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apprécier le théâtre contemporain, texte et mise en scène

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Mireil<strong>le</strong> Habert<br />

aux réactions, qu’el<strong>le</strong>s soi<strong>en</strong>t d’approbation ou de désapprobation, des spectateurs<br />

face à la paro<strong>le</strong> proférée par <strong>le</strong>s acteurs. L’éclairage du plateau,<br />

l’obscurité <strong>et</strong> <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce de la sal<strong>le</strong> aiguis<strong>en</strong>t la perception, pour produire chez<br />

<strong>le</strong> spectateur une appréh<strong>en</strong>sion des signes, visuels, sonores, plus profonde,<br />

plus souterraine, où se conjugu<strong>en</strong>t l’imaginaire <strong>et</strong> <strong>le</strong> réel. C’est pourquoi la<br />

représ<strong>en</strong>tation n’est pas un épisode facultatif qui s’ajoute à l’œuvre écrite,<br />

mais l’ess<strong>en</strong>ce même du <strong>théâtre</strong>. L’amplification des didascalies de gestuel<strong>le</strong><br />

<strong>et</strong> de décor dans <strong>le</strong>s œuvres modernes montre bi<strong>en</strong> l’importance que <strong>le</strong>s auteurs<br />

accord<strong>en</strong>t à tous <strong>le</strong>s signes qui, au <strong>théâtre</strong>, ne relèv<strong>en</strong>t pas directem<strong>en</strong>t<br />

de la paro<strong>le</strong>.<br />

Ainsi, la représ<strong>en</strong>tation théâtra<strong>le</strong> n’est pas un m<strong>en</strong>songe, mais une conv<strong>en</strong>tion.<br />

Pas plus qu’Aristote, la raison ne peut prescrire d’unité de temps ni<br />

de lieu : <strong>le</strong> temps de la représ<strong>en</strong>tation n’est pas égal au temps représ<strong>en</strong>té, il<br />

importe peu que <strong>le</strong> spectac<strong>le</strong> représ<strong>en</strong>te une journée ou une vie. Il <strong>en</strong> va de<br />

même pour <strong>le</strong> lieu : si la <strong>scène</strong> représ<strong>en</strong>te un palais romain, « on ne voit pas<br />

quel<strong>le</strong> invraisemblance ajouterait à une prom<strong>en</strong>ade dans <strong>le</strong> jardin une autre<br />

prom<strong>en</strong>ade à l’autre bout de l’empire. » 4 La représ<strong>en</strong>tation n’étant ri<strong>en</strong><br />

d’autre que l’actualisation d’actes virtuels, il importe peu <strong>en</strong> fin de compte<br />

que <strong>le</strong> couteau avec <strong>le</strong>quel <strong>le</strong> Professeur tue l’élève, à la fin de la Leçon, soit<br />

un vrai couteau, ou que l’acteur fasse seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t <strong>le</strong> geste de frapper l’élève ;<br />

que <strong>le</strong> pou<strong>le</strong>t soit <strong>en</strong> carton, puisque ce que <strong>le</strong> personnage mange, l’acteur n’a<br />

pas besoin de <strong>le</strong> manger.<br />

Le réalisme dans la représ<strong>en</strong>tation ne rapproche pas <strong>le</strong> <strong>théâtre</strong> de la réalité.<br />

Il n’est qu’une manière de représ<strong>en</strong>ter, ni moins bonne ni meil<strong>le</strong>ure que<br />

<strong>le</strong>s autres, qui n’est pas du tout commandée par l’ess<strong>en</strong>ce du <strong>théâtre</strong>. C’est<br />

pourquoi il est possib<strong>le</strong> à la représ<strong>en</strong>tation dramatique d’annexer tous <strong>le</strong>s<br />

arts : cou<strong>le</strong>ur, ligne, musique, vers, peinture, sculpture, danse, chant, poésie<br />

ou prose, toutes <strong>le</strong>s manières de représ<strong>en</strong>ter lui apparti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t. Le <strong>théâtre</strong><br />

n’exige ri<strong>en</strong> d’autre que des hommes réels, dans l’espace artificiel du spectac<strong>le</strong>.<br />

Le grand effort de réalisme de la fin du XIX e sièc<strong>le</strong>, qui avait été celui du<br />

Théâtre libre d’Antoine (1887), avait été possib<strong>le</strong> <strong>en</strong> raison des progrès des<br />

décors, des accessoires, de la lumière. La fin du XIX e sièc<strong>le</strong> apporte de plus<br />

profonds bou<strong>le</strong>versem<strong>en</strong>ts à l’art dramatique.<br />

Dans la conception des g<strong>en</strong>res, dès 1880, comédie, tragédie, drame,<br />

s’effac<strong>en</strong>t au profit de la notion de « pièce ».<br />

Dans la conception de la <strong>mise</strong> <strong>en</strong> <strong>scène</strong>, à partir de 1897, se généralise la<br />

condamnation du décor <strong>en</strong> « trompe-l’œil ». C’est désormais à la lumière que<br />

4. H<strong>en</strong>ri Gouhier, op.cit., p. 51.

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