2024_03_15_Géopolitique_CR

Da‘wa, mission, conversions dans l’espace méditerranéen
Intervenants :
Ariane Badet, étudiante en sociologie du genre et de la religion, EHESS, sous la direction de
Céline Béraud
Azadié Zemirli, post-doctorante au Centre Population et développement (Cedep), Université
Paris Cité/RD
Coordination :
Dominique Avon, directeur d’études, EPHE-PSL, Membre du GSRL (UMR 8582)
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INTRODUCTION
À partir du III e siècle de l’ère chrétienne, dans l’espace méditerranéen et ses périphéries, la
problématique de la conversion a été pensée en lien avec un territoire sur lequel s’est exercé un
pouvoir confessionnel. L’idéal historique revendiqué comme horizon est devenu celui de
l’unification politico-religieuse. Dans l’attente de sa réalisation, des droits ont été attribués à un
nombre limité de communautés identifiées. Ce modèle a prévalu jusqu’au XVIII e siècle. Le cadre,
philosophique, politique et juridique a été modifié au nord de la Méditerranée, dans un contexte
de constitution progressive et heurtée d’États-nations. La problématique de la conversion a alors
été pensée comme un choix libre de toute personne dotée de droits propres. Puis les nouvelles
conceptions se sont diffusées, par attraction des nouveaux droits, ou par imposition d’un rapport
de domination déterminé par les conquêtes européennes du XIX e siècle. Au moment des
indépendances, obtenues et reconnues au sud de la Méditerranée au milieu du XX e siècle, le
conflit des deux modèles a été réactivé.
En s’appuyant sur deux exemples, l’un tiré de la scène algérienne, l’autre de la scène française,
le premier lié aux conversions vers le christianisme, le second aux conversions vers l’islam,
l’atelier permettra d’examiner plusieurs des enjeux qui se nouent autour de la question de la
mission.
LES ENJEUX JURIDIQUES DES CONVERSIONS À L’ÉVANGÉLISME EN ALGÉRIE
Azadié Zemirli
Cette communication a pour objectif de faire la lumière sur les enjeux juridiques des conversions
à l’évangélisme en Algérie. En effet, depuis l’adoption d’une ordonnance, approuvée par une loi,
en 2006 venant régir les cultes autres que musulmans, le prosélytisme est pénalement
sanctionné.
Collège des Bernardins - 20 rue de Poissy - 75005 Paris
www.collegedesbernardins.fr

En introduction, nous présenterons le paysage religieux en Algérie, à savoir que la majorité de la
population est sunnite malékite et que le pourcentage restant représente des chrétiens aussi bien
catholiques que protestants, mais aussi des ibadites, des chiites et des ahmadis.
Puis, notre propos se subdivisera en deux temps. Dans un premier temps, nous évoquerons les
raisons de l’adoption de cette ordonnance, l’incrimination de prosélytisme ainsi que les cas de
condamnations sur ce fondement. Dans un second temps, il s’agira d’envisager les
conséquences juridiques d’une conversion à l’évangélisme, donc d’une apostasie, notamment
sur le droit de la famille.
LA DA’WA AUTOUR DU VOILE ISLAMIQUE SUR L’APPLICATION TIKTOK : UN ESPACE
DE PROSÉLYTISME FÉMININ NÉGOCIÉ ET CONTRÔLÉ
Ariane Badet
L’appropriation par les musulman·es des réseaux sociaux a ouvert de nouveaux espaces de
prédication, renouvelé les codes du militantisme et permis à des profils plus divers de s’investir
dans la da’wa. Sur l’application de micro-blogging TikTok, des vidéastes plus jeunes et disposant
souvent d’un faible capital théologique diffusent leur vision de l’islam et exercent ainsi une
influence sur les imaginaires et les opinions religieuses de leur audience. Parmi ces vidéastes
une proportion importante sont des femmes. L’étude de leur contenu montre la popularité de la
thématique du voile qui tient à la prégnance d’un discours sur l’obligation du port du voile sur la
plateforme témoignant de l’influence des lectures intégralistes de l’islam en ligne. Les tiktokeuses
se répartissent entre des actrices clairement inscrites dans la da’wa dont le contenu a pour but
premier la prédication et des actrices hybrides qui brouillent les frontières entre le registre
islamique et les codes propres aux vidéos « beauté », très populaires en ligne. La présence de
ces vidéastes ne fait pas consensus au sein de la communauté musulmane en ligne, elles font
face à des critiques pointant un manque de « pudeur » concernant leur comportement dans les
vidéos, leur présentation corporelle ou leur simple présence en ligne ce qui les obligent à mettre
en place des stratégies pour contourner ou renégocier ces interdits.
Dans cette présentation, nous aborderons d’abord les modes de prédication islamique féminin et
le discours dominant sur la féminité islamique en ligne puis les mécanismes de contrôle qui
s’exercent sur les tiktokeuses et enfin les stratégies mises en place par les vidéastes pour
négocier leur présence en ligne. Au travers de la question de la prédication féminine, nous
montrerons le rapport ambivalent de l’islam intégraliste aux réseaux sociaux visuels dont l’usage
met en balance les bénéfices en termes de prosélytisme avec les normes de modestie.
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