Marie Thérèse Drouillon - Chrétiens dans l'Enseignement Public
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Histoire d’une balance qui ne sonne plus juste<br />
En ces temps de crise<br />
où le dollar et l’euro<br />
décident du sort des<br />
entreprises, où le prix du<br />
baril de pétrole devient<br />
l’arbitre de l’économie, où la<br />
course à l’argent prend la<br />
forme d’une guerre<br />
économique, il est nécessaire<br />
de regarder cette illustration<br />
d’un chapitre de l’Apocalypse<br />
qui annonçait déjà en son<br />
temps à la fin du premier<br />
siècle après J.-C. les<br />
conséquences d’un<br />
matérialisme dévastateur.<br />
Non, cette miniature<br />
n’est pas un dessin<br />
naïf ou maladroit mais<br />
avec un modernisme<br />
extraordinaire, elle met en<br />
place ce que l’Apocalypse<br />
décrit en son chapitre 6 :<br />
une série de catastrophes<br />
comme celles qui existent en<br />
tout temps.<br />
Ce manuscrit qui est<br />
conservé à la<br />
bibliothèque universitaire<br />
de Valladolid date du Xe siècle et appartient à la<br />
catégorie des Beatus. Il<br />
s’agit de manuscrits illustrés<br />
comprenant à la fois le texte<br />
de l’Apocalypse et son<br />
commentaire écrit par un<br />
moine du monastère de<br />
Liebana <strong>dans</strong> les Asturies en<br />
785, moine auquel la<br />
renommée a donné le surnom<br />
de Beatus, le Bienheureux.<br />
Des bandes de couleurs<br />
vives, alternées bleu,<br />
jaune, ocre forment le<br />
fond du décor sur lequel<br />
apparaissent quatre chevaux<br />
et cavaliers. Il n’y a pas de<br />
perspective, pas de respect<br />
des proportions mais un<br />
dessin chargé de mettre en<br />
valeur avant tout le<br />
mouvement à travers lequel<br />
est transmis l’essentiel du<br />
message.<br />
En haut à droite, voici<br />
un cheval roux dont le<br />
cavalier brandit une<br />
épée : il représente le<br />
marchand des armes de<br />
guerre et incarne les ruines<br />
qu’il va semer tout au long<br />
de son chemin. En bas, il est<br />
suivi par un cheval noir. Celui<br />
qui le monte tient à la main<br />
une balance mais cette<br />
balance ne sonne plus juste<br />
puisqu’elle va annoncer<br />
l’inflation des prix de l’orge<br />
et du blé, ce qui entrainera<br />
obligatoirement la famine<br />
parce que les gens ne<br />
pourront plus payer des prix<br />
fabuleux pour acheter du<br />
pain, exactement comme cela<br />
eut lieu en Allemagne en 1921<br />
après le traité de Versailles.<br />
Guerre des armes,<br />
guerre des<br />
marchandises ont<br />
préparé le terrain pour que<br />
le dernier cheval puisse<br />
s’avancer. Il est blême dit<br />
l’Apocalypse, couleur de<br />
chlore, verdâtre. Son cavalier<br />
est armé mais surtout il<br />
forme un ensemble<br />
inséparable avec celui qui<br />
chevauche sur sa croupe, un<br />
personnage effrayant, bleu<br />
comme la nuit de toutes les<br />
angoisses et qui s’appelle la<br />
mort. L’artiste concentre sur<br />
lui tous les fantasmes ;<br />
certes il a des ailes comme<br />
les anges mais des ailes qui<br />
paraissent dérisoires,<br />
paralysées par la force<br />
invincible que dégage un<br />
poitrail armé de bras<br />
énormes et de griffes si<br />
puissantes que nul vivant ne<br />
peut s’en échapper.<br />
On remarquera<br />
l’étonnante modernité<br />
du dessin des<br />
visages, un trait pour les<br />
sourcils et le nez, une onde<br />
minuscule pour la bouche et<br />
des grands yeux en<br />
amande : ce sera plus tard<br />
le style de Picasso. Les<br />
rayures jaunes ou rouges qui<br />
contrastent sur le fond violet<br />
ou vert des costumes des<br />
48 Lignes de crêtes 2010 - 7