Le FORUM - University of Maine
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<strong>Le</strong> Forum<br />
(La langue et l’indentité suite de page 19)<br />
velle conscience culturelle. Néanmoins, la majorité de leur travail culturel se fait en<br />
anglais puisque la persécution a été très efficace pour éradiquer la langue française.<br />
Selon Yvon Labbé, directeur du centre franco-américain de l’Université du <strong>Maine</strong>,<br />
langue et identité ne s’équivalent pas. Pourtant, assez curieusement, son raisonnement se<br />
rapproche de la situation des francophones du Québec. Il écrit : «Comme les Français du<br />
Québec embrassait leur sort après la Conquête, [...] un sentiment de fatalité et de futilité<br />
a commencé à s’ancrer dans la culture pour finalement se manifester dans la langue. »<br />
Labbé explique que ce qui s’est manifesté dans la langue était la présence de «<br />
plafonds socioéconomiques et culturels » et que ces obstacles ont été transférés à la<br />
culture franco-américaine et à leur sens de l’identité. Par exemple, un proverbe encore<br />
employé aujourd’hui par les francophones du Québec et du <strong>Maine</strong> est « On est<br />
né pour un petit pain, on ne peut pas s’attendre à la boulangerie ». Labbé explique<br />
que cela est une « mentalité handicapante » qui encourageait les Franco-Américains<br />
à s’exclure de la société et à intérioriser les préjugés à leur encontre. Alors que la persécution<br />
par le KKK et les lois pour éradiquer le français des ont réussi à stigmatiser<br />
une identité francophone, il semble que la tendance des Franco-Américains à accepter<br />
leur place en tant que « petits pains » a augmenté les effets de la discrimination.<br />
Cependant, les récentes initiatives veulent transformer cette mentalité. Au lieu d’accepter<br />
leur place comme « petits pains », les Franco-Américains réécrivent aujourd’hui le<br />
proverbe pour dire «nous ne sommes plus des petits pains, nous voulons la boulangerie».<br />
Ils sont exigeants et reçoivent davantage de reconnaissance de la part des institutions. <strong>Le</strong><br />
centre franco-américain a fait pression sur l’Université du <strong>Maine</strong> pour qu’elle se déclare<br />
l’université de choix pour les Franco-Américains. Actuellement, l’université a déjà modifié<br />
son formulaire de demande d’admission pour fournir une option pour les étudiants<br />
qui souhaiteraient s’identifier comme « franco-américain ». Il y a aussi un département<br />
d’études franco-américaines bien établi dans lequel le nombre d’étudiants augmente<br />
chaque année. <strong>Le</strong>s Franco-Américains reçoivent également une reconnaissance politique.<br />
L’actuel gouverneur du <strong>Maine</strong> s’identifie comme un Franco-Américain et il est le première<br />
gouverneur Franco-Américain du <strong>Maine</strong>. Au sujet de la langue et de l’identité, il a publiquement<br />
déclaré que la langue est ce qui unit les Franco-Américains, ce qui indique qu’il<br />
ne connaît pas les statistiques qui montrent que la situation est en fait tout le contraire.<br />
<strong>Le</strong>s différents niveaux de compréhension affectent aussi le sens global de ce que<br />
cela signifie que d’avoir une identité franco-américaine. Eve Laplante, auteure d’un<br />
article au sujet du « Rassemblement », une conférence franco-américaine, a déclaré:<br />
La culture est fragile, difficile à cerner […] Moi-même, moitié francoaméricaine,<br />
je suis vaguement fière de quelque chose que je comprends à peine.<br />
<strong>Le</strong>s Franco-Américains n’ont aucun des rituels culturels ou des traditions<br />
qui sautent aux yeux par lesquels les autres groupes ethniques sont reconnus. <br />
L’absence d’une langue et d’une reconnaissance culturelle définitive, comme des<br />
vacances ou des rituels nationaux acceptés, complique la manière dont on définit la culture<br />
franco-américaine. Cet article est écrit en anglais, comme l’est beaucoup de littérature<br />
franco-américaine, mais de nombreux Franco-Américains ne sentent pas que cela est nécessairement<br />
négatif. Lors de cette conférence, Laplante a interrogé Yvon Labbé concernant la<br />
langue. Labbé a répondu que la langue n’est pas la question centrale : « laissez nos enfants<br />
parler ce qu’ils parlent, mais respectez notre culture ». Selon Labbé et beaucoup d’autres<br />
Franco-Américains, leur culture a encore besoin de transcender la honte et l’insécurité créée<br />
par plus de 100 ans de persécution linguistique, ils ont besoin de transcender la mentalité des<br />
petits pains. La culture franco-américaine est vivante et en constante évolution, elle se recrée<br />
elle-même à chaque nouvelle génération. Actuellement, les Franco-Américains parlent soit<br />
l’anglais, soit le français, soit un français franco-américain. Toutes ces langues mettent l’accent<br />
sur l’articulation de leur culture et non sur la capacité de parler un langage « correct ».<br />
3 Ibid, p. 45.<br />
4 Ibid, p. 45. (Ma traduction)<br />
5 E. Laplante, The Rise <strong>of</strong> the Unmeltable Francos , », p. 42. (Ma traduction)<br />
6 Ibid, p. 42. (Ma traduction)<br />
20<br />
(Suite page 21)