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L'Art et l'inceste : Sarabande d'Ingmar Bergman Art and Incest ...

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N. Blake / L’évolution psychiatrique 72 (2007) 313–324 315<br />

fois un flash-back où paraît une cinquième personne. Et celle-ci, in extremis, change tout de<br />

notre compréhension du film.<br />

Entre l’Agnès de Cris <strong>et</strong> Chuchotements, la Lena de Sonate d’Automne, la tante Elsa de<br />

Fanny <strong>et</strong> Alex<strong>and</strong>re se dessine c<strong>et</strong>te effrayante figure de la sœur terriblement malade <strong>et</strong> la<br />

figure de Martha surgit à la fin de <strong>Sarab<strong>and</strong>e</strong> pour affirmer que c<strong>et</strong>te image ne s’est pas encore<br />

éteinte pour <strong>Bergman</strong>.<br />

Le film ouvre sur Liv Ullman (Marianne) qui avoue que, avec les années, elle <strong>et</strong> son ancien<br />

époux Johann s’étaient perdus de vue. De même, leurs deux filles se sont effacées de leurs vies.<br />

L’une vit loin, en Australie ; l’autre, <strong>et</strong> là Marianne trahit un malaise, Martha, est dans une institution.<br />

Si Marianne lui rend visite, sa fille ne la reconnaît pas. Brusquement, sans qu’elle sache<br />

bien pourquoi, Marianne s’est sentie obligée d’aller revoir Johann. Arrivée chez lui, elle r<strong>et</strong>rouvera<br />

Henrik, le fils de Johann d’un premier mariage, ainsi que Karin, la fille de Henrik. Immédiatement,<br />

il est clair que Johann hait son fils <strong>et</strong>, s’il croit aimer sa p<strong>et</strong>ite-fille, c’est plutôt dans<br />

le but de l’arracher à Henrik. Johann, ancien universitaire, est devenu très riche, suite à un héritage.<br />

Henrik est un professeur raté <strong>et</strong> end<strong>et</strong>té vis-à-vis de son père. Peu à peu, Marianne va<br />

découvrir la nature incestueuse du lien entre Henrik <strong>et</strong> Karin. Avec une économie merveilleuse,<br />

<strong>Bergman</strong> établit une structure où l’enfant (soit le fils, Henrik, soit la fille, Martha) est situé à une<br />

trop gr<strong>and</strong>e distance, ou bien la fille (Karin) est placée dans une position de trop gr<strong>and</strong>e proximité.<br />

Si on la sent prête à défendre Karin contre son père <strong>et</strong> son gr<strong>and</strong>-père, nous voyons, en<br />

même temps que Marianne reconnaît le danger de suicide pour Henrik, s’il doit renoncer à sa<br />

fille, seul être qui lui renvoie une image favorable depuis le décès de sa femme.<br />

Ce schéma a le mérite de souligner les générations, d’insister sur le fait que Marianne, exépouse<br />

de Johann, est plutôt de la génération de son fils Henrik, <strong>et</strong> aussi que Karin <strong>et</strong> Martha<br />

sont toutes deux des enfants mises à la place du produit ambigu de l’accouplement, voué à être<br />

sacrifié.<br />

<strong>Bergman</strong> poursuit ici son choix d’un cinéma intime, « cinéma de chambre » à l’instar du<br />

théâtre de chambre de Strindberg dont il est imprégné <strong>et</strong> qu’il a si souvent mis en scène pendant<br />

sa longue carrière. Lors de ses monologues, Liv Ullmann nous regarde, elle sait donc que<br />

nous sommes là, elle s’adresse aux spectateurs dans la pure tradition du théâtre shakespearien.<br />

Dans les dialogues, deux personnes s’affrontent au moyen de la parole <strong>et</strong> au plus près d’un<br />

langage des corps. Ils sont tout près l’un de l’autre, soit côte à côte, soit, plus souvent, adoptant<br />

une position face à face sur des chaises droites avec les genoux qui se touchent, voire avec<br />

les genoux qui s’emboîtent, ou encore, dans le cas du père <strong>et</strong> de la fille, face à face avec des<br />

violoncelles entre les jambes dans une pose très subtilement indécente.<br />

Si, avec <strong>Sarab<strong>and</strong>e</strong>, <strong>Bergman</strong> se répète, qu’est-ce qui est répété au juste ? Les mêmes<br />

acteurs Liv Ullman <strong>et</strong> Erl<strong>and</strong> Josephson jouaient les mêmes personnages, Marianne <strong>et</strong> Johann<br />

dans Scènes de la Vie Conjugale (1973) <strong>et</strong> qu<strong>and</strong> ils se r<strong>et</strong>rouvent ici, ils disent qu’ils ne se<br />

sont pas vus depuis 32 ans. On peut penser, <strong>et</strong> la critique a vite fait de l’annoncer comme tel,<br />

que le film est la continuation de ce débat passionnel entre les époux. Mais très vite, avec la

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