Lien n°76
Yad Vashem, le lien francophone n°76. Retour sur Yom Hashoah 2022.
Yad Vashem, le lien francophone n°76.
Retour sur Yom Hashoah 2022.
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HISTOIRE<br />
CHARLES<br />
DLUTO : UN DES<br />
PASSAGERS DU<br />
PREMIER CONVOI<br />
DE DÉPORTATION<br />
PARTI DE FRANCE<br />
Le 27 mars 1942, le premier<br />
convoi de déportation partait de<br />
France. A son bord : 1 112 Juifs,<br />
raflés en août ou décembre 1941 et<br />
internés à Compiègne ou Drancy.<br />
Ils s’appelaient Mathieu Alter, Motel<br />
Reznik ou Philippe Dzialowski. Leurs<br />
histoires et quelques autres, ont<br />
été racontées dans le cadre d’une<br />
exposition en ligne sur le site de Yad<br />
Vashem, à l’occasion des 80 ans du<br />
premier convoi parti de France. Le<br />
<strong>Lien</strong> a choisi de retracer le parcours<br />
de Charles Dluto, né à Paris en 1918<br />
et déporté le 27 mars 1942.<br />
Léon (Leibish) Dluto et Esther<br />
(Guessa) née Zelty se marient en<br />
Pologne avant de s’installer en<br />
France en 1907. Leurs trois enfants<br />
naissent sur le sol français. Charles<br />
(Shaoul) voit le jour à Paris le 6 avril<br />
1918, il est le troisième de la fratrie<br />
après une sœur et un frère aînés. La<br />
famille réside au 55 de la rue Saint-<br />
Antoine, dans le 4è arrondissement<br />
de Paris.<br />
Léon travaille comme brocanteur :<br />
il achète et revend des meubles<br />
sur les marchés, bien souvent aux<br />
puces de Saint-Ouen. Esther est<br />
mère au foyer. Les revenus sont<br />
modestes : ils vivent à cinq dans un<br />
petit appartement en location de 32<br />
m2 avec chambre, salle-à-manger,<br />
coin cuisine et toilettes sur le palier.<br />
Mais la famille ne manque de rien.<br />
Le foyer est uni et soudé. Fidèles<br />
à leurs racines culturelles juives<br />
polonaises, Léon et Esther font<br />
fi du manque de place et aiment<br />
recevoir, quitte à faire dormir les<br />
amis ou les proches, « sous la table<br />
ou par terre ».<br />
Les Dluto, naturalisés français<br />
grâce à la loi de 1927, ont renoncé<br />
au mode de vie religieux et se<br />
revendiquent sans pratique. Chez<br />
eux, la langue d’expression reste<br />
le yiddish. Pour Esther, le français<br />
ne se lit pas et ne se parle qu’avec<br />
un fort accent. Alors on célèbre<br />
avec fierté le certificat d’études<br />
de Charles.<br />
Charles Dluto, 20 ans, et Marguerite<br />
Flayszaker, 17 ans, en 1938.<br />
En 1938, Charles Dluto épouse<br />
Marguerite Flayszaker. Il a 20<br />
ans, elle en a 17. Ils deviennent<br />
parents l’année suivante avec<br />
la naissance de Michel, le 6 juin<br />
1939. Le jeune couple habite au<br />
52 rue d’Angoulême, dans le 11è<br />
arrondissement de Paris. Charles<br />
travaille avec son père et Marguerite<br />
tient le foyer.<br />
“L’ouverture de Drancy”<br />
En septembre 1939, quand la<br />
guerre éclate, le jeune couple<br />
continue sa routine quotidienne. Ils<br />
ont pris pour habitude de passer<br />
les fins de semaine à Villeparisis,<br />
en région parisienne, où la famille<br />
Dluto détient une propriété. C’est<br />
d’ailleurs là qu’ils se trouvent en ce<br />
mois d’août 1941, pour des vacances<br />
en famille. Mais las des disputes<br />
entre les deux belles-mères,<br />
Charles demande à Marguerite de<br />
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LE LIEN FRANCOPHONE, MAI 2022, N°76