Quand le réchauffement climatique jette un froid sur la planète
20 panneaux
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Ces merveil<strong>le</strong>s naturel<strong>le</strong>s supportent mal <strong>la</strong> hausse des<br />
Les<br />
coraux<br />
températures océaniques. Au-delà de 30° C, <strong>le</strong>s récifs<br />
coralliens subissent des phénomènes de b<strong>la</strong>nchiment,<br />
processus bien connu, susceptib<strong>le</strong> d’entraîner <strong>la</strong> mort de<br />
l’animal dans 15 à 60% des cas.<br />
En effet, <strong>le</strong>s coraux vivent en symbiose avec des algues<br />
microscopiques, <strong>le</strong>s zooxanthel<strong>le</strong>s, qui <strong>le</strong>ur apportent <strong>la</strong><br />
nourriture et <strong>le</strong>ur procurent de si bel<strong>le</strong>s cou<strong>le</strong>urs. Une<br />
élévation des températures de l’eau provoque l’expulsion de<br />
ces organismes par <strong>le</strong> corail, qui dès lors s’épuise et meurt de<br />
faim. Son sque<strong>le</strong>tte interne, mis à nu, explique alors sa<br />
cou<strong>le</strong>ur b<strong>la</strong>nche. Entre dix et quinze années sont nécessaires<br />
pour qu’<strong>un</strong> massif corallien se reconstitue, s’il subit entre<br />
temps d’autres agressions, il se pourrait bien que<br />
l’accumu<strong>la</strong>tion de ces menaces lui soit fata<strong>le</strong>. Par ail<strong>le</strong>urs,<br />
privées de <strong>le</strong>ur habitat, de multip<strong>le</strong>s espèces, dépendant du<br />
récif s’éteindront éga<strong>le</strong>ment. Les récifs coralliens abritent<br />
30 % des espèces marines.<br />
Photo©Pascal Kobeh / Naturagency<br />
Du fait de phénomènes cycliques<br />
comme El Niño et de l’acidification<br />
des océans, <strong>le</strong> Global Reef Monitoring<br />
Network, organisme australien de<br />
recherche <strong>sur</strong> <strong>le</strong>s coraux, estime que<br />
30% de récifs coralliens sont déjà<br />
morts, et si rien n’est fait 30%<br />
supplémentaires vont disparaître dans <strong>le</strong>s<br />
trente prochaines années.<br />
<strong>Quand</strong> on sait que l’écosystème corallien<br />
permet de protéger <strong>le</strong>s î<strong>le</strong>s et atolls<br />
d’éventuels ras de marée, et de maintenir <strong>la</strong><br />
richesse aquatique, il y a de quoi s’inquiéter !<br />
J’ai moi même été <strong>le</strong> témoin de ce phénomène<br />
imputab<strong>le</strong> à El Niño. Ce<strong>la</strong> s’est passé<br />
extrêmement vite et en à peine <strong>un</strong>e quinzaine<br />
de jours, presque tous <strong>le</strong>s p<strong>la</strong>tiers des Maldives<br />
étaient au printemps 1998 complètement<br />
b<strong>la</strong>ncs : on aurait dit qu’il avait neigé ! C’est <strong>un</strong>e<br />
année où il a fait exceptionnel<strong>le</strong>ment chaud aux<br />
Maldives, entre 30 et 35° dans l’air et dans l’eau<br />
des océans. Ce phénomène n’a pas été propre à<br />
l’archipel. Les Seychel<strong>le</strong>s ont entre autres aussi été<br />
touchées… Quelques mois plus tard dans certains<br />
atolls des Maldives, 90% des coraux étaient morts.<br />
Manchot<br />
Empereur<br />
(Aptenodytes forsteri)<br />
Endémique et emblématique de l’Antarctique, <strong>le</strong> manchot<br />
empereur n’échappe pas aux pressions qui pèsent<br />
actuel<strong>le</strong>ment <strong>sur</strong> <strong>le</strong>s autres popu<strong>la</strong>tions de manchots<br />
(manchots d’Adélie, manchots à jugu<strong>la</strong>ire, manchots de<br />
Magel<strong>la</strong>n, entre autres), en lien avec <strong>le</strong> <strong>réchauffement</strong><br />
<strong>climatique</strong>.<br />
Il est <strong>le</strong> seul oiseau qui se reproduit durant <strong>le</strong> très rude hiver<br />
austral. Son cyc<strong>le</strong> de reproduction est en lien étroit avec celui<br />
de <strong>la</strong> banquise. Si <strong>la</strong> période d’embâc<strong>le</strong> (formation de <strong>la</strong><br />
banquise) commence plus tard et cel<strong>le</strong> de <strong>la</strong> débâc<strong>le</strong> (fonte<br />
des g<strong>la</strong>ces) de plus en plus tôt, ce<strong>la</strong> conduit à raccourcir <strong>la</strong><br />
période hiverna<strong>le</strong> et par conséquent <strong>la</strong> période de<br />
reproduction du manchot empereur. Par ail<strong>le</strong>urs, <strong>un</strong>e<br />
banquise fragi<strong>le</strong>, doublée de vents vio<strong>le</strong>nts font que de<br />
nombreux œufs et poussins sont emportés avant même<br />
d’être capab<strong>le</strong>s de <strong>sur</strong>vivre seuls. A contrario, si <strong>la</strong> banquise<br />
est trop rigide et persistante, <strong>le</strong>s femel<strong>le</strong>s doivent parcourir<br />
de trop grandes distances pour trouver de <strong>la</strong> nourriture. Tout<br />
est bel et bien <strong>un</strong>e question d’équilibre auquel il est<br />
important de veil<strong>le</strong>r !<br />
Photo© J.-L K<strong>le</strong>in & M.-L Hubert / Naturagency<br />
L’hôte de ces lieux g<strong>la</strong>cés est <strong>un</strong><br />
chef d’œuvre de l’évolution : qui<br />
d’autre peut s’enorgueillir de résister<br />
à des températures de -50°C, à des<br />
vents catabatiques de 250 km/h, de<br />
<strong>sur</strong>vivre à des jeûnes de près de<br />
4 mois en p<strong>le</strong>in hiver, de plonger à<br />
500 m de profondeur et pour<br />
couronner <strong>le</strong> tout, de donner<br />
naissance à <strong>un</strong> frê<strong>le</strong> oisillon en<br />
p<strong>le</strong>ine nuit antarctique.<br />
Mais à notre plus grand regret, face<br />
au <strong>réchauffement</strong> <strong>climatique</strong>, ce<br />
<strong>sur</strong>doué semb<strong>le</strong> bien vulnérab<strong>le</strong>…<br />
J.-L K<strong>le</strong>in & M.-L Hubert,<br />
photographes animaliers professionnels<br />
Renard<br />
po<strong>la</strong>ire<br />
(Vulpes <strong>la</strong>gopus)<br />
Le renard po<strong>la</strong>ire ou isatis s’est installé dans toutes <strong>le</strong>s<br />
zones de l’Arctique en y menant <strong>un</strong>e vie somme toute<br />
assez paisib<strong>le</strong>. Mais <strong>le</strong> <strong>réchauffement</strong> <strong>climatique</strong> qui sévit<br />
dans cette région du globe est bel et bien entrain de<br />
modifier <strong>la</strong> vie de ce petit carnivore. Il doit désormais faire<br />
face à <strong>un</strong> concurrent sérieux, <strong>le</strong> renard roux Vulpes vulpes),<br />
plus grand et plus fort, qui peu à peu, sous l’effet d’<strong>un</strong><br />
climat radouci, colonise son territoire de chasse. Non<br />
seu<strong>le</strong>ment il envahit <strong>le</strong>s terriers de son cousin po<strong>la</strong>ire et<br />
entre en compétition pour <strong>le</strong>s mêmes proies, mais il<br />
s’attaque aussi aux je<strong>un</strong>es renardeaux arctiques. Dans <strong>le</strong><br />
même temps, l’isatis voit son habitat, <strong>la</strong> to<strong>un</strong>dra arctique<br />
se modifier. Une diminution de <strong>la</strong> tail<strong>le</strong> et de <strong>la</strong> densité de<br />
ses proies principa<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s <strong>le</strong>mmings et des difficultés à<br />
accéder à ses propres réserves de cadavres d’oisons<br />
enterrés, à cause des pluies verg<strong>la</strong>çantes rendent diffici<strong>le</strong><br />
<strong>la</strong> vie actuel<strong>le</strong> du renard po<strong>la</strong>ire !<br />
Photo©J.-L K<strong>le</strong>in & M.-L Hubert / Naturagency<br />
A chaque retour d’expédition en<br />
Arctique, <strong>le</strong> jappement staccato du<br />
renard po<strong>la</strong>ire résonne longtemps<br />
dans nos oreil<strong>le</strong>s. Dans ces déserts<br />
g<strong>la</strong>cés, sa présence clownesque nous<br />
procure toujours <strong>un</strong>e immense joie.<br />
Mais sous l’effet du <strong>réchauffement</strong><br />
<strong>climatique</strong>, <strong>la</strong> to<strong>un</strong>dra évolue vers<br />
<strong>un</strong> milieu plus hospitalier. Cette<br />
bou<strong>le</strong> de poils aux yeux malicieux<br />
doit à présent s’effacer devant <strong>un</strong><br />
concurrent et cousin plus grand et<br />
plus agressif venu de <strong>la</strong> taïga :<br />
<strong>le</strong> renard roux.<br />
J.-L K<strong>le</strong>in & M.-L Hubert,<br />
photographes animaliers professionnels<br />
Pascal Kobeh, photographe subaquatique professionnel<br />
Éléphants<br />
d’Afrique<br />
(Loxodonta Africana)<br />
Exclusivement herbivores, <strong>le</strong>s éléphants d’Afrique<br />
passent près de 17 heures par jour à manger jusqu’à<br />
200 kg d’herbe et de feuil<strong>la</strong>ges et ingurgitent dans <strong>le</strong><br />
même temps 55 à 70 litres d’eau. Cet appétit colossal <strong>le</strong>s<br />
rend particulièrement vulnérab<strong>le</strong>s aux changements<br />
<strong>climatique</strong>s. La concurrence qu’engendre <strong>la</strong> quête d’eau<br />
et de nourriture entraîne <strong>un</strong> afflux important <strong>sur</strong> <strong>le</strong>ur<br />
passage, et <strong>la</strong> faim <strong>le</strong>s contraint alors à s’attaquer aux<br />
cultures des hommes. Le dérèg<strong>le</strong>ment du climat ne peut<br />
qu’aggraver ce conflit entre <strong>le</strong>s hommes et <strong>le</strong>s éléphants.<br />
Moins d’eau, c’est moins de nourriture, c’est aussi moins<br />
d’espaces à partager. L’immense savane paraît alors<br />
brusquement trop petite.<br />
Photo©Christophe Courteau / Naturagency<br />
Depuis mon avion, je repère deux<br />
éléphants réfugiés sous l’ombre<br />
du seul arbre encore vert à des<br />
kilomètres à <strong>la</strong> ronde dans <strong>le</strong><br />
désert du Ka<strong>la</strong>hari au Botswana.<br />
Dans ce milieu extrême, <strong>un</strong>e<br />
infime variation <strong>climatique</strong> prend<br />
immédiatement des proportions<br />
catastrophiques. Les grands<br />
mammifères peuvent se retrouver<br />
piégés au milieu de nul<strong>le</strong> part,<br />
sans eau.<br />
Christophe Courteau,<br />
photographe animalier professionnel<br />
Boa<br />
canin<br />
(Corallus canina)<br />
Le boa canin ou boa émeraude est <strong>un</strong> serpent, et comme<br />
tous <strong>le</strong>s repti<strong>le</strong>s, il a besoin d’<strong>un</strong>e source de cha<strong>le</strong>ur externe,<br />
il est ectotherme. La non-thermorégu<strong>la</strong>tion bien spécifique<br />
des serpents <strong>le</strong>s rend très sensib<strong>le</strong>s aux variations<br />
<strong>climatique</strong>s. S’il fait trop <strong>froid</strong>, ils entrent en léthargie, s’il fait<br />
trop chaud, ils s’épuisent et meurent. Dans <strong>le</strong> contexte actuel<br />
d’<strong>un</strong> <strong>réchauffement</strong> <strong>climatique</strong> rapide, <strong>le</strong>s scientifiques<br />
s’interrogent : vont-ils disparaître ou au contraire proliférer ?<br />
La réponse pourrait être positive à ces deux questions. Ainsi<br />
des études concluent à <strong>un</strong>e adaptation des serpents,<br />
comme <strong>la</strong> cou<strong>le</strong>uvre ratière (E<strong>la</strong>phe obso<strong>le</strong>ta), aux<br />
températures plus é<strong>le</strong>vées, en devenant plus actifs <strong>la</strong> nuit,<br />
expliquant par <strong>la</strong> même <strong>un</strong>e baisse d’effectif de certaines<br />
espèces d’oiseaux nord-américains. D’autres études,<br />
réalisées en Europe, en Australie et en Afrique, attestent au<br />
contraire d’<strong>un</strong> déclin général de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion de serpents,<br />
en lien avec <strong>le</strong> <strong>réchauffement</strong> de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nète, dont <strong>le</strong>s habitats<br />
morcelés et cloisonnés ne <strong>le</strong>ur permettent pas de circu<strong>le</strong>r<br />
librement. Chaque espèce est adaptée à son milieu, en<br />
fonction de sa température, de <strong>la</strong> lumière et de l’eau<br />
disponib<strong>le</strong>.<br />
Photo©Thierry Montford / Naturagency<br />
La rencontre avec <strong>un</strong> boa canin est<br />
très rare, car il reste souvent perché<br />
dans <strong>le</strong>s hauteurs des grands arbres<br />
guyanais, ce<strong>la</strong> faisait <strong>un</strong>e dizaine<br />
d’années que je n’en avais pas vu. Il<br />
est <strong>la</strong> seu<strong>le</strong> espèce de serpent<br />
protégée en Guyane. Plutôt<br />
immobi<strong>le</strong>, <strong>le</strong> boa canin n’hésite pas<br />
à se jeter gueu<strong>le</strong> ouverte <strong>sur</strong> sa<br />
proie, avec <strong>un</strong>e très grande rapidité,<br />
en dépliant <strong>la</strong> partie avant de son<br />
corps, <strong>un</strong> peu comme <strong>le</strong>s vipéridés,<br />
à ceci près qu’il n’est pas venimeux.<br />
Ce ref<strong>le</strong>xe naturel est propice à <strong>la</strong><br />
prise de vue. Pour figer ce<br />
mouvement et obtenir cette image, il<br />
m’a fallu beaucoup de patience,<br />
plusieurs essais et trois f<strong>la</strong>shes !<br />
Thierry Montford, photographe animalier<br />
Zèbres<br />
de Burchell<br />
(Equus burchellii)<br />
Les zèbres de Burchell, ou zèbres des p<strong>la</strong>ines passent plus de<br />
60% de <strong>le</strong>ur temps à paître pour s’alimenter. Ils ont besoin<br />
d’<strong>un</strong>e grande quantité de végétaux dans <strong>la</strong> me<strong>sur</strong>e où<br />
n’étant pas des ruminants, l’assimi<strong>la</strong>tion des aliments est<br />
superficiel<strong>le</strong>. L’eau est par ail<strong>le</strong>urs indispensab<strong>le</strong> à <strong>le</strong>ur <strong>sur</strong>vie,<br />
ils doivent boire au moins <strong>un</strong>e fois par jour. C’est ainsi qu’ils<br />
migrent en nombre à <strong>la</strong> recherche de nourriture et d’eau. Si<br />
l’ordre des précipitations vient à changer, c’est tout<br />
l’écosystème de <strong>la</strong> savane africaine qui est remis en question.<br />
Non seu<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s zèbres en pâtissent, mais dans <strong>la</strong> chaîne<br />
alimentaire, ils sont aussi <strong>le</strong>s proies d’autres espèces, comme<br />
<strong>le</strong>s lions. Ces derniers s’accoup<strong>le</strong>nt et se reproduisent, en<br />
effet, à <strong>la</strong> période où ils disposent d’<strong>un</strong> maximum de proies,<br />
soit au moment des migrations des grands troupeaux<br />
d’ongulés (zèbres, gnous, buff<strong>le</strong>s, antilopes, gazel<strong>le</strong>s, oryx). Si<br />
<strong>le</strong> rythme de ces migrations change, <strong>le</strong>s répercussions seront<br />
donc considérab<strong>le</strong>s pour <strong>le</strong>s grands carnivores, comme <strong>le</strong>s<br />
lions, qui risquent de mourir de faim. De même <strong>la</strong> migration<br />
de ces troupeaux sera fortement compromise ou rendue<br />
diffici<strong>le</strong>, et <strong>le</strong>urs effectifs finiront par se réduire.<br />
Photo©Christophe Courteau / Naturagency<br />
La poussière était tel<strong>le</strong> ce soir là que<br />
je pouvais diffici<strong>le</strong>ment respirer<br />
dans mon affût, installé juste en face<br />
de l’<strong>un</strong>ique point d’accès à <strong>la</strong> rivière<br />
pour des centaines de zèbres.<br />
Les zèbres de Burchell attendent <strong>la</strong><br />
saison des pluies pour migrer vers<br />
l’Est et <strong>le</strong>s riches pâturages du Lac<br />
salé Makgadikgadi. Au Botswana,<br />
<strong>le</strong>s cyc<strong>le</strong>s saisonniers deviennent<br />
très irréguliers et il arrive de plus en<br />
plus souvent que <strong>la</strong> migration se<br />
déc<strong>le</strong>nche trop tôt, avec certes des<br />
pluies diluviennes, mais trop<br />
courtes. L’herbe vient rapidement à<br />
manquer, ce qui perturbe tota<strong>le</strong>ment<br />
<strong>le</strong> cyc<strong>le</strong> des naissances.<br />
Christophe Courteau,<br />
photographe animalier professionnel