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Marie Thérèse Drouillon - Chrétiens dans l'Enseignement Public

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Peut-on appeler cela culture ?<br />

Toute culture est le fruit d’une<br />

longue histoire : celle d’un groupe<br />

humain plus ou moins important<br />

dont tous les membres se reconnaissent<br />

acteurs et bénéficiaires<br />

d’une même richesse humaine<br />

originale. Celle-ci est le fruit d’apports<br />

divers et variés <strong>dans</strong> différents<br />

domaines d’expression :<br />

langue, métiers, arts, religion,<br />

sports...<br />

Il existe aussi un lieu de l’expérience<br />

humaine dont on parle peu<br />

lorsqu’on aborde la question de<br />

la culture. Il s’agit de la richesse<br />

humaine acquise et partagée par<br />

ceux qui ont une longue expérience<br />

du combat de la vie contre<br />

toutes les formes de pauvreté et<br />

d’exclusion. Le sujet est vaste et<br />

je ne peux que présenter quelques<br />

témoins que je fréquente régulièrement.<br />

D’abord les polyhandicapés de<br />

l’hôpital de Plaisir-Grignon. Ils vivent<br />

depuis leur jeunesse avec<br />

un handicap physique plus ou<br />

moins grave et une fragilité<br />

mentale qui les prive souvent<br />

d’une expression orale normale.<br />

Pourtant avec le peu de capaci-<br />

tés qu’ils ont, ils manifestent une<br />

joie de vivre surprenante à la<br />

moindre bonne nouvelle qui leur<br />

arrive. Ils remercient longuement<br />

pour le plus petit service rendu.<br />

Ils sont profondément touchés<br />

<strong>dans</strong> leur cœur lorsqu’il arrive<br />

quelque chose de grave à l’un<br />

d’entre eux. Ils n’hésitent pas à<br />

dire qu’il y a plus malheureux<br />

qu’eux alors qu’ils sont totalement<br />

dépendants. Ceux qui partagent<br />

la foi chrétienne manifestent<br />

la vérité du Don de Dieu qui les<br />

anime : “Ma vie, c’est ma foi” m’a<br />

dit l’un d’eux. St Paul n’a pas dit<br />

mieux. La vie de l’aumônerie de<br />

l’hôpital est l‘une des richesses<br />

de notre diocèse et certains viennent<br />

enrichir leur foi en se joignant<br />

parfois à ses assemblées.<br />

Être confronté à la maladie psychique<br />

incurable d’un proche est<br />

sûrement l’une des plus graves<br />

souffrances humaines. Des parents,<br />

des conjoints acceptent<br />

d’accompagner jusqu’au bout<br />

celui qui est malade afin de l’aider<br />

à vivre autant qu’ils le peuvent,<br />

alors qu’aucun espoir de<br />

guérison n’est envisageable. Des<br />

équipes appelées “Relais d’amitié<br />

et de prières” se sont formées<br />

pour les aider à vivre de l’Espérance,<br />

Don de Dieu, quand il n’y<br />

a plus d’espoir humain. Les questions<br />

que pose à notre conscience<br />

la maladie grave d’un<br />

proche sont redoutables : pourquoi<br />

lui, elle, ou nous ? Où est<br />

notre faute ou notre erreur ?...<br />

Heureux celui qui a<br />

acquis <strong>dans</strong> le combat<br />

de chaque jour contre<br />

telle ou telle pauvreté,<br />

la force de vivre<br />

malgré tout<br />

Il n’est pas facile de s’établir<br />

<strong>dans</strong> la paix et encore moins<br />

<strong>dans</strong> la joie. Pourtant l’Espérance<br />

partagée en équipe et l’amitié<br />

vécue <strong>dans</strong> la foi permettent de<br />

faire des choix humains plus favorables<br />

pour les personnes malades<br />

qui risquent l’isolement ou<br />

même l’abandon.<br />

Oui, la fragilité est l’une des<br />

réalités fondamentales de notre<br />

nature humaine. On peut fermer<br />

les yeux pour ne pas la voir et ne<br />

rechercher en tout domaine que<br />

les performances. Un temps vient<br />

portant où il faut se rendre à l’évidence.<br />

Heureux alors, celui qui a<br />

acquis <strong>dans</strong> le combat de chaque<br />

jour contre telle ou telle pauvreté,<br />

la force de vivre malgré tout. Celui<br />

là nous montre ce qu’est la plus<br />

haute et la plus universelle des<br />

cultures humaines : celle qui permet<br />

à l’homme de vivre ou survivre<br />

au cœur même des pires<br />

épreuves.<br />

P.S. Jean-Pierre, mon ami SDF,<br />

m’a expliqué comment on peut<br />

vivre, même en hiver, lorsqu’on<br />

est à la rue. Il a plus de 30 ans<br />

d’expérience. Chaque jour il fait<br />

les poubelles et il sait ce qui peut<br />

être marchandé aux Puces à<br />

Saint-Ouen. Il prend le train<br />

chaque jour sans payer et sans<br />

se faire prendre. Il met un point<br />

d’honneur à accueillir régulièrement<br />

un nouvel apprenti SDF<br />

pour l’initier à la vie <strong>dans</strong> la rue.<br />

Il m’apporte régulièrement tous<br />

les objets religieux qu’il trouve<br />

<strong>dans</strong> les poubelles car “ce n’est<br />

pas là leur place” dit-il. Un ami du<br />

Secours Catholique qui voulait<br />

connaître la vie des SDF a fait<br />

l’expérience de vivre comme eux.<br />

Il n’a pas tenu huit jours. Il n’avait<br />

pas acquis le métier ou plutôt la<br />

culture particulière de la rue.<br />

Michel Rinneteau<br />

Prêtre du diocèse de Versailles<br />

4 Lignes de crêtes 2010 - 7

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