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N°189 décembre 2023<br />
La TVA, une passion française<br />
La modification du taux de TVA, à la hausse ou à la baisse, relève de l’orfèvrerie. Alors que le monde du esport, pour la<br />
billetterie des compétitions, et que les centres équestres ont obtenu la baisse de la TVA à 5,5%, le secteur des loisirs sportifs<br />
marchands (salles de sport, fitness, yoga), activités de sport intérieur et extérieur (foot à 5, escalade, tennis-padel, piscines<br />
et patinoires en délégation de service public) crie à l’« injustice fiscale ».<br />
LA LETTRE DE L’OFFICIEL JURIDIQUE DU SPORT<br />
ors de la clôture de la<br />
Paris Games Week,<br />
Emmanuel Macron a<br />
rappelé, dans une courte vidéo,<br />
l’importance de<br />
l’esport. Un secteur qui pèse<br />
en France 5,5 milliards d’euros<br />
de chiffre d’affaires en<br />
2022, soit plus que le cinéma<br />
et la musique réunis. Dans ce<br />
contexte s’appliquera à partir<br />
du 1er janvier prochain<br />
l’abaissement de la TVA à<br />
5,5 % sur les billets des compétitions<br />
de jeux vidéo. Une<br />
décision prise pour s’aligner<br />
sur la fiscalité « des concerts<br />
et des rencontres sportives »,<br />
a justifié le ministre de<br />
l’Économie, Bruno Le<br />
Maire. Un geste fiscal que<br />
les 6.000 centres équestres<br />
viennent également d’obtenir<br />
pour leurs activités d’enseignement<br />
à l’équitation.<br />
Sommaire<br />
Il n’en fallait pas plus pour<br />
faire bondir le secteur des<br />
sports marchands (salles de<br />
sport, fitness, yoga) et des<br />
activités de sport intérieur et<br />
extérieur (foot à cinq, escalade,<br />
padel). Dans une tribune<br />
rédigée par leur fédération,<br />
l’Union Sport & Cycle<br />
(USC) et intitulée « Pour une<br />
vraie nation sportive, arrêtons<br />
de pénaliser le sport ! »,<br />
le secteur, qui regroupe<br />
7.000 établissements, fustige<br />
une « injustice fiscale ». « En<br />
effet, toutes les activités ludiques<br />
(minigolf, escalade<br />
pour enfants, trampoline<br />
park, acrobranche…), rejointes<br />
désormais par le<br />
sport équestre et l’esport,<br />
jouissent déjà d’un taux de<br />
TVA réduit, s’insurge l’USC.<br />
La seule exception des loisirs<br />
sportifs marchands renforce<br />
l’injustice d’un deux poids,<br />
deux mesures. »<br />
Alors que l’année 2024 sera<br />
ponctuée par les Jeux olympiques<br />
et paralympiques de<br />
Paris, le texte soulève une<br />
autre incohérence : « Dans<br />
un pays où l’on prétend soutenir<br />
l’activité physique et<br />
sportive et qui s’apprête à<br />
accueillir le plus grand événement<br />
sportif de la planète,<br />
ces pratiques restent pénalisées<br />
! » Tandis que plusieurs<br />
États européens accordent un<br />
taux de TVA réduit aux loisirs<br />
sportifs marchands, la<br />
tribune met en avant les<br />
bienfaits du sport et notamment<br />
son rôle dans « la lutte<br />
contre la sédentarité » (le<br />
coût de l’inactivité physique<br />
en France s’élève à plus de<br />
140 milliards d’euros par<br />
an). « En augmentant le<br />
nombre de pratiquants réguliers<br />
de 10 %, le gain est estimé<br />
à 300 M€ par an. »<br />
« Seule la billetterie des<br />
compétitions est<br />
concernée »<br />
À l’origine du dépôt de<br />
l’amendement instaurant la<br />
baisse de la TVA sur la billetterie<br />
esport, le député<br />
Renaissance Denis<br />
Masséglia tord le cou à l’idée<br />
du cadeau fiscal aux amateurs<br />
de jeux vidéo : « La<br />
TVA sur les jeux vidéo reste à<br />
20 %. Seule la billetterie des<br />
compétitions est<br />
Tribune<br />
Lire Jankélévitch pour comprendre le droit du football ? Dans l’affaire « RFC Seraing », la<br />
Cour de cassation belge tente une « ouverture sur l’indicible » des clauses d’arbitrage ......2<br />
Chronique judiciaire<br />
Une enquête ouverte visant la FFT pour des soupçons de détournements de billets....................5<br />
Reims reconnu comme l’employeur.................................................................................................5<br />
Législation<br />
La Défenseure des droits demande de « garantir l’accès de tous les enfants » au sport...............6<br />
Amendement FIFA : le Sénat contre-attaque...................................................................................8<br />
Le sport sur ordonnance réintégré par le gouvernement.................................................................8<br />
pro.sport.fr/lofficiel-juridique-du-sport<br />
concernée. » Et l’édile de<br />
préciser que le manque à gagner<br />
pour les caisses de<br />
l’État sur la billetterie s’évalue<br />
entre 180.000 et<br />
200.000 €, « contre 315 M€<br />
pour les rencontres sportives,<br />
par exemple. »<br />
Nouveau round au Sénat<br />
Tandis que le projet de loi de<br />
finances pour 2024 a été voté<br />
en première lecture à<br />
l’Assemblée nationale, les<br />
salles de sport organisent la<br />
contre-attaque. Michel<br />
Savin, sénateur LR, devrait<br />
porter un amendement pour<br />
« demander plus de cohérence<br />
et trouver une équité<br />
de traitement ». « Je suis<br />
bien conscient de la situation<br />
financière du pays et des difficultés<br />
à boucler le budget.<br />
Le gouvernement sera sans<br />
doute réticent à faire baisser<br />
ses recettes, mais il faut un<br />
débat pour mettre fin à cette<br />
incohérence qui fait que certains<br />
s’acquittent d’une TVA<br />
à 5,5 % et d’autres à 10 %. »<br />
L’Officiel juridique du sport<br />
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Tribune<br />
N°189 La Lettre de l’Officiel juridique du sport décembre 2023<br />
Lire Jankélévitch pour comprendre le droit du<br />
football ? Dans l’affaire « RFC Seraing », la Cour<br />
de cassation belge tente une « ouverture sur<br />
l’indicible » des clauses d’arbitrage<br />
Dans une affaire concernant la tierce propriété (Third Party Ownership) (TPO), dans un arrêt intermédiaire du 8<br />
septembre 2023 (1), la Cour de cassation belge pose deux questions de fond à la Cour de Justice de l’UE (CJUE). En<br />
cause, l’interdiction de la TPO inscrite aux articles 18bis-18ter du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs<br />
(RSTS) de la FIFA (2). La juridiction d’envoi demande si les garanties judiciaires européennes (autorité de la CJUE,<br />
renvoi judiciel, procès équitable) font obstacle à une application orthodoxe du Code judiciaire belge (CJB), pour autant<br />
qu’il attache à une sentence arbitrale la force de la chose jugée. Mettant en exergue le statut privé du Tribunal Arbitral<br />
du Sport (TAS) et son siège établi en dehors de l’UE, ainsi que l’impossibilité pour lui de saisir la CJUE d’une question<br />
préjudicielle, l’affaire pourrait conforter le TAS et diminuer l’insécurité entourant les clauses d’arbitrage. Une telle «<br />
ouverture sur l’indicible » pour emprunter une phrase du philosophe Jankélévitch, créateur d’un vocabulaire dont un<br />
nouvel ouvrage (3) souligne la pertinence pour comprendre le football.<br />
Par Jacob Kornbeck, Bruxelles<br />
LA LETTRE DE L’OFFICIEL JURIDIQUE DU SPORT<br />
e litige en cause oppose<br />
le club belge<br />
RFC Seraing et son<br />
investisseur maltais Doyen<br />
Sports Ltd (soutenus par<br />
onze individus) à la FIFA,<br />
l’UEFA und et l’URBSFA<br />
(Union Royale Belge des<br />
Sociétés de Football-<br />
Association), les requérants<br />
ayant attaqué les articles<br />
18bis-18ter. Il a fait l’objet<br />
d’une sentence arbitrale du<br />
TAS (9 mars 2017) (4) et<br />
d’un jugement du Tribunal<br />
fédéral suisse (20 février<br />
2018) (5) avant d’entrer dans<br />
le circuit judiciaire belge.<br />
Suite aux jugements des<br />
Tribunaux de première instance<br />
de Liège (27 juin 2017)<br />
et de Bruxelles (24 août<br />
2018), ainsi que de la Cour<br />
d’appel de Bruxelles (29 août<br />
2018) (6), la Cour de cassation<br />
a donc décidé de poser<br />
d’abord deux questions préjudicielles.<br />
Pour rappel, l’article 18bis<br />
RSTS (« Influence d’une<br />
tierce partie sur des clubs »)<br />
prévoit qu’aucun club « ne<br />
peut signer de contrat permettant<br />
au(x) club(s) adverse(s),<br />
et vice versa, ou à<br />
des tiers d’acquérir, dans le<br />
cadre du travail ou des transferts,<br />
la capacité d’influer<br />
sur l’indépendance ou la politique<br />
du club ou encore sur<br />
les performances de ses<br />
équipes. » (7) En cas de nonrespect,<br />
il permet à la<br />
Commission de Discipline<br />
de la FIFA d’imposer des<br />
sanctions (8). Quant à l’article<br />
18ter RSTS<br />
(« Propriété des droits économiques<br />
des joueurs par des<br />
tiers »), dès 1er mai 2015, il<br />
interdit formellement aux<br />
clubs de signer des accords «<br />
avec un tiers permettant à celui-ci<br />
de pouvoir prétendre,<br />
en partie ou en intégralité, à<br />
une indemnité payable en relation<br />
avec le futur transfert<br />
d’un joueur d’un club vers un<br />
autre club, ou de se voir attribuer<br />
tout droit en relation<br />
avec un transfert ou une indemnité<br />
de transfert futur(e).<br />
» (9) Si l’ingérence avec les<br />
libertés économique est évidente,<br />
la possibilité d’un objectif<br />
légitime méritant la validation<br />
des arrangements en<br />
place l’est tout autant.<br />
Pour la Cour de cassation,<br />
cependant, il s’agit d’emblée<br />
de clarifier la portée des mécanismes<br />
d’arbitrage ayant<br />
été activés au sein du présent<br />
litige. C’est ainsi qu’elle a<br />
posé deux questions à la<br />
CJUE, dont la première porte<br />
sur les garanties fournies par<br />
les articles 19 § 1 TUE (rôle<br />
de la CJUE), 267 TFUE<br />
(droit/obligation de renvoi)<br />
ainsi que 47 de la Charte des<br />
droits fondamentaux (droit<br />
au procès équitable). Le juge<br />
national souhaite savoir si<br />
ces garanties européennes<br />
font<br />
obstacle<br />
« à l’application de dispositions<br />
de droit national telles<br />
que les articles 24 et 1710, §<br />
9, du Code judiciaire belge<br />
[CJB], tendant à sanctionner<br />
le principe de l’autorité de la<br />
chose jugée, à une sentence<br />
arbitrale dont le contrôle de<br />
conformité au droit de<br />
l’Union européenne a été effectué<br />
par une juridiction<br />
d’un État non membre de<br />
l’Union, non admise à saisir<br />
la [CJUE] d’une question<br />
préjudicielle ? » La seconde<br />
question renvoyée porte sur<br />
les mêmes trois garanties et<br />
leur compatibilité avec<br />
« l’application d’une règle<br />
de droit national accordant à<br />
l’égard des tiers une force<br />
probante, sous réserve de la<br />
preuve contraire qu’il leur<br />
incombe de rapporter, à une<br />
sentence arbitrale dont le<br />
contrôle de conformité au<br />
droit de l’Union européenne<br />
a été effectué par une juridic-<br />
Jacob Kornbeck est fonctionnaire européen. Il enseigne à l'Université allemande du Sport de Cologne<br />
(management du sport) ainsi qu’à l’Université de Lille (droit du sport). Les opinions exprimées sont<br />
strictement personnelles et ne sauraient aucunement engager les institutions de l'Union européenne.<br />
2
Tribune<br />
N°189 La Lettre de l’Officiel juridique du sport décembre 2023<br />
tion d’un État non membre<br />
de l’Union, non admise à saisir<br />
la Cour de justice de<br />
l’Union européenne d’une<br />
question préjudicielle ? »<br />
Comme nous l’avions signalé<br />
à l’époque, s’agissant<br />
de la clause d’arbitrage inscrite<br />
aux Statuts de la FIFA<br />
(10), la Cour d’Appel de<br />
Bruxelles, dans son arrêt définitif<br />
du 29 août 2018 (11),<br />
avait constaté un manque de<br />
« rapport de droit déterminé<br />
» aux termes de l’article<br />
II de la Convention de New<br />
York (12). En effet, la Cour<br />
d’Appel avait constaté que la<br />
« soumission à l'arbitrage est<br />
prévue de manière générale<br />
pour tout litige entre certaines<br />
parties […] mais sans<br />
aucune précision au indication<br />
quant au rapport de<br />
droit concerné. L’arbitrage<br />
du [TAS] est ainsi prévu<br />
comme mode de règlement<br />
pour tout litige entre ces parties,<br />
avec une portée générale<br />
[…]. La volonté des rédacteurs<br />
est visiblement<br />
d’appréhender tout type de<br />
litige entre les parties désignées,<br />
ce qui en fait une<br />
clause générale, qui ne saurait<br />
recevoir d’application,<br />
car ne constituant pas une<br />
clause d’arbitrage reconnue<br />
en droit belge » (13).<br />
Soulignant qu’aux termes de<br />
l’article 1713 § 9 CJB, « la<br />
sentence a, dans les relations<br />
entre les parties, les mêmes<br />
effets qu’une décision d’un<br />
Vladimir Jankélévitch, philosophe français (1903-1985)<br />
tribunal », la Cour de cassation<br />
a rappelé qu’il « résulte<br />
de ces dispositions légales<br />
qu’une sentence arbitrale a<br />
l’autorité de la chose jugée<br />
dès la date à laquelle elle est<br />
rendue sans qu’une procédure<br />
d’exequatur doive être<br />
préalablement diligentée,<br />
sous réserve d’une réformation<br />
en appel devant d’autres<br />
arbitres ou d’une annulation<br />
par le juge étatique » (14).<br />
Suite page 4<br />
LA LETTRE DE L’OFFICIEL JURIDIQUE DU SPORT<br />
1 Belgique, Cour de cassation, 08 septembre 2023, N° C.20.0429.F. Royal Football Club de Seraing, S.A. contre FIFA, UEFA, URBSFA, en présence de Doyen Sports<br />
Investment Ltd, Sliema, Malte, https://juricaf.org/arret/BELGIQUE-COURDECASSATION-20230908-C200429F.<br />
2 Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs. Édition d’octobre 2022. https://digitalhub.fifa.com/m/31f94fc88a51841e/original/Reglement-du-Statut-et-du-Transfertdes-Joueurs-Edition-d-octobre-2022.pdf.<br />
– Cf. FIFA, Circulaire n° 1464 du 22 décembre 2014,<br />
https://resources.fifa.com/mm/document/affederation/administration/02/49/57/42/tpocircular1464_fr_french.pdf<br />
3 S. Floccari, Pourquoi le football ? Le ballon rond au moment opportun. Paris, Les Belles Lettres (2020), cf. pp. 167-168 : « Soit ‘une allusion à l’infini et une ouverture<br />
sur l’indicible. Ce résidu de mystère est la seule chose qui vaille la peine, la // seule qu’il importait de connaître, et qui, comme exprès, demeure inconnaissable.’ Qu’est-ce<br />
que l’indicible ? C’est ‘surtout une invitation à dire et à redire sans cesse, un rappel toujours renouvelé à la communication. »<br />
4 Arbitrage TAS 2016/A/4490 RFC Seraing c. Fédération Internationale de Football Association (FIFA), sentence du 9 mars 2017. http://jurisprudence.tascas.org/Shared%20Documents/4490.pdf<br />
5 Tribunal fédéral suisse, 1re cour de droit civil, arrêt 4A_260/2017 du 20 février 2018, RFC Seraing c/ FIFA, ATF 144 III 120 – Cf. M. Maisonneuve, commentaire dans<br />
Revue de l’arbitrage, n° (2018), pp. 667-675.<br />
6 Cour d’appel de Bruxelles, 18ème chambre francophone des affaires civiles. Numéro de rôle 2016/AR/2048. Numéro de répertoire 2018/6348. Vaja ID 1227181. Date du<br />
prononcé 29 août 2018. – Cf. J. Kornbeck, L’arrêt « Seraing » de la Cour d’Appel de Bruxelles pointe absence d’un « rapport de droit déterminé » dans la clause d’arbitrage<br />
de la FIFA. LOJS n° 132 (2018), pp. 3-5.<br />
7 Article 18bis § 1 RSTS.<br />
8 Article 18bis § 2 RSTS.<br />
9 Article 18ter § 1 RSTS.<br />
10 Article 59 des Statuts de la FIFA. Règlement d’application des statuts. Règlement du Congrès. Édition : août 2018, https://resources.fifa.com/image/upload/the-fifastatutes-2018.pdf?cloudid=jc1d1jlinkdpkkefwff2.<br />
11 Cour d’appel de Bruxelles, 29 août 2018 (op.cit.).<br />
12 Convention pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères signée à New York le 10 juin 1958,<br />
http://www.uncitral.org/pdf/french/texts/arbitration/NY-conv/XXII_1_f.pdf<br />
13 Cour d’appel de Bruxelles, 29 août 2018 (op.cit.), § 14.<br />
14 Cour de cassation, 8 septembre 2023 (op.cit.), § 90. – Citant plusieurs sources de la doctrine nationale.<br />
15 Ibid., § 91.<br />
16 Ibid., § 91.<br />
17 Ibid., § 92.<br />
18 Ibid., § 95. – Citant plusieurs sources de la doctrine nationale.<br />
19 Ibid., § 95.<br />
20 Ibid., § 96.<br />
21 Ibid., § 97. – Pour une discussion de la jurisprudence de la CEDH relative à l’indépendance et l’impartialité du TAS, voir M. Maisonneuve, Le Tribunal arbitral du sport<br />
et le droit au procès équitable : l’arbitrage bienveillant de la Cour européenne des droits de l’homme. (obs. sous Cour eur. dr. h., arrêt Mutu et Pechstein c. Suisse, 2 octobre<br />
2018). RTDH n° 119/3 (2019), pp. 687-705.<br />
22 S. Floccari (2023) (op.cit.).<br />
23 V. Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque rien (nouvelle édition). Paris, Seuil (1980). Tomes I, II, III.<br />
24 S. Floccari (2023) (op.cit.), p. 172 : « Toute la langue philosophique de Jankélévitch peut s’étendre et se parcourir comme un dictionnaire intempestif et passionné des<br />
grandes notions footballistiques que je grand penseur du ‘Je-ne-sais-quoi’ et du ‘Presque-rien’ a patiemment compilées à de tout autres fins que sportives : l’occasion,<br />
l’efficacité, l’incompréhension, la saison, la simplicité, la chance, le mérite, l’intervalle, l’intention, la manière, le renversement, l’ouverture, etc. »<br />
25 S. Floccari, Pourquoi le football ? Le ballon rond au moment opportun. Paris, Les Belles Lettres (2020), cf. pp. 167-168 : « Soit ‘une allusion à l’infini et une ouverture<br />
sur l’indicible. Ce résidu de mystère est la seule chose qui vaille la peine, la // seule qu’il importait de connaître, et qui, comme exprès, demeure inconnaissable.’ Qu’est-ce<br />
que l’indicible ? C’est ‘surtout une invitation à dire et à redire sans cesse, un rappel toujours renouvelé à la communication. »<br />
26 Maisonneuve (2018) (op.cit.), p. 690 : « Le TAS n’est en effet pas une institution d’arbitrage ordinaire. Il s’agit d’une institution à laquelle les sportifs sont souvent forcés<br />
d’avoir recours, se voyant détournés des juridictions étatiques sans y avoir véritablement consenti, qui plus est pour que soient tranchés de manière quasi définitive des litiges<br />
dans lesquels, au-delà des questions pécuniaires, des droits fondamentaux sont fréquemment en jeu. »<br />
27 S. Floccari (2023) (op.cit.), p. 165 : « « cocasserie de l’allusion footballistique confine au génie iconoclaste ».<br />
28 Ibid., p. 198.<br />
3
Tribune<br />
N°189 La Lettre de l’Officiel juridique du sport décembre 2023<br />
Lire Jankélévitch pour comprendre le droit du<br />
football ? Dans l’affaire « RFC Seraing », la Cour<br />
de cassation belge tente une « ouverture sur<br />
l’indicible » des clauses d’arbitrage<br />
Suite de la page 3<br />
LA LETTRE DE L’OFFICIEL JURIDIQUE DU SPORT<br />
Dès lors, l’arrêt du TF suisse<br />
du 20 février 2018 devrait –<br />
normalement – entraîner la<br />
force de chose jugée (15)…<br />
si ce n’est que la sentence du<br />
TAS (attaquée devant le TF)<br />
« tranche la question litigieuse<br />
de la compatibilité des<br />
articles 18bis et 18ter du règlement<br />
avec le droit de<br />
l’Union européenne, posée<br />
dans des termes identiques<br />
devant la cour [d’appel] dans<br />
le cadre de l’action en responsabilité<br />
civile. » (16)<br />
Comme le club avait mis en<br />
jeu les garanties européennes<br />
(articles 19 TUE, 267 TFUE,<br />
47 Charte), et comme les « libertés<br />
de l’Union européenne<br />
sont affectées » (17),<br />
la question de possibles entraves<br />
à une application orthodoxe<br />
des dispositions procédurales<br />
nationales (articles<br />
24 et 1710, § 9 CJB) se pose<br />
donc.<br />
En effet, la Cour de cassation<br />
précise que « selon la jurisprudence<br />
constante de la<br />
Cour de justice de l’Union<br />
européenne, un tribunal arbitral<br />
n’est pas une juridiction<br />
au sens de l’article 267<br />
du Traité sur le fonctionnement<br />
de l’Union européenne<br />
et ne peut donc pas lui poser<br />
de questions préjudicielles »<br />
(18). Quant à « l’impossibilité<br />
pour un tribunal arbitral,<br />
belge ou étranger », de saisir<br />
la CJUE conformément à<br />
l’article 267 TFUE (qui<br />
n’adresse que les tribunaux<br />
étatiques des États<br />
membres), elle « n’a pas en<br />
soi pour effet d’invalider » la<br />
jurisprudence CJUE interprétant<br />
l’article 6 § 1 CEDH<br />
(droit à un procès équitable)<br />
(19).<br />
« Le tribunal arbitral du<br />
sport est un véritable tribunal<br />
arbitral indépendant et<br />
impartial »<br />
La Cour de cassation note<br />
que le club avait mis en<br />
cause, devant le TF suisse, la<br />
qualité de juridiction impartiale<br />
et indépendante du CAS<br />
(au sens de l’article 6 § 1<br />
CEDH), mais aussi que le TF<br />
avait rejeté ce moyen, précisant<br />
« que le tribunal arbitral<br />
du sport est un véritable tribunal<br />
arbitral indépendant et<br />
impartial, et qu’il n’avait aucune<br />
raison de revenir sur<br />
une jurisprudence fermement<br />
établie », que ce soit par<br />
rapport « à l’indépendance<br />
structurelle et financière du<br />
tribunal arbitral du sport par<br />
rapport aux fédérations<br />
sportives en général » ou<br />
« en particulier et au principe<br />
de proportionnalité des<br />
sanctions » (20). La Cour de<br />
cassation a rappelé qu’en<br />
vertu de l’article 22 § 1er, du<br />
Code de droit international<br />
privé belge, « tout jugement<br />
étranger est reconnu de plein<br />
droit en Belgique sans aucune<br />
procédure. Cette reconnaissance<br />
a pour effet d’admettre<br />
en Belgique l’autorité<br />
de la chose jugée de la décision<br />
étrangère. » Ainsi, l’effet<br />
positif de la chose jugée à<br />
travers l’arrêt du TF fait obstacle<br />
aux moyens du club<br />
tendant à remettre en cause<br />
l’indépendance et l’impartialité<br />
du TAS (21).<br />
Or, la Cour de cassation souhaite<br />
connaître la véritable<br />
portée des garanties européennes<br />
(articles 19 TUE,<br />
267 TFUE, 47 Charte). Si la<br />
CJUE finit par juger qu’elles<br />
ne font pas obstacle à une application<br />
orthodoxe des<br />
règles procédurales nationales<br />
(articles 24 et 1710, § 9<br />
CJB), nous pourrons donc<br />
nous attendre à un jugement<br />
définitif de la Cour de cassation<br />
attachant – en droit belge<br />
interne – à la sentence arbitrale<br />
du TAS, ainsi qu’à l’arrêt<br />
du TF suisse, toute l’autorité<br />
de la chose jugée.<br />
D’autant plus qu’à travers<br />
son arrêt préliminaire du 8<br />
septembre 2023, elle s’est<br />
écartée sensiblement des<br />
termes de l’arrêt final de la<br />
Cour d’Appel.<br />
Si les paramètres inconnus –<br />
voire inconnaissables – qui<br />
demeurent semblent (trop)<br />
nombreux, cela reflète peutêtre<br />
la nature autant du football<br />
que de son droit. Car<br />
comme le précise le philosophe<br />
Stéphane Floccari<br />
dans un ouvrage paru tout récemment<br />
(22), le football<br />
échappe aux tentatives de<br />
capter sa nature et – surtout –<br />
son appréciation de manière<br />
rationnelle. S’appuyant sur<br />
l’œuvre de Vladimir<br />
Jankélévitch (1903–1985),<br />
élève d’Henri Bergson<br />
(1859–1941) et auteur d’une<br />
trilogie sur l’impossibilité de<br />
savoir – « Le Je-ne-sais-quoi<br />
et le presque rien » (23),<br />
Floccari souligne que l’utilité<br />
du vocabulaire développé<br />
par Jankélévitch pour expliquer<br />
le football . Dans le cas<br />
en espèce, la notion-clef serait<br />
sans doute « l’ouverture<br />
sur l’indicible » (25) souhaitée<br />
par la Cour de cassation<br />
autant que par les parties au<br />
litige. Si la CJUE répond aux<br />
deux « questions belges »<br />
dans la négative, ce serait<br />
étonnant de ne pas voir la<br />
FIFA, l’UEFA, l’URBSFA,<br />
le TAS et le TF suisse confortés<br />
dans l’arrêt belge final.<br />
Or, la question de légitimité<br />
d’un arbitrage forcé ne cessera<br />
pas de se poser, dont les<br />
sportifs de ne sauraient s’extraire<br />
(26). Ne l’avoir pas<br />
adressée serait bien malheureux.<br />
Si la mutualisation et<br />
les références croisées entre<br />
football, droit et philosophie<br />
ont leurs limites malgré tout<br />
(27), citons tout de même<br />
Floccari une dernière fois, en<br />
guise de tentative de conclusion<br />
: « Comme le dit l’adage<br />
italien, ‘un penalty arrêté est<br />
un penalty manqué’ (un rigore<br />
sparato è un rigore sbagliato)<br />
» (28). Laissons-nous<br />
surprendre.<br />
Jacob Kornbeck<br />
4
Chronique judiciaire<br />
International<br />
N°189 La Lettre de l’Officiel juridique du sport décembre 2023<br />
LA LETTRE DE L’OFFICIEL JURIDIQUE DU SPORT<br />
Une enquête ouverte visant la FFT<br />
pour des soupçons de détournements<br />
de billets<br />
Une enquête a été ouverte à la demande de la cour d’appel de Paris après le<br />
classement d’une plainte sur des soupçons de détournement concernant la billetterie<br />
de Roland-Garros et visant la Fédération française de tennis (FFT), indique le<br />
parquet national financier (PNF).<br />
n septembre, l’histoire<br />
douloureuse de<br />
Florent Duparchy,<br />
23 ans, était médiatisée par<br />
L’Équipe. On apprenait que<br />
le gardien de but avait porté<br />
plainte contre le Stade de<br />
Reims pour « mise en danger<br />
de la vie d’autrui »,<br />
après deux commotions cérébrales<br />
qu’il estime avoir<br />
été mal prises en charge par<br />
son club. Une première<br />
ffaire classée ? Pas<br />
vraiment. Le PNF<br />
avait annoncé mijuin<br />
classer sans suite « pour<br />
absence d’infraction » une<br />
plainte déposée le 16 mars<br />
par des cadres et d’anciens<br />
dirigeants de la FFT. Ceuxci<br />
accusaient l’actuel président<br />
de la Fédération française<br />
de tennis, Gilles<br />
Moretton, et deux de ses<br />
proches, le trésorier Jean-<br />
Luc Barrière et son ancien<br />
directeur de cabinet Hugues<br />
Cavallin, d’avoir « organisé<br />
le détournement de billets<br />
du tournoi de Roland-<br />
Garros au préjudice de la<br />
FFT ». Le PNF avait estimé<br />
que les cessions de billets,<br />
mises en cause par les plaignants<br />
et l’association<br />
Anticor, étaient « intervenues<br />
avant la modification »<br />
du règlement de la FFT encadrant<br />
la billetterie de la levée<br />
française du Grand<br />
Chelem. En outre, avait argumenté<br />
le PNF, les billets<br />
octroyés aux ligues « ont<br />
donné lieu à des contreparties<br />
financières cohérentes<br />
au profit des ligues concernées,<br />
sans aucun détournement<br />
ou profit personnel de<br />
la part des dirigeants ». Les<br />
soupçons de corruption dénoncés<br />
avaient aussi été<br />
écartés.<br />
Mais l’avocat des plaignants,<br />
Me Jean-Pierre<br />
Versini-Campinchi – mort le<br />
dans le football. C’est un<br />
autre dossier, que L’Équipe<br />
met en lumière. Censé être<br />
transféré cet été à l’En<br />
Avant Guingamp, qui n’a<br />
finalement pas voulu de lui<br />
à cause de la réapparition<br />
de symptômes inquiétants<br />
(maux de tête) lors des premiers<br />
entraînements,<br />
Duparchy ne savait même<br />
plus, contractuellement, qui<br />
était son employeur.<br />
12 octobre -, avait contesté<br />
le 30 juin auprès du parquet<br />
général cette décision. Il<br />
avait notamment listé les<br />
points sur lesquels le PNF<br />
avait procédé, selon lui, à<br />
une mauvaise analyse. Le<br />
parquet général a fait droit à<br />
la requête des plaignants et<br />
demandé au PNF en juillet<br />
d’ouvrir une enquête préliminaire.<br />
« Nous sommes sereins,<br />
cette enquête ne peut<br />
pas déboucher sur autre<br />
chose qu’un classement<br />
sans suite », a réagi l’avocat<br />
de Gilles Moretton, Me<br />
Alain Jakubowicz. « Le<br />
classement sans suite du<br />
PNF était inhabituellement<br />
et exceptionnellement motivé<br />
», a-t-il ajouté.<br />
Reims reconnu comme l’employeur<br />
Alors que le jeune gardien Florent Duparchy, victime de commotion cérébrale, n’est<br />
plus payé depuis début juillet à la suite d’un transfert avorté à Guingamp, la<br />
commission juridique de la LFP confirme qu’il est bien lié au Stade de Reims.<br />
Les deux clubs se renvoyant<br />
la balle, il n’était<br />
plus payé depuis début<br />
juillet (environ 2.900 €<br />
mensuels, ndlr). La commission<br />
juridique de la<br />
Ligue du football professionnel<br />
(LFP), saisie par<br />
Reims, a tranché : le gardien<br />
appartient toujours à la<br />
formation champenoise,<br />
qui aurait trop tardé dans les<br />
procédures.<br />
En bref<br />
Le CIO asssouplit ses<br />
règles. Le comité international<br />
olympique assouplit ses règles<br />
en matière de liberté<br />
d’expression. Les membres du<br />
CIO ont rajouté quelques lignes<br />
au texte initial, visant à<br />
conforter la liberté d’expression<br />
des athlètes durant la<br />
compétition. Il est ainsi écrit<br />
désormais que « tous les<br />
concurrents, officiels d’équipe<br />
ou autres membres du<br />
personnel d’équipe participant<br />
aux Jeux Olympiques jouiront<br />
de la liberté d’expression dans<br />
le respect des valeurs<br />
olympiques et des principes<br />
fondamentaux de l’Olympisme,<br />
et conformément aux Directives<br />
établies par la commission<br />
exécutive du CIO ».<br />
La fédération italienne veut<br />
« accompagner » les joueurs<br />
accros aux paris sportifs.<br />
Gabriele Gravina, le président<br />
de la Fédération italienne de<br />
football (FIGC), estime que son<br />
instance doit accompagner les<br />
joueurs addicts aux paris<br />
sportifs alors qu’une affaire<br />
secoue le football transalpin. La<br />
FIGC a notamment infligé une<br />
suspension de sept mois à<br />
Nicolo Fagioli, milieu de terrain<br />
de 22 ans de la Juventus qui a<br />
reconnu avoir fait des paris<br />
sportifs sur des plateformes<br />
illégales. Un choix qui explique<br />
que certaines sanctions soient<br />
moins sévères si un joueur<br />
accepte de collaborer et de se<br />
soigner. « Nous devons<br />
accompagner ces jeunes gens<br />
dans leur processus de<br />
développement. C’est la raison<br />
pour laquelle nos sanctions leur<br />
donnent pour la première fois la<br />
possibilité de se rattraper »,<br />
indique Gabriele Gravina.<br />
Fagioli, dont les dettes de jeux<br />
ont dépassé les trois millions<br />
d’euros, était passible d’une<br />
suspension de trois années pour<br />
infraction du code de la FIGC<br />
qui proscrit à un joueur<br />
professionnel de parier sur des<br />
matchs de football. Mais la<br />
FIGC a tenu compte de sa<br />
coopération et a assorti sa<br />
suspension d’une obligation de<br />
soins.<br />
5
Législation<br />
N°189 La Lettre de l’Officiel juridique du sport décembre 2023<br />
La Défenseure des droits demande de « garantir<br />
l’accès de tous les enfants » au sport<br />
Lundi 20 novembre, à l’occasion de la journée internationale des droits de l’enfant, la Première ministre Elisabeth<br />
Borne a présidé le troisième Comité interministériel à l’enfance (CIE), en présence de 11 ministres. Dans un rapport,<br />
la Défenseure des droits met en avant « les inégalités subies » par les enfants et qui les empêchent « d’accéder aux repos<br />
et aux loisirs ». Elle demande à ce que les 3 heures de sport hebdomadaires à l’école et au collège, soient respectées.<br />
LA LETTRE DE L’OFFICIEL JURIDIQUE DU SPORT<br />
l faut « garantir l’accès<br />
de tous les enfants, dans<br />
des conditions d’égalité,<br />
aux loisirs, au sport et à la<br />
culture », préconise Claire<br />
Hédon, la Défenseure des<br />
droits, dans le rapport 2023<br />
consacré au « droit des enfants,<br />
aux loisirs, au sport et<br />
à la culture ». Ce « droit aux<br />
loisirs est cependant peu reconnu<br />
en tant que tel et demeure<br />
souvent considéré<br />
comme un aspect accessoire<br />
de la vie des enfants », regrette<br />
Claire Hédon alors<br />
qu’« il est consacré juridiquement<br />
» notamment dans<br />
le préambule de la<br />
Constitution française du 27<br />
octobre 1946 qui « prévoit<br />
que la nation garantit à<br />
tous, notamment à l’enfant,<br />
le repos et les loisirs ».<br />
Cette notion a aussi été érigée<br />
« en droit par la<br />
Convention internationale<br />
des droits de l’enfant »,<br />
poursuit le rapport. L’enfant<br />
en a besoin pour « son épanouissement<br />
personnel, son<br />
insertion sociale » et « la<br />
construction de son identité<br />
».<br />
L’autorité administrative indépendante,<br />
qui a consulté<br />
3.600 enfants, demande que<br />
l’enseignement obligatoire<br />
de la pratique sportive à<br />
l’école et au collège (trois<br />
heures hebdomadaires), pas<br />
toujours respecté, soit « effectif<br />
». « Les enfants en<br />
France ont deux fois moins<br />
d’activités sportives que la<br />
moyenne des pays européens,<br />
et les filles en France<br />
deux fois moins que les garçons<br />
», affirme Claire<br />
Hédon.<br />
« L’arrivée des JO en<br />
France est l’occasion de se<br />
poser la question de la<br />
place donnée au sport dans<br />
le quotidien des enfants »,<br />
appuie la Défenseure des<br />
droits. Car le rapport met en<br />
exergue « les inégalités subies<br />
» par les enfants et qui<br />
les empêchent « d’accéder<br />
aux repos et aux loisirs ».<br />
Il y a « la précarité économique<br />
et sociale, le lieu de<br />
résidence », ou encore « les<br />
coûts », qui constituent des<br />
« critères discriminatoires :<br />
dans les familles avec des<br />
hauts revenus, six enfants<br />
sur dix sont inscrits dans<br />
une association sportive ou<br />
culturelle », pose Claire<br />
Hédon, alors que « dans les<br />
familles à bas revenus, c’est<br />
trois sur dix », affirme la<br />
Défenseure des droits.<br />
« 71 % des enfants dont les<br />
parents disposent de bas revenus<br />
ne sont pas inscrits<br />
dans un club ou une association<br />
sportive et culturelle,<br />
contre 38 % des enfants<br />
dont les parents disposent<br />
de hauts revenus », selon<br />
le rapport. En outre,<br />
« les conditions d’accès aux<br />
loisirs des enfants ne sont<br />
pas les mêmes pour ceux résidant<br />
dans les territoires<br />
très urbanisés, au sein des<br />
quartiers prioritaires, dans<br />
les territoires ruraux ou encore<br />
en Outre-mer ». Claire<br />
Hédon est « frappée d’observer<br />
que dans les zones<br />
rurales, les enfants ont<br />
beaucoup plus de difficultés<br />
à accéder aux sports et aux<br />
loisirs en raison des distances<br />
à parcourir ».<br />
Sur ce point, « il faudrait la<br />
gratuité des transports pour<br />
que justement, les jeunes<br />
puissent accéder à des activités<br />
sportives et culturelles<br />
», plaide Claire<br />
Guédon. Elle estime qu’il<br />
faudrait aussi davantage de<br />
diversité dans les infrastructures<br />
sportives à disposition<br />
des enfants. Elle prend ainsi<br />
en exemple les quartiers<br />
prioritaires de la ville où « il<br />
y a souvent des terrains de<br />
foot », mais « très peu de<br />
cours de tennis ou de piscines<br />
: or, c’est essentiel de<br />
savoir nager ».<br />
Parmi les recommandations<br />
du rapport, il y a la lutte<br />
« contre les obstacles économiques<br />
et sociaux à l’accès<br />
aux loisirs ». Cela peut<br />
passer notamment par<br />
l’« augmentation du montant<br />
forfaitaire alloué par le<br />
Pass’Sport pour les familles<br />
aux revenus modestes »,<br />
mais aujourd’hui, le problème<br />
est qu’« il y a pas mal<br />
de familles et de jeunes qui<br />
ne sont pas forcément au<br />
courant et qui ne le sollicitent<br />
pas ». Mais cette aide<br />
financière de 50 € « ne suffit<br />
pas ». « Souvent, les inscriptions<br />
sont beaucoup<br />
plus chères », rappelle la<br />
Défenseure des droits.<br />
Elle réclame la mise en<br />
place « d’une politique<br />
prioritaire » afin d’« améliorer<br />
l’offre et l’accès aux<br />
sorties et aux séjours scolaires<br />
». Elle demande de<br />
« renforcer les enseignements<br />
d’éducation physique<br />
et sportive et d’éducation<br />
artistique et culturelle ».<br />
Sur ce point, Claire Hédon<br />
estime que « le premier lieu<br />
d’entrée du sport et de la<br />
culture, c’est l’école ». Il<br />
faut par ailleurs, « accroître<br />
le financement des associations<br />
d’éducation populaire<br />
» et « assurer aux enfants<br />
des familles hébergées<br />
par le Samu social le même<br />
accès péri et extrascolaires<br />
».<br />
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Législation<br />
N°189 La Lettre de l’Officiel juridique du sport décembre 2023<br />
Amendement FIFA : le Sénat contre-attaque<br />
La commission des finances du Sénat a adopté un amendement au projet de loi de finances pour 2024 afin de supprimer<br />
les exonérations fiscales en faveur des fédérations sportives internationales votées par les députés, qui devraient<br />
réintroduire ce dispositif.<br />
LA LETTRE DE L’OFFICIEL JURIDIQUE DU SPORT<br />
Le sport sur ordonnance réintégré par<br />
le gouvernement<br />
Le gouvernement a réintégré à son budget de la Sécurité sociale pour 2024, en cours<br />
d’examen, une mesure visant à permettre le remboursement de l’activité physique sur<br />
ordonnance pour certains malades, mais dans une version plus restreinte<br />
qu’initialement.<br />
e Sénat a adopté un<br />
amendement du gouvernement<br />
permettant<br />
la prise en charge « de programmes<br />
d’activité physique<br />
adaptée pour les patients<br />
traités pour un cancer », à<br />
ette disposition prévoit<br />
d’exonérer de<br />
l’impôt sur les sociétés,<br />
de la cotisation foncière<br />
et de la cotisation sur la valeur<br />
ajoutée les fédérations<br />
sportives internationales et<br />
d’exonérer également d’impôt<br />
sur le revenu leurs salariés<br />
pour une durée de cinq<br />
ans. Le gouvernement l’a<br />
justifiée en estimant qu’elle<br />
« favorisera l’installation et<br />
le maintien sur le territoire<br />
français » de ces instances<br />
« en leur garantissant un<br />
cadre fiscal adapté et pérenne<br />
pour leurs activités de<br />
gouvernance du sport et de<br />
promotion de la pratique<br />
sportive, qui sont exercées<br />
hors du champ concurrentiel<br />
ou marchand » (c’est-à-dire<br />
commercial et lucratif).<br />
Devant les députés, le 3 novembre,<br />
la ministre des<br />
sports et des Jeux Olympiques<br />
et Paralympiques,<br />
Amélie Oudéa-Castéra, tout<br />
en rejetant « le terme “cadeau”<br />
», avait expliqué qu’il<br />
s’agissait « d’une simple extension<br />
aux fédérations internationales<br />
sportives de<br />
dispositifs qui existent déjà<br />
pour les organisations internationales<br />
».<br />
« Cet article soulève des<br />
questions sérieuses de<br />
conformité à la<br />
Constitution », plaide, en<br />
premier lieu, Jean-François<br />
Husson (Les Républicains),<br />
auteur de l’amendement<br />
adopté par les sénateurs.<br />
« La portée du régime fiscal<br />
introduit par cet article ne<br />
semble pas proportionnée à<br />
l’objectif, qui est d’inciter<br />
titre expérimental pour une<br />
durée de deux ans et confiée<br />
aux agences régionales de<br />
santé (ARS).<br />
Un dispositif pérenne et plus<br />
large avait été initialement<br />
les fédérations sportives internationales<br />
à s’installer en<br />
France, ce qui pourrait<br />
constituer une rupture<br />
d’égalité devant les charges<br />
publiques », fait-il valoir.<br />
Les sénateurs considèrent<br />
non recevable l’« argument<br />
selon lequel les fédérations<br />
sportives internationales<br />
pourraient être assimilées à<br />
des organisations internationales<br />
» : le caractère dérogatoire<br />
des exonérations<br />
dont bénéficient ces dernières<br />
« est justifié par l’intérêt<br />
commun des États souverains<br />
qui décident de s’associer<br />
», alors que certaines<br />
fédérations sportives internationales<br />
« poursuivent des<br />
objectifs de rentabilité sans<br />
aucun rapport avec l’intérêt<br />
général ».<br />
envisagé dans le cadre du<br />
projet de loi de financement<br />
de la Sécurité sociale<br />
(PLFSS), incluant également<br />
les personnes atteintes de<br />
diabète. Mais le gouvernement<br />
l’avait retiré au cours<br />
Alors que, devant les députés,<br />
Amélie Oudéa-Castéra<br />
avait mis en avant « un dispositif<br />
attractif et proportionné<br />
» destiné à « renforcer<br />
le rôle et l’influence de<br />
la France, y compris dans le<br />
sport international », les sénateurs<br />
estiment que les motifs<br />
de cette dérogation « ne<br />
relèvent pas de manière évidente<br />
de l’intérêt de la nation<br />
». A leurs yeux, cette<br />
disposition fiscale est « de<br />
nature à nuire au consentement<br />
à l’impôt », d’autant<br />
plus à un moment où « des<br />
efforts importants sont aujourd’hui<br />
nécessaires » pour<br />
réduire le déficit et la dette.<br />
La bataille parlementaire se<br />
poursuit. Pour continuer<br />
d’exister, l’amendement doit<br />
franchir l’obstacle du vote<br />
en séance publique.<br />
de la navette parlementaire,<br />
frappée de l’article 49.3 qui<br />
lui permet de sélectionner les<br />
amendements à sa guise. Ce<br />
retrait avait entraîné une<br />
pluie de critiques d’associations<br />
et d’organisations de<br />
patients et soignants, alors<br />
qu’Emmanuel Macron a fait<br />
de l’activité physique une<br />
grande cause nationale pour<br />
2024. « Cette expérimentation<br />
permettra de construire<br />
un parcours adapté pour le<br />
public ciblé », explique désormais<br />
Agnès Firmin Le<br />
Bodo, ministre des<br />
Professions de santé.<br />
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