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Article soumis pour publication par le chercheur Serge Dupuis.

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é<strong>le</strong>ctora<strong>le</strong>, de même qu’une quête de la réconciliation entre Rwandais. Lors de son retour au Rwanda, el<strong>le</strong>adresse ainsi à ses concitoyens un message empreint de son refus de la vio<strong>le</strong>nce et de son aspiration à l’unité :« Je rentre <strong>pour</strong> mener un combat pacifique. Je ne suis pas accompagnée d’une armée. Nous n’avons pas besoind’une autre guerre et nous condamnerons quiconque voudra nous replonger dans la guerre. Nous ne vousengagerons pas dans des meetings qui risquent de déboucher sur des affrontements. » Ou encore : « Nous avonschoisi la voie pacifique afin d’éviter une nouvel<strong>le</strong> effusion de sang et <strong>pour</strong> préserver la recomposition du tissusocial rwandais. Nous devons nous unir et construire ensemb<strong>le</strong> notre pays dans la paix ». Concernant <strong>le</strong>s FDLR,si el<strong>le</strong> affirme que la résolution du problème qu’el<strong>le</strong>s posent passe <strong>par</strong> l’ouverture d’un dialogue politique, el<strong>le</strong>n’en est pas moins tout aussi claire : « Ceux qui sont impliqués dans <strong>le</strong>s crimes de génocide et autres crimescontre l’humanité devront s’expliquer devant une justice équitab<strong>le</strong> ». Et el<strong>le</strong> affirme : « Les rebel<strong>le</strong>s , je n’en aipas besoin ».Comme si tout ceci n’était pas suffisant, comme si ses persécuteurs avaient craint que <strong>le</strong>s charges qui quipesaient sur el<strong>le</strong> ne tiendrait pas la route, Victoire Ingabire aura été d’autre <strong>par</strong>t mise dans l’impossibilité de sedéfendre efficacement du fait des nombreuses irrégularités qui ont jalonné son procès. El<strong>le</strong> n’aura pas eu deprocès équitab<strong>le</strong>. Si, en effet, <strong>le</strong> régime dictatorial rwandais, dans son désir de voir des dossiers de Rwandaissuspectés de génocide lui être transférés <strong>par</strong> <strong>le</strong> Tribunal pénal international <strong>pour</strong> <strong>le</strong> Rwanda ou des pays tiers, aapporté depuis quelques années des améliorations à son système judiciaire mais aussi carcéral, il lui est demeuréimpossib<strong>le</strong> d’al<strong>le</strong>r réel<strong>le</strong>ment à l’encontre de sa nature profonde. Le système judiciaire rwandais reste uneinstitution dépendante du pouvoir, instrument efficace de la politique répressive de celui-ci. Un passage en revuede quelques incidents survenus au cours du procès de l’opposante en offre une amp<strong>le</strong> illustration. Les ingérencesde l’exécutif – une habitude – n’ont tout d’abord pas manqué, au mépris de la plus élémentaire présomptiond’innocence. L’on put ainsi entendre Paul Kagame déclarer sur CNN que la place de l’accusée était en prison,puis annoncer quelque temps après que son gouvernement avait « recueilli suffisamment de preuves permettantd’établir un lien entre Ingabire est <strong>le</strong>s mouvements rebel<strong>le</strong>s actifs dans l’Est de la République démocratique duCongo » (RDC). La ministre des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, assura quant à el<strong>le</strong> sur RFI quel’accusée avait « commis des crimes extrêmement graves ». Il y eut éga<strong>le</strong>ment, au moment où la défense sou<strong>le</strong>vaune exception d’inconstitutionnalité de la loi de 2008 portant sur l’idéologie du génocide, <strong>le</strong> refus de <strong>le</strong> Coursuprême, dans un premier temps, de se prononcer sur <strong>le</strong> fond et l’argument que <strong>le</strong>s magistrats avancèrent,proprement stupéfiant, selon <strong>le</strong>quel <strong>le</strong>s défenseurs n’avaient pas accompagné <strong>le</strong>ur saisine d’une copie de la loiconcernée ! Les juges du procès ne furent pas en reste, qui, à plusieurs reprises, manifestèrent à l’endroit de ladéfense et de sa cliente el<strong>le</strong>-même une franche hostilité, montrant à l’inverse une indulgence remarquée vis-àvisde l’accusation. Ils se distinguèrent tout <strong>par</strong>ticulièrement lorsque <strong>le</strong>ur <strong>par</strong>ti-pris <strong>le</strong>s poussa – sous <strong>le</strong> prétexted’une condamnation antérieure <strong>pour</strong> génocide <strong>par</strong> <strong>le</strong>s tribunaux locaux – à refuser d’entendre une seconde fois, àla demande de la défense, <strong>le</strong> témoin qui avait mis à mal la crédibilité du principal témoin de l’accusation. Cetémoin, enfin, après son passage à la barre, fut <strong>soumis</strong> à des manœuvres d’intimidation – comme du rested’autres témoins de la défense – dans la prison où il purge sa peine. Les autorités pénitentiaires l’interrogèrent endehors du procès sans l’assistance d’un avocat et saisirent l’ensemb<strong>le</strong> de ses documents personnels. Si bien que<strong>le</strong> 16 avril 2012, six mois avant <strong>le</strong> verdict de la Cour, Victoire Ingabire, annonçait que devant l’évidence mise aujour <strong>par</strong> de tel<strong>le</strong>s irrégularités que son procès avait davantage une nature politique que judiciaire, el<strong>le</strong> et sesavocats ne <strong>par</strong>ticiperaient plus aux audiences à venir. Ayant « irrévocab<strong>le</strong>ment perdu confiance dans lapossibilité d’un bon dérou<strong>le</strong>ment de son procès », el<strong>le</strong> ne s’exprima plus jusqu’au terme de celui-ci.C’est ainsi un sentiment de simp<strong>le</strong> admiration que suscite avant toute chose <strong>le</strong> sort fait à cette femmeremarquab<strong>le</strong> que semb<strong>le</strong> être Victoire Ingabire. Sachant pertinemment ce qu’el<strong>le</strong> risquait, el<strong>le</strong> a quitté emploi etfamil<strong>le</strong>, ses enfants en <strong>par</strong>ticulier, <strong>pour</strong> se jeter dans la gueu<strong>le</strong> du loup dans l’espoir qu’el<strong>le</strong> servirait la cause àlaquel<strong>le</strong> el<strong>le</strong> croit et cel<strong>le</strong> de son pays. Le second sentiment suscité <strong>par</strong> ce dossier – si l’on met à <strong>par</strong>t ce que l’onpeut ressentir à l’égard du régime FPR – est moins agréab<strong>le</strong>. Il s’agit d’une vive inquiétude à l’idée de ce que<strong>pour</strong>rait malheureusement être <strong>le</strong> futur du Rwanda. Des pans entiers des politiques menées <strong>par</strong> l’actuel régimerwandais vont en vérité à l’encontre de la politique d’unité et de réconciliation nationa<strong>le</strong> censée constituerl’axe central de la stratégie de reconstruction mise en place <strong>par</strong> l’Etat et présentée comme l’une de ses réussites.C’est ainsi que la structure du pouvoir réintroduit une politique ethniste et des « divisions » qui sont <strong>par</strong> ail<strong>le</strong>urscensées être combattues : <strong>le</strong> pouvoir réel dans l’ap<strong>par</strong>eil étatique, <strong>par</strong>aétatique et militaire, se trouve, de manièreprépondérante, concentré entre <strong>le</strong>s mains d’une élite tutsie, tandis que <strong>le</strong>s Hutus qui occupent des positions dehaute responsabilité n’ont qu’un pouvoir de façade. Au reste, la communauté hutue, la <strong>par</strong>t la plus nombreuse dela population, est fondée à se considérer comme marginalisée : exclue du pouvoir autrement quecosmétiquement, el<strong>le</strong> voit la politique ethniste du régime FPR se manifester éga<strong>le</strong>ment dans <strong>le</strong> domaine de lamémoire du conflit des années 1990. Seul <strong>le</strong> génocide proprement dit est chaque année commémoré, seuls <strong>le</strong>sTutsis se voient reconnaître <strong>le</strong> statut de victimes, tandis que <strong>le</strong>s Hutus subissent l’interdiction d’exprimerpubliquement <strong>le</strong> deuil de <strong>le</strong>urs centaines de milliers de morts de la guerre civi<strong>le</strong>. A l’exception – très timide – des

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