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Identité professionnelle et pratiques de l'Infirmière ... - SIDERAL-Santé

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AUDREY<br />

PECHEU<br />

IUP <strong>de</strong> Sociologie<br />

Université <strong>de</strong><br />

Toulouse - Le Mirail<br />

DOSSIER SOCIOLOGIQUE<br />

<strong>I<strong>de</strong>ntité</strong> <strong>professionnelle</strong> <strong>et</strong><br />

<strong>pratiques</strong><br />

<strong>de</strong> l’Infirmière Libérale


CHAPITRE I- Le contexte d’étu<strong>de</strong><br />

I- La <strong>de</strong>man<strong>de</strong> initiale<br />

Fondé en avril 1973 par la volonté <strong>de</strong>s infirmiers libéraux <strong>de</strong> terrain, le SNIIL regroupe<br />

<strong>de</strong>s sections départementales sources <strong>et</strong> pierres d’assises <strong>de</strong> l’action syndicale<br />

nationale, réparties sur l’ensemble du territoire français.<br />

Le SNIIL se donne pour objectifs <strong>de</strong> participer à l’élaboration d’une politique <strong>de</strong> santé<br />

à long terme, <strong>et</strong> d’oeuvrer à l’élévation <strong>de</strong> la qualité <strong>de</strong>s soins prodigués aux usagers <strong>de</strong><br />

la santé par :<br />

- la défense <strong>de</strong> la profession d’infirmière dans son ensemble, <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’exercice libéral<br />

en particulier,<br />

- la lutte contre l’exercice illégal <strong>de</strong> la profession <strong>et</strong> contre tout fait pouvant porter<br />

un préjudice quelconque aux intérêts collectifs <strong>de</strong> la profession,<br />

- l’apport à ses adhérents <strong>de</strong> documents abordant toutes les questions techniques,<br />

économiques, sociales <strong>et</strong> législatives les concernant, grâce à <strong>de</strong>s publications, à<br />

l’organisation <strong>de</strong> congrès <strong>et</strong> <strong>de</strong> conférences, <strong>de</strong> sessions <strong>de</strong> formation continue.<br />

Son obj<strong>et</strong> se résume donc à défendre la profession d’infirmière <strong>et</strong> le secteur médicosocial<br />

; d’assurer la promotion <strong>de</strong>s libertés, <strong>de</strong>s usagers professionnels en assurant un<br />

rôle <strong>de</strong> partenaire socioprofessionnel en matière <strong>de</strong> santé ; <strong>et</strong> <strong>de</strong> répondre aux besoins<br />

<strong>de</strong>s usagers par <strong>de</strong>s soins <strong>de</strong> qualité. Parallèlement, le SNIIL a pour but <strong>de</strong> réunir les<br />

membres <strong>de</strong> la profession qui veulent oeuvrer à la réalisation <strong>de</strong>s objectifs essentiels<br />

moraux <strong>et</strong> matériels <strong>de</strong>s infirmiers libéraux.<br />

Mon étu<strong>de</strong> consiste à observer la profession d’infirmière libérale <strong>et</strong> la gestion <strong>de</strong> son<br />

exercice <strong>de</strong> travailleur indépendant. L’histoire <strong>de</strong>s infirmières libérales évolue au<br />

rythme <strong>de</strong>s besoins <strong>et</strong> <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> sociale. Le contexte actuel révèle un certains<br />

nombres <strong>de</strong> problématiques, à l’issue d’une réforme gouvernementale intitulée le Plan <strong>de</strong><br />

Soin Infirmier, qui vient bouleverser le fonctionnement <strong>et</strong> les <strong>pratiques</strong> <strong>de</strong> la<br />

profession. Le PSI signé par ses <strong>de</strong>ux initiateurs la C.N.A.M. <strong>et</strong> le syndicat majoritaire<br />

<strong>de</strong> la profession la FNI, a été présenté au ministère le 24 Octobre 2000. Il prévoit<br />

globalement que les soins d’hygiènes relevant du rôle propre <strong>de</strong> l’infirmière soient<br />

réalisés par <strong>de</strong>s personnes non qualifiées, dont la responsabilité incomberait à<br />

l’infirmière. Suite aux manifestations <strong>de</strong> Juin <strong>et</strong> Novembre 2000, son application a été<br />

différé par E. Guigou le 8 Décembre 2000. Le PSI a engendré <strong>de</strong> nombreuses<br />

contestations : Pour certains, ce dispositif conventionnel ne perm<strong>et</strong> pas d’assurer une<br />

prise en charge <strong>de</strong> qualité <strong>de</strong>s soins apportés à la population, il engendre une gran<strong>de</strong><br />

confusion <strong>de</strong>s attributions <strong>professionnelle</strong>s, <strong>et</strong> <strong>de</strong>s répercussions sur la définition <strong>de</strong>s<br />

statuts, <strong>de</strong>s fonctions, <strong>et</strong> <strong>de</strong>s compétences <strong>de</strong> la profession.<br />

D’autre part, la profession <strong>de</strong>s infirmiers libéraux semble caractérisé par d’importantes<br />

différences <strong>de</strong> point <strong>de</strong> vue (débats contradictoires autour du PSI, relevés sur les sites


intern<strong>et</strong> <strong>de</strong>s différents syndicats tels que le SNIIL, l’ONSIL, la FNI... ), <strong>de</strong> <strong>pratiques</strong><br />

<strong>et</strong> d’expériences (les controverses soulevées autour <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> nursing/soins<br />

d’hygiènes) selon les professionnels qu’il convient d’étudier.<br />

C’est dans ce contexte d’incertitu<strong>de</strong> que Madame Daydé <strong>et</strong> Monsieur Bordieu, délégués<br />

départementaux du SNIIL occupant les postes respectifs <strong>de</strong> vice prési<strong>de</strong>nte <strong>et</strong><br />

secrétaire général, ont formulé une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> afin <strong>de</strong> mieux cerner leur environnement<br />

professionnel, connaître les logiques d’actions diversifiées <strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong> terrain, dans<br />

le but <strong>de</strong> comprendre <strong>et</strong> <strong>de</strong> s’impliquer vis à vis <strong>de</strong>s orientations dictées par les pouvoirs<br />

publiques, d’envisager l’avenir du métier <strong>de</strong> l’infirmier libéral, <strong>et</strong> globalement celui du<br />

système <strong>de</strong> santé.<br />

II- L’obj<strong>et</strong> du stage<br />

Le choix individuel d’une profession est parfois motivé par les goûts <strong>et</strong> les aspirations<br />

<strong>de</strong> chacun. Cependant, l’adaptation aux conditions socio-économiques conduit à<br />

rem<strong>et</strong>tre en cause périodiquement son activité <strong>professionnelle</strong>, <strong>de</strong> fait les choix <strong>de</strong>s<br />

individus ne peuvent plus être définitifs. Il n’en reste pas moins vrai que les choix<br />

initiaux gui<strong>de</strong>nt les étu<strong>de</strong>s, les réseaux <strong>de</strong> relations amicales ou autres, <strong>et</strong> à ce titre<br />

structurent fortement l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s acteurs sociaux.<br />

Le métier repose sur un ensemble <strong>de</strong> <strong>pratiques</strong> définies qui supposent une expertise. Il<br />

induit une i<strong>de</strong>ntité par le partage <strong>de</strong> techniques, <strong>de</strong> contraintes, d’histoire, qui se<br />

traduit par l’appartenance à un corps <strong>de</strong> métier. Nous verrons que la profession<br />

d’infirmier libéral est étroitement liée à l’évolution <strong>de</strong> la société : vieillissement <strong>de</strong> la<br />

population, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> soins spécifique <strong>et</strong> exigence qualité, attentes relationnelles,<br />

nouvelles directives <strong>de</strong>s structures hospitalières <strong>et</strong> l’émergence d’une volonté politique<br />

orientée vers le maintien à domicile. Ainsi il en découle une modification <strong>de</strong>s <strong>pratiques</strong> <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong>s prises en charge, qui semble aujourd’hui remise en cause par une logique économique<br />

<strong>de</strong> la santé.<br />

Dans un contexte forcément mouvant, les infirmiers libéraux manifestent un malaise<br />

i<strong>de</strong>ntitaire, une perte <strong>de</strong> repères, voient mal leur <strong>de</strong>venir, <strong>et</strong> se plaignent <strong>de</strong> n’être pas<br />

reconnu. Ce présent conflictuel est chargé d’un lourd passé caractérisé par une lutte<br />

d’enjeux, d’ancrage <strong>et</strong> <strong>de</strong> reconnaissance statutaire <strong>et</strong> <strong>professionnelle</strong>. Par ailleurs, il<br />

semble qu’au fil du temps la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> évolue <strong>et</strong> s’oriente actuellement vers <strong>de</strong>s soins <strong>de</strong><br />

hautes technicité, avec un besoin réel <strong>de</strong> relations humaines. Nous verrons qu’une<br />

dichotomie s’opère entre la pensée <strong>et</strong> la pratique.<br />

Ce stage a pour obj<strong>et</strong> d’apporter un regard extérieur afin <strong>de</strong> tenter d’objectiver le<br />

fonctionnement d’un groupe professionnel - en l’occurrence les infirmiers libéraux -<br />

quant à leur représentations, leur organisation formelle <strong>et</strong> informelle, leur mobilisation,<br />

leurs attentes <strong>et</strong> leurs stratégies.<br />

Mon étu<strong>de</strong> s’intéresse directement à :


la perception qu’ont les infirmières libérales <strong>de</strong> leur métier, au travers <strong>de</strong> leurs<br />

trajectoires <strong>professionnelle</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’évolution <strong>de</strong> leurs <strong>pratiques</strong>,<br />

la représentation <strong>de</strong> leur exercice par rapport à l’offre, la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, l’environnement<br />

institutionnel <strong>et</strong> technologique : en clair, leur positionnement dans le système <strong>de</strong> soin,<br />

leurs revendications au regard <strong>de</strong> nouvelles réformes qui entravent -pour certaines-<br />

leur statut, leur rôle <strong>et</strong> leur autonomie.<br />

Il s’agit <strong>de</strong> définir les différents acteurs en jeu, leurs tâches effectives <strong>et</strong> théoriques,<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> distinguer les diverses relations qu’ils entr<strong>et</strong>iennent. Les représentations <strong>et</strong> les<br />

questionnements soulevés autour du champs étudié, perm<strong>et</strong>tront <strong>de</strong> caractériser<br />

l’activité <strong>professionnelle</strong> <strong>et</strong> les attentes, <strong>et</strong> <strong>de</strong> spécifier la qualité <strong>de</strong>s soins apportée à<br />

la population.<br />

III- La mise en perspective<br />

1) la problématique<br />

C<strong>et</strong>te recherche a pour finalité d’objectiver autant que faire se peut les conditions<br />

réelles <strong>de</strong> travail <strong>de</strong>s infirmiers libéraux dans un système <strong>de</strong> santé évolutif, dans un<br />

contexte <strong>de</strong> changements notoires en dépit duquel il convient <strong>de</strong> s’adapter pour<br />

perdurer. Globalement il s’agit <strong>de</strong> comprendre :<br />

comment les infirmiers travaillent, quels sont leurs <strong>pratiques</strong>, sur quelles<br />

représentations ?<br />

avec qui sont ils en interaction <strong>et</strong> comment gérer ces échanges ?<br />

Comment faire pour améliorer la reconnaissance <strong>de</strong> leur rôle <strong>et</strong> <strong>de</strong> leurs fonctions ?<br />

Ainsi, il semble utile d’opérer une <strong>de</strong>scription détaillée <strong>de</strong> tout acteur <strong>et</strong> leurs<br />

caractéristiques inhérentes dans le système <strong>de</strong>s infirmiers libéraux, d’appréhen<strong>de</strong>r les<br />

interactions avec le reste <strong>de</strong> l’environnement social, économique <strong>et</strong> institutionnel. C<strong>et</strong>te<br />

<strong>de</strong>scription sera ensuite reprise lors d’une analyse qui m<strong>et</strong>tra en évi<strong>de</strong>nce leur<br />

fonctionnement pratique <strong>et</strong> souhaité, en effectuant un parallèle entre les savoir-faire<br />

<strong>et</strong> les aspirations réelles ; les interrogations soulevées autour du métier, relatives à<br />

l’insertion <strong>de</strong>s infirmiers libéraux dans le créneau <strong>de</strong>s nursing ou encore <strong>de</strong>s maisons <strong>de</strong><br />

r<strong>et</strong>raite ; les problèmes rencontrés qu’ils soient d’ordre social, familial, économique ou<br />

administratif ; ainsi que les stratégies développées pour pallier à ces<br />

dysfonctionnements <strong>et</strong> les attentes réelles.<br />

L’obj<strong>et</strong> du stage est <strong>de</strong> répondre à une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>professionnelle</strong>, selon une orientation<br />

sociologique. Cela consiste tout d’abord à i<strong>de</strong>ntifier les catégories d’acteurs inclus dans<br />

le système <strong>et</strong> <strong>de</strong> définir le type <strong>de</strong> relation qu’ils entr<strong>et</strong>iennent :<br />

la coopération entre infirmier libéraux, l’organisation pour pallier aux problèmes,<br />

la prise en charge du patient, la place accordée,<br />

les interactions avec le mé<strong>de</strong>cin,


le rapport aux syndicats,<br />

la santé comme enjeu <strong>de</strong> société qui fon<strong>de</strong> la légitimité <strong>de</strong> l’action <strong>de</strong> l’état.<br />

Il s’agit <strong>de</strong> comprendre les représentations <strong>de</strong>s individus qui structurent l’ensemble <strong>de</strong>s<br />

interactions entre chaque participant associé au métier <strong>de</strong> l’infirmière, <strong>et</strong> qui fon<strong>de</strong>nt<br />

en partie leur i<strong>de</strong>ntité <strong>professionnelle</strong>. Ainsi comment passer <strong>de</strong> représentations <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

<strong>pratiques</strong> partagées <strong>et</strong> diversifiées entre membre d’une même communauté, à l’adhésion<br />

<strong>et</strong> à l’engagement sur un proj<strong>et</strong> impliquant <strong>de</strong>s objectifs précis à atteindre, <strong>de</strong>s<br />

réalisations à concrétiser <strong>et</strong> <strong>de</strong>s mises en conformités <strong>de</strong>s comportements <strong>de</strong> chacun,<br />

visant la cohésion, l’autonomie, la responsabilité <strong>et</strong> la reconnaissance <strong>professionnelle</strong><br />

d’un groupe ? quelles motivations influencent leur choix d’action <strong>et</strong> leurs opinions ? quel<br />

lien peut-on percevoir entre la cohérence <strong>de</strong>s actes <strong>et</strong> les représentations <strong>de</strong>s<br />

différentes individualités?<br />

A première vue, on rencontre chez les infirmières une diversité <strong>de</strong> <strong>pratiques</strong> <strong>et</strong><br />

d’opinions. Dans un contexte libéral, c<strong>et</strong>te diversité irait à l’encontre d’une i<strong>de</strong>ntité<br />

collective <strong>et</strong> harmonieuse. Existe-t-il une forme d’individualisme au sein du groupe qui<br />

défierait leur appartenance commune <strong>et</strong> leur lutte pour la reconnaissance ? Il semble<br />

que la profession ne soit pas homogène, elle fixe <strong>de</strong>s objectifs différents à partir <strong>de</strong>s<br />

représentations <strong>de</strong>s divers professionnels, il en résulte ainsi un système à efficacité<br />

variable dans la mesure où les finalités <strong>de</strong>s acteurs sont multiples en fonction <strong>de</strong> leur<br />

compétence <strong>et</strong> <strong>de</strong> leur convenance personnelle. Dans c<strong>et</strong>te optique, il s’agit <strong>de</strong><br />

comprendre à travers quelles valeurs <strong>et</strong> représentations, les infirmiers libéraux<br />

exercent leur métier, quelles sont leurs motivations <strong>et</strong> quelles stratégies ils m<strong>et</strong>tent en<br />

place dans un système <strong>de</strong> soins qui, à les écouter, semble négliger leurs prestations.<br />

Dans ce contexte d’incertitu<strong>de</strong> , les infirmiers se mobilisent <strong>et</strong> s’organisent autour <strong>de</strong><br />

buts communs. Ainsi sur quelles bases <strong>de</strong> coopération <strong>et</strong> <strong>de</strong> coordination les infirmiers<br />

libéraux réalisent-ils leur activité ? Comment opèrent les différents acteurs ?<br />

Une première étape consiste à i<strong>de</strong>ntifier les différentes catégories d’infirmières<br />

libérales, selon leur trajectoire personnelle <strong>et</strong> leur formation, les diverses interactions<br />

relatives au système <strong>de</strong> soins, afin <strong>de</strong> comprendre leur positionnement <strong>et</strong> <strong>de</strong> justifier<br />

leurs <strong>pratiques</strong>. Parallèlement, il convient <strong>de</strong> prendre en compte l’état d’esprit <strong>de</strong> la<br />

profession quant à la prise en charge du patient <strong>et</strong> les soins qui lui sont attribués. Dans<br />

c<strong>et</strong>te perspective il s’agit <strong>de</strong> confronter les objectifs <strong>de</strong>s autorités <strong>de</strong> tutelle à ceux<br />

<strong>de</strong>s infirmiers libéraux, <strong>et</strong> d’analyser les menaces <strong>et</strong> les incohérences interprétées.<br />

Une secon<strong>de</strong> étape intervient pour comprendre <strong>et</strong> analyser le « mal être » infirmier, ses<br />

caractéristiques, ses singularités <strong>et</strong> ses manifestations ; les tâches qui incombent aux<br />

infirmières, la délimitation <strong>de</strong> leur prestation, le rôle élargit <strong>et</strong> leur revendications. Il<br />

s’agit <strong>de</strong> s’interroger sur le problème <strong>de</strong> reconnaissance <strong>et</strong> leurs attentes réelles par<br />

rapport à l’évolution <strong>de</strong> la société.<br />

Ainsi l’objectif revient à i<strong>de</strong>ntifier la perception qu’ont les infirmières libérales <strong>de</strong> leur<br />

métier, les tâches qui lui sont propres <strong>et</strong> celles qui relèvent d’autres champs <strong>de</strong><br />

compétences (auxiliaire <strong>de</strong> vie, ai<strong>de</strong> soignante, assistante sociale), afin <strong>de</strong> comprendre


leur mobilisation, leurs aspirations <strong>et</strong> leur appartenance à leur corps <strong>de</strong> métier. La<br />

finalité est <strong>de</strong> comprendre un système <strong>de</strong> soins aujourd’hui chaotique <strong>et</strong> porteur <strong>de</strong><br />

revendications, en vue d’une amélioration : en prenant du recul par rapport à ce qui se<br />

fait, il <strong>de</strong>vient possible <strong>de</strong> mieux observer <strong>et</strong> i<strong>de</strong>ntifier certains dysfonctionnements,<br />

d’apporter un sens à l’activité <strong>professionnelle</strong>, <strong>et</strong> par conséquent améliorer la réalisation<br />

<strong>de</strong> l’exercice libéral.<br />

2) Les hypothèses<br />

Il s’agit d’éclairer les infirmières libérales sur leur activité <strong>professionnelle</strong> <strong>et</strong> leur<br />

environnement social <strong>et</strong> institutionnel. Ces réflexions sont à associer aux poids <strong>de</strong> la<br />

profession dans le système <strong>de</strong> soins actuel, aux attentes réelles <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s <strong>et</strong> à<br />

l’i<strong>de</strong>ntité qu’ils revendiquent.<br />

La profession d’infirmière libérale renvoie à <strong>de</strong>s valeurs, <strong>de</strong>s concepts porteurs <strong>de</strong><br />

représentations antagonistes telles que l’aspiration à développer le côté social opposée<br />

à la technicité suggérée, qui font à la fois la force <strong>et</strong> la faiblesse <strong>de</strong> leur image <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

leurs revendications. Ces dimensions sont à étudier afin <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre en évi<strong>de</strong>nce la<br />

diversité <strong>de</strong> leur i<strong>de</strong>ntité qui se structure en fonction <strong>de</strong> la réalité sociale.<br />

L’évolution historique <strong>de</strong>s infirmières libérales peut apporter <strong>de</strong>s sources <strong>de</strong><br />

compréhension, pour définir relativement leur i<strong>de</strong>ntité <strong>et</strong> leurs aspirations. Leur lourd<br />

héritage du passé religieux <strong>et</strong> médical altère leur possibilité <strong>de</strong> forger une i<strong>de</strong>ntité par<br />

rapport à la prestation, la tardive indépendance nécessaire pour administrer les soins<br />

est un construit historique <strong>et</strong> social qui repose aujourd’hui sur un savoir-faire infirmier.<br />

Seule la formation acquise pour <strong>de</strong>venir infirmière va donner la qualification <strong>et</strong> se<br />

porter garante d’une i<strong>de</strong>ntité d’appartenance à un corps professionnel définit par un<br />

titre reconnu, <strong>et</strong> l’acquisition d’un statut juridique. Or la formation professe ce que<br />

d’autres ont décidé ce que soient ces savoirs, <strong>et</strong> déterminent ce qu’elles doivent faire,<br />

en assignant leur rôle. Ainsi, ce n’est pas une fonction qui a été déterminée mais un rôle.<br />

On a donc figé les infirmières en prescrivant une pratique, en dictant <strong>de</strong>s règles <strong>de</strong><br />

conduite, en façonnant leurs comportements, en exigeant d’elles soumission <strong>et</strong><br />

obéissance, qui durant <strong>de</strong>s décennies ont empêché toute expression <strong>de</strong> groupe, toute<br />

prise <strong>de</strong> conscience <strong>de</strong> classe. Guislaine Trabacchi² a montré que la formation <strong>de</strong><br />

l’infirmière n’est pas prioritairement centrée sur les soins mais sur le façonnement <strong>de</strong><br />

l’élève en infirmière. Ainsi le manque <strong>de</strong> considération aujourd’hui ressenti semble être<br />

lié à leur passé historique, aux encrages encore existants <strong>et</strong> à la nature <strong>et</strong> aux<br />

caractéristiques <strong>de</strong> leur prestation.<br />

² Dossier sur l’i<strong>de</strong>ntité <strong>professionnelle</strong>, coordonné par Guislaine Trabacchi<br />

D’autre part, les évolutions sociales, institutionnelles <strong>et</strong> économiques modifient la prise<br />

en charge <strong>et</strong> les <strong>pratiques</strong> quotidiennes <strong>de</strong>s infirmiers libéraux. Les soins sont porteurs<br />

<strong>de</strong> connaissance par rapport aux façons <strong>de</strong> vivre, aux façons <strong>de</strong> faire, aux croyances...<br />

L’explicitation <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong>s soins à partir <strong>de</strong> ce qu’elles proposent d’atteindre,


constitue la base d’une élucidation <strong>de</strong>s « soins <strong>de</strong> qualité » étroitement lié au contexte<br />

social <strong>et</strong> sanitaire. La réalisation <strong>de</strong>s soins à <strong>de</strong>s patients implique que <strong>de</strong>s personnes <strong>de</strong><br />

différents services, travaillent ensemble, avec pour chaque service son domaine<br />

d’action. Il s’agit donc d’une action collective. Il est donc nécessaire que les acteurs<br />

soient complémentaires. On peut donc faire l’hypothèse qu’une meilleure coopération <strong>et</strong><br />

coordination entre les acteurs soient un facteur <strong>de</strong> performance <strong>et</strong> <strong>de</strong> motivation. Or la<br />

profession libérale renvoie à une multiplicité <strong>de</strong> <strong>pratiques</strong> qui convergent selon ses<br />

convenances personnelles. Les représentations <strong>de</strong> la relation patient/infirmier<br />

perm<strong>et</strong>tra <strong>de</strong> clarifier la pratique, les rôles <strong>et</strong> les fonctions <strong>de</strong> l’infirmière. Ainsi nous<br />

pouvons nous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si l’individualité <strong>de</strong>s <strong>pratiques</strong> ne fausserait pas l’i<strong>de</strong>ntité<br />

collective <strong>de</strong> la profession, en laissant place à <strong>de</strong>s excès <strong>et</strong> <strong>de</strong>s abus qui ren<strong>de</strong>nt confus<br />

l’exercice libéral <strong>et</strong> pervertissent la crédibilité <strong>de</strong>s prestations vis à vis <strong>de</strong>s instances<br />

<strong>de</strong> contrôle.<br />

Le corps médical est engagé <strong>de</strong>puis longtemps dans une démarche qui dépasse largement<br />

la dimension curative <strong>de</strong>s soins. Ainsi, la prévention par exemple fait partie intégrante<br />

<strong>de</strong> son champs <strong>de</strong> compétences <strong>et</strong> d’intervention, même si elle reste encore tributaire<br />

<strong>de</strong>s choix <strong>et</strong> <strong>de</strong>s décisions budgétaires en terme <strong>de</strong> santé publique. Les autorités <strong>de</strong><br />

tutelle partent d’un constat, celui <strong>de</strong> l’évolution <strong>de</strong>s dépenses <strong>de</strong> santé au niveau <strong>de</strong><br />

l’ambulatoire qu’il convient donc <strong>de</strong> limiter. Les pouvoirs publiques <strong>et</strong> les caisses<br />

nationales cherchent à encadrer les coûts <strong>et</strong> « reprochent » l’augmentation <strong>de</strong> l’activité<br />

<strong>de</strong>s infirmières libérales <strong>et</strong> <strong>de</strong> ses soins (source : G. Trabacchi, l’i<strong>de</strong>ntité<br />

<strong>professionnelle</strong>). Parallèlement, celles-ci aspirent à se responsabiliser : n’y a-t’il pas une<br />

contradiction à l’exercice libéral lorsque les autorités réglemente la profession ?<br />

Certaines directives altèrent l’autonomie <strong>et</strong> la marge <strong>de</strong> manœuvre <strong>de</strong> l’infirmière<br />

puisqu’elle ne peut travailler selon ses propres logiques <strong>et</strong> ses stratégies. Dans un<br />

contexte social exigent qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> du temps <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’investissement, nous pouvons<br />

ém<strong>et</strong>tre l’idée que les infirmiers se trouvent tiraillées entre un besoin social <strong>et</strong> sanitaire<br />

croissant, <strong>et</strong> une logique économique qui suggère la délimitation <strong>de</strong> leur prestation pour<br />

contrainte budgétaire.<br />

La nouvelle réforme intitulée le Plan <strong>de</strong> soin infirmier (PSI) modifie la répartition entre<br />

les actes relevant du rôle délégué <strong>et</strong> ceux relevant du rôle propre <strong>de</strong>s infirmiers (au<br />

profit <strong>de</strong>s ai<strong>de</strong>s soignantes). C<strong>et</strong>te réforme vient bouleverser la profession dans son<br />

ensemble <strong>et</strong> suggère une action <strong>de</strong> changement par la découverte <strong>et</strong> l’acquisition <strong>de</strong><br />

nouvelles capacités collectives <strong>et</strong> individuelles, <strong>de</strong> nouvelles façons <strong>de</strong> raisonner <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

pratiquer. Il pose le manque <strong>de</strong> clarté inhérent à la profession <strong>et</strong> la question <strong>de</strong> la<br />

structuration du métier. Ce <strong>de</strong>rnier est révélateur d’une évaluation <strong>et</strong> d’une<br />

détermination <strong>de</strong>s conditions d’exercice, <strong>et</strong> il résulte d’une attente d’une valorisation<br />

du métier d’infirmier libéral. En d’autre terme, notre hypothèse est que le PSI a<br />

provoqué une prise <strong>de</strong> conscience <strong>de</strong>s conditions d’exercice en libéral <strong>et</strong> un changement<br />

notoire <strong>de</strong> la profession, dans la mesure où c<strong>et</strong> avenant conventionnel va modifier la<br />

pratique <strong>de</strong> l’infirmière <strong>et</strong> qu’il s’agit d’anticiper ce phénomène pour pouvoir perdurer. Il<br />

semble parallèlement qu’avec l’essor <strong>de</strong>s technologies médicales, favorisant les soins<br />

curatifs <strong>et</strong> <strong>de</strong> réparation plus que les soins <strong>de</strong> base, l’image <strong>de</strong> l’infirmier « technicien »<br />

<strong>et</strong> hyperspécialisé se trouve valorisé. Il y a un paradoxe dans lequel les métiers <strong>de</strong> la


santé s’inscrivent aujourd’hui : on attend <strong>de</strong> ces professionnels <strong>de</strong> la santé qu’ils soient<br />

attentifs à la singularité <strong>de</strong> la personne soignée, tout en étant extrêmement<br />

performants sur le plan <strong>de</strong>s connaissances biomédicales <strong>et</strong> <strong>de</strong>s habil<strong>et</strong>és techniques.<br />

Ces réponses seront un support à la compréhension du sens <strong>de</strong> la profession,<br />

étroitement liée à <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> valeurs, à <strong>de</strong>s représentations ou <strong>de</strong>s i<strong>de</strong>ntités<br />

collectives.<br />

IV- La méthodologie<br />

1) Les concepts sociologiques<br />

L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s représentations <strong>de</strong>s infirmiers libéraux quant à leur profession, mobilise<br />

différents concepts tels que l’i<strong>de</strong>ntité <strong>et</strong> le système <strong>de</strong> valeur, puis la notion <strong>de</strong><br />

changement social, <strong>de</strong> coopération <strong>et</strong> <strong>de</strong> marge <strong>de</strong> liberté.<br />

L’i<strong>de</strong>ntité peut être définie comme système <strong>de</strong> représentations <strong>de</strong> soi, étroitement lié à<br />

<strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> valeurs <strong>et</strong> à <strong>de</strong>s représentations collectives. D’autres part les valeurs<br />

s’organisent en un « idéal » que la société propose à ses membres <strong>et</strong> qui est autre chose<br />

qu’un simple futur vers lequel on aspire. C<strong>et</strong> idéal oriente les pensées <strong>et</strong> les actes. Le<br />

système <strong>de</strong> valeur cherche ce qui justifie <strong>et</strong> motive les moeurs pratiqués <strong>et</strong> les opinions<br />

exprimés par un groupe. Il doit être congruent avec la morale pratique, l’organisation <strong>et</strong><br />

le fonctionnement <strong>de</strong> la vie sociale <strong>et</strong> économique.<br />

Selon C. Dubar dans son ouvrage intitulé La socialisation, il s’agit <strong>de</strong> s’interroger sur la<br />

manière dont les acteurs s’i<strong>de</strong>ntifient les uns aux autres. C<strong>et</strong>te question est inséparable<br />

<strong>de</strong> la définition du contexte d’action, qui est aussi contexte <strong>de</strong> définition <strong>de</strong> soi <strong>et</strong> <strong>de</strong>s<br />

autres. En tant qu’acteur chacun possè<strong>de</strong> une certaine définition <strong>de</strong> la situation dans<br />

laquelle il est plongé. Elle prend la forme d’argument qui implique <strong>de</strong>s intérêts <strong>et</strong> <strong>de</strong>s<br />

valeurs, <strong>de</strong>s positions <strong>et</strong> <strong>de</strong>s prises <strong>de</strong> positions. D’autre part, ces auto-définitions, dans<br />

un contexte donné, ne sont pas strictement déterminées par le contexte lui-même.<br />

Chacun <strong>de</strong>s acteurs a une histoire, un passé qui pèse sur ses i<strong>de</strong>ntités d’acteur. Il ne se<br />

définit pas seulement en fonction <strong>de</strong> ses partenaires actuels, <strong>de</strong> ses interactions face à<br />

face, dans un champs déterminé <strong>de</strong> <strong>pratiques</strong>, il se définit en fonction <strong>de</strong> sa trajectoire<br />

aussi bien personnelle que sociale. C<strong>et</strong>te trajectoire subjective « résulte à la fois d’une<br />

lecture interprétative du passé <strong>et</strong> d’une projection anticipatrice <strong>de</strong> l’avenir ».<br />

La notion d’i<strong>de</strong>ntité ai<strong>de</strong> à penser les relations entre les catégories sociales légitimes<br />

(statuts sociaux <strong>et</strong> professionnels) <strong>et</strong> les représentations subjectives que ce font les<br />

individus <strong>de</strong> leur position sociale. Celle ci est liée au concept <strong>de</strong> socialisation, processus<br />

d’i<strong>de</strong>ntification, <strong>de</strong> construction d’i<strong>de</strong>ntité, c’est à dire d’appartenance <strong>et</strong> <strong>de</strong> relations.<br />

C. Dubar écrit « se socialiser c’est assumer son appartenance à un groupe ». Le signe<br />

décisif d’appartenance à un groupe c’est l’acquisition d’un savoir intuitif. Ce savoir<br />

implique la prise en charge plus ou moins partielle du passé, du présent <strong>et</strong> du proj<strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

groupe « tels qu’ils s’expriment dans le co<strong>de</strong> symbolique commun qui fon<strong>de</strong> la relation<br />

entre ses membres ».


A travers L’acteur <strong>et</strong> le système, Erhard friedberg nous explique que les<br />

comportements <strong>de</strong>s acteurs relèvent <strong>de</strong> leur histoires personnelles <strong>et</strong> <strong>de</strong>s processus<br />

d’apprentissage traversés, lesquels conditionnent leur perception <strong>de</strong> la situation à<br />

laquelle ils sont confrontés, comme leur capacité à s’y ajuster. La question qui se pose<br />

alors est celle du poids <strong>de</strong> ces représentations culturellement transmises dans le jeu <strong>et</strong><br />

les stratégies menées par les acteurs. Les attitu<strong>de</strong>s <strong>et</strong> les valeurs - reçues <strong>et</strong><br />

intériorisées par les individus en entrant dans c<strong>et</strong> univers - déterminent ensuite leur<br />

perception <strong>de</strong> la réalité, voire leur réaction affectives face à elle, <strong>et</strong> gui<strong>de</strong> ainsi le choix<br />

<strong>de</strong>s objectifs <strong>et</strong> <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> l’action.<br />

En somme la recherche s’intéressera alors à ces différents aspects <strong>de</strong>s relations, aux<br />

caractéristiques <strong>de</strong>s acteurs en terme <strong>de</strong> stratégie, puis à l’i<strong>de</strong>ntité collective<br />

construite <strong>et</strong> le système <strong>de</strong> valeur véhiculé par le groupe, à travers les ouvrages <strong>de</strong> R.<br />

Sainsaulieu, l’i<strong>de</strong>ntité au travail <strong>et</strong> C. Dubar La socialisation.<br />

Crozier <strong>et</strong> Friedberg suggère que toute action <strong>de</strong> changement passe par la découverte<br />

<strong>et</strong> l’acquisition <strong>de</strong> nouvelles capacités collectives, <strong>de</strong> nouvelles façons <strong>de</strong> raisonner, <strong>de</strong><br />

nouvelles façons d’être ensemble. Le changement est donc apprentissage, apprentissage<br />

à coopérer autrement c’est à dire à inventer <strong>et</strong> à fixer <strong>de</strong> nouveaux modèles <strong>de</strong> jeux.<br />

Cependant c<strong>et</strong>te conception du changement se heurte à <strong>de</strong>s obstacles. Certains<br />

rési<strong>de</strong>nt dans la structuration antérieure <strong>de</strong>s systèmes d’actions concr<strong>et</strong>s². Les<br />

acteurs ont développé <strong>de</strong>s capacités <strong>et</strong> <strong>de</strong>s compétences liées à c<strong>et</strong>te structuration.<br />

Celle-ci perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> résoudre certains problèmes mais constitue un obstacle à<br />

l’apprentissage collectif dans la mesure ou elle structure l’expérience <strong>de</strong>s participants,<br />

leur mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> raisonnement, leur façon d’agir <strong>et</strong> par conséquent, conditionne leur<br />

capacité à inventer <strong>de</strong> nouvelles règles du jeu. Crozier <strong>et</strong> Frieberg se questionnent<br />

« tous les groupes sont-ils propices à un processus collectif <strong>de</strong> changement ? ».<br />

D’autre part il est rare que le changement résulte d’une évolution graduelle<br />

harmonieuse ; celui-ci implique toujours <strong>de</strong>s crises <strong>et</strong> débouche sur la transformation<br />

<strong>de</strong>s systèmes d’actions. A partir <strong>de</strong> là il en résulte une prise <strong>de</strong> conscience <strong>et</strong> un<br />

² Le système d’action concr<strong>et</strong> se définit comme un ensemble humain structuré qui coordonne les actions <strong>de</strong> ses<br />

participants, par <strong>de</strong>s mécanismes <strong>de</strong> jeux relativement stables <strong>et</strong> qui maintient sa structure, c’est à dire la stabilité <strong>de</strong><br />

ses jeux <strong>et</strong> les rapports entre ceux-ci, par <strong>de</strong>s mécanismes <strong>de</strong> régulation qui constituent d’autres jeux.<br />

engagement dans un processus collectif où les individus <strong>de</strong>viennent acteurs du<br />

changement. Sainsaulieu apportera <strong>de</strong>s éléments <strong>de</strong> réponse par rapport aux situations<br />

analysées : les jeux stratégiques ordinaires <strong>et</strong> les ajustements culturels auxquels ils<br />

donnent lieu peuvent ainsi receler une dynamique d’apprentissage <strong>et</strong> être porteur <strong>de</strong><br />

créativité <strong>et</strong> d’innovation.<br />

Par suite l’étu<strong>de</strong> s’intéressera aux stratégies <strong>de</strong>s différents acteurs, sur le pouvoir qui<br />

leur est confié. L’individu dispose <strong>de</strong> certaines marges <strong>de</strong> liberté dans son travail, il<br />

élabore ses propres stratégies. L’acteur agit sans avoir <strong>de</strong>s objectifs clairs <strong>et</strong> <strong>de</strong>s<br />

proj<strong>et</strong>s nécessairement cohérents. Il n’est pas pour autant irrationnel. Sa rationalité<br />

s’exerce dans la saisie d’opportunités définies par un contexte donné <strong>et</strong> dans la prise en


compte du comportement <strong>de</strong>s autres acteurs <strong>et</strong> du jeu qui s’établit entre eux. En eff<strong>et</strong><br />

le système est composé d’individus qui agissent en fonction <strong>de</strong> leurs propres buts, qui<br />

sont parfois contradictoires avec l’organisation elle-même. Les règles officielles ne<br />

perm<strong>et</strong>tent pas d’expliquer toutes les conduites <strong>de</strong>s membres, il faut y ajouter les<br />

relations que les acteurs entr<strong>et</strong>iennent entre eux.<br />

En référence aux étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> M. Crozier <strong>et</strong> Fridberg, l’acteur <strong>et</strong> le système, dans un<br />

contexte macrosociologique, les acteurs <strong>de</strong> l’environnement sont amenés à coopérer afin<br />

d’atteindre <strong>de</strong>s objectifs communs. Cependant ces acteurs ont chacun <strong>de</strong>s orientations<br />

personnelles qui peuvent diverger <strong>et</strong> comprom<strong>et</strong>tre la concrétisation d’une action<br />

collective, en l’occurrence l’harmonisation du système <strong>de</strong> soins.<br />

La définition <strong>de</strong>s concepts perm<strong>et</strong> une meilleurs compréhension <strong>de</strong> l’obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> base,<br />

premier acheminement pour ensuite développer la problématique.<br />

2) Une approche qualitative<br />

La méthodologie employée est une approche qualitative. En terme <strong>de</strong> métho<strong>de</strong> n’est plus<br />

ici compris dans le sens large <strong>de</strong> dispositif global d’élucidation du réel, mais bien dans un<br />

sens plus restreint, celui du dispositif spécifique <strong>de</strong> recueil ou d’analyse <strong>de</strong>s<br />

informations, <strong>de</strong>stiné à tester <strong>de</strong>s hypothèses <strong>de</strong> recherche.<br />

La métho<strong>de</strong> d’entr<strong>et</strong>ien se distingue par la mise en œuvre <strong>de</strong>s processus fondamentaux<br />

<strong>de</strong> communication <strong>et</strong> d’interaction humaine. Ainsi s’instaure en principe un véritable<br />

échange au cours duquel l’interlocuteur du chercheur exprime ses perceptions d’un<br />

événement ou d’une situation, ses interprétations ou ses expériences. Trois objectifs<br />

sont corollaires à la métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’entr<strong>et</strong>ien :<br />

L’analyse du sens que donne les acteurs à leurs <strong>pratiques</strong> <strong>et</strong> aux événements auxquels<br />

ils sont confrontés. Leur système <strong>de</strong> valeur, leurs repères normatifs, leurs<br />

interprétations <strong>de</strong> situations conflictuelles, leur lecture <strong>de</strong> leurs propres expériences.<br />

L’analyse d’un problème précis : ses données, ses enjeux, le système <strong>de</strong> relation, le<br />

fonctionnement du système <strong>de</strong> soins.<br />

La reconstitution du processus d’actions, d’expériences ou d’événements du passé.<br />

Leurs attentes <strong>et</strong> leurs revendications<br />

L’intérêt <strong>de</strong> ces entr<strong>et</strong>iens est <strong>de</strong> partir <strong>de</strong>s représentations <strong>de</strong>s acteurs pour définir<br />

leur métier, les tâches qu’ils exercent. De plus l’interrogation portera sur leur<br />

trajectoire socio<strong>professionnelle</strong>, sur le côté relationnel que les acteurs entr<strong>et</strong>iennent<br />

entre eux, sur la représentation qu’ils se font du travail <strong>de</strong>s autres, afin peut-être <strong>de</strong><br />

déceler d’éventuels dysfonctionnements. Il s’agit d’une restitution partielle d’une vie<br />

dans un contexte social donné. Le récit <strong>de</strong> vie est un outil perm<strong>et</strong>tant d’atteindre une<br />

signification subjective <strong>de</strong>s faits sociaux, une technique perm<strong>et</strong>tant <strong>de</strong> recueillir <strong>de</strong>s<br />

témoignages sur une pratique sociale. A travers c<strong>et</strong>te subjectivité on peut saisir<br />

certains aspects <strong>de</strong> la réalité sociale.


Par suite, les entr<strong>et</strong>iens feront l’obj<strong>et</strong> d’une analyse thématique, en respectant la grille<br />

précé<strong>de</strong>mment élaborée. L’avantage <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te métho<strong>de</strong> est le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>s<br />

éléments d’analyse recueillis, puis la souplesse <strong>et</strong> la faible directivité du dispositif qui<br />

perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> récolter les interprétations <strong>de</strong>s interlocuteurs en respectant leurs propres<br />

cadre <strong>de</strong> références : leur langage <strong>et</strong> leur catégorie mentale.<br />

3) L’échantillon<br />

Selon la D.R.A.S.S., 1583 infirmiers libéraux exercent en Haute Garonne. Mon étu<strong>de</strong><br />

s’est limitée à 33 entr<strong>et</strong>iens dont 27 auprès <strong>de</strong>s infirmiers libéraux, 4 auprès <strong>de</strong><br />

patients <strong>et</strong> 2 auprès <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins.<br />

Les entr<strong>et</strong>iens réalisés auprès <strong>de</strong> patients <strong>et</strong> <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins garantissent un regard<br />

extérieur, démontrent <strong>de</strong>s besoins différents selon le positionnement <strong>et</strong> perm<strong>et</strong>tent<br />

une meilleur approche <strong>et</strong> connaissance du champs <strong>de</strong>s infirmiers libéraux qui leur est lié.<br />

Par précision, suite à un travail d’observation, j’ai tout d’abord réalisé <strong>de</strong>s entr<strong>et</strong>iens<br />

exploratoires pour clarifier le cadre <strong>de</strong> mon étu<strong>de</strong> : 8 entr<strong>et</strong>iens auprès <strong>de</strong>s infirmiers<br />

libéraux <strong>et</strong> ceux effectués auprès <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins <strong>et</strong> <strong>de</strong>s patients.<br />

Ces entr<strong>et</strong>iens doivent ai<strong>de</strong>r à constituer la problématique <strong>de</strong> recherche, à découvrir les<br />

aspects à prendre en considération <strong>et</strong> élargissent ou rectifient le champs<br />

d’investigation <strong>de</strong>s lectures. Ainsi les entr<strong>et</strong>iens exploratoires ont donc pour fonction<br />

principale <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre en lumière <strong>de</strong>s aspects du phénomène étudié auxquels le chercheur<br />

n’aurait pu penser simultanément lui-même, <strong>et</strong> à compléter ainsi les pistes <strong>de</strong> travail que<br />

ses lectures auront mis en évi<strong>de</strong>nce.<br />

Concernant les agents intéressés par l’étu<strong>de</strong>, il s’agit <strong>de</strong> diversifier la population afin<br />

d’être représentatif <strong>et</strong> d’avoir un éventail <strong>de</strong> réponses plus ou moins exhaustif. Je ne<br />

disposais pas d’un recueil d’information précis concernant les infirmier libéraux, qui<br />

aurait pu décliner leur CSP, l’adhésion au syndicat, ou encore leur âge <strong>et</strong> leurs<br />

formations. Il n’est pas toujours possible <strong>de</strong> rassembler <strong>de</strong>s informations sur chaque<br />

agent <strong>de</strong> la population qui la compose. Mon répertoire fut l’annuaire <strong>de</strong>s pages jaunes,<br />

ainsi que l’aiguillage <strong>et</strong> les conseils <strong>de</strong> mes commanditaires à l’égard <strong>de</strong> quelques<br />

personnes.<br />

Dans un premier temps, j’ai procédé par un découpage par villes du département telles<br />

que Toulouse, Port<strong>et</strong> Sur Garonne, Blagnac, Colomiers, Cornebarieu, Cugnaux, Lezate<br />

sur Lèse <strong>et</strong>c..., puis j’ai construit mon échantillon <strong>de</strong> manière aléatoire, en piochant<br />

parmi tous les numéros répertoriés pour ensuite négocier un ren<strong>de</strong>z-vous. Il s’agissait<br />

<strong>de</strong> diversifier les points <strong>de</strong> vue, les âges, l’adhésion à différents syndicats.<br />

Globalement malgré le tirage aléatoire <strong>de</strong> mon échantillon, j’ai rencontré <strong>de</strong> jeunes<br />

infirmières nouvellement rentrées dans la profession, <strong>de</strong>s anciennes, certaines ayant<br />

longtemps pratiquées en structures <strong>et</strong> d’autre peu voir pas du tout, <strong>de</strong>s infirmiers aux<br />

diverses formations <strong>et</strong> adhérant à différents syndicats, impliqués dans diverses<br />

actions... En ce sens l’échantillon semble suffisamment diversifié pour l’obtention d’un<br />

panel <strong>de</strong> réponses vaste <strong>et</strong> pertinent.


Par suite les premiers contacts se sont établis par téléphone, où je me suis présentée à<br />

découvert, en expliquant mon statut d’étudiante en sociologie, la durée <strong>de</strong> mon stage,<br />

mes missions <strong>et</strong> mes objectifs. Malgré quelques refus pour cause <strong>de</strong> désintéressement<br />

ou <strong>de</strong> manque <strong>de</strong> temps, je n’ai pas rencontré <strong>de</strong> difficultés particulières pour joindre<br />

les infirmiers libéraux <strong>et</strong> m’entr<strong>et</strong>enir avec eux, qui m’ont souvent reçu avec beaucoup<br />

<strong>de</strong> gentillesse <strong>et</strong> d’intérêts.

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