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10 Collections | Novembre 2015 | vol. 2, Numéro 6
mécanisme de perversion du réel qui s’y joue. Moins on en
dit, mieux c’est ! Depuis le milieu des années 1980, la production
annuelle s’élève à une centaine de textes brefs. Les
revues littéraires généralistes comme XYZ et Moebius
ouvrent régulièrement leurs pages à ce genre, bien davantage
d’ailleurs qu’à la science-fiction.
Si la nouvelle est la voie royale du fantastique, le genre a
néanmoins produit quelques romans remarquables. Pour
exceller dans cette forme narrative, l’auteur doit maîtriser
l’écriture ou manier avec brio les développements du récit.
Les demoiselles de Numidie (1984) de Marie José Thériault,
également auteure de nouvelles accomplies (L’envoleur de
chevaux, 1986 et Portraits d’Elsa, 1990), propose dans ce
roman à l’écriture extrêmement travaillée, somptueuse et
poétique, un fantastique féministe qui situe la femme en
tant que divinité au cœur d’une mythologie païenne et primitive
et qui assume pleinement sa sexualité. Les enfants
du sabbat (1975) d’Anne Hébert, plongée fantastique au
cœur de la Grande Noirceur québécoise à travers un cas
de possession diabolique, constitue un autre exemple d’une
réussite qui repose sur la finesse de l’écriture et l’acuité du
regard d’une écrivaine au sommet de son art. Dans un
autre registre, il faut souligner l’extrême efficacité des
romans fantastiques de Patrick Senécal, émule de Stephen
King, notamment Sur le seuil (1998) et Aliss (2000).
Le genre fantastique demeure toujours aussi populaire
depuis le début du XXI e siècle et la production est foisonnante,
surabondante même. Parmi les jeunes écrivains qui
pratiquent ce genre, une figure se détache particulièrement
: Ariane Gélinas. Outre une trentaine de nouvelles,
elle a publié une trilogie, Les villages assoupis, dont le premier
tome, Transtaïga, lui a valu le prix Jacques-Brossard
en 2013. En campant son récit dans le Nord québécois,
Ariane Gélinas se réapproprie un territoire sauvage, encore
mystérieux et propice aux manifestations des esprits. Elle
métisse le fantastique québécois aux rites amérindiens
comme le fera Biz dans Mort-Terrain (2014).
Littérature d’atmosphère génératrice d’ambiances troubles
qui ébranlent le réel, le fantastique est un exercice de
funambule auquel excellent les écrivains qui savent suggérer
l’indicible.