Brochure Sur les traces de la foi réformée en terre fribourgeoise

Sur les traces de la foi réformée
en terre fribourgeoise:
hier – aujourd‘hui – demain

Sommaire
Traces de la foi
réformée en
terre fribourgeoise
Traces de la foi réformée en terre fribourgeoise
Le multitudinisme: une Eglise pour tous
La Bible au centre du protestantisme
Lieux de culte:
lieux de rassemblement de la communauté
Tous prêtres
Les écoles réformées: l‘éducation pour tous
Traces dans l’économie
Au service des plus vulnérables
Traces dans la formation professionnelle féminine
Portraits de réformés en terre fribourgeoise
page 1
page 2
page 4
page 6
page 8
page 10
page 12
page 14
page 16
dès page 18
De sa naissance à nos jours, la Réforme protestante a
joué un rôle dans la vie religieuse, économique, politique
et sociale de l’Europe et du monde. Son impact
apparaît cependant de manière discrète, la Réforme
ayant changé la manière de regarder les choses avant
d’offrir des choses à regarder.
Le constat s’accentue dans une région comme la nôtre
qui porte les traces de la foi catholique. Sur une bonne
part des sentiers du canton de Fribourg, le promeneur
sera d’abord frappé par les chapelles mariales de ses
collines ou les calvaires de ses intersections. Mais ce
même promeneur, pour peu qu’il se montre curieux,
croisera également quelques traces de la foi réformée.
En s’arrêtant par exemple dans l’un des 17 temples de
notre canton, il découvrira comment cette spiritualité
a donné forme à la prière et à l’organisation de l’Eglise.
A l’échelle de notre civilisation, la foi réformée a laissé
des empreintes consécutives à ses principes. La
lecture quotidienne et généralisée de la
Bible a par exemple consolidé le niveau
d’éducation de sociétés tout entières.
L’émancipation féminine doit, elle, beaucoup
à la scolarisation des jeunes filles
que les protestants ont tout de suite
encouragée. Le regard réaliste des réformateurs
relatif à l’argent a de son côté favorisé
l’essor économique des pays protestants.
De manière directe ou indirecte,
la Réforme a ainsi influencé le devenir de
la Suisse, laissant des traces jusque dans
l’histoire de notre canton. La présente
brochure est partie à leur recherche et a
sélectionné dix thèmes pour les relever.
Mais cette brochure se propose aussi de
présenter l’histoire de la foi réformée en
terre fribourgeoise à travers douze portraits
d’aujourd’hui. Parmi les personnes
qui ont accepté notre invitation, certaines
portent un nom bien enraciné dans
le terreau. Leurs ancêtres étaient déjà
présents au XVI e siècle, époque où la Réforme
s’est établie dans le district du lac.
D’autres personnes portent un nom apparu
dans le canton suite à l’implantation
d’industries nouvelles à la fin du XIX e
siècle. D’autres patronymes encore signalent
un canton voisin : ce sont souvent
des travailleurs pendulaires. Et quand ils
semblent venir d’une lointaine contrée,
c’est que ces noms indiquent les protestants
d’outre-mer, établis ici depuis seulement
quelques mois.
(PPB)
1

Le multitudinisme:
une Eglise pour tous
Le canton de Fribourg connaît la séparation des
Eglises et de l‘Etat. Ainsi, les Eglises organisent leurs
affaires internes de manière autonome. Au sein
de l‘Eglise réformée, la liberté est toujours conçue
et utilisée comme une chance: tandis que dans
d‘autres cantons, les Eglises officielles (parfois dites
«nationales») sont souvent tributaires de climats
politiques changeants, l‘Eglise fribourgeoise peut
se développer et se positionner librement dans le
cadre établi par les lois et ordonnances cantonales.
Au cours de ces dernières décennies, l‘Eglise réformée
a su tirer profit de ces libertés: elle se définit
aujourd‘hui comme une partenaire responsable et
active vis-à-vis des institutions étatiques, et dans ce
contexte, elle apporte des contributions substantielles
à la vie publique dans le canton de Fribourg.
En ce sens, elle est une Eglise multitudiniste, à savoir
à la fois une Eglise qui regroupe tous les habitants
réformés en une seule communauté et une Eglise
qui est attentive au bien-être et à l‘épanouissement
de toute la population du canton. Sur le plan con-
cret, cela s‘illustre dans les divers partenariats
que l‘Eglise réformée entretient avec
des institutions étatiques, notamment
dans les domaines de l‘aumônerie et de
l‘éducation. L‘Etat valorise la qualité du
travail effectué par l‘Eglise en lui confiant
des mandats d‘aumônerie au sein
d‘institutions cantonales (homes, hôpitaux
et prisons), et il s‘agit d‘exécuter les
tâches inhérentes à ces mandats avec un
professionnalisme maximal. Il en va de
même pour les mandats attribués dans
le domaine scolaire: la Constitution
cantonale octroie aux Eglises le droit de
dispenser un enseignement religieux
confessionnel dans le cadre du temps de
scolarité obligatoire des enfants. Nombreuses
sont les Eglises d‘autres cantons
qui envient les Eglises fribourgeoises
pour cette opportunité!
En tant que partenaire de l‘Etat, l‘Eglise réformée
peut apporter une contribution importante au
bien-être de toute la population résidant dans le
canton de Fribourg. Ce partenariat symbolise la
notion des «deux règnes», dont il est question dans
les écrits des réformateurs. En effet, ceux-ci opèrent
une distinction entre un règne spirituel, du ressort
de l‘Eglise, et un règne temporel, relevant de l‘Etat,
qui ont d‘une part chacun des fonctions et tâches
spécifiques, mais qui sont d‘autre part aussi reliés
l‘un à l‘autre, et dont la mission commune, dans leur
complémentarité, est de promouvoir le bien-être de
la collectivité.
(AH)
2 3
Beaulieu – Sitz der Kantonalkirche
Texte de la loi de 1854 reconnaissant le statut public de l‘Eglise réformée (page 1).
Avec l‘aimable autorisation des Archives de l‘Etat de Fribourg, Suisse.
Beaulieu – Siège de l‘Eglise cantonale

La Bible au centre
du protestantisme
Le promeneur en ville de Fribourg découvrira plusieurs
fontaines illustrant des textes bibliques, telle
la Fontaine de la Samaritaine ou celle de Samson.
Mais pour voir une Bible complète et ouverte, invitant
à la lire, seul ou en communauté, il vaut mieux
entrer dans un temple réformé. En principe au
centre du temple, une Bible est ouverte, rappelant
ainsi l’unique référence incontournable de la foi
protestante. En ville de Fribourg le musée Gutenberg
rappelle que l’invention de l’imprimerie permit
l’accès populaire à la Bible. Grâce à ce procédé de caractères
mobiles, la maison Gutenberg de Mayence
en Allemagne avait imprimé au milieu du XV e siècle
de nombreuses Bibles. En 1534 Martin Luther publie
la première édition en allemand, animé par le désir
de rendre au peuple de l’Eglise sa référence de base.
Pierre Robert, dit Olivétan, cousin de Jean Calvin, est
le premier traducteur de la Bible en français à partir
des textes originaux en hébreu et en grec, imprimée
à Neuchâtel en 1535.
La Bible est incontestablement le document-clé du
christianisme, c’est l’utilisation que chaque Eglise en
fait qui les différencie. L’Eglise protestante lui soumet
de manière critique son action en cherchant à
s’ajuster à elle. Le chrétien doit pouvoir lire et mener
sa vie en lien avec sa propre lecture biblique. Pour
cela, l’Eglise réformée a toujours favorisé l’accès au
texte biblique, par sa diffusion et sa traduction, et
par l’alphabétisation du peuple. Au cours de religion
protestante dans les Ecoles fribourgeoises, l’apprentissage
de la lecture de la Bible est primordial, mais
difficile pour les jeunes. La connaissance des récits
bibliques et leur mise en rapport avec l’existence
sont le centre de la catéchèse protestante. L’Eglise
réformée s’oppose à une lecture littéraliste de la
Bible, elle accueille toute science biblique qui met
les textes en contexte et s’approprie les éclairages
des sciences humaines contemporaines.
Les membres de l‘Eglise réformée aiment
ouvrir la Bible avec ceux des autres Eglises
en vue d‘une lecture en commun.
La traduction œcuménique de la Bible
(T.O.B.) est un événement majeur d’une
collaboration entre les Eglises, dont la
première édition de 1976 marqua l’œcuménisme.
(MB)
4 5

Lieux de culte: lieux de
rassemblement de la communauté
Dans le district du Lac, après avoir adopté la foi réformée
en 1530, les communautés réaffectent les églises
jusqu‘alors catholiques en temples protestants. On
peut par exemple particulièrement bien constater ce
fait dans le cas de l‘église de Meyriez, dont la première
mention écrite remonte au XIIIe siècle. Très peu de
temps avant la mise en œuvre de la Réforme dans le
district du Lac, l‘église paroissiale de Meyriez est soumise
à des travaux de réfection, et c‘est à cette occasion
qu‘on lui donne son aspect actuel. Il est tout naturel
qu‘elle conserve jusqu‘à aujourd‘hui des traces de son
origine catholique: par exemple le tabernacle dans le
chœur, ou, sur la clé de voûte du chœur, les armoiries
familiales de l‘abbé du monastère de Fontaine-André
(NE), auquel la paroisse de Meyriez était à l‘époque rattachée.
Le même lieu de célébration est simplement
adapté au nouveau contexte sociopolitique: l‘église
catholique devient un temple réformé.
Le plus jeune des temples réformés dans le canton de
Fribourg témoigne lui aussi, mais d‘une toute autre manière,
d‘un processus d‘adaptation à un nouveau contexte
sociétal: il s‘agit de «l‘Arche», à Bösingen, inaugurée
en novembre 2008. N‘est-il pas étonnant, en effet,
qu‘un nouveau temple soit bâti au sein de l‘Eglise réformée
du canton de Fribourg, alors qu‘en de nombreux
autres endroits, des églises sont mises en vente ou réaffectées
pour des raisons de trop faible fréquentation?
Dans sa conception et sa structure, l‘Arche combine de
manière heureuse des éléments issus de l‘architecture
d‘églises traditionnelle avec les nécessités aujourd‘hui
incontournables d‘un lieu multifonctionnel. Ainsi, ce
lieu de culte peut aussi bien être aménagée de manière
attrayante pour les célébrations festives, que servir,
moyennant un nombre restreint de changements, de
salle pour des assemblées ou des fêtes. Et il est tout naturel
que les deux choses puissent avoir leur place sous
le même toit…
De la plus ancienne église du canton à la plus récente,
chacune est le témoin de son époque respective
et chacune démontre que la communauté réformée a
toujours réussi à aménager ses lieux de rassemblement
de manière adaptée à ses besoins ainsi qu‘à la situation
spécifique. Qu‘est-ce qui pourrait encore mieux prouver
que la communauté réformée est une communauté
bien vivante?
(AH)
Eglise de Meyriez
6 7
«l‘Arche» à Bösingen

Tous prêtres
La Réforme a intégré le terme biblique de «sacerdoce
universel», expression sans doute peu courante
dans la culture fribourgeoise. «Tous prêtres»
diront les Réformateurs de manière un peu provocante;
au sein de l’Eglise, Jésus-Christ est le seul
prêtre. Chaque croyant a une place identique, mais
occupe des fonctions différentes. Le «sacerdoce universel»
met fin à la différence entre prêtres et laïcs.
Dorénavant, il n’y a plus de médiation du prêtre ou
de l’Eglise entre Dieu et les croyants, ceux-ci sont
invités à s’approcher directement de Dieu, tous
mêmes membres du corps du Christ. Seul Jésus-
Christ est considéré comme la tête. Une conséquence
concrète est le rapport à la sainte-cène que
n’importe quel fidèle peut célébrer, même si elle
l’est d’ordinaire par les pasteurs en vertu de leur
fonction théologique.
L’idée du «sacerdoce universel» se traduit aussi par
la collégialité inscrite dans les organisations protestantes,
de même que la participation importante
des laïcs dans les structures de l’Eglise réformée.
La prise de décision par des assemblées – de paroisse
au niveau local, du Synode au niveau d’une
Eglise cantonale (en Suisse) – est alors plus lente,
car parlementaire. Les discussions, parfois passionnées,
peuvent mener à la controverse. Ce système
est appelé presbytérien synodal et se vit dans un
esprit de co-responsabilité entre laïcs et pasteurs/
diacres. Les pasteurs n’ont pas de statut à part dans
l’Église, mais y exercent une fonction particulière à
laquelle les études universitaires de théologie les
ont conduits. La valorisation de la vie conjugale et
familiale des pasteurs est un signe visible de cette
égalité avec les autres croyants.
(MB)
8 9

Les écoles réformées:
l’éducation pour tous
Avec la croissance de la population réformée au
milieu du XIX e siècle, particulièrement dans les districts
de la Singine et de la Sarine, la question de
l’éducation des enfants réformés se pose avec acuité.
Souvent, les familles bernoises nouvellement arrivées
ne veulent (ni ne peuvent, d‘ailleurs) envoyer
leurs enfants dans les écoles villageoises, portant
clairement l‘empreinte catholique. C‘est par exemple
ainsi qu‘au milieu du XIXe siècle apparaissent
neuf écoles réformées en Singine. Les bâtiments
scolaires ne servent pas seulement à l‘éducation
des enfants: en effet, ils deviennent rapidement de
véritables centres de la vie réformée, des lieux où
les personnes réformées des alentours se rencontrent.
Depuis toujours, les réformés savent que leur
identité est fortement tributaire de l‘éducation: quiconque
ne se connaît pas soi-même et, de surcroît,
ne sait rien au sujet de ses origines, de sa culture et
de sa foi, sera bien incapable d‘affirmer une identité
propre. Cela vaut la peine de méditer cette conviction
dans le contexte de l‘analphabétisme religieux
actuellement si largement répandu…
Si les réformés parviennent à conserver leur identité
et leur foi au fil de nombreuses décennies (soit
plus d‘un siècle, en fait), c‘est seulement parce qu‘ils
ont reconnu très tôt que l‘éducation en constitue
un élément central, voire même la clé. Aujourd‘hui,
les anciennes écoles réformées n‘existent plus dans
leur forme initiale. Plusieurs ont été transformées
en lieux de culte (Weissenstein ou Guin), tandis
que d‘autres ont été réaffectées d‘une autre manière
(Kressibrunnholz ou à Fendringen, mais aussi
Bulle, où l’ancienne école sert aujourd’hui de centre
paroissial). Cependant, le principe central de
«l‘éducation pour tous» doit continuer d‘être mis en
œuvre, et ceci sur des modes nouveaux et adaptés
aux besoins de notre temps. Pour la communauté, le
but ne doit pas être de se distancer du monde environnant
ou de se replier sur soi, mais de cultiver une
saine confiance en soi et une connaissance fondée
de son identité propre, afin d‘être à l‘aise pour aller
activement à la rencontre de personnes adhérant à
d‘autre convictions religieuses ou issues de cultures
différentes.
(AH)
Ancienne école de Weissenstein
10 11
Centre réformé de Guin.
Ancien bâtiment scolaire «Hasli».

Traces dans l’économie
Quand en 1899 une usine de chocolat s’implante
en Gruyère, aucun ouvrier fribourgeois ne semble
vouloir y travailler. Le patron, Monsieur Cailler, est
en effet de confession réformée… Il faudra que
l’évêque encourage ses ouailles pour les convaincre
de gagner leur vie dans une entreprise placée sous
la direction d’un Veveysan.
Une telle réticence ne s’explique qu’avec du recul.
Quelques décennies plus tôt, en 1864, le pape Pie
IX avait dénoncé le rationalisme et la liberté de conscience,
des idées alors en vogue dans les contrées
protestantes. Ce décret pontifical a joué un grand rôle
dans l’économie des contrées catholiques. Le contraste
avec l’Europe protestante du XIX e et du début du
XX e siècles est saisissant. La carte géographique de
la Réforme coïncide avec l’alphabétisation, la modernisation,
les crédits commerciaux et la démocratie.
Ce «miracle» économique en terres protestantes
tient à plusieurs facteurs. D’abord, en plaçant la
lecture de la Bible au cœur de la pratique religieuse
de tous les croyants, les protestants ont favorisé
l’alphabétisation des personnes et, par là, leur autonomie
et leur savoir. Ensuite, en considérant l’argent
comme un trait d’union par lequel les hommes peuvent
se communiquer mutuellement les biens dont
ils disposent, la Réforme a autorisé le prêt à intérêt.
Enfin, dans la culture protestante, une teneur spirituelle
est accordée au travail.
Peu après l’installation de son entreprise à Broc,
Alexandre Louis Cailler modifie la technique de
fabrication du chocolat. Il le prépare avec du lait,
valorisant du même coup l’or blanc des pâturages
gruyériens. Cette innovation bénéficie bientôt à
l’économie de la contrée.
Au long des XIX e et XX e siècles, paysans et entrepreneurs
réformés prennent peu à peu leurs quartiers
dans les régions historiquement catholiques du canton,
mêlant leur savoir-faire à la culture fribourgeoise
et y laissant les traces de leur investissement. (PPB)
Le tri des noisettes à l‘usine Cailler, Broc, 1926
12 13
Des réformés donnent encore et toujours des impulsions
importantes à l‘économie de notre canton

Au service des plus vulnérables
En face du funiculaire dans le quartier de la Neuveville
à Fribourg, un bâtiment discret raconte une
belle aventure. Après une période d’une économie
locale heureuse, constituée de petits ateliers artisanaux,
de nouvelles activités économiques modifient
le quartier à la fin du XIX e siècle. De grands chantiers
de constructions s’ouvrent autour de la ville
et demandent une main d’œuvre moins qualifiée.
De nombreuses personnes, dont des protestants
d’autres cantons suisses en recherche de travail,
arrivent et entrainent une péjoration des conditions
matérielles et familiales de la Basse-Ville. L’aide sociale
s’organise surtout autour d’initiatives privées
et religieuses, mais ces dernières excluent parfois
l’immigrant protestant. Les réformés, à peine 10%
de la population, se mobilisent. Plusieurs familles
protestantes figurent parmi les acteurs-clés du développement
économique: banquiers, brasseurs,
chocolatiers, ateliers de fonderie, fabrique de tabac
ou de cartonnage, usine à gaz. Avec la Paroisse réformée
de Fribourg, ils s’organisent, en particulier
dans la création d’œuvres scolaires et sociales. Pour
réagir à la dégradation des conditions de vie dans
le quartier de la Basse-Ville, la Paroisse réformée
engage une sœur protestante (diaconesse), issue
d’un mouvement de renouveau de vie communautaire
féminine dans le milieu protestant suisse, et l’y
envoie pour soutenir et soulager les habitants. En
1897, elle crée une crèche dans ce même quartier,
ouverte à tous, afin de donner un encadrement aux
enfants dont les mères sont des journalières et s’absentent
de leur foyer. Comme petite minorité dans
la ville de Fribourg, les réformés ont contribué avec
cette crèche à lutter contre la pauvreté, aux côtés
des œuvres de l’Eglise catholique et parfois l’aide de
l’Etat.
Les réformés ont toujours mené une action sociale
au service de tous. Aujourd’hui, ils s’interrogent sur
la justice économique dans un monde globalisé et
au sens des valeurs sociales protestantes telles que
la modération et l’honnêteté.
(MB)
Crèche réformée
14 15

Traces dans la formation
professionnelle féminine
C’est en 1977 que, pour la première fois, une femme
occupe un poste pastoral dans le canton de Fribourg.
Cette jeune pasteure s’inscrit dans la lignée
des ministères féminins reconnus en Europe dans
les années 1930.
L’accès de femmes aux hautes responsabilités dans
le domaine religieux n’est qu’une étape d’un chemin
amorcé dès les premières années de la Réforme.
Déjà Martin Luther recommandait aux magistrats
allemands que non seulement des écoles soient ouvertes
dans les villes de leur influence, mais qu’aussi
les jeunes filles y soient intégrées. Si la Réforme n’a
pas instantanément révolutionné les rapports de
genres, elle a, par son soutien à l’éducation, ouvert
un chemin vers l’émancipation.
Dans le canton de Fribourg, les traces de la Réforme
en ce domaine viennent la plupart d’une influence
extérieure. A la fin du XIX e siècle, la première femme
médecin fribourgeoise, Clémence Broye, saisit les
possibilités offertes par un canton de tradition réformée
afin de mener à terme sa formation et d’ouvrir
son premier cabinet médical à Lausanne. Dans la première
moitié du XX e siècle, des bus itinérants venus
de cantons voisins offrent aux jeunes filles fribourgeoises
des formations à la couture et à la cuisine. Le
mouvement des femmes suffragistes fribourgeoises,
particulièrement visible à la fin des années 1960, bénéficie
des soutiens et conseils de leurs homologues
des cantons réformés. Quant aux entrepreneurs réformés
implantés dans le canton, ils ont favorisé l’accès
des femmes au travail rémunéré en les formant directement
et en créant les premières assurances sociales.
Aujourd’hui, le corps des pasteurs et diacres fribourgeois
compte dans ses rangs autant de femmes
que d’hommes. Comment les prêtres fribourgeois
vivent-ils cette réalité? Et bien il faut saluer leur ouverture.
Car, bien que le pape Jean-Paul II ait rappelé
que seul un homme pouvait représenter le Christ, de
nombreux prêtres collaborent aujourd’hui avec leurs
vis-à-vis réformés féminins. Et de bon cœur! (PPB)
Katharina Staritz (1903 – 1953) compte parmi les premières femmes qui ont
16
accédé au ministère pastoral dans les Eglises protestantes.
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Reto Fasnacht
Morat
Marylène Chervet
Mont-Vully
Simone Johner
Montilier
En 1530, les paroisses de
Morat, Chiètres, Ferenbalm,
Môtier et Meyriez ont adopté
la «nouvelle foi», donnant
ainsi naissance à la
communauté réformée du
canton de Fribourg.
Jusqu‘à ce jour, des descendants
de personnes
ayant activement participé à ce choix vivent encore
dans la région.
Des générations durant, la famille Fasnacht établie
à Montilier vivait de la pêche dans le lac de
Morat.
Aujourd‘hui, Reto Fasnacht réside dans la commune
de Morat avec sa famille. Il est enseignant
secondaire et directeur adjoint dans la section
alémanique du Cycle d‘orientation de Morat.
Situé dans ce qui fut le baillage
commun aux cantons
de Berne et de Fribourg,
le Mont Vully a accueilli au
XVI e siècle la prédication
du réformateur Guillaume
Farel. Depuis 1532, le culte
réformé est ainsi célébré
en l’église historique de
Môtier. La colline du Vully,
sise au bord du lac, a vu passer des générations
de cultivateurs polyvalents, hommes et femmes
courageux, aptes à conjuguer des tâches liées à
l’élevage, la culture maraîchère, l’arboriculture
fruitière et, bien sûr, la vigne.
Aujourd’hui, place est faite à la spécialisation
et à l’excellence, à l’exemple de la vigneronne
et œnologue Marylène Chervet, descendante
d’une lignée enracinée en terre vullieraine.
Après que la Réforme a été
adoptée en 1530, de nombreuses
familles établies de
longue date dans l‘actuel
district du Lac ont fait de la
nouvelle foi leur nouvelle
patrie spirituelle. Elles ont
transmis leur culture et leurs
traditions réformées de génération
en génération.
Les patronymes Gutknecht, Johner, Tschachtli
ou Fasnacht ne sont que quelques-uns parmi de
très nombreux exemples…
Simone Johner vit à Montilier avec sa famille, et
elle enrichit la vie des paroisses de la région avec
sa joie et son entrain.
18 19

Barbara Krummen
Litzistorf
Léa Beyeler
Ponthaux
Adrian Scheidegger
Niedermuhren
Au XIX e siècle, de nombreuses
exploitations agricoles
situées dans le district de la
Singine ont été reprises par
de jeunes paysans bernois
de confession réformée.
Ces familles ont toujours eu
à cœur de conserver leur
identité religieuse.
La famille Krummen est implantée en Singine
depuis plus de 150 ans, et le domaine situé à Litzistorf
(commune de Bösingen) est maintenant
exploité depuis quatre générations.
A la fin des années 1970, Barbara Krummen est
entrée dans cette lignée par mariage. Sa famille
et elle-même se sont fortement investies dans la
vie de la communauté réformée résidant dans la
partie inférieure du district de la Singine.
Issue d’une famille paysanne
bernoise immigrée
au XIX e siècle, Léa fait partie
de la jeune génération
protestante qui se sent fribourgeoise,
mais pratique
le dialecte bernois à la maison.
Elle apprend un métier
dans le secteur de la santé
sociale, traverse à cheval
la campagne labourée par son père et tisse de
nombreuses relations dans le cadre du sport et
de la paroisse réformée.
Au XIX e et au début du XX e
siècles, de nombreux paysans
et fromagers bernois
se sont établis dans le district
de la Singine, qui était
à cette époque presque
entièrement catholique.
Ils ont conservé leur identité
réformée, leur parler
et leurs traditions jusqu‘à
aujourd‘hui, et en ont enrichi le quotidien ainsi
que la vie ecclésiale dans le district.
La famille Scheidegger est présente dans le district
de la Singine depuis quelque 80 ans.
Adrian Scheidegger exploite la fromagerie de
Niedermuhren (commune de St-Antoine) en 2 e
génération.
20 21

Jacky Brandt
Bulle
Nathan Matantu
Marly
Silvan Pauls
Marly
Jeune compagnon artisan
d’origine allemande, Albin
Brandt fonde en Gruyère,
au début du XX e siècle,
l’entreprise qui porte son
nom. Ce protestant amène
ses connaissances du travail
du fer en terre fribourgeoise.
Comme d’autres coreligionnaires,
il marque les
débuts de l’industrialisation
du canton et, même si son entreprise doit endurer
de dures épreuves – notamment durant la Grande
Guerre – il développe et implémente les constructions
métalliques dans sa terre d’accueil. Les
compétences de l’entreprise en ferronnerie d’art
permettent également la rénovation d’ornements
dans les églises historiques du canton.
La famille Brandt figure parmi les premières familles
protestantes installées en Gruyère, dont Jacky
Brandt, petit-fils du fondateur, directeur émérite
et ancien président de la paroisse, est le digne représentant.
Les parents de Nathan sont
venus d‘Afrique, fuyant
des situations invivables.
Nathan est né à Fribourg
et s‘y sent totalement
chez lui. Etudiant en droit
à l‘Université, il s‘engage
dans l‘organisation de
camps dans différentes associations.
Il est également
actif dans l‘animation des camps de catéchisme à
la paroisse réformée et est passionné de football.
Sa mère est catéchète, son père consultant aux
affaires de l‘immigration. Avec ses trois enfants,
la famille Matantu représente l‘enrichissement
de l‘Eglise réformée en terre fribourgeoise à travers
les migrations sub-sahariennes.
Le protestantisme fribourgeois
parle aussi le bon
allemand. Issues du pays
de Goethe, des personnes
aux qualifications professionnelles
supérieures
s’installent dans le canton
et apportent une tonalité
différente. La tradition réformée
s‘enrichit de la tradition
luthérienne. Silvan est étudiant. Il a appirs
le français grâce à son intégration dans la paroisse
réformée bilingue de Fribourg. Il s‘engage
dans l‘animation des camps de catéchisme et
comme responsable de groupe.
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Peter Suter
Villars-les-Moines
Annemarie Herren
Guin
Famille Pilet
Saint-Martin
En 1925, l‘Armée suisse a
ouvert un aérodrome militaire
à Payerne. En lien
avec la modernisation de
l‘armée de l‘air, de nombreux
pilotes et employés
de la base aérienne sont
venus s‘installer dans la région
avec leurs familles dès
les années 1960 et jusqu‘à
nos jours.
Parmi eux, il y a eu une proportion importante de
personnes de confession réformée, dont le pilote
militaire professionnel Peter Suter, aujourd‘hui
actif à Berne dans l‘Etat-major des Forces aériennes.
Son père était venu s‘établir à Morat en tant
que l‘un des premiers pilotes de Mirage, et Peter
Suter continue de vivre dans la région avec sa
famille.
A partir de 1960 environ,
de nombreuses entreprises
sont venues s‘établir
dans le canton de Fribourg.
Lorsque la société
Ciba-Geigy a agrandi le
site qu‘elle avait implanté
à Marly, il a fallu engager
plus de personnel spécialisé.
C‘est ainsi que de nombreuses
familles sont venues de toute la Suisse
alémanique pour s‘établir dans la région de Fribourg.
Une partie importante d‘entre elles était
de confession réformée.
Annemarie et Fritz Herren ont choisi de s‘installer
à Guin, et c‘est là qu‘ont grandi leurs enfants.
Que ce soit dans l‘enseignement religieux, dans
le cadre de camps, ou dans la conduite de la
paroisse, la famille a toujours été très active au
sein de la paroisse réformée, et elle l‘est encore
aujourd‘hui.
Dès les années 1990, et grâce notamment à
l’autoroute qui le traverse, le canton de Fribourg
accueille de plus en plus de jeunes familles issues
des régions voisines – Berne en sa région nord
et Vaud en sa région sud.
La famille de Pierrick Pilet, originaire du Pays
d’En-haut, vit aujourd’hui à Saint-Martin, en Veveyse.
Pierrick Pilet a gardé une part de ses liens
sociaux dans le canton de Vaud, ainsi que son
travail, et se sent en même temps tout à fait à
l’aise dans la région qui l’accueille. Comme lui, de
nombreux Vaudois, souvent réformés, traversent
presque chaque jour la frontière cantonale, dans
un sens pour se rendre au travail et dans l’autre
pour retrouver leur chez soi.
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Sur les traces de la foi réformée
en terre fribourgeoise:
hier – aujourd‘hui – demain
Impressum
Edité par le Conseil Synodal de l‘Eglise Evangelique Réformée du canton de Fribourg
Texte:
Andreas Hess (AH), Martin Burkhard (MB), Pierre-Philippe Blaser (PPB)
Photos: Noémie Allous Roh (Portraits et Photos p. 18 – 25)
@lichtwerke
Jeanne H. Peter (Photo titre)
avec autorisation
Graphisme: QuadroArt, Murten
Imprimerie: Druckerei Graf AG, Murten
novembre 2017