Coeur de plume numero 1
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poèmes
Ode à la Consommation
Par Raoul Tamekou
Quelque part oubliée
Par Suzanne El Lackany
“
Souveraine sereine qui organise et contrôle les modernes sociétés.
Expiation cathartique d’une époque névrosée : la consommation.
Sa sainte devise : aucun frein à notre sacrée satisfaction !
Bigre ! Les beaux souliers !
“
La dame que j’ai croisée
Dans une ville vieillotte
Où j’étais de passage
Portait un panier à provisions
Ils proviennent, semble-t-il, d’usines chinoises
Et rentrait chez elle lentement
Fabriqués par de faméliques ouvriers à la satiété sournoise.
La nature morte
Oh ! Les beaux diamants ! Ils viennent, madame, directement d’Anvers !
Au cœur du panier à provisions
Ils sont en promotion spéciale et font partie de la collection d’hiver.
Semblait une image pour l’éternité
Ils ont la pureté des enfants orphelins du Kivu et de Luanda
Dans la ville vieillotte
Et la finesse des esclaves des polissonneries de Joipur et Surot.
Le café-restaurant sert des plats copieux
Enfin les soldes chez Dior, Guess, Mexx, Nike et autre Zara.
L’odeur des alcools se mêle à celle du café et aux vapeurs de la friture
Hâtons-nous ! Sans gêne, allons célébrer le superflu ! Oh merveilleux Aldo !
Flash-back rétro
Une meilleure qualité d’image ? Un écran plus grand ? Un son divin ?
Une bonté d’autrefois
Soyons libres. Laissons-nous aller. Consommons. Jouissons.
Une simplicité et des visages amènes
Oui. Consommons, car demain nous ne serons plus, nous mourrons,
Dans la ville vieillotte
Disait admirablement Adam Smith, cet inégalable devin !
Où l’industrie a disparu
Un four plus puissant ? Un ordinateur plus rapide ?
Laissant les travailleurs à la quiétude,
Et pour nos téléphones :
Fil après fil
Vivons à l’âge des nouvelles générations ! Toujours plus de neurones !
L’œuvre accomplie des cheminées d’usines.
De l’essence pour nos véhicules, de l’énergie pour nos industries.
Dans le café, un ouvrier se rappelle
De la lumière pour nos métropoles, de l’obscurité sur nos mesquineries.
Des bancs de l’école
Bénis soient nos génies modernes : finance, spéculation, crédit !
La nostalgie de l’encrier
Trois voeux ? Mon pauvre Aladin,
Lui fait dire à son compagnon de table :
Nos désirs ne connaissent pas de limites !
Mais où est donc Ornicar.
Pour nos lampes magiques, Visa, Mastercard, le plaisir n’est plus un mythe !
Et l’environnement alors ? Quoi, vous avez bien dit effet de serre ?
Soit ! On pourra toujours laver nos consciences hypocrites en devenant alter
Ou encore Manger bio et envoyer nos vieux vélos,
Nos vêtements hors saison à l’Armée du Salut ou au Tiers monde,
S’abonner à Greenpeace et « contribuer au combat pour un autre monde ».
Tout en préservant nos habitudes de vie qui de la terre préparent l’oraison.
Continuer cette consommation qui signe le véritable apartheid du monde.
Je consomme, donc je suis.
Je consomme, donc je jouis.
Je consomme, et jamais je ne suis repu.
Je consomme, mais… jamais je ne sue.
Printemps/Été 2019 • Nº1 • Revue Coeur de plumes
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