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apprécier le théâtre contemporain, texte et mise en scène

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Mireil<strong>le</strong> Habert<br />

voulons faire du <strong>théâtre</strong> une réalité à laquel<strong>le</strong> on puisse croire, <strong>et</strong> qui comporte<br />

pour <strong>le</strong> cœur c<strong>et</strong>te espèce de morsure concrète que comporte toute<br />

émotion vraie. » En finir avec « <strong>le</strong>s d<strong>en</strong>tel<strong>le</strong>s du dialogue <strong>et</strong> de l’intrigue »<br />

(Jean Vilar), <strong>en</strong> finir avec une psychologie qui s’acharne à « réduire<br />

l’inconnu au connu » (Artaud), tel<strong>le</strong> est l’ambition des nouveaux auteurs.<br />

Dans En att<strong>en</strong>dant Godot, <strong>le</strong> <strong>texte</strong>, <strong>le</strong>s indications scéniques, <strong>le</strong> port du chapeau<br />

melon, suggèr<strong>en</strong>t <strong>le</strong> rapprochem<strong>en</strong>t des deux personnages avec des<br />

clowns : A<strong>le</strong>x <strong>et</strong> Zavatta, <strong>le</strong> trio des Fratellini, <strong>le</strong>s Marx Brothers, Pipo <strong>et</strong><br />

Rhum. Tout est jeu dans <strong>le</strong> dialogue <strong>en</strong>tre <strong>le</strong>s protagonistes, mais ce divertissem<strong>en</strong>t<br />

perpétuel, au s<strong>en</strong>s pascali<strong>en</strong> du terme, est la parodie dérisoire de<br />

l’exist<strong>en</strong>ce humaine, d’autant que <strong>le</strong>s personnages ont consci<strong>en</strong>ce de <strong>le</strong>ur jeu,<br />

<strong>et</strong> se dédoub<strong>le</strong>nt eux-mêmes pour se regarder parodier <strong>le</strong>ur exist<strong>en</strong>ce ; ce<br />

dédoub<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t est une source du comique de la pièce : « Je comm<strong>en</strong>ce à <strong>en</strong><br />

avoir assez de ce motif », « il n’y a pas d’issue par là »… De son côté, La<br />

Cantatrice chauve, écrite à partir des phrases d’un manuel de conversation<br />

franco-anglais à l’usage des débutants, dérèg<strong>le</strong> volontairem<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s lieux<br />

communs du manuel jusqu’à une tota<strong>le</strong> désintégration du langage : <strong>le</strong>s vérités<br />

sclérosées que sont <strong>le</strong>s proverbes excit<strong>en</strong>t la verve du dramaturge jusqu’à<br />

faire régner de façon innoc<strong>en</strong>te <strong>le</strong> non-s<strong>en</strong>s : « La vérité n’a que deux faces<br />

mais son troisième côté vaut mieux », « on peut prouver que <strong>le</strong> progrès social<br />

est bi<strong>en</strong> meil<strong>le</strong>ur avec du sucre ». À la fin de la pièce, il n’y a plus ni personnages,<br />

ni intrigue, mais <strong>le</strong> pur mécanisme théâtral fonctionnant à vide.<br />

Ionesco, Beck<strong>et</strong>t, G<strong>en</strong><strong>et</strong>, Adamov se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t par la <strong>mise</strong> <strong>en</strong> question<br />

radica<strong>le</strong> de la réalité <strong>et</strong> des formes du <strong>théâtre</strong> traditionnel. Ils font <strong>le</strong>urs <strong>le</strong>s<br />

exig<strong>en</strong>ces <strong>et</strong> <strong>le</strong>s refus formulés par Artaud dans Le Théâtre <strong>et</strong> son doub<strong>le</strong> :<br />

refus d’un <strong>théâtre</strong> psychologique, rej<strong>et</strong> du naturalisme, recours au mythe, à la<br />

magie, à l’imitation du <strong>théâtre</strong> balinais ; importance des mouvem<strong>en</strong>ts, de la<br />

gestuel<strong>le</strong>, sous l’influ<strong>en</strong>ce du cinéma mu<strong>et</strong> <strong>et</strong> du cirque ; prédominance du<br />

rêve, de l’onirisme, de la poésie au <strong>théâtre</strong>.<br />

Le cinéma a modifié assez profondém<strong>en</strong>t <strong>le</strong> champ m<strong>en</strong>tal du spectateur<br />

pour que celui-ci soit désormais à même de saisir globa<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s situations,<br />

à travers de simp<strong>le</strong>s juxtapositions d’images. Les chaînons logiques de<br />

l’action, du temps <strong>et</strong> du lieu, peuv<strong>en</strong>t désormais se dist<strong>en</strong>dre. L’intrusion de<br />

la projection de docum<strong>en</strong>ts, <strong>le</strong> recours à un arrière-plan filmique, favoris<strong>en</strong>t<br />

au <strong>théâtre</strong> la superposition des émotions, grâce aux techniques<br />

d’<strong>en</strong>trelacem<strong>en</strong>t des espaces <strong>et</strong> des temporalités (Duras).<br />

La vocation véritab<strong>le</strong> du <strong>théâtre</strong> se r<strong>en</strong>ouvel<strong>le</strong> ainsi après la seconde<br />

guerre mondia<strong>le</strong> dans la recherche d’un langage autonome capab<strong>le</strong> de signifier<br />

<strong>le</strong> réel. Les œuvres de l’après guerre ne cess<strong>en</strong>t de poser <strong>le</strong>s questions<br />

relatives à la condition humaine : a-t-el<strong>le</strong> un s<strong>en</strong>s ? où est la réalité, où est

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