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Evaluation d'une politique publique et mise au point d'une ...

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Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne<br />

Ecole Doctorale Economie Panthéon-Sorbonne EPS 465<br />

Séminaire SEI « Doctorants 18 mois »<br />

27 mars 2013<br />

<strong>Evaluation</strong> d’une <strong>politique</strong> <strong>publique</strong> <strong>et</strong> <strong>mise</strong> <strong>au</strong> <strong>point</strong> d’une<br />

méthodologie supplémentant le calcul du « N<strong>et</strong> Social Benefit » :<br />

cas de la définition <strong>et</strong> du pilotage de l’expérimentation de la Ville de Paris dans la<br />

<strong>mise</strong> en place d’une Zone d'Actions Prioritaires pour l'Air (ZAPA).<br />

Satya-Lekh PROAG 1<br />

Sous la direction de Roland LANTNER <strong>et</strong> Richard LE GOFF<br />

I) Obj<strong>et</strong> de la thèse <strong>et</strong> questions de recherche<br />

Sous l’impulsion des directives européennes 2004/107/CE <strong>et</strong> 2008/50/CE, concernant<br />

l’amélioration de la qualité de l’air extérieur en région urbaine (Journal Officiel de l’Union<br />

Européenne, 2004, 2008), de nombreuses agglomérations de l’Union Européenne ont mis en<br />

place des zones urbaines environnementales (« Low Emission Zones »), <strong>au</strong> sein desquelles les<br />

véhicules qui ne sont pas considérés comme respectueux de l’environnement ne sont plus<br />

<strong>au</strong>torisés à circuler. Devant la menace de l’Union Européenne d’assigner la France devant la<br />

Cour européenne de justice pour ne pas avoir pris de mesures efficaces pour remédier <strong>au</strong><br />

problème des émissions excessives <strong>et</strong> de non-respect des normes de particules fines en<br />

suspension dans seize des régions du pays (c<strong>et</strong>te action est maintenant en cours d’instruction<br />

depuis avril 2011), la transposition de ces directives en France est réalisée en juill<strong>et</strong> 2010, <strong>au</strong><br />

cours de la loi du Grenelle 2. L’article 182 donne alors naissance <strong>au</strong>x ZAPA, lorsqu’elle<br />

affirme qu’« une [Z]one d’[A]ctions [P]rioritaires pour l’[A]ir, dont l’accès est interdit <strong>au</strong>x<br />

véhicules contribuant le plus à la pollution atmosphérique, peut être instituée, à titre<br />

expérimental, afin de lutter contre c<strong>et</strong>te pollution <strong>et</strong> notamment réduire les émissions de<br />

particules <strong>et</strong> d’oxydes d’azote » (Journal Officiel de la Ré<strong>publique</strong> Française, 2010). Huit<br />

communes <strong>et</strong> groupements de communes, dont la Ville de Paris en septembre 2010, se portent<br />

alors candidates pour étudier la faisabilité de la <strong>mise</strong> en place d’une « Zone d’Actions<br />

Prioritaires pour l’Air (ZAPA) sur son territoire. La Ville de Paris délibère alors du<br />

financement de c<strong>et</strong>te étude de faisabilité en mars 2011 (Conseil de Paris, 2011), le but étant de<br />

diminuer la concentration atmosphérique urbaine de deux polluants loc<strong>au</strong>x : les particules<br />

fines (PM10) <strong>et</strong> le dioxyde d’azote (NO2) . Après les manifestations d’intérêt européennes,<br />

nationales <strong>et</strong> parisiennes, c’est le Centre International de Recherche sur le Cancer, (CIRC),<br />

agence de l’Organisation Mondiale de la Santé qui publie, en juin 2012, un rapport énonçant<br />

tous les risques cancérogènes liés à la m<strong>au</strong>vaise qualité de l'air dans les zones urbaines,<br />

essentiellement due <strong>au</strong>x émanations des particules en provenance des moteurs diesel<br />

1 satya-lekh.proag@ensta.org<br />

1


(Benbrahim-Tallaa <strong>et</strong> al., 2012), donnant une justification scientifique supplémentaire à la<br />

lutte contre la pollution atmosphérique en agissant sur le secteur des transports routiers.<br />

Les conséquences sur les <strong>politique</strong>s <strong>publique</strong>s françaises sont mitigées. D’un côté, à<br />

l’échelle nationale, le Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable <strong>et</strong> de l’Energie<br />

(MEDDE) présente en février 2013 <strong>au</strong> Comité Interministériel de la Qualité de l’Air (CIQA)<br />

son « Plan d’urgence pour la qualité de l’air » (Ministère de l’Ecologie, du Développement<br />

Durable <strong>et</strong> de l’Energie, 2013), dans lequel la ministre acte « l’échec [du] dispositif [ZAPA],<br />

jugé socialement injuste <strong>et</strong> économiquement inefficace » tout en dressant un total de 38<br />

mesures à être débattues <strong>et</strong> éventuellement intégrées par les zones actuellement sou<strong>mise</strong>s <strong>au</strong><br />

contentieux européen dans leur Plan de Protection de l’Atmosphère (PPA). D’un <strong>au</strong>tre côté, à<br />

l’échelle locale, le Maire de Paris présente quelques mois plus tôt sa communication <strong>au</strong><br />

Conseil de Paris de novembre 2012 sur la lutte contre la pollution (Conseil de Paris, 2012), en<br />

m<strong>et</strong>tant notamment l’accent sur l’interdiction progressive des véhicules les plus polluants. La<br />

thèse se place donc dans le cadre de la définition <strong>et</strong> de l’étude de faisabilité de ce plan de lutte<br />

contre la pollution atmosphérique – une déclinaison parisienne du dispositif national ZAPA –<br />

mais surtout <strong>au</strong>ssi des eff<strong>et</strong>s des mesures qui sont proposées <strong>et</strong> qui seront étudiées. Les<br />

résultats de la thèse perm<strong>et</strong>tront également de proposer un outil d’aide à la décision <strong>publique</strong><br />

<strong>au</strong>x deux co-financeurs : l’Agence De l’Environnement <strong>et</strong> de la Maîtrise de l’Energie<br />

(ADEME) <strong>et</strong> la Mairie de Paris.<br />

Bien que les eff<strong>et</strong>s sur l'environnement des mesures proposées précédemment semblent<br />

aller de soi (cependant, de nombreux <strong>au</strong>tres facteurs influencent la qualité de l’air, <strong>et</strong> il est<br />

<strong>au</strong>jourd’hui difficile de faire la part des choses), nous devons encore travailler sur<br />

l’identification des impacts économiques <strong>et</strong> sociét<strong>au</strong>x de la <strong>mise</strong> en œuvre de telles <strong>politique</strong>s.<br />

Et lorsque des démarches d’évaluation socioéconomique sont menées dans le cadre de ces<br />

expérimentations, elles consistent rarement en une analyse coûts-bénéfices systématique 2 .<br />

Celle-ci procède idéalement en deux temps : établissement d’un scénario d’évolution sans<br />

expérimentation, appelé « scénario de référence », ou « scénario <strong>au</strong> fil de l’e<strong>au</strong> », puis suivi<br />

longitudinal des variables socioéconomiques pertinentes pendant l’expérimentation. L’impact<br />

immédiat attendu en est la réduction de l’émission ou de la concentration de gaz <strong>et</strong> particules<br />

nocifs, conduisant à une meilleure qualité de l’air en milieu urbain.<br />

Enfin, lorsqu’elles sont menées à terme, ces démarches d’évaluation basée sur le calcul du<br />

« N<strong>et</strong> Social Benefit » (Boardman, Greenberg, Vining, & Weimer, 2006) ne garantissent pas<br />

toujours l’exh<strong>au</strong>stivité du recensement des facteurs impactants <strong>et</strong> impactés. C’est précisément<br />

ce qui nous conduit à proposer une transposition de méthodes fondées sur des calculs de<br />

« rente collective », réalisées notamment pour l’ARCEP en 2008 (Le Goff, Lantner, & alii,<br />

2008) <strong>et</strong> le Département de la Manche en 2000 (Le Goff, 2000) dans le domaine de<br />

l’Economie Numérique.<br />

2 Une analyse menée lors d’un stage de recherche à l’Université TU Delft, <strong>au</strong>x Pays-Bas (Proag, 2010), a montré<br />

que le développement des zones à faibles émissions polluantes <strong>au</strong>x Pays-Bas a engendré des bénéfices n<strong>et</strong>s<br />

positifs. De nombreuses <strong>au</strong>tres variables économiques <strong>et</strong> sociétales mériteraient cependant d’être inclues dans<br />

ce type de démarche, pour affiner c<strong>et</strong>te conclusion <strong>et</strong> en élargir la portée.<br />

2


II) Démarche de recherche<br />

L’objectif de c<strong>et</strong>te thèse est de supplémenter les trav<strong>au</strong>x précédents en matière<br />

d’évaluation des <strong>politique</strong>s <strong>publique</strong>s, plus particulièrement en sciences économiques, <strong>et</strong> ce en<br />

vue de fournir un outil d’aide à la décision de <strong>politique</strong>s <strong>publique</strong>s. Pour réaliser ce travail,<br />

nous proposons une démarche en quatre étapes.<br />

A. Evaluer des <strong>politique</strong>s <strong>publique</strong>s – approche suivant l’analyse coûts-bénéfices<br />

« L’évaluation des <strong>politique</strong>s <strong>publique</strong>s » a be<strong>au</strong> être écrit <strong>au</strong> singulier, il s’agit pourtant<br />

bien là d’une démarche d’évaluation plurielle, recoupant des disciplines diverses : sociologie,<br />

géographie, politologie, économie. Sans forcément vouloir être exh<strong>au</strong>stif, c<strong>et</strong>te partie de la<br />

thèse a pour but d’identifier les méthodes utilisées actuellement pour mener une évaluation de<br />

<strong>politique</strong>s <strong>publique</strong>s, tant <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> académique qu’opérationnel. Le questionnement initial<br />

concerne en eff<strong>et</strong> la pertinence des méthodes utilisées actuellement pour réaliser une<br />

évaluation. Parmi les nombreuses disciplines qui peuvent effectivement être mobilisées pour<br />

ce travail, il convient de s’intéresser <strong>au</strong>x différentes méthodes <strong>au</strong>jourd’hui <strong>mise</strong>s en œuvre <strong>et</strong> à<br />

en définir le contexte dans lequel elles sont adéquates. Quand est-il plus efficace de recourir à<br />

une méthode plutôt qu’une <strong>au</strong>tre ? Dans quels cas privilégie-t-on une démarche plutôt qu’une<br />

<strong>au</strong>tre ? Y a-t-il complémentarité entre les méthodes ? Le but de c<strong>et</strong>te partie est également de<br />

déterminer les limites de chaque méthode d’évaluation, dans le but de pouvoir choisir la<br />

méthode qui nous paraît optimale <strong>au</strong> regard des critères liés à l’obj<strong>et</strong> à évaluer <strong>et</strong> à ceux qui<br />

souhaitent bénéficier de la méthode d’évaluation. Sans négliger les attraits théoriques de ce<br />

travail, la thèse n’a pas pour but de comparer les méthodes d’évaluation de <strong>politique</strong>s<br />

<strong>publique</strong>s, mais plutôt de justifier le choix d’une d’entre elles, d’en définir les potentialités <strong>et</strong><br />

les limites <strong>et</strong>, le cas échéant, de tenter de proposer une méthode qui supplémente cesdernières.<br />

Parmi les méthodes étudiées, notre choix s’est porté sur un processus d’évaluation<br />

socio-économique en particulier : l’analyse coûts-bénéfices.<br />

Une fois ce choix effectué, notre démarche consiste en deux étapes. Dans un premier<br />

temps, il a fallu identifier les intérêts <strong>et</strong> les limites de recourir à c<strong>et</strong>te méthode d’évaluation.<br />

Par la suite, cela nous a permis de proposer des concepts pouvant supplémenter quelques-unes<br />

des limites identifiées (partie B). L’analyse coûts-bénéfices a une méthodologie bien rôdée<br />

puisqu’il s’agit d’un ensemble de méthodes <strong>et</strong> de règles qui perm<strong>et</strong>tent d’évaluer les coûts <strong>et</strong><br />

les bénéfices soci<strong>au</strong>x de <strong>politique</strong>s <strong>publique</strong>s alternatives, c’est-à-dire un ensemble d’outils<br />

qui perm<strong>et</strong>tent d’aider à la décision (Snell, 1997). Cela perm<strong>et</strong> de promouvoir l’efficacité en<br />

identifiant un ensemble de scénarios possibles qui aboutiraient à la plus grande valeur des<br />

bénéfices n<strong>et</strong>s pour la société (Weimer, 2008). C’est d’ailleurs en s’intéressant à la<br />

méthodologie, que ce soit par l’étude académique de la méthode d’analyse elle-même, ou par<br />

l’analyse des évaluations menées par des praticiens, qu’il nous a été possible de recenser<br />

certaines limites qu’on peut distinguer en deux sections : celles qui interviennent en amont de<br />

la valorisation monétaire, lors de l’évaluation même des eff<strong>et</strong>s de la <strong>politique</strong>, <strong>et</strong> celles qui<br />

découlent des méthodes utilisées pour effectuer c<strong>et</strong>te valorisation. Concernant la première<br />

section se trouvent, parmi d’<strong>au</strong>tres, l’impossibilité de garantir un ordonnancement social<br />

cohérent des <strong>politique</strong>s sur lesquelles doit porter le choix (Blackorby & Donaldson, 1990), ni<br />

un ordonnancement social transitif (Arrow, 1963), la difficulté d’identifier la population<br />

concernée (Zerbe, 1999) <strong>et</strong> les groupes de personnes qui bénéficient ou pâtissent de la<br />

3


<strong>politique</strong> (Dorfman & Rothkopf, 1996). D’<strong>au</strong>tres limites relatives à la méthode même de<br />

valorisation existent, dont par exemple la définition du t<strong>au</strong>x d’actualisation adéquat (Moore,<br />

Boardman, Vining, Weimer, & Greenberg, 2004), <strong>et</strong> la difficulté de réduire toutes les<br />

comparaisons à une seule dimension (Dorfman & Rothkopf, 1996). L’identification de ces<br />

limites n’est pas exh<strong>au</strong>stive, mais c<strong>et</strong>te démarche a été utile pour se rendre compte des<br />

difficultés « en amont » <strong>et</strong> « en aval » de la méthode d’analyse elle-même.<br />

La partie A est réalisée, mais est susceptible de renforcements <strong>au</strong> cours des lectures en cours.<br />

B. Proposition d’un concept supplémentant quelques limites endogènes à la méthode<br />

d’analyse coûts-bénéfices actuelle<br />

Les limites « en aval », qui découlent des méthodes de valorisation monétaire,<br />

s’expliquent en grande partie par l’absence de fonctions d’utilité des différents agents<br />

concernés : il est alors nécessaire d’avoir recours à des méthodes de révélation de préférences,<br />

directes par le recours <strong>au</strong>x consentements à payer ou à recevoir (Stavins, 2008), ou indirectes<br />

grâce <strong>au</strong>x méthodes de coûts de déplacement (Clawson & Kn<strong>et</strong>sch, 1966) ou de prix<br />

hédonistes (Smith & Huang, 1995), par exemple. C<strong>et</strong>te littérature est déjà bien fournie,<br />

notamment en économie de l’environnement <strong>et</strong>, à moins d’avoir recours à des enquêtes<br />

approfondies, il n’<strong>au</strong>rait pas été pertinent de travailler sur ces limites. Dans le but de proposer<br />

un outil d’évaluation qui supplémenterait l’analyse coûts-bénéfices, nous avons donc choisi<br />

de nous intéresser uniquement <strong>au</strong>x limites « en amont » – c’est-à-dire celles qui découlent de<br />

la méthode d’évaluation des eff<strong>et</strong>s de la <strong>politique</strong>, avant même toute démarche de<br />

transcription monétaire – <strong>et</strong> c’est en s’intéressant <strong>au</strong>x analyses coûts-bénéfices menées<br />

actuellement par des praticiens que nous avons choisi de traiter deux d’entre elles en<br />

particulier : d’une part la prise en compte de la situation d’incertitude dans laquelle se place le<br />

décideur <strong>politique</strong> <strong>au</strong> moment de faire son choix <strong>et</strong> d’<strong>au</strong>tre part l’intégration de<br />

l’interdépendance des <strong>politique</strong>s <strong>publique</strong>s <strong>et</strong> des stratégies privées dans la démarche<br />

d’évaluation.<br />

Nous partons de l’hypothèse où l’individu qui prend une décision est en situation de<br />

rationalité limitée, ou de « rationalité procédurale » (Simon, 1947) : l’analyse coûts-bénéfices<br />

étant alors vue comme une procédure lui perm<strong>et</strong>tant d’obtenir une information avant de faire<br />

son choix. Toutefois, en menant c<strong>et</strong>te analyse, les évaluateurs font comme si chaque agent<br />

était en situation de « rationalité parfaite », alors que les choix pris par le décideur <strong>politique</strong>,<br />

tout comme ceux pris par chaque agent concerné par la <strong>politique</strong> qui serait <strong>mise</strong> en place, sont<br />

incertains, <strong>au</strong> sens où ils relèvent du caractère humain de l’individu. Nous n’essayons donc<br />

pas dans c<strong>et</strong>te partie de traiter de la prise de risque, vue par certains <strong>au</strong>teurs comme une<br />

incertitude probabiliste, mais bien de l’incertitude, parfois <strong>au</strong>ssi appelée incertitude radicale<br />

(Knight, 1921). En particulier, la durée d’évaluation de la <strong>politique</strong> <strong>publique</strong> doit-elle –<br />

comme c’est le cas actuellement – être choisie de façon exogène, c’est-à-dire arbitrairement<br />

(Cabanne, 2010) ou en fonction des caractéristiques financières <strong>et</strong> techniques de l’obj<strong>et</strong> à<br />

étudier (Boîteux & Commissariat Général du Plan (CGP), 2001), ou bien c<strong>et</strong>te durée<br />

d’évaluation doit-elle, <strong>au</strong> contraire, être endogène à la <strong>politique</strong> à évaluer elle-même, c’est-àdire<br />

fondée sur un calendrier des eff<strong>et</strong>s ? Ne devrait-elle pas être limitée par des critères<br />

inhérents <strong>au</strong> caractère humain, donc incertain des décideurs ? Un des apports de la thèse<br />

consiste donc à identifier l’horizon temporel <strong>au</strong>-delà duquel il devient déraisonnable de<br />

poursuivre l’évaluation.<br />

4


Le deuxième concept que nous souhaitons proposer <strong>au</strong> travers de c<strong>et</strong>te thèse est la prise en<br />

compte de l’interdépendance des <strong>politique</strong>s <strong>publique</strong>s <strong>et</strong> des stratégies privées dans<br />

l’évaluation même de la <strong>politique</strong> <strong>publique</strong>. En eff<strong>et</strong>, les analyses coûts-bénéfices pratiquées<br />

actuellement se limitent souvent à l’évaluation des eff<strong>et</strong>s directs de la <strong>politique</strong>, entendus<br />

comme les eff<strong>et</strong>s liés <strong>au</strong>x actions qui se sont déroulées, ou qui ont été <strong>mise</strong>s en place sans<br />

<strong>au</strong>tre intervention <strong>publique</strong>. Il est rare de voir les analystes prendre en compte les eff<strong>et</strong>s<br />

indirects, même si certains le font, c’est-à-dire ceux liés <strong>au</strong>x actions qui ont été <strong>mise</strong>s en place<br />

alors qu’elles n’étaient pas visées, toujours sans <strong>au</strong>tre intervention <strong>publique</strong> (Atkinson, 2007).<br />

La prise en compte de ces eff<strong>et</strong>s est-elle suffisante pour conduire une évaluation ? A partir du<br />

moment où la <strong>politique</strong> <strong>publique</strong> que l’on souhaite évaluer engendre des eff<strong>et</strong>s sur d’<strong>au</strong>tres<br />

<strong>politique</strong>s <strong>publique</strong>s <strong>et</strong> des stratégies privées, qui ne seraient pas apparus sans la <strong>politique</strong><br />

initiale, pourquoi ne pas les prendre en compte dans l’évaluation ? Un <strong>au</strong>tre apport de la thèse<br />

consiste donc à proposer une typologie d’eff<strong>et</strong>s directs, indirects <strong>et</strong> induits, tenant compte des<br />

remarques précédentes, <strong>et</strong> qui pourra être utilisée dans n’importe quelle évaluation de<br />

<strong>politique</strong> <strong>publique</strong>. C<strong>et</strong>te typologie sera proposée, pour avis <strong>et</strong> commentaires, à différents<br />

partenaires académiques <strong>et</strong> praticiens, en vue de son amélioration <strong>et</strong> de garantir – si possible –<br />

son efficacité <strong>et</strong> son exh<strong>au</strong>stivité. Même si l’outil est de portée générale, son application <strong>au</strong><br />

cours de la thèse est toutefois restreinte à des scénarios de réduction de la pollution<br />

atmosphérique en ville, comme le présente la partie suivante.<br />

La partie B fait, entre <strong>au</strong>tres, l’obj<strong>et</strong> d’un article de recherche en cours de rédaction (finition).<br />

C. Un nouvel outil d’évaluation socio-économique : application à la ville de Paris sur<br />

des scénarios d’amélioration de la qualité de l’air<br />

C<strong>et</strong>te partie vise à donner une application opérationnelle <strong>au</strong>x concepts théoriques<br />

développés précédemment. En eff<strong>et</strong>, dans le cadre du plan de lutte contre la pollution<br />

atmosphérique, pour lequel les élus parisiens ont lancé une commande municipale en<br />

novembre 2012, quelques scénarios de prospective de mobilité sont envisagés par les services<br />

techniques de la mairie. L’évaluation complète de ces scénarios n’est toutefois pas encore<br />

réalisée, <strong>et</strong> ils pourront consister en une application directe de l’outil proposé. Pour cela, un<br />

atelier de travail, regroupant des experts – académiques <strong>et</strong> praticiens – d’horizons divers, tant<br />

disciplinaires que géographiques, sera organisé en juin 2013 à la Mairie de Paris, dix-huit<br />

mois exactement après le début de la thèse. L’atelier <strong>au</strong>ra pour but d’une part de tester l’outil<br />

proposé sur des scénarios concr<strong>et</strong>s <strong>et</strong> territorialisés <strong>et</strong> d’<strong>au</strong>tre part, les avis des experts<br />

présents perm<strong>et</strong>tront d’améliorer l’outil, voire de lui donner une validation scientifique. A<br />

l’issue de ce travail, il sera alors possible de comparer les scénarios proposés par les services<br />

techniques de la mairie, ce qui contribuera à rendre à notre proposition le caractère d’outil<br />

d’aide à la décision <strong>publique</strong>.<br />

Le travail de la partie C est en cours, en même temps que l’organisation de l’atelier.<br />

5


D. Joindre la théorie <strong>au</strong>x données du terrain<br />

Les démarches d’évaluation proposées précédemment sont des évaluations ex-ante ou a<br />

priori : elles interviennent avant la prise de décision. Afin de calibrer l’outil proposé, il serait<br />

utile de le confronter à d’<strong>au</strong>tres scénarios, ou à des valeurs issues de données de terrain. Pour<br />

cela, si le temps <strong>politique</strong> le perm<strong>et</strong>, nous souhaiterions confronter les évaluations ex-ante<br />

issues de nos propositions avec une analyse concomitante, sur le même terrain. Si cela n’est<br />

pas possible, il f<strong>au</strong>drait alors essayer de calibrer nos paramètres avec des données issues d’un<br />

<strong>au</strong>tre territoire, en essayant de limiter <strong>au</strong> maximum les limites dues à la transposition de<br />

territoire. Enfin, une fois ces trav<strong>au</strong>x réalisés, une analyse de sensibilité nous semble<br />

nécessaire pour identifier les paramètres déterminants dans l’outil proposé : une de ses<br />

recommandations sera alors d’encourager les recherches de données (<strong>au</strong> moyen d’enquêtes<br />

par exemple) qui perm<strong>et</strong>tront de réduire l’incertitude sur ces paramètres ainsi déterminés.<br />

La partie D n’a pas encore été traitée.<br />

Au moyen d’une lecture analytique des méthodes d’évaluation basées sur le « N<strong>et</strong> Social<br />

Benefit », l’objectif de la thèse est donc double : d’une part, il s’agit de proposer une méthode<br />

perm<strong>et</strong>tant de supplémenter les analyses coûts-bénéfices actuelles en prenant en compte la<br />

situation d’incertitude dans laquelle se trouve le décideur <strong>politique</strong>, mais <strong>au</strong>ssi<br />

l’interdépendance des <strong>politique</strong>s <strong>publique</strong>s <strong>et</strong> stratégies privées. D’<strong>au</strong>tre part, dans une visée<br />

opérationnelle pour les services techniques de la Mairie de Paris, l’<strong>au</strong>tre objectif de la thèse<br />

est de tester c<strong>et</strong>te méthode <strong>au</strong>x données du terrain, en vue de proposer un outil d’aide à la<br />

décision <strong>publique</strong>.<br />

6


III) Difficultés rencontrées <strong>et</strong> à prévoir<br />

Dans ce travail de recherche, nous avons été confrontés à plusieurs difficultés, <strong>et</strong> nous en<br />

anticipons déjà quelques <strong>au</strong>tres.<br />

Parmi les difficultés rencontrées, il n’a pas été facile d’être exh<strong>au</strong>stif sur l’identification<br />

des méthodes d’évaluation de <strong>politique</strong>s <strong>publique</strong>s menées actuellement, ainsi que sur leurs<br />

théories sous-jacentes, <strong>et</strong> encore moins facile d’en définir une typologie. Des renforcements<br />

seront attendus en fonction des lectures en cours, <strong>et</strong> sans doute grâce à l’atelier de travail en<br />

juin.<br />

Une méthode théorique a bien été proposée pour trouver l’horizon temporel <strong>au</strong>-delà<br />

duquel nous pensons que continuer à effectuer l’évaluation devient déraisonnable, mais sa<br />

traduction « opérationnelle » doit encore être affinée, <strong>et</strong> il est peut-être question d’introduire<br />

l’aversion <strong>au</strong> risque du décideur, ou des probabilités d’occurrence d’événements.<br />

Une difficulté à également surgi en ce qui concerne l’utilisation des méthodes de<br />

valorisation monétaire <strong>et</strong> du choix du t<strong>au</strong>x d’actualisation actuelles. Ne pouvant recourir <strong>au</strong>x<br />

fonctions d’utilité des agents économiques concernés, les méthodes d’obtention de données<br />

présentent des limites qui introduisent une incertitude sur la mesure elle-même : c<strong>et</strong>te<br />

incertitude gommerait-elle la prise en compte des eff<strong>et</strong>s dus à l’interdépendance des <strong>politique</strong>s<br />

<strong>publique</strong>s <strong>et</strong> des stratégies privées dans la démarche d’évaluation ?<br />

Travailler de concert avec des praticiens en collectivité territoriale a ses avantages <strong>et</strong> ses<br />

inconvénients, ses bénéfices <strong>et</strong> ses coûts. Il est parfois difficile de s’inscrire dans le temps<br />

<strong>politique</strong>, voire électoral. De surcroît, les orientations « <strong>politique</strong>s » du suj<strong>et</strong> de la thèse<br />

doivent être séparées de son contenu, <strong>et</strong> ce travail n’est pas aisé en contexte électoral<br />

(présidentiel ou municipal), que ce soit en première année de thèse en 2012, ou en troisième<br />

année en 2014.<br />

Des difficultés sont également à prévoir, notamment en ce qui concerne la recherche<br />

d’indicateurs nécessaires pour l’évaluation des eff<strong>et</strong>s de la <strong>politique</strong> <strong>publique</strong>. Certains<br />

indicateurs sont disponibles via des enquêtes nationales (Enquête Nationale Transport – ENT)<br />

ou régionales (Enquête Globale Transport – EGT) : ces indicateurs sont évidemment<br />

sectorisés, <strong>et</strong> leur méthode d’obtention ne correspond pas toujours à nos attentes. Il est donc<br />

parfois nécessaire de créer des « proxy » afin de pouvoir obtenir une valeur d’évaluation, en<br />

prenant bien soin de détailler les hypothèses prises. Une recherche de données sur des<br />

territoires différents de la ville de Paris nécessitera <strong>au</strong>ssi une <strong>mise</strong> en forme, de façon à avoir<br />

des données harmonisées avec celles des différents territoires considérés.<br />

7


IV) Bibliographie indicative<br />

Arrow, K. J. (1963). Social Choice And Individual Values. Yale University Press.<br />

Atkinson, R. D. (2007). Framing a national broadband policy. CommLaw Conspectus, 16, 145.<br />

Benbrahim-Tallaa, L., Baan, R. A., Grosse, Y., L<strong>au</strong>by-Secr<strong>et</strong>an, B., El Ghissassi, F., Bouvard, V., … Straif, K.<br />

(2012). Carcinogenicity of diesel-engine and gasoline-engine exh<strong>au</strong>sts and some nitroarenes. The<br />

Lanc<strong>et</strong> Oncology, 13(7), 663–664. doi:10.1016/S1470-2045(12)70280-2<br />

Blackorby, C., & Donaldson, D. (1990). A review article: The case against the use of the sum of compensating<br />

variations in cost-benefit analysis. Canadian Journal of Economics, 471–494.<br />

Boardman, A., Greenberg, D., Vining, A., & Weimer, D. (2006). Cost Benefit Analysis: Concepts and Practice<br />

(3rd ed.). Pearson.<br />

Boîteux, M., & Commissariat Général du Plan (CGP). (2001). Transport: choix des investissements <strong>et</strong> coûts des<br />

nuisances.<br />

Cabanne, I. (2010). Le <strong>point</strong> sur les coûts <strong>et</strong> les avantages des vélos en libre-service (note pour le Commissariat<br />

Général <strong>au</strong> développement Durable (CGDD) No. n° 50).<br />

Clawson, M., & Kn<strong>et</strong>sch, J. L. (1966). Economics of outdoor recreation. R<strong>et</strong>rieved from<br />

http://www.eric.ed.gov/ERICWebPortal/recordD<strong>et</strong>ail?accno=ED022616<br />

Conseil de Paris. Délibération 2011 DEVE 28 du Conseil de Paris pour la signature d’une convention avec<br />

l’Agence de l’environnement <strong>et</strong> de la Maîtrise de l’energie (ADEME) relative <strong>au</strong> finnacement de l’étude<br />

de faisabilité pour l’expérimentation d’une Zone d’Actions Prioritaires pour l’Air (ZAPA). ,<br />

Délibération 2011 DEVE 28 (2011).<br />

Conseil de Paris. Communication 2012 DEVE 170 du Maire de Paris <strong>au</strong> conseil municipal sur la lutte contre la<br />

pollution, <strong>et</strong> adoptée le 13 novembre 2012 (2012). Hôtel de Ville, Paris.<br />

Dorfman, R., & Rothkopf, M. H. (1996). Why benefit-cost analysis is widely disregarded and what to do about<br />

it. Interfaces, 26(5), 1–6.<br />

Journal Officiel de l’Union Européenne. Directive 2004/107/CE du Parlement Européen <strong>et</strong> du Conseil du 15<br />

décembre 2004 concernant l’arsenic, le cadmium, le mercure, le nickel <strong>et</strong> les hydrocarbures aromatiques<br />

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