Salaire et salariat au Moyen Âge - Laboratoire de Médiévistique ...
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Philippe BERNARDI<br />
<strong>de</strong>meure rare jusqu’<strong>au</strong> XVIIIe siècle ; le nom salarié n’est attesté avec<br />
son sens mo<strong>de</strong>rne « qui reçoit un salaire d’un employeur » qu’à partir<br />
<strong>de</strong> 1758 ; quant <strong>au</strong> mot <strong>salariat</strong>, il n’apparaît pas avant le milieu du<br />
XIXe siècle. Il paraît indispensable, en préalable à tout travail<br />
d’analyse, sinon <strong>de</strong> définir le plus précisément possible le vocabulaire<br />
que nous employons, <strong>au</strong> moins <strong>de</strong> prendre conscience <strong>de</strong> sa portée<br />
exacte, <strong>au</strong> risque <strong>de</strong> ne considérer, avec Mirabe<strong>au</strong> (Pensées diverses,<br />
Honoré-Gabriel Mirabe<strong>au</strong>, 1749-1791) qu’il n’y a « que trois manières<br />
d’exister dans la société : il f<strong>au</strong>t être mendiant, voleur ou salarié ».<br />
On peut, là encore, repartir <strong>de</strong>s trav<strong>au</strong>x d’Émile Levasseur <strong>et</strong><br />
du livre qu’il consacra, en 1909 à Salariat <strong>et</strong> salaires. Constatant avec<br />
raison qu’« il est utile <strong>de</strong> commencer par définir ces mots pour éviter<br />
la confusion (...) car la langue économique ne leur donne pas toujours<br />
précisément le même sens que le langage ordinaire » <strong>et</strong> que « les<br />
économistes même ne sont pas tous d’accord sur leur définition »,<br />
Levasseur définit en premier lieu le mot salarié comme « tout<br />
travailleur qui loue à <strong>au</strong>trui, moyennant une rémunération<br />
généralement fixée d’avance, sa force <strong>de</strong> travail pour accomplir<br />
certaine besogne ou pour rendre certain service. » [p. XVII]. Quant <strong>au</strong><br />
salaire, c’est « la rémunération en nature ou en argent que reçoit le<br />
salarié pour prix soit du travail qu’il exécute quand il est à la tâche,<br />
soit du temps <strong>de</strong> travail qu’il donne quand il est à la journée ou à<br />
l’heure, soit du service qu’il rend sur la comman<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>au</strong> profit du<br />
salariant ». Enfin, « entre le salarié <strong>et</strong> le salariant, il se conclut<br />
implicitement ou par acte formel un contrat <strong>de</strong> louage <strong>de</strong> la force <strong>de</strong><br />
travail (consenti volontairement, sinon avec satisfaction), qui constitue<br />
la condition économique désignée par le mot <strong>salariat</strong>. »<br />
Parallèlement, d’<strong>au</strong>tres conceptions se développèrent<br />
cependant qui amènent, par exemple, le sociologue Robert Castel dans<br />
c<strong>et</strong>te « chronique du <strong>salariat</strong> » qu’il publia, en 1995, sous le titre Les<br />
métamorphoses <strong>de</strong> la question sociale, à s’interroger « est-on en droit<br />
<strong>de</strong> parler <strong>de</strong> <strong>salariat</strong> pour <strong>de</strong>s époques antérieures [<strong>au</strong> XX e siècle], <strong>et</strong><br />
spécialement pour <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s lointaines, lorsque pratiquement<br />
<strong>au</strong>cune <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> sa définition rigoureuse n’est présente ? »,<br />
avant <strong>de</strong> conclure par l’affirmative : « à condition <strong>de</strong> savoir que l’on<br />
n’a alors que <strong>de</strong>s embryons, ou <strong>de</strong>s traces, <strong>de</strong> ce rapport salarial<br />
mo<strong>de</strong>rne »[p. 109].<br />
Le débat <strong>et</strong> les recherches historiographiques que l’on peut<br />
tenter sur ce thème se trouvent en partie g<strong>au</strong>chis ou compliqués par ce<br />
flottement du vocabulaire : certains <strong>au</strong>teurs introduisent, comme<br />
Philippe Wolff, <strong>de</strong>s nuances entre penciones <strong>et</strong> salaria, d’<strong>au</strong>tres,<br />
comme Brutails, évoquent dans <strong>de</strong>s paragraphes séparés le<br />
« traitement du maître d’œuvre » <strong>et</strong> le « salaire <strong>de</strong>s ouvriers », d’<strong>au</strong>tres<br />
trav<strong>au</strong>x ne font allusion qu’<strong>au</strong>x gages <strong>de</strong>s officiers alors que le<br />
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