Retour sur la rencontre avec Hubert Ben Kemoun - Jean-Marc Muller
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ménager une ouverture/<br />
En ce qui concerne <strong>la</strong> spécificité d'écrire pour <strong>la</strong> jeunesse, ayant écrit lui-même,<br />
en dehors des pièces radiophoniques, qui n'ont pas été éditées, un seul livre pour adultes,<br />
il note que <strong>la</strong> différence d'écriture est fine. Elle tient à <strong>la</strong> liberté qu'il peut s'octroyer,<br />
lorsqu'il s'adresse à des adultes, de livrer de manière brute des impressions <strong>sur</strong> <strong>la</strong> vie qui<br />
s'achèveront éventuellement dans une impasse. En revanche, en littérature jeunesse, ce<strong>la</strong><br />
doit finir ouvert, nous dit-il. Il faut que quelque chose vive après <strong>la</strong> fin de l'histoire.<br />
/résister au comment...taire”<br />
Autre point important aux yeux de cet auteur : <strong>la</strong> pédagogie, c'est du rab ! Ses<br />
livres ne doivent pas “faire pédagogie” ! Et, précise-t-il, nous devons être vigi<strong>la</strong>nts afin de<br />
ne pas céder à <strong>la</strong> tentation de l'omniprésent commentaire qui dit <strong>sur</strong>tout “comment taire” !<br />
A l'opposé d'une telle manie <strong>la</strong>ngagière caractéristique de l'univers télévisuel et proposant<br />
un monde préfabriqué où toutes les images sont explicitées, il nous invite à cheminer<br />
ensemble, écrivains, enseignants, à contre-courant : “On ne va pas tout leur prémâcher :<br />
ils ont des dents !“. Il en va ainsi par exemple de son roman Comment ma mère est<br />
devenue célèbre, dans lequel il ne fait pas toute <strong>la</strong> lumière <strong>sur</strong> les questions soulevées au<br />
cours du récit : il appartient aux lecteurs de cheminer <strong>avec</strong> les zones de cette histoire<br />
restées en suspens.<br />
/jouer/<br />
Enfin et <strong>sur</strong>tout, il ne faut pas oublier de jouer, nous rappelle <strong>Hubert</strong> <strong>Ben</strong><br />
<strong>Kemoun</strong>, lui-même passionné par les jeux de mots. Avions-nous remarqué que Mélimos<br />
est l'anagramme du mot sommeil ? Et pourquoi est-il important de proposer aux enfants<br />
des phrases comme “Pénélope <strong>la</strong> poule qui perd les pédales ?”. Bien plus que de leur<br />
enseigner absolument ce qu'est un tautogramme, il s'agit de cultiver <strong>avec</strong> eux le p<strong>la</strong>isir :<br />
une phrase comme celle-là, ça ne sert à rien, mais c'est beau : c'est musical !<br />
Ainsi, au fil de <strong>la</strong> <strong>rencontre</strong>, <strong>Hubert</strong> <strong>Ben</strong> <strong>Kemoun</strong> s'avère singulièrement<br />
imprégné de préoccupations éducatives et on comprend que son attitude face à ses<br />
lecteurs ne se dessine pas au hasard, mais s'enracine au contraire dans des<br />
convictions fortes.<br />
D'autres questions viennent, qui re<strong>la</strong>ncent <strong>la</strong> description qu'il a entamée de<br />
son métier. Concrètement, comment s'y prend-il ? Quand estime-t-il qu'une histoire est<br />
terminée ? Il nous emmène <strong>avec</strong> lui à <strong>la</strong> découverte des différentes étapes qui se<br />
succèdent depuis l'idée première jusqu'à <strong>la</strong> réalisation finale d'un livre.<br />
/du désir et du temps/<br />
Après 145 livres, nous confie-t-il, se trame toujours pour lui le jeu du désir et de<br />
<strong>la</strong> peur. Il repart de zéro à chaque fois, se demandant s'il va réussir à écrire sa prochaine<br />
histoire. L'é<strong>la</strong>boration d'un récit commence bien avant de se mettre réellement à écrire. Il y<br />
a l'idée qui prend naissance, il y aussi <strong>la</strong> pratique de l'écrivain, qui note régulièrement des<br />
phrases à <strong>la</strong> volée, même si beaucoup de ces écrits du quotidien ne se retrouveront<br />
finalement pas dans ses ouvrages.<br />
Il s'agit, explique-t-il, de savoir <strong>la</strong>isser de côté son histoire, “comme une pâte à<br />
crêpes”. Il faut pouvoir y revenir et lui dire : “Tu m'as manqué”. Et alors, se relire et<br />
ressentir à nouveau les émotions que l'on a voulu partager au lecteur. Comment en effet<br />
3/6