<strong>Quadrature</strong> n ◦ 76 (2010) 30–38c○ EDP Sciences, 2010DOI: 10.1051/quadrature/2010005[Arithmétique]Les nombres brésilienspar Bernard SchottRésumé.Les nombres brésiliens sont une curiosité qui amuse les amateurs d’Olympiades mathématiques.Cet article reprend la notion, décrit quelques propriétés élémentaires de ces nombres, puis exploreles différents liens avec d’autres concepts arithmétiques. Au fil des paragraphes, il s’intéresse àla question de la primalité, au cas particulier des nombres repunits et développe même quelquesarguments de théorie analytique des nombres.L’Amérique du Sud est non seulement la patriedes footballeurs virtuoses, mais également une terreoù fleurissent des nombres bien particuliers :• Les nombres colombiens ou auto-nombres sontdes entiers, qui, dans une base donnée, nepeuvent pas s’écrire sous la forme m + S (m),où m est un entier, appelé générateur, et S (m)la somme des chiffres de l’entier m danscette base 1 . Ces nombres ont été introduits en1949 par le mathématicien indien DattatreyaRamachandra Kaprekar (1905–1988). Parexemple, 2009 n’est pas colombien en base 10car 2009 = 1990 + 1 + 9 + 9 + 0, mais 2007 l’est(vérification laissée au soin du lecteur).• Les nombres brésiliens, qui font l’objet de cetarticle, ont pour définition : un entier n > 0 estdit brésilien s’il existe un entier b, vérifiant 1 0 est dit « brésilien » 3 s’il existeun entier b vérifiant 1 < b < n−1, pour lequel la représentationde n en base b s’écrit avec des chiffres touségaux. Montrer que 1994 est brésilien et que 1993 nel’est pas. »Clairement, b > 1 car il n’existe pas de systèmede numération utilisant la base 1, et de plus, b < n − 1,sinon tout nombre n serait brésilien car s’écrivantn = (11) n−1 .3 Dans l’énoncé initial proposé en espagnol, le qualificatifutilisé était « sensato », ce qui se traduit littéralement parnombres « sensés » ; la traduction anglaise est devenue « sensible »numbers.Article publié par EDP Sciences
Séduit par cet exercice, je l’ai proposé en octobre2007 sur le forum des mathematiques.net 4 . Cet articlereprend et enrichit les résultats obtenus lors des différentsmessages qui ont été échangés à cette occasion 5 .Suite à cette discussion sur le forum, et à mon interventionauprès de Neil J.A. Sloane, cette séquence denombres brésiliens figure dans l’OEIS 6 sous la référenceA125134. Notons que l’article que vous lisezest proposé comme référence dans l’OEIS.II Comment prouver qu’un nombreest ou non brésilien ?II.1MéthodeNous sommes amenés à résoudre une successiond’équations diophantiennes :Pour n donné, existe-t-il m, b et q 2dansN ∗vérifiant :n = m(1+b+b 2 +...+b q−1 ) 1 m < b < n−1. (1)Après avoir décomposé n en produit de facteurs premiers,il est alors possible de trouver les valeurs de mpossibles (m 1 , m 2 ,...,m i ,...,m k ) ; en tenant comptedes inégalités, ce sont tous les diviseurs de n exceptén lui-même.Ensuite, pour chaque m i ,aveci = 1,...,k, on obtientune nouvelle équation diophantienne à résoudren− 1 = b(1 + b + ...+ b q−2 ). (2)m iAprès avoir décomposé n m i− 1 en produit de facteurspremiers, il est alors possible de trouver les valeurspotentielles de b qui sont strictement supérieures à 1 :1 < b i1 < b i2 < ···< b ir .Ce sont les diviseurs b ij de n m i− 1 qui, pour j =1,...,r, vérifient la double inégalité provenant de (1) :m i < b ij < n − 1. (3)Enfin, pour chaque couple (m i , b ij ) vérifiant cette dernièreinégalité (3), on examine s’il existe q 2tel que :nm i= 1 + b ij + ...+ b q−1ij= bq ij − 1b ij − 1· (4)4 URL du forum : http://www.les-mathematiques.net/phorum/.5 URL du fil sur les nombres brésiliens : http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?5,350062,page=1.6 OEIS = « The On-Line Encyclopedia of Integer Sequences »,URL de OEIS : http://www.research.att.com/ ∼ njas/sequences/index.html.II.2 Application pour 20092009 = 7 2 × 41 ⇒ m ∈{1, 7, 41, 49, 287}.Afin de ne pas alourdir le texte, seul le cas m = 7 seraétudié en détail.• m = 1, pas de solution.• m = 7, (2) devient286 = b(1 + b + ...+ b q−2 )= 2 × 11 × 13⇒b ∈{2, 11, 13, 22, 26, 286}mais, en tenant compte de la double inégalité(3) ⇒ 7 < b < 2008, il suffit d’examinerb = 11, 13, 22, 26, 286, puis de les porterdans (2) pour vérifier s’il existe une solution qcorrespondante :b = 11 ⇒ 287 1 + 11 + ...+ 11 q−1 ,etpasdesolution pour b = 11 ;b = 13 ⇒ 287 1 + 13 + ...+ 13 q−1 ,etpasdesolution pour b = 13 ;b = 22 ⇒ 287 1 + 22 + ...+ 22 q−1 ,etpasdesolution pour b = 22 ;b = 26 ⇒ 287 1 + 26 + ...+ 26 q−1 ,etpasdesolution pour b = 26 ;b = 286 ⇒ 287 = 1 + 286 ⇒ (b = 286, q = 2)est solution, et2009 = 7(1 + 286) = (77) 286 .• m = 41, une seconde solution apparaît nécessitantl’utilisation, par exemple, de la lettre λ pourreprésenter 41 en base 48. Ainsi :2009 = 41(1 + 48) = (λλ) 48 .• m = 49, 287 ⇒ pas de solution.Finalement, 2009 = (77) 286 = (λλ) 48 avec λ représentant41 en base 48. Nous dirons que 2009 est 2 foisbrésilien.III Conditions suffisantespour qu’un nombre soit brésilienSuite aux exemples et calculs précédents, onconstate qu’il existe des nombres brésiliens comme1994, 2007, 2009, et des nombres non brésilienscomme 1993. On vérifie aisément que 1, 2, 3, 4, 5, 6, 9ne sont pas brésiliens, alors que 7 = (111) 2 , qui estainsi le plus petit nombre brésilien, 8 = (22) 3 et10 = (22) 4 le sont.Avril–Juin 2010 31