ment au cœur de<br />
l’Afrique, et assèche à grande<br />
échel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s zones de marais, son<br />
<strong>un</strong>ique habitat, alors <strong>le</strong>s 8 000<br />
derniers becs en sabot n’auront<br />
auc<strong>un</strong>e chance. Leur chance de<br />
s’adapter à <strong>un</strong> nouvel<br />
environnement aussi rapidement<br />
risque d’être faib<strong>le</strong>.<br />
Christophe Courteau,<br />
photographe animalier professionnel<br />
Sylvain Girardot, photographe animalier<br />
Photo©Samuel Bitton / Naturagency<br />
Éléphant<br />
de mer<br />
(Miro<strong>un</strong>ga Leonina)<br />
L’éléphant de mer du Sud est <strong>le</strong> plus grand des phoques.<br />
Connu pour ses prouesses en matière d’apnée et de plongée<br />
sous-marine, dans <strong>le</strong>s mers austra<strong>le</strong>s, ce mammifère marin<br />
est devenu <strong>un</strong> véritab<strong>le</strong> auxiliaire scientifique. Doté de balise,<br />
ou de transmetteur satellitaire, il a permis aux chercheurs de<br />
recueillir de précieuses informations <strong>sur</strong> <strong>le</strong> climat, <strong>le</strong>s<br />
courants marins, <strong>le</strong>s échanges entre océan et atmosphère, et<br />
bien d’autres encore. L’océan Austral joue <strong>un</strong> rô<strong>le</strong> essentiel<br />
<strong>sur</strong> notre climat et <strong>sur</strong> <strong>le</strong> stockage du dioxyde carbone (CO2),<br />
produit dans l’atmosphère. Or, <strong>la</strong> perte de <strong>la</strong> densité de ses<br />
eaux et l’augmentation des températures (en lien avec <strong>la</strong><br />
fonte des g<strong>la</strong>ces de l’Antarctique) engendrent tout à <strong>la</strong> fois<br />
<strong>un</strong>e modification importante des flux thermiques, avec <strong>un</strong>e<br />
répercussion <strong>sur</strong> notre climat, et <strong>un</strong>e fragilisation du<br />
mécanisme de dissolution du CO2. Les études menées ont<br />
aussi permis de mettre en évidence <strong>un</strong> lien entre <strong>le</strong> déclin de<br />
certaines popu<strong>la</strong>tions d’éléphants de mer et <strong>le</strong>s<br />
changements atmosphériques et océanographiques.<br />
Photo©J.-L K<strong>le</strong>in & M.-L Hubert / Naturagency<br />
En effet, <strong>le</strong> <strong>réchauffement</strong> de l’océan Austral, associé à <strong>un</strong>e<br />
diminution de <strong>la</strong> banquise entraînent <strong>un</strong>e importante<br />
diminution du stock de krill (qui se nourrit principa<strong>le</strong>ment<br />
des algues de g<strong>la</strong>ce), à <strong>la</strong> base de nombreux réseaux<br />
trophiques antarctiques. Dès lors, <strong>la</strong> réaction en chaîne ne se<br />
fait pas attendre et déstabilise tout <strong>un</strong> écosystème al<strong>la</strong>nt du<br />
phytop<strong>la</strong>ncton aux poissons, mammifères marins, grands<br />
cétacés, oiseaux… !<br />
S’il est <strong>un</strong> rituel que <strong>le</strong>s français<br />
connaissent bien, c’est <strong>la</strong> bise. Une,<br />
deux, trois ? Ça dépend des régions.<br />
Ce je<strong>un</strong>e éléphant de mer<br />
fraîchement sevré m’en administra<br />
quelques <strong>un</strong>e des ses vibrisses dures<br />
comme <strong>un</strong>e brosse à chiendent. Il<br />
m’avait pris pour sa maman !<br />
J.-L K<strong>le</strong>in & M.-L Hubert,<br />
photographes animaliers professionnels<br />
La fonte<br />
des g<strong>la</strong>ciers<br />
(G<strong>la</strong>cier d’A<strong>le</strong>tsch)<br />
Un g<strong>la</strong>cier est influencé par tout <strong>un</strong> ensemb<strong>le</strong> de facteurs<br />
physiques et par <strong>un</strong>e interconnexion comp<strong>le</strong>xe des facteurs<br />
<strong>climatique</strong>s. Le <strong>réchauffement</strong> de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nète en est l’<strong>un</strong> d’eux<br />
et conduit notamment à <strong>un</strong>e accélération du recul de <strong>la</strong><br />
banquise et des g<strong>la</strong>ciers, de <strong>la</strong> disparition des icebergs et de<br />
<strong>la</strong> fonte de <strong>la</strong> calotte g<strong>la</strong>ciaire. Lutter contre <strong>le</strong>s émissions de<br />
gaz à effet de serre, en partie responsab<strong>le</strong>s, est indispensab<strong>le</strong><br />
pour préserver à <strong>la</strong> fois <strong>la</strong> ressource en eau potab<strong>le</strong>, limiter <strong>la</strong><br />
hausse du niveau de <strong>la</strong> mer et protéger <strong>le</strong>s autochtones et<br />
<strong>le</strong>s espèces.<br />
Depuis mon plus je<strong>un</strong>e âge, <strong>la</strong><br />
nature exerce en moi <strong>un</strong> immense<br />
sentiment de bien-être. J’ai toujours<br />
été attiré par <strong>le</strong>s paysages sauvages et<br />
fasciné par <strong>la</strong> montagne et son caractère<br />
majestueux. Les g<strong>la</strong>ciers sont <strong>un</strong>e preuve<br />
tel<strong>le</strong>ment concrète et visib<strong>le</strong> du<br />
<strong>réchauffement</strong> <strong>climatique</strong>. 95% des g<strong>la</strong>ciers<br />
des Alpes sont en retrait depuis plus de 20<br />
ans. Sur cette photo on voit très c<strong>la</strong>irement <strong>la</strong><br />
perte de masse du g<strong>la</strong>cier grâce à <strong>la</strong> ligne de<br />
roche grisâtre d’<strong>un</strong>e centaine de mètres de<br />
hauteur qui suit toute <strong>la</strong> longueur du g<strong>la</strong>cier<br />
<strong>sur</strong> <strong>le</strong> f<strong>la</strong>nc de <strong>la</strong> montagne, c’est <strong>le</strong> niveau du<br />
g<strong>la</strong>cier il y a environ 100 ans en arrière. Cette<br />
ligne de moraine est visib<strong>le</strong> <strong>sur</strong> <strong>le</strong>s bords de<br />
presque tous <strong>le</strong>s g<strong>la</strong>ciers des Alpes.<br />
Aujourd’hui, mon but principal est de continuer<br />
à capturer <strong>la</strong> nature et de partager ces moments<br />
<strong>un</strong>iques que Mère Nature nous offre si<br />
gracieusement.<br />
Samuel Bitton, photographe<br />
Les <strong>la</strong>cs<br />
Tout comme <strong>le</strong> <strong>la</strong>c Khövgsgöl, <strong>le</strong> <strong>la</strong>c Baïkal constitue <strong>un</strong>e<br />
mer d’eau douce sacrée pour ses habitants. Inscrit par<br />
l’Unesco au Patrimoine de l’humanité pour sa richesse<br />
écologique, ces « Ga<strong>la</strong>pagos » de <strong>la</strong> Russie contiennent<br />
20% de l’eau douce du Monde et accueil<strong>le</strong>nt <strong>un</strong>e des<br />
fa<strong>un</strong>es <strong>le</strong>s plus riches et origina<strong>le</strong>s, tel <strong>le</strong> phoque de<br />
Sibérie (ou nerpa), présentant <strong>un</strong>e va<strong>le</strong>ur exceptionnel<strong>le</strong><br />
pour <strong>la</strong> science de l’évolution.<br />
Le <strong>la</strong>c s’est réchauffé de 1,21°C depuis 1946, soit deux fois<br />
plus rapidement que <strong>le</strong> <strong>réchauffement</strong> des températures<br />
atmosphériques mondia<strong>le</strong>s, menaçant l’ensemb<strong>le</strong> de<br />
l’équilibre de <strong>la</strong> chaîne alimentaire et entraînant <strong>un</strong>e<br />
importante diminution du nombre de jours annuels de<br />
g<strong>la</strong>ce.<br />
Si <strong>la</strong> g<strong>la</strong>ce se brise, <strong>le</strong> phoque du <strong>la</strong>c Baïkal élèvera sa<br />
progéniture dans <strong>la</strong> g<strong>la</strong>ce fondue, <strong>le</strong>s bébés phoques<br />
deviendront plus vulnérab<strong>le</strong>s en subissant <strong>le</strong>s assauts<br />
des corneil<strong>le</strong>s asiatiques !<br />
Photo©Céline Jentzsch / Naturagency<br />
Déjà sous <strong>le</strong> charme du <strong>la</strong>c Baïkal<br />
en Sibérie, je n’ai pas résisté à<br />
celui de son petit frère, per<strong>le</strong> b<strong>le</strong>ue<br />
de <strong>la</strong> Mongolie, <strong>le</strong> <strong>la</strong>c Khövgsgöl,<br />
aux eaux pures et limpides, miroir<br />
g<strong>la</strong>cé aux ref<strong>le</strong>ts b<strong>le</strong>utés l’hiver,<br />
terre sacrée des Tsaatan.<br />
L’humain, <strong>la</strong> beauté d’<strong>un</strong> lieu, <strong>le</strong><br />
rêve et <strong>la</strong> douceur, c’est ce que<br />
j’ai à cœur de continuer à<br />
transmettre… Préservons<br />
ensemb<strong>le</strong> ces instants et cette<br />
nature fragi<strong>le</strong>.<br />
Céline Jentzsch, photographe
Bien qu’animal emblématique et <strong>la</strong> plus haute des espèces,<br />
Photo©J.-L K<strong>le</strong>in & M.-L Hubert / Naturagency<br />
Photo©Christophe Courteau / Naturagency<br />
Photo©J.-L K<strong>le</strong>in & M.-L Hubert / Naturagency<br />
Girafes<br />
(Giraffa camelopardalis)<br />
<strong>la</strong> girafe semb<strong>le</strong> avoir été oubliée des scientifiques, comme si<br />
el<strong>le</strong> ne pouvait qu’être là, immuab<strong>le</strong>, en toi<strong>le</strong> de fond. Or, <strong>la</strong><br />
réalité est tout autre, et <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion de girafes accuserait<br />
depuis 15 ans, <strong>un</strong>e perte de 40% de ses effectifs. El<strong>le</strong>s sont<br />
encore présentes (3 espèces) dans 21 pays d’Afrique, mais <strong>la</strong><br />
perte et <strong>la</strong> fragmentation de <strong>le</strong>ur habitat, au profit entre<br />
autres de l’agriculture, doublé de périodes de sécheresse<br />
prolongées ont engendré <strong>un</strong>e restriction des portées et<br />
réduit <strong>la</strong> diversité génétique. Ce<strong>la</strong> a aussi conduit <strong>le</strong>s girafes à<br />
se nourrir <strong>sur</strong> <strong>le</strong>s récoltes des agriculteurs, avec à <strong>la</strong> clé <strong>un</strong>e<br />
augmentation du braconnage ! Les girafes méritent plus<br />
d’attention et d’efforts pour <strong>le</strong>ur protection et conservation.<br />
Dans <strong>le</strong>s années 90, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion de <strong>la</strong> girafe de l’Ouest était<br />
menacée d’extinction au Niger, suite à <strong>un</strong>e forte croissance<br />
démographique et aux périodes successives de sécheresse.<br />
Des me<strong>sur</strong>es importantes de protection ont alors été prises<br />
et ont permis de sauver cette girafe. Les écologistes ont alors<br />
travaillé avec <strong>le</strong>s vil<strong>la</strong>geois du Niger en <strong>le</strong>s aidant à p<strong>la</strong>nter<br />
des milliers d’arbres d’acacia, permettant ainsi aux girafes de<br />
se nourrir sans puiser dans <strong>le</strong>s cultures des paysans.<br />
Aujourd’hui on dénombre près de 400 de ces girafes contre<br />
<strong>un</strong>e cinquantaine en 1996. Alors bien <strong>sur</strong> tout ce<strong>la</strong> reste<br />
fragi<strong>le</strong>, mais <strong>le</strong>s résultats sont positifs et tel<strong>le</strong>ment<br />
encourageants !<br />
Jambes déme<strong>sur</strong>ées, cou<br />
interminab<strong>le</strong>, <strong>la</strong>ngue b<strong>le</strong>ue, <strong>la</strong> girafe<br />
n’a pas sa pareil<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> monde<br />
animal. Tel<strong>le</strong> <strong>un</strong>e armada de<br />
vaisseaux, <strong>un</strong> groupe de girafes<br />
ondu<strong>le</strong> dans <strong>la</strong> fata morgana d’<strong>un</strong><br />
<strong>la</strong>c asséché du Kenya, fou<strong>la</strong>nt <strong>la</strong><br />
poussière d’<strong>un</strong> pas altier.<br />
J.-L K<strong>le</strong>in & M.-L Hubert,<br />
photographes animaliers professionnels<br />
Goril<strong>le</strong> des<br />
montagnes<br />
(Goril<strong>la</strong> beringei beringei)<br />
Les goril<strong>le</strong>s des montagnes sont végétariens et dépendent<br />
de <strong>la</strong> richesse et de <strong>la</strong> diversité de <strong>la</strong> végétation de <strong>le</strong>ur<br />
habitat naturel. Ils se nourrissent de plusieurs dizaines<br />
d’espèces de p<strong>la</strong>ntes se développant dans des<br />
environnements humides et en altitude. Le changement<br />
<strong>climatique</strong> peut conduire à <strong>un</strong>e modification de cette<br />
végétation. Le goril<strong>le</strong> des montagnes aura-t-il alors <strong>le</strong> temps<br />
de s’adapter à de nouvel<strong>le</strong>s espèces ou à <strong>la</strong> raréfaction de<br />
son régime alimentaire ?<br />
Par ail<strong>le</strong>urs, si ces grands singes doivent se dép<strong>la</strong>cer, à <strong>la</strong><br />
recherche de meil<strong>le</strong>ures conditions, qu’adviendra-t-il de <strong>le</strong>ur<br />
rencontre avec des hommes, qui eux aussi devront faire face<br />
au rendement moindre de <strong>le</strong>urs cultures ?<br />
880 : c’est <strong>le</strong> nombre de goril<strong>le</strong>s des<br />
montagnes recensés en 2015. Depuis<br />
10 ans, j’ai régulièrement vu ce chiffre<br />
augmenter à chac<strong>un</strong> de mes voyages.<br />
C’est évidemment <strong>un</strong> signe<br />
encourageant qui montre que <strong>la</strong><br />
politique de conservation de l’espèce<br />
est <strong>un</strong> vrai succès.<br />
Mais c’est l’arbre qui cache <strong>la</strong> forêt, car<br />
ces grands singes ne vivent que dans <strong>un</strong>e<br />
zone minuscu<strong>le</strong>, <strong>un</strong> confetti <strong>sur</strong> <strong>la</strong> carte de<br />
l’Afrique. La chaîne des volcans qui s’étend<br />
entre <strong>le</strong> Congo, <strong>le</strong> Rwanda et l’Ouganda, est<br />
<strong>le</strong>ur tout dernier refuge. Si <strong>le</strong> climat change<br />
radica<strong>le</strong>ment dans <strong>la</strong> région, il poussera <strong>le</strong>s<br />
popu<strong>la</strong>tions loca<strong>le</strong>s à rechercher de nouvel<strong>le</strong>s<br />
terres, en empiétant alors <strong>sur</strong> cel<strong>le</strong>s des goril<strong>le</strong>s, ces<br />
derniers n’auront nul<strong>le</strong> part où al<strong>le</strong>r sachant qu’ils<br />
sont tota<strong>le</strong>ment dépendants de <strong>le</strong>ur écosystème, <strong>un</strong><br />
habitat <strong>un</strong>ique au monde.<br />
Christophe Courteau,<br />
photographe animalier professionnel<br />
Grand<br />
panda<br />
(Ailuropoda me<strong>la</strong>no<strong>le</strong>uca)<br />
Les pandas géants ou grands pandas vivent en liberté en<br />
Chine. Cet ursidé a besoin d’espaces et de forêts, et se nourrit<br />
principa<strong>le</strong>ment de bambous, dont il est très friand. Or, ce<br />
végétal est fragi<strong>le</strong>, aux capacités d’adaptation très limitées,<br />
et sous l’effet du changement <strong>climatique</strong>, <strong>la</strong> superficie de ses<br />
forêts diminue, pouvant rendre tota<strong>le</strong>ment inhospitalier<br />
l’habitat naturel du grand panda, animal tant adulé mais<br />
déjà fortement menacé.<br />
Avec sa bouil<strong>le</strong> sympathique en<br />
• • •(*), • <strong>le</strong> grand panda est devenu<br />
<strong>le</strong> symbo<strong>le</strong> de <strong>la</strong> protection de <strong>la</strong><br />
nature, sorte de porte-drapeau pour<br />
toutes <strong>le</strong>s espèces anima<strong>le</strong>s<br />
menacées de disparition. L’existence<br />
et l’avenir de ce p<strong>la</strong>ntigrade sont à<br />
présent entièrement contrôlés par<br />
l’humain… pour <strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur et pour<br />
<strong>le</strong> pire. Faudra-t-il envisager <strong>la</strong><br />
<strong>sur</strong>vie du panda <strong>un</strong>iquement en<br />
captivité ?<br />
(*) noir et b<strong>la</strong>nc<br />
J.-L K<strong>le</strong>in & M.-L Hubert,<br />
photographes animaliers professionnels<br />
Grizzly<br />
(Ursus arctos horribilis)<br />
Le grizzly aime <strong>le</strong>s grands espaces et <strong>le</strong>s régions<br />
montagneuses nord américaines et se montre <strong>un</strong> fort bon<br />
pêcheur de truites et de saumons, dont il est très friand et<br />
qu’il attrape à coups de patte, vif comme l’éc<strong>la</strong>ir.<br />
Dernièrement, <strong>la</strong> température de l’eau ne cessant de croître,<br />
<strong>le</strong>s poissons sont quelque peu déboussolés et remontent <strong>le</strong>s<br />
rivières et <strong>le</strong>s torrents avec parfois six semaines d’avance,<br />
modifiant par <strong>la</strong> même <strong>le</strong>s habitudes du grizzly. Autre<br />
phénomène, certes isolé, mais qui interroge <strong>la</strong> comm<strong>un</strong>auté<br />
scientifique : l’accoup<strong>le</strong>ment entre grizzly et ours po<strong>la</strong>ire<br />
donnant naissance à des petits «gro<strong>la</strong>rs» (ou pizzlys). En effet<br />
<strong>le</strong>s grizzlys commencent à empiéter <strong>sur</strong> <strong>le</strong>s terres de l’ours<br />
b<strong>la</strong>nc, ce qui pourrait fortement perturber <strong>le</strong>s popu<strong>la</strong>tions et<br />
<strong>le</strong>s écosystèmes.<br />
Bob était de loin <strong>le</strong> plus gros<br />
grizzly de <strong>la</strong> crique. Bien<br />
qu’habitué à pêcher plus de<br />
Photo©Mathieu Pujol / Naturagency<br />
60 saumons par jours, sa démarche<br />
noncha<strong>la</strong>nte, son intérêt pour <strong>le</strong>s<br />
plongeons et autres jeux d’eau me<br />
faisaient rapidement oublier son<br />
statut de super prédateur. Mais <strong>le</strong>s<br />
forces de <strong>la</strong> nature ont aussi des<br />
points faib<strong>le</strong>s, <strong>la</strong> migration des<br />
saumons est celui de Bob car pour<br />
constituer ses réserves hiverna<strong>le</strong>s, il<br />
lui faut pêcher des poissons tout<br />
l’été, qu’en sera-t-il si <strong>le</strong>s saumons<br />
ne remontent plus sa crique favorite ?<br />
Que feront <strong>le</strong>s ours lorsque <strong>la</strong> rivière<br />
nata<strong>le</strong> des saumons ne sera plus<br />
alimentée par <strong>le</strong> g<strong>la</strong>cier de montagne ?<br />
Voici des questions que peu de gens se<br />
posent lorsqu’ils observent cet animal<br />
remarquab<strong>le</strong>.<br />
Mathieu Pujol,<br />
photographe animalier<br />
Guépard<br />
(Acinonyx jubatus)<br />
Le guépard est <strong>un</strong> félin spécialisé qui se nourrit<br />
exclusivement de proies vivantes, principa<strong>le</strong>ment de<br />
petites gazel<strong>le</strong>s et antilopes. Ces dernières se raréfient, et<br />
<strong>la</strong> concurrence est rude. Aujourd’hui, l’équilibre de<br />
l’écosystème de certaines réserves africaines, comme <strong>le</strong><br />
Maasaï-Mara, au Kenya, est sérieusement menacé. Le<br />
dérèg<strong>le</strong>ment <strong>climatique</strong> qui augmente et intensifie <strong>le</strong>s<br />
périodes de sécheresse, appauvrissant <strong>le</strong>s terres, vient<br />
s’ajouter aux autres difficultés à maintenir ce biotope<br />
<strong>un</strong>ique en équilibre. Les espaces se resserrent et <strong>le</strong>s<br />
conflits entre prédateurs affamés eux-mêmes et avec<br />
l’homme, jusqu’à présent exceptionnels, s’intensifient et<br />
ce, au détriment du guépard, espèce vulnérab<strong>le</strong> selon<br />
l’UICN.<br />
Photo©Tony Crocetta / Naturagency<br />
Limiter <strong>la</strong> mortalité importante des<br />
guépardeaux permettra, j’en ai <strong>la</strong><br />
ferme conviction, <strong>un</strong> rééquilibrage<br />
de l’écosystème de Maasaï-Mara,<br />
ainsi qu’<strong>un</strong>e hausse rapide et<br />
significative des effectifs de cette<br />
espèce, l’<strong>un</strong>e des plus<br />
charismatiques et ambassadrices de<br />
<strong>la</strong> savane africaine, et pour <strong>la</strong>quel<strong>le</strong><br />
j’ai décidé de me battre. Je ne peux<br />
me résigner à observer <strong>le</strong>s graves<br />
menaces d’extinction qui pèsent <strong>sur</strong><br />
<strong>le</strong> guépard, sans agir !<br />
Tony Crocetta,<br />
photographe animalier<br />
Guifettes<br />
moustac<br />
(Chlidonias hybrida)<br />
La guifette moustac est <strong>un</strong> oiseau migrateur qui niche <strong>sur</strong><br />
quelques-<strong>un</strong>s de nos étangs français pour se reproduire, puis<br />
el<strong>le</strong> hiverne en grande partie dans <strong>le</strong> sud du Sahara. Cette<br />
sterne se nourrit principa<strong>le</strong>ment de petits poissons,<br />
d’insectes et de <strong>la</strong>rves. Le régime alimentaire des oiseaux<br />
migrateurs <strong>le</strong>s rend particulièrement dépendants des<br />
milieux où ils vivent, et de ce fait, des conditions <strong>climatique</strong>s<br />
dans <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s ils pourront prospérer, nécessaires à <strong>le</strong>ur<br />
<strong>sur</strong>vie et à <strong>le</strong>ur reproduction. D’après <strong>le</strong>s observations, <strong>le</strong>s<br />
migrateurs à long cours semb<strong>le</strong>nt être, dans l’ensemb<strong>le</strong>,<br />
désavantagés par rapport aux espèces faib<strong>le</strong>ment<br />
migratrices ou sédentaires, avec toutefois de grandes<br />
disparités <strong>sur</strong> <strong>le</strong>s influences biologiques. Ainsi, <strong>le</strong>s<br />
changements <strong>climatique</strong>s peuvent induire d’importantes<br />
sécheresses, notamment en Afrique, qui vont d’<strong>un</strong>e part<br />
augmenter <strong>le</strong>s trajets à parcourir et d’autre part être <strong>la</strong> cause<br />
d’<strong>un</strong> important déficit en eau, pouvant alors entraîner <strong>un</strong><br />
déclin des popu<strong>la</strong>tions. Il apparaît que <strong>la</strong> guifette moustac,<br />
comme quelques autres espèces migratrices<br />
trans-sahariennes, ont tendance depuis quelques années à<br />
hiverner en petit nombre en Europe du sud, y compris en<br />
Photo©Jean-Michel Lenoir / Naturagency<br />
France. D’autres reviennent plus tôt au printemps, comme<br />
c’est <strong>le</strong> cas de l’hirondel<strong>le</strong> de rivage, al<strong>la</strong>nt de pair avec <strong>un</strong>e<br />
élévation des températures printanières. Ces oiseaux<br />
auraient-ils trouvé <strong>la</strong> parade au <strong>réchauffement</strong> <strong>climatique</strong> ?<br />
S’il est encore trop tôt pour l’affirmer, il convient de s’y<br />
intéresser pour mieux préserver l’avifa<strong>un</strong>e.<br />
A travers mes images, je tente de<br />
restituer l’ambiance et l’émotion<br />
ressentie. Lumière et graphisme sont<br />
deux composantes essentiel<strong>le</strong>s de<br />
mon approche photographique, car<br />
ce sont el<strong>le</strong>s qui dessinent l’image et<br />
restituent <strong>la</strong> force d’<strong>un</strong>e émotion. Je<br />
ne cherche pas <strong>le</strong> descriptif mais<br />
plutôt <strong>le</strong> suggestif, ce qui raconte<br />
<strong>un</strong>e histoire, <strong>un</strong>e rencontre. Ici en<br />
Sologne, où <strong>la</strong> guifette moustac,<br />
accompagnée de ses poussins,<br />
solidifie son nid <strong>sur</strong> <strong>le</strong>s nénuphars, à<br />
<strong>la</strong> manière d’<strong>un</strong> radeau flottant.<br />
Jean-Michel Lenoir, photographe animalier
Ces merveil<strong>le</strong>s naturel<strong>le</strong>s supportent mal <strong>la</strong> hausse des<br />
Les<br />
coraux<br />
températures océaniques. Au-delà de 30° C, <strong>le</strong>s récifs<br />
coralliens subissent des phénomènes de b<strong>la</strong>nchiment,<br />
processus bien connu, susceptib<strong>le</strong> d’entraîner <strong>la</strong> mort de<br />
l’animal dans 15 à 60% des cas.<br />
En effet, <strong>le</strong>s coraux vivent en symbiose avec des algues<br />
microscopiques, <strong>le</strong>s zooxanthel<strong>le</strong>s, qui <strong>le</strong>ur apportent <strong>la</strong><br />
nourriture et <strong>le</strong>ur procurent de si bel<strong>le</strong>s cou<strong>le</strong>urs. Une<br />
élévation des températures de l’eau provoque l’expulsion de<br />
ces organismes par <strong>le</strong> corail, qui dès lors s’épuise et meurt de<br />
faim. Son sque<strong>le</strong>tte interne, mis à nu, explique alors sa<br />
cou<strong>le</strong>ur b<strong>la</strong>nche. Entre dix et quinze années sont nécessaires<br />
pour qu’<strong>un</strong> massif corallien se reconstitue, s’il subit entre<br />
temps d’autres agressions, il se pourrait bien que<br />
l’accumu<strong>la</strong>tion de ces menaces lui soit fata<strong>le</strong>. Par ail<strong>le</strong>urs,<br />
privées de <strong>le</strong>ur habitat, de multip<strong>le</strong>s espèces, dépendant du<br />
récif s’éteindront éga<strong>le</strong>ment. Les récifs coralliens abritent<br />
30 % des espèces marines.<br />
Photo©Pascal Kobeh / Naturagency<br />
Du fait de phénomènes cycliques<br />
comme El Niño et de l’acidification<br />
des océans, <strong>le</strong> Global Reef Monitoring<br />
Network, organisme australien de<br />
recherche <strong>sur</strong> <strong>le</strong>s coraux, estime que<br />
30% de récifs coralliens sont déjà<br />
morts, et si rien n’est fait 30%<br />
supplémentaires vont disparaître dans <strong>le</strong>s<br />
trente prochaines années.<br />
<strong>Quand</strong> on sait que l’écosystème corallien<br />
permet de protéger <strong>le</strong>s î<strong>le</strong>s et atolls<br />
d’éventuels ras de marée, et de maintenir <strong>la</strong><br />
richesse aquatique, il y a de quoi s’inquiéter !<br />
J’ai moi même été <strong>le</strong> témoin de ce phénomène<br />
imputab<strong>le</strong> à El Niño. Ce<strong>la</strong> s’est passé<br />
extrêmement vite et en à peine <strong>un</strong>e quinzaine<br />
de jours, presque tous <strong>le</strong>s p<strong>la</strong>tiers des Maldives<br />
étaient au printemps 1998 complètement<br />
b<strong>la</strong>ncs : on aurait dit qu’il avait neigé ! C’est <strong>un</strong>e<br />
année où il a fait exceptionnel<strong>le</strong>ment chaud aux<br />
Maldives, entre 30 et 35° dans l’air et dans l’eau<br />
des océans. Ce phénomène n’a pas été propre à<br />
l’archipel. Les Seychel<strong>le</strong>s ont entre autres aussi été<br />
touchées… Quelques mois plus tard dans certains<br />
atolls des Maldives, 90% des coraux étaient morts.<br />
Manchot<br />
Empereur<br />
(Aptenodytes forsteri)<br />
Endémique et emblématique de l’Antarctique, <strong>le</strong> manchot<br />
empereur n’échappe pas aux pressions qui pèsent<br />
actuel<strong>le</strong>ment <strong>sur</strong> <strong>le</strong>s autres popu<strong>la</strong>tions de manchots<br />
(manchots d’Adélie, manchots à jugu<strong>la</strong>ire, manchots de<br />
Magel<strong>la</strong>n, entre autres), en lien avec <strong>le</strong> <strong>réchauffement</strong><br />
<strong>climatique</strong>.<br />
Il est <strong>le</strong> seul oiseau qui se reproduit durant <strong>le</strong> très rude hiver<br />
austral. Son cyc<strong>le</strong> de reproduction est en lien étroit avec celui<br />
de <strong>la</strong> banquise. Si <strong>la</strong> période d’embâc<strong>le</strong> (formation de <strong>la</strong><br />
banquise) commence plus tard et cel<strong>le</strong> de <strong>la</strong> débâc<strong>le</strong> (fonte<br />
des g<strong>la</strong>ces) de plus en plus tôt, ce<strong>la</strong> conduit à raccourcir <strong>la</strong><br />
période hiverna<strong>le</strong> et par conséquent <strong>la</strong> période de<br />
reproduction du manchot empereur. Par ail<strong>le</strong>urs, <strong>un</strong>e<br />
banquise fragi<strong>le</strong>, doublée de vents vio<strong>le</strong>nts font que de<br />
nombreux œufs et poussins sont emportés avant même<br />
d’être capab<strong>le</strong>s de <strong>sur</strong>vivre seuls. A contrario, si <strong>la</strong> banquise<br />
est trop rigide et persistante, <strong>le</strong>s femel<strong>le</strong>s doivent parcourir<br />
de trop grandes distances pour trouver de <strong>la</strong> nourriture. Tout<br />
est bel et bien <strong>un</strong>e question d’équilibre auquel il est<br />
important de veil<strong>le</strong>r !<br />
Photo© J.-L K<strong>le</strong>in & M.-L Hubert / Naturagency<br />
L’hôte de ces lieux g<strong>la</strong>cés est <strong>un</strong><br />
chef d’œuvre de l’évolution : qui<br />
d’autre peut s’enorgueillir de résister<br />
à des températures de -50°C, à des<br />
vents catabatiques de 250 km/h, de<br />
<strong>sur</strong>vivre à des jeûnes de près de<br />
4 mois en p<strong>le</strong>in hiver, de plonger à<br />
500 m de profondeur et pour<br />
couronner <strong>le</strong> tout, de donner<br />
naissance à <strong>un</strong> frê<strong>le</strong> oisillon en<br />
p<strong>le</strong>ine nuit antarctique.<br />
Mais à notre plus grand regret, face<br />
au <strong>réchauffement</strong> <strong>climatique</strong>, ce<br />
<strong>sur</strong>doué semb<strong>le</strong> bien vulnérab<strong>le</strong>…<br />
J.-L K<strong>le</strong>in & M.-L Hubert,<br />
photographes animaliers professionnels<br />
Renard<br />
po<strong>la</strong>ire<br />
(Vulpes <strong>la</strong>gopus)<br />
Le renard po<strong>la</strong>ire ou isatis s’est installé dans toutes <strong>le</strong>s<br />
zones de l’Arctique en y menant <strong>un</strong>e vie somme toute<br />
assez paisib<strong>le</strong>. Mais <strong>le</strong> <strong>réchauffement</strong> <strong>climatique</strong> qui sévit<br />
dans cette région du globe est bel et bien entrain de<br />
modifier <strong>la</strong> vie de ce petit carnivore. Il doit désormais faire<br />
face à <strong>un</strong> concurrent sérieux, <strong>le</strong> renard roux Vulpes vulpes),<br />
plus grand et plus fort, qui peu à peu, sous l’effet d’<strong>un</strong><br />
climat radouci, colonise son territoire de chasse. Non<br />
seu<strong>le</strong>ment il envahit <strong>le</strong>s terriers de son cousin po<strong>la</strong>ire et<br />
entre en compétition pour <strong>le</strong>s mêmes proies, mais il<br />
s’attaque aussi aux je<strong>un</strong>es renardeaux arctiques. Dans <strong>le</strong><br />
même temps, l’isatis voit son habitat, <strong>la</strong> to<strong>un</strong>dra arctique<br />
se modifier. Une diminution de <strong>la</strong> tail<strong>le</strong> et de <strong>la</strong> densité de<br />
ses proies principa<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s <strong>le</strong>mmings et des difficultés à<br />
accéder à ses propres réserves de cadavres d’oisons<br />
enterrés, à cause des pluies verg<strong>la</strong>çantes rendent diffici<strong>le</strong><br />
<strong>la</strong> vie actuel<strong>le</strong> du renard po<strong>la</strong>ire !<br />
Photo©J.-L K<strong>le</strong>in & M.-L Hubert / Naturagency<br />
A chaque retour d’expédition en<br />
Arctique, <strong>le</strong> jappement staccato du<br />
renard po<strong>la</strong>ire résonne longtemps<br />
dans nos oreil<strong>le</strong>s. Dans ces déserts<br />
g<strong>la</strong>cés, sa présence clownesque nous<br />
procure toujours <strong>un</strong>e immense joie.<br />
Mais sous l’effet du <strong>réchauffement</strong><br />
<strong>climatique</strong>, <strong>la</strong> to<strong>un</strong>dra évolue vers<br />
<strong>un</strong> milieu plus hospitalier. Cette<br />
bou<strong>le</strong> de poils aux yeux malicieux<br />
doit à présent s’effacer devant <strong>un</strong><br />
concurrent et cousin plus grand et<br />
plus agressif venu de <strong>la</strong> taïga :<br />
<strong>le</strong> renard roux.<br />
J.-L K<strong>le</strong>in & M.-L Hubert,<br />
photographes animaliers professionnels<br />
Pascal Kobeh, photographe subaquatique professionnel<br />
Éléphants<br />
d’Afrique<br />
(Loxodonta Africana)<br />
Exclusivement herbivores, <strong>le</strong>s éléphants d’Afrique<br />
passent près de 17 heures par jour à manger jusqu’à<br />
200 kg d’herbe et de feuil<strong>la</strong>ges et ingurgitent dans <strong>le</strong><br />
même temps 55 à 70 litres d’eau. Cet appétit colossal <strong>le</strong>s<br />
rend particulièrement vulnérab<strong>le</strong>s aux changements<br />
<strong>climatique</strong>s. La concurrence qu’engendre <strong>la</strong> quête d’eau<br />
et de nourriture entraîne <strong>un</strong> afflux important <strong>sur</strong> <strong>le</strong>ur<br />
passage, et <strong>la</strong> faim <strong>le</strong>s contraint alors à s’attaquer aux<br />
cultures des hommes. Le dérèg<strong>le</strong>ment du climat ne peut<br />
qu’aggraver ce conflit entre <strong>le</strong>s hommes et <strong>le</strong>s éléphants.<br />
Moins d’eau, c’est moins de nourriture, c’est aussi moins<br />
d’espaces à partager. L’immense savane paraît alors<br />
brusquement trop petite.<br />
Photo©Christophe Courteau / Naturagency<br />
Depuis mon avion, je repère deux<br />
éléphants réfugiés sous l’ombre<br />
du seul arbre encore vert à des<br />
kilomètres à <strong>la</strong> ronde dans <strong>le</strong><br />
désert du Ka<strong>la</strong>hari au Botswana.<br />
Dans ce milieu extrême, <strong>un</strong>e<br />
infime variation <strong>climatique</strong> prend<br />
immédiatement des proportions<br />
catastrophiques. Les grands<br />
mammifères peuvent se retrouver<br />
piégés au milieu de nul<strong>le</strong> part,<br />
sans eau.<br />
Christophe Courteau,<br />
photographe animalier professionnel<br />
Boa<br />
canin<br />
(Corallus canina)<br />
Le boa canin ou boa émeraude est <strong>un</strong> serpent, et comme<br />
tous <strong>le</strong>s repti<strong>le</strong>s, il a besoin d’<strong>un</strong>e source de cha<strong>le</strong>ur externe,<br />
il est ectotherme. La non-thermorégu<strong>la</strong>tion bien spécifique<br />
des serpents <strong>le</strong>s rend très sensib<strong>le</strong>s aux variations<br />
<strong>climatique</strong>s. S’il fait trop <strong>froid</strong>, ils entrent en léthargie, s’il fait<br />
trop chaud, ils s’épuisent et meurent. Dans <strong>le</strong> contexte actuel<br />
d’<strong>un</strong> <strong>réchauffement</strong> <strong>climatique</strong> rapide, <strong>le</strong>s scientifiques<br />
s’interrogent : vont-ils disparaître ou au contraire proliférer ?<br />
La réponse pourrait être positive à ces deux questions. Ainsi<br />
des études concluent à <strong>un</strong>e adaptation des serpents,<br />
comme <strong>la</strong> cou<strong>le</strong>uvre ratière (E<strong>la</strong>phe obso<strong>le</strong>ta), aux<br />
températures plus é<strong>le</strong>vées, en devenant plus actifs <strong>la</strong> nuit,<br />
expliquant par <strong>la</strong> même <strong>un</strong>e baisse d’effectif de certaines<br />
espèces d’oiseaux nord-américains. D’autres études,<br />
réalisées en Europe, en Australie et en Afrique, attestent au<br />
contraire d’<strong>un</strong> déclin général de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion de serpents,<br />
en lien avec <strong>le</strong> <strong>réchauffement</strong> de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nète, dont <strong>le</strong>s habitats<br />
morcelés et cloisonnés ne <strong>le</strong>ur permettent pas de circu<strong>le</strong>r<br />
librement. Chaque espèce est adaptée à son milieu, en<br />
fonction de sa température, de <strong>la</strong> lumière et de l’eau<br />
disponib<strong>le</strong>.<br />
Photo©Thierry Montford / Naturagency<br />
La rencontre avec <strong>un</strong> boa canin est<br />
très rare, car il reste souvent perché<br />
dans <strong>le</strong>s hauteurs des grands arbres<br />
guyanais, ce<strong>la</strong> faisait <strong>un</strong>e dizaine<br />
d’années que je n’en avais pas vu. Il<br />
est <strong>la</strong> seu<strong>le</strong> espèce de serpent<br />
protégée en Guyane. Plutôt<br />
immobi<strong>le</strong>, <strong>le</strong> boa canin n’hésite pas<br />
à se jeter gueu<strong>le</strong> ouverte <strong>sur</strong> sa<br />
proie, avec <strong>un</strong>e très grande rapidité,<br />
en dépliant <strong>la</strong> partie avant de son<br />
corps, <strong>un</strong> peu comme <strong>le</strong>s vipéridés,<br />
à ceci près qu’il n’est pas venimeux.<br />
Ce ref<strong>le</strong>xe naturel est propice à <strong>la</strong><br />
prise de vue. Pour figer ce<br />
mouvement et obtenir cette image, il<br />
m’a fallu beaucoup de patience,<br />
plusieurs essais et trois f<strong>la</strong>shes !<br />
Thierry Montford, photographe animalier<br />
Zèbres<br />
de Burchell<br />
(Equus burchellii)<br />
Les zèbres de Burchell, ou zèbres des p<strong>la</strong>ines passent plus de<br />
60% de <strong>le</strong>ur temps à paître pour s’alimenter. Ils ont besoin<br />
d’<strong>un</strong>e grande quantité de végétaux dans <strong>la</strong> me<strong>sur</strong>e où<br />
n’étant pas des ruminants, l’assimi<strong>la</strong>tion des aliments est<br />
superficiel<strong>le</strong>. L’eau est par ail<strong>le</strong>urs indispensab<strong>le</strong> à <strong>le</strong>ur <strong>sur</strong>vie,<br />
ils doivent boire au moins <strong>un</strong>e fois par jour. C’est ainsi qu’ils<br />
migrent en nombre à <strong>la</strong> recherche de nourriture et d’eau. Si<br />
l’ordre des précipitations vient à changer, c’est tout<br />
l’écosystème de <strong>la</strong> savane africaine qui est remis en question.<br />
Non seu<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s zèbres en pâtissent, mais dans <strong>la</strong> chaîne<br />
alimentaire, ils sont aussi <strong>le</strong>s proies d’autres espèces, comme<br />
<strong>le</strong>s lions. Ces derniers s’accoup<strong>le</strong>nt et se reproduisent, en<br />
effet, à <strong>la</strong> période où ils disposent d’<strong>un</strong> maximum de proies,<br />
soit au moment des migrations des grands troupeaux<br />
d’ongulés (zèbres, gnous, buff<strong>le</strong>s, antilopes, gazel<strong>le</strong>s, oryx). Si<br />
<strong>le</strong> rythme de ces migrations change, <strong>le</strong>s répercussions seront<br />
donc considérab<strong>le</strong>s pour <strong>le</strong>s grands carnivores, comme <strong>le</strong>s<br />
lions, qui risquent de mourir de faim. De même <strong>la</strong> migration<br />
de ces troupeaux sera fortement compromise ou rendue<br />
diffici<strong>le</strong>, et <strong>le</strong>urs effectifs finiront par se réduire.<br />
Photo©Christophe Courteau / Naturagency<br />
La poussière était tel<strong>le</strong> ce soir là que<br />
je pouvais diffici<strong>le</strong>ment respirer<br />
dans mon affût, installé juste en face<br />
de l’<strong>un</strong>ique point d’accès à <strong>la</strong> rivière<br />
pour des centaines de zèbres.<br />
Les zèbres de Burchell attendent <strong>la</strong><br />
saison des pluies pour migrer vers<br />
l’Est et <strong>le</strong>s riches pâturages du Lac<br />
salé Makgadikgadi. Au Botswana,<br />
<strong>le</strong>s cyc<strong>le</strong>s saisonniers deviennent<br />
très irréguliers et il arrive de plus en<br />
plus souvent que <strong>la</strong> migration se<br />
déc<strong>le</strong>nche trop tôt, avec certes des<br />
pluies diluviennes, mais trop<br />
courtes. L’herbe vient rapidement à<br />
manquer, ce qui perturbe tota<strong>le</strong>ment<br />
<strong>le</strong> cyc<strong>le</strong> des naissances.<br />
Christophe Courteau,<br />
photographe animalier professionnel