24.06.2013 Views

Cercle complet avec Olivier Mosset - Galerie Les Filles du Calvaire

Cercle complet avec Olivier Mosset - Galerie Les Filles du Calvaire

Cercle complet avec Olivier Mosset - Galerie Les Filles du Calvaire

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

manuel, caractéristique d’une peinture qui livre les signes de sa fabrication. (<strong>Mosset</strong> l’a répété et bien<br />

mis en évidence : il s’agit là de peinture et non de graphisme). Même si les monochromes, ces<br />

grandes surfaces planes recouvertes d’une seule couleur, avaient été également peints à la main, ils<br />

ne laissaient pas apparaître grand chose de la « main » de l’artiste.(Steve Di Benedetto a dit des<br />

surfaces de <strong>Mosset</strong> qu’elles sont « emphatiquement indifférents ».) Et même si les plus grands<br />

monochromes ne ressemblent à rien d’autre qu’à des parois peintes, on doit reconnaître que les murs<br />

sont, eux aussi, peints à la main. Ces nouvelles toiles affirmaient donc l’évidence de l’acte de<br />

fabrication, leur »fait main » et leur nom de baptême, à une époque où la peinture, et tout<br />

spécialement la peinture géométrique, ré<strong>du</strong>ctive, était à nouveau une valeur marchande.<br />

Une critique de la rétrospective <strong>Mosset</strong> écrite par Max Wechsler et se rapportant aux nouvelles toiles<br />

exposées à la même époque à Genève, commençait par ces mots :<br />

« Si l’on considère la totalité de l’œuvre de <strong>Mosset</strong>, on constate que le développement de sa peinture<br />

est moins à considérer comme la continuation de son travail antérieur que comme un intérêt pour un<br />

nouveau motif. Pourtant, dans ce travail récent, <strong>Mosset</strong> tend également vers une image qui insiste sur<br />

son identité de peinture qui pousse à confronter la définition de l’art comme maîtrise technique et<br />

imagination créative en ré<strong>du</strong>isant la peinture à ses constituants essentiels. »(7)<br />

<strong>Mosset</strong> lui-même a précisé :<br />

« La question de l’autonomie relative ou, au contraire, surdéterminée m’intéresse. L’idée d’une<br />

peinture en tant que telle, c’est effectivement ce que je cherche. Je pense toutefois que c’est dans un<br />

certain sens, codé, même si le code n’est pas contenu dans la forme <strong>du</strong> travail ».(8)<br />

Dans une critique sur la seconde exposition de toiles abstraites de <strong>Mosset</strong>, à la John Gibson Gallery<br />

en juin 1987, Kate Linker releva également cela : « <strong>Mosset</strong> semble nous inviter à reconnaître la nature<br />

codée de la peinture, comment elle est pro<strong>du</strong>ite et perçue, fabriquée et interprétée. Ces œuvres<br />

austères dramatisent la division entre le pro<strong>du</strong>cteur matérialiste de l’art et son récepteur idéaliste qui,<br />

en projetant des valeurs extra-matérielles dans l’œuvre, s’accroche encore et toujours à une idéologie<br />

de l’aura ».(9)<br />

En faisant exception de Gary Indiana pour qui rechercher le sens à donner aux titres des toiles était «<br />

un principe beaucoup trop littéraire », aucun des critiques qui se sont exprimés sur ces expositions<br />

n’abordé la question des titres. Et bien que <strong>Mosset</strong> ait affirmé que les titres de ses peintures sont sans<br />

signification à ses yeux, reste le fait qu’elles portent des titres. Et ces titres doivent être vus comme<br />

porteurs d’informations mais comme toutes les informations, on ne peut garantir leur valeur, ni même<br />

être sûr qu’il y a information. Bien utilisés, les titres peuvent être interprétés comme droit ou preuve de<br />

propriété. Dans les expositions, ils peuvent faire référence aux conditions d’administration ou à un<br />

objet consigné. S’il ne s’agit pas ici d’exagérer l’importance des titres chez <strong>Mosset</strong>, on ne peut les<br />

ignorer, même s’il a peint <strong>du</strong>rant vingt ans des peintures sans titres. Et c’est sur les toiles abstraites<br />

faites et présentées à Genève qu’apparaissent pour la toute première fois des titres dans son œuvre.<br />

En nommant la première peinture One step Backwards, <strong>Mosset</strong> pensait avoir accompli un pas en<br />

arrière dans son travail, le retour à l’abstraction. Faisant suite à la couleur unique et l’absence de titre<br />

des toiles monochromes, ses toiles abstraites portaient différentes couleurs, des éléments<br />

compositionnels et des noms. Ces œuvres étaient plus faciles à approcher, et plus « normales ». Et<br />

puisqu’un titre facilite souvent l’appréhension d’une peinture abstraite, il est, dans un certain sens,<br />

atten<strong>du</strong>. Comme le constate <strong>Mosset</strong> : « Je me disais que si ces toiles étaient plus réactionnaires que<br />

les monochromes, il fallait leur donner un titre. C’est ce que l’on attend. Ca rend les choses plus<br />

faciles. » La désinvolture de cette déclaration est en contradiction <strong>avec</strong> la spécificité de certains titres<br />

liés au moment et aux lieux où la peinture a été faite ou exposée. Pris au pied de la lettre, One step<br />

Backwards ne concerne pas uniquement le tableau ainsi nommé, mais aussi toutes les toiles de cette<br />

exposition, ainsi que celles qui suivront. Comprise par extension, cette expression est chargée d’une<br />

connotation négative. Elle implique une absence de progrès, un territoire per<strong>du</strong>. En prenant le risque<br />

d’aller trop loin dans l’interprétation, il me semble que ce titre anticipe la réaction prévisible à ce<br />

changement à l’intérieur de son œuvre, de la part <strong>du</strong> groupe des artistes <strong>du</strong> monochrome <strong>avec</strong><br />

lesquels il avait, entre temps, rompu. Certains titres n’ont sûrement pas été distribués arbitrairement et<br />

se rapportent au thème de l’autonomie, à la nature codée de la peinture, ainsi qu’à la relation de<br />

l’œuvre <strong>avec</strong> son marché et sa réception. Si l’on jette un coup d’œil aux titres donnés pendant l’année<br />

qui sépare l’exposition de Genève des deux expositions de New York , la montée et la chute <strong>du</strong> « néogéo<br />

» y est succinctement décrite : One step Backwards, Dynasty, Bandwagon, et finalement Little,<br />

Too Late.<br />

Alors que les peintres <strong>du</strong> monochrome, selon toute attente, n’avaient que mépris pour ces sortes de<br />

jeux de mots, <strong>Olivier</strong> <strong>Mosset</strong> a réussi, grâce à ses titres, à affirmer certains principes auxquels il tenait<br />

beaucoup. Par exemple None of Your Goddamn Business se présente comme une petite étiquette<br />

discrètement placées au mur, à côté de la peinture. Pour certains visiteurs, l’étiquette se voit en

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!