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programme en pdf - Orchestre Philharmonique Royal de Liège

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AVeL Vu PAr cOLeTTe<br />

Colette, par r<strong>en</strong>é Carrère, vers 1920.<br />

[…] Il était jeune, <strong>en</strong> <strong>de</strong>ça <strong>de</strong> l’âge où vi<strong>en</strong>t<br />

la simplicité. Jules r<strong>en</strong>ard, <strong>en</strong> 1907, note<br />

que ravel est « noir, riche et fin ». Des<br />

favoris — oui, <strong>de</strong>s favoris ! — <strong>de</strong> volumineux<br />

cheveux outrai<strong>en</strong>t le contraste <strong>en</strong>tre sa tête<br />

importante et son corps m<strong>en</strong>u. Il aimait<br />

les cravates marquantes, le linge à jabot.<br />

recherchant l’att<strong>en</strong>tion, il craignait la<br />

critique ; celle d’H<strong>en</strong>ry gauthier-Villars lui<br />

était cruelle. peut-être secrètem<strong>en</strong>t timi<strong>de</strong>,<br />

ravel gardait un air distant, un ton sec. […]<br />

ravel sur les bords <strong>de</strong> la nivelle (saint-Jean-<strong>de</strong>-luz, vers 1902).<br />

La guerre fit sur son nom un sil<strong>en</strong>ce<br />

hermétique, et je perdis l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

p<strong>en</strong>ser à L’Enfant et les sortilèges.<br />

liVret <strong>de</strong><br />

L’eNFANT eT LeS SOrTiLÈGeS<br />

FANTAiSie LYrique <strong>de</strong> mAurice rAVeL | TexTe <strong>de</strong> cOLeTTe<br />

PremiÈre PArTie : LA mAiSON<br />

Une pièce à la campagne plafond très<br />

bas, donnant sur un jardin. Une maison<br />

norman<strong>de</strong>, anci<strong>en</strong>ne, ou mieux : démodée ;<br />

<strong>de</strong> grands fauteuils, housses ; une haute<br />

horloge à cadran fleuri. Une t<strong>en</strong>ture à petits<br />

personnages, bergerie. Une cage ron<strong>de</strong> à<br />

écureuil, p<strong>en</strong>due près <strong>de</strong> la f<strong>en</strong>être. Une<br />

gran<strong>de</strong> cheminée à hotte, un reste <strong>de</strong> feu<br />

paisible ; une bouilloire qui ronronne. Le chat<br />

aussi. C’est l’après-midi.<br />

(L’Enfant, six ou sept ans, est assis <strong>de</strong>vant un<br />

<strong>de</strong>voir comm<strong>en</strong>cé. Il est <strong>en</strong> pleine crise <strong>de</strong><br />

paresse, il mord son porte-plume, se gratte<br />

la tête et chantonne à <strong>de</strong>mi-voix.)<br />

l’<strong>en</strong>fant. J’ai pas <strong>en</strong>vie <strong>de</strong> faire ma<br />

page. J’ai <strong>en</strong>vie d’aller me prom<strong>en</strong>er. J’ai<br />

<strong>en</strong>vie <strong>de</strong> manger tous les gâteaux. J’ai<br />

<strong>en</strong>vie <strong>de</strong> tirer la queue du chat et <strong>de</strong> couper<br />

celle <strong>de</strong> l’écureuil. J’ai <strong>en</strong>vie <strong>de</strong> gron<strong>de</strong>r<br />

tout le mon<strong>de</strong> ! J’ai <strong>en</strong>vie <strong>de</strong> mettre maman<br />

<strong>en</strong> pénit<strong>en</strong>ce...<br />

oh ! Tu n’as ri<strong>en</strong> fait ! Tu as éclaboussé<br />

d’<strong>en</strong>cre le tapis ! regrettes-tu ta paresse ?<br />

(Sil<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> l’Enfant.)<br />

promettez-moi, Bébé, <strong>de</strong> travailler ?<br />

(Sil<strong>en</strong>ce)<br />

Voulez-vous me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r pardon ?<br />

(Pour toute réponse, Bébé lève la tête vers<br />

Maman et tire la langue.)<br />

oh !...<br />

(La Jupe recule un peu. La secon<strong>de</strong> main<br />

dépose sur la table le plateau du goûter.)<br />

(Sévère) Voici le goûter d’un méchant<br />

<strong>en</strong>fant : du thé sans sucre, du pain sec.<br />

restez tout seul jusqu’au dîner ! et songez<br />

à votre faute ! et songez à vos <strong>de</strong>voirs !<br />

Songez, songez surtout au chagrin <strong>de</strong><br />

maman !...<br />

Cinq ans passèr<strong>en</strong>t. L’œuvre achevée et son<br />

auteur sortir<strong>en</strong>t du sil<strong>en</strong>ce. mais ravel ne<br />

me traita pas <strong>en</strong> personne privilégiée, ne<br />

cons<strong>en</strong>tit pour moi à aucun comm<strong>en</strong>taire,<br />

(La porte se rouvre, la robe s’<strong>en</strong> va.<br />

aucune audition prématurée, même<br />

(La porte s’ouvre. Entre Maman, ou plutôt L’Enfant, resté seul, est pris d’une frénésie<br />

fragm<strong>en</strong>taire. Il parut seulem<strong>en</strong>t se soucier<br />

ce qu’<strong>en</strong> laiss<strong>en</strong>t voir le plafond très bas et <strong>de</strong> perversité. Il trépigne et crie à pleins<br />

du « duo miaulé » <strong>en</strong>tre les <strong>de</strong>ux chats,<br />

l’échelle <strong>de</strong> tout le décor où tous les objets poumons vers la porte.)<br />

Vint le jour où m. rouché me <strong>de</strong>manda<br />

un livret <strong>de</strong> féerie-ballet pour l’opéra. Je<br />

ne m’explique pas <strong>en</strong>core comm<strong>en</strong>t je lui<br />

donnai, moi qui travaille avec l<strong>en</strong>teur et<br />

peine, L’Enfant et les sortilèges <strong>en</strong> moins<br />

<strong>de</strong> huit jours… Il aima mon petit poème, et<br />

suggéra <strong>de</strong>s compositeurs dont j’accueillis<br />

les noms aussi polim<strong>en</strong>t que je pus.<br />

– mais, dit rouché après un sil<strong>en</strong>ce, si je<br />

vous proposais ravel ?<br />

et me <strong>de</strong>manda gravem<strong>en</strong>t si je ne voyais<br />

pas d’inconvéni<strong>en</strong>t à ce qu’il remplaçât<br />

« mouaô » par « mouain » — ou bi<strong>en</strong> le<br />

contraire…<br />

Les années lui avai<strong>en</strong>t ôté, avec la chemise<br />

à jabot plissé et les favoris, sa morgue<br />

d’homme <strong>de</strong> petite taille. Cheveux blancs<br />

et cheveux noirs, mêlés, le coiffai<strong>en</strong>t d’une<br />

sorte <strong>de</strong> plumage, et il croisait <strong>en</strong> parlant<br />

ses mains délicates <strong>de</strong> rongeur, effleurait<br />

toutes choses <strong>de</strong> son regard d’écureuil…<br />

assum<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s dim<strong>en</strong>sions exagérées, pour<br />

r<strong>en</strong>dre frappante la petitesse <strong>de</strong> l’Enfant,<br />

c’est-à-dire une jupe, le bas d’un tablier <strong>de</strong><br />

soie, la chaîne d’acier où p<strong>en</strong>d une paire <strong>de</strong><br />

ciseaux, et une main. Cette main se lève,<br />

interroge <strong>de</strong> l’in<strong>de</strong>x.)<br />

MaMan. Bébé a été sage ?<br />

Il a fini sa page ?<br />

(L’Enfant ne répond ri<strong>en</strong> et se laisse glisser,<br />

bou<strong>de</strong>ur, <strong>en</strong> bas <strong>de</strong> sa chaise. La robe<br />

s’avance sur la scène, une main t<strong>en</strong>due<br />

l’<strong>en</strong>fant. Ça m’est égal ! Justem<strong>en</strong>t<br />

j’ai pas faim ! Justem<strong>en</strong>t j’aime beaucoup<br />

mieux rester tout seul ! Je n’aime<br />

personne ! Je suis très méchant ! méchant,<br />

méchant ! méchant !<br />

(Il balaie d’un revers <strong>de</strong> main la théière et<br />

la tasse, qui se bris<strong>en</strong>t <strong>en</strong> mille morceaux.<br />

Puis il grimpe sur la f<strong>en</strong>être, ouvre la cage <strong>de</strong><br />

l’Écureuil et veut piquer la petite bête avec<br />

sa plume <strong>de</strong> fer. L’Écureuil, blessé, crie et<br />

s’<strong>en</strong>fuit par l’imposte ouverte <strong>de</strong> la croisée.<br />

Je sortis bruyamm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ma politesse, et<br />

MauriCe raVel Par quelques-uns<br />

au-<strong>de</strong>ssus du cahier. L’autre main plus haute, L’Enfant saute à bas <strong>de</strong> la f<strong>en</strong>être et tire la<br />

l’expression <strong>de</strong> mon espoir ne ménagea<br />

<strong>de</strong> ses faMiliers, 1939.<br />

souti<strong>en</strong>t un plateau portant la théière et la queue du chat, qui jure et se cache sous un<br />

plus ri<strong>en</strong> […].<br />

tasse du goûter.)<br />

fauteuil.)<br />

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