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Programme - Brest

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Retranscription intégrale des échanges de la journée,<br />

par Emmanuelle PICHELIN, pour <strong>Brest</strong> métropole océane<br />

Journée animée par Carine Rocchesani, journaliste<br />

<strong>Programme</strong><br />

9h 9h45 Ouverture par François Cuillandre, Président de <strong>Brest</strong> métropole océane.<br />

10h Table ronde n°1 : Comment concilier densité et attentesdes ménages ?<br />

Grand témoin : Joël Krikorian, Directeur du développement de Sémaphores territoires<br />

Nicolas Michelin, architecte<br />

Guy Fauvet, architecte<br />

Claire Guihéneuf, Directrice de l’Agence de développement et d’urbanisme du Pays de <strong>Brest</strong><br />

Daniel Le Couëdic, Professeur des universités, Université de Bretagne Occidentale<br />

Jean-Pierre Le Roux, membre du Conseil Consultatif de Quartier de Lambézellec, <strong>Brest</strong><br />

Yves Courtot, Directeur de <strong>Brest</strong> métropole aménagement<br />

13h45 Table ronde n°2 : Comment préserver l’attractivité du parc existant ?<br />

Grand témoin : Franck Caro, Responsable du pôle modalités d’intervention à la direction de la<br />

coordination du programme de l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine<br />

Yves Quiniou, Directeur de <strong>Brest</strong> métropole habitat<br />

Gladys Douilly, Directrice d’Energence, Agence de maîtrise de l’énergie de <strong>Brest</strong> et de sa région<br />

Catherine Le Perron, architecte<br />

Nathalie Rochcongar, copropriétaire d’un immeuble en réhabilitation énergétique<br />

Michèle Bazzaz, permanente à la Confédération de la consommation, du logement et du cadre<br />

de vie<br />

François Thierry, Président de <strong>Brest</strong> Avenir Immobilier<br />

Table ronde 3 : Comment mobiliser les différents acteurs et nouer des partenariats<br />

efficaces au service de la diversité de l’habitat ?<br />

Grand témoin : Jean-Pierre Troche, Directeur de Ville et Habitat.<br />

Thierry Kervern, Responsable du marché de l’habitat au Crédit Mutuel de Bretagne<br />

Me Gestin, Chambre des notaires du Finistère.<br />

Emmanuel Cornec, Directeur de la Foncière et Immobilière de Manche Atlantique<br />

Jean-Philippe Lamy, Directeur du Pôle du Développement Economique et urbain, <strong>Brest</strong><br />

métropole océane<br />

Clôture de la journée par Jean-Pierre Caroff, Vice‑président de <strong>Brest</strong> métropole océane, chargé<br />

de l’urbanisme et de l’habitat.<br />

1


Ouverture par François Cuillandre, Président de <strong>Brest</strong> métropole océane.<br />

« Mesdames, messieurs, chers amis, j’ai le plaisir d’ouvrir ici aujourd’hui cette première édition<br />

intitulée « Questions d’habitat », qui réunit un grand nombre d’acteurs de l’habitat de notre<br />

territoire. Ceux qui construisent, ceux qui étudient, ceux qui analysent, ceux qui proposent ou<br />

ceux qui agissent, plus globalement, en faveur de l’habitat.<br />

Cette première édition est importante à un double titre. D’une part, elle est la traduction de la<br />

volonté de <strong>Brest</strong> métropole océane, de la communauté urbaine, de partager les enjeux de<br />

l’habitat, et, surtout, de trouver ou d’essayer de trouver des réponses communes. C’est la<br />

première chose. D’autre part, elle est importante aussi parce que <strong>Brest</strong> est, vous le savez, à un<br />

moment charnière de son développement urbain. Les enjeux de l’habitat sont connus, en tout<br />

cas sont connus de vous. Ils sont ceux des mondes urbains. Quels sont ces enjeux ? C’est tout<br />

d’abord la lutte contre l’étalement urbain qui menace les espaces naturels, et surtout les<br />

espaces agricoles, et c’est particulièrement vrai sur le pays de <strong>Brest</strong>. Deuxième chose, il faut<br />

redonner envie de vivre en ville et de ne plus la désirer comme seul lieu du travail ou de<br />

l’échange commercial, même si le travail et l’échange commercial sont importants. Troisième<br />

enjeu, c’est la nécessité d’une politique d’urbanisme et de logement attrayante, respectueuse<br />

de l’environnement et, bien évidemment, à des coûts maîtrisés. Enfin, dernier enjeu, c’est la<br />

nécessité d’affirmer le droit au logement pour tous. Parce qu’on ne peut pas déconnecter les<br />

questions de l’habitat des grandes problématiques urbaines. En effet, se loger, se chauffer,<br />

s’éclairer, se déplacer dans un contexte d’évolution vers l’irrationnel du coût du pétrole, éliminer<br />

ses déchets, vivre avec l’autre, nous amènent à devoir envisager le pire. Le pire, c’est quoi ?<br />

C’est, par exemple, des cités ou des quartiers, cela existe ailleurs, sous cloche de verre,<br />

sécurisés à outrance et isolés du reste du monde. Ou encore, à côté, d’autres quartiers<br />

devenant des zones de non-droit, sans âmes ni règles.<br />

On parle aujourd’hui de qualité environnementale mais aussi de qualité émotionnelle pour<br />

exprimer l’habitat de demain. L’objectif est assez simple, une ville pour tous. C’est-à-dire une<br />

ville accessible, à logements abordables, et une urbanisation équilibrée. Concernant cette<br />

question de l’urbanisation, quelques remarques. Tout d’abord, il faut, je crois, une pensée<br />

globale de l’urbanisation au service de laquelle il faut s’interroger sur les formes urbaines, sur<br />

les couleurs de la ville, et sans doute s’affranchir de quelques carcans liés à une vision trop<br />

traditionaliste de l’habitat. Deuxième remarque, la création d’éco-quartiers et le retour<br />

d’immeubles de grande hauteur ne peuvent pas en êtres dissociés. Troisième remarque, la ville<br />

n’est pas un lieu d’expérimentation de l’urbanisme, elle doit être un espace réfléchi, cohérent,<br />

sans pour autant être nécessairement homogène. Quatrième remarque, cette ville doit rester un<br />

espace mutable, en capacité de s’adapter aux sollicitations de l’avenir. C’est la condition même<br />

d’un développement durable de nos villes. Enfin, dernière remarque, cette vision globale ne<br />

peut être l’addition de politiques particulières, mais une politique dont la globalité constitue la<br />

condition même de son efficacité.<br />

Alors, quel est l’enjeu pour <strong>Brest</strong>. Pour <strong>Brest</strong>, la communauté urbaine et le pays de <strong>Brest</strong>. C’est<br />

tout d’abord un monde urbain de 220 000 habitants, c’est la population de la communauté<br />

urbaine, mais qui doit se résonner à l’échelle urbaine d’environ 350 000 habitants, c’est le Pays<br />

de <strong>Brest</strong>, c’est la zone de chalandise. Deuxième enjeu, les risques de l’étalement urbain sont<br />

particulièrement importants pour la pointe de la Bretagne. L’importance de l’économie agricole,<br />

la protection du littoral, la protection de la qualité des eaux, les coûts de gestion pour les petites<br />

collectivités. Tous ceci est particulièrement important. Troisième enjeu, c’est le rôle d’équilibre<br />

de la Bretagne avec deux pôles urbains, Rennes et <strong>Brest</strong>. C’est tout l’enjeu du rôle<br />

métropolitain de notre agglomération avec un enjeu qui est sous-jacent, celui de son<br />

accessibilité. Quel constat peut-on faire aujourd’hui à <strong>Brest</strong> et au pays de <strong>Brest</strong> ? Actuellement<br />

on constate qu’environ 40% de la construction est faite dans la communauté urbaine de <strong>Brest</strong><br />

et 60% au-delà. Les raisons de ce constat sont nombreuses. Tout d’abord, le foncier. Les<br />

ménages sont prêts pour acquérir une maison individuelle, et tout le monde connaît le désir<br />

breton pour l’acquisition d’une maison individuelle. Donc les ménages sont prêts à aller parfois<br />

2


assez loin de leur lieu de travail et ceci en raison du coût plus faible du foncier. Deuxième<br />

constat, c’est que l’enrichissement de certains ménages à fait que, si on s’accordait autrefois<br />

une voiture, on peut aujourd’hui en acquérir deux. Les déplacements ne sont plus un problème,<br />

sauf les bouchons qui existent à l’entrée des agglomérations. Troisième raison, je l’ai déjà<br />

évoquée, c’est le désir d’une maison individuelle. Et enfin, c’est l’existence d’un littoral de<br />

qualité.<br />

Alors, quels moyens pour agir sur l’habitat et le logement sur notre agglomération ? C’est tout<br />

d’abord la rénovation d’immeubles vétustes, la création de logements où cela est possible, et<br />

l’ouverture de nouveaux espaces à urbaniser. Ce sont donc les outils à notre disposition. Sur<br />

<strong>Brest</strong>, sur la communauté urbaine de <strong>Brest</strong>, ce sera évoqué, c’est la création de nouveaux<br />

quartiers à l’Ouest la Fontaine-Margot, au Nord à Lambézellec, ou à l’Est au Rody. Deuxième<br />

outil, c’est la rénovation des quartiers anciens, notamment à Saint-Martin ou sur la rive droite en<br />

soutenant les propriétaires d’immeubles. Troisième outil à disposition, c’est l’extension<br />

maîtrisée de l’urbanisation sur toutes les communes de <strong>Brest</strong> métropole océane. Ces dernières<br />

années, nous avons actualisé nos outils réglementaires pour assurer ces trois axes de travail.<br />

Tout d’abord, le quatrième Plan Local de l’Habitat pour les années 2008-2013. PLH qui veut<br />

assurer une plus grande diversité de l’habitat sur notre territoire. C’est ensuite s’engager dans<br />

une démarche environnementale systématique pour les logements. C’est aussi améliorer la<br />

qualité urbaine et résidentielle des implantations. Et c’est enfin renforcer la solidarité à travers<br />

l’habitat et le logement. PLH donc, PLU ensuite. PLU, Plan Local d’Urbanisme, qui structure et<br />

réglemente les utilisations du sol. Outil dont nous avons parlé, la presse aussi ces derniers<br />

temps, et dont la remise en cause n’a été qu’un épiphénomène. C’est pourquoi je n’y reviendrai<br />

pas.<br />

Les moyens que nous nous donnons ne sont pas de simples outils réglementaires. Il y a aussi<br />

et surtout la concertation et la réflexion collectives. Comprenons bien que si les aspects<br />

réglementaires sont des sortes de garde-fous, la concertation ouvre la voie à une<br />

contractualisation entre les acteurs. Il s’agit d’une contractualisation par projets qui intègre<br />

l’objectif de 50% de l’offre nouvelle à un prix de sortie abordable pour nos concitoyens,<br />

notamment les plus modestes. L’actualisation en commun que nous avons inscrite dans le PLH,<br />

de ce coût abordable, est à mon sens un des aspect les plus important du mode construction<br />

de la ville de demain et de la réflexion qui doit en émerger. Alors, notre réflexion est de savoir<br />

quelle ville nous proposons pour les générations futures. Et c’est tout l’intérêt de notre rencontre<br />

d’aujourd’hui et le profit que nous pouvons en tirer.<br />

Merci à vous pour votre présence. Je voudrais remercier toutes celles et ceux qui ont contribué<br />

à l’organisation de cette journée et, notamment, la cheville ouvrière de la politique du logement<br />

à <strong>Brest</strong> depuis de nombreuses années, à savoir Jean-Pierre Caroff dont la renommée va bien<br />

au-delà de notre territoire communautaire. »<br />

3


Table ronde 1 : Comment concilier densité et attentes des ménages ?<br />

Carine Rocchesani : Merci beaucoup. Les enjeux sont posés, nous allons commencer par échanger<br />

ce matin sur le thème de la densification. Comment concilier cette densité et les attentes des<br />

ménages ? Voilà le thème de notre première table ronde. Nous allons échanger tout au long de cette<br />

matinée jusqu’à midi, midi moins le quart sur ce thème avec les invités qui vont nous rejoindre.<br />

Avec notre grand témoin, Joël Krikorian, Directeur du développement de Sémaphore territoires, qui<br />

va avoir le regard sur nos échanges ; Nicolas Michelin, architecte urbaniste ; Guy Fauvet, architecte<br />

urbaniste ; Claire Guihéneuf, Directrice de l’Agence de développement et d’urbanisme du pays de<br />

<strong>Brest</strong> ; Daniel Le Couëdic, Professeur des universités, Université de Bretagne Occidentale ; Jean-<br />

Pierre Le Roux, membre du Conseil Consultatif de Quartier de Lambézellec ; et Yves Courtot,<br />

Directeur de <strong>Brest</strong> métropole aménagement. Vous nous parlerez d’une étude en cours mais pas<br />

totalement terminée. Vous êtes en train d’en récolter les fruits.<br />

Alors comment concilier densité et attente des ménages ? Je vais demander à notre grand témoin de<br />

nous dire deux ou trois mots. Peut-être sur votre rôle à vous, Joël Krikorian. Directeur de<br />

développement à Sémaphore Territoires. Un bureau d’études ?<br />

Joël Krikorian : Oui, en fait, ma spécialité, telle que vous l’avez définie pour cette journée, c’est plutôt<br />

la commercialisation d’immobilier. Notre cabinet intervient sur toute la chaîne de la construction de la<br />

ville. On travaille à la fois pour des ministères, pour les départements, les régions, les métropoles dans<br />

le cadre de PLH. Et ensuite, les aménageurs, les promoteurs ou les bailleurs sociaux, ou les<br />

investisseurs. Suivant la chaîne, bien évidemment, les problématiques sont différentes puisque leur<br />

angle d’approche est différent. Et tout en bas de la chaîne, le marketing immobilier c’est être là, à côté<br />

des opérateurs pour les aider à définir au mieux les produits qui se vendraient ou se loueraient le<br />

mieux demain lorsqu’ils les mettront sur le marché. Comme Renault ou comme Chanel. Le marketing<br />

c’est une notion qui est venue il y a très longtemps, dans les années trente, et en immobilier ça ne fait<br />

que quinze ans que ça commence à se développer vraiment. Donc ce sont des approches d’analyse<br />

de marché, de conception de produits, de définition du prix et de la bonne méthode de distribuer, de<br />

communiquer autour du produit. C’est ça l’approche marketing pour un produit en général.<br />

Carine Rocchesani : Voilà, vous allez nous éclairer par le biais de cette approche tout au long de<br />

cette table ronde. Merci à vous Joël Krikorian d’avoir accepté de participer à cette table ronde.<br />

On va commencer par bien planter le décor avec Claire Guihéneuf. Alors, comment est perçu,<br />

analysé, approprié cette question de la densité avec votre vision du territoire ?<br />

Claire Guihéneuf : En premier lieu je pense que si on veut répondre à la question comment concilier<br />

densité et attente des ménages, notre premier devoir à tous c’est de convaincre l’ensemble des<br />

ménages, des habitants, qu’il y a lieu d’aller dans le sens de la densité. Que ce n’est pas simplement<br />

une réflexion technocratique, issue brusquement des cerveaux de bureaucrates enfermés, qui euxmêmes<br />

d’ailleurs préféreraient hypothétiquement une maison individuelle avec un grand jardin. Je<br />

pense que la question qui a été soulevée tout à l’heure par François Cuillandre des enjeux de la<br />

question qui est derrière la densité et qui est celle de l’étalement urbain, ou plus exactement de la<br />

consommation d’espace, sur cette question-là on a un effort pédagogique à faire. Jusqu’à une époque<br />

récente, on était conscient du phénomène, mais je pense qu’on manquait des éléments pour le<br />

mesurer réellement. Récemment, l’Agence d’urbanisme a réalisé avec deux laboratoires de recherche,<br />

l’un Rennais qui s’appelle Costel et l’autre <strong>Brest</strong>ois qui est Géomer, une analyse de l’évolution de la<br />

consommation d’espace entre 1985 et 2005, donc sur une période de 20 ans sur le Finistère. L’étude<br />

nous dit que nous avons au cours de cette période de 20 ans, quasiment doublé notre espace<br />

artificialisé. On a ce qu’on appelle la tâche urbaine, c’est-à-dire l’espace artificialisé, qui a augmenté de<br />

96% alors que la population a progressé de 10%. On a vraiment aujourd’hui des chiffres qui nous<br />

montrent qu’il ne sera pas possible de poursuivre sur ce rythme, que c’est un rythme qui nous conduit<br />

à des difficultés écologiques majeures, à la fois parce que l’imperméabilisation des sols modifie le<br />

cycle de l’eau, fractionne les milieux, etc. On a des problèmes sur la biodiversité et puis<br />

économiquement ça a été un peu abordé, on a un vrai recul des terres agricoles et puis une<br />

augmentation, une pression foncière et une augmentation des coûts du foncier qui amènent à remettre<br />

en cause parfois certains projets. Donc on est là devant une difficulté réelle et je pense que cette<br />

question de la densité n’est pas du tout une question accessoire, et il faut absolument convaincre les<br />

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ménages de l’intérêt non pas d’un bouleversement immédiat des pratiques, mais en tout cas d’une<br />

tendance, d’un « aller vers », à long terme des pratiques beaucoup plus économes en termes de<br />

consommation d’espace.<br />

Carine Rocchesani : Donc, de la pédagogie autour de ces éléments clés…<br />

Claire Guihéneuf : C’est indispensable.<br />

Carine Rocchesani : Indispensable, est-ce que ce sera suffisant ? Ça pourra faire l’objet d’un débat.<br />

Mais en tout cas pédagogie nécessaire autour de ces éléments clés. Est-ce qu’il y a quelques chiffres<br />

marquants ? Vous avez parlé d’artificialisation des sols, mais dans <strong>Brest</strong>, est-ce qu’il y a quelques<br />

chiffres marquants ? Vous m’avez dit qu’il y avait de moins en moins d’habitants par logement…<br />

Claire Guihéneuf : Oui, l’autre versant, ce qui explique pour une part cette consommation d’espace<br />

qu’il y a eu depuis des années, c’est le fait évidemment que d’une certaine manière nous avons<br />

dédensifié nos espaces de vie puisque nous sommes de moins en moins nombreux à vivre chacun par<br />

ménage. Nous avons des logements de plus en plus grands qui accueillent de moins en moins de<br />

personnes. Dans un espace tel que <strong>Brest</strong> ville, par exemple, nous sommes de moins en moins<br />

nombreux à vivre. D’ailleurs cela se traduit physiquement puisque la ville de <strong>Brest</strong> a perdu des<br />

habitants entre les deux recensements. Ça veut bien dire que sur des espaces construits équivalents<br />

nous sommes en train de perdre régulièrement de la population. La densification, la réoccupation de<br />

l’espace, a aussi pour vocation d’aller contre ce phénomène. Daniel Le Couëdic en parlerait mieux que<br />

moi, mais je pense que nous avons vécu des périodes ou le nombre d’habitants dans un espace donné<br />

était bien supérieur à celui que nous connaissons aujourd’hui, et en plus dans des conditions de<br />

confort qui étaient à l’époque bien moindres. Donc, nous devrions, me semble-t-il, au vu de nos<br />

moyens à la fois technologiques… De nos ressources d’aujourd’hui, être capables de produire des<br />

modes de vie plus denses que ce que nous avons fait ces dernières années, avec des conditions de<br />

confort au moins équivalentes.<br />

Carine Rocchesani : Et bien merci. Justement Daniel Le Couëdic va nous ouvrir son regard<br />

d’historien sur la question. La densité, ce n’est pas nouveau, ce n’est pas un concept que l’on a inventé<br />

là, avec le Grenelle de l’environnement. La densité, finalement, ça répond à des périodes de crise.<br />

Daniel Le Couëdic : Oui, enfin ça, c’est aller un peu vite en besogne. Mais effectivement on pourrait<br />

peut-être dire un mot à propos de ce mot de densité qui n’est pas le mot le plus populaire, il faut bien le<br />

dire, auprès de nos concitoyens et qui prête à ambiguïté. Il est très policémique. Deux exemples d’une<br />

grande banalité, il est bien évident que si on aménage une zone, si on installe un très grand parc dans<br />

cette zone, et bien la densité sera objectivement faible, telle qu’on la mesurera, et pourtant les zones<br />

bâties pourront l'être, elles, très densément. Autre exemple, c’est la façon dont la densité est perçue.<br />

On peut prendre un exemple brestois, en 1977, la troisième tranche de la ZUP a été abandonnée au<br />

prétexte de sa trop grande densité. La densité de la ZUP si elle avait été achevée aurait été<br />

l’équivalent d’un COS de 0,3, alors qu’un quartier central d’une ville médiévale a un COS 7 fois<br />

supérieur. Ce n’est pas la densité qui était en jeu, mais la perception que l’on pouvait en avoir. Donc,<br />

ça je crois qu’il faut avoir ces choses-là en tête notamment pour les exercices pédagogiques auxquels<br />

Claire nous convie. Je pense aussi qu’il faudrait assez rapidement peut-être faire une distinction, et<br />

Claire l’a très bien fait mais peut-être est-ce passé un peu inaperçu, entre la consommation d’espace<br />

et l’étalement urbain. Spécialement quand on est en Bretagne. L’étalement urbain qui suggère la tache<br />

d’huile qui s’étend auprès d’une ville centre n’existe pas ou peu chez nous. Ici, la maison individuelle,<br />

puisque c’est bien elle qui est en jeu implicitement, s’est greffée le plus souvent sur le réseau des<br />

bourgs qui ponctue nos paroisses primitives et qui fait que nous avons un espace peuplé de façon très<br />

particulière en Bretagne, qui fait que nous avons échappé justement à cet étalement urbain mais pas<br />

au phénomène de la maison. On pourra peut-être revenir sur ces aspects historiques. Ensuite, la<br />

maison. On peut peut-être là aussi s’attarder sur quelque chose d’absolument extraordinaire, on a<br />

parlé de marketing tout à l’heure, c’est pratiquement le seul domaine, et peut-être le seul, où les<br />

enquêtes que l’on conduit depuis 1947 donnent systématiquement le même résultat. La première<br />

grande enquête sur la maison en France, c’est l’INED qui l’a conduit en 1947, 80% des gens qui<br />

avaient été interrogés disaient en substance qu’ils désiraient ardemment, même s’ils savaient qu’ils ne<br />

pourraient pas se la procurer, une maison individuelle et un jardin. Et l’on reviendra sur cette notion de<br />

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jardin qui renvoie à la terre qui est bien autre chose que le jardin ornemental. Or aujourd’hui, c'est la<br />

dernière grande enquête du CREDOC 2004, 82% des Français prétend que le logement idéal qu’ils<br />

souhaitent est une maison, et lorsque l’on va plus loin dans l’enquête les raisons avancées en premier,<br />

et c’est une tautologie, c’est « nous voulons une maison parce que c’est une maison ». Ça semble être<br />

une explication suffisante en soi. Et le deuxième point, c’est le jardin, assimilé à la terre. Au passage,<br />

on viendra peut-être tout à l’heure sur les politiques qui ont promu cette absence de densité sur<br />

laquelle nous souhaitons revenir aujourd’hui, parce que ce n’est pas simplement le fait de ce<br />

mouvement quasi anthropologique que je viens d’évoquer mais c’était aussi le résultat de politiques<br />

sciemment mises en scène. On verra que la terre a souvent été un argument. Je vous rappelle, par<br />

exemple, que le président Giscard d’Estaing avait trouvé avec la COFREMCA, encore le marketing,<br />

une fameuse expression, qui était un slogan, « rendre les français propriétaires de la France ». Ce<br />

n’était pas accéder à la propriété d’une maison individuelle, c’est tout à fait important. Alors,<br />

historiquement, bien sûr que la densité a été à l’œuvre très longtemps, elle l’a été jusqu’à la dernière<br />

guerre, pratiquement. Nos villes mais aussi nos bourgs se sont réalisés avec une très grande densité<br />

quand bien même il s’agissait de maisons individuelles. Nos bourgs qui ont pris l’allure qu’on leur<br />

connaît généralement dans la deuxième moitié du XIXe siècle, l’on fait systématiquement par des<br />

maisons individuelles mais en continuité du bâti, souvent avec des jardins assez vastes d’ailleurs, mais<br />

il y avait au moins une densité de la partie solidement édifiée. On peut voir aussi d’ailleurs que, dans<br />

l’entre-deux guerres, les architectes arrivaient à convaincre et à produire des opérations… Si on va<br />

dans les Côtes du Nord à l’époque, d’Armor aujourd’hui, un architecte départemental a réalisé des<br />

opérations tout à fait remarquables. Il a proposé des formules que nous reprenons aujourd’hui pour<br />

densifier l’habitat individuel à Saint-Brieuc, à Guingamp et ailleurs. Ce qui paraît intéressant, c’est de<br />

voir comment on a rompu avec ce système ancestral, comment on est passé à autre chose, parce que<br />

c’est peut-être là que l’on trouvera les moyens de revenir sur cette idée-là. Mais vous m’interrogerez<br />

tout à l’heure sur ce…<br />

Carine Rocchesani : Juste une parenthèse, vous êtes professeur de géoarchitecture. Qu’est ce qu’on<br />

enseigne dans cet Institut ? Juste pour avoir une idée des thèmes abordés.<br />

Daniel Le Couëdic : L’Institut de géoarchitecture fait partie des Instituts d’Urbanisme, il y en a une<br />

vingtaine en France, mais la particularité chez nous, c’est que nous n’avons pas été fondé comme<br />

extension d’une discipline mère, alors qu'en France c’est souvent à partir de la géographie ou du droit<br />

que les Institut ont été créés. Nous avons été créé autour d’un objet et toutes les disciplines qui sont<br />

impliquées dans l’acte d’aménager et de bâtir, depuis les sciences humaines et sociales jusqu’aux<br />

sciences plus dures entre guillemets, spécialement celle de l’environnement très sollicitée aujourd’hui,<br />

qui ont toujours été impliquées dans l’enseignement comme dans la recherche.<br />

Carine Rocchesani : Les thèmes évoluent aussi avec l’actualité, vous sentez que ces thèmes<br />

évoluent finalement d’années en années. La densité est-ce que ça revient…<br />

Daniel Le Couëdic : Cela revient dans le discours des urbanistes et des architectes, des élus<br />

évidemment François Cuillandre nous l’a rappelé, mais le problème, et l’on a parlé d’attente des<br />

ménages dans le titre de cette journée, c’est que l’attente des ménages n’est pas dans la densité. Elle<br />

ne s’exprime pas comme ça en tout cas.<br />

Carine Rocchesani : On a bien compris que les 80% n’avaient pas tendance à baisser, en tout cas<br />

dans le désir, après dans le projet réel…<br />

Daniel Le Couëdic : Vous avez prononcé un mot extrêmement important sur lequel il faudra revenir,<br />

c’est le mot désir, et non pas le mot besoin.<br />

Carine Rocchesani : C’est toute la marge. Qu’est-ce que je désire et qu’est-ce que finalement je vais<br />

choisir après réflexion et parce que je n'ai pas forcément le choix non plus. On reviendra sur les<br />

particularités de <strong>Brest</strong>.<br />

Daniel Le Couëdic : Pour planter le tableau, des chiffres quand même, avec la Bretagne on ne peut<br />

pas se réfugier derrière des statistiques nationales. En Bretagne, 71% des logements sont des<br />

maisons individuelles, c’est 17 points de plus que la moyenne nationale. Ce n’est pas à la marge. Et,<br />

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de surcroît, nous avons à peu près 68% de propriétaires occupants ce qui est 10 points de plus que la<br />

moyenne nationale. On est face à un problème particulier.<br />

Carine Rocchesani : L’exception bretonne. Est-ce que à <strong>Brest</strong> on est dans ces moyennes-là ?<br />

Daniel Le Couëdic : Oui absolument puisqu’une des caractéristique de la Bretagne c’est que toutes<br />

les aires réputées urbaines, en termes de statistiques, comportent une majorité d’habitats individuels.<br />

Rennes est à 51%, elle tangente, mais si on va à Saint-Brieuc ou si on va à Vannes c’est 68% et à<br />

<strong>Brest</strong> on est tout près des 60%. L’aire urbaine de <strong>Brest</strong>, pas <strong>Brest</strong> commune.<br />

Carine Rocchesani : Je vais me tourner vers Yves Courtot parce que vous avez… On m’a dit que ce<br />

n’était pas fini et qu’on ne peut pas avoir les résultats de cette enquête. Mais il y a une volonté tout de<br />

même, vous êtes Directeur de <strong>Brest</strong> métropole aménagement, d’en savoir un peu plus sur ces<br />

attentes. Alors on a parlé de 80%, c’est peut-être un peu tôt pour avoir des chiffres précis. Mais déjà<br />

pourquoi cette enquête et de quel ordre est-elle ?<br />

Yves Courtot : Pourquoi cette enquête ? En effet BMO, conscient des enjeux en termes de<br />

développement urbain, a mis en œuvre une politique de grands projets urbains à travers des grands<br />

actes d’habitats qui vont structurer la ville. En relation bien sûr avec les autres projets, en particulier les<br />

projets de développement du transport en commun, du tramway. Ces quartiers sont à l’étude,<br />

aujourd’hui, et nous sommes tout à fait conscient qu’aujourd’hui nous travaillons pour les habitants de<br />

demain. Et pour nous demain c’est, en termes d’aménagement, souvent trois, quatre, cinq ans, entre le<br />

moment où le projet trouve ses fondamentaux et le moment où les premières constructions vont<br />

commencer à êtres habitées. On peut parler en effet de cinq ans. Nécessité d’anticiper. On est dans<br />

une période de changements, tout le monde le constate. Les résultats de sondages d’opinions le<br />

montre en permanence, donc il nous a semblé intéressant au-delà des intuitions que nous partageons<br />

avec nos urbanistes, d’être aussi dans cette réalité future. C’est difficile, c’est pour cela que l’on s’est<br />

lancé dans cette étude de marketing immobilier nous permettant de mieux distinguer les attentes des<br />

habitants, et de faire le tri entre le discours et la réalité, l’envie, ce qu’on peut déclarer, et en fin de<br />

compte les actes qui vont être mis en œuvre. De le faire en utilisant les techniques de marketing, en<br />

essayant de caractériser des profils d’habitants futurs, pas simplement une collection de questions, oui<br />

non d’accord ou pas… Mais à travers des filtres de type CSP ou autres, essayer de distinguer<br />

comment les gens pourraient réagir à ces offres nouvelles.<br />

Carine Rocchesani : Quel panel de la population ?<br />

Yves Courtot : Aujourd’hui, l’enquête est partie sur un panel assez important. Il y a 1500<br />

questionnaires qui vont êtres passés, dont 1000 sur l’agglomération de <strong>Brest</strong>. C’est un panel important<br />

par rapport à ce type d’enquête. La moitié à peu près est passée aujourd’hui. On aura les résultats,<br />

normalement, d’ici à fin de l’année.<br />

Carine Rocchesani : Qu’est-ce que vous allez en faire après de cette enquête ? Comment va-t-elle<br />

être diffusée ?<br />

Yves Courtot : L’objectif c’est bien de nourrir notre réflexion quant à ces futurs quartiers. Nicolas<br />

Michelin pourra en témoigner. C’est vrai qu’on se pose beaucoup de questions aujourd’hui sur le bon<br />

mixte en termes de programmes, sur la partie individuelle dense, il ne s’agit plus de faire des maisons<br />

sur de grands terrains, sur des nouvelles formes « d’habiter », l’individuel groupé qui on le sait tous ici<br />

à <strong>Brest</strong> ont du mal à trouver leur clientèle, habitats intermédiaires, petits collectifs… Tous ces<br />

éléments-là. Comment les habitants pourraient réagir à une offre nouvelle, étant entendu qu’une offre<br />

nouvelle c’est un tout. Ce n’est pas uniquement la densité du logement, Daniel Le Couëdic le disait très<br />

bien, c’est un ensemble, c’est un cadre de vie, et donc on les interroge tout autant sur leurs futurs<br />

logements que sur leurs rapports aux transports en commun, la place de la voiture, des choses tout à<br />

fait concrètes. Est-ce qu’ils sont prêts à se déplacer à pied, à vélo… On essaye d’être dans les modes<br />

de vie pour construire de nouveaux quartiers qui soient adaptés à cette attente.<br />

Carine Rocchesani : De croiser ensuite toutes ces informations avec des projections, des données de<br />

bureaux d’études, par exemple, pour nourrir toute cette réflexion. Résultats pour quand ?<br />

7


Yves Courtot : Pour la fin de l’année. J’ai eu quelques aimables pressions pour donner quelques<br />

chiffres. Ce ne sont que des premiers résultats de réponses aux questions posées. Tous les<br />

croisements par rapport aux profils des enquêtés ne sont pas faits. C’est ça qui est intéressant, c’est<br />

de dégager des profils et voir comment ils réagiraient à de nouvelles offres. Les premières tendances ?<br />

On est dans quelque chose de relativement classique. Évidemment, dès qu’on parle de<br />

développement durable tout le monde est d’accord. À ce moment aussi, il y a eu une évolution très<br />

sensible. Maintenant lorsque je pose la question « aujourd’hui, serait-il absurde de construire de<br />

nouveaux logements sans tenir compte de l’environnement ? », j’ai 78% des enquêtés qui disent qu’ils<br />

sont tout à fait d’accord. C’est une évolution, une prise de conscience. J’ai des réponses de ce type-là.<br />

« La proximité des transports en commun est un critère prioritaire dans le choix de mon logement ? »<br />

73% de d’accords. Là aussi, cela montre en effet que ce discours, entre guillemets, sur des modes de<br />

transports alternatifs, c’est aussi un discours passé dans les têtes. Pas dans les faits, mais dans les<br />

têtes. Après, classiquement, quand on commence à poser des questions sur « et vous, qu’est-ce que<br />

vous feriez, concrètement ? » là, ça se gâte un petit peu.<br />

Carine Rocchesani : Qu’est-ce que vous êtes prêts à changer dans votre mode de vie actuel.<br />

Yves Courtot : On a été assez loin. On voulait en effet caractériser des attitudes par rapport au<br />

changement, on peut le dire comme ça. « Mon quartier idéal c’est un endroit où les voitures sont<br />

interdites ? », là je n’ai plus que 19% des gens qui sont d’accords. Par contre, on a été plus fin. « Je ne<br />

conçois pas un logement sans parking privé associé ? » c’est aussi une question importante. Plus la<br />

voiture est proche du logement plus le recours à la voiture est peut-être plus facile. Là, en effet, il y a<br />

quand même 60% des gens qui disent être d’accord avec cette idée. On voit là qu’il y a une vraie<br />

résistance. Si je suis positif, je dis qu’il y en a 39% qui seraient d’accords pour que le logement ne soit<br />

pas directement connecté à la voiture. Il y a de l’espoir.<br />

Carine Rocchesani : Donc, mutualisation de la voiture. D’autres chiffres marquants ?<br />

Yves Courtot : Il y a un chiffre, pour prolonger ceux qui ont été donnés sur la maison individuelle car<br />

évidemment on se pose cette question-là… Il y a 22 questions dans le questionnaire. « Je préfère<br />

habiter dans le centre-ville, même si je dois renoncer à une maison individuelle ? » Il n’y en a que 23%<br />

qui disent êtres d’accords, mais par contre « Pour moi, habiter dans une résidence dont les<br />

appartements bénéficient d’une entrée privative et de terrasse », ce fameux logement intermédiaire,<br />

« c’est aussi bien que d’habiter dans une maison individuelle ? », il y en a tout de même 40% de<br />

d’accords.<br />

Carine Rocchesani : Toute la contradiction entre le désir et ce que je suis prêt à faire.<br />

Yves Courtot : Il y a des évolutions.<br />

Carine Rocchesani : Première réaction de notre grand témoin.<br />

Joël Krikorian : C’est là que ça devient intéressant. Les chiffres, c’est la manière dont on les regarde.<br />

En fait, on disait on est dans une période de changements, de mutation, et tout l’exercice c’est de<br />

trouver comment va se passer la rupture. Comment se passe les ruptures possibles, les changements.<br />

Or, quand j’entends que pour « sans voiture » 80% disent non mais que 20% disent oui, il est<br />

intéressant de savoir qu’il y a cinq ans les 20% n’étaient que 15%. Et certainement, car on le sent<br />

aussi à travers des enquêtes plus qualitatives. Notre bureau d’études est plus dans les enquêtes<br />

qualitatives. On aime bien les tables rondes, les enquêtes en face à face parce que, d’abord on n’est<br />

pas outillé pour faire ce métier-là, et dans le qualitatif, on sent en regardant les gens dans les yeux le<br />

moment où ils sont sincères et le moment où ils sont en train d’être déstabilisés.<br />

Carine Rocchesani : C’est toujours pareil. Qu’elle image de moi j’ai envie de donner, mais si je suis<br />

très écologique, et voilà ce que j’ai envie de faire. Concrètement, qu’est-ce que je suis prêt à changer<br />

dans mes habitudes ?<br />

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Joël Krikorian : C’est là tout l’intérêt. 5% qui basculent en cinq ans en France, ça fait 1,3 million de<br />

ménages. Ce n’est pas rien. Si on met ça en relation avec la construction neuve en France, en gros<br />

chaque année on rajoute 1,5% du parc existant. C’est très peu. Mais l’innovation, en priorité, c’est<br />

quand même là qu’elle est la plus simple. Donc, c’est bien à travers le développement de produits<br />

nouveaux qu’on va pouvoir faire passer petit à petit des produits innovants, une ville un peu innovante,<br />

plus facilement que dans le parc existant qui est aux mains de propriétaires dilués. À mon avis tout<br />

réside là. Il y a le mot innovation : est-ce que c’est possible ou pas, et le parc neuf joue un rôle là, et<br />

donc le développement des nouveaux quartiers etc.<br />

Carine Rocchesani : Interprétation de ces chiffres qui est importante. Merci. Si vous avez d’autres<br />

chiffres Yves Courtot ?<br />

Yves Courtot : Oui, j’ai cherché vraiment ma question et je l’ai trouvé enfin. « Ça vous est égal de<br />

vivre dans un appartement ou dans une maison individuelle ? », question directe. 38% de d’accords.<br />

Carine Rocchesani : 38% d’accord pour « ça m’est égal de vivre dans un appartement ou une maison<br />

individuelle ? » Là aussi, ce serait intéressant de voir l’évolution.<br />

Yves Courtot : Alors, on a voulu avoir une base de comparaison entre l’agglomération brestoise et la<br />

France, en Région parisienne. Au niveau français, il y a 41% de réponses favorables. Il y en a un peu<br />

moins ici, mais ça montre que les choses évoluent. Mais 38%, je voudrais bien savoir de qui il s’agit, la<br />

famille, les revenus, le taux de motorisation… Qui est vraiment derrière ces 38%.<br />

Carine Rocchesani : Et l’enquête finalisée nous donnera tout ça. Merci beaucoup pour ces premiers<br />

chiffres, ce n’était pas prévu. Le point de vue des habitants avec Jean-Pierre Le Roux, membre du<br />

Conseil Consultatif du Quartier de Lambézellec. Juste après on verra ce que les architectes nous<br />

proposent comme perception, comme vision. Alors vous, Jean-Pierre Leroux, par ailleurs membre de<br />

la fondation Abbé Pierre, de l’ANAH, vous participez à toutes sortes de réunions sur ces questions de<br />

l’habitat. Vous êtes très impliqué. Vous allez nous parler en particulier d’une démarche de consultation<br />

des habitants du quartier dans cette prise en compte de l’attente des ménages, c’est quand même très<br />

important, dans le choix d’un projet d’aménagement, notamment de l’ancienne brasserie du quartier de<br />

Lambézellec. Tout d’abord, quel est le rôle d’un Conseil Consultatif, et dans cette démarche de<br />

consultation, précisez-nous les enjeux.<br />

Jean-Pierre Le Roux : Je voudrais préciser qu’il existe 7 Conseils Consultatifs de Quartier (CCQ) sur<br />

la ville de <strong>Brest</strong>. Ces Conseils Consultatifs sont des lieux d’échange, de consultation, de proposition,<br />

d’information… Sur des sujets qui portent sur le quartier mais aussi sur la ville et l’agglomération.<br />

Quant au rôle des conseils Consultatifs de Quartier, c’est en fin de compte d’éclairer la collectivité dans<br />

ses choix, dans ses orientations, et dans ses décisions. Le rôle de ces CCQ, c’est aussi de faire vivre<br />

la démocratie participative au sein de la ville et de permettre ainsi aux gens de pouvoir s’exprimer, de<br />

formuler leurs attentes, leurs besoins, et que ces attentes et besoins soient reconnus par la collectivité.<br />

Carine Rocchesani : On connaît bien les limites de cette démocratie participative, il y a une envie.<br />

Est-ce que vous avez une participation, un panel large, ou est-ce que finalement ce sont toujours les<br />

mêmes qui participent ?<br />

Jean-Pierre Le Roux : On s’aperçoit naturellement que, au départ, lorsque l’on constitue les CCQ on<br />

est nombreux et, qu’au fil des réunions, ça s’amenuise. Mais je considère que, la commission à<br />

laquelle j’appartiens, c’est-à-dire la commission urbanisme du CCQ de Lambézellec, dure à partir du<br />

moment où elle travaille sur des sujets bien concrets. À partir du moment où c’est concret les gens<br />

participent et là c’est un élément important.<br />

Carine Rocchesani : Participation modèle. À travers cet exemple de cette brasserie du quartier de<br />

Lambézellec, qu’elles sont les attentes formulées en matière de densité ? Comment est-ce que vous<br />

percevez l’enjeu ?<br />

Jean-Pierre Le Roux : Les attentes des gens de ce quartier… Ils se trouvent dans un cadre agréable<br />

et souhaiteraient que ce cadre, cet environnement, ne soit pas trop modifié. Que la densité de la<br />

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population à travers de nouvelles constructions n’influe pas de façon importante au niveau de<br />

l’environnement, mais aussi au niveau de la circulation étant donné qu’à ce niveau sur le secteur de<br />

lambézellec nous avons un certain nombre de problèmes. Comme on l’a précisé tout à l’heure, il<br />

semblerait qu’il y ait encore d’autres constructions nouvelles qui se fassent dans le nord de<br />

Lambézellec. Là, naturellement, on arrivera à une situation difficile au niveau de la circulation.<br />

Carine Rocchesani : Là c’est une crainte. Que plus de densification entraîne des problèmes de<br />

circulation. Est-ce qu’il y a d’autres attentes ?<br />

Jean-Pierre Le Roux : De bien vivre. De se trouver dans des logements agréables. Et je crois aussi<br />

dans des logements où il y a une certaine sécurité au niveau de l’environnement. Je crois qu’on a mis<br />

des registres dans le projet qui nous concerne dans deux endroits, pour permettre aux gens de<br />

formuler leurs observations, leurs attentes et leurs besoins. À partir de ces attentes et projets, nous<br />

avons fait une synthèse qui nous a permis aussi d’argumenter nos propositions pour le choix du projet<br />

que nous devions retenir.<br />

Carine Rocchesani : Quels ont été les critères de choix, justement ?<br />

Jean-Pierre Le Roux : Les critères de choix, tout simplement, c’est l’emprise des constructions sur le<br />

site. C’est quand même un site qui correspond à peu près à 10 000 mètres carrés. C’était aussi le<br />

nombre de logements qui était prévu. Dans les trois projets présentés, il y avait des différences du<br />

nombre de logements, je crois entre 65, 90 et 98 logements. Au niveau de la densité c’était donc au<br />

niveau du logement, au niveau du coût aussi… C’est surtout ces éléments-là qui ont été retenus.<br />

Carine Rocchesani : Comment améliorer encore cette démarche participative ?<br />

Jean-Pierre Le Roux : Je crois que ce qu’il faut reconnaître, c’est qu’il y a déjà beaucoup de<br />

conseillers consultatifs qui participent pleinement et qui effectuent un travail important dans ces CCQ.<br />

C’est vrai que l’on a des difficultés à entraîner de nombreuses personnes dans cette démarche. Parce<br />

qu’ils considèrent que la collectivité ne les écoute pas, ne les entend pas, que les dés sont pipés, que<br />

quoi qu’ils disent on ne tiendra pas compte de leurs observations. Donc, dans notre réflexion on se dit<br />

que, peut-être, un peu plus d’empathie, un peu plus d’informations ciblées, un peu plus de pédagogie,<br />

on en parlait tout à l’heure, permettrait peut-être de répondre aux attentes de ces personnes, de ces<br />

habitants, et d’améliorer en fin de compte la démocratie participative.<br />

Carine Rocchesani : Merci, le débat sera lancé aussi sur cette question. Dans un instant, avant<br />

d’ouvrir le débat avec vos questions et vos réflexions, le point de vue des architectes. Alors Nicolas<br />

Michelin architecte urbaniste à Paris, praticien, théoricien, vous avez fait de nombreuses publications<br />

sur la question de la densité notamment. Guy Fauvet, vous êtes architecte basé à <strong>Brest</strong>, associé au<br />

sein de l’agence Collectif Architectes. Votre vision d’une façon générale à tous les deux sur cette<br />

densité. Comment concilier avec les attentes des ménages ? Ensuite on montrera quelques exemples<br />

concrets avec des diapos.<br />

Nicolas Michelin : Effectivement on est en train de créer une nouvelle façon de vivre, ou une nouvelle<br />

ville. Le développement durable, ce n’est pas que pour les autres, c’est pour tout le monde et ce n’est<br />

pas une punition non plus. J’aime bien cette idée du désir. C’est compliqué quand on parle du partage<br />

de l’espace, du désir de vivre ensemble, d’unités de voisinage… Comment faire en sorte finalement<br />

que les maisons dont on fait le tour, et dont tout le monde rêve, soient remplacées agréablement et de<br />

façon plus profitable par des maisons serrées en bande, les unes à côté des autres. La pédagogie est<br />

très importante, et la haute qualité d’usage, la HQU et pas la HQE, que je prône est fondamentale. Les<br />

gens sont prêts à partager des choses, comme les parkings, que le stationnement, que ce soit pour de<br />

l’individuel ou du collectif soit dans le même lieu par exemple. Ils sont prêts à partager les espaces<br />

verts plantés si et seulement si, que ce soit pour des petits collectifs intermédiaires ou même la maison<br />

individuelle car les espaces verts pourraient être les mêmes, chaque logement a un usage renforcé, si<br />

chaque logement a son intimité, si chaque logement a une terrasse où l’on peut sortir avec une table et<br />

quatre chaises. Si chaque logement peut s’agrandir, quand ils font 80 ou 120 mètres carrés, qu’on<br />

puisse rajouter entre 12 et 40 mètres carrés de vérandas, de terrasse. C’est ça le désir qu’il faut<br />

essayer d’assouvir et de rendre possible dans nos nouveaux quartiers. Et dans ces conditions là, la<br />

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compacité est possible. Et je dirais plus que possible, elle est absolument nécessaire parce que ce qui<br />

a été dit tout à l’heure sur la consommation de l’espace, alors la Bretagne est certainement particulière<br />

comme dans tous les domaines, on n’obtiendrait forcément pas les mêmes chiffres en région PACA…<br />

C’est sûr que globalement le Français est le plus gros consommateur de thuyas. On peut faire évoluer<br />

cette mentalité, et plus on descend dans le Sud plus c’est vrai. C’est vrai que les pays nordiques sont<br />

beaucoup plus… Partagent beaucoup plus facilement l’espace et qu’il y a là des créations de vie de<br />

quartier. Pour avoir la chance de travailler en amont sur la Fontaine-Margot, on se pose ces questionslà.<br />

Si on écoutait que les gens, excusez-moi, on ferait 500 maisons individuelles dont on ferait le tour,<br />

et l’on n'aurait pas une densité très raisonnable, on n'aurait pas de la ville, on n'aurait pas de l’urbain.<br />

Or, il y a un tram qui va arriver là. Et moi je suis parmi les urbanistes qui prônent, non pas le COS<br />

maximum, mais le COS minimum. C’est-à-dire qu’il faut absolument avoir un COS élevé quand on a<br />

une station de tram. Ce n’est pas responsable de dire si j’ai une station de tram, je vais faire 50 ou 100<br />

ou 200 maisons individuelles. Ce n’est pas responsable. À partir du moment où il y a un transport en<br />

commun, une facilité d’accès à ce transport en commun, il faut préconiser une certaine densité, ou<br />

plutôt une certaine compacité, ou plutôt une autre façon d’organiser les îlots. Mais on reviendra peutêtre<br />

dessus.<br />

Carine Rocchesani : Voilà, il y aura certainement des questions plus particulièrement là-dessus, sur<br />

la Fontaine-Margot. Guy Fauvet, avant de retrouver des exemples car vous avez évoqué des pays du<br />

Nord et particulièrement Amsterdam, d’une façon plus générale comment concilier cette densité,<br />

l’intimité réclamée par les ménages, l’espace public-privé, les espaces partagés… Quelle est votre<br />

vision sur cette question ?<br />

Guy Fauvet : On a une expérience en France au niveau de l’urbain qui est plutôt récente. Quand on<br />

regarde un peu les statistiques, on se rend compte qu’en France il y a eu 250% d’augmentation des<br />

aires urbaines en trente ans. Ce qui montre bien qu’on partait d’un pays rural avec peu de tradition<br />

urbaine, sauf peut-être dans quelques régions, par exemple le nord de la France. Et, au fil des années,<br />

cette problématique de densité s’est même aggravée. Quand on regarde les statistiques plus fines sur<br />

les dernières années, on voit par exemple que la densité entre les années 1990 et 2004 globalement a<br />

baissé, c’est-à-dire que sur les nouvelles aires urbaines on avait une densité en 1990 de 13 logements<br />

à l’hectare et qui a baissé en 2004 à 10 logements à l’hectare. Donc, il y a ce désir malgré tout, au fur<br />

et à mesure que l’on va vers la ville, de garder son terrain, son espace privatif autour de soi.<br />

Carine Rocchesani : Faire le tour de sa maison.<br />

Guy Fauvet : On part d’assez loin, et c’est effectivement dans des pays nordiques… J’ai été aux Pays-<br />

Bas récemment, en Allemagne, il y a des exemples connus à Fribourg ou ailleurs. On y expérimente<br />

cette problématique de la densité depuis des années. Aux Pays-Bas, en Allemagne, en Belgique, on a<br />

cette problématique depuis au moins un siècle étant donné qu’il y avait un vrai problème d’espace<br />

réduit dans lequel il y avait un nombre de gens important à faire vivre. Il y a une expérimentation qui<br />

s’est développée et qui conduit à de nouveaux résultats, par exemple aux Pays-Bas et là je vous ai<br />

amené quelques photos intéressantes... (diaporama).<br />

Carine Rocchesani : Amsterdam.<br />

Guy Fauvet : Amsterdam et les environs d’Amsterdam, à vingt ou trente kilomètres d’Amsterdam. Ce<br />

n’est pas que le centre-ville d’Amsterdam, mais aussi la périphérie. Là, vous avez un quartier assez<br />

central d’Amsterdam où vous voyez des canaux. C’est un nouveau quartier. Vous avez une densité<br />

importante et quand vous regardez cette photo, vous avez un mixte de petits collectifs et de maisons<br />

individuelles. On n’imagine pas que ce sont des maisons individuelles mais se sont véritablement des<br />

maisons unifamiliales sur R+2 ou R+3. Et quand on fait un peu l’historique des régions comme le nord<br />

de la France, on se rend compte que ce n’est pas nouveau. Dans ces régions-là, dans l’entre-deux<br />

guerres, on avait des maisons en bande qui faisaient R+2 ou même R+3 avec un garage, une entrée<br />

en rdc, séjour-salle à manger-cuisine au 1 er étage, chambres au deuxième étage et éventuellement un<br />

comble aménagé au troisième. Donc, ce sont des modes urbains qui ont été inventés quand il y avait<br />

la nécessité de gérer la densité. Qu’est-ce qu’on remarque là-dessus, c’est que par rapport à un<br />

habitat un peu dense comme on a pu le faire dans des époques au début du XIXe, l’habitat industriel,<br />

les corons etc, ou alors dans une autre manière les cités-jardins, ce qui frappe c’est l’extrême diversité<br />

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architecturale du bâti. On se rend compte que là, différents architectes ont travaillé chacun d’une<br />

manière différente et donc l’extrême diversité architecturale qui n’est pas la même que ce qu’on a<br />

trouvé au début du XIXe. Point important aussi, le travail sur la hauteur et le travail sur les largeurs de<br />

parcelles. On se rend compte, comme ça pu être fait dans les années 20-30 aussi dans les quartiers<br />

assez denses du nord de la France ou en Alsace, c’est que les parcelles sont étroites. C’est parce<br />

qu’on fait de l’économie de l’espace. Plus une parcelle est étroite moins on a de linéaires de voirie à<br />

créer. Si on a une parcelle étroite, un peu plus profonde, on fait de l’économie de l’espace au niveau<br />

des voiries. À Amsterdam, j’ai vu des maisons sur des parcelles de 5,5 m de large. Là une autre<br />

maison. C’est de l’habitat individuel accolé, en R+2 ou R+3. Même chose ici. C’est intéressant car ce<br />

sont des photos qui pourraient faire penser à un <strong>Brest</strong> futur car c’est l’utilisation d’anciens docks dans<br />

le port d’Amsterdam. Les plates-formes en épi existaient et ont été entièrement réutilisées pour faire de<br />

l’habitat individuel essentiellement. Il y a un peu de collectif mais surtout de l’habitat individuel.<br />

Quelques exemples donc avec une grande diversité architecturale…<br />

Carine Rocchesani : <strong>Brest</strong> futur avec son bateau devant la porte. C’est comme ça que vous le<br />

voyez… ?<br />

Guy Fauvet : On rêverait d’avoir ça à <strong>Brest</strong>… Ici des photos d’un peu plus près, et l’on se rend compte<br />

bien que cet espace urbain est constitué de maisons individuelles. Vous voyez la maison, son entrée<br />

individuelle et son organisation sur des parcelles vraiment étroites. Ici, toujours dans le même quartier,<br />

un mixte entre de l’habitat collectif, de l’habitat intermédiaire et de la maison individuelle en cœur d’îlot.<br />

De la diversité architecturale aussi. Vous voyez une maison au cœur d’un îlot d’habitats collectifs avec<br />

son espace individuel privatisé. Point important aussi dans cette réflexion sur l’urbain, c’est à chaque<br />

fois toute la gestion de l’espace tampon entre l’espace collectif et l’espace individuel. Il y a une<br />

réflexion dans ces pays-là qui est assez avancée sur la manière d’avoir des pièces extérieures, on en<br />

parlait tout à l’heure, du style grande terrasse ou petit jardin. Donc avoir une terrasse de 15 ou 20<br />

mètres carrés dans un espace urbain dense mais qui permet d’avoir un espace privatif accolé à la<br />

maison. Encore, là, de l’habitat intermédiaire où l’on trouve des logements avec une superposition de<br />

duplex. Donc, des duplex à rdc avec une terrasse au 1 er étage, et des duplex ensuite aux 2 e et 3 e<br />

étages. Ce dont je parlais ici à l’instant : comment faire en sorte que les gens dans un espace dense<br />

s’approprient leurs maisons. L'appropriation de la maison se fait par la diversité architecturale, dans un<br />

espace dense chacun sait où il habite car sa maison est différenciée des autres. C’est vraiment une<br />

caractéristique que l’on trouve dans tous ces quartiers-là, en Allemagne, en Suède, aux Pays-Bas, et<br />

que l’on commence à trouver en France parce qu’il y a des expérimentations que l’on voit à Bordeaux,<br />

à Nantes, à Villeneuve d’Asq, ou ailleurs, où l’on voit cette différenciation de l’habitat et la gestion des<br />

espaces intermédiaires. Là vous voyez par exemple un espace tampon entre le trottoir, avec un<br />

espace pour garer sa voiture, un petit espace de jardin devant qui fait tampon entre l’espace public et<br />

l’espace purement privatif.<br />

Carine Rocchesani : La place de la voiture justement n’est plus du tout la même dans ces espaces-là.<br />

Guy Fauvet : Exactement. Encore des maisons individuelles en bande. Vous voyez une grande<br />

diversité architecturale avec le traitement du garage, des grands espaces de vie au 1 er étage. Par<br />

exemple vous voyez sur la maison de droite un grand espace intérieur de patio sur deux niveaux qui<br />

permet, sans avoir aucun jardin car on est vraiment dans le centre d’Amsterdam, d’avoir des espaces<br />

intérieurs qui sont malgré tout des espaces extérieurs privatisés. Par exemple, une pièce<br />

supplémentaire qui fait la jonction entre espace public-privé, une sorte de boîte de verre qui donne<br />

l’impression d’être en extérieur tout en étant à l’intérieur.<br />

Carine Rocchesani : Est-ce que culturellement la notion d’intimité est la même ? Parce que là on peut<br />

se poser la question de l’intimité, on est dans un bocal en verre sur la rue.<br />

Guy Fauvet : C’est évidemment les Pays-Bas. Ils n’ont pas la même notion de l’espace privatif qu’en<br />

France. On parlait des thuyas et de la manière de se protéger… Là les espaces sont très ouverts, il n’y<br />

a peu de rideaux, il n'y a pas de volets, tout est transparent et ouvert sur la rue. Évidemment, c’est une<br />

évolution qu’on n’a pas encore en France, qui prendra sans doute du temps…<br />

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Carine Rocchesani : Claire Guihéneuf précise que sans doute personne ne regarde.C’est la<br />

différence, bon, eux sont bien élevés… Parenthèses.<br />

Guy Fauvet : Là on est sur du petit collectif, du logement intermédiaire. Un traitement intéressant des<br />

espaces extérieurs. On se retrouve sur de grandes terrasses en prolongation du logement, qui donnent<br />

un espace privatif qui permet de sortir une table, de s’approprier l’espace. Bon, vous voyez tables et<br />

chaises qui sont sorties en permanence de l’espace purement privatif et qui permettent d’avoir un<br />

espace privatif extérieur tout en étant dans un espace urbain extrêmement dense. Là on est plus dans<br />

Amsterdam mais dans des quartiers nouveaux en construction, à trente ou quarante kilomètres. On<br />

voit ce modèle d’habitat dense avec de la maison accolée. Par contre, dans ce quartier-là, on a de<br />

petits jardins à l’arrière mais sur des trames de huit à neuf mètres, donc vraiment denses, avec<br />

toujours cette problématique de la hauteur. Pour diminuer la consommation d’espace et les linéaires de<br />

voirie, jouer sur la hauteur pour pouvoir avoir des maisons d’une certaine taille malgré tout.<br />

Carine Rocchesani : Et en même temps très diverses. Si c’est un quartier nouveau, l’architecture<br />

n’est pas la même d’un bâtiment à l’autre ce qui crée un effet presque ancien…<br />

Guy Fauvet : Tout à fait. Donc, la ville c’est la diversité, la mixité, on n’en a pas parlé encore beaucoup<br />

mais c’est un point important quand on crée de la ville, quand on crée des nouveaux quartiers, la mixité<br />

sociale est importante à préserver. La ville a toujours été le lieu de la mixité sociale. Et l’étalement<br />

urbain va tout à fait à l’encontre de la mixité sociale. On le voit bien avec l’évolution en France, on le<br />

voit de manière plus caricaturale aux Etats-Unis, plus on consomme d’espace, plus on s’étale de<br />

manière urbaine, plus on crée des espaces différenciés… Des ghettos de riches, des ghettos de<br />

pauvres, des ghettos d’activités, des ghettos de bureaux… Parce que, on consomme l’espace d’une<br />

manière excessive. À partir du moment où l’on a cette gestion économe de l’espace, on revient à la<br />

notion de mixité sociale. Et la ville, c’est d’abord le lieu de la mixité sociale. Et dans ce même quartier,<br />

ces quartiers qui sont en construction actuellement en périphérie d’Amsterdam, on voit les maisons<br />

accolées et des maisons individuelles. Donc, recherche de diversité qui permet une appropriation de<br />

l’espace par les habitants, avec une gestion économe de l’espace, de petits jardins dont on essaye de<br />

préserver le côté privatif. Grande diversité avec de la maison sur des parcelles étroites, de la maison<br />

plutôt traitée en profondeur avec une largeur du bâti de six mètres, avec par exemple des traitements<br />

de terrasses qui permettent d’avoir un espace privatif détaché du sol, que l’on retrouve à l’étage…<br />

Carine Rocchesani : C’est cette perspective qui est vraiment intéressante car du coup on n’a pas une<br />

impression de densité mais de perspective différente.<br />

Guy Fauvet : Là, je vais en terminer. Autres maisons individuelles. On est dans un groupe de maisons<br />

individuelles qui se touchent. Vous voyez les espaces bâtis qui sont liaisonnés avec des espaces<br />

tampons réservés plutôt aux garages ou aux communs avec malgré tout des petits espaces de jardins,<br />

pas très importants, mais qui permettent une véritable appropriation par les habitants d’un espace<br />

extérieur. On est dans un espace urbain dense, dans des densités de 40 à 50 logements à l’hectare.<br />

Des densités caractéristiques de l’habitat individuel dense et de l’habitat intermédiaire. L’habitat<br />

intermédiaire permet aussi des densités de 50 logements à l’hectare. Voyez aussi de la maison<br />

individuelle en bande et, voyez comment on s’approprie un espace individuel de devant, qui n’est pas<br />

qu’un espace pour simplement garer les voitures.<br />

Carine Rocchesani : Une terrasse supplémentaire…<br />

Guy Fauvet : Une autre vue… Les gens s’approprient de manière différente un petit espace qu’ils sont<br />

en train de commencer à végétaliser en mettant des plantes sur le côté, avec balançoires etc. Des<br />

petits espaces de devant qu’on s’approprie de manière différente. Là par exemple, on pouvait croire à<br />

un petit collectif, mais c’est une maison double. Au lieu de deux maisons symétriques accolées, ce<br />

sont deux maisons accolées de manière asymétrique avec chacune une entrée individuelle et qui crée<br />

un habitat intermédiaire entre les habitats collectifs et individuels. Ce sont des grosses maisons<br />

unifamiliales. C’est une démarche inverse de ce que l’on a pu voir ces dernières années, des grosses<br />

maisons construites dans les années 20-30 dans le nord de la France et qui étaient pour familles<br />

nombreuses avec domestiques etc, et qui ont été divisées en deux, trois ou quatre appartements. Là,<br />

13


dès le départ, on crée une sorte de forme urbaine de grosses maisons unifamiliales avec deux<br />

maisons.<br />

Carine Rocchesani : Maisons légos, un peu…<br />

Guy Fauvet : Après, d’autres types d’habitats… On est dans du collectif intéressant car il y a<br />

énormément d’espaces extérieurs, un jeu de terrasses sur chaque logement très important, avec<br />

chaque terrasse de 20 à 30 mètres carrés permettant une appropriation par les habitants. C’est de<br />

l’espace urbain qui paraît très bien approprié. Quand on voit la manière dont les gens se sont<br />

approprié tous les espaces extérieurs, on se rend compte qu’il y a un certain bonheur de vivre, je<br />

pense dans ce genre d’espace.<br />

Carine Rocchesani : On va voir sur des exemples plus brestois. On va passer la parole à Nicolas<br />

Michelin sur des exemples précis…<br />

Daniel Le Couëdic : Il est possible d’apporter la contradiction en quelques secondes ? Sur la<br />

ségrégation, il existe trois études en France. Une sur la région parisienne, et ce que tu as dit est<br />

exacte, deux autres sur l’arrière-pays de Provence et sur la région de Toulouse et c’est absolument<br />

faux. Donc, on ne peut pas tirer une loi générale de la situation parisienne pour ce qui est de la<br />

ségrégation par l’étalement urbain.<br />

Carine Rocchesani : Nicolas Michelin, on continue dans des illustrations et le débat sera ouvert bien<br />

sûr après…<br />

Nicolas Michelin : Un exemple à Copenhague. Ce sont des intermédiaires, deux maisons<br />

superposées avec un grand jardin au milieu où, sous le jardin, il y a tous les stationnements. Que ce<br />

soit pour les maisons, les collectifs ou les intermédiaires. C’est une grande cour qui fait 100x100<br />

mètres d’îlot. Il n’y a pas de parcelle, tout est mis en commun. À Copenhague, vous pouvez aussi vous<br />

promener dans un quartier où ils ont cassé tous les murs. Imaginez, dans un cœur d’îlot de <strong>Brest</strong> où<br />

tous les propriétaires se mettent d’accord et l’on casse les murs et l’on fait un jardin. C’est ce qu’ils ont<br />

fait là. Imaginez à Paris dans un quartier haussmannien, on casse les murs et l’on fait une sorte de<br />

gestion commune de l’espace extérieur et l’on fait un grand jardin. C’est très intéressant à voir car là où<br />

il y avait de petits locaux à ordures, de petits locaux à vélos, de petits appentis… Tout d’un coup, ils<br />

ont un vrai parc intérieur où les enfants jouent, de vrais points de rencontre pour les voisins. Là, par<br />

exemple, c’est neuf, mais il n’y a pas de mur et c’est un lieu de voisinage assez extraordinaire, ce qu’ils<br />

appellent une unité de voisinage. Moi, je travaille… Je vais vous montrer trois exemples français en<br />

cours de réalisation ou réalisés. Le premier est à Bordeaux. J’ai gagné ce concours car je n’ai pas fait<br />

de parcelles. L’îlot n’est pas découpé en propriétés différentes avec des prospects, des vis-à-vis où les<br />

règlements d’urbanismes se seraient appliqués, c’est un même îlot. Au rdc vous avez une<br />

médiathèque et un gymnase, et dans les étages vous avez du collectif et du collectif un peu maison car<br />

les gens ont de très grandes terrasses. L’îlot est entièrement construit, au cœur c’est ouvert. C’est un<br />

endroit où il y a le gymnase et la médiathèque, et sur leurs toits, il y a un jardin planté. Deuxième<br />

observation, vous avez ici le parking qui n’est pas enterré. Je plaide pour faire des parkings intégrés et<br />

pas enterrés.Parce que le parking enterré coûte cher, qu'il y a souvent des problèmes de pression<br />

d’eau, des problèmes de parois, de cuvelage etc. On met beaucoup d’argent sur des projets de<br />

parkings enterrés alors que si on le met au niveau du sol, ça pose d’autres difficultés comme de le voir.<br />

Là on ne le voit pas car devant il y a des maisons en appuie, en duplex, mono orientées mais en<br />

double ou triple hauteur et qui permettent d’ouvrir sur un jardin qui est derrière. Quand on entoure le<br />

parking, soit par des maisons individuelles qui sont au cœur d’un collectif et qui ont un jardin devant,<br />

soit par autre chose, on ne voit plus le parking et surtout on sort du deuxième étage du parking et l’on<br />

peut aller directement dans son logement, ou directement sur le toit du jardin pour rentrer chez soi.<br />

Carine Rocchesani : C’est une place par maison, pas deux ?<br />

Nicolas Michelin : Une place par logement. Vous voyez ce grand îlot, l’îlot Armagnac à Bordeaux, où<br />

il y a plus de deux cents logements et où les jardins sont plantés, il y a une petite crèche, on est sur le<br />

toit du gymnase et sur le devant il y a la médiathèque. C’est un îlot extrêmement dense et pourtant<br />

chaque logement a sa terrasse, et certains de grandes terrasses puisque toutes les toitures sont<br />

14


accessibles. Ça aussi, c’est quelque chose que l’on peut décider collectivement, soit les bâtiments ont<br />

des toitures, soit ils ont des toitures plates et l’on peut y aller. Il faut essayer de proscrire, de mon point<br />

de vue, les toitures terrasses non accessibles, car le surcoût pour la rendre accessible est vraiment<br />

pas grand-chose. Donc, on obtient comme ça de très grands logements presque luxueux alors que<br />

l’îlot est dense. Ça peut remplacer avantageusement l’attrait d’une maison individuelle. Et l’on est en<br />

plein cœur de ville. Deuxième îlot, c’est très particulier, on est à Besançon sur une caserne. Le maire<br />

de Besançon veut faire un îlot dense. On a cassé les grands immeubles de l’armée car c’était très<br />

difficile de les remettre en logements. Par contre on a gardé les petits foyers du soldat, les logements<br />

où l’on mettait le matériel car ce sont de petits bâtiments qui faisait le lien avec l’individuel. On a<br />

construit des îlots en U, sans parcelle, ce sont des unités de voisinage. Il y a des rues, un jardin que<br />

l’on a repris, des modes doux de circulation, les voitures ne vont plus dans les rues transversales mais<br />

directement dans les parkings qui sont au cœur, et là c’est même principe que tout à l’heure. Au milieu<br />

de l’îlot, vous avez les parkings, des maisons individuelles qui ont leurs jardins et qui sont bordées sur<br />

des sentes, et au Nord des locaux d’activités qui donnent sur une place. Tous les îlots sont pensés<br />

comme ça, plein Sud avec des T3 et des T4 et de grandes terrasses plantées qui ouvrent sur le Sud.<br />

Voilà ici des modèles d’habitat où le parking est semi enterré et intégré, commun pour tout l’îlot, on a<br />

des maisons en duplex avec leurs jardins, ils se garent dans le parking collectif et peuvent accéder<br />

directement à leur logement. Ça donne une forme d’habiter très particulière qui n’a rien à voir avec<br />

l’individuel. Dernier exemple, c’est un îlot réalisé à Dunkerque, sur une ancienne friche portuaire. Le<br />

maire voulait plus de trois cents maisons dans son cœur de ville. On a mis les maisons en bandes, les<br />

unes à côté des autres, la particularité c’est qu’elles font ensemble une forme urbaine. Au milieu, il y a<br />

un jardin collectif et les maisons donnent dessus. Ce sont des collectifs très denses, sur le quai, qui<br />

marchent en ventilation naturelle. Deux sont en logement social et le reste en accession, on ne fait plus<br />

de différence. Toutes ces grandes cheminées tournent naturellement avec le vent, il n’y a plus de VLC<br />

pour extraire l’air. Juste derrière, il y a des logements intermédiaires avec chacun leur cage d’escaliers<br />

commune. Ils ont des balcons croisés et un espace en pleine terre avec mutualisation des parkings.<br />

Ces immeubles sont en construction. Enfin, un exemple réalisé à Nantes. Ici ce sont des maisons<br />

individuelles qui sont au cœur du collectif. Chaque appartement a une grande terrasse de 4x3 mètres<br />

avec un volet coulissant qui peut protéger l’intimité. C’est un îlot assez dense, au rdc ce sont des<br />

bureaux et un restaurant, donc une mixité, au centre un parking avec un jardin au-dessus, et l’on a une<br />

appropriation de ce jardin en hauteur et les gens ont l’impression d’êtres dans une maison individuelle<br />

sur un jardin même s’ils sont au cœur d’un espace très compliqué. Les maisons individuelles se sont<br />

accaparées la terrasse et ont planté. Ça s’appelle Habiter les quais. Sur Fontaine-Margot, on part sur<br />

des mixités à l’îlot où l’on aurait de la maison individuelle, des petits intermédiaires et des petits<br />

collectifs soit en plots soit plus en bande. On essaye de travailler sur une intelligence, une<br />

mutualisation, du parking, et une qualité de l’espace vert.<br />

Carine Rocchesani : Voilà des exemples de réalisations ou de projets en cours. Dans les pays du<br />

Nord et en France. Ça vous inspire plusieurs réflexions Daniel Le Couëdic ?<br />

Daniel Le Couëdic : D’abord, beaucoup d’admiration. Même si des exemples qui viennent d’êtres<br />

présentés, aux Pays-Bas comme en France, sont souvent dans des métropoles où il y a une clientèle<br />

quasi captive du fait de la rareté et de la cherté du terrain. Je crois qu’il est important de prêcher par<br />

l’exemple mais je pense qu’il est utile de connaître aussi l’adversité. On ne peut pas se contenter de la<br />

pédagogie. Il faut peut-être rappeler que si la maison individuelle répondait à des aspirations<br />

profondes, elle a répondu et répond encore à des exigences plus conjoncturelles. Idéologiques.<br />

Reprenons l’exemple de M. Giscard d’Estaing, il parlait de l’habitat collectiviste et pas collectif, ce qui<br />

n’est pas innocent. Lorsqu’il parlait de la maison individuelle, il parlait de l’urbanisme naturel, ce sont<br />

les premiers frémissements de l’environnement et, au contraire, la maison individuelle était présentée<br />

comme favorable à une politique de respect de l’environnement. Christian Bonnet, bien connu en<br />

Bretagne, lorsqu’il était secrétaire d’État au logement expliquait sans vergogne que les habitants de<br />

maisons individuelles constituaient un électorat paisible par rapport à celui des habitats collectifs. Je ne<br />

reviendrais pas sur ce substrat idéologique, mais il est bien réel. En revanche, on peut revenir sur des<br />

problèmes de stratégie d’aménagement du territoire, parce que si la maison individuelle a trouvé les<br />

parkings où s’installer, beaucoup de lotissements ont cette allure, c’est en grande partie parce que des<br />

communes confrontées aux évolutions du monde rural était à la recherche, et sont toujours à la<br />

recherche, de jeunes couples avec enfants qui sont devenus une denrée que l’on recherche avec<br />

avidité. Et le moyen pour maintenir cette économie rurale, pour maintenir des classes dans les écoles,<br />

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des services, des commerces, c’est effectivement de créer des lotissements communaux et quelques<br />

fois de donner des terrains. Le lot à 1 euro. La communauté de communes de Pleyben gratis pour les<br />

jeunes couples. Il y a une volonté de survivre du monde rural qu’on ne peut pas tenir pour négligeable.<br />

Cela dit, les formules denses qui ont été évoquées peuvent trouver aussi à s’installer dans ces<br />

communes. Mais je pense que là une réflexion à l’échelle du Pays de <strong>Brest</strong> et pas seulement dans les<br />

limites de <strong>Brest</strong> métropole, même si on peut rappeler qu’institutionnellement la création de la CUB a<br />

correspondu en large part à la volonté d’aller rechercher ceux qui étaient en train de quitter la ville et<br />

qui n’étaient pas satisfaits des grands programmes collectifs que l’on proposait. Le Pays de <strong>Brest</strong><br />

devrait aujourd’hui jouer le même rôle et ramener dans une ville extrêmement complexe, que l’on<br />

appelle ville invisible ou ville archipel, il faudrait bien considéré que l’on n’a pas là une ville étalée mais<br />

une ville qui a une complexité beaucoup plus grande et qui ne se donne pas dans ses formes les plus<br />

traditionnelles. Ensuite, il y a le marché, parce que depuis 1969 avec le fameux discours fondateur de<br />

M. Chalandon lorsqu’il était ministre de l’équipement, et qui annonçait que l’on allait passer du collectif<br />

à l’individuel dans le cadre d’une grande politique nationale, depuis l’idée ne s’est pas démentie. Tous<br />

les gouvernements successifs ont eu comme idée de désengager l’État du financement du logement et<br />

de faire, pour cela, du logement une marchandise. Or il est beaucoup plus facile en termes de<br />

marketing de faire de la maison une marchandise que de l’appartement. On nous dit aujourd’hui que<br />

grâce à la crise environnementale, nous sommes à un moment clé qui va peut-être permettre de<br />

revenir là-dessus. Regardez les publicités et les campagnes faites par les professionnels, ils en font un<br />

atout pour promouvoir une maison peu différente de la maison antérieure. On a parlé de la HQE tout à<br />

l’heure, c’est la tarte à la crème, il n’y a pas une maison sur le marché actuellement qui ne se réclame<br />

pas de la HQE. L’environnement est ramené à la maison calorimètre qui aurait toutes les vertus<br />

suffisantes pour s’installer sur ce terrain.<br />

Carine Rocchesani : On reviendra sur ce terrain. Merci beaucoup. On va revenir sur <strong>Brest</strong> avec<br />

l’exemple de Keryda en quelques minutes et ensuite on pourra revenir sur les questions de la salle.<br />

Guy Fauvet : C’est un quartier en cours d’étude actuellement sur lequel on essaye de trouver un<br />

compromis entre la volonté d’arriver à une certaine densité et le fait qu’en Bretagne il y ait encore une<br />

volonté importante de maisons individuelles. C’est un quartier qui se trouve à proximité de <strong>Brest</strong>, à<br />

proximité immédiate du centre bourg de Guipavas, donc en continuité de l’urbanisation existante et à<br />

proximité immédiate d’équipements commerciaux, scolaires... Le terrain fait 16 hectares, caractérisés<br />

par des zones humides et des zones végétalisées à préserver, une très belle allée au Nord comme un<br />

chemin creux entouré de très beaux arbres. Une zone boisée en partie basse préservée et une zone<br />

humide centrale sur laquelle il y a un ruisseau qui vient couper en deux la zone. Sur ce schéma, il y<br />

avait deux possibilités de venir se greffer par rapport à l’habitat existant et au système viaire existant.<br />

C’est-à-dire qu’on vient se greffer sur l’allée en partie Nord, en partie Ouest, l'on vient se greffer sur<br />

l’avenue et l’on vient créer un maillage qui se raccorde au maillage urbain existant. Maillage<br />

intermédiaire en évitant à chaque fois tout ce qu’il y avait dans les lotissements afin d’avoir une<br />

circulation fluide et en préservant une zone centrale qui est une zone sans voiture. Toute la zone liée à<br />

la zone humide est complètement absente au niveau voirie automobile, dans laquelle la voirie se limite<br />

à la périphérie et dans laquelle on a un type d’habitat qui ne nécessite pas d’avoir une voiture qui vient<br />

en continuité de la maison.<br />

Carine Rocchesani : Justement, une petite remarque par rapport à la voiture ?<br />

Claire Guihéneuf : Je pense effectivement que les réflexions que l’on a sont indissociables. C’est-àdire<br />

que l’on ne peut pas parler d’habitat sans parler des transports. Tous les intervenants l’ont fait. M.<br />

Le Roux disait qu’une des questions des habitants qui voient arriver d’autres gens, c’est d’abord les<br />

véhicules qu’ils vont amener et comment ils vont faire pour continuer à se garer. On voit bien que dans<br />

les propositions nouvelles qui sont faites l’automobile est au cœur de la discussion et les réponses<br />

seront forcément très différentes sur ce plan entre <strong>Brest</strong> métropole océane desservie par un tramway<br />

et l’ensemble du Pays de <strong>Brest</strong> sur lequel le transport individuel reste encore largement prédominant.<br />

Guy Fauvet : À partir de cette zone centrale qui est une zone sans voiture, on a tout un système de<br />

barrettes qui assurent la transversalité entre l’Est et l’Ouest du quartier permettant des traversées<br />

piétonnes et de circulations douces, étant donné que la zone centrale humide est une zone où<br />

évidemment on n’a pas le droit de construire ni de passer de voirie automobile. On a ces sortes de<br />

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arrettes végétales, circulations douces, qui viennent irriguer le cœur de l’opération et permettre<br />

d’avoir cette transversalité intéressante pour irriguer le quartier. Ces barrettes végétales sont aussi<br />

l’occasion de traiter les eaux pluviales. Dans ce qu’on a vu aux Pays-Bas ou dans d’autres quartiers,<br />

c’est qu’il y a une gestion des eaux pluviale qui n’est pas toujours fait de manière traditionnelle avec<br />

des réseaux enterrés. On trouve de plus en plus souvent des réseaux qui sont à l’air libre avec des<br />

systèmes de bassins de rétention traités d’une manière différente. Cela peut être des espaces urbains<br />

qui servent ponctuellement en cas de gros orages de bassins de rétention, mais qui peuvent servir les<br />

trois-quarts du temps en espaces de jeux et en espaces urbains qualifiant l’habitat qui est autour.<br />

Comme c’est un terrain orienté plein Sud avec une pente assez importante, qui va de 8 à 12%, on<br />

vient étager ces espaces de barrettes par ces jeux de bassins de gestion des eaux pluviales. Ensuite,<br />

à partir de là, une mixité de logements proposés sur ce quartier. On arrive à des densités de 30 à 35<br />

logements à l’hectare. On abandonne les densités classiques des lotissements de 10 à 15 logements à<br />

l’hectare avec une mixité de logements proposés, du collectif, de l’immeuble regroupant deux ou trois<br />

appartements, de l’habitat en bande, de l’habitat individuel. Sur une opération qui va faire environ 500<br />

logements, on aura au moins la moitié en habitat collectif avec de la mixité entre habitat social et privé,<br />

toute une zone piétonne au milieu avec un traitement des parkings venant s’adapter au terrain, ils ne<br />

sont pas enterrés mais s’adaptent à la pente. On vient construire par dessus ce qui permet de<br />

ménager des espaces de terrasses privatives importants plein Sud, une gestion des orientations et une<br />

mixité de types d’habitats, habitats individuels groupés où l’on essaiera de produire de l’habitat<br />

diversifié comme on a pu le voir, en sachant malgré tout qu’il faut, dans ce genre de quartiers, encore<br />

proposer de l’habitat individuel plus classique.<br />

Carine Rocchesani : Avant de lancer le débat, notre grand témoin Joël Krikorian, quelques<br />

réflexions ?<br />

Joël Krikorian : En fait, il y a quatre syllabes que j’ai entendues et qui à mon avis résument pas mal le<br />

sujet. À la limite il faut fermer les yeux et les écouter : « Les enfants jouent ». Ce qui résume assez<br />

bien le problème de la densité, du collectif, de l’individuel. Si, dans des formes urbaines bien adaptées,<br />

sous des formes collectives ou individuelles, vous passez le soir en voiture et il y a des enfants qui<br />

jouent en toute sécurité… Si ça c’est réussi, en général ça marche. Un deuxième élément, 38 000<br />

logements sur le marché français en moyenne, sur 350 000 à 400 000 logements mis sur le marché<br />

sous-toutes formes possibles, soit 10% qui sont vendus en collectif à des acquéreurs utilisateurs.<br />

Quand on voit ça, on voit bien la liaison entre ce que disent vouloir les gens… Il faut vraiment parler<br />

des gens, des habitants, pour essayer de savoir comment on peut arriver à profiter de ces mutations,<br />

de ces ruptures. Je crois vraiment que c’est une approche très qualitative qui le permet. Qualitatif, c’est<br />

aussi tenir compte de la personnalité, de la spécificité locale. On travaille partout en France. <strong>Brest</strong>,<br />

Marseille, Lyon, Toulouse… C’est très différent en fait, il y a des histoires locales qui font que le rapport<br />

à l’habitat est très différent. Quand on voit les exemples de la Hollande, si c’était pareil ça marcherait<br />

depuis longtemps aussi. Ce n’est pas par hasard. Le qualitatif, ce sont aussi les ménages eux-mêmes.<br />

Il faut vraiment être à l’écoute, et surtout des évolutions possibles. Les ménages ont des modes de vie<br />

qui, à mon avis, sont en train d’évoluer, mais j’y reviendrais. Après, la question, est-ce que l’on est<br />

dans une fenêtre de tir intéressante ou pas ? On sent qu’on est dans une période en mutation, le<br />

développement durable… Il y a quelque chose qui se passe dans la tête des clients quand on les<br />

interroge. Il y a des ruptures dans les modes de vie, dont il faut profiter. La crise aussi amène… La<br />

crise, pour moi, elle n’est pas terminée. Elle a été un peu mise entre parenthèses avec un plan de<br />

relance assez ciblé pour relancer la machine, mais quand on fait un peu de prospective ce n’est pas<br />

évident ce qui va se passer en 2010-2011, surtout si en 2012 les taux d’intérêts repartent à la hausse<br />

parce que l’inflation ne pourra pas faire autrement que de repartir à la hausse. C’est bien de mettre en<br />

relation aussi le macroéconomique et les ménages. L’inflation repartant d’ici deux ou trois ans, pour<br />

financer les déficits publics partout en Europe et dans le monde, ça va faire repartir les taux d’intérêts.<br />

Or 2% de taux d’intérêts, c’est 15% dans la pyramide de la clientèle de désolvabilisation des gens qui<br />

ne pourront plus acheter. Alors, la fenêtre de tir il faut en profiter parce que ça va créer de plus en plus<br />

de la crise du logement, des besoins, de la tension et peut-être que l’arbitrage dont font preuve les<br />

clients sera un peu plus facilité, ils passeront à l’acte peut-être plus facilement. Après, dans ce que j’ai<br />

entendu, on entend de plus en plus le mot durable. On ne sait plus ce que ça veut dire. On est tous<br />

d’accord en fait. J’aurais envi de dire, pour mettre ça en relation avec le désir, il faut que cet habitat soit<br />

aimable, tout simplement, par le client. Qu’il soit aussi connecté, on le voit avec les transports. Ces<br />

nouveaux critères vont prendre tout leur poids dans l’avenir. Il faut qu’il soit abordable aussi,<br />

17


financièrement, parce que les clients ont vraiment des problèmes d’argent aujourd’hui. Cela pose la<br />

question du prix de revient du logement.<br />

Carine Rocchesani : Justement le fait de densifier plus d’habitat sur un foncier…<br />

Joël Krikorian : Justement, c’est là que ce n’est pas évident. Quand on fait le collectif, ou l’individuel<br />

groupé dense, et notamment à cause du parking, ça coûte beaucoup plus cher que l’individuel diffus.<br />

Dans le diffus, souvent le terrain est moins cher ou la TVA n’est pas la même sur le terrain, les frais de<br />

maîtrise d’œuvre ne sont pas les mêmes… Du coup, l’habitat collectif ou individuel dense tel qu’on le<br />

montre vaut aussi cher.<br />

Carine Rocchesani : Et le parking qui n’est pas enterré, c’est peut-être moins cher du coup ?<br />

Joël Krikorian : Alors oui, sauf qu’aujourd’hui ça existe très peu. La question « abordable » est très<br />

importante. Ensuite, les modes de vie. Je reviens aux enfants qui jouent, c’est très important. Enfants<br />

ou pas, ça détermine beaucoup de choses. Il y a quand même deux tiers des clients dans les<br />

métropoles qui n’ont pas d’enfant encore, ou qui ont de grands enfants en train de partir, et eux sont<br />

les cibles principales de ces nouveaux produits. En locatif ce n’est pas pareil, on est de passage et l’on<br />

peut accepter du collectif avant de devenir propriétaire. Mais aujourd’hui, quand on a des enfants on<br />

est plutôt dans l’individuel. Et puis il y a voiture ou pas de voiture du tout. À Paris peut-être, mais ici on<br />

n’est pas encore prêt. Mais, abandon de la deuxième voiture, là il y a un enjeu énorme parce que dans<br />

un couple, on n’abandonnera pas les deux voitures.<br />

Carine Rocchesani : Là on voit les enjeux de Claire Guihéneuf au démarrage. Est-ce qu’on peut<br />

accepter aujourd’hui en centre ville deux voitures ?<br />

Joël Krikorian : Cette question de la voiture est très importante, et donc le parking etc. On voit bien<br />

que tout ça… Il va falloir que le client arbitre et qu’on lui en donne un peu moins que ce qu’il avait.<br />

Enfin, ce que j’ai retenu aussi c’est le mot « valeur d’usage ». J’emploie aussi ce terme. On va vers<br />

une valeur d’usage des biens qui s’oppose à la valeur patrimoniale. Alors que c’est là qu’il y a un coin<br />

qui entre dans l’esprit français. Ce qui comptait avant, et compte encore aujourd’hui, c’est la valeur<br />

patrimoniale, on va céder à ses enfants la terre etc. Mais il y a peut-être une clientèle des jeunes, ceux<br />

de 15 ans aujourd’hui qui seront les acquéreurs de dans dix ans, qui vont peut-être accepter une<br />

valeur d’usage qui va tout comprendre : loyer, charges, coût de l’énergie, connexion Internet et<br />

téléphone, la mobilité avec la voiture en auto partage comme on commence à l’imaginer dans certaine<br />

ville… C’est un tout, ça a une valeur et un prix mensuel, et à la limite ça pourrait presque se revendre<br />

demain, puisqu’une valeur d’usage… Sauf que là, on est en train de fissurer tous les systèmes<br />

juridiques, de montage. On n’est pas prêt en France, mais c’est une piste très certainement. Tout ça<br />

met bien le lien avec la nécessité de rentrer dans un processus d’innovation qui n’est pas vraiment à<br />

l’œuvre encore aujourd’hui. L’innovation, les partenaires ont tous le nez un peu sur le guidon, en plus<br />

c’est la crise, on regarde à 12 ou 18 mois. On n’a pas le temps, ni les moyens de réfléchir à cinq ans.<br />

Tous on cherche le chiffre d’affaires pour dans trois mois… Les collectivités certainement peuvent<br />

animer, mais les acteurs, il faut les embarquer là-dedans et c’est dur.<br />

(Débat dans la salle)<br />

Carine Rocchesani : Voilà l’enjeu que l’on développera tout à l’heure dans la troisième table ronde.<br />

Place à vos questions, à vos réflexions, partages d’expériences…<br />

Philippe Tignel, Ataraxia Production : Je rebondis sur l’intervention de Claire Guihéneuf qui la<br />

première a parlé de la voiture. J’ai noté densité et place de la voiture. On voit bien à travers les<br />

exemples de ZAC aujourd’hui, la voiture on y pense, on la programme, on la cale, elle est prévue à des<br />

endroits. Par contre, à Ataraxia on a travaillé sur des programmes de centre <strong>Brest</strong> et l’on se retrouve<br />

immédiatement confrontés à des problèmes de parkings. On veut bien densifier, on a quelque chose à<br />

reconstruire de manière un peu plus dense, mais on évite de bloquer sur le problème économique du<br />

nombre de parkings par habitant. Là, on commence à descendre, et quand on va en profondeur on<br />

monte dans les coûts et l’on ne sort plus. Dans la vision qui va être la vôtre dans les temps qui<br />

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viennent, dans votre réflexion, comment vous envisagez effectivement en centre <strong>Brest</strong> la place de la<br />

voiture et la densification ?<br />

Carine Rocchesani : Combien de voitures par logements. Yves Courtot ?<br />

Yves Courtot : Je ne peux pas répondre pour tout le centre ville de <strong>Brest</strong>, mais je peux peut-être<br />

donner un éclairage par rapport au projet du quartier des Capucins. Projet qui est en quelque sorte à<br />

l’origine de cette étude, car ce quartier a été labellisé éco-quartier par la Caisse des dépôts et<br />

consignations qui nous aide dans le financement de cette étude. Une des questions que l’on se pose<br />

dans ce quartier c’est en effet l’évolution de la place de stationnement, en lien avec sa desserte par les<br />

transports en commun, le mode de vie que l’on va pouvoir y générer. Et une des réponses que l’on<br />

attend de cette étude c’est nous aider à mieux gérer, cadrer, la norme de stationnement que l’on<br />

pourra y appliquer. Évidemment, en allant plutôt vers le bas. C’est vrai que, en l’absence de référence<br />

sur les modes de vie sur <strong>Brest</strong>, on voulait avoir des réponses plus précises sur ces questions-là.<br />

Carine Rocchesani : Des éléments de réflexion ? On a déjà évoqué quelques exemples de place de<br />

la voiture… Guy Fauvet ou Nicolas Michelin, est- ce que vous pouvez donner d’autres pistes de<br />

réflexion sur cette place de la voiture ?<br />

Nicolas Michelin : Il y a une réponse intéressante en centre ville, c’est de faire des îlots plus mixtes<br />

en termes d’usages. D’abord, ça répond à la ville. Ce qu’on évite de faire dans les nouveaux quartiers,<br />

c’est habiter là et faire ses courses ailleurs. On essaye de faire ce mélange, même si ce sont de petites<br />

unités. On peut faire des îlots mixtes dans lesquels on ne résonne plus à la parcelle ou au macro lot,<br />

mais où l’on travaille sur le foisonnement entre bureaux, commerces, logements, et l’on arrive à<br />

descendre considérablement le nombre de stationnement nécessaire programme par programme car<br />

on mutualise à l’intérieur d’un même lot. C’est une piste assez intéressante, mais il est bien évident<br />

que l’on n’est pas encore prêt à faire des énormes silos de voitures et ensuite d’aller, sans parkings du<br />

tout, au cœur d’un quartier. C’est une question récurrente partout. Mais le foisonnement et l’intelligence<br />

entre différents programmes est très intéressant.<br />

Claire Guihéneuf : Je n’ai pas de réponse à la question, mais je pense qu’elle est fondamentale pour<br />

le centre ville. On sent bien que si la réponse transports en commun uniquement peut répondre à<br />

certains âges de la vie, notamment quand vous êtes jeunes ou plus tard une fois âgés, en revanche<br />

l’usage de la voiture est, dans nos modes de vie, absolument indispensable pour une partie de la<br />

population que l’on souhaite voir revenir en ville et qui est la population des jeunes ménages avec<br />

enfants. Et qui aujourd’hui en déposant un à la crèche, un deuxième à l’école, en ayant les courses à<br />

gérer etc, ont besoin au moins d’une voiture, on en est sûr. Tout l’enjeu étant peut-on leur proposer<br />

des conditions pour qu’ils n’aient pas besoin de deux voitures. Aujourd’hui je pense que notre enjeu sur<br />

le centre ville est là. Déjà répondre à une voiture placée de manière sécuritaire avec un accès facilité<br />

au logement, où l’on peut la poser, aller chercher les enfants, mettre la poussette, sortir le matériel de<br />

bain quand on va la plage… Toute la gestion quotidienne normale, c’est évidemment aujourd’hui plus<br />

simple quand vous avez votre résidence personnelle avec votre grand garage, même s’il est occupé à<br />

autre chose par ailleurs et que vous placez votre voiture sur le trottoir, ce qui est une autre chose. Mais<br />

néanmoins, je pense que votre question est essentielle pour le centre ville, c’est vrai.<br />

François Thierry, Directeur de <strong>Brest</strong> Avenir Immobilier : Depuis ce matin nous avons vu<br />

l’immobilier du futur. Je suis administrateur de beaucoup d’immeubles du centre ville, et tout le<br />

problème de la densification c’est effectivement le problème du stationnement et des possibilités du<br />

développement. Je pense qu’à <strong>Brest</strong>, on n’a pas donné tout à fait la réponse mais il y en a une qui est<br />

certaine aux yeux de tout le monde. C’est votre place Wilson. Bien sûr c’est un coup supérieur, mais<br />

au moins ce serait un parking centre ville, qui pourrait descendre de 2 ou 3 niveaux, voire 4 si on<br />

voulait faire l’effort, qui débloquerait la totalité du problème centre ville et du stationnement, et pour ça<br />

il faut une volonté de développer cet esprit. Justement en plein milieu de la ville.<br />

Carine Rocchesani : Mais la question, c’est de savoir. C’est un peu comme les autoroutes, plus on va<br />

construire de parkings plus on va attirer les voitures et cette fameuse deuxième voiture.<br />

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François Thierry, Directeur de <strong>Brest</strong> Avenir Immobilier : Le problème, c’est que vous ne ferez pas<br />

venir les gens s’ils ne savent pas qu’ils pourront se stationner correctement. Centre ville est en train de<br />

perdre une partie de sa population. C’est une ville qui a cinquante ans, avec les avantages et les<br />

inconvénients de l’époque. Mais on ne se posait pas tant de problèmes. Déjà avoir un logement était<br />

un luxe. Mais aujourd’hui il faut recorriger tout ça, car si on ne fait rien, dans les quinze ans qui<br />

viennent, je suis désolé de le dire, on va à la catastrophe. Il n’y aura plus de centre ville, les gens<br />

auront intérêt à chercher de beaux logements à l’extérieur. Effectivement, partir dans de l’habitat<br />

individuel. Il faut absolument remettre sur le centre ville un accent important pour le développement.<br />

Carine Rocchesani : C’est un enchaînement sur le débat de cet après-midi. Guy Fauvet ?<br />

Guy Fauvet : Dès qu’on travaille sur les projets urbains, il y a tout de suite le problème des parkings<br />

qui vient sur le tapis. Deux petits exemples sur un projet sur lequel nous travaillons en centre ville,<br />

Nicolas Michelin en a parlé. Nous travaillons aussi sur un projet où le parking est partiellement enterré,<br />

mais une partie importante est à rdc. Et l’on vient habiller le rdc par des espaces à la fois d’accueil au<br />

niveau des immeubles et des espaces commerciaux. Donc, on traite le problème du parking au niveau<br />

du sol, on vient l’habiller de manière à avoir une façade urbaine, et la surface supérieure du parking est<br />

traitée en espaces végétalisés. En Hollande, par exemple, il y a un projet célèbre fait par un architecte<br />

français, où l’on a traité un quartier avec tout un espace paysager collectif traité en toitures. Ce sont<br />

des projets qui arrivent de plus en plus souvent d’essayer de récupérer aussi la cinquième façade en<br />

espace collectifs et en espaces paysagers. Autre petit exemple, une évolution possible serait de faire<br />

en sorte, sur un petit clos d’habitats groupés, avec de petites parcelles à usages privatifs, on n’amène<br />

pas les voitures directement aux pieds des maisons. C’est-à-dire qu’à l’entrée de ce clos, il y a un<br />

parking et l’aménageur accepte de se dire qu’il va réussir à vendre ces maisons sans amener la voiture<br />

jusque dans le salon. On peut voir à l’entrée un parking paysager aménagé et ensuite tout un espace<br />

partagé de jardins avec le clos de maisons mises autour.<br />

Carine Rocchesani : Parkings et boîtes aux lettres à l’extérieur. Ça me fait penser un peu aux boîtes<br />

aux lettres collectives. D’autres questions ?<br />

Laurence Garrigues, architecte urbaniste à <strong>Brest</strong> : Vous avez parlé en introduction du PLH et de sa<br />

mise en place, dans lequel il y a diversité d’habitats et notions environnementales. Je me demandais<br />

comment l’ADEUPA avait travaillé sur la différence d’échelle entre la notion d’agglomération et les<br />

communes plus rurales. Comment cela se traduit-il ? Car tout ce qu’on a vu est très intéressant à<br />

l’échelle de la ville, avec une densité assez forte. Je ne suis pas forcément partisane de<br />

traditionalisme, mais je pense qu’il y a une échelle un peu différente entre ville et commune rurale.<br />

Comment la densité va être traduit ? Alors que, si on a un PLH avec une réglementation uniforme sur<br />

différentes échelles de communes, est-ce qu’on va pouvoir garder les notions de hameaux, de bourgs,<br />

sans avoir des éléments rapportés trop identifiés à la ville ?<br />

Claire Guihéneuf : En fait, l’ensemble du Pays de <strong>Brest</strong> aujourd’hui <strong>Brest</strong> métropole a son PLH qui a<br />

été discuté, et les autres communautés de communes sont en cours d’élaboration de leur propre PLH.<br />

Ils sont pratiquement élaborés et sont en cours de discussion aujourd’hui, à la fois sur l’Iroise, sur<br />

Plabennec, sur Lesneven et sur la communauté de communes de Crozon. Landerneau avait déjà<br />

discuté et approuvé le sien. Il y a une réflexion à l’échelle de chacune des communautés de<br />

communes et il y a par ailleurs, à l’échelle du Pays de <strong>Brest</strong> une réflexion collective au travers du<br />

SCOT, le schéma de cohérence territorial, qui sera un document de planification qui va s’imposer au<br />

PLU. Dans ce SCOT, une des questions que nous avons eu c’est la question de la densité. Donc, en<br />

fait, les propositions qui ont été à ce stade retenues par les élus mais qui peuvent encore être<br />

amenées à évoluer, font qu’on a plutôt travaillé sur la notion de hiérarchie urbaine que vous soustendez.<br />

C’est-à-dire que l’on considère qu’à l’échelle du Pays de <strong>Brest</strong> on a bien sûr une agglomération<br />

centrale de taille métropolitaine, on a ce qu’on va appeler des pôles structurants, Lesneven,<br />

Plabennec, Saint-Renan, qui sont des communes anciennes structurées et organisées, et qui peuvent<br />

à leur échelle viser un certain niveau de densité. Ensuite, on va avoir des communes qu’on appelle des<br />

pôles d’équilibre, qui sont des communes plus petites, souvent littorales, qui ont une structuration de<br />

leur centre qui est au-delà de leur nombre d’habitants, notamment parce qu’elles accueillent plus de<br />

monde l’été et qu’elles ont un tissu commercial et de restauration au-delà du nombre d’habitants de la<br />

commune proprement dite. Elles aussi ont un niveau de densité plus important. Et, enfin, les centres<br />

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de communes et les hameaux. Effectivement, il y a en cours en ce moment des discussions et des<br />

réflexions à l’échelle du Pays de <strong>Brest</strong> pour savoir comment tout le monde peut aller dans le même<br />

sens, vers davantage de densité, de compacité, et de travailler autour des centralités, mais chacun<br />

avec son identité et son niveau d’urbanisation.<br />

Jean-Pierre Caroff : Je voulais faire deux remarques, et Claire est intervenue sur la première. C’est<br />

de dire aussi, en réponse à ce que vous disiez tout à l’heure, qu’il n’y a pas une réflexion de la<br />

communauté urbaine d’un côté, et de l’autre une absence de travail collectif entre l’ensemble des<br />

autres entités du Pays de <strong>Brest</strong> qui correspond aux bassins d’habitats et d’emplois. Il y a bien un travail<br />

collectif en cours et c’est dans ce cadre-là que nous travaillons. C’est une remarque essentielle. Je ne<br />

vais pas développer davantage car j’estime qu’aujourd’hui mon rôle est d’abord d’écouter. La seconde<br />

remarque, c’est l’évolution par rapport aux transports. C’est effectivement une question qui est<br />

essentielle. Ce que j’ai entendu, évolution par rapport aux coûts, mais aussi évolution non pas<br />

seulement par le fait d’avoir ou non une voiture, mais par le fait qu’il y a une approche en termes de<br />

capacités de déplacements. Il y a dix ans, on avait deux voitures au centre ville, on se déplaçait sans<br />

problème. Quand on posait le problème d’un transport collectif lourd à l’époque, il n’était pas perçu<br />

comme répondant à un besoin. Aujourd’hui on n’en est plus là. Aujourd’hui, le problème de<br />

déplacement des voitures dans la ville se pose en termes hydrauliques, c’est-à-dire un peu comme la<br />

circulation de l’eau qu’il faut assurer alors qu’on ne peut doubler les tuyaux. En ville, on ne va pas<br />

démolir la moitié des rues principales pour les reconstruire plus loin et construire des autoroutes<br />

urbaines. Je crois que c’est quelque chose qui s’intègre de plus en plus. On voit bien que certains<br />

aujourd’hui sont à la merci d’un accident sur le pont de l’Iroise, du fait qu’il y a des travaux par exemple<br />

sur la D105 entre Guilers et la Cavale Blanche et que ça a un impact sur un certain nombre d’autres<br />

endroits. On voit bien que ce n’est plus le choix entre l’automobile et l’anti automobile. Mais on est<br />

dans une logique d’une réflexion collective sur comment permettre à chacun de faire les<br />

développements qu’ils souhaitent, de manière idéale, et aux coûts abordables. La question des coûts<br />

est essentielle et les coûts sont en train d’évoluer fortement. Ce sont deux remarques à prendre<br />

comme enrichissement à notre réflexion collective.<br />

Jean-François Champeaux, architecte urbaniste à Plougastel : J’avais une question sur la densité.<br />

Je pense que c’est un mauvais mot qui donne des boutons à tous nos concitoyens et aux élus. La ville<br />

n’a jamais été construite avec des notions de densité mais plutôt de formes urbaines. M. Le Couëdic<br />

disait dans une conférence que Port-grimaud a une densité très forte et que c’est un type d’urbanisme<br />

complètement rejeté par les architectes et par l’élite, mais si on parle de densité on voit que les<br />

modèles urbains que l’on rejette marchent très bien en densité. Deuxièmement la densité veut dire que<br />

l’on calcule toujours au nombre de logements à l’hectare, mais un logement d’une pièce ou de cinq<br />

pièces à l’hectare ce n’est pas la même chose. Est-ce qu’on pourrait parler plus de population ou<br />

d’habitant, de nouveaux habitants que l’on va recevoir, plutôt que de densité ? Je pense que les gens<br />

dans un nouveau quartier que l’on va aménager, pour les riverains, que dans leur quartier il y a deux<br />

cents ou cinq cents habitants actuellement et vous allez accueillir cent ou deux cents habitants. Je<br />

pense que c’est plus humain que de leur parler de densité à l’hectare.<br />

Carine Rocchesani : On a évoqué la pédagogie avec Claire Guihéneuf, cela fait partie d’une réflexion<br />

sur comment je communique. Une autre question ?<br />

Alain Queffelec, maire de Guipavas : Je gère une ville qui est sans doute un mauvais exemple, mais<br />

ça fait partie de l’histoire, une ville à l’horizontale avec du collectif en nombre très faible, du logement<br />

social très en retard aussi. On a beaucoup de progrès à faire là-dessus, mais avec Jean-Pierre Caroff<br />

on y travaille. L’exemple qui a été cité sur Keryda est un très bon exemple de travail collaboratif qui va<br />

permettre de faire avancer les choses. Sur le logement collectif, il y a quelque chose que l’on perçoit<br />

mal, pour avoir interrogé beaucoup de gens qui viennent rechercher une maison individuelle et son<br />

bout de terrain, il y a certainement un problème culturel mais il y a aussi un rejet du logement collectif<br />

par rapport à la promiscuité. On a trop d’exemples aujourd’hui de logements collectifs où l'on a<br />

l’impression d’habiter chez le voisin. Je crois qu’on a beaucoup d’efforts à faire en termes<br />

technologiques pour faire en sorte que l’habitat collectif, de ce point de vue-là, soit l’équivalent de<br />

l’habitat individuel.<br />

Carine Rocchesani : Isolation phonique.<br />

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Paul Rocuet, responsable énergie à <strong>Brest</strong> métropole océane : Je voudrais faire écho à une notion<br />

intéressante évoquée par M. Michelin, c’est la qualité d’usage. Rapprocher ça aussi du coût d’usage.<br />

On a beaucoup parlé de la voiture. Quelqu’un qui fait 20 km par jour pour aller à son travail, en coût<br />

d’usage, ça doit être plusieurs centaines d’euros par mois, à rapprocher du coût d’un loyer ou de<br />

remboursement de prêt c’est quand même important. Ce serait effectivement assez simple si ça<br />

pouvait être le seul élément qui permette aux gens de vivre en ville. Mais si le lieu de travail est en<br />

périphérie, on n’a pas réglé ce problème-là qu’il faut examiner parallèlement.<br />

Carine Rocchesani : Dans les débats de cet après-midi, on prolongera les échanges en termes<br />

d’attractivité et d’emplois. Quelques éléments de conclusion.<br />

Joël Krikorian : Je veux rajouter une notion que l’on n’a pas évoquée. Ici, on a surtout une approche<br />

spatiale, mais je crois qu’une des clés vis-à-vis du client c’est le rapport au temps. En fonction d’où se<br />

situe le logement, on gagne ou l’on perd du temps dans la journée. Nous, on est effaré dans des<br />

enquêtes auprès des ménages. Ça prend des proportions, surtout auprès des mères. C’est qu’elles<br />

gèrent peut-être plus de choses, elles sont obnubilées par leur agenda où elles notent tout. Du coup,<br />

passer de la voiture où l’on va mettre un quart d’heure ou vingt minutes, et même une demi-heure, à<br />

un tramway où l’on peut lire son journal et passer un moment agréable, alors qu’en voiture on<br />

s’énerve… En plus, l’image de la voiture est en train de se fissurer. Auprès des jeunes, on le voit. Dans<br />

Le Monde, il y a quelques semaines, il y avait une enquête sur les modes de vie auprès des jeunes<br />

allemands. Entre se faire voler leur portable ou leur voiture, à 75% ils ne voulaient pas se faire voler<br />

leur portable…. C’est anecdotique, mais il y a des choses qui se passent. Le rapport au temps<br />

transparaît dans tout, dans la position de l’habitat par rapport aux cours de piano, aux sports, au<br />

toubib… À la fin du mois, ça prend des proportions énormes. Pour gagner une heure par jour, c’est<br />

quoi la valeur ? Ce n’est pas en euro, c’est encore autre chose, mais ça a une valeur.<br />

Carine Rocchesani : Que faire de cette heure gagnée ? Un habitat collectif dense, le cinéma, la<br />

crèche, la salle polyvalente… Tout un autre espace culturel de vie à réinventer. Un dernier point. Vous<br />

avez évoqué la notion des coûts, c’est important. Est-ce que c’est une réponse ? Vous avez dit oui et<br />

non sur le coût de l’habitat.<br />

Joël Krikorian : Aujourd’hui on n’a pas trouvé la réponse. Je crois que c’et une piste qu’il faut<br />

explorer. Le prix de revient au mètre carré SHON, prix de construction en collectif en France on sait<br />

que c’est entre 11 500 et 14 500, ça dépend des parkings justement. Ça se reporte sur les prix de<br />

vente. Le parking en sous-sol ou pas, ça impacte le prix de vente de 300 euros à l’arrivée, à peu près.<br />

Sans compter le parking lui-même. Ça impact le prix de revient de l’opération parce qu’il y a des soussols…<br />

Il y a beaucoup à faire. Après, les procédés constructifs je sais qu’on y travaille mais c’est moins<br />

mon rayon.<br />

Daniel Le Couëdic : Sur la formation du prix, il n’y a pas que le coût de la réalisation. Je crois qu’il y a<br />

quelque chose d’assez intéressant sur la ZAC de la Fontaine-Margot. Elle est dispensée de la taxe<br />

locale d’équipements. Il y a aussi d’autres moyens d’influer sur les coûts lorsque l’on veut montrer<br />

l’exemple et séduire. C’est intéressant parce que, refuser la TLE c’est le propre des communes rurales<br />

qui voulaient attirer les jeunes couples, il y a quelques années. Ce sont les communes centres<br />

aujourd’hui qui sont tentées d’utiliser cette procédure. Je crois que si l’on veut être efficace il faut se<br />

méfier du radicalisme. On a un exemple, Guy Fauvet s’en souvient puisqu’il avait été impliqué dans<br />

cette affaire, c’est ici la volonté en 1984 de faire de l’habitat individuel dense sous forme de maisons de<br />

ville, c’est un souvenir douloureux à <strong>Brest</strong>. C’est la ZAC du Point du jour qui s’achève vingt-cinq après<br />

son lancement. Pour donner l’exemple, la communauté urbaine à l’époque avait lancé un concours à<br />

blanc pour que des architectes produisent des modèles pour attirer les promoteurs. Certains s’y sont<br />

essayés et l’ont payé dans tous les sens du mot très cher. Il faut de la pédagogie, mais quand on<br />

prêche par l’exemple il fau aussi mettre des choses acceptables et séduisantes pour aller plus loin la<br />

fois suivante. Je voudrais dire aussi qu’il faut se méfier des approximations et de certaines formes de<br />

publicités mensongères, et là je vais plaider pour la recherche et son financement. Il y a un certain<br />

nombre d’idées reçues qui sont véhiculées et qui sont souvent battues en brèche lorsque l’on fait des<br />

études un peu fines. Par exemple, sur la maison individuelle et l’étalement urbain tels qu’ils se sont<br />

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faits, il y a des effets catastrophiques. On a parlé de la consommation des terres agricoles par<br />

exemple, la production de CO2, la consommation d’énergies fossiles, nous sommes bien d’accord. En<br />

revanche, il vient d’y avoir deux programmes de recherche menés par le muséum qui montrent très<br />

clairement qu’en termes de biodiversité, ça a été très favorable. Que, effectivement, les lotissements<br />

font bocages et, aussi bien au plan de la flore et de la faune, se sont avérés être des niches<br />

écologiques remarquables.<br />

Carine Rocchesani : Les terrasses de l’habitat vont jouer le même rôle. J’ai entendu qu’à Paris les<br />

abeilles font le meilleur miel. En termes de biodiversité dans l’habitat dense, apparemment, ça marche<br />

bien aussi.<br />

Daniel Le Couëdic : Bien sûr, mais encore une fois ça ne compense nullement d’autres<br />

inconvénients. Autre exemple, Olivier Piron a collecté toutes les études économiques qui ont essayé<br />

de démontrer qu’il y avait de graves dysfonctionnements sur l’étalement urbain. On n’arrive pas à le<br />

démontrer. Ça ne veut pas dire que ça n’existe pas. Et puis Jean-Paul Lacaze qui a, dans un article,<br />

montré que ce type d’urbanisation et de construction avait permis probablement d’éviter une grave<br />

crise du logement en mobilisant des financements individuels qui ne se seraient pas reportés sur des<br />

opérations collectives impliquant d’autres mécanismes. Je crois qu’il faut à tout prix éviter que le<br />

sentiment qui s’introduirait serait que les urbanistes et les architectes s’appuient sur une crise<br />

miraculeuse, celle de l’environnement, pour « fourguer », excusez- moi l’expression, une doctrine qui<br />

était naguère la leur et qui n’était pas reçue. Je suis architecte et urbaniste, et je pense que la<br />

pédagogie est importante mais qu’elle ne doit pas donner dans le radicalisme et qu’elle doit être très<br />

explicative et ne pas repousser comme négligeables des éléments objectifs. Mais j’ai dit que je plaidais<br />

pour la recherche car on connaît très mal, en fin de compte, ces questions. Ce sont des débats qui se<br />

déroulent très souvent dans un cadre idéologique et je pense que ce qui a été dit tout à l’heure des<br />

études en cours, de bien d’autres qui doivent être conduites, nous en apprendraient beaucoup plus et<br />

nous permettraient d’aller sur la bonne voix de façon plus assurée.<br />

Carine Rocchesani : Recherche nécessaire, j’ai bien entendu. Je vais laisser le mot de la fin à<br />

Nicolas Michelin sur les perspectives et sur ce qui vient d’être dit.<br />

Nicolas Michelin : Je suis un peu triste qu’on termine sur l’apologie de l’étalement urbain. Vous avez<br />

essayé de démontrer qu’il y avait des côtés positifs, heureusement, parce que sinon la terre aurait déjà<br />

explosé. Mais j’entends aussi des confrères qui me parlent d’éco-étalement, de villes multi cellulaires<br />

avec le tram-train qui permettrait de faire des urbanisations à 60 km du cœur de ville. Je pense qu’il<br />

faut être un tout petit peu sensé. Dans les modèles de villes métropolitaines, c’est un peu la ville<br />

européenne. Ce n’est pas Los Angeles qui a gagné, ce n’est pas les gates communities, ce n’est pas<br />

les maisons à perte de vue. Vous avez raison, je suis un peu dans la recherche sur d’autres domaines<br />

que vous, mais il y a peut-être des choses pas complètement négatives. Sauf que, quand même, très<br />

honnêtement, même en regardant la Bretagne et pour avoir travaillé sur de petites communes il y a fort<br />

longtemps, avec des yeux d’amoureux de la terre, des coteaux, des vallons, on voit quand même que<br />

cet étalement urbain a massacré, je le dis franchement, certaines lignes de crêtes, lignes de côtes,<br />

parce que les gens voulaient voir la mer et se mettaient là. Ce sont des modèles de maisons, excusezmoi,<br />

qui ne valent souvent pas un clou. Elles ont été bâties à bas prix et aujourd’hui… On sait faire des<br />

maisons individuelles bien groupées, je vais terminer sur quelque chose de positif… Quand on fait une<br />

maison dont on fait le tour, on voit des maisons dont on fait le tour etc. Et les gens disent « j’aime bien<br />

mon jardin », et ils voient une maison dont on fait le tour et une haie de thuyas. On a une espèce de<br />

micro paysage. Si on prend ces quinze maisons qui se voient entre elles, on les rassemble, on les<br />

mets en bande, on leur donne plus de jardin et on leur demande : qu’est-ce que vous voyez ? Ah je<br />

vois le vallon. Tout d’un coup la notion de paysage et de territoire peut être habitée mais pas d’une<br />

façon mitée. La mite c’est vraiment ce qui fait des trous dans votre gilet. Le qualitatif et l’innovation sont<br />

des choses extrêmement importantes, et l’on a aujourd’hui des savoir-faire, des matériaux, on retrouve<br />

des choses un peu simples, on ne parle pas des immeubles de bureaux parce que ce n’est pas le<br />

sujet, mais qui sont extrêmement importantes en termes d’énergie. On sait faire des bâtiments dans le<br />

Sud avec des bureaux sans climatisation, on sait faire des bâtiments en aération naturelle, on sait<br />

montrer aux gens que s’ils se mettent côte à côte en essayant d’avoir bien leur intimité, ils dépensent<br />

tout de suite moins d’énergie, c’est un facteur 2 pratiquement. Je plaide beaucoup pour l’innovation et<br />

je suis très inquiet. Il faut éviter de rentrer dans la petite maison basée sur les calories. On va faire de<br />

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petites fenêtres, on va faire PVC, on va faire HQE… Je suis contre la règle, je suis pour l’innovation<br />

territoriale. Je crois que chaque territoire peut innover mais il faut du courage. Il faut des élus<br />

courageux, il faut des promoteurs qui acceptent les produits, et il faut des architectes qui descendent<br />

de leur piédestal et qui acceptent de travailler longuement sur le terrain avec les habitants parce que<br />

ce travail-là est un travail d’atelier plutôt qu’un travail de conception qu’il faut réaliser. Innovation.<br />

Table ronde 2 : Comment préserver l’attractivité du parc existant ?<br />

Carine Rocchesani : C’est reparti pour une après-midi d’échanges avec deux tables rondes. Le<br />

premier thème, Comment préserver l’attractivité du parc existant ? Notre grand témoin de cette<br />

première table ronde Franck Caro, responsable du pôle modalités d’intervention à la direction de la<br />

coordination du programme de l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine ; Yves Quiniou,<br />

Directeur de <strong>Brest</strong> métropole habitat ; François Thierry, Président de <strong>Brest</strong> Avenir Immobilier ; Gladys<br />

Douilly, Directrice d’Énergence, Agence de maîtrise de l’énergie de <strong>Brest</strong> et de sa région ; Catherine<br />

Le Perron, architecte ; Nathalie Rochcongar, copropriétaire d’un immeuble en réhabilitation<br />

énergétique ; Michèle Bazzaz, permanente à la confédération de la consommation, du logement et du<br />

cadre de vie, CLCV. Ce matin, on s’est projeté, on a parlé du futur et en même temps de réalisations<br />

déjà concrètes en France et ailleurs. Cette après-midi, on va se poser des questions autour du parc<br />

existant. Comment préserver l’attractivité du parc existant ? On va commencer par un état des lieux.<br />

Quel est l’état de la situation, <strong>Brest</strong> métropole océane, l’hyper centre. Votre avis sur la question.<br />

François Thierry : C’est une vaste discussion que nous allons avoir cet après-midi, sachant que moi<br />

j’administre un certain nombre d’immeubles dans le centre ville. Je voulais débattre du centre ville tel<br />

qu’on le connaît. C’est-à-dire, avenue Clemenceau, rue Michelet, boulevard Jean Moulin et revenu par<br />

la gare. Pour moi dans quinze ans, c’est un quartier sinistré. Parce que toutes ces constructions de<br />

1950 à 1965 sont figées. On n’a pas un centimètre carré aujourd’hui dans lequel on peut encore<br />

construire quelque chose. Le dernier que je connaisse sera le carré Siam qui est fait par un promoteur<br />

privé au-dessus des parkings. Après, je ne vois pas où l’on pourra améliorer et construire du neuf. On<br />

aura un parc existant, il est ce qu’il est, mais il est vieillissant, les copropriétaires ne se donnent pas les<br />

moyens d’améliorer. L’idée dont j’ai déjà discuté ici et que je reprends, c’est que c’est un centre qu’il<br />

faut rehausser de deux étages. Il faut donner l’autorisation de pouvoir rebâtir sur l’ancien. On a des<br />

rues, des égouts, de l’électricité, des écoles, le centre ville qui ne demande qu’à se développer, les<br />

commerces sont là pour le faire. Si on ne réagit pas dans les 10 ou 15 ans qui viennent, sachez que<br />

vous aurez un centre ville sinistré. On recommencera un sinistre comme on a eu après les années<br />

cinquante.<br />

Carine Rocchesani : Là, on parle bien de l’hyper centre ?<br />

François Thierry : Super centre. Centre intra muros, on peut dire. Après il y a les autres quartiers<br />

mais tout le monde les connaît, avec des possibilités tout à fait différentes.<br />

Carine Rocchesani : Est-ce que la situation est si critique que ça ? Ce n’est pas bien rassurant.<br />

Yves Quiniou : Je ne suis pas le seul représentant des bailleurs sociaux dans la salle, mais <strong>Brest</strong><br />

métropole habitat est le principal bailleur social, au moins sur <strong>Brest</strong> puisque le patrimoine global de<br />

<strong>Brest</strong> métropole habitat est d’un peu plus d 15 000 logements dont près de 14 000 construits sur la ville<br />

centre, c’est-à-dire <strong>Brest</strong>. Alors, l’Office d’HLM de l’époque a connu des difficultés importantes sur son<br />

patrimoine, qui sont plus liées à l’histoire de l’Office qu’à une volonté. C’est aussi un petit peu<br />

l’avantage d’un bailleur social par rapport à un administrateur c’est que la décision est prise au niveau<br />

du conseil d’administration donc même si, et c’est une pratique de plus en plus en cours, les locataires<br />

représentés au conseil d’administration et les associations de locataires font partie intégrante de la vie<br />

de l’Office. Aucune décision sur une réhabilitation ne se fait désormais sans que les associations de<br />

locataires et les locataires ne donnent leur avis. Mais l’avantage c’est que la décision est prise dans un<br />

lieu unique et ne dépend pas de la majorité de copropriétaires. Le patrimoine de BMH est un<br />

patrimoine ancien construit tout de suite après la fin de la guerre parce que l’Office a été un des<br />

instruments de la collectivité locale pour reconstruire <strong>Brest</strong>. Avec un patrimoine qui avait des<br />

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caractéristiques, qui était patrimoine exclusivement HLM de grands quartiers. Le plus petit faisait 200<br />

logements, le plus grand 1 500 logements, construits entre 1950 et 1975. Donc un type d’habitat très<br />

typique de grands ensembles avec des immeubles barres, des immeubles tours il n’y en a pas<br />

beaucoup mais il y en a quelques-uns. Donc, nécessairement un patrimoine qui a vieilli et qu’il a fallu<br />

rénover. Cette rénovation est devenue obligatoire puisque, au début des années 80, nous avons<br />

constaté un début de désaffection de notre patrimoine par les locataires. À cette époque-là, 80-85,<br />

nous avions à peu près 3% à 4% de logements vacants. Il devenait urgent de procéder à une<br />

recomposition des logements, à leur réhabilitation. C’est le travail entrepris à partir de 83 à l’Office.<br />

Avec un premier programme de réhabilitation qui, dans sa période initiale, a consisté à remplacer ce<br />

qui était dangereux pour les locataires, puisque sur plus de 1000 logements nous avions un chauffage<br />

assuré par des poêles à charbon. Il y avait des risques d’asphyxie, on en a connu, et il fallut<br />

immédiatement procéder à cela. Je dirais que c’était la première période de réhabilitation, 83-87. Tous<br />

les logements ayant ce type d’équipements on fait l’objet d’une réhabilitation. Nous avons poursuivi.<br />

Aujourd’hui en 2009-2010, elle se termine véritablement dans la réhabilitation un peu classique.<br />

Maintenant nous sommes dans les travaux de grosse amélioration qui portent plus particulièrement sur<br />

l’électricité. Ce n’est plus de la réhabilitation comme on l’entend. Toute l’électricité a été remise aux<br />

normes. Ce sont des travaux qui portent sur réfection de toutes les installations sanitaires, de tous les<br />

équipements sanitaires, remplacements de fenêtres, amélioration et remplacements des portes<br />

d’entrée. On est dans un schéma classique.<br />

Carine Rocchesani : On reviendra peut-être en détail là-dessus tout à l’heure, mais là il y a un niveau<br />

de confort et de performance thermique qui donne envie. Michèle Bazzaz me le disait encore tout à<br />

l’heure. Quand on voit des copropriétés qui se bagarrent encore pour avoir un détecteur de passage<br />

dans les halls d’entrée, dans certains HLM cela se fait déjà.<br />

Yves Quiniou : Ce matin, on parlait du besoin et du désir. On est complètement dans cette phase-là.<br />

On a satisfait globalement les besoins, maintenant on est plus au stade du désir. On désir avoir un<br />

appartement de qualité. C’est la facilité que nous avons par rapport aux bailleurs privés, c’est que la<br />

décision est prise uniquement dans l’intérêt des locataires et de l’amélioration du cadre de vie. C’est un<br />

élément fondamental.<br />

François Thierry : Je peux confirmer en disant que l’habitat de BMO est mieux entretenu que le parc<br />

civil. Le parc privé est toujours à remettre la dépense en disant, on verra l’année prochaine. Les primo<br />

accédants, ils ont 33% de crédits, ils ne peuvent plus investir. Pas de travaux. Les gens qui ont entre<br />

40 et 50 ans, c’est leur lieu de vie, le nid, eux veulent investir et faire gagner du confort à l’immeuble.<br />

Quand je dis confort, c’est dans leur appartement mais aussi les parties communes. Après on a la<br />

troisième partie des gens qui vont décider, qui ont 60-65 ans voire plus. Certains me disent dans cinq<br />

ans, je m’en vais, j’ai pris ma maison et l’appartement sera vendu ce n’est plus mon problème. Les<br />

plus âgés disent mes héritiers feront ce qu’ils voudront, j’ai bien un peu d’argent, mais je n’ai pas<br />

l’intention d’investir. Ce qui fait, effectivement, qu’il faut que j’aille chercher une majorité minimum de<br />

50% de la copropriété, article 25, sauf pour les petits entretiens. Dès qu’on veut faire de l’amélioration,<br />

il faut aller chercher l’article 26 de la loi de 1965, soit 66% des copropriétaires. Tout à l’heure j’aurais<br />

certainement à développer pourquoi je disais qu’il faudrait rehausser nos immeubles. C’est parce que,<br />

un on va donner vie au centre ville, deux on va apporter du sang neuf à un habitat que les gens vont<br />

chercher aujourd’hui à l’extérieur, trois ce serait que la valeur de reconstruction soit versée aux<br />

copropriétés avec obligation d’investir dans les parties communes. Refaire les halls, refaire toutes les<br />

descentes d’eau, mettre des ascenseurs là où on peut le faire. Redonner vie à vos immeubles.<br />

Aujourd’hui, les immeubles sont figés. On n’avance plus.<br />

Carine Rocchesani : Justement, on va voir un bon exemple de copropriété qui arrive à travailler<br />

ensemble. Des gens qui se parlent et qui avancent dans le bon sens. Juste avant Gladys Douilly,<br />

Directrice d’Energence. Quelques mots sur Energence.<br />

Gladys Douilly : Energence est l’agence locale de maîtrise de l’énergie sur le territoire de <strong>Brest</strong> et sa<br />

région. C’est une association dont les membres fondateurs sont <strong>Brest</strong> métropole océane, l’ADEME,<br />

Bibus, BMH, EDF, GDF et SOTRAVAL. Il y a également tout une série d’adhérents qui représentent<br />

les collectivités, les acteurs locaux travaillant sur l’énergie et l’habitat. Notre principale mission est<br />

avant tout le conseil, l’information, auprès de tout type de maître d’ouvrage sur les questions de<br />

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maîtrise de l’énergie, sur les énergies renouvelables et leur usage. À ce titre nous accompagnons et<br />

nous conseillons tant les particuliers à travers l’espace info énergie que les collectivités à travers le<br />

conseil en énergies partagées par exemple. Nos travaillons également sur les thématiques de la<br />

précarité énergétique.<br />

Carine Rocchesani : Le gisement justement en matière d’économie d’énergie. Comment allez-vous<br />

procéder ?<br />

Gladys Douilly : (diaporama) En partenariat avec la direction de <strong>Brest</strong> métropole océane et le<br />

PACT29, nous avons ciblé quatre copropriétés sur le centre ville de <strong>Brest</strong> en les sélectionnant par<br />

typologie d’année de construction. Vous avez ici les typologies choisies pour appréhender et simuler<br />

différents scénarios de rénovation sur ces copropriétés. Il y a l’immeuble d’avant-guerre au 18 rue de<br />

Gaste dont on parlera tout à l’heure. Il y a la typologie de la reconstruction, il s’agissait d’une petite<br />

copropriété. Puis la typologie années 60 et 70 avec la présence de nombreux balcons pour les années<br />

70. Le principe a été d’utiliser un logiciel de simulation d’isolation thermique qui appréhende, d’une<br />

part, l’ensemble des gains énergétiques engendrés par différentes actions de rénovation, mis qui<br />

appréhende également les différentes zones de chauffage. Les différents taux d’occupation également,<br />

ainsi que les différents apports solaires, qu’ils soient passifs ou actifs. Voici des images de simulation<br />

qui nous ont permis de pouvoir appréhender plusieurs scénarios. Nous les avons élaborés en fonction<br />

de la difficulté de mise en œuvre typique sur les copropriétés. C’est-à-dire, un premier scénario qui<br />

concerne uniquement la rénovation de parties communes, un deuxième scénario qui concerne<br />

uniquement la rénovation des parties privatives, et le scénario suivant qui concerne une rénovation<br />

thermique totale de l’immeuble, que ce soit par une simulation par l’intérieur, ou par l’extérieur pour le<br />

scénario quatre. Les résultats, on va peut-être l’aborder tout à l’heure, d’une manière générale on<br />

atteint des gains énergétiques pour les scénarios 3 et 4. Concernant la rue de Gaste, on atteint des<br />

gains énergétiques sur les besoins de chauffage uniquement qui atteignent 50% à 60%, voire 80%,<br />

pour certaines typologies.<br />

Carine Rocchesani : Qu’est-ce qu’on peut améliorer, justement, pour arriver à 80% d’isolation par<br />

l’extérieur, et pas seulement, il y a le chauffage aussi… ?<br />

Gladys Douilly : Tout d’abord, il y a les opérations d’isolation, sur toutes les parois opaques, sur les<br />

parois vitrées, sur les toitures, sur les planchers… Il y a ce scénario qui envisage la rénovation,<br />

l’isolation totale de la copropriété. Avec deux cas de figure, effectivement, soit l’isolation par l’intérieur<br />

soit par l’extérieur. Dans un deuxième temps, on évalue les efficacités des systèmes de chauffage. On<br />

a évalué le chauffage individuel, le chauffage collectif, et le chauffage collectif avec eau chaude<br />

sanitaire solaire. On a envisagé un peu tous les cas de figure, et pour les scénarios 3 et 4, les plus<br />

intéressants, l’isolation totale de l’immeuble.<br />

Carine Rocchesani : Peut-être que l’on débattra sur les aspects Grenelle de l’environnement et ce<br />

qu’il va être possible de faire dans le cadre de la RT 2012 (réglementation thermique). Catherine Le<br />

Perron, je vous passe la main sur cet exemple très concret. On va partir de la rue de Gaste. Comment<br />

est-ce que vous avez appréhendé le problème ? Quand on est venu vous voir, à partir de quelle étude,<br />

comment ça c’est passé ?<br />

Catherine Le Perron : Le démarrage de l’étude remonte à quasiment deux ans. Il faut considérer que<br />

l’ensemble des acteurs du cadre bâti est maintenant, et l'est depuis trois à quatre ans, dans la<br />

dynamique générale de l’environnemental. Tous les acteurs doivent je pense, pour s’inscrire dans cette<br />

dynamique, anticiper, ne pas attendre que les réglementations cadrent ce qu’on doit obtenir. Il faut<br />

toujours anticiper. Aujourd’hui le chantier n’a pas encore démarré, mais le sera sous peu. Tout est en<br />

place. Le démarrage de l’étude… On a joué cette carte de l’anticipation des niveaux de performance à<br />

atteindre, et ensuite, à la fin des études nous avons eu l’occasion de nous rapprocher d’Energence,<br />

avec le PACT-Arim. Et également M. Cordic, du syndic. On a pu bénéficier de cette simulation<br />

thermodynamique qui a pu nous conforter dans les prescriptions, en particulier sur l’ensemble du<br />

travail imaginé sur l’enveloppe du bâtiment. Effectivement, c’est très spécifique. C’est une typologie<br />

ancienne, avant la guerre. C’est un immeuble des années 30. Il y a des planchers-bois qui sont<br />

toujours en place et qui le resteront.<br />

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Carine Rocchesani : C’est le patrimoine en même temps. Il ne faut pas y toucher ?<br />

Catherine Le Perron : Si, il faut intervenir dessus, il faut rendre… L’immeuble a été classé en<br />

pathologies lourdes, donc il y avait tout à résoudre techniquement. Malgré tout ce n’est pas infaisable.<br />

C’est tout à fait abordable techniquement. Un bâtiment ancien, même de cette typologie ancienne,<br />

c’est quelque chose de tout à fait compatible avec les objectifs environnementaux actuels et de 2012. Il<br />

n’y a pas de souci. Là, on arrive à un niveau de performances de niveau B, je pense que la copropriété<br />

pourra être satisfaite des travaux engagés. Il y a un travail premier à faire sur l’enveloppe, sur les<br />

performances d’isolation de l’enveloppe. Là, l’enjeu également sur un bâti ancien, un peu différent du<br />

patrimoine des années 50 et 60, ça ne se comporte pas de la même manière structurellement. Et puis<br />

les enjeux patrimoniaux ne sont pas les mêmes non plus avant et après-guerre. Avant-guerre, je pense<br />

qu’il faut prendre un peu de recul sur ces opérations-là, et sur d’autres aussi, et ne pas subir le dictat<br />

de l’isolation par l’extérieur. C’est tout de suite ce que l’on avance. Il faut peut-être jouer la carte la plus<br />

raisonnable, quelle que soit l’opération de restructuration et de réhabilitation, c’est le coût global. Bien<br />

sûr il faut améliorer énormément le niveau de performance énergétique d’un bâti, mais après il faut voir<br />

quel est le montant des travaux engagés et faire la part des choses. Parfois il faut peut-être revenir au<br />

niveau du dessous pour que ça reste raisonnable.<br />

Carine Rocchesani : Est-ce qu’un projet comme celui-ci en rénovation… Qu’elles sont les grandes<br />

difficultés ? Vous avez évoqué la durée du projet, comment ne pas s’essouffler ? Ensuite je me<br />

tournerai vers la représentante des copropriétaires, puisqu’il faut s’armer de courage quand même. Ça<br />

a été long pour le coup.<br />

Catherine Le Perron : Très rapidement, techniquement il faut pouvoir analyser correctement, avoir un<br />

diagnostic très précis de l’immeuble. Accepter que pendant les démolitions, on ait à compléter ce<br />

diagnostic ou avoir une réserve budgétaire de manière à pouvoir assurer des choses que l’on ne peut<br />

pas découvrir en regardant ou en faisant de petits sondages. On peut voir son état d’une manière<br />

entière une fois qu’on a tout déshabillé. C’est à prévoir. Constituer une petite réserve sur de la<br />

réhabilitation, ce n’est pas forcément simple non plus pour une copropriété. Ensuite, prévoir vraiment le<br />

traitement des bois…<br />

Carine Rocchesani : Cela veut dire qu’on ne peut pas reproduire… Je prends cet exemple de la rue<br />

de Gaste, une fois que vous avez fait toutes ces études, ça veut dire que l’on ne peut pas industrialiser<br />

entre guillemets ce type de rénovation à d’autres immeubles et gagner du temps ? Car c’est ça l’idée.<br />

Catherine Le Perron : Si. Un diagnostic, c’est très précis. Il doit être attaché à un bâti précis, mais la<br />

méthode peut se dérouler, on défini un process et après ça va aider pour l’ensemble des autres. Sur<br />

cette typologie-là. La difficulté spécifique, je pense, sur ce type d’immeuble c’est aussi<br />

structurellement. Pour nous en tant qu’architectes, c’est important. Si on a besoin… Comme tous les<br />

professionnels on intervient avec une certaine logique, avec notre assureur derrière. Là, il nous met en<br />

garde contre pas mal de choses. Il faut concevoir dans ce genre de projet que les études demandent<br />

un temps, on ne fait pas ça à la va-vite. Il y a des études qui ne sont pas forcément imaginées au<br />

départ mais il faut accepter d’être obligé de les faire après, même si on ne les a pas prévus dans le<br />

budget ou les honoraires de départ.<br />

Carine Rocchesani : Dans toutes les rénovations, il y a des surprises qui peuvent apparaître.<br />

Catherine Le Perron : C’est vraiment l’étude spécifique de l’architecte ou du maître d’œuvre qui va<br />

intervenir. Il faut lui donner les moyens d’analyser le bâtiment et de faire des calculs. Dans ce bâtiment,<br />

sur cette typologie-là, on a des planchers-bois, des murs porteurs en moellons de pierre, ce n’est pas<br />

un béton armé comme après la guerre. Ces murs-là ne sont pas fondés comme après la guerre. On ne<br />

peut intervenir que d’une certaine manière. Pour surélever il faut être prudent aussi. Souvent, dans ces<br />

immeubles-là qui ont vécu, qui ont changé de propriétaires, certains appartements ont été transformés.<br />

Certains éléments ont été enlevés. Structurellement il faut pouvoir retrouver quelque chose qui soit<br />

viable pour une grosse réhabilitation. C’est vraiment un point important. Ensuite, la caractéristique de<br />

ce projet, pour l’ensemble des prestations techniques, on a apporté l’idée à la copropriété de passer à<br />

un mode de chauffage collectif. Il y a eu pas mal de prudence au départ, mais on est resté sur cette<br />

prestation qui permet d’avoir un équipement plus performant, libérer les surfaces habitables d’un<br />

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équipement plus encombrant, avoir qu’un seul abonnement avec des sous-stations permettant le<br />

comptage pour chacun de la vérification de la consommation. Juste un dernier point, dans cette<br />

typologie-là ce qui est très important c’est de retrouver une structure mais aussi une logique de<br />

sécurité incendie. Tous ces immeubles qui arrivent en bout de course ont des parois au feu qui<br />

n’existent pas. Aujourd’hui, il y a une réglementation. C’est imparable, il faut respecter cette<br />

réglementation et engager des travaux de mise en conformité de tous les recoupements, entre<br />

planchers et entre logements, entre les cages d’escaliers qui permettent d’évacuer les personnes. On<br />

a tous entendu des choses impensables aujourd’hui aux actualités. C’est vraiment le b a ba.<br />

Carine Rocchesani : Tout ça va être mis en œuvre, ça va démarrer. Et le gros facteur de réussite<br />

dans cette histoire, ce sont les copropriétaires qui ont été exemplaires. Nathalie Rochcongard vous<br />

allez nous faire part de votre expérience dans ce projet très lourd et qui a mis beaucoup de temps.<br />

Bravo pour votre patience.<br />

Nathalie Rochcongard : Dans des projets comme ça, la patience, il faut qu’on en ait puisqu’il y a<br />

toutes ces études qui sont importantes. Cela fait cinq ans qu’on y travaille. Le temps de cheminement.<br />

Ce qui nous a permis maintenant de marcher mains dans la main tous ensemble. Nous sommes huit<br />

propriétaires. On a un avantage, toutes les décisions sont prises d’un commun accord, même quand il<br />

y a un absent. On a plus trop de questions entre nous.<br />

Carine Rocchesani : Il faut un bon leader. C’était votre rôle ?<br />

Nathalie Rochcongard : Pas du tout, je ne suis pas l’initiatrice de ce pôle. Il y a d’autres propriétaires.<br />

Nous sommes un noyau à vouloir faire avancer les choses plus vite…<br />

Carine Rocchesani : Qu’est-ce qui motive ? On a vu qu’il y avait une urgence. On l’a vu en matière de<br />

sécurité, il fallait remettre les choses aux normes. Mais quelles sont les motivations quand on rénove<br />

un immeuble ancien ?<br />

Nathalie Rochcongard : C’est justement le cachet de l’ancien. On parlait des planchers en bois. C’est<br />

aussi un immeuble qui fait partie du patrimoine d’une ville, sachant qu’il date des années trente. C’est<br />

un des rares qui date d’avant la guerre, autant le conserver un peu plus longtemps.<br />

Carine Rocchesani : Le plus compliqué dans ce projet, ça a été le financement ?<br />

Nathalie Rochcongard : Oui, la longueur du dossier et de toutes ces contraintes d‘études et de<br />

cheminement, nous a fait décaler au moment des financements. Donc, on a eu des réformes qui<br />

n’étaient pas prévues au départ. Il a fallu chercher d’autres financements pour pallier à ce qui était<br />

prévu initialement. Notamment grâce au PACT-Arim, M. Gauthier qui gère notre dossier a beaucoup<br />

travaillé pour trouver d’autres solutions. Le dossier est prêt depuis le début d’année, on est fin d’année<br />

et on va enfin pouvoir avoir une vision sur les financements.<br />

Carine Rocchesani : Comment vous allez-vous y retrouver en termes de financements. Il y a un prêt,<br />

ça va être sur combien de temps ? Après avoir acheté l’appartement il faut…<br />

Nathalie Rochcongard : Moi, ça va faire dix ans que je suis propriétaire. À l’époque il n’y avait pas eu<br />

l’inflation au niveau de l’immobilier. Surtout dans les métropoles. J’ai un bénéfice pour cette partie-là.<br />

Maintenant, les financements, il y a l’éco-prêt financé par l’État et le reste financé par un prêt fait au<br />

nom de la copropriété via le PACT-Arim.<br />

Carine Rocchesani : Il y a eu un montage financier, en cours, qui va vous soulager. Franck Caro,<br />

que vous inspire ces premiers échanges ? On termine d’abord la table ronde ? Par rapport au Grenelle<br />

de l’environnement et tout ce qui va devenir obligtoire en termes de normes thermiques, comment estce<br />

que vous percevez les choses pour trouver le bon rapport entre les coûts et… Qu’est-ce qu’il faut<br />

faire ?<br />

Gladys Douilly : Dans les objectifs du Grenelle de l’environnement, il s’agit de diminuer de 38% d’une<br />

manière générale au niveau national, les consommations énergétiques sur l’existant. De là, il y a<br />

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également tout un dispositif réglementaire qui se met en place et qui a commencé en 2008 par la<br />

première réglementation thermique des bâtiments existants et qui exige des performances énergétique<br />

minimale à tout remplacement de fenêtre ou d’action de rénovation sur un bâtiment. Il y a tout un<br />

dispositif réglementaire qui va aussi fixer comme référence, pour le neuf, le bâtiment basse<br />

consommation lors de la prochaine réglementation thermique, des obligations d’études de faisabilité<br />

pour des rénovations lourdes de plus de 1000 mètres carrés sur les approvisionnements énergétiques.<br />

Donc tout un dispositif réglementaire qui se met en place pour pouvoir atteindre ces objectifs-là. Mais<br />

également un dispositif incitatif qui passe aussi par des aides financières et la mise en œuvre de<br />

différents labels entrant dans le cadre de la réglementation thermique qui ont pour objectif d’inciter à<br />

aller vers cet effort d’amélioration des performances de l’existant. Il y a aussi un effort collectif et<br />

national à faire en direction des professionnels et de la formation professionnelle pour être prêt à<br />

répondre à ces enjeux-là.<br />

Carine Rocchesani : Michèle Bazzaz, le CLCV, quel est son rôle ?<br />

Michèle Bazzaz : La CLCV est une association de défense des consommateurs. Dans le cadre du<br />

logement, nous travaillons avec BMO sur les OPAH. Nous sommes présents au conseil<br />

d’administration de tous les organismes HLM du département. On est présent dans une grande partie<br />

des réhabilitations de logements ayant lieu sur <strong>Brest</strong> et le département.<br />

Carine Rocchesani : Vous faites le lien avec la population. Sensibilisation, conseils ?<br />

Michèle Bazzaz : Il y a deux types d’interventions. Auprès des copropriétaires, nous tenons des<br />

permanences à Saint-Martin, dans le local où le PACT29 tient ses permanences. On travaille en<br />

partenariat avec eux. Les locataires HLM peuvent venir nous voir dans nos divers lieux de<br />

permanences. Pour les copropriétaires, je rejoins tout à fait l’analyse de M. Thierry et la difficulté de<br />

mobiliser les copropriétaires pour améliorer les parties communes des logements. Quand les gens<br />

viennent nous voir c’est souvent qu’il y a un problème. On va souvent sur place, et l’on se rend compte<br />

que l’appartement est un petit Versailles alors que les parties communes ressemblent plutôt à la cour<br />

des miracles. On se demande quelques fois comment les gens ont acheté un logement dans de tels<br />

immeubles. Mais c’est fait, il faut y pallier. Notre travail consiste à mobiliser l’ensemble des<br />

copropriétaires pour rénover les parties communes en partenariat avec tout le monde.<br />

Carine Rocchesani : Il faut que cela reste attractif, et il y a des normes de sécurité qui ne sont pas<br />

toujours respectées.<br />

Michèle Bazzaz : Il y a un grand problème d’information, je ne sais pas à quel niveau. Quand le futur<br />

copropriétaire achète son logement, le plan de financements ne prévoit jamais une côte part de<br />

travaux. Le copropriétaire dépend de l’ensemble des décisions de la copropriété. Avant-hier j’étais à<br />

une assemblée générale, la copropriété voulait rénover ne serait ce que l’entrée. Ce n’était pas<br />

possible car il y avait de jeunes copropriétaires qui venaient d’accéder. C’est une démocratie, il faut<br />

respecter tout le monde, il y a des majorités, mais c’est très difficile à faire avancer. Le seul moyen<br />

pour avancer, je pense, serait de faire mettre une côte part dans le plan de financements, obligatoire,<br />

pour que les gens ne soient pas acculés à refuser des travaux. Et surtout, une formation car quand on<br />

devient copropriétaire, on achète aussi le toit, l’escalier, et l’entrée.<br />

Carine Rocchesani : Il faut se sentir responsable de ces fameuses parties communes. En matière<br />

d’attractivité, est-ce qu’il y a d’autres thèmes qui vous viennent à l’esprit dans vos rencontres avec la<br />

population ? Quels sont les critères principaux, les demandes, quand on parle d’attraction du parc<br />

existant ?<br />

Michèle Bazzaz : Les demandes ce sont la maîtrise des charges. Les propriétaires et les locataires<br />

viennent nous voir quand ils reçoivent leurs relevés de charge. Souvent après la première année. Hier,<br />

des copropriétaires qui ont acheté des appartements tous neufs envisagent déjà de revendre car après<br />

le bilan financier d’une année, ils se rendent compte que c’est insupportable pour eux.<br />

François Thierry : Une petite information pour cet immeuble, puisque nos partageons le problème<br />

avec Mme Bazzaz. Il était prévu pour avoir douze appartements et un ascenseur. Au cours de la<br />

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éalisation, le promoteur a coupé son projet et il reste un ascenseur pour quatre appartements. Le coût<br />

de revient de l’entretien est le même pour quatre que pour douze. Aujourd’hui ces gens me disent<br />

qu’ils paient trop de charges. Que faire ? Il y a un règlement de copropriété, un contrat individuel.<br />

L’ascenseur a été mis en place car il était contractuel, c’est du R+4. Aujourd’hui l’ascenseur leur coûte<br />

trois fois le prix qu’ils auraient eu à payer. C’est un dossier que nous allons avoir à mener avec Mme<br />

Bazzaz. C’est le genre de problème auquel nous sommes confrontés tous les jours.<br />

Carine Rocchesani : Voilà un exemple de confort, l’ascenseur et les difficultés en termes de charges.<br />

François Thierry : C’est valable pour toutes les charges. Une femme de ménage sera partagée à<br />

quatre au lieu de douze. C’est évident que ces gens-là ne sont pas du tout contents. Nous,<br />

administrateurs, nous récupérons les dossiers dans l’état où on nous les donne, et après il faut mettre<br />

tout le monde d’accord.<br />

Michèle Bazzaz : Pour les locataires, en fait, on fait dans les Offices HLM beaucoup de réhabilitations<br />

et c’est vrai que les HLM sont entretenus. Mais il y a des études sur les économies d’énergie, et l’on<br />

promet des économies d’énergie aux locataires pour mieux faire passer des augmentations de loyers<br />

qui sont conséquentes, de 50 à 100 euros par mois. Après, nous n’avons jamais d’études pour vérifier<br />

qu’il y a réellement une économie. On a jamais vu une note diminuer car l’énergie augmente. Il faudrait<br />

avoir des moyens pédagogiques pour expliquer aux locataires que leur facture n’a pas diminué, mais<br />

que peut-être la consommation a diminué quand même. Ou alors c’est que les travaux n’ont pas été<br />

bien conçus.<br />

François Thierry : Je suis administrateur et gérant d’appartements. Aujourd’hui un locataire qui rentre<br />

dans un appartement se considère comme occupant d’une chambre d’hôtel. Je paye, débrouillez-vous.<br />

Ils n’entretiennent plus les appartements. Un bouton abîmé c’est de la charge locative, sauf si on ne<br />

peut pas le réparer et ça devient de la charge propriétaire. Le locataire ne veut rien entendre, ou il ne<br />

le déclare pas. Quand il part, on a le problème sur les bras. Les problèmes de charge et de répartition<br />

d’eau, c’est toujours compliqué avec les locataires. C’est surtout le comportement des locataires qui a<br />

complètement changé en vingt ans. Avant on louait un appartement, on l’entretenait et on le rendait en<br />

bon état. Aujourd’hui, je loue, je suis à l’hôtel et j’en profite. Ça change complètement l’aspect de<br />

l’occupant.<br />

Franck Caro : Je voudrais intervenir, mais d’abord me représenter car c’est un peu compliqué de<br />

savoir qui je suis et ce que je peux faire. Je m’occupe de la réglementation du programme national de<br />

rénovation urbaine, à l’ANRU. Mais aussi du futur programme de requalification des quartiers anciens<br />

dégradés. Je suis un grand fan de l’habitat existant, puisque j’ai travaillé à l’ANAH, et des sujets<br />

notamment de la copropriété qui me passionnent. Ils sont passionnants mais compliqués. On est face<br />

à un vrai mur devant nous. Le thème c’est comment préserver l’attractivité du parc existant ? Vous<br />

donner quelques chiffres au niveau national et voir comment <strong>Brest</strong> s’inscrit dans cette problématique<br />

globale. On est aujourd’hui… Vous êtes tous des acteurs du parc existant. Pour moi, un des acteur<br />

principal ce sont les propriétaires, qu’ils soient en HLM ou parc privé, occupant ou bailleur, mono<br />

propriétaires ou copropriétaires. Quand on est copropriétaires, on tombe sous la loi de 1965 et c’est là<br />

que les choses peuvent se gâter pour des histoires de décisions. Il y a un des acteur qu’il ne faut pas<br />

oublier, puisqu’on parle d’attractivité du parc existant. L’attractivité du parc existant, vous le savez, ce<br />

sont les trois règles d’or pour acheter un bien. On espère tous faire une bonne affaire. Les trois règles<br />

d’or c’est le lieu, le lieu, le lieu. C’est un peu caricatural, mais c’est une dimension intéressante qui fait<br />

le prix du marché. À <strong>Brest</strong>, on a un prix du marché qui n’est pas le même que dans d’autres secteurs. Il<br />

est plus élevé pour certaines catégories que dans des secteurs en déprises. Mais il est largement<br />

inférieur, le prix du mètre carré d’un bâti, que par exemple au cœur de Paris. L’acteur économique par<br />

rapport à des enjeux importants qui arrivent, c’est-à-dire des enjeux liés au Grenelle de<br />

l’environnement et à la fracture énergétique… Quand on dit qu’aujourd’hui on est en précarité<br />

énergétique, qu’on dit dépenser plus de 10% de son revenu mensuel, c’est pour un grand nombre de<br />

ménages une réalité. Ça le sera d’autant plus demain. Il faut savoir qu’il y a des lieux en France où l’on<br />

est passé en moins de deux ans à 30% d’augmentation du coût de l’énergie, au regard des modes de<br />

chauffage, des passoires thermiques etc. Tout ça n’est pas encore une moyenne, mais ça va le<br />

devenir. Il faut faire des investissements lourds collectifs sur du bâti. Le rapport d’un coût à 4000 euros<br />

du mètre carré, au rapport à 1500 du mètre carré, pour arriver à un gain énergétique que ce soit à<br />

30


Paris ou ailleurs, le rapport d’un coût moyen n’est pas le même, ce n’est pas la même histoire pour un<br />

bien à forte valeur foncière vénale que par exemple sur <strong>Brest</strong>. Les murs sont plus importants sur cette<br />

histoire-là dans des marchés où déjà le prix du mètre carré est bas, car l’équivalent est d’autant plus<br />

fort pour arriver. Vous allez mettre quelques fois un tiers de la valeur vénale du bien alors que sur Paris<br />

c’est peut-être que 10% de la valeur vénale du bien. Il y a des enjeux économiques qui ne sont pas les<br />

mêmes en fonction des lieux, de la valeur vénale etc. Les décisions économiques ne peuvent pas être<br />

les mêmes.<br />

Carine Rocchesani : Est-ce que les aides peuvent être à la hauteur, y a-t-il une compensation<br />

possible ?<br />

Franck Caro : On y reviendra. Il faudra peut-être qu’on y pense, mais aucun système ne prévoit des<br />

aides modulées de cette façon-là. Cette une dimension du panorama qu’il ne faudra pas oublier. Le<br />

premier point c’est le lieu, donc l’environnement urbain. Et ce n’est pas vous, acteurs directs de votre<br />

bien, qui faites l’attractivité immédiate de votre bien. C’est d’abord son environnement urbain. C’est le<br />

rôle, très clairement, des élus, du travail de l’analyse urbaine que l’on fait, du travail urbain que l’on<br />

réalise autour d’un quartier. C’est aux élus de dire quels sont les quartiers en décrochage et comment<br />

ils assument que ces quartiers soient valorisés demain, connectés à la ville quand ils sont en écart.<br />

C’est le problème du PNRU, on a plutôt des quartiers à l’extérieur mal connectés à la ville, ça passe<br />

par les transports en commun, par une revalorisation de ces quartiers. C’est d’abord un travail urbain<br />

qui donne de la valeur aussi aux quartiers. Ce sont les écoles, les transports…<br />

Carine Rocchesani : On a évoqué ce matin les enfants, mais on n’a pas rebondi dessus.<br />

Franck Caro : Pas complément sur les écoles. Mais je sais que les écoles brestoises et du Finistère<br />

globalement, quand on regarde le niveau scolaire, les écoles du Finistère dans les études historiques<br />

de l’Éducation nationale sont toujours un peu en tête, on ne sait pas pourquoi on fait de bons élèves en<br />

Bretagne par rapport à la moyenne nationale… Dans certains endroits, l’école est le premier critère de<br />

choix de localisation d’une habitation pour une famille. Ce n’est même pas l’environnement urbain,<br />

c’est l’école. Tout le monde cherche de jeunes ménages avec enfants, mais où auront-il à l’école, au<br />

collège, au lycée ? L’environnement urbain, transports, écoles sont évidemment des choses, c’est ce<br />

qu’on essaye de faire à l’ANRU sur les quartiers qui sont en déprise ou en très grande difficulté, je<br />

reviendrais sur l’habitat ancien dégradé. Il n’y a pas que l’habitat social et je partage le point de vue de<br />

M. Thierry quand il dit que les situations les plus préoccupantes aujourd’hui, les plus délirantes d’un<br />

point de vue cellule du logement, d’un point de vue habitat. Les gens quand ils rentrent dans leur<br />

appartement sont en danger physique. Je rappelle les chiffres nationaux, on est à 600 000 logements<br />

indignes aujourd’hui. C’est un minimum. On sait tous qu’on est plus entre 800 000 et 1 million. J’ai été<br />

un peu à l’origine des chiffres à l’époque. Indigne veut dire dangereux au regard du code de la santé<br />

publique pour leurs habitants. Cette cellule logement est saine dans le parc HLM à 99%, mais cela se<br />

concentre surtout dans le parc privé.<br />

Carine Rocchesani : Si, dans une copropriété rénovée, un des logement ne l’a pas été et reste<br />

dangereux, quel est le moyen de pression des autres propriétaires pour ne pas subir le danger ?<br />

Franck Caro : Vous me proposez le cas le plus simple. Dans ce cas là, il y a normalement en termes<br />

de police et ça relève du Préfet, sauf quand il y a péril, on peut mettre un arrêté d’insalubrité sur la<br />

cellule logement. C’est plus compliqué quand on met une insalubrité sur les parties communes car ça<br />

touche tout le monde et ça vient toucher des modèles économiques très compliqués ou, parce que<br />

effectivement vous avez une suspension immédiate des loyers. Ils ne sont pas percevables. Si vous<br />

les percevez en tant que propriétaire bailleur vous pouvez être condamné pénalement. Donc, vous<br />

cassez un modèle économique mais que pouvez-vous faire d’autre ? C’est plus compliqué sur les<br />

parties communes pour un tas de raisons. Il vaut mieux avoir un problème isolé à la cellule. Donc pour<br />

moi l’attractivité c’est d’abord l’environnement urbain, il faut y travailler et c’est le rôle des élus de faire<br />

en sorte qu’il n’y ait pas de quartiers entièrement décrochés par rapport aux autres. Je crois savoir<br />

qu’en Bretagne, à <strong>Brest</strong> entre autres, on est à peu près dans cet esprit-là et l’on y arrive. Qu’est-ce que<br />

j’ai été heureux d’entendre ce matin un maire qui dit « j’ai un problème de logement social mais on y<br />

travaille avec la ville centre. » Je n’entends jamais ça quasiment nulle part en France. Au contraire, si<br />

on ne peut pas parler du logement social ça arrange, quand même. On est dans une dynamique un<br />

31


peu différente ici. Le thème qui m’est cher et qui m’affole, c’est le problème des copropriétés en grande<br />

difficulté, ou en difficulté et bientôt sur le point de basculer. On est dans un système où il y a à peu<br />

près 30 millions de logements en France. Le souci du développement durable reste en priorité le parc<br />

existant, 30 millions. 400 000 constructions neuves par an, vous voyez l’écart. Et les passoires<br />

thermiques sont dans l’existant. Il y a environ dans les 30 millions, 17 millions de maisons individuelles,<br />

13 millions de collectifs. Dans le collectif, vous retrouvez entre 7 et 8 millions de logements en<br />

copropriétés. Dans ces 7 à 8 millions, nous savons déjà qu’il y a au minimum plus de 300 000<br />

logements en très grande difficulté. Où vous ne pouvez plus faire d’assemblée générale car vous<br />

n’atteignez pas les quorums. Pour les travaux importants, c’est impossible de rassembler les<br />

conditions de l’article 26 de la loi de 1965, que nécessite d’ailleurs les isolations thermiques etc. Pour<br />

une double peau, il faut une majorité à l’article 26. Il faudra réfléchir à toutes ces règles de majorité un<br />

jour. Derrière ça, nous avons des copropriétaires avec des dettes irrécouvrables. Vous savez qu’un<br />

syndicat de copropriétaires est la seule personnalité morale aujourd’hui qui ne peut pas faire faillite.<br />

C’est la seule personnalité qui peut cumuler des dettes et sur laquelle, quand vous arrivez et faites des<br />

achats… J’entendais la CLCV parler effectivement de tout un tas d’actes réglementaires préventifs qu’il<br />

faudrait largement redéployer, puisqu’un tas de nouveaux copropriétaires ne connaissent pas la<br />

situation économique où ils mettent les pieds. Il faut savoir que ces dettes dites irrécouvrables vous en<br />

devenez solidaires. Vous avez donc 300 000 copropriétaires avec une dégradation énorme du bâti,<br />

des dettes super importantes et qui y habite ? Les gens exclus du parc normal du logement. Et où se<br />

trouvent ces copropriétés ? Plutôt à l’écart des villes, un peu dans des no man’s land, ou dans des<br />

centres ville extrêmement contraignant, dans ce qu’on appelle des périphéries inversées. Vous avez<br />

des cœurs de villes ou des faubourgs qui ont la centralité, mais dans lesquels vous vous retrouvez<br />

avec des situations terribles d’habitat car contraints au regard du patrimoine. On a parlé ce matin de<br />

secteurs médiévaux très durs à restructurer. Qui sont une qualité pour la France car c’est aussi l’image<br />

du pays. C’est un grand atout d’un point de vue touristique etc. Quand j’étais à l’ANAH, on était à<br />

l’origine des pathologies lourdes. J’étais venu pour les problèmes de mérule à l’époque. J’étais<br />

remonté en disant, il faut une aide aux syndicats des copropriétaires pour lutter contre la mérule à<br />

<strong>Brest</strong>, on m’a dit, on ne va pas faire une aide spécifique pour <strong>Brest</strong> pour la mérule. Et bien, on l’a<br />

habillé, on a appelé ça pathologies lourdes. Mais aujourd’hui, quand vous cumulez… Imaginez un<br />

propriétaire et c’est le cas de <strong>Brest</strong>, et ce n’est pas la même situation je reviens à mon premier propos,<br />

quand vous vous retrouvez avec une situation mérule avec 1000 euros au mètre carré de coût de<br />

réhabilitation, il faut vider l’immeuble ça a un coût économique, et que l’immeuble coûte déjà entre<br />

1600 et 1700 du mètre carré avec des ménages endettés à 33%. Quand vous leur dite, vous allez<br />

payer le double, à 66%... À Paris, quand vous êtes à 1000 euros le mètre carré pour un bien à 5000<br />

euros, économiquement ça peut-être un sens. À <strong>Brest</strong>, on appelle ça peut-être de l’irrémédiabilité. En<br />

insalubrité irrémédiable, ce qui veut dire qu’on n'y arrive pas économiquement, comment fait-on ?<br />

Quand on cumule en plus ces problèmes techniques, les retards sur les bâtis en copropriétés, ou les<br />

malfaçons que l’on a faites à travers les aides, avec en plus le mur énergétique… On parle de 30 000 à<br />

40 000 euros par logement pour passer à 150 kwatt/h dans certaines passoires thermiques ? Et je ne<br />

parle même pas de passer à 50 kwatt/h par mètres carrés. En cumulant tout ça je me demande, est-ce<br />

que vous pensez sérieusement que je peux aller devant une assemblée de copropriétaires aujourd’hui,<br />

et leur dire qu’on va voter ensemble 60 000 euros de travaux à la cellule logement ? Non, évidemment.<br />

Il faut penser à de nouveaux modèles économiques, à ce qu’on appelle un étalement, comme dans les<br />

HLM qui travaillent sur 40 ans. Un copropriétaire, les banques lui propose 10 ans. Ce n’est pas<br />

tenable. Mais quand c’est le syndicat des copropriétaires qui emprunte pour le compte de tous les<br />

copropriétaires, sur 30 ou 40 ans, la facture mensuelle diminue déjà. Ce sont des idées, de premières<br />

pistes. M. Thierry, j’ai été ravi de vous entendre. Sur aussi la surdensité. Vendre à un moment donné<br />

toutes les idées qui permettront de donner aux syndicats des copropriétaires de l’argent, par<br />

surélévation, par le fait d’avoir des espaces extérieurs que je peux vendre, au Japon ils l’ont fait depuis<br />

longtemps car ils ont surdensifié, on redonne du cash à un modèle économique qui aujourd’hui n’est<br />

pas au top.<br />

Carine Rocchesani : Merci pour toutes ces idées. J’ai passé quelques photos du parc HLM. Vous<br />

voulez les commenter, parler d’une charte environnement ? Les problématiques ne sont pas les<br />

mêmes chez vous. On a bien compris que vous aviez décidé de mettre aux normes thermiques par<br />

rapport au Grenelle de l’environnement. Vous en êtes où ?<br />

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Yves Quiniou : On a un exemple que connaissent les brestois, c’est Kerengo (Kerengoff ?). Il faudrait<br />

voir la photo d’avant pour mesurer les choses. C’est un immeuble construit en 1956 et qui fait l’objet<br />

d’une réhabilitation lourde puisqu'on a fait l’intérieur des logements et également l’extérieur en y<br />

rajoutant des bow-windows. C’est immeubles sont situés au-dessus de la rade de <strong>Brest</strong>, ce qui donne<br />

des logements très attractifs, même s’ils sont de petite taille. C’est l’exemple même de ce que l’on a<br />

essayé de faire en plus d’une réhabilitation un peu classique de notre patrimoine. Dans ce quartier-là<br />

et dans le suivant, on a un exemple du réaménagement de squares venus accompagner la<br />

réhabilitation elle-même. On ne se limite pas, et en fonction de l’ancienneté des quartiers, de leur<br />

histoire, de leur importance, on essaye également et c’est ce qu’on a fait dans trois ou quatre cas, de<br />

venir en plus réaménager les espaces extérieurs. Ça donne un véritable changement et un cadre de<br />

vie amélioré. La réhabilitation des logements de l’Office… Là, c’est une autre photo, entre le square<br />

avant la réhabilitation, immeuble construit en 1952-53…<br />

Carine Rocchesani : Qu’avez-vous fait des voitures ? Ça rejoint le débat de ce matin, on remplace<br />

par un espace de vie pour les enfants en particulier ?<br />

Yves Quiniou : Dans ce cas c’était un quartier de squares dans lequel la voiture utilisait complètement<br />

l’espace public. On a séparé l’espace public en deux avec des aménagements paysagers de bas<br />

d’immeubles, la constitution d’aires de jeux pour les enfants. La dernière partie est restée pour les<br />

stationnements, mais on a, parallèlement dans les rues avoisinantes, recomposé l’espace pour<br />

retrouver du stationnement. Globalement, on a retrouvé un nombre de places de stationnement<br />

équivalent à ce qui existait avant. Là, c’est un autre immeuble de ce quartier. On a dans un certain<br />

nombre de cas fait des réhabilitations classiques à l’intérieur des logements. Dans l’immeuble de<br />

droite, vous avez de l’isolation par l’extérieur qui a été faite. Je reviendrais tout à l’heure sur les propos<br />

de Mme Bazzaz en ce qui concerne le chauffage, car je pense que ça fait partie de la préoccupation<br />

des bailleurs d’essayer de ne pas trop augmenter. Malheureusement parfois on est obligé de le faire,<br />

ne serait-ce que pour amortir les travaux. Mais d’essayer d’augmenter le moins possible la quittance<br />

du locataire. Elle peut s’obtenir aussi par une action menée sur les charges. Même s’il est difficile de<br />

mesurer l’impact économique des travaux sur le chauffage, car bien souvent ce sont des chauffages<br />

individuels et il est difficile d’avoir un accès direct à la facture de chauffage des locataires, on a quand<br />

même un certain nombre d’exemples qui montrent que les travaux ont eu un impact sur la quittance<br />

des locataires. Un impact qui est le retour de ce que l’on a fait. C’est vrai qu’il n’a pas fait très froid à<br />

<strong>Brest</strong>, mais dernièrement les locataires d’un quartier se plaignaient d’avoir trop chaud. Sans doute que<br />

c’est aussi le résultat des travaux que l’on vient de faire dans ces logements en changeant les<br />

fenêtres ? Nous non plus, nous n’avons pas bien mesuré l’impact puisque nous avons laissé chauffer<br />

au même niveau que les années précédentes. Désormais les locataires ont trop chaud, il y aura sans<br />

doute un véritable impact sur la quittance des locataires. On ne peut pas véritablement faire une<br />

réhabilitation dans notre patrimoine sans mesurer l’incidence que ça a sur le locataire. Ça fait partie de<br />

nos préoccupations globales à l’Office et on le fait en liaison avec les locataires. Je vais y revenir.<br />

Globalement, on peut considérer qu’on a réhabilité tout notre parc en 25 ans. Des réhabilitations plus<br />

ou moins lourdes. Globalement ça représentait 250 millions sur 25 ans, 15 000 euros par logement, ce<br />

qui a permis de remettre en état, aux normes et avec un confort moderne, un peu plus de 10 000<br />

logements. Tout le parc ancien peut être considéré comme réhabilité.<br />

Carine Rocchesani : Quelles conséquences pour l’attractivité ? est-ce que la demande augmente ?<br />

Yves Quiniou : Oui, ça l’a été clairement. Cela a été une question de survie pour l’Office HLM. Quand<br />

en 1983 on a engagé cette opération, on était dans une situation financière un peu compliqué, une<br />

absence évidente d’entretien du patrimoine, une forte vacance des logements. On est désormais dans<br />

tous ces quartiers dans le cadre d’une occupation pratiquement à 100%. On n’a plus ce problème de<br />

vacance ou en tout cas, si on a de la vacance, elle n’est pas liée à l’état de ce patrimoine. On a en plus<br />

des opérations plus lourdes avec l’exemple de l’opération de renouvellement urbain qui est la<br />

restructuration du quartier de Pontanezen qui en lui-même est une grosse opération de réhabilitation et<br />

de restructuration lourde. C’est l’exemple même d’une opération qui n’est pas le seul fait de BMH, mais<br />

le fait de l’ensemble de la collectivité. L’objectif est, non seulement de changer le cadre de vie, mais<br />

aussi de rénover complètement un quartier, son attractivité en amenant des logements autres qu’HLM.<br />

Volonté de mettre de la mixité, de l’ouvrir sur l’extérieur, d’améliorer les équipements et le confort.<br />

C’est un exemple des actions que l’on peut mener sur ce type de quartier. Pour vous répondre, je<br />

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considère qu’il reste encore des choses à faire. On est maintenant dans l’application du Grenelle de<br />

l’environnement. Un certain nombre de quartiers… Puisque nous sommes dans l’obligation de faire ce<br />

qu’on appelle des diagnostics de performances énergétiques. Sur les 15 000 logements, 1300 sont<br />

classés dans les bâtiments ou logements énergivores et sont classés dans les catégories E, F et G de<br />

ce diagnostic. Sur ces 1300 logements, il y a en gros trois grands quartiers de l’Office qui sont les plus<br />

énergivores et nous commençons une opération de réhabilitation sur le quartier de Kergoat. Ce sont<br />

des immeubles qui doivent êtres en termes de consommation d’énergie à plus de 230 kwatt/h par<br />

logement ce qui est au-dessus de la norme. Pour ces logements, un travail est actuellement en cours.<br />

Il a déjà fait l’objet d’une présentation aux associations de locataires et sera présenté aux locataires<br />

prochainement. L’objectif a été de trouver les moyens de mettre en œuvre des actions permettant de<br />

diminuer la consommation énergétique, c’est aussi dans le souci d’amener du confort mais aussi de<br />

baisser la quittance puisqu'on obtiendra sans doute des résultats satisfaisants pour passer de 235 à 85<br />

kwatt/h par logement, ce qui fait une baisse remarquable. Cela veut dire aussi dans ce cadre-là, on<br />

dépasse un peu la mise en œuvre d’un programme, mais on essaye aussi de traiter sur le plan<br />

architectural l’opération. On essaye de concilier la mise en œuvre d’actions liées à l’énergie, c’est<br />

l’isolation par l’extérieur, remplacement des chaudières par des chaudières à condensation,<br />

remplacement des fenêtres, la ventilation, c’est l’ensemble des travaux qui permettent d’avoir des<br />

résultats. Cette action se poursuivra par d’autres programmes qui sont dans le même contexte. Pour<br />

nous c’est important et ça s’inscrit aussi dans le souhait de l’Office de mettre en œuvre une charte du<br />

développement durable. L’action technique est un des thèmes de notre charte.<br />

Carine Rocchesani : On va revient à cette solution de rehausser les immeubles. C’est concert, vous<br />

avez fait des études très précises ? On a vu que ça ne pouvait pas se faire partout.<br />

François Thierry : D’abord je voudrais reprendre le point sur l’engagement des élus locaux. Je<br />

voudrais vous dire un cas concret que nous avons eu sur <strong>Brest</strong>. C’est dans le cadre d’une modification<br />

de distribution du chauffage urbain. C’est un dossier que j’ai étudié pendant trois ans avec des<br />

copropriétaires et ma société, et grâce à l’accord des élus de <strong>Brest</strong> on a pu raccorder des immeubles<br />

au chauffage urbain. Aujourd’hui, on annonçait 90 000 euros d’économie pour 140 appartements. Les<br />

gens avaient le sourire. Dans cette mesure, on avait de gros travaux à faire. Aujourd’hui les gens vont<br />

aller vers les travaux qui étaient bloqués depuis dix ans car, grâce à l’économie, on va pouvoir<br />

réinvestir. C’est ce que je vous disais tout à l’heure. Vous parliez de l’engagement des élus brestois, je<br />

voudrais les remercier et dire que le privé a toujours été prêt des élus et les élus ont toujours été prêts<br />

du privé. On fait ça depuis maintenant des années. J’en reviens à la rehausse. Bien sûr, la rehausse<br />

est un souhait. On est tous arrêtés à quatre étages, cinq dans les angles, trois dans les milieux, parfois<br />

même que deux. Et aujourd’hui on a une surface réhabilitable importante. Toutes nos infrastructures,<br />

égouts, électricité, eau, sont en place. Sans faire de grosses dépenses on pourrait regagner en qualité<br />

et en densité. Pour cela, on peut poser la question : est-ce que c’est compliqué ? Oui et non. Oui car<br />

évidemment tous les immeubles n’ont pas la même construction, il faut aller voir les fondations, il faut<br />

s’assurer que les sols peuvent supporter et ça c’est quelque chose de très vite fait. On demande à des<br />

sociétés, je viens de le faire pour un immeuble du centre ville et j’espère que ce sera le premier qui va<br />

prouver que l’idée est faisable. Le principe est le suivant. Quand vous habitez un quatrième étage et<br />

qu’il y a une dalle béton, ce n’est pas très compliqué car il y a une toiture intermédiaire entre la toiture<br />

extérieure et le dernier étage. À ce moment-là, on enlève la toiture, on remonte un ou deux étages<br />

souvent avec des matériaux plus légers. Mais au point normes, elles sont bien supérieures à ce qui a<br />

été fait dans les années 50. S’il y a des problèmes au niveau du quatrième étage, on vient poser une<br />

ossature métallique sur la partie supérieure de l’immeuble après avoir repousser un peu la toiture. On<br />

refait au-dessus une ossature métallique, de deux ou trois étages, et quand on a fait le clos et le<br />

couvert, et l’extérieur, on vient retirer la toiture par l’intérieur. On n’a abîmé aucun appartement. Il est<br />

évident que pour arriver à rehausser les immeubles, il faut une certaine majorité. D’abord la 26, puis<br />

au moins l’accord du copropriétaire au dernier étage, car c’est quand même au-dessus de chez lui que<br />

l’on va faire le boucan et les travaux. Je pense que, souvent, celui qui est au 4 e étage sera le premier à<br />

vouloir acheter le 6 e et se retrouver dans un appartement adéquat, moderne et qu’il remettra son<br />

ancien appartement sur le marché.<br />

Carine Rocchesani : Est-ce que cette solution, qui est quand même technique, va suffire à rendre le<br />

centre attractif. Est-ce que ça passe uniquement par une solution technique.<br />

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François Thierry : Non, il faut bien sûr se rapprocher de tous les services de l’urbanisme de la ville,<br />

les architectes, les bâtiments de France, pour que l’ensemble de ce développement soit mis dans un<br />

contexte de développement de la ville. Aujourd’hui on va avoir le tramway, on a un bel aéroport, on<br />

nous parle des Capucins… Et bien, ce centre ville, reconstruit dans les années 50 et 60, est en train de<br />

se mourir. Si on n’intervient pas dans les 10 ou 15 ans, on aura une deuxième ville sinistrée par<br />

rapport à l’extérieur. Il est grand que l’on se mette au travail, j’en ai souvent parlé avec M. Caroff et<br />

les autres élus de BMO, et je pense que tout le monde est conscient qu’il va falloir faire quelque chose<br />

pour faire reprendre vie au centre et continuer à le développer.<br />

Carine Rocchesani : Et vous qui êtes au contact des clients, est-ce que vous avez de la demande ?<br />

Comment vous percevez le besoin en termes d’habiter proche du centre ville ?<br />

François Thierry : Comme c’est quelque chose qui n’a pas été fait réellement, de l’intérêt : Ah,<br />

pourquoi pas ? Les commerçants ? C’est une bonne idée pour avoir plus de densité. Les écoles ? on<br />

va retrouver des élèves… Tout le monde y trouve un intérêt. Maintenant il va falloir qu’on trouve<br />

l’étincelle. Ça a été fait dans d’autres villes. Il ne faut pas croire que nous soyons innovant, on ne fait<br />

que reprendre des idées existantes mais il faut les appliquer. Je suis persuadé qu’en prenant ce<br />

problème à bras le corps on arrivera à redynamiser le centre ville qui en a tant besoin.<br />

Franck Caro : C’est vrai que, un, les règles de majorité ont été abaissées récemment pour la<br />

surélévation, ce en quoi l’on voit bien que ce sont des choses qui titillent un peu au niveau national car<br />

effectivement on cherche de l’espace en centre ville, c’est plutôt la règle générale aujourd’hui. Donc,<br />

les toits et surtout les toits terrasses font partie des éléments où l’on se dit pourquoi ne pas surdensifier<br />

en hauteur, sur deux étages avec des gabarits urbains tout à fait respectables et respectueux de<br />

l’environnement. Par contre, on peut y voir l’exemplarité, c’est-à-dire qu’il faut commencer par un ou<br />

deux exemples pour voir si ça peut intéresser. C’est quand les gens voient qu’ils peuvent être<br />

intéressés. À partir du moment où ça intéresse, parce que vous faites de la qualité au dernier étage,<br />

vous donnez aussi de la valeur au toit. Du coup, ce que j’y vois principalement, c’est que ça rapporte<br />

au final de l’argent dans les caisses des syndicats des copropriétaires.<br />

François Thierry : C’est ce que je vous expliquais. Dans ce cas-là, la valeur de surélévation doit être<br />

obligatoirement, et ce n’est que moi qui le propose, remise dans les caisses de la copropriété pour<br />

remettre à niveau la copropriété. Ce peut être un ascenseur, reprendre le carrelage des escaliers car<br />

nous sommes beaucoup dans le carrelage 2x2 des années 50. Tous ces fonds permettraient de faire<br />

levier pour inciter les copropriétaires à récupérer une somme suffisamment importante pour croire un<br />

peu plus qu’on peut aller au bout du problème. Ce n’est qu’un levier. Certainement qu’il faudra rajouter<br />

un peu d’argent, mais au moins on pourra remoderniser, redynamiser, tous ces immeubles.<br />

(Débat dans la salle)<br />

Carine Rocchesani : Merci pour toutes ces précisions. Le débat avec vous, vos réflexions, votre<br />

expérience, vos questions sur l’attractivité du parc existant.<br />

Franck Caro : Je rebondis par rapport au débat de ce matin, mais cela fait écho sur l’existant. J’en ai<br />

un peu parlé avec Nicolas Michelin qui disait ce matin un truc qui m’a perturbé… Sur ces plans masse<br />

et l’organisation des îlots, il me dit qu’à un moment il faut travailler l’urbain, il faut travailler autour, les<br />

espaces où les enfants peuvent jouer et, à un moment, il a commencé à parler d’AFUL (Associations<br />

foncières urbaines libres : pour gérer les espaces communs). J’ai trouvé ça formidable. Je lui ai dit,<br />

vous savez en ce moment je suis tous les jours à Grenoble, à Grigny… Où ses confrères il y a trente<br />

ou quarante ans… Où aujourd’hui on essaye de rendre rationnel ce qui a été fait peut-être de manière<br />

irrationnelle dans le mode de gestion. Tous les ASL (associations syndicales libres), les AFUL peuvent<br />

fonctionner mais dès qu’il y a un grain de sel…<br />

Carine Rocchesani : On peut préciser ?<br />

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Franck Caro : Ce sont des formes où, à partir du moment où il y a des espaces communs, un bâti…<br />

Les gens comprennent une gestion en bâti. Vous avez une copropriété, vous pouvez aller à une<br />

assemblée générale voter ensemble pour refaire, par exemple, la toiture. Ça devient un peu plus<br />

compliqué quand les urbanismes sont un peu plus compliqués. Ce n’est pas de l’espace public à<br />

l’extérieur, mais c’est resté copropriété. Ce sont éventuellement des parkings souterrains ou des<br />

parkings souterrains sans limites. Ils sont gérés par des ASL et doivent ensemble décider des travaux<br />

à faire. Pour le chauffage extérieur au bâti, des chaufferies collectives privatives etc, qui ne sont pas la<br />

copropriété proprement dite, mais sont à côté. Dès qu’on fait les choses très compliquées, très<br />

éloignées des gens dans leur compréhension de « pourquoi on appelle ces charges-là ». Il y a des<br />

gens qui reçoivent entre 5 et 6 appels de charges de structures totalement différentes dont ils<br />

comprennent même plus pourquoi… Il faut être géomètre et expert. On passe deux à trois ans pour<br />

reprendre les relevés car tout est opposable. Vous faites des relevés, vous prenez des décisions et<br />

toutes sont opposables en assemblée générale sur une seule décision parce que vous aurez mal<br />

relevé la cote part d’untel. En pur droit, untel aura raison. Ne reconstituons pas une complexité dans<br />

l’urbanisme. Faisons en sorte d’avoir des choses simples, compréhensibles immédiatement. C’est un<br />

travail juridique à faire en parallèle, en même temps que l’on refait la ville. On ne l’avait pas bien pensé<br />

à l’échelle humaine à l’époque. Faisons attention à ces petits errements.<br />

Carine Rocchesani : Merci pour ces précisions. Des questions ?<br />

Vincent Riou ( ?) : Je suis promoteur aménageur privé. J’envie d’ailleurs la position du bailleur social,<br />

ici, quand je vois les difficultés qu’on a dans le privé. Juste une réflexion par rapport à ce matin et ce<br />

que je viens d’entendre maintenant. On est en train de parler de densification, de mutualisation des<br />

espaces, parkings, espaces verts, lieux de vie, appropriation des espaces communs… On est en train<br />

de nous dire que ce n’est pas gérable dans le privé, mais uniquement dans le public. Tout cela me fait<br />

très peur. Je me demande si on n’est pas en train, avec plein de bonnes intentions, de créer nos<br />

problèmes dans l’avenir pour la gestion de ces copropriétés.<br />

François Thierry : Si je peux répondre en tant qu’administrateur, gérer un immeuble ne nous fait pas<br />

peur. Quand il y a un bon règlement de copropriété, qu’il a une bonne répartition de ses charges, ça ne<br />

nous pose pas de problème. Tout à l’heure on a parlé des grands ensembles avec des cours… C’est<br />

magnifique et je souhaite que tout le monde vive là-dedans d’ici vingt ans. Aujourd’hui nous sommes<br />

confrontés à ce qui reste de 1950 à 1965, et on veut modifier. Mais densifier un centre ville,<br />

moderniser, relancer, récupérer les investissements ne nous pose aucun problème. Les grands<br />

ensembles de 400, 600, 1000 ou 2000 logements, en une seule réunion… Là, il faut y mettre le holà et<br />

trouver des solutions pour les faire par quartiers et pas ensemble. Mais quand nous gérons des<br />

ensembles qui font 10, 15, 80, 100 ou 200 logements, ce n’est pas un problème. Ça se fait sans aucun<br />

problème. Mais il faut un bon règlement de copropriété, bien étudier avec le géomètre et le notaire,<br />

mais venir aussi vers nous avant de le déposer car souvent quand on récupère un règlement de<br />

copropriété sur lequel on n’a pas vu la vie normale d’une copropriété, on va gérer les em… pendant 40<br />

ou 50 ans.<br />

Franck Caro : Pour finir sur une note positive, je partage entièrement le point de vue de M. Thierry. Je<br />

dis simplement que quand on conçoit… Nous on se nourrit de l’existant que l’on essaie de traiter avec<br />

beaucoup de difficultés. On est face à des situations très très dures. J’étais à Clichy-sous-Bois encore<br />

la semaine dernière pour parler de difficultés sur une copropriété immense, Le chêne pointu, d’où sont<br />

parties les émeutes de 2005. On était effectivement sur ce que moi j’appelle des délires urbains car on<br />

a fait, j’ai plein d’exemples justement… Aujourd’hui il ne faut pas faire ce qu’on appelle de<br />

l’urbatecture. Il ne faut pas mettre la ville dans les logements mais les logements dans la ville, ce qui<br />

n’est pas complètement pareil. À partir du moment où vous donnez à comprendre un ensemble<br />

immobilier tout à fait gérable de taille humaine, il n’y a pas de raisons que ça se passe mal. C’est à<br />

partir du moment où, en amont, on n’a pas rendu ça rationnel et compréhensible pour les gens que<br />

derrière on ramasse tous... Quand l’argent est là et que ça se passe bien avec les copropriétaires, ça<br />

va aller. Mais dès que ça dérape un peu, tout l’ensemble tombe. On a suffisamment d’exemples<br />

malheureusement pour étayer ce propos.<br />

Jean-Pierre Caroff : Deux remarques à ce niveau des échanges. Un, j’appuie tout à fait ce qu’a dit<br />

Franck Caro sur le fait qu’on doit constamment avoir à l’esprit les conditions de gestion, et gestion ce<br />

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n’est pas seulement financier c’est aussi l’organisation du suivi et de la démarche collective, au<br />

moment où on conçoit l’investissement. C’est fondamental. On a à <strong>Brest</strong> comme ailleurs des<br />

copropriétés enchevêtrées qui sont parfois entre des commerçants, avec un exemple sur Bellevue, la<br />

galerie marchande, les tours qui sont à côté, plus les parkings qui sont dans les interstices… Remettre<br />

ça à niveau pour qu’il y ait une logique d’acteurs qui fasse qu’on ai intérêt à gérer le bien car on se sent<br />

concerné parce que l’on comprend pourquoi on doit le faire. Quand on ne sait pas pourquoi on doit<br />

agir, on n’agit pas et ça c’est incontournable. Deuxième remarque, je comprends que la position qui a<br />

été la sienne quand il était un de nos interlocuteur ô combien attentif de l’ANAH, et maintenant dans sa<br />

position à l’ANRU, l’amenait à voir les cas les plus « libidineux » pour parler de façon imagée. On voit<br />

les cas les plus terribles. Il ne faudrait pas qu’on ressorte avec l’idée qu’une copropriété ne peut pas<br />

marcher, que par conséquent hors d’immeubles collectifs publics il n’y ait que la maison individuelle qui<br />

ait la solution. Il faut rappeler que collectivement, dans cette ville, on a bâti des démarches, des outils<br />

pour accompagner, que ça fait des années en accord avec l’ANAH que l’on n’apporte pas d’aides pour<br />

qualifier une copropriété sans qu’il y ait remise en ordre de marche de la copropriété, élaboration d’un<br />

plan de patrimoine, habitude d’avoir un minimum de provisionnements pour l’entretien de la<br />

copropriété. Cela on le fait, on l’a fait, ensemble avec M. Thierry. Je cite M. Thierry car il est à la<br />

tribune, mais il y a plein d’autres acteurs avec qui on l’a fait et qui sont dans la salle. On l’a fait avec<br />

l’ensemble des acteurs et l'on peut dire que dans la durée, ça marche. Quand une copropriété a été<br />

remise en ordre de marche, quand on a éliminé les entraves à un bon fonctionnement, ça marche, ça<br />

s’entretient et ça continue à condition que l’on se retrouve dans un contexte un peu porteur. C’est ce<br />

qu’on essaye de faire ensemble depuis des décennies. On en a encore l’exemple avec une copropriété<br />

enchevêtrée à l’angle entre la rue Jean Jaurès et la rue Navarrin je crois, où l’on a deux copropriétés<br />

complètement enchevêtrées, que l’on va remettre en ordre pour qu’elle soit gérable et c’est la condition<br />

que l’on a posée pour des interventions de réhabilitation. Ce sont des questions qui sont vraiment<br />

importantes. Mais pour que l’on ai pas cette approche un peu catastrophiste d’un fonctionnement de<br />

copropriété, il fallait le dire. Je pense aussi redire une fois de plus, et de côté-là ça fait longtemps que<br />

M. Thierry et d’autres l’ont fait, que nous collectivité nous l’avons fait, que nos interlocuteurs sont en<br />

situation de relayer nos propos au niveau national. Il faut aussi, qu’enfin, au plan national, on se pose<br />

la question de fond du statut des copropriétés. Comment se fait-il qu’au Canada, la forme la plus cotée,<br />

la plus sure, pour accéder à la propriété, c’est la copropriété, et qu’en France la copropriété soit perçue<br />

comme la plus fragile. Pourquoi ? Parce que derrière on a des législations différentes, on a des<br />

responsabilités différentes, on a des freins mis au provisionnement pour que régulièrement on puisse<br />

faire face aux imprévus. Je pense que c’est aussi une occasion, collectivement, de rappeler qu’il y a<br />

ce que nous faisons au niveau local et qu’au niveau national la petite musique qui consiste à dire les<br />

copropriétés, si vous continuez comme ça les quartiers en difficulté ne seront plus des quartiers<br />

d’habitat social. Et d’ailleurs, déjà, dans les quartiers dit d’habitat social, où sont les plus gros<br />

problèmes ? Dans les grosses copropriétés dont parlait Franck Caro, d’où cet aspect un peu<br />

catastrophiste qui peut apparaître dans le discours, mais qui ne correspond pas à notre réalité<br />

brestoise. Une ville comme Grigny qui s’est retrouvée en administration par l’État pour des raisons<br />

financières, c’est à cause de ces copropriétés. À Toulouse, c’est bien les grosses copropriétés qui ont<br />

le plus de mal. On l’a intégré quand on a fait des ventes dans le parc HLM, dans l’opération de<br />

renouvellement urbain à Pontanézen. Mais nous avons sur <strong>Brest</strong>, car nous avons cette expérience<br />

conjointe du public et du privé, refusé de faire des ventes dispersées dans le parc. Par contre, nous<br />

avons entrepris de transformer des immeubles en copropriété qui sont sécurisées par leur ancien<br />

bailleur, et il y a une première réussite avec une copropriété faite en plein milieu d’un quartier ANRU et<br />

qui a bien démarré, avec l’appui d’ailleurs de la CLCV. Je crois que c’est important que, dès le départ,<br />

il faut se préoccuper de la façon dont on va les faire vivre.<br />

Michèle Bazzaz : Je voulais revenir aussi sur cette image un peu négative de la copropriété, et ne pas<br />

oublier que le principal organe de la copropriété, ce sont les copropriétaires. Ils élisent un conseil<br />

syndical et, si je devais acheter en copropriété demain je m’intéresserais d’abord au conseil syndical.<br />

Est-il actif, s’intéresse-t-il aux copropriétaires, et a-t-il établi avec l’aide des copropriétaires et du syndic<br />

un plan de patrimoine pour l’entretien de l’immeuble ? Je pense que les immeubles qui fonctionnent<br />

bien sont ceux qui ont un conseil syndical, avec des membres de la copropriété élus, fort et conscient<br />

qu’il travaille pour l’entretien du patrimoine collectif.<br />

Carine Rocchesani : Vous voulez réagir ? On a parlé de difficultés en matière réglementaire. Je crois<br />

que vous êtes pas mal confrontée à des difficultés vous aussi avec des normes qui se rajoutent…<br />

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Catherine Le Perron : Les réglementations de construction on leur logique et leur dynamique. C’est<br />

notre métier, ce n’est pas un souci. Malgré tout, à entendre toutes les contraintes financières,<br />

législatives, de copropriétés et autres, je voulais dire que justement le monde du bâtiment est entré<br />

dans cette logique environnementale, et ce n’était pas une mince affaire car ça fait encore peur à<br />

certains. Je ne vois pas pourquoi on ne profiterait pas de ces enjeux-là, de cette dynamique<br />

environnementale et durable. Ce sont les enjeux de notre société aujourd’hui. On y est tous entré, en<br />

tant que maîtres d’ouvrage, architectes, bureaux d’études structures thermiques… Il faut aussi jouer le<br />

jeu et il n’y a pas de choses insurmontables. Je vous parlais de notre cadre de la rue de Gaste au<br />

début. Le retour d’expérience, c’est qu’il faut comprendre qu’à un moment donné on fait un diagnostic<br />

au-delà du diagnostic thermique ou des structures bois. Qu’il faut peut-être aussi faire appel à des<br />

bureaux d’études, qu’il faut refaire un calcul de descente des charges, qu’il faut structurellement<br />

renforcer telle ou telle chose modifiée, ou qui n’est plus aux normes ou parce qu’on prévoit d’autres<br />

charges d’exploitation… Il faut aussi se dire que c’est une occasion. En tant qu’architecte nous<br />

travaillons sur l’usage, et parler de coût global pour une opération… La première chose c’est<br />

l’architecture, l’urbanisme, mais c’est aussi la consommation du locataire. Qu’elles vont être ses<br />

charges ? C’est vraiment l’objectif premier. On peut mettre toutes les réglementations qu’on veut, c’est<br />

vraiment le point d’arrivée de toute notre réflexion qui doit être concentrée là-dessus. Et la valeur<br />

d’usage, tous les enjeux là-dessus et effectivement peut-être une remise à niveau des règlements de<br />

copropriété, c’est de se dire que l’usage aujourd’hui c’est l’attractivité du centre ville. On a un bâtiment<br />

ancien, on a une différence de niveau entre le trottoir, l’entrée et la partie commune derrière, il n’y a<br />

pas de local à vélo ou de local poubelles… Toutes ces petites choses, c’est l’usage sur lequel on<br />

travaille. On doit pouvoir faire des propositions là-dessus. Je suis convaincue qu’avec les<br />

copropriétaires, nos clients, à partir du moment où l’on explique les buts et l’usage que l’on doit<br />

améliorer dans le bâti, ils comprennent tout à fait les choses. On peut faciliter ensuite le travail des<br />

réunions et la prise de position. Cela coûte cher, mais on a plus de facilités à voter quelque chose si on<br />

sait exactement à quoi ça va aboutir. Et puis on laisse de côté toutes les explications techniques, les<br />

UW etc, tout ce jargon qui n’est pas transmissible. C’est notre manière de travailler et ce n’est pas à<br />

communiquer aux propriétaires. C’est là-dessus qu’il faut travailler. L’activité d’un centre ville, c’est de<br />

mettre l’usage en adéquation avec ce que peut en attendre un acheteur potentiel. C’est-à-dire avoir<br />

quelques commodités contemporaines. Dernière chose, on parle de mise en valeur du bâti ancien.<br />

D’avant-guerre, on a la ZPPAUP, de rehausse éventuellement pour densifier un patrimoine existant,<br />

parfois il faut se dire aussi que des immeubles n’ont aucune valeur, même à <strong>Brest</strong>, et qu’il faut l’abattre<br />

et faire du neuf. La mixité, c’est aussi la mixité architecturale et urbaine.<br />

François Thierry : Je voudrais répondre à la CLCV sur la vie et l’organisation des copropriétés. Je<br />

suis parfaitement d’accord quand elle dit que pour vivre en copropriété, il faut avoir un conseil syndical.<br />

C’est l’élément essentiel d’une copropriété. Il faut qu’il soit fort et prêt des copropriétaires. Mais, et je le<br />

dis haut et fort, pour vivre en copropriété, il faut au minimum deux qualités. Du civisme et de<br />

l’éducation. Lorsque l’on met dans un même volume, des gens d’environ trois générations différentes<br />

(les primo accédants, ceux qui sont à 40-45 ans, et ceux qui vont terminer leur retraite), des moyens<br />

différents… Nous il faut qu’on trouve un comportement normal de vie. Quand un monsieur ne veut pas<br />

voter les travaux parce que le chien de la dame du dessus a fait pipi sur son paillasson… On n’arrive<br />

pas à trouver de majorité et on ne peut pas avancer. Pas de décision, pas de travaux, pas de<br />

réalisation. Ça, c’est un comportement un peu spécial en France. J’ai eu l’occasion de voir des<br />

Allemands ou des Anglais, c’est différent. Ils n’ont pas ce comportement, ils se voient comme une<br />

collectivité et pas en tant qu’individualistes. La copropriété ne commence pas à la porte de son<br />

appartement. C’est aussi les parties communes, les espaces extérieurs, les ascenseurs, les parkings,<br />

les garages. Quand les gens n’ont pas cette notion, c’est restrictif donc anti-développement.<br />

Carine Rocchesani: On arrive à la conclusion. La question que je me pose, c’est qu’une fois que tous<br />

ces immeubles, copropriétés, où le plaisir, le désir, le civisme régneront et où les travaux importants<br />

seront entrepris, on aura atteint un niveau de confort suffisant, on aura surélevé… Est-ce qu’avec tout<br />

ça, les couples avec jeunes enfants vont venir en masse dans les centres ville ? Est-ce que ça va<br />

suffire ou est-ce qu’il va falloir encore mettre des toits terrasses, des jardins ? Est-ce qu’il va falloir aller<br />

encore plus loin pour attirer ces couples ?<br />

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François Thierry : Oui, il faut améliorer. Vous avez des secteurs améliorables. Ce matin, on a vu des<br />

tas de présentations d’architectures futures merveilleuses ou tout le monde aura son petit coin privatif<br />

en terrasse et où il pourra prendre l’apéritif sans être vu de son voisin, mais soyons réalistes. Moi, je<br />

suis à <strong>Brest</strong>, je travaille avec BMO, et je me demande, où va-t-on mettre ça en centre ville où on est<br />

coincé partout ? Il faut rehausser, mais toutes les cours du centre ville sont construites en<br />

agrandissement des commerces. Faire venir les jeunes, oui, mais ils vont retrouver des crèches qui<br />

existent déjà, des centres de loisirs qui existent… Nos architectures datent de 1950. Un ménage avec<br />

deux voitures préfère aller louer à dix kilomètres un logement moderne avec double vitrage que d’aller<br />

en centre ville où malheureusement les fenêtres sont encore à 80 cm de large avec des pièces de 9 à<br />

14 mètres… Il faut arriver à modifier ça et à redynamiser.<br />

Carine Rocchesani: Pour conclure cette table ronde, je me tourne vers notre grand témoin. Franck<br />

Caro, quelques mises en perspective ?<br />

Franck Caro : Pour répondre à M. Caroff, je suis malheureusement orienté vers des endroits très<br />

difficiles de la politique de la ville, et de fait, j’ai un propos orienté vers ces questions-là, mais ça<br />

m’amène à dire qu’il y a quand même quelques éléments, au moins en prévention, à ne pas<br />

reconstituer dans les années à venir. Sur l’existant, <strong>Brest</strong>, Rennes etc, et d’autres exemples comme<br />

Lyon qui sont historiquement des gens qui ont une vraie politique de l’habitat avec une vraie<br />

connaissance et une vraie mise en synergie des acteurs, il est plus simple quand on est en copropriété<br />

d’avoir fait des travaux régulièrement, c’est moins compliqué que de tout ramener à une seule facture<br />

pour ceux qui s’y trouvent, c’est une règle d’or assez simple, mais ça relève aussi de professionnels<br />

qui sont très professionnels. Au niveau des syndics, on sait que ce n’est pas toujours facile. Pour<br />

l’action, en revenant sur la table ronde, le thème c’est l’environnement urbain, pour les élus c’est<br />

travailler sur l’environnement urbain, quand on améliore la qualité urbaine on fait aussi revenir des<br />

gens. Qualité urbaine, transports, parkings etc. Et c’est ensuite le rôle des acteurs économiques en<br />

place dont les copropriétaires font partie. Des copropriétés à taille humaine sont largement gérables.<br />

Je vair finir sur une étude de l’ANIL qui a été régulièrement confirmée depuis 10 ans : 90% des<br />

copropriétaires sont globalement heureux de l’être.<br />

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Table ronde 3 : Comment mobiliser les différents acteurs et nouer des partenariats efficaces au<br />

service de la diversité de l’habitat ?<br />

Carine Rocchesani : Comment mobiliser les différents acteurs et nouer des partenariats efficaces au<br />

service de la diversité de l’habitat ? C’est le thème de cette troisième table ronde. En gros, comment<br />

travailler ensemble dans une même direction, collaborer, aller dans la bonne direction avec toute la<br />

cohérence nécessaire, travailler ensemble main dans la main ? Notre grand témoin Jean-Pierre<br />

Troche, Directeur de Ville et Habitat ; Thierry Kervern, Responsable du marché de l’habitat au Crédit<br />

Mutuel de Bretagne ; Me Christian Gestin, Chambre des notaires du Finistère ; Emmanuel Cornec,<br />

Directeur de la Foncière et Immobilière de Manche Atlantique ; Jean-Philippe Lamy, Directeur du Pôle<br />

du Développement Économique et urbain, <strong>Brest</strong> métropole océane.<br />

Jean-Pierre Troche, cofondateur et gérant associé de Ville et Habitat, bureau d’études. Vous<br />

accompagnez les collectivités dans les différents PLH, de l’Ile-de-France à Brive-la-Gaillarde m’avezvous<br />

dit. Donc une vision extrêmement large de l’accompagnement. En quelques mots, le rôle d’un<br />

bureau d’étude mais surtout l’évolution de ce rôle ces dernières années avant de rentrer dans le vif du<br />

sujet.<br />

Jean-Pierre Troche : Merci de m’avoir invité parce que je crois que modestement des gens qui<br />

professionnellement sont un peu obligés, un peu comme Franck Caro, de voir des réalités différentes<br />

peuvent avoir quand on parle de partenariat un rôle de passeur d’idée, et je vais dire tout à l’heure<br />

pourquoi il faut être innovant aujourd’hui dans le partenariat. Je viens de l’Ile-de-France, ce n’est pas<br />

vraiment la région la plus en avance, et j’ai un peu tendances à respirer quand j’arrive sur des<br />

territoires comme ici, sur des questions de politique locale de l’habitat et de partenariat. C’est vrai, vous<br />

avez évoqué l’évolution des missions. On utilisait à un moment donné les experts. Je crois beaucoup<br />

dans les politiques locales de l’habitat pour produire de la connaissance. On connaissait le système de<br />

l’habitat au niveau national, on avait des statistiques INSEE, on ne connaissait pas grand-chose aux<br />

marchés locaux de l’habitat. Aujourd’hui je vois bien, au niveau de ce qu’on peut faire à Ville et Habitat,<br />

que nos missions ont profondément changé. Elles sont bien sûr dans la production de la<br />

connaissance. Mais on est surtout animateur de démarches partenariales pour produire de<br />

l’intelligence collective, pour élaborer et conduire des politiques locales de l’habitat. Il y a quelque<br />

chose qui me paraît important et il y a un mot que je voudrais lancer comme ça dans mon rôle de<br />

grand témoin. On parle beaucoup de développement durable , on en a parlé ici, on a parlé de<br />

copropriété, tout ça c’est lié. Je crois qu’il y a un point tout à fait essentiel c’est la gestion urbaine<br />

durable. C’est quelque chose qui, quand on parle du partenariat ce n’est pas le partenariat pour<br />

simplement construire, c’est le partenariat aujourd’hui pour gérer. La gestion urbaine durable c’est<br />

certainement un des chantiers principaux que nous avons devant nous dans les années qui viennent.<br />

Carine Rocchesani : Et à construire tous ensemble. Jean-Philippe Lamy, Directeur du pôle du<br />

développement économique et urbain de BMO dont fait partie la direction de l’habitat. Vous allez nous<br />

parler de la montée en puissance des collectivités sur la montée des partenariats entre acteurs.<br />

Comment travaillez-vous ensemble, qu’elles sont les actions ? Bilan de la situation actuelle et de ce qui<br />

va se faire ? Comment tout ça va évoluer ?<br />

Jean-Philippe Lamy : Avant de rentrer sur les actions, peut-être revenir sur quelques conditions de<br />

réussite pour mobiliser les acteurs et nouer des partenariats efficaces, c’est la question qui est posée.<br />

Il nous semble à <strong>Brest</strong> métropole océane qu’il y a trois conditions de réussite, trois objectifs communs<br />

que peuvent se donner l’ensemble des acteurs, pour se mobiliser ensemble au service de politiques<br />

locales de l’habitat. La première condition, qui est essentielle mais pas suffisante, c’est d’avoir un vrai<br />

projet urbain qui soit visible, qui soit clair, ambitieux, attractif. Qui soit, pour reprendre une formulation<br />

utilisé ce matin par Joël Krikorian, un projet urbain aimable, qui soit réfléchi et partagé entre tous. Il<br />

nous semble que <strong>Brest</strong> commence à avoir ce projet urbain à travers un certain nombre de réflexions<br />

partagées et actées, à travers son projet d’aménagement et de développement durable, son<br />

programme local de l’habitat, son projet de tramway.On peut dire qu'on a aujourd’hui un projet urbain<br />

qui est clair et qui donne envie. Mais ce que l’on peut constater aussi c’est qu’aujourd’hui toutes les<br />

agglomérations ont un projet urbain aimable et de qualité. C’est particulièrement vrai en Bretagne, il<br />

suffit de voir les exemples de Rennes, de Nantes, de Lorient. Et ce n’est pas suffisant d’avoir ce projet.<br />

Un projet urbain ce n’est pas uniquement un outil de communication, ce n’est pas uniquement un outil<br />

de marketing. Ce qui nous semble aussi essentiel, c’est que ce projet urbain soit crédible et qu’on<br />

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vérifie constamment et en temps réel qu’il réponde aux attentes des habitants, mais aussi aux<br />

préoccupations de l’ensemble des acteurs qui co-construisent avec la collectivité et ce mot de coconstruction<br />

est important pour nous, la ville de demain. On doit constamment se poser un certain<br />

nombre de questions concrètes dans la mise en œuvre de ce projet urbain. À <strong>Brest</strong>, on a annoncé que<br />

l’on ferait 1300 logements par an, est-ce que c’est crédible. On a indiqué qu’on produirait 50% de<br />

logements à coût abordable, comment on fait concrètement et ça veut dire quoi un logement à coût<br />

abordable. On a indiqué que l’on mettait une priorité au renouvellement urbain, quelle méthode pour<br />

réellement être en priorité sur ce renouvellement urbain et que ce ne soit pas un discours. On veut<br />

faire revenir les jeunes ménages à travers des outils comme le Pass Foncier, comment on fait. On veut<br />

développer des éco-quartiers, c’est un éco-quartier à <strong>Brest</strong>. On parle de diversité et de compacité des<br />

formes urbaines, ça veut dire quoi également sur le terrain à <strong>Brest</strong>, avec l’ensemble des acteurs<br />

comment on se met en mouvement. Pour nous, ça nous amène à une troisième condition au moins<br />

aussi importante que les deux premières pour réussir le projet urbain et la politique locale de l’habitat,<br />

c’est qu’il y ait une vraie confiance entre les acteurs. Et cette confiance repose sur des règles du jeu<br />

claires, qui respectent les logiques d’acteurs de chacun, qui donnent la possibilité à chaque acteur de<br />

s’exprimer et d’être écouté, d’être entendu, qu’on soit clair dans les positionnements de chacun, que<br />

chacun connaisse son rôle et puisse compter sur les autres. Je crois que c’est peut-être ce qui<br />

caractérise un peu… Ce que l’on essaye de développer dans le positionnement de la collectivité, c’est<br />

certes un beau projet urbain, mais c’est surtout un projet urbain qui soit crédible, partagé, co-construit<br />

avec l’ensemble des acteurs.<br />

Carine Rocchesani : Et pour donner plus de visibilité à travers des actions concrètent de partage<br />

d’expériences pour construire ensemble. Qu’est-ce qui est mis en place et qu’est-ce qui va évoluer ?<br />

Jean-Philippe Lamy : Jean-Pierre Caroff le disait tout à l’heure, ce n’est pas récent ce souci à <strong>Brest</strong>,<br />

et notamment autour des questions du renouvellement urbain, du travail sur les copropriétés. On a une<br />

habitude et une envie du travail partenarial qui vient de loin. Je ne vais pas citer tous les outils que l’on<br />

essaye de développer, mais peut être en citer quatre. Le premier qui est un peu le socle de notre<br />

politique, c’est la conférence intercommunale de l’habitat. Elle vient d’un outil qu’avait mis en place<br />

l’État, il y a quelques années, et qui s’appelait la conférence intercommunale du logement. C’était un<br />

outil législatif rendu obligatoire dans toutes les collectivités pour traiter de la question du logement<br />

social. Depuis la loi l’a supprimé. À <strong>Brest</strong>, on est peut-être une des seules collectivités de France où<br />

l’on s’est dit que cet outil marchait bien et qu’il fallait l’utiliser comme outil de pilotage de la politique de<br />

l’habitat. C’est donc une conférence qui se réunit régulièrement, qui regroupe des représentants de<br />

l’ensemble des acteurs de l’habitat sur l’agglomération et qui a vocation à poser un avis sur toutes les<br />

orientations politiques prises en matière de politique de l’habitat, avant toutes prises de décision. C’est<br />

un lieu d’échanges, de partage, d’information, de suivi et d’évaluation des politiques, d’écoute des<br />

remontées des problèmes. Voilà, c’est vraiment le socle de notre dispositif de gouvernance. Un<br />

deuxième point important, c’est l’outil d’information, l’Observatoire de l’habitat. Là aussi, à <strong>Brest</strong>, on a<br />

un des plus ancien observatoire de France, un vrai observatoire professionnel confié à l’Agence<br />

d’urbanisme qui réfléchie sur le bon périmètre, qui est le périmètre du Pays de <strong>Brest</strong>, du bassin<br />

d’habitat, qui est réactif et qui évolue en fonction de nos préoccupations et de nos demandes. On fait<br />

en sorte que sa gouvernance et le partage des résultats soient justement partagés avec l’ensemble<br />

des acteurs. Ça c’est essentiel pour poser ensemble le bon diagnostic et mesurer l’efficacité de nos<br />

actions et réorienter nos politiques. Troisième outil développé de plus en plus, c’est véritablement la<br />

production d’outils avec l’ensemble des acteurs de la chaîne de l’habitat à travers un certain nombre de<br />

groupes de travail ou commissions issus de la conférence intercommunale de l’habitat.<br />

Carine Rocchesani : On retrouve les mêmes acteurs mais avec des fréquences plus régulières ?<br />

Jean-Philippe Lamy : On va retrouver les mêmes acteurs. Suivant les thèmes, ils vont êtres<br />

différents. Publics, privés et depuis peu de plus en plus privés avec une vraie envie de contribuer. Je<br />

vais citer simplement deux groupes de travail qui fonctionnent très bien. La commission<br />

développement et diversification de l’offre, qui travaille sur des questions aussi concrètes que<br />

« comment ouvrir une zone à l’urbanisation ? », « la production d’une charte pour le développement<br />

durable des nouveaux quartiers », « quels sont nos objectifs communs collectivités-acteurs ? »,<br />

« comment contractualiser ensemble sur nos objectifs communs avant l’ouverture à l’urbanisation ? »,<br />

« comment produit-on des logements adaptés ? », « comment on réfléchit sur les questions évoquées<br />

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tout à l’heure comme concevoir de beaux espaces publics et comment on va les gérer ? ». Ce sont<br />

vraiment des questions que nous nous posons. Le Pass Foncier ? Comment on répond à l’attente<br />

d’accession à la propriété de jeunes ménages ? On a mis en place avec l’ensemble des acteurs, et là<br />

on a mis en place un groupe de travail ad hoc avec l’ADIL, avec le milieu bancaire, avec le 1%, avec<br />

les constructeurs, avec les notaires etc, et l’on a produit un outil spécifique à <strong>Brest</strong> qui s’appelle le<br />

Passeport pour le logement qui doit donner une règle claire et lisible pour l’accédant à la propriété pour<br />

que réellement ce Pass Foncier trouve un écho et puisse fonctionner sur <strong>Brest</strong>. Le résultat après<br />

quelques mois, quand on regarde les statistiques au niveau national, c’est qu’en termes d’utilisation de<br />

cet outil, on est dans les agglomérations de tête en France. Le dernier outil, c’est le Contrat. On a un<br />

principe à <strong>Brest</strong>, c’est que l’on préfèrera toujours contractualiser en amont plutôt que d’utiliser une<br />

règle et d’instruire des dossiers de manière administrative. Je le dis assez souvent, un projet<br />

d’aménagement ou de permis de construire qu’on découvre au moment de la délivrance du permis de<br />

construire, c’est un projet à problème. Ça va nous poser des problèmes, et ça va poser des problèmes<br />

aux porteurs du projet. Il faut la règle du jeu et surtout discuter avant. C’est quoi nos objectifs, c’est<br />

quoi nos engagements communs ? Sur un projet d’aménagement c’est quoi le sujet ? La maîtrise du<br />

foncier, la forme urbaine, la concertation avec la population, la faisabilité du projet… Cette concertation<br />

est systématique. On va traiter de la question des aides financières, des engagements de la<br />

collectivité, du calendrier. Lorsque tout ça est traité, c’est formalisé sous forme d’engagements<br />

communs et ensuite on met ça dans les tuyaux d’instruction administrative.<br />

Carine Rocchesani : Nous avons réuni un échantillon d’acteurs que nous retrouvons dans les<br />

différentes réunions de travail, commissions, conférences que vous venez d’évoquer. Nous avons un<br />

banquier, un notaire et un aménageur. On va vous laisser la parole aux uns et aux autres, avec<br />

l’objectif de savoir comment vous travaillez ensemble, comment ça se passe concrètement et vers quoi<br />

on veut aller. Thierry Kervern, vous participez aux réunions, aux échanges ?<br />

Thierry Kervern : Effectivement. À la lumière de ce qu’on a vu ce matin, la tache ne manque pas.<br />

Rénovation énergétique, œuvrer pour la mixité sociale, œuvrer pour le confort des ménages, pour<br />

l’accession sociale à la propriété, et je passe certainement des thèmes. Très clairement, l’union fait la<br />

force, on réfléchi certainement mieux à plusieurs que seul. Ceci étant dit, un partenariat efficace c’est<br />

quoi ? Tout d’abord c’est ne pas opposer les intérêts du privé avec ceux du public. Effectivement, le<br />

secteur privé aura peut-être une vision plus commerciale ou plus de développement de chiffre<br />

d’affaires, parce que c’est son rôle et son objet social. La collectivité aura plus un rôle social à<br />

développer. Cet objectif doit être à deux niveaux me semble-t-il. Le premier niveau doit être global et<br />

commun à tous les partenaires, et tous les partenaires doivent œuvrer dans ce sens, inspirés des<br />

attentes des particuliers. C’est la première règle, que ce soit vraiment un besoin fondamental des<br />

ménages, sollicitant ensuite les différents partenaires dans leurs domaines d’expertise avec une large<br />

place laissée aux échanges. Vous avez parlé tout à l’heure du travail réalisé sur le Pass Foncier avec<br />

le Passeport, je crois que c’est un exemple assez intéressant et assez pertinent qui peut être mis en<br />

avant. Fixant également des objectifs réalistes, en termes de délais par exemple, en termes de coûts<br />

abordables on l’a évoqué largement aussi depuis ce matin. Instaurant la rigueur mais aussi la<br />

souplesse nécessaire pour adapter aux évolutions quasi permanentes sur le marché, et de la<br />

réglementation également. Voilà donc un objectif global, et ensuite un objectif qui est plus propre à<br />

chaque partenaire. La collectivité oeuvrant pour accueillir de nouveaux habitants, les nouveaux<br />

habitants eux-mêmes trouvant plus d’accueil et plus de confort dans les différents logements, les<br />

professionnels de l’immobilier développant leurs activités, leurs chiffres d’affaire, les banques recevant<br />

plus de clients, faisant plus de crédits… Bref, tout le monde y trouvant son intérêt globalement.<br />

Carine Rocchesani : Et alors le rôle du banquier dans tout ça ? Est-ce que ce rôle évolue et dans quel<br />

sens faut-il le faire évoluer, ce rôle ?<br />

Thierry Kervern : Le rôle du banquier et du secteur bancaire au sens large, dans ce dispositif ou dans<br />

cette approche, on s’aperçoit que majoritairement les accessions à la propriété, les rénovations, les<br />

programmes d’amélioration de l’habitat se réalisent dans l’immense majorité des cas à crédit. Donc, la<br />

banque est un élément incontournable et largement sollicité par les ménages et la collectivité.<br />

Carine Rocchesani : On n’a pas le choix, donc vous êtes incontournable.<br />

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Thierry Kervern : Compte tenu des coûts, l’autofinancement est effectivement rare. Le banquier peut<br />

effectivement se contenter de ce rôle de fournisseur d’argent. Mais dans le cadre d’un partenariat,<br />

justement, le banquier doit aller au-delà de ce rôle de financier et de prêteur, il lui faut une vraie<br />

volonté. Une volonté politique, une volonté d’innovation, pour influer sur trois éléments. Le premier<br />

élément, déjà, c’est d’avoir une offre bancaire qui puisse couvrir l’ensemble des besoins et justement<br />

travailler sur l’axe de la diversité de l’habitat. Donc intervenir indifféremment dans le neuf, dans<br />

l’ancien, en accession sociale, en prêt réglementé, en prêt bancaire classique, pour le financement de<br />

l‘accédant comme pour celui de l’investisseur, au service de la mixité et de l’offre de l’habitat. Ensuite,<br />

il doit être également force de proposition, par son expertise, comme tous les autres professionnels<br />

intervenants dans le bâtiment, il peut apporter son regard pour la mise en place de systèmes financiers<br />

particuliers. Je reprendrais encore l’exemple du Pass Foncier, mais ça a été une des occasions pour<br />

les banques de sortir de l’application classique de la loi de finance habituelle et d’être force de<br />

proposition pour avancer ou apporter leur pierre à l’édifice, et c’était fort intéressant d’ailleurs.<br />

Accession sociale à la propriété, donc, mais la rénovation énergétique peut être également un domaine<br />

dans lequel les banques apporteront leur contribution. Troisième élément, c’est celui du relais de<br />

décision. C’est-à-dire que la collectivité met à disposition un certain nombre de moyens, un certain<br />

nombre de leviers de développement ou d’équipements. Et le système bancaire au sens large par ses<br />

réseaux, par son système informatique, par ses moyens de communication, peut et doit se faire l’écho,<br />

la courroie de transmission, afin de faire connaître, de développer, d’expliquer tous ces dispositifs et<br />

les possibilités à l’ensemble de sa clientèle.<br />

Carine Rocchesani : Sur le financement de l’accession sociale, vous avez forcément dû évoluer, car il<br />

y a encore quelques années c’était presque un terme péjoratif pour les banquiers.<br />

Thierry Kervern : Effectivement, vous avez raison de le souligner. Le terme accession sociale, il faut<br />

absolument tordre le cou à ce mot complément galvaudé quand on le prend au sens primitif, j’allais<br />

dire, du terme. L’accession sociale, pour vous donner un exemple, quasiment 80% à 85% des primo<br />

accédants sont éligibles au Pas Foncier. Des primo accédants que l’établissement que je représente<br />

aujourd’hui a financé l’année dernière. Donc, le mot accession sociale n’a pas de sens hormis celui<br />

d’être facilitateur d’accession à la propriété, et celui de ne laisser personne au bord du chemin et de<br />

mettre les gens en situation de devenir propriétaire d’un bien en neuf dans les meilleures conditions<br />

possibles. Mais vous avez raison de le souligner, le mot accession sociale n’est plus péjoratif comme il<br />

a pu l’être par le passé dans le milieu bancaire.<br />

Carine Rocchesani : Là, si on reste dans l’accession sociale, y a-t-il d’autres pistes qui pourraient être<br />

envisagées, d’autres offres pour aller encore plus plus loin dans le partenariat justement avec la<br />

collectivité ?<br />

Thierry Kervern : Oui, je prendrais un autre exemple qui est celui de la performance énergétique des<br />

logements. Il a été largement évoqué lors de la deuxième table ronde, mais je pense que ce chantier<br />

est également très vaste et correspond aux objectifs d’œuvrer pour un habitat performant et<br />

accueillant. Dans ce domaine également, où en Bretagne il y a 1,3 million d’habitations ou de<br />

logements qui sont d’avant le 1 er janvier 1990, donc éligibles à l’éco-prêt à taux zéro pour citer un levier<br />

de rénovation énergétique assez intéressant. Vous pensez bien que nous avons à travailler ensemble<br />

pour que cette rénovation énergétique soit une réalité et puisse permettre aux collectivités notamment<br />

de proposer une offre de logements les plus performants possible. Il reste à inciter, à faire connaître<br />

aux ménages par une démarche la plus lisible possible, et adaptée aux possibilités de chacun. Vous<br />

l’avez dit lors des tables rondes précédentes, un primo accédant qui a 33% d’endettement ne va pas<br />

pouvoir mener à bien un programme de rénovation énergétique de 50 000 euros. Par contre, et là on a<br />

les uns et les autres quelque chose à faire, il faut inciter ce ménage à aller jusqu’à l’expertise<br />

énergétique pour voir s’ils ont 5000 ou 10 000 euros à dépenser, ou une capacité supplémentaire. À<br />

quel endroit dans leur habitation ces 5000 ou 10 000 euros leur feront le plus de bien et seront le plus<br />

efficace sur le plan énergétique. Là, peut-être que l’idée de la promotion de l’expertise énergétique, audelà<br />

du diagnostic de performance énergétique, pourrait être une idée intéressante à travailler<br />

ensemble avec la collectivité. C’est une idée qui me paraît intéressante.<br />

Carine Rocchesani : Le lien vers Emmanuel Cornec, merci beaucoup. Emmanuel Cornec, Directeur<br />

de FIMA <strong>Brest</strong>, aménageur lotisseur. Comment êtes-vous impliqué dans ces partenariats ?<br />

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Emmanuel Cornec : Le partenariat, pour nous, c’est relativement récent. Même si ça fait de<br />

nombreuses années qu’on intervient sur tout le Pays de <strong>Brest</strong> et un peu sur la Bretagne aussi pour<br />

aménager des lotissements. Cela fait quelques années que les liens se sont noués avec les<br />

collectivités, pas seulement avec BMO mais avec les collectivités dans leur ensemble.<br />

Carine Rocchesani : Sous quelle forme ces liens ?<br />

Emmanuel Cornec : Ce sont des liens de préparation de dossiers, et effectivement des commissions<br />

et conférences pour travailler sur des sujets particuliers, l’accession sociale, le Pass Foncier, les<br />

formes urbaines nouvelles… Tout cela, on y travaille et l’on donne notre avis sur l’évolution de ces<br />

éléments. Le développement durable aussi. Concrètement, on se rencontre en amont pas seulement<br />

sur des dossiers particuliers, mais sur des généralités pour essayer de savoir jusqu’où l’on peut aller<br />

en tant que professionnels dans l’acceptation de certaines évolutions.<br />

Carine Rocchesani : C’est-à-dire ?<br />

Emmanuel Cornec : Il y a plein d’exemples concrets. Par exemple, le Pass Foncier. Sa mise en place<br />

sur la collectivité s’est faite à un moment où tout allait bien pour nous. On vendait tous nos terrains très<br />

très chers à des gens qui avaient revendu un bien immobilier, qui avaient beaucoup d’apports.<br />

Finalement le Pass Foncier, ce n’était pas une clientèle naturelle pour nous.<br />

Carine Rocchesani : 2006-2007, on vendait à peu près tout à n’importe quel prix.<br />

Emmanuel Cornec : Effectivement. À cette époque-là, il n’y avait pas vraiment de partenariats publicprivé.<br />

Carine Rocchesani : Vous n’étiez pas très sensibilisés au problème, à l’époque.<br />

Emmanuel Cornec : Non, par la force des choses. Maintenant, on s’est quand même mis autour d’une<br />

table et l’on s’est dit que, effectivement, tous nos programmes partaient vers des quinquagénaires qui<br />

revendaient leurs logements et qui étaient riches. C’était sûrement très agréable en tant que<br />

professionnel, mais sur le plan du citoyen que nous sommes aussi il y avait là quelque chose<br />

d’inacceptable. Finalement, pas de mixité sociale, pas beaucoup de logements sociaux dans nos<br />

opérations.<br />

Carine Rocchesani : Et les primo accédants avaient complètement disparu.<br />

Emmanuel Cornec : Et les primo accédants étaient out complètement. Ce n’était pas très facile à<br />

accepter finalement, ce n’était pas très légitime. On était en train de perdre en crédibilité et en légitimité<br />

en tant qu’acteurs de ce marché.<br />

Carine Rocchesani : La crise de l’immobilier, finalement, vous a obligé à vous poser des questions et<br />

à entrer dans ces partenariats ?<br />

Emmanuel Cornec : Moi, je le dis. Cette crise a énormément de vertus tout de même, parce que<br />

quand tout roule on ne se remet pas en question. Il faut être au pied du mur et devant les difficultés<br />

pour trouver les solutions au problème et trouver de nouvelles pistes pour rebondir. Donc, on s’est mis<br />

autour d’une table pour parler du Pass Foncier, et l’on a convenu ensemble d’intégrer un certain<br />

nombre de logements à prix abordables dans toutes nos opérations. Cela a pris corps dans le cadre du<br />

PLH (programme local de l’habitat), qu’on a élaboré un peu ensemble car on a été consulté pour cela.<br />

Il a été question d’intégrer dans nos opérations 30% de logements conventionnés, alors qu’avant il y<br />

en avait très peu. Ensuite, 20% de logements en accession sociale, et puis les 50% restants étant des<br />

logements libres.<br />

Carine Rocchesani : Quel est votre regard d’aménageur sur cette contractualisation qui a été<br />

évoquée ?<br />

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Emmanuel Cornec : Nous, on a participé à cette élaboration du PLH. On a dit que ces montants-là,<br />

ces taux d’effort, étaient tout à fait acceptables. Nous avions encore 50% du logement dans le secteur<br />

libre qui permettait de solvabiliser l’ensemble du montage. Il nous a paru tout à fait légitime que la<br />

collectivité vienne mettre un peu le holà à un débordement total du marché, parce que c’est vrai que ce<br />

n’était plus gérable. On avait du foncier dont les prix montaient d’une manière considérable, tant à<br />

l’achat qu’à la revente. Des coûts de production qui dérapaient parce que tous les intervenants<br />

montaient leurs prix autant qu’ils pouvaient. Il était bon pour nous d’avoir un coup d’arrêt, ça nous<br />

permettait de dire au vendeur du foncier qu’on ne pouvait acheter aussi cher qu’autrefois car<br />

maintenant on doit faire du social, on a 50% du programme qui n’est pas rentable.<br />

Carine Rocchesani : Le marché est assaini aujourd’hui.<br />

Emmanuel Cornec : Pour moi cela a permis d’assainir complètement le marché. C’est clairement la<br />

contractualisation qui nous a permis de le faire. On ne sait pas où l’on en serait aujourd’hui, si on<br />

n’avait pas eu un coup d’arrêt de la part de la collectivité grâce à ce partenariat.<br />

Carine Rocchesani : Succès de l’opération aujourd’hui. Comment vous voyez l’avenir avec la crise ?<br />

Est-ce que ça va pouvoir se prolonger ou est-ce que vous allez faire face à des difficultés ?<br />

Emmanuel Cornec : On va faire face à des difficultés. On cherche des solutions tous les jours.<br />

Aujourd’hui on a toujours cette imposition de locatif social que l’on continue à fournir. Par contre on n’a<br />

plus 20% des logements accessibles mais c’est plutôt 80% et 70%, c’est tout le reste. Donc on n’a plus<br />

de logements extrêmement chers maintenant. Pour tous les lots, les prix ont été revus à la baisse.<br />

C’est un peu difficile, mais on a été obligé de revoir la densité de nos opérations. Là où on faisait 15<br />

logements à l’hectare autrefois, ce n’était pas non plus très performant, mais c’était comme ça, on en<br />

maintenant 25, 30, parfois 35. Ça permet aussi de rentabiliser, de trouver des marges de manœuvre<br />

qui nous permettent de solvabiliser les opérations et finalement de survivre dans cette période. Avec<br />

des formes urbaines nouvelles, que l’on essaye de promouvoir à notre façon.<br />

Carine Rocchesani : On a parlé de densité, de nouvelles formes urbaines. Comment aller aussi vite<br />

que l’envie, la logique, le voudrait ?<br />

Emmanuel Cornec : C’est une vraie question, et peut-être que là on aura un point d’achoppement<br />

entre nous, parce que la collectivité a décidé d’aller très loin dans les nouvelles formes urbaines et<br />

dans la densification avec une ambition extrêmement forte. Nous, on va essayer d’accompagner ce<br />

mouvement, bien entendu.<br />

Carine Rocchesani : C’est son rôle.<br />

Emmanuel Cornec : C’est son rôle et c’est parfaitement légitime. On le redit, car ils sont là pour<br />

essayer de mettre en place une politique de l’habitat. Ils ont été élus pour ça, et donc c’est vraiment<br />

leur boulot. Nous on va essayer d’y répondre et peut-être qu’on aura du mal parfois. On sait qu’on a<br />

beaucoup de mal à vendre nos maisons lorsqu’elles sont mitoyennes de chaque côté. On a des<br />

échecs commerciaux parfois lorsqu’on a des programmes trop denses. On sait que ça va dans le bon<br />

sens, mais on est bien obligé de vendre nos terrains. Et si on n’y arrive pas, on aura du mal à<br />

accompagner la collectivité.<br />

Carine Rocchesani : Trouver des compromis…<br />

Emmanuel Cornec : Il va falloir trouver des compromis. Nous avons des solutions, nous voulons<br />

densifier. On pense qu’il y a là un challenge intéressant en terme environnemental, et au niveau<br />

économique, au niveau évolution des modes de vie, on ne veut pas laisser passer. Nous ne sommes<br />

pas des conservateurs qui veulent faire du 1000 mètres carrés à chaque fois. Mais, par contre, on<br />

pense qu’il va falloir y aller par étape. Dans une opération comme la Fontaine-Margot, pourquoi ne pas<br />

envisager d’avancer sur plusieurs tranches avec une mise en densité progressive. Pour préparer aussi<br />

les esprits, en disant aujourd’hui on démarre sur une étape avec des maisons mitoyennes sur des lots<br />

qui feront 350 à 400 mètres carrés, sachez que sur la tranche deux on aura des lots de 2, 3, 4<br />

maisons…<br />

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Carine Rocchesani : Si c’est bien isolé ?<br />

Emmanuel Cornec : Oui, mais ça n’est pas facile à vendre. On sait que l’évolution se fait. Elle se fait<br />

car les gens prennent conscience, et c’est une bonne chose. Mais nous, en tant que professionnels, on<br />

ne peut pas se permettre de rester avec des terrains sur les bras.<br />

Carine Rocchesani : Pédagogie, communication pour faire avancer dans le concret.<br />

Emmanuel Cornec : On y travaille. Avec la collectivité on est prêt à s’engager là-dessus et à faire des<br />

actions de communication sur des opérations particulières pour bien montrer aux gens que c’est par là<br />

qu’il faut aller. On pense qu’on va réussir à le faire. Pour faire nos fameux lotissements denses, on<br />

veut aussi convaincre d’autres professionnels que sont les constructeurs de maisons individuelles. De<br />

faire évoluer aussi leurs plans types. Parce que la maison un peu plan-plan avec une toiture double<br />

pente qui ressemble à une boîte à chaussures, ce n’est pas excitant mais c’est ce qui se vend<br />

aujourd’hui. On a envie qu’ils évoluent vers des maisons plus urbaines.<br />

Carine Rocchesani : Proposez-leur autre chose de plus sympa peut-être ?<br />

Emmanuel Cornec : Oui, on essaye de le faire et on demande à nos collègues constructeurs<br />

d’adapter leurs constructions. L’objectif est très ambitieux, c’est normal et légitime. Attention de ne pas<br />

aller trop vite. N’oublions pas l’adage qui dit « c’est avoir tort que d’avoir raison trop tôt », on risque de<br />

décevoir beaucoup de primo accédant, ou d’accédant tout court. Attention aussi, au risque de leur faire<br />

quitter l’agglomération. C’est ce qu’ont connu certaines collectivités. Je pense à Nantes métropole qui,<br />

il y a quelques années, a tout misé sur le collectif. Ils ont voulu de la ville avec de vrais immeubles. Ils<br />

l’ont fait et ça a bien marché. Mais aujourd’hui, les élus de Nantes métropole nous demandent, à nous<br />

aménageurs, ce que l’on a comme type d’aménagement pour faire du lotissement dense. Ils sont en<br />

recherche de ce produit car c’est là-dedans que se logent les familles. Les familles ont besoin de ce<br />

type de logements. Ils se sont rendu compte que les familles avaient déserté Nantes métropole et,<br />

qu’aujourd’hui, ils ont beaucoup de classes qui ferment. N’allons pas trop vite. Fixons nous des<br />

objectifs ambitieux, c’est votre rôle et c’est parfaitement légitime, mais essayons de procéder par<br />

étapes. Nous, notre rôle en tant que professionnels c’est de dire, voilà aujourd’hui le marché est à telle<br />

maturité et voilà ce que l’on peut accepter. On peut pousser le bouchon un petit peu plus loin, bien<br />

entendu, le risque c’est nous qui le prenons, c’est un risque commercial. On le pousse un peu plus loin<br />

mais pas trop non plus. On va dire ça, on le fera dans deux ans et ça, dans trois ans.<br />

Carine Rocchesani : Le message est bien passé. Alors, est-ce que Jean-Pierre Troche, notre grand<br />

témoin, aurait un commentaire avant de passer la parole à Maître Gestin ?<br />

Jean-Pierre Troche : J’allais faire un commentaire, rapidement, après notre ami banquier, et puis je<br />

ne regrette pas d’avoir attendu. Je crois que le premier commentaire qu’il faut faire, c’est qu’aujourd’hui<br />

il faut qu’on avance ensemble nos problèmes mais qu’aucun des acteurs qu’on a autour de la table,<br />

qu’il soit banquier ou aménageur et c’est très clair dans ce que vous venez de dire, ne peut créer la<br />

solution si l’ensemble des gens ne sont pas autour de la table. Je n’ai pas envie de dire innovation, car<br />

aujourd’hui c’est la solution qu’il faut chercher. C’est quand même nouveau, on a beaucoup produit la<br />

ville chacun dans son coin et, aujourd’hui, produire la ville durable se joue plus en produire quelque<br />

chose qui soit attractif dans la centralité, dans la densité et dans la ville, que dans le péri urbain. La<br />

bataille du péri urbain se joue ici, elle ne se joue pas à 30 kilomètres. Ce n’est pas en interdisant à 30<br />

kilomètres, c’est est-ce que je produis des choses attractives pour les gens qui aujourd’hui vont à 30<br />

kilomètres. Ça, on ne sait pas le faire si on n’a pas tout le monde autour de la table, si on n’a pas tout<br />

le monde autour d’un débat très complexe. Alors, petite remarque, mais ce n’est pas une pique contre<br />

le Crédit Mutuel car je participe à un programme où le Crédit Mutuel est très innovant sur l’accession à<br />

la propriété des ménages modestes appuyé par la Fondation de France, d’ailleurs je crois qu’il y a un<br />

des opérateurs dans la salle Les compagnons bâtisseurs de Bretagne. S’il y a une chose qui paraît<br />

évidente, parce que ce programme regarde aussi les problèmes de la propriété durable dans le temps,<br />

donc tout ce qu’on s’est dit, c’est qu’on s’aperçoit aujourd’hui que ce qui manque c’est justement un<br />

partenariat qui crée de nouveaux outils financiers, et dans lequel l’outil financier n’est pas géré que par<br />

le banquier. L’appréciation de la confiance est faite par d’autres partenaires, l’association qui<br />

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accompagne les ménages etc. Dans des cas très précis, ce ne sont pas forcément les plus modestes.<br />

C’est aussi le retraité qui arrive à 60 ans, il est dans une copropriété où il faut faire des travaux, il a une<br />

petite retraite, il a été interdit bancaire il y a cinq ans etc. On monte tout un truc pour tout réhabiliter, on<br />

va à la banque et ça ne marche pas parce qu’il ne rentre pas dans les critères. Par contre, si on a une<br />

association qui travaille avec ce monsieur, qui fait une forme d’accompagnement, et je fais attention<br />

parce que pour moi accompagnement social ça peut être une sorte de mise sous tutelle alors que là ce<br />

n’est pas du tout ça, qui rend la personne plus responsable dans son projet, on l’accompagne etc, et<br />

ça peut être pour une copropriété dégradée, de l’autoconstruction etc. Mais il y a le rôle d’un opérateur.<br />

À ce moment-là, on dit, puisqu’on est en train de le faire pour le partenaire banquier, puisque vous me<br />

reconnaissez à moi, autre opérateur, cette fonction et que vous avez confiance, je vous crois presque<br />

sur parole quand je vous envoie tel monsieur qui normalement aurait eu un refus, et cette fois-ci je<br />

prête. En matière de traitement des propriétés un peu pathologique, création de formes innovantes, je<br />

pense justement à des lotissements denses qui se font aujourd’hui en Bretagne près de Rennes, c’est<br />

très clair que ça se fait en partenariat pour rechercher des formes un peu nouvelles. L’autre point, qui<br />

est un point constant mais peut-être que le notaire nous dira quelque chose là-dessus, je crois que<br />

cette innovation-là c’est de mettre autour de la table le financier, l’aménageur mais aussi la recherche<br />

de nouvelles formes de gestion et de formes de propriétés. Durant le débat de tout à l’heure, je<br />

bouillais un peu parce que tout le monde avait un peu raison, mais je crois qu’il faut refaire un pas<br />

vers… On regarde les éco-quartiers Allemands, tarte à la crème pour ceux qui ont fait du<br />

développement durable, ils ont été à Fribourg. C’est formidable, est-ce qu’on va faire pareil ? Je suis,<br />

moi, un peu prudent. Pas parce qu’on ne peut pas transposer etc. Mais parce que ce ne sont pas les<br />

solutions techniques et architecturales des éco-quartiers qu’il faut transposer, c’est le mode de faire et<br />

le partenariat avec le mode de faire. Et on se rend compte que l’éco-quartier en question a été fait<br />

parce que c’est quelque chose qui ressemble un peu aux coopératives d’habitants qui renaissent dans<br />

ce pays, dans un certain nombre d’endroits. Parce que des habitants se sont regroupés et ont été à<br />

l’initiative de l’opération, que le financier a été associé avant même qu’il y ai un trait de dessiné, la<br />

collectivité a été associée. Et ce n’est pas de l’innovation sur les logements mais sur l’espace collectif<br />

public, ou l’espace semi privé géré de manière différente, avec des formes de gestion nouvelles, des<br />

formes de propriétés qui peuvent être différentes, c’est-à-dire éventuellement la dissociation du sol<br />

avec un certain nombre d’autres choses. On voit très bien que le débat aujourd’hui tourne autour du<br />

mode de faire dans le partenariat où toutes les composantes sont là. Et c’est ce qui permet au financier<br />

d’être innovant et à l’aménageur aussi. Et l’aménageur, quelque part… Je vous entendais mais… Il y a<br />

des points communs à beaucoup de PLH aujourd’hui. Il y a deux choses qui ont été sous-estimée dans<br />

les PLH. D’abord, c’est la relation entre la politique locale de l’habitat et le PLU. Il faut arriver à réfléchir<br />

aux deux en même temps. Deuxièmement, le fait qu’un des premiers outils de la politique de l’habitat,<br />

ce n’est pas les fiches 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13 du plan d’action du PLH, c’est probablement la convention<br />

publique d’aménagement, le contrat qu’on va passer avec un aménageur pour mettre en œuvre soit<br />

une opération d’aménagement dans laquelle c’est bien les produits habitats, et c’est plus compliqué<br />

que logements social ou privés, mais c’est aussi quel type de logement pour quel ménage, quel public<br />

cible, comment ça va vivre etc. Tout ça, ce sont des questions qu’il faut traiter avec l’aménageur. Ça<br />

change complètement le métier de l’aménageur. Avec un nouveau métier qu’il faut créer pour<br />

l’aménageur et le financier, parce que là les outils de financement, il faut les trouver, côté notaire aussi<br />

je vais vous dire pourquoi, c’est comment aujourd’hui on refait la ville sur elle-même. Parce que,<br />

quelque part, tous nos mécanismes financiers, ou le mécanisme de l’aménagement, celui de la ZAC, a<br />

été inventé dans ce pays au moment où les villes se développaient en surface par un mécanisme<br />

économique finalement très simple. C’est comment je capte une partie de la rente foncière, de la plusvalue<br />

sur des terrains qui normalement irait dans la poche des propriétaires, pour réaliser les<br />

équipements publics pour urbaniser les champs de betteraves. C’est un peu ça le mécanisme de la<br />

ZAC. Parce que la collectivité publique fait plus d’investissements ça a plus de valeurs, donc ça permet<br />

de réaliser ça. Ce mécanisme économique, on ne sait pas le faire. Quand on parle de surélever un<br />

étage à <strong>Brest</strong> sur des copropriétés, on est en train d’essayer de régler le même problème. Comment<br />

crée-t-on de la valeur en tissu urbain existant pour pouvoir faire du renouvellement urbain ? Et là, on<br />

parle d’un immeuble alors qu’il faudrait parler du quartier, il faudrait parler de l’espace collectif. Il<br />

faudrait avoir un projet d’ensemble et de nouveaux mécanismes de création de valeur, avec des outils<br />

financiers nouveaux, pour faire le renouvellement urbain.<br />

Carine Rocchesani : Continuons le tour de table avec l’avis du notaire, Maître Gestin. Vous avez<br />

aussi participé à toutes les commissions, conférences, notamment pour l’élaboration du Passeport<br />

47


pour l’accession des ménages. Par rapport à tout ce qui vient d’être dit, quelle est votre vision d’un<br />

partenariat efficace ?<br />

Maître Christian Gestin : Je crois qu’il y a deux choses. Au niveau des notaires nous intervenons à<br />

deux stades. Le premier c’est la rédaction de contrats, de conventions. Je dirais que, pour faire un lien<br />

avec la deuxième commission où il y avait une idée qui me venait par ce qu’il y a des problèmes de<br />

copropriétés, on a vu que c’est très important que l’on ai le bon mode de gestion dès le départ, et l’on<br />

s’aperçoit que nous ne sommes pas assez associés en amont. C’est-à-dire que nous devrions êtres<br />

associés dès le stade du permis pour savoir quel mode de gestion nous allons faire. Un permis de<br />

construire en indivision, ce n’est pas pareil qu’un permis unique, un arrêté de lotissements… Souvent<br />

nous arrivons après, l’arrêté de lotissements est devenu définitif, le permis aussi, et l’on nous dit vous<br />

allez faire le mode de gestion à partir du document d’urbanisme qui a été obtenu.<br />

Carine Rocchesani : Pour vous, c’est trop tard.<br />

Maître Christian Gestin : C’est trop tard. Je crois qu’il faudrait le faire en amont et qu’on soit associé.<br />

Comme dit M. Lamy, qu’on contractualise en disant est-ce que la collectivité va accepter de recevoir tel<br />

espace public, tel espace vert, etc, pour que la conception du mode de gestion soit déterminée à partir<br />

de toutes ces règles-là. C’est un premier point. On intervient aussi au niveau de la rédaction des<br />

contrats dans le cadre du PLH par exemple, les 50% de logements à coûts abordables. Par exemple,<br />

BMO vend des terrains à des promoteurs en réduisant le prix et en demandant effectivement qu’il y ait<br />

50% de logements à coûts abordables. On est en train d’essayer de réfléchir à des clauses que l’on<br />

appelle anti-spéculatives, qui consistent à dire « monsieur le promoteur, vous avez eu un terrain moins<br />

cher parce que vous vous êtes engagé à faire des logements à coûts abordables, qu’est-ce qu’on met<br />

comme clause ? » Parce que s’il y a une obligation et qu’il n’y a pas de sanctions, on n'y arrive pas. De<br />

la même façon, il faut aussi descendre au deuxième degré, c’est-à-dire au niveau des acquéreurs des<br />

appartements. Ils ont eu des logements à coût abordable, et c’était l’objectif du PLH…<br />

Carine Rocchesani : S’ils les revendent, s’il y a des spéculations ce n’est pas normal…<br />

Maître Christian Gestin : Il faut effectivement que l’on détermine des clauses. On est en train d’y<br />

travailler et tous les jours on travaille et on retravaille parce que ce sont des choses dont on s’aperçoit<br />

que… La nature humaine est capable de plein d’innovations, et c’est au fur et à mesure que nous<br />

adaptons nos clauses. On essaye de faire au mieux.<br />

Carine Rocchesani : Adapter en permanence.<br />

Maître Christian Gestin : C’est notre premier rôle. Notre second rôle est celui de conseil. On est<br />

notamment conseils privilégiés des propriétaires de terrains, des paysans qui vont vendre leurs terrains<br />

au fameux lotisseur qui vient nous voir, qui a signé un premier compromis et qui nous dit « le PLH est<br />

arrivé, il faut faire 50% de logements à coûts abordables, il faut que tu ailles revoir le paysan pour lui<br />

dire que le prix est trop élevé. » Je peux vous dire que ce n’est pas facile, parce qu’il nous attend et<br />

nous dit « tu es bien gentil, mais j’ai vu mon voisin qui a vendu plus cher. Tu te fous de moi. Ce qu’on<br />

me raconte c’est des bêtises. » Là aussi, ça serait très important d’associer les propriétaires de foncier<br />

à l’opération. Qu’ils aient une rencontre avec BMO et qu’on contractualise entre le lotisseur, BMO et le<br />

propriétaire du terrain en disant « voilà ce qu’on veut faire. » Le vendeur du terrrain pense toujours<br />

qu’on lui raconte des trucs et qu’une fois qu’il aura signé on fera autre chose.<br />

Carine Rocchesani : Qu’est-ce qui vous aiderait pour vous faciliter la tâche sur le terrain ?<br />

Maître Christian Gestin : Je crois que ce serait pas mal, effectivement, que le propriétaire des terrains<br />

puisse avoir des rencontres avec les gens de BMO pour lui dire que c’est bien ça que l’on veut. Et se<br />

mettre d’accord au cas où ce ne serait pas ça que l’on a prévu, que le prix du foncier bouge. On en<br />

parlait l’autre jour avec Emmanuel Cornec sur un dossier, et je crois que c’est quelque chose qui doit<br />

pouvoir être négociable, que la valeur du terrain dépende de ce qu’on va en faire. Si vous ne pouvez<br />

faire que de l’espace vert, ça ne vaut pas grand-chose. Si vous pouvez densifier de façon plus<br />

importante, ça vaut plus cher. C’est comme ça que raisonnent les propriétaires. À partir de ce momentlà,<br />

la contractualisation tripartite, vendeur de terrain-promoteur lotisseur-collectivité, est très importante.<br />

48


Carine Rocchesani : En ce qui concerne les attentes, plus particulièrement ? On parle de partenariat<br />

dans le travail avec BMO. Est-ce que vous avez des attentes pour êtres plus efficaces ?<br />

Maître Christian Gestin : Là-dessus, je peux faire le retour de ce que j’entends moi des lotisseurs et<br />

des promoteurs. J’ai un peu le sentiment qu’ils ont l’impression d’êtres ballottés entre différents<br />

services, qu’il y a beaucoup de monde autour de la table, et qu’ils aimeraient bien de temps en temps<br />

avoir un interlocuteur unique qui va se charger de cette opération et être leur porte-parole auprès des<br />

différents services. Que cette personne sera l’interlocuteur.<br />

Carine Rocchesani : Un par dossier, quel que soit le service mais l’idée est de se mettre d’accord en<br />

amont avant la rencontre.<br />

Maître Christian Gestin : Il faut être le plus efficace possible.<br />

Carine Rocchesani : Merci. Est-ce qu’il y a un commentaire sur le partenariat, Jean-Pierre Troche.<br />

Jean-Pierre Troche : C’est un peu redire ce que j’ai dit…<br />

(Bruits – Interruption de la conclusion par l’arrivée d’une manifestation de chômeurs et de mallogés)<br />

49


Clôture de la journée par Jean-Pierre Caroff, Vice-président de <strong>Brest</strong> métropole océane, chargé<br />

de l’urbanisme et de l’habitat.<br />

(La clôture de journée est perturbée par une manifestation de chômeurs et de mal-logés)<br />

Carine Rocchesani : Nous avons une manifestation. Cela tombe bien, nous sommes pratiquement à<br />

la fin. Jean-Pierre Caroff va avoir du mal à faire sa conclusion… Que revendiquent-ils, vous avez des<br />

informations ?<br />

Carine Rocchesani, s’adressant aux manifestants qui scandent leurs slogans : On a bien<br />

compris, mais qu’il y en ait un qui vienne, dans cas-là. Venez nous rejoindre. Venez nous le dire, il y a<br />

un micro… On vous laisse la parole pendant 5 mn et après on continue. Ça marche ?<br />

Un manifestant : Que 5mn, comme d’habitude !<br />

Carine Rocchesani : C’est déjà pas mal.<br />

(inaudible)<br />

Carine Rocchesani : Venez, ne restez pas dans le fond. Qu’il y en ait un qui vienne.<br />

(inaudible)<br />

Carine Rocchesani : Voilà les représentants.<br />

Un manifestant : Nous ne sommes pas des représentants…<br />

(inaudible)<br />

Un manifestant : On communique justement par communiqué et il y a une première partie de tract à<br />

vous lire. Il y a quelques questions à vous poser aussi, parce qu’on s’estime acteurs principaux de<br />

l’habitat à <strong>Brest</strong>, car évidemment nous sommes soit propriétaires avec le couteau sous la gorge soit<br />

locataires avec très peu de loyer mais le couteau sous la gorge aussi. On va commencer par une<br />

première lecture de texte.<br />

Une manifestante : Bonsoir. Les politiques du logement depuis les années 80 ont visé à fragiliser le<br />

statut locatif des précaires qui ne sont pas propriétaires de leurs logements, afin de relancer la<br />

spéculation immobilière. Les bailleurs sociaux n’ont cessé de multiplier les expulsions pour impayés ou<br />

nuisances. La précarité du logement liée aux politiques municipales d’urbanisme est une mécanique<br />

en plein essor qui vise les personnes les plus pauvres mais attaque aussi les locataires à revenus<br />

modestes et moyens, logés dans les zones à fort potentiel spéculatif. La ville ne s’organise et ne se<br />

construit plus à partir des activités économiques et productives, mais à partir du poids financier et la<br />

capacité spéculative de ses habitants. Résultat, les valeurs immobilières ne cessent d’augmenter et<br />

permettent l’embourgeoisement des centres économiques poussant chômeurs et salariés précaires à<br />

s’exiler vers la périphérie, voire à se réfugier dans des taudis ou squats. Les politiques publiques de<br />

<strong>Brest</strong> privilégient l’amélioration des conditions de logement des ménages à revenus aisés et moyens,<br />

et laisse la loi du marché fixer les loyers faisant disparaître l’habitat privé bon marché. Certes, il s’agit<br />

de logements vétustes, mais aucune solution alternative n’est mise en place pour les plus fragilisés. Le<br />

nombre de logements vacants dans les zones attractives ne cesse de progresser pour le seul compte<br />

de BMH, Bretagne métropole habitat. 334 logements étaient vacants au 30 décembre 2008. La<br />

vacance dans les villes favorise une pénurie artificielle entraînant des hausses locatives et<br />

immobilières. Les municipalités de gauche comme de droite ont adopté les discours discriminants :<br />

Nous accueillons déjà beaucoup de pauvres et d’immigrés, il faut faire de la mixité sociale, on rénove<br />

les banlieues, on détruit les quartiers HLM, on développe les politiques sécuritaires. Il s’agit alors<br />

d’implanter les classes moyennes dans ces futurs quartiers. Nous dénonçons cette injustice sociale et<br />

ces politiques d’exclusion. Nous revendiquons l’application du droit de réquisition, la construction<br />

50


massive de logements sociaux sans plancher de revenus, la baisse significative des loyers et leur gel<br />

immédiat, l’interdiction de toute expulsion sans relogement décent immédiat. Merci.<br />

Un manifestant : Sinon, on comptait un peu partager le cocktail avec vous ensuite. Donc on a<br />

quelques questions qu’on se pose et le temps, peut-être, que vous puissiez préparer le dossier je vais<br />

vous les lire. Comme ça, le temps des interventions, vous pourrez y réfléchir. Voilà, certaines<br />

personnes se sont endettées il y a quelques années quand le prix de l’immobilier était au plus fort.<br />

Aujourd’hui ils sont parfois sans emploi et doivent brader leurs biens pour pouvoir toucher le RSA. Cela<br />

pose la question : est-ce qu’on se dirige à terme vers une crise de la solvabilité à l’Américaine en plus<br />

de, évidemment, se diriger vers des crises personnelles ? Il y a un autre point aussi, c’est que pour 90<br />

000 euros empruntés il faut payer 130 000 euros en tout, une fois remboursés les prêts bancaires<br />

quand on veut accéder la propriété. En fait, les banques se mettent une grosse grosse part de nos<br />

revenus dans les poches. Qu’est-ce qu’on peut faire contre ça, qu’est-ce que vous en pensez ? Il y a<br />

aussi une loi en préparation pour obliger à mettre les logements vacants sur le marché. Combien de<br />

logements sont vacants à BMO ? Pourquoi certains sont-ils vacants depuis si longtemps notamment<br />

dans le quartier de Saint-Martin ? Que deviendront les logements sociaux dans la construction est<br />

subventionnée aujourd’hui et qui devraient quitter le domaine public, entre guillemets, dans dix ans ?<br />

Un autre point, aujourd’hui sans emploi, quelqu’un ne peut pas toucher d’aides parce qu’il travaillait<br />

l’année dernière. Il y a une espèce de… Les revenus faisant référence sont ceux de l’année d’avant et<br />

ça met des gens dans des conditions très difficiles. Avec l’augmentation du coût de la vie est-ce qu’on<br />

ne peut pas penser aussi à diminuer le seuil du revenu donnant droit à l’aide au logement ? Encore<br />

deux petites questions : le nombre de SDF augmente en France, qu’elle est la situation sur <strong>Brest</strong> ? La<br />

construction de logements sociaux est-elle en rapport avec les besoins ici ? Notamment à Pontanézen<br />

il y a eu énormément de logements détruits, donc combien de logements reconstruits pour combien de<br />

logements détruits ?<br />

(Bruits)<br />

Carine Rocchesani : Merci pour l’animation, je peux reprendre le micro ? Je continue. Maintenant je<br />

propose de répondre à vos questions. C’était très bien, les messages sont bien passés, ne le prenez<br />

pas mal, soyez positifs… Maintenant, le but du jeu, c’est de répondre à vos questions mais de façon<br />

audible. Vous êtes d’accord ? Alors c’est parti. Je dis ça pour ceux qui font du bruit de fond. On<br />

reprend le bruit après, on vous répond. M. Caroff ? Jean-Pierre Caroff va vous répondre de façon<br />

collective. Vous êtes d’accord pour qu’on réponde à vos questions ?<br />

Jean-Pierre Caroff : Bien évidemment, sur la liste de toutes ces questions, on ne va pas pouvoir<br />

répondre de A jusqu’à Z, mais il y a un certain nombre d’éléments, d’éclairages que l’on va pouvoir<br />

apporter et dans l’esprit de ce qui est notre rencontre aujourd’hui. À savoir, une rencontre des<br />

différents acteurs pour une écoute mutuelle une compréhension des problèmes des uns et des autres<br />

et pour les intégrer dans les préoccupations respectives. Et les questions que vous posez sont<br />

effectivement les questions de fond. Elles sont les questions de fond parce que, comment fait-on pour<br />

que l’ensemble de nos concitoyens puissent se loger, trouve une solution au logement satisfaisante,<br />

décente, sur notre territoire ? C’est bien là qu’est l’enjeu. C’est la raison pour laquelle… Les réponses<br />

à ce type de question nécessitent une mobilisation de l’ensemble des gens concernés. C’est la raison<br />

pour laquelle je vous explique ce que l’on fait aujourd’hui ici, dans un contexte où on est très nombreux<br />

parce que c’est la première fois que l’on a mis en place ce type de dispositif. Avec comme perspective,<br />

et on en est tous conscients et c’était ce que je m’apprêtais à annoncer, qu’au-delà de l’interpellation<br />

mutuelle et de la mobilisation de l’ensemble des acteurs professionnels et des représentants<br />

d’associations d’habitants qui sont là dans la salle eux aussi, de la nécessite de coupler cette réflexion<br />

avec l’ensemble des habitants dans la prochaine édition. C’est ce qu’on avait en tête.<br />

(Bruits – Interpellations inaudibles)<br />

Jean-Pierre Caroff : Attendez, là-dessus je vous explique simplement ce que nous faisons là. Puisque<br />

vous venez de nous interpeller, je vous dis ce que nous faisons.<br />

51


Carine Rocchesani : Jean-Pierre Caroff ce qu’on peut faire aussi, c’est passer le micro peut-être à<br />

nos deux témoins qui viennent du national comme ça on poursuit le débat avec vos questions qui sont<br />

extrêmement pertinentes.<br />

Jean-Pierre Caroff : Tout à fait. Il y a quelques questions sur lesquelles je voudrais donner une<br />

réponse précise. En ce qui concerne la production de logement social, la production de logement<br />

social sur notre agglomération est une production soutenue depuis des années. Puisque nous<br />

sommes passés… Il y avait 11 000 logements sociaux à <strong>Brest</strong> en 89, aujourd’hui il y en a 16 000 dans<br />

le parc de BMH. Une augmentation de 5000 en vingt ans, c’est la création d’un gros organisme. Donc,<br />

on est dans un contexte où vous avez raison, produire. Deuxième chose, mais pas à n’importe quel<br />

prix. Les conditions de financement du nouveau logement social font que souvent les loyers sont trop<br />

chers. On a été de ceux qui ont défendu et obtenu, au plan régional, que l’on ai des possibilités de<br />

financement qui permettent des loyers de sortie plus bas, dans notre jargon technique ce sont les<br />

PLAIO. Je dis ça pour les professionnels qui sont dans la salle, qui visent à avoir une partie de l’offre<br />

dont le loyer ne dépasse pas le loyer maximum pris en compte dans le calcul de l’APL, pour que l’APL<br />

joue son rôle. C’est une préoccupation et nous avons 30% de nouvelles productions qui sont dans ce<br />

cadre-là. Mais il y a aussi le parc privé. La question que vous posiez par rapport au parc privé, je<br />

suppose que ce que vous demandez ce n’est pas que l’on puisse loger ceux qui n’ont pas les moyens<br />

dans le parc privé qui tombe en botte, c’est-à-dire dans ce qui est complètement en état de<br />

désuétude ? C’est qu’il y ait des réponses adaptées aux moyens des uns et des autres. Et bien,<br />

ensemble tous les acteurs présents ici, on a mis en place la notion de logement à coût abordable de<br />

façon à ce qu’il y ait une partie de l’offre chaque année qui soit à des prix de sortie soit en accession<br />

soit en locatif qui prennent en compte les capacités de payer des uns et des autres.<br />

Un manifestant : La taxe d’habitation qui augmente de 10%, ça ce n’est pas un gros problème ? Et<br />

d’attendre un an et demi au chômage pour avoir droit à une habitation à loyer modéré…<br />

Jean-Pierre Caroff : Je vous précise… (Bruits – Interpellations) Je vous précise tout de suite que sur<br />

<strong>Brest</strong>, il n’y a aucun critère de durée minimale de chômage pour avoir un logement. La deuxième<br />

chose, c’est qu’il n’y a aucun seuil minimum de revenus pour avoir droit à un logement.<br />

Carine Rocchesani : On va proposer de prolonger le débat avec Franck Caro qui propose d’amener<br />

un…<br />

Jean-Pierre Caroff : Franck Caro voulait également apporter des éléments en complément.<br />

Franck Caro : Je ne sais pas si on peut apporter des éléments parce que, quand on est effectivement<br />

dans votre situation de galère absolue, visiblement, par rapport au logement, je ne connais pas vos<br />

situations individuelles, mais juste vous rappeler… Nous qui avons une petite vision nationale sur un<br />

certain nombre de vos questions. Vous dire qu’aujourd’hui il y a quand même, je le disais juste avant<br />

que vous n’arriviez, 800 000 ménages qui sont en situation d’habitat insalubre. C’est-à-dire que quand<br />

ils rentrent chez eux ils sont en vrai danger pour leur santé et celle de leurs enfants. 800 000 ménages,<br />

ça fait à peu près quasiment 2 millions de personnes qui vivent dans cette situation. Je voulais juste<br />

vous rappeler, je le disais avant mais ce n’est pas parce que vous êtes là mais je le redis, la situation<br />

brestoise comparativement à d’autres situations, la politique menée ici à <strong>Brest</strong>, on venait de témoigner<br />

sur le fait qu’elle était relativement exemplaire. Même l’une sur laquelle historiquement, ça ne va pas<br />

vous satisfaire parce que quand on est dans la galère, ça ne satisfait jamais, mais qu’elle était<br />

historiquement… Aujourd’hui au niveau national c’est une des situations les plus satisfaisantes au<br />

regard du droit au logement. (Ça siffle dans la salle). La situation bretonne est globalement<br />

satisfaisante au regard du droit au logement. Par pour ceux qui sont exclus de fait, mais quand vous<br />

regardez en pourcentage des galères. (Bruits – Interpellations). On me demande témoigner alors je<br />

réponds en partie. Je dis simplement que, en termes d’habitat, <strong>Brest</strong> a des soucis comme partout<br />

ailleurs, il y a un parc qui est vétuste, mais les actions menées aujourd’hui par les politiques avec les<br />

moyens qu’ils ont est globalement regardée au niveau national comme un exemple. Évidemment ce<br />

n’est pas totalement satisfaisant pour vous, mais c’était un témoignage que je pouvais apporter pour<br />

vous donner cet éclairage national de la situation. C’est un peu pire ailleurs, et elle n’est pas<br />

satisfaisante, on est tous d’accord.<br />

52


(Bruits – Interpellations : Il faut être paraplégique pour avoir un logement ? C’est de la provo !...)<br />

Carine Rocchesani : Autres réflexions ? Parce qu’on va prolonger le débat si…<br />

Un manifestant : Ce n’est pas un débat s’il n’y a que deux personnes qui…<br />

Carine Rocchesani : On fait tourner le micro. Venez.<br />

(Bruits – Interpellations)<br />

Jean-Pierre Troche : Je crois effectivement qu’on ne peut pas dire qu’il y a une situation exemplaire<br />

ou pas. Simplement le témoignage que l’on pourrait avoir c’est le suivant. C’est de dire que, finalement,<br />

vous avez posé toute une série de questions qui chacune est complètement pertinente. Touts ces<br />

questions étaient pertinentes. Et le débat qu’on était en train d’avoir, c’était de dire, et moi je suis prêt<br />

car je suis soi-disant un expert national, à faire une certaine forme d’autocritique. Car aujourd’hui, sur<br />

toutes ces questions pertinentes il est très difficile d’avoir un débat citoyen où tout le monde s’exprime.<br />

Pourquoi ? Parce que et les experts et les politiques prennent la parole et on créé un système qui<br />

paraît très difficile… Quand on créé du logement HLM et qu’on dit, tiens voilà un nouvel immeuble, ah<br />

oui mais c’est compliqué parce qu’il y a 10% des logements réservés pour lui, 15 % pour le Préfet<br />

etc… Plus personne n’y comprend rien et l’on se dit, voilà moi je suis demandeur de logement et…<br />

Un manifestant : On m’assène des chiffres et je n’y comprends rien.<br />

Jean-Pierre Troche : Voilà. Exactement. Alors, un des débats que l’on souhaitait avoir, c’était<br />

effectivement comment dans une politique de l’habitat aujourd’hui on arrive à avoir beaucoup plus à<br />

des voix plus démocratiques et citoyennes où l’on prendrait toutes ces questions. Et c’est vrai que<br />

toutes ces questions que vous avez posé, et une par une, demanderaient des débats longs. Elles ne<br />

demandent pas une explication comme ça avec un mot, un chiffre, c’est mieux ou c’est moins bien à<br />

<strong>Brest</strong>. C’est vrai que ce sont des choses tout à fait légitimes.<br />

Un manifestant : Il n’y a pas beaucoup de concret dans ce que vous venez de dire. On parle de<br />

démocratie, que <strong>Brest</strong> est presque même à l’avant-garde des logements modernes et du social. Et que<br />

la sous-préfecture de <strong>Brest</strong>, en tant que sous-préfecture démocratique, ne peut pas se permettre de<br />

ramener sa grande garde mobile pour virer des gens qui sont la précarité. Et bien oui. En démocratie,<br />

citoyenneté…<br />

(Bruits – Applaudissements)<br />

Carine Rocchesani : Est-ce que vous avez d’autres messages à faire passer ? Profitez-en vous avez<br />

le micro.<br />

Un manifestant : Juste un exemple parce que les discours politiciens en fait sont très très ennuyeux.<br />

Enfin, ça a l’air d’intéresser du monde, quand même, mais…<br />

Carine Rocchesani : Mais ça a été concret aujourd’hui. On a parlé d’accession sociale, on a parlé de<br />

choses très concrètes. Juste avant que vous arriviez.<br />

Un manifestant : Et du coup il y avait des personnes qui étaient là pour apporter leur témoignage ?<br />

Carine Rocchesani : Vous êtes arrivés à ce moment-là.<br />

Un manifestant : Des habitants ? Des personnes que vous avez aidées ? Des personnes qui sont<br />

dans les nouveaux logements sociaux que vous avez faits ? Il sont où ces gens-là ?<br />

Carine Rocchesani : Il y a eu des copropriétaires, des gens qui…<br />

Un manifestant : Donc des propriétaires, pas des gens qui sont en HLM ?<br />

53


Carine Rocchesani : Vous serez peut-être propriétaire un jour, ce n’est pas un drame d’être<br />

propriétaire. Ce n’est pas grave…<br />

Un manifestant : Donc, je vois que la réunion des propriétaires de <strong>Brest</strong> est quand même venue se<br />

brosser dans le sens du poil !<br />

Jean-Pierre Caroff : Il ne faudrait pas faire les questions et les réponses. Vous pourriez entendre qu’il<br />

y avait une représentante des associations de locataires qui est intervenue, qui était à la tribune dans<br />

l’un des débats. En fait, l’objet de notre rencontre aujourd’hui tourne bien autour de cette idée que pour<br />

améliorer les réponses, autrement dit les réponses à vos questions, car ce sont les bonnes<br />

questions… Ce sont des questions transversales, comment on loge tout le monde, à quelles<br />

conditions, comment ça se passe, sous diverses formes. Ce n’est pas la collectivité par un document<br />

que l’on appellerait le programme local de l’habitat et qu’elle aurait élaboré seule, elle peut très bien<br />

avoir un beau document… Si l’ensemble des acteurs qui contribuent à le mettre en œuvre ne travaille<br />

pas ensemble, ne cherche pas ensemble des solutions, on n’avance pas. Je pense que la réunion<br />

d’aujourd’hui est significative de ce point de vue. Je voudrais aussi témoigner à mon tour, d’une<br />

évolution des états d’esprit au niveau national. Aujourd’hui, on…<br />

Un manifestant : Je ne voudrais pas vous couper, mais c’est le témoignage d’un propriétaire, ou pas ?<br />

Jean-Pierre Caroff : Jean-Pierre Caroff, vice-président de <strong>Brest</strong> métropole océane chargé de l’habitat.<br />

Un manifestant : Oui, d’accord. Vous parlez aussi en tant que propriétaire ? C’est pour savoir votre<br />

engagement.<br />

Jean-Pierre Caroff : Je parle en tant qu’élu, chargé du logement…<br />

Un manifestant : Et vous êtes propriétaire ou pas ? Vous n’avez pas répondu à ma question.<br />

Jean-Pierre Caroff : Je suis copropriétaire à Bellevue, dans un quartier particulièrement bourgeois. Et<br />

je suis devenu…<br />

Un manifestant : Dans un 20 mètres carrés ?<br />

Jean-Pierre Caroff : Vous me posez la question, j’aimerais finir. Je suis copropriétaire à Bellevue et<br />

j’ai accédé à la propriété dans le cadre de l’accession sociale à la propriété par un organisme HLM.<br />

Voilà la réponse à votre question. Maintenant, si vous permettez, ce que je voudrais dire aux uns et<br />

aux autres ? C’est vrai que nous avons eu un témoignage complémentaire des questions qui ont été<br />

posées mais qui sont complémentaires à celles que nous avons évoquées ensemble. L’évolution qui<br />

me semble importante, c’est qu’enfin tout le monde réalise qu’on ne trouve sur une agglomération des<br />

solutions qu’à partir du moment où, on l’a dit tout à l’heure, on les bâtit ensemble. Que, il y a<br />

effectivement, les échanges entre les différents acteurs. Or, ce qui est assez significatif, c’est que ça<br />

fait très exactement 20 ans aujourd’hui qu’on a mis en place le dispositif qui est un peu l’ancêtre de la<br />

conférence intercommunale de l’habitat. Il a évolué progressivement. Notre premier programme local<br />

de l’habitat a quasiment vingt ans lui aussi. Et à Paris, quand on nous demande ce que l’on fait, on<br />

nous dit, vous avez un PLH, et à l’époque il fallait constamment dire ce n’est pas le document qui<br />

compte, est-ce que dans le même temps il y a un Observatoire de l’habitat pour savoir comment ça se<br />

passe ? Quel est le montant des loyers pratiqués ? Quels sont les besoins ? Qu’est-ce qui se passe ?<br />

Enfin, depuis trois à quatre ans, le discours au niveau national sur la nécessité d’avoir partout des<br />

Observatoires de l’habitat commence à devenir dominant. Il a fallu près de 15 ans pour qu’on entende<br />

partout ce discours au niveau national. Vous ne me contredirez pas M. Troche ? Mais jusqu’à<br />

maintenant, quand à Paris je dis qu’il faut un Observatoire de l’habitat parce que sinon on ne parle pas<br />

des réalités, et les réalités, on les retrouve parce que vous vous vivez dans ce dont vous venez de<br />

parler. Il faut un Observatoire de l’habitat pour savoir de quoi on parle. Il faut un document de référence<br />

sur lequel on s’appuie pour avancer. Mais il n’empêche que ce document, si on n’a pas mobilisé<br />

l’ensemble des acteurs pour le bâtir, il ne vivra pas. Parce qu’une politique de l’habitat, ce n’est pas la<br />

collectivité seule qui va la mener. Ça passe par se donner des objectifs partagés de l’ensemble des<br />

acteurs, ils ne sont pas très loin ceux qu’on s’est donné dans le PLH de ceux que vous évoquiez tout à<br />

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l’heure. Ça passe par se donner des objectifs partagés. Ça passe aussi par une connaissance<br />

mutuelle. Objectifs partagés, cela veut die qu’on les aborde ensemble, et nos PLH ont été élaborés<br />

avec l’ensemble des acteurs. Ça veut dire ensuite que…<br />

Un manifestant : On n’est pas une agence immobilière monsieur !<br />

Jean-Pierre Caroff : Je ne m’adressais pas seulement à vous, je fais le point de la journée pour les<br />

personnes qui ont travaillé toute la journée et votre intervention la complète.<br />

(Bruits – Interpellations)<br />

Un manifestant : Les chômeurs ne travaillent pas…<br />

Jean-Pierre Caroff : Je suis bien d’accord. Donc, ceci pour dire que, pour que ça devienne une réalité,<br />

il faut que ces objectifs aient été partagés, et ça veut dire que c’est ensemble que l’on bâtit des outils<br />

pour tenir compte de la réalité, c’est-à-dire pour passer de l’idéal au faisable. (Bruits – Interpellations).<br />

C’est ainsi ce que nous avons fait sur l’élaboration de la notion de coût abordable qui est actualisé tous<br />

les ans avec l’ensemble des acteurs, c’est ce que nous avons fait avec le Passeport pour l’accession<br />

et c’est dans cet état d’esprit qu’il faut que l’on continue à avancer pour avoir davantage de réponses à<br />

l’ensemble de ces questions. La journée d’aujourd’hui est venue du fait que certains d’entre vous qui<br />

ne pouviez pas participer pendant toute l’année aux commissions ou aux groupes de travail, vous êtes<br />

demandés comment faire pour faire circuler les travaux qui ont été faits. C’est la raison de cette<br />

journée et nous entendons, d’une part, à avoir une journée de ce type une fois par an, mais c’était<br />

quelque chose de prévu avant que vous n’arriviez. Nous avons voulu la roder cette année car c’était la<br />

première fois que nous la faisions, justement pour étendre cet échange qui existe déjà entre tous les<br />

acteurs concernés et avec l’éclairage des intervenants nationaux, mais en ayant en perspective, et ça<br />

a été dit toute la journée, que ce n’est qu’en associant, en expliquant à l’ensemble des habitants sur<br />

toutes ces problématiques que l’on peut progresser.<br />

Un manifestant : Il y a un autre problème qui se pose, monsieur…<br />

Jean-Pierre Caroff : Sur l’année prochaine, ce que nous envisageons c’est de faire de telles journées<br />

tous les ans, mais dès l’an prochain de déterminer sous quelle forme on pourra l’ouvrir à la population.<br />

Non pas sur l’ensemble de la journée obligatoirement, mais d’avoir des moments où ces<br />

problématiques, on les partage, on échange, on discute, on fasse s’exprimer et c’est de déterminer<br />

aussi comment avoir encore plus cette parole au moment des débats. Cette année, c’était…<br />

Un manifestant : Vous parlez de partage, mais le gros problème qui se pose, dans ce domaine<br />

comme dans pas mal de domaines actuellement, c’est que l’argent public pour lequel on paye tous est<br />

partagé entre les entrepreneurs et les propriétaires essentiellement. Finalement, nous qui payons,<br />

nous sommes de plus en plus mal-logés et nous avons de plus en plus de mal à nous loger. C’est<br />

surtout ça le problème. On parle de partage, mais le partage pour qui, pourquoi ?<br />

Un manifestant : Il n’est pas normal que certain n’est pas de propriété alors que d’autres en ont trois,<br />

quatre, cinq, et bénéficient de déduction d’impôts dans un monde où tout se dérègle. Avec des crédits<br />

sur cinquante ans que l’on va devoir faire avec 42 ans de cotisations, moi je serais déjà mort à ce<br />

moment. Je travaille dans le bâtiment, si je retrouve du boulot dans ce secteur d’activité.<br />

Jean-Pierre Caroff : Les questions que vous soulevez je ne les méconnais pas. Je dis simplement<br />

que dans notre débat local sur la façon d’avancer, évidemment ça s’inscrit sur des choix nationaux,<br />

que les uns et les autres…<br />

Un manifestant : La spéculation ne va pas arriver avec l’arrivée du tramway ? Que peut-être sur <strong>Brest</strong><br />

l’augmentation des loyers ne va pas se faire ? C’est ce que vous dites ? Ça m’étonnerait.<br />

(Bruits – Interpellations)<br />

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Jean-Pierre Caroff : Ce que je vous propose, c’est que sur la journée elle-même on en reste là. Je<br />

vous invite à partager le pot de l’amitié. Et pour nos interlocuteurs, que dans le cadre des échanges<br />

bilatéraux à l’occasion de ce pot de clôture, vous ayez la possibilité d’échanger. Vous voulez ré<br />

intervenir ?<br />

Un manifestant : Juste une petite question. Vous avez dit quelque chose de très intéressant, que<br />

cette année vous faites une journée concernant l’habitat. Vous avez percuté cette année que ce serait<br />

bien pour l’année prochaine de faire venir des personnes qui ne sont pas propriétaires et en<br />

copropriété. Je trouve dommage de faire une réunion pour réaliser qu’il manque du monde, des<br />

acteurs importants de cette vie-là. L’autre question, cette année il y a une journée, l’année prochaine<br />

on fait venir des personnes qui ne sont pas là cette année. Mais ces personnes qui sont en situation de<br />

précarité, elles font quoi entre aujourd’hui et l’année prochaine ? Elle reste dans la même situation de<br />

précarité ?<br />

Un manifestant : En fait, je peux dire où elles sont ces personnes. Il se trouve que par hasard hier je<br />

suis allé au tribunal d’instance. En fait, il y avait deux procès. La plainte venait de BMH et c’était pour<br />

impayé de loyer. C’étaient des personnes qui étaient en logements sociaux et n’avaient plus les<br />

moyens de payer leurs loyers. Il y avait une personne qui avait une dette de 36 euros à payer et pour<br />

une raison quelconque, elle en est venue à payer 2000 euros. Je pense que les personnes qui<br />

passaient en procès après une plainte de BMH qui visait à les expulser ou au moins à les sommer de<br />

payer leurs loyers ce sont les acteurs. Ce sont eux qui devraient venir là. Si les personnes qui sont en<br />

ce moment victimes d’une plainte de BMH visant à les expulser étaient là, on pourrait parler de mixité<br />

sociale.<br />

Jean-Pierre Caroff : Ce n’est pas le lieu pour relancer le débat, je vous invite à une rencontre à BMH,<br />

où on regardera la réalité de ce que vous évoqué.<br />

Une manifestante : Vous pouvez quand même apporter une réponse ?<br />

Jean-Pierre Caroff : Ce n’est pas compliqué. Il y a 16 000 logements à BMH. Il y a un service qui<br />

s’efforce d’aider les personnes en difficulté soit pour remplir un dossier, soit les difficultés de paiement<br />

ensuite. À certain moment, il y a un certain nombre de mesures entamées pour mettre la pression car il<br />

y a ceux qui ne peuvent pas payer et qui ont des aides, et il y a ceux qui ne veulent pas payer alors<br />

qu’ils pourraient. Ce ne sont pas toujours ceux qui ont le moins de ressources qui ne veulent pas<br />

payer. Dans ce contexte, il y a…<br />

(Bruits – Interpellations)<br />

Jean-Pierre Caroff : Ça ne veut pas dire dans quel cas vous êtes vous… Sur 16 000 logements, il y a<br />

100 mesures en moyenne entamées chaque année et qui aboutissent, les mauvaises années, à une<br />

dizaine d’expulsions vers le parc de logements d’insertion. Sinon, les meilleures années il y en a deux<br />

ou trois. Sur un parc de 16 000 logements, vous demandiez que je donne l’information à l’ensemble<br />

des participants, c’est fait. Sur un débat plus approfondi, je crois que nous ne sommes pas en<br />

configuration pour le faire mais il n’y a aucun problème pour avoir ce débat, pour l’examiner, le<br />

regarder, mais cette fois-ci avec l’interlocuteur concerné qui est BMH. Je vous invite les uns et les<br />

autres à prendre le pot de l’amitié et merci à tous les intervenants.<br />

Un manifestant : Je veux juste poser une question. Pour le tramway, il me semble que vous achetez<br />

des maisons ? Que vous avez un droit pour acheter des maisons ?<br />

(inaudible)<br />

Un manifestant : Oui, oui, souvent. Il semble que vous achetez des maisons et que vous les murez<br />

pour que personne y vive en attendant. Des maisons qui ne sont pas insalubres…<br />

(inaudible)<br />

Un manifestant : Il semble que vous dévitalisez les maisons ?<br />

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(inaudible)<br />

Un manifestant : Par rapport à l’ascenseur social, c’est en construisant des logements du type carré<br />

Saint-Martin pour ultra bourges qu’on fait l’ascenseur social. En virant les pauvres, c’est bien. Toi tu<br />

viens de Bellevue, tu devrais le savoir. Tout le mode est attendu au pot de la censure, c’est fini pour les<br />

prolos aujourd’hui.<br />

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