Retour sur la rencontre avec Hubert Ben Kemoun - Jean-Marc Muller
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effet, si le tapuscrit se déroule “au kilomètre” dans le temps qui précède l'apparition des<br />
images, il comporte déjà des respirations, comme dans l'écriture radiophonique, et se<br />
soucie de préparer un temps de lecture de l'image qui puisse correspondre<br />
harmonieusement au temps de lecture du texte.<br />
/une col<strong>la</strong>boration réussie/<br />
<strong>Hubert</strong> <strong>Ben</strong> <strong>Kemoun</strong> évoque un exemple de col<strong>la</strong>boration qu'il estime très<br />
réussie : celle <strong>avec</strong> Stéphane Girel pour l'histoire de Pénélope <strong>la</strong> poule de Pâques. Il a<br />
apporté, pour nous les montrer, l'album, ainsi que différentes étapes de travail : ses<br />
brouillons, le tapuscrit, des crayonnés en noir puis en couleur... Il nous explique en quoi<br />
cette mise en images est particulièrement réussie : elle tient compte de <strong>la</strong> question “Où<br />
es-tu quand tu racontes ?”. L'illustrateur a travaillé en cohérence <strong>avec</strong> le récit pour le choix<br />
de son support notamment : le bois <strong>sur</strong> lequel il a créé ses illustrations renforce<br />
l'impression d'une Poule de Pâques qui s'est enterrée dans sa tour d'ivoire. Elle devient<br />
littéralement le bois de l'arbre dans le trou duquel elle s'est si bien cachée. Par ailleurs, le<br />
dessin va à l'essentiel : les jeux de zoom adoptés par Stéphane Girel, lorsque <strong>la</strong> poule est<br />
<strong>sur</strong> le point d'être découverte notamment, et que l'on ne voit apparaître <strong>sur</strong> <strong>la</strong> page que<br />
quelques détails qui trahissent sa présence, dans l'image en gros p<strong>la</strong>n de l'entrée de sa<br />
cachette, font mouche.<br />
Est-ce que l'écrit vient lorsque l'écrivain vient ?<br />
La fin de <strong>la</strong> <strong>rencontre</strong> approche. Comme <strong>Hubert</strong> <strong>Ben</strong> <strong>Kemoun</strong> l'a précisé, il a tenu au<br />
groupe de jeunes enseignants qui lui font face peu ou prou les mêmes propos que<br />
ceux qu'il aurait adressés à un groupe d'élèves.<br />
Alors, quel est l'enjeu de telles <strong>rencontre</strong>s ? Quelle entrée offrent-elles dans l'écrit ?<br />
/ateliers d'écriture : attention/<br />
L'auteur nous met en garde : il est plus difficile de fabriquer de <strong>la</strong> production<br />
d'écrit que de fabriquer un lecteur. Pouvons-nous décemment proposer aux élèves le<br />
projet d'écrire un roman ? De devenir des écrivains ? Si nous le faisons, ils pourraient bien<br />
nous répondre, à juste titre : “Calme ta joie !”. Les élèves sont conscients des efforts et<br />
des progrès qui leur sont nécessaires pour écrire, et cette conscience doit être respectée.<br />
On pourra peut-être se proposer d'écrire une nouvelle par exemple, ou en tout cas une<br />
forme modeste.<br />
<strong>Hubert</strong> <strong>Ben</strong> <strong>Kemoun</strong> se rappelle combien il avait du mal à écrire, enfant, <strong>sur</strong> un<br />
sujet libre. Ce<strong>la</strong> lui donnait le vertige. “Mais donnez-moi une contrainte, un bout de phrase,<br />
une accroche, et vous ne pourrez plus m'arrêter.” Il nous offre comme inducteur de<br />
l'imaginaire l'exemple suivant, emprunté à John Le Carré : prenons <strong>la</strong> phrase “Le chat dort<br />
<strong>sur</strong> le tapis.”. Elle est grammaticalement correcte, c'est tout. Ajoutons-lui ces deux mots :<br />
“du chien.”. Alors peut naître une histoire ! L'imaginaire de chacun se réveille : on verra un<br />
chat énorme et un chien tout petit, ou une histoire d'amour entre les deux animaux...<br />
Pour ce qui est des ateliers d'écriture, l'auteur précise qu'il ne s'entend pas très<br />
bien lui-même à les animer : faire écrire à plusieurs exige un suivi long et fastidieux, fait de<br />
négociations permanentes pour choisir entre les diverses propositions des enfants. Mais si<br />
l'on s'y <strong>la</strong>nce, nous dit-il, il faut <strong>sur</strong>tout aller au bout. Ne jamais abandonner le projet<br />
d'écriture en chemin, et offrir aux enfants qui s'y sont risqués une mise en forme qui les<br />
5/6