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FRANCE HOMMAGE IL Y A 15 ANS, LES JUSTES PARMI LES NATIONS ENTRAIENT AU PANTHÉON Voilà quinze ans, en 2007, sur proposition de Simone Veil, le président Jacques Chirac faisait entrer au Panthéon, ce temple des grandes figures de la Nations française, les Justes parmi les Nations de France. Le dix-huit janvier 2022, le Comité français pour Yad Vashem célébrait cet anniversaire. Bravant le froid, de nombreux représentants d’institutions françaises, officiels de l’Education et de l’UNESCO, membres d’associations et des médias, dignitaires cultuels, se sont réunis au Panthéon, répondant à l’invitation de Pierre-François Veil, président du Comité français. On remarquait, entre autres, la présence de Ronit Ben Dor, chargée d’affaires, ministre plénipotentiaire auprès de l’Ambassade d’Israël en France. La cérémonie a été ponctuée des discours forts et empreints d’humanisme de Pierre-François Veil, Serge Klarsfeld, David de Rothschild, le président de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah et de Frédéric Salat-Baroux, ancien Secrétaire général de la présidence de la République auprès de Jacques Chirac. L’hommage aux Justes parmi les Nations de France n’allait pas sans le rappel des persécutions subies par les Juifs et de la mise en œuvre en 1942, sur le territoire français, de la « Solution finale », avec la collaboration active de l’Etat français. Les orateurs, évoquant « ce réseau informel de bonté et de compassion » que furent les Justes, ont insisté sur le décalage qui a existé entre le comportement salvateur de la population et celui du gouvernement de Pétain. Le Comité français avait invité des élèves du lycée professionnel Théodore Monod de Noisy le Sec (93), qui préparent des baccalauréats professionnels, à participer à cette cérémonie. Ils ont ainsi inauguré un nouveau parcours pédagogique « Les Justes parmi les Nations de France », fruit de la collaboration du Comité français et du service éducatif du Panthéon. Ce parcours fait désormais partie de l’offre éducative du Panthéon pour les classes de collèges et de lycées. Par un passage à travers les siècles, les jeunes découvrent les figures successives du héros apparues dans l’histoire de France, et s’attardent sur ces héros ordinaires que furent les Justes, ceux qui ont opposé la résistance civile à la barbarie nazie, et sont porteurs des plus hautes valeurs de courage et d’humanité. Les lycéens ont clôturé cette cérémonie par un hommage aux Juifs persécutés en donnant lecture de lettres d’enfants cachés et d’extraits du livre-témoignage de Berthe Badehi, une figure de Yad Vashem. Ces lycéens, qui découvraient le Panthéon, nous ont dit s’être sentis très honorés et très fiers d’avoir pris part à une telle cérémonie. Ils ont surtout compris l’importance de la transmission de la mémoire de la Shoah et du rôle de chacun dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. 12 LE LIEN FRANCOPHONE, MAI 2022, N°76
TEMOINS SILENCIEUX DES ASSIETTES DE PESSAH RACONTENT LE PILLAGE DES BIENS JUIFS PENDANT LA SHOAH En 1942, en France, les Allemands ont mis en place une politique d’aryanisation qui passe par une dépossession totale des Juifs. Ce programme nazi pour le pillage des biens juifs et intitulé “Opération Meuble” (Möbel Aktion)”, s’applique également en Belgique et aux Pays-Bas, mais se révèle particulièrement efficace à Paris, grâce à la coopération des autorités françaises. A l’époque, de vastes entrepôts voient le jour dans le centre de la capitale française, essentiellement à proximité des gares. Ils sont établis dans des immeubles qui appartenaient à des Juifs avant la guerre, et ont été réquisitionnés avec l’occupation de Paris. Ces sites fonctionnent comme des camps de travail : on y trie et entrepose les biens volés aux Juifs contraints à la fuite ou à la déportation. Sur place, la maind’œuvre est juive. Les équipes de travailleurs sont des prisonniers du camp de Drancy “préservés contre les envois vers l’Est”, soit pour être issu de mariages mixtes, soit pour être ressortissant d’un pays neutre, comme les citoyens turcs. Dans une maison des Rothschild Parmi ces derniers, Albert Samuel. Originaire de Turquie, il s’installe en France avec sa femme Esther, où naissent leurs deux fils, Michel (en 1932) et Maurice (en 1937). En juillet 1942, dans le cadre des arrestations massives de Juifs à Paris, Albert est arrêté et emprisonné à Drancy. Il sera détaché du camp, pour le compte des Allemands, et réquisitionné pour le programme de pillage nazi. Son équipe opère dans différents lieux parisiens. Un jour, Albert et ses camarades d’infortune sont envoyés vider le contenu d’un domicile particulier - une propriété de la famille Rothschild. Sur place, Albert réussit à dissimuler trois assiettes sous ses vêtements. Deux d’entre elles ont été remises aux collections de Yad Vashem. Ces assiettes faisaient partie d’un service utilisé pour Pessah (la pâque juive). Au centre de chacune, on peut lire le mot en hébreu “Matsa” (pain azyme), entouré de scènes représentant la sortie d’Egypte, des illustrations tirées de la “Haggadah d’Amsterdam”. De telles assiettes ont été fabriquées et vendues dans les années 1920 à Londres, puis à Paris. Ces objets, qui reviennent sur le parcours personnel d’Albert Samuel, permettent également de mieux comprendre la façon dont le projet de pillage était organisé en France. Ces activités de spoliation et de stockage sont un exemple de la collaboration étroite qui unissait le gouvernement de Vichy et les forces d’occupation nazies. Un comité avait été créé qui faisait le lien entre les services de transport français et le bureau du dignitaire nazi en charge des opérations. Pendant plus de deux ans, des camions ont parcouru les rues de Paris pour transporter l’ensemble des biens volés dans des maisons juives. Tous les chauffeurs et ouvriers mobilisés étaient français. Puis, les fonctionnaires nazis se rendaient sur place, procédaient à un inventaire, le signaient, et mettaient les appartements sous scellés. Les domiciles juifs ont ainsi été complètement vidés de leurs meubles et de leur contenu, jusqu’aux plus petits des objets qu’ils contenaient. Le fruit des pillages était destiné aux Allemands relogés dans les régions d’Europe occupées par les nazis. LE LIEN FRANCOPHONE, MAI 2022, N°76 13
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