La politique de la jeunesse et les mouvements de jeunesse dans le ...

Présenté pour l’obtention de la Maîtrise
La politique de la jeunesse et les mouvements de
jeunesse dans le Bas-Rhin de l’après guerre
Préparé sous la Direction de : François IGERSHEIM, Professeur
Session 2004
d’Histoire de l’Alsace
Présenté et soutenu par : Dorothée BOUQUET
1

SOMMAIRE
INTRODUCTION .................................................................................................................... 5
L’HISTORIOGRAPHIE DE LA JEUNESSE : UN CHAMP DISCIPLINAIRE TOUT NEUF .................................. 6
LES POLITIQUES PUBLIQUES EN DIRECTION DE LA JEUNESSE ................................................................... 6
ET LES INITIATIVES DES GRANDES INSTITUTIONS SOCIALES .................................................................... 7
LA COOPERATION ENTRE L’ACTION PUBLIQUE ET LES INITIATIVES DES MOUVEMENTS .................... 8
LE PROBLEME PARTICULIER DE LA JEUNESSE ALSACIENNE ..................................................................... 8
SOURCES ............................................................................................................................... 10
SECTION I. LES ARCHIVES DU BAS-RHIN ................................................................................................... 11
SECTION II. LES SOURCES IMPRIMEES D’ORIGINE PRIVEE ...................................................................... 12
1. Jeune Alsace – la Revue ............................................................................................... 12
2. L’historique de l’Association ....................................................................................... 13
3. L’ébauche d’une monographie sur les Scouts alsaciens .............................................. 13
4. Les archives du diocèse de Strasbourg ........................................................................ 13
SECTION III. LES TEMOIGNAGES ................................................................................................................... 14
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 16
LA LIBERATION .................................................................................................................. 19
SECTION 1. LES AUTORITES DE L’ALSACE LIBEREE ................................................................................. 20
1. Les premières dispositions ........................................................................................... 20
2. Le rôle des résistants alsaciens .................................................................................... 21
SECTION 2. LA POLITIQUE DE LA JEUNESSE DU GOUVERNEMENT PROVISOIRE ................................. 23
1. La politique nationale .................................................................................................. 23
2. La réinstallation de l’administration de l’éducation nationale ................................... 25
3. La délégation départementale bas-rhinoise ................................................................. 26
SECTION 3. LA MISSION GOUVERNEMENTALE DE CULTURE POPULAIRE ............................................. 29
1. La création du Comité départemental de la Culture Populaire ................................... 29
2. Les premières actions de ces comités ........................................................................... 31
JEUNE ALSACE : UNE ASSOCIATION OFFICIELLE ? .............................................. 35
SECTION 1. LA JEUNESSE D’ALSACE : DEJA UNE REALITE PENDANT LA GUERRE ? ......................... 36
1. Les actions des Alsaciens en vue d’une libération par les Alliés ................................. 36
2. Les priorités que se donne l’Association Jeune Alsace ................................................ 38
3. Le contexte du projet .................................................................................................... 39
SECTION 2. L’IMPULSION DE JEUNE ALSACE : LA PREMIERE ARMEE ........................................... 40
1. L’incorporation des membres de la Jeune Alsace aux groupes de combat ................. 40
3

2. L’hebdomadaire JEUNE ALSACE ............................................................................... 42
3. L’association en autonomie après les événements de Janvier 1945 ............................ 47
4. L’œuvre de réconciliation avec la France ................................................................... 53
SECTION 3. L’ACTIVITE DE JEUNE ALSACE : VERS LA CONSOLIDATION ............................................ 58
1. Le théâtre et la musique français ................................................................................. 59
2. La formation : stage d’initiation à l’Art Populaire ...................................................... 60
3. Le Cinéma .................................................................................................................... 62
4. Le tournant de 1950 : une Association de Culture Populaire ...................................... 64
LES MOUVEMENTS DE JEUNESSE EN ALSACE APRES LA LIBERATION ......... 70
SECTION 1. LES MOUVEMENTS DE JEUNESSE LAÏQUES ............................................................................ 72
1. Principes communs des mouvements scouts, laïcs et confessionnels .......................... 72
2. Les jeunesses politiques ............................................................................................... 79
3. Les jeunesses musicales de France .............................................................................. 82
SECTION 2. LES MOUVEMENTS DE JEUNESSE PROTESTANTS .................................................................. 83
1. Le Scoutisme protestant ............................................................................................... 84
2. Les Unions Chrétiennes de Jeunes Gens et de Jeunes Filles (U.C.J.G. et U.C.J.F.) .. 85
3. Fédération Française des Associations Chrétiennes d’Etudiants ............................... 86
SECTION 3. LES MOUVEMENTS DE JEUNESSE CATHOLIQUES ................................................................. 87
1. Le scoutisme catholique ............................................................................................... 87
2. Les branches de l’Action Catholique de la Jeunesse Française .................................. 90
3. Les œuvres sociales paroissiales .................................................................................. 98
CONCLUSION ..................................................................................................................... 105
4

La Libération de l’Alsace n’est pas un fait historique en soi : c’est une partie intégrante
de l’Histoire, par la mobilisation de forces qu’elle a provoquée, par la durabilité de l’événement
et de ses conséquences, par les bouleversements politique, social et économique qu’elle a
engendrés à une échelle internationale. Mais tel n’est pas le centre de notre sujet mais plutôt son
contexte. En effet, l’objet de notre étude consiste à s’interroger sur le cas d’une partie de la
population alsacienne survivante en 1945 : il ne s’agira pas ni d’une classe sociale ni d’une
ethnie particulière mais davantage de la tranche d’âge que représentent les jeunes. Le thème de
notre recherche va donc se positionner au centre de trois champs de recherche que sont : la
France de l’Après-guerre, puis l’Alsace, une région annexée et libérée, enfin la jeunesse, sa
représentation et sa gestion.
INTRODUCTION
L’importance des mouvements de jeunesse dans la politique de réintégration nationale
de l’Alsace libérée n’échappe pas à l’observateur. Elle n’a pas fait l’objet de recherche jusqu’à
ce jour, ce qui contraste avec la période de l’annexion de fait, pour laquelle il existe au moins
les amorces d’une recherche, qui doit naturellement être reprise et approfondie 1
.
Nous nous sommes fixés pour sujet de maîtrise la politique de la jeunesse et les mouvements de
jeunes. Cela nous a conduit à constater la relative nouveauté de ce champ historiographique, qui
lie l’œuvre de deux acteurs sociaux très souvent réunis : ceux qui prennent en charge la
politique publique, ceux qui procèdent des associations. Mais la plus grande difficulté que nous
ayons eu à surmonter a été celle de la collecte des sources : écrites, orales. Et de celles qui ont
un statut mixte : les ébauches d’historiques élaborés par les témoins, qui sont à la fois des
ouvrages d’histoire et des mémoires.
1
HUMBERT G., « Les Grandes Lignes de la Politique Allemande de la Jeunesse en Alsace Occupée 1940-1944 »,
La Revue d’Alsace, n°110, 1984.
5

L’historiographie de la jeunesse : un champ disciplinaire tout neuf
Le champ historiographique dans lequel s’insère l’étude que nous avons choisi de mener
est fort neuf. Selon l’équipe d’historiens menée par Gérard CHOLVY, Bernard COMTE et
Vincent FEROLDI 2
, l’historiographie de la jeunesse et en outre celle des mouvements de
jeunesse se structurent à la fin des années 1980. Les trois historiens y voient quatre explications
plausibles.
Premièrement, les mouvements commencent à porter l’intérêt à leur histoire “ dès que celle-ci
3
comporte quelques décennies : ainsi, à partir de 1976, le 50ème anniversaire de la J.O.C , la
J.A.C. 4 , la J.E.C. 5 , etc. ” 6
.
Ensuite, à cette époque, les historiens et sociologues commencent à prendre en compte
le rôle spécifique de la “ jeunesse ”.
De même, la recherche s’intensifie sur l’éducation et par conséquent sur les
mouvements de jeunesse comme vecteur d’éducation. En outre, on découvre que nombre de
personnalités s’illustrant par leur place dans le monde politique, social, ou religieux sont passés
par des mouvements. Les historiens s’attachent maintenant à décoder la mémoire orale là où les
archives officielles – de l’Etat et de l’Eglise – sont souvent d’un faible secours.
Les politiques publiques en direction de la jeunesse
L’histoire des politiques publiques en direction de la jeunesse a été largement prise en
charge par les enseignants chercheurs 7 de l’I.N.J.E.P. 8
. Patricia LONCLE définit ainsi la
période 1936-1958 par trois caractéristiques.
Tout d’abord : “ L’une des particularités de l’intervention publique en direction des
jeunes est de ne pas se structurer, au cours de la période analysée, en secteur de politiques
2
CHOLVY G., Jeunesses Chrétiennes au XX° siècle, Paris, Les Editions ouvrières, 1991, p. 8.
3
Jeunesse Ouvrière Catholique.
4
Jeunesse Agricole Catholique.
5
Jeunesse Etudiante Catholique.
6
Id., p. 9.
7
HELUWAERT M., Jeunesse et Sports : espérances contrariées, marginalités, Propos sur les utopies
abandonnées, Paris, L’Harmattan, 2002 ; LONCLE P., L’action publique malgré les jeunes, les politiques de
jeunesse en France de 1870 à 2000, Paris, L’Harmattan, 2003.
8
Institut National de la Jeunesse et de l’Education Populaire : établissement public du Ministère de la Jeunesse et
de l’Education Nationale s’adressant à tous ceux qui sont concernés par les questions de jeunesse : responsables et
élus locaux, cadres associatifs, fonctionnaires de l’État, professionnels de l’animation, de l’éducation, chercheurs,
étudiants.
6

publiques ” 9 . Depuis la fin du XIX ème siècle, LONCLE décrit les relations de la jeunesse avec
l’Etat comme : “ une action publique symbolique ” 10 qu’elle estime “ établie autour d’une
relation tripolaire : la citoyenneté, la protection et le maintien de la paix sociale ” 11
.
La jeunesse comme vecteur de citoyenneté est donc un “ instrument mis à la disposition
12
de l’Etat pour exposer ses projets politiques, sur un mode métonymique ” et l’auteur
poursuit : “ dans cette logique, la question n’est pas tant d’intervenir en direction des jeunes
par le développement de politiques substantielles que de montrer que les autorités publiques
placent cette catégorie de population au centre de leurs préoccupations ” 13
. Pendant la
période 1936-1958, la jeunesse devient un problème public et fait l’objet d’une inscription sur
l’agenda, d’interventions directes, assez organisées, aux niveaux national et local. Cependant,
le rôle des autorités publiques apparaît plus procédural que substantiel, la mise en œuvre
relevant essentiellement de l’initiative et de l’appréciation des acteurs associatifs.
Et les initiatives des grandes institutions sociales
Par conséquent, et en deuxième caractéristique, les acteurs de la jeunesse sont issus des
initiatives privées. A ce titre, Jean-Pierre AUGUSTIN évoque “ une tripartition des initiatives
religieuses, laïques et socialistes ” 14
jusqu’aux années 1960. On trouve d’une part, des
organisations traditionnelles issues soit du niveau local soit du niveau national et ayant répondu
au cours des décennies d’Avant-guerre essentiellement aux besoins sociaux des jeunes. Il est
possible d’observer, d’autre part, des structures nouvelles à vocation nationale ou locale qui
correspondent à la fois aux nécessités imposées par les sociétés locales et aux mouvements
nationaux d’organisation de l’encadrement de la jeunesse. Les institutions de prise en charge de
la jeunesse, créées au cours de la période précédente, composées essentiellement d’amicales
laïques, de patronages catholiques et de mouvements de jeunesse, demeurent en place dans
l’immédiat Après-Guerre. Elles ne connaissent cependant pas le même sort en fonction des
villes. Par ailleurs, le climat politique et les oppositions confessionnels - laïcs influent
également sur les modes d’encadrement traditionnel de la jeunesse. En effet, l’Après-guerre
marque une certaine unité dans la mesure où elle représente une sorte de quête de légitimité de
9 Id., p. 43.
10 Id., p. 41.
11 Id., p. 14.
12 Id., p. 15.
13 Id., p. 16.
7

la part de l’Etat, concurrencé ou aidé par les mouvements et organisations privés, pour trouver
sa place en matière d’intervention en direction de la jeunesse. Cette période marque également
un processus de politisation des mouvements et organisations de jeunesse. “ Les tentatives
politiques de structuration du secteur jeunesse se font dans la perspective des apports de ces
premières expériences politiques. Elles sont basées sur la volonté de construction d’espaces
cogérés de mise en œuvre des politiques de jeunesse au sein desquels les acteurs publics et
privés sont susceptibles de se rencontrer et de construire les bases d’un secteur jeunesse ” 15
.
La coopération entre l’action publique et les initiatives des
mouvements
Patricia LONCLE dénote une structuration des réseaux locaux d’acteurs de jeunesse,
qui se trouvent en stabilisation pour la période 1936-1958. En effet, les réseaux d’acteurs sont
fortement caractérisés “ par la stabilité des relations, la très forte sélection et la permanence
des membres, l’interdépendance verticale fondée sur le partage des responsabilités dans la
gestion des services publics et leur isolement tant à l’égard des autres réseaux que du
public ” 16
.
Le problème particulier de la jeunesse alsacienne
Mais comment délimiter l’objet historiographique “ Jeunesse ”. Geneviève
HUMBERT, qui a étudié l’organisation et l’action de la Hitler Jugend en Alsace avait déjà
constaté: “ Ce n’est pas un concept sans ambiguïté ” 17
. De même, une série d’articles traitant
de la » Jeunesse Alsacienne » posait le problème dans les termes suivants : « Préciser les
limites ne semble en effet pas inutile, car le mot "Jeunesse" a pris un sens tellement étendu qu'il
désigne aussi fréquemment des bambins de 10 ans, des jeunes gens de 20 ans que des adultes de
30 ans. Cette extension, et par conséquent cette imprécision du mot est telle que certains sont
14
Préface de AUGUSTIN J.-P., in HELUWAERT M., Jeunesse & Sports, Espérances contrariées, marginalités
récupérées, propos sur des utopies abandonnées, Paris, L’Harmattan, 2002.
15
LONCLE P., L’action publique malgré les jeunes, les politiques de jeunesse en France de 1870 à 2000, Paris,
L’Harmattan, 2003, p. 117.
16
RHODES R.A.W. et MARSH D., “ les réseaux d’action publique en Grande-Bretagne ”, art. cit., p 44 in
LONCLE P., L’action publique malgré les jeunes, les politiques de jeunesse en France de 1870 à 2000, Paris,
L’Harmattan, 2003, p. 149.
17
HUMBERT G., « Les Grandes Lignes de la Politique Allemande de la Jeunesse en Alsace Occupée
1940-1944 », La Revue d’Alsace, n°110, 1984.
8

allés jusqu'à poser cette question préalable: la jeunesse est-elle au fond une réalité définissable
et analysable? Ou bien, n'est-elle qu'un mythe, une simple entité? » 18
. Pourtant, il y a des
repères : l’adhésion à la HJ était obligatoire, et son action embrasse toute la jeunesse, ce qui
n’est le cas ni des politiques ni des mouvements que nous étudions.
Nous pourrions nous référer à la scolarisation de cette classe, mais nous voulons au
contraire analyser les actions autres que celles de l’éducation nationale. Or, tous ceux qui sont
scolarisés, ne sont pas forcément représentés dans des activités extrascolaires.
Nous allons ainsi considérer comme “ jeunes ” en 1945, ceux qui étaient en âge de
fréquenter des mouvements de jeunesse, confessionnels ou non, parmi ceux qui ont subi la
nazification.
En d’autres termes, nous allons tout spécialement nous pencher sur ces enfants alsaciens
âgés de plus de 10 ans, qui ont été contraints dès janvier 1942 à intégrer la Hitlerjugend. Il ne
faut pas non plus exclure les enfants de plus jeune âge, qui n’ont pas connu la période française
ou très peu : ceux qui ont vécu leur période d’apprentissage du langage et de la culture pendant
la période de l’annexion.
Nous faisons ainsi un choix, qui est aussi celui de l’étude des effets de la politique de la
jeunesse. Nos centres d’intérêt vont concerner tous les enfants et jeunes qui ont été dans la
nécessité de “ se convertir ” ou de “ se reconvertir ” à la nationalité française lors de la
Libération de 1945.
Au centre de ces trois domaines, dont nous avons essayé de dresser le bilan des
recherches, nous posons donc la question du sort de la jeunesse alsacienne lors de la
réunification nationale de la Libération jusqu’au début de la V ème République.
Tout comme aux cotés des commissaires de la République, prennent place les CDL ,
nous voyons se déployer en prolongement de l’action publique en direction de la jeunesse, les
initiatives de “ renationalisation ” prises par les résistants.
Il s’agit ici principalement de l’action de JEUNE ALSACE, mais aussi du
développement du réseau des Auberges de Jeunesse, véritable enjeu de l’Après libération.
Enfin, il nous faudra décrire le nouveau visage des mouvements de jeunesse en France
de l’Après-guerre en comparaison de celui de la France de l’entre de guerre.
18
Annexe 14, Les articles du Nouvel Alsacien (10/1948), p. LIII.
19
Comité de Libération
19
9

SOURCES
10

Section I. Les archives du Bas-Rhin
Il s’agit des archives sur lesquelles nous comptions le plus. En effet, un arrêté du
Commissaire Régional de la République à Strasbourg, en outre Charles BLONDEL, nous
promettait un enregistrement des mouvements de jeunesse auprès de l’administration : « Aucun
mouvement, groupement ou association de jeunesse ou d'étudiants, aucune association sportive
ne pourra exercer une activité quelconque dans les Départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin
sans l'agrément du Commissaire Régional de la République à Strasbourg, donné après avis du
Recteur de l'Académie et du Directeur Régional de l'Education Physique et des Sports » 20
.
Aucune de ses demandes ne sera retrouvée. Cela peut s’expliquer par le fait, qu’en 1944
jusqu’en 1948, il existait un Service Régional de la Jeunesse et des Sports, qui a été dissous en
août 1948. En tout cas, peu de traces de ce service ne sont accessibles.
Les premières demandes d’agréments que nous retrouvions étaient postérieures à 1951.
Autant dire, qu’à cette date, la majorité des mouvements étaient reconstitués, sans que nous
puissions en avoir connaissance.
Un des versements concernés par notre sujet est le 1130 W, sous l’intitulé: « affaires
étrangères, éducation nationale, intérieur, jeunesse et sports, affaires culturelles, agriculture,
affaires sociales, justice, armée, anciens combattants, commerce et industrie, presse et
information, 1938 – 1981 » :
- 1130 W 410 (1947 – 1953) : Généralités. Jeunesse alsacienne (coupures de presse),
Généralités. Politique nationale (plan de subventions), Généralités. Commission
culturelle du département du Bas-Rhin (Réunions), Jeunesse et Sports. Comité
départemental de culture populaire, rapports d’ensemble, synthèses, Jeunesse et
Sport. Direction départementale et régionale (organisation), Jeunesse et Sports.
Recherches de fonds particuliers.
- 1130 W 411 (1948 – 1954) : Subventions nationales (éducation nationale et
agriculture), subventions départementales, Jeunesse et Sports. subventions
départementales, Recherche de bâtiments pour les diverses œuvres de culture
populaire.
20 Annexe 1, décret sur les agréments (21/12/1944), p. II.
11

- 1130 W 412 (1947 – 1956) : Jeunesse et Sports. Inscription au registre des
associations (agréments), Associations sportives. Avant-Garde du Rhin (coupures
de presse).
- 1130 W 413 (1948 – 1955) : Mouvements de jeunesse : spoliations des biens
(dommages de guerre), Auberges de jeunesse en Alsace (rapports divers), Statuts de
la Fédération française des auberges de jeunesse, Foyers ruraux, Maisons de Jeunes.
- 1130 W 414 (1946 - 1955) : Mouvements de jeunesse, correspondance entre le chef
de cabinet du Ministère de la Justice et le préfet du Bas-Rhin, Mouvements de
jeunesse : U.P.O.J., C.P.J., Mouvements de Jeunesse d’action catholique, J.A.C.,
J.O.C., Scoutisme, Fédérations françaises des Eclaireuses, Entr’Aide.
- 1130 W 415 (1949 – 1953): Union chrétienne de jeunes gens (U.C.J.G.) : demandes
de subventions, Foyers Ruraux, Maisons des Jeunes, Culture Populaire :
Association Jeune Alsace (demandes de subventions, rapport d’activité).
L’autre versement appartient aux fonds privés, pour lesquels il faut une autorisation. Il
s’agit du versement 88 J : « JEUNE ALSACE devenue en 1996 l’Association des Amis du
château d’Angleterre » :
- 88 J 1 : les publications (revues, carnets de chants, etc.)
- 88 J 2 : statuts de l’association, listes du comité ciné-club, correspondance diverse,
personnel salarié, bilans, budgets, comptes-rendus d’activités, demandes de
subvention, procès verbaux des réunions du C.A.
- 88 J 4 : statuts, procès verbaux, comptes-rendus
Section II. Les sources imprimées d’origine privée
1. Jeune Alsace – la Revue
La grande référence de ce mémoire tient en la série des revues de JEUNE ALSACE,
elle-même intitulée JEUNE ALSACE. Les 33 numéros sont encore historiquement inédits,
donnés par Mme JESEL, veuve du rédacteur de la série et seront versés à l’issue de ce mémoire
à la Bibliothèque Nationale Universitaire. C’est donc le journal de liaison de l’Association,
12

écrit par elle-même. La réalisation de ce journal reste encore mystérieuse : il n’y aurait pas eu
de journalistes professionnelles, ni de photographes. Mais on ne sait pas comment les
responsables ont obtenu autant de photos. Puisque l’Association était soutenu moralement et
financièrement par le G.P.R.F., on peut supposer qu’ils ont obtenu le concours des différentes
armées pour les photographies et autres illustrations.
La philosophie de la revue n’est pas de distribuer de l’information brute. Au contraire, la
revue se veut l’instrument de la jeunesse alsacienne pour être fière de sa région, et pour
s’intégrer à la culture française. Néanmoins, sa subjectivité revendiquée à part, elle est lue par
des jeunes alsaciens, et surtout elle fait état d’actions concernant la jeunesse, d’origine publique
et privée. A ce titre, elle est à considérer comme une source exceptionnelle, qui donne un
aperçu, peut être abrégé, du paysage des mouvements de jeunesse mais surtout qui témoigne
d’une politique de jeunesse concernant l’Alsace pendant et après la Libération.
2. L’historique de l’Association
L’Association JEUNE ALSACE, lorsqu’elle fut dissoute en 1969, a réalisé son
historique sous la plume d’Ernest - Florent HOLVECK. Le but premier est de rassembler les
éléments importants de la « vie » de Jeune Alsace. Mais l’objectif sous-jacent est de
commémorer.
De même, il existe un deuxième historique, entièrement inspiré du premier, mais réalisé
plus tard à l’occasion du versement des archives de Jeune Alsace en 1997 par Jean-Rémy
BUTTERLIN.
3. L’ébauche d’une monographie sur les Scouts alsaciens
Des scouts de France, vétérans, ont eu comme projet de retracer l’histoire du
mouvement en Alsace dans l’Entre-deux-guerres. La méthode ne se veut pas historique mais
plutôt comme une compulsion de témoignages sur une base de recherches.
4. Les archives du diocèse de Strasbourg
13

Ces papiers ne sont pas encore versés. Ils sont conservés au sein du diocèse sous la
responsabilité de l’Aumônier. Pour la période qui nous concerne, les dossiers sont intitulés :
- les comptes rendus des Conseils des Œuvres (1945-1950)
- Associations catholiques de chefs de famille
- Oeuvres d’enfants
- Comité diocésain d’Action et de Défense Familiale et Religieuse
- nominations officielles – Apostolat Eucharistique
- Fédération des Cercles Catholiques d’hommes et de jeunes gens d’Alsace
- Avant-garde du Rhin
- Cercles et Unions Paroissiales
- Fédération Nationale d’Action Catholique
- Fonctionnement des œuvres catholiques (1945)
- Ligue Catholique des Femmes Françaises du Diocèse de Strasbourg
(1922-1950)
- J.O.C.
- Comité d’Etude des problèmes concernant l’enfance
- Auberges de Jeunesse (1948-1949)
Section III. Les témoignages
Ils constituent une mine de renseignements irremplaçables. Quand les archives
n’existent pas, ce qui est le cas concernant la période de la résistance, ils peuvent orienter vers
une théorie. Néanmoins, les témoignages sont issus de la mémoire, d’une mémoire longue d’au
moins 60 ans, et la mémoire n’est pas de l’histoire. La chance de cette étude consiste dans le
fait, que les témoins sont pluriels, qu’à ce titre, on peut regrouper et confondre les auditions.
Il faut aussi noter que certaines rencontres se sont manifestées sous forme d’entretien, et
d’autres sous forme de correspondance épistolaire. Certains entretiens ajoutés en annexes
paraissent par conséquent plus structurés que d’autres. Le premier témoin est Florent
HOLVECK, qui, pendant la guerre, en Zone Libre, s’est trouvé responsable du Bureau des
Jeunes Réfugiés Alsaciens et Mosellans. Puis il est entré dans la résistance et a fait la rencontre
des autres fondateurs de Jeune Alsace dans la Brigade Alsace-Lorraine, et a été incorporé dans
14

la Première Armée Française. A la Libération, il est devenu le chargé des Affaires Culturelles
du Préfet du Bas-Rhin.
Le second témoin est Alphonse IRJUD, chargé de mission auprès du commissaire de la
République pour l’Alsace à la Libération jusqu’en juin 1945, puis rédacteur en chef du Nouvel
Alsacien jusqu’en 1969. Il avait demandé une enquête sur la jeunesse alsacienne à Paul
COLLOWALD, notre troisième témoin, journaliste au Nouvel Alsacien.
Le quatrième intervenant est F. RAPP, jeune responsable des scouts de la paroisse
catholique de Strasbourg.
Ensuite, Bernard METZ est à citer, comme deuxième membre fondateur de
l’association Jeune Alsace. Le contact a été épistolaire mais très lucratif pour l’analyse.
Enfin, Antoine DIENER-ANCEL a complété aussi les témoignages des précédents.
Certains témoignages ne sont pas utilisés dans cette analyse, bien qu’ils aient participé à la
découverte de nouveaux éléments de façon générale. Néanmoins, ils seront déposés, sous forme
de données numériques à l’Institut d’Histoire de l’Alsace.
15

BIBLIOGRAPHIE
16

BANCEL (Nicolas), Entre acculturation et révolution : mouvements de jeunesse et sports dans
l'évolution politique et institutionnelle de l'AOF (1945-1960), microfiche.
CHARPENTREAU J. et KAËS R., La culture populaire en France, coll. “ Vivre son temps ”,
les Editions Ouvrières, 1962.
CHOLVY (Gérard), Histoire des organisations et mouvements chrétiens de jeunesse en France
(XIX°-XX° siècles),Paris, Les Editions du cerf, 1999.
CHOLVY (Gérard), COMTE (Bernard), FEROLDI (Vincent), Jeunesses Chrétiennes au
XXème siècle, Paris, les Editions Ouvrières, 1991.
CHOLVY (Gérard), Mouvements de jeunesse chrétiens et juifs : sociabilité juvénile dans un
cadre européen : 1799-1968, Paris, Les Editions du cerf, 1985.
DILLINGER (Charles), de Wissembourg à Sélestat, 50 ans de J.O.C., Illzach - Modenheim,
J.O.C., 1979.
FUCHS (Julien), « Les organisations de jeunesse alsaciennes dans l’Alsace concordataire :
spécificités de la structuration du réseau associatif juvénile, 1918 – 1939 » in les Cahiers de
publications doctorales Université Marc Bloch n°1, Strasbourg, 2001.
GRANET (Marie), Les Jeunes dans la Résistance : 20 ans en 1940, Paris, France - Empire,
1985.- 250 p.
HALLS (Wilfred Douglas), Les Jeunes et la Politique de Vichy, Paris, Syros - Alternatives,
1988 (traduction française).
HELUWAERT (Michel), Jeunesse et sports : espérances contrariées, marginalités. Propos sur
des utopies abandonnées, Paris, Harmattan (Editions L'), 2002. - 261 p.
HUDON (Raymond) et FOURNIER (Bernard) dir., Jeunesses et politiques, Tome 2 :
Mouvements et engagements depuis les années trente, Paris, les Presses de l’université de Laval
et Harmattan (Editions L’), 1994.
17

L’HUILLIER (Fernand), Libération de l’Alsace, collection dirigée par Henri Michel, Hachette
Littérature, 1975.
HUMBERT (Geneviève), « Les grandes lignes de la politique allemande de la jeunesse en
Alsace » in Revue d’Alsace, n°110, 1984.
IGERSHEIM (François), « Lycéens alsaciens sous la croix gammée », in Revue d’Alsace,
n°121, 1995., p. 175-271.
JOUSSELIN (Jacques), Jeunesse, fait social méconnu, Paris, PUF, 1959.
LONCLE (Patricia), L’action publique malgré les jeunes : les politiques de jeunesse en France
de 1870 à 2000, Paris, Harmattan (Les Editions L’), 2003.
MIEGE (Colin), Les institutions sportives, Paris, PUF, coll. Que sais-je ?, 1993.
TOUZEAU (Jacques) dir., Les Jeunes de 1950 à 2000, un bilan des évolutions (les
commentaires de la presse, le regard des spécialistes, la réponse de l’Etat, l’évolution en
chiffres, les ouvrages de référence analysés),Marly - le-Roi, Institut National de la Jeunesse et
de l’Education Populaire, 2001.
VAN EFFENTERRE H., Histoire du Scoutisme, Paris, coll. Que sais je ?, PUF, 1947.
VOGLER (Bernard), Histoire culturelle de l’Alsace, du moyen âge à nos jours, les très riches
heures d’une région frontière, Strasbourg, Editions de la Nuée Bleue, 1993. - 576 p.
VOGLER (Bernard), L’après-guerre à Strasbourg, Illkirch, Le verger éditeur, 2002. - 189 p.
Rapport « Au Service de la Jeunesse » par le Ministère de l’Education nationale, 1961.
Commission Internationale d’Histoire des Mouvements sociaux et des Structures Sociales, La
Jeunesse et ses mouvements, Influence sur l’évolution des Sociétés aux XIX° et XX° siècle,
Editions du Centre National de la Recherche Scientifique, 1992.
18

LA LIBERATION
19

Section 1. Les autorités de l’Alsace libérée
1. Les premières dispositions
L’Alsace, de par son annexion, se distingue du reste de la France, par les efforts
entrepris à sa réintégration à la France tout au long de sa libération.
Fernand L’HUILLIER explique le retard pris dans l’organisation administrative de
l’Alsace par rapport aux départements français, par la conscience de la spécificité de ces
territoires annexés de fait, soumis à l’organisation nazie, et dont les jeunes (garçons et filles) ont
été incorporés de force.
“ A la fois par suite de l’évolution même de la guerre, puisque les Allemands se maintenaient
dans la plaine du Rhin durant l’été, l’automne et l’hiver, ce qui recommandait de ne pas
provoquer de représailles dans toute la mesure du possible – et par suite de la spécificité du
problème, puisqu’il s’agissait de deux départements en fait annexés par l’Allemagne nazie,
gleichgeschaltet, dans lesquels, par suite, la Résistance, tout en constituant un élément
véridique, n’avait pu rétablir un réseau offrant ou cherchant à imposer ses cadres au
gouvernement provisoire 21
”.
Fernand l’HUILLIER retrace pertinemment l’organisation de l’immédiate après-guerre
appliquée à l’ensemble de la France:
“ L’ordonnance d’Alger du 10 janvier 1944, prise par le C.F.L.N., avait arrêté le principe de la
division du territoire métropolitain en commissariats régionaux de la République. Une autre, le
3 juin, avait supprimé les préfectures régionales et défini l’organisation des commissariats.
Celle du 15 septembre avait jeté les bases politiques du rétablissement de la légalité
22
républicaine ” .
Et puis, les territoires ont été libérés très tardivement. Les textes qui régissent
l’organisation administrative, sont ceux du 15 septembre, du 29 septembre et du 23 octobre
1944. Ils rétablissent la législation républicaine existant le 16 juin 1940. Quant au statut
définitif, qui devra être présenté devant l’Assemblée, il consiste à effacer les dernières traces du
régime précédent afin de réaliser l’union de législation.
Mais il faut attendre la fin novembre pour que le Commissaire régional Charles
BLONDEL, désigné pourtant dès septembre, puisse gagner Strasbourg, tout comme
FONLUPT ESPERABER qui gagne Mulhouse. Mais l’Alsace reste divisée en trois tronçons
21 L’HUILLIER F., Libération de l’Alsace, Hachette, 1975, p. 155.
20

jusqu’à mars 1945, où s’achève l’occupation de l’ensemble du territoire, et Strasbourg est
encore sous le feu des batteries allemandes qui tirent de Bade jusqu’à avril 1945.
BLONDEL semble d’ailleurs en conflit avec son préfet, HAELLING. Et tout comme
FONLUPT, ils sont embarrassés de l’activité des CDL 23
, qui réunissent les mouvements de
résistance, alsaciens. La priorité de tous est la remise en route des organismes administratifs et
surtout celle de l’économie, réintégrée dans l’ensemble du territoire national.
2. Le rôle des résistants alsaciens
a. Les résistants issus de la Zone Libre
La politique de la jeunesse développée en Alsace après la Libération est le fait de cadres
résistants qui s'inspirent des principes de la politique de la jeunesse de Vichy (en outre sur
l’exemple de l’Uriage) et de celle qui parallèlement se développe dans la Résistance, surtout
après le passage d'Uriage dans la résistance. Nous pouvons remonter pour l'inspiration de cette
politique au mémorandum "carrefour des tilleuls" rédigé par les jeunes universitaires
catholiques et principalement par Emile BAAS, et surtout à leur Mémoire du 15 mai 1942, dont
nous donnons ici les grandes lignes.
« PRÉAMBULE – SITUATION ET IMPORTANCE DE LA QUESTION
Notre avenir à nous, Alsaciens c’est essentiellement l’Alsace et la Lorraine, l’objet de notre
volonté tendue, de nos efforts, ce sont premièrement nos provinces, nos provinces françaises,
c’est là notre travail, c’est cet aspect de la Révolution nationale qui nous concerne. Mais il
s’agit bien de l’Alsace et de la Lorraine de demain, celles d’hier ne nous retiendront que dans
la mesure des leçons qu’elles nous auront laissée.
On parle de réalisme aujourd’hui (…). Cependant il est un réalisme élevé, il en est un qui
s’impose à nous, Alsaciens et Lorrains, il consiste à prendre conscience de l’état de nos
provinces, de leur avenir, dans la perspective d’une issue heureuse du conflit des armes, de nos
responsabilités de Français, d’Alsaciens - Lorrains et d’exilés, du devoir qui s’impose à nous
22 Ibid.
23 Comité de Libération.
21

de nous préparer dès à présent à supporter le poids de cet avenir dont nous ne savons pas la
distance et de nous bien acquitter de notre mission.
Parmi les taches qui se présentent impérieusement à nous, il en est une qui nous apparaît
comme première à la fois pour son importance et pour son urgence : il s’agit de notre mission à
l’égard de nos jeunes. Il s’agit de façon plus restreinte et plus précise de nous préparer à
apporter à nos jeunes compatriotes ce dont ils auront besoin après de pareilles épreuves afin
d’assurer en eux et par eux une Alsace et une Lorraine fières, heureuses françaises. Ce dont
nous avons un besoin urgent ce sont des chefs qui auront été formés en vue de cette tache
délicate. (…) L’Alsace et la Lorraine seront ce que ce que seront les jeunes générations, c’est à
elles qu’appartient l’avenir.
Mais c’est à un autre titre encore que les jeunes ont droit à nos premières sollicitudes : ils
auront été les principales, les seules vraies victimes des doctrinaires de la Weltanschauung
raciste.
(…) Pour les problèmes nombreux, pour lesquels il importe dès à présent d’entrevoir des
solutions, nous contenterons de quelques perspectives rapides, les empruntant la plupart du
temps à l’excellent compte-rendu du Carrefour des Tilleuls d’août 1941, (journées des jeunes
universitaires catholiques d’Alsace et de Lorraine) qui débute ainsi : nous nous sommes réunis
pour méditer ensemble sur notre situation présente et pour dégager ensemble quelques lignes
de conduite en vue de notre avenir(…) » 24
.
b. la résistance alsacienne organisée
Nous ne pouvons retracer ici un tableau d’ensemble de la résistance alsacienne. Mais, il
est nécessaire de citer ceux qui vont jouer un rôle dans la politique de la jeunesse : les F.F.I., qui
au delà de leurs cadres constitués dès juillet 1944 enrôlent massivement la jeunesse encore
présente, et non mobilisée dans la Wehrmacht.
Leur journal, qui deviendra plus tard celui de l’Un.A.R., l’Alsace libérée appelle, le 3
décembre 1944 25
, à l’enrôlement : “ Nous voulons être un élément d’ordre et de discipline.
Nous voulons aider à reconstruire le pays dans un esprit nouveau de justice et de propreté
24
ADHR, 40 J 29/1, Rapport sur l’attitude à observer vis à vis de l’Alsace et des Alsaciens pour favoriser leur
intégration à la France, 15 mai 1942
25
Cit. In L’HUILLIER F., Libération de l’Alsace, Hachette, 1975, annexe V, p. 228.
22

intransigeante. (…) Nous voulons recruter autour de nous tous les Alsaciens de bonne volonté
et de décision inébranlable de nous aider dans notre tâche de reconstruction du pays ” 26
.
Au même titre, les “ Groupes mobiles d’Alsace ” ont pu constituer un modèle
d’initiative alsacienne. Leur différence avec les F.F.I. se situent dans le fait qu’ils se soient
constitués en dehors de l’Alsace en janvier 1943 autour de 3 alsaciens : Achille LAMBLE,
Joseph VUILLARD et un troisième qui nous deviendra familier Bernard METZ, “ qui se décide
27
alors à grouper les jeunes Alsaciens et Lorrains pour l’action ” . En principe les G.M.A.,
constitués des Alsaciens et des Lorrains internés en Suisse, ne serviront que pour les combats de
la libération vers la frontière alsacienne, tout en restant groupements autonomes des autres
mouvements et indépendants de toute étiquette politique. Mais les G.M.A. sont mis en veilleuse
en tant qu’unité de combat pour servir d’organe de renseignement.
Section 2. La politique de la jeunesse du Gouvernement provisoire
1. La politique nationale
Si les acteurs privés et locaux ont pris le relais de la gestion de la jeunesse, c’est parce
que pendant cette période, les institutions et les hommes qui en ont la charge changent très vite ;
il y a donc un décalage important entre les réalisations et les discours, notamment en ce qui
concerne l’héritage de Vichy. Il ne s’agit en aucun cas de revenir aux modalités du
gouvernement de la III ème République. Les forces de la Résistance, bien qu’elles soient loin
d’adopter un discours unique, étudient l’attitude politique à construire aux lendemains de la
Libération. Mais la jeunesse ne paraît pas occuper une position particulière dans ces réflexions,
elle est l’un des éléments d’application des nouvelles formes d’action publique. Le
gouvernement provisoire d’Alger dispose de peu de moyens pour élaborer une nouvelle
politique de jeunesse, il œuvre donc principalement en direction du pôle éducatif. Son premier
geste consiste en la promulgation de l’Ordonnance du 2 octobre 1943 sur l’agrément
soumettant les groupements et associations de jeunesse qui prétendent bénéficier des
subventions de l’Etat. Par ailleurs, le gouvernement provisoire décide l’annulation de
26 Id., p. 232.
27 L’HUILLIER F., Libération de l’Alsace, Hachette, 1975, p. 47.
23

l’ensemble des décisions prises par Vichy 28
. Le 9 septembre 1944, le gouvernement
d’unanimité nationale étant instauré, le ministère de l’Education Nationale revient à René
CAPITANT. Celui-ci dans la droite ligne des décisions prises à Alger a une idée très arrêtée en
matière de jeunesse ; il décide qu’il n’y aura pas de ministère de la Jeunesse, car une telle
institution empièterait sur les domaines de nombreux autres ministères. Un processus de
modification des attitudes, des visions et des comportements politiques est engagé vis-à-vis du
sport et de l’éducation physique, deux domaines longtemps déchiré entre la Santé et
l’Education Nationale. Dans ce cadre, la jeunesse reste un concept flou et réservé aux urbains.
Puis les idées évoluent :
“ les enseignements tirés de l’expérience vichyste conduisent à la création, lors de la
Libération, de deux directions au Ministère de l’Education Nationale : la Direction des
29
Mouvements de Jeunesse et d’Education Populaire qui reprend les attributions du SGJ , et la
Direction des Sports, celles du CGEGS 30 . L’option n’est pas neutre. (…) En vertu des principes
élaborés dans les maquis, et au CNR, elle fonde, l’intervention de l’Etat sur le principe,
désormais constitutionnel, de laïcité, sur la tolérance a priori, et la pratique du respect de la
diversité des opinions ” 31
.
On confie la Direction de la Culture Populaire et des Mouvements de Jeunesse, à Jean
GUEHENNO, Inspecteur Général nouvellement promu, représentatif de la culture du Front
Populaire et à René Basdevant, issu des Eclaireurs de France, ayant la confiance des
mouvements de jeunesse. Cependant la coexistence n’est pas efficace : les projets des deux
hommes ne sont pas compatibles. René BASDEVANT souhaite établir une politique
s’adressant directement aux jeunes. Mais Jean GUEHENNO préfère la notion d’Education
Populaire à celle de jeunesse, qui lui paraît trop suspecte. De plus, 1945 symbolise aussi le
retour d’un contrepoids de taille : la Ligue de l’Enseignement
28
Mais les nouveaux responsables en poste à la Libération n’en auront pas connaissance, seul un exemplaire
unique ayant été diffusé à Paris.
29
Secrétariat Général de la Jeunesse sous Vichy.
30
Commission Général de l'Education Générale et aux Sports.
31
HELUWAERT M., Jeunesse et Sports : espérances contrariées, marginalités, Propos sur les utopies
abandonnées, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 119.
32
La Ligue de l’enseignement fait son apparition en 1866 avec Jean Macé. Il ne s’agit pas d’une association de
jeunesse mais c’est à partir d’elle que se constitue le plus important courant laïc. Elle a pour but l’instauration de
l’Ecole publique laïque et obligatoire et la création d’œuvres sociales et éducatives pour la jeunesse. La Ligue de
l’Enseignement est supposée permettre de forger l’esprit démocratique et républicain chez bon nombre de jeunes
préparés au militantisme dans les organisations de jeunesse laïques.
32
, exclue du paysage en 1942. Se
présentant comme l’unique gardienne de la vraie foi laïque, la Ligue entre en conflit avec ceux
qui n’acceptent pas ses acquis : les Foyers Ruraux, les Maisons des Jeunes & de la Culture et les
24

mouvements catholiques. L’aventure de Jean GUEHENNO se termine en 1948 par sa fusion 33
avec le Service des Sports, qui a repris l’essentiel des attributions du Commissariat Général de
l’Education Générale & aux Sports. Mais la Direction GUEHENNO a participé, pour le court
temps de son existence, à la création de mouvements, structures et corps de personnel
d’intervention dans le cadre des activités de Jeunesse & Education Populaire : entre autre les
Francs & Franches Camarades, les Maisons des Jeunes & de la Culture, les Foyers Ruraux,….
En outre, les CREP 34
et les CREPS prennent la suite des Ecoles de Cadres. Bien que la
Direction des mouvements de jeunesse et de l’Education Populaire change cinq fois
d’appellation, de 1944 à 1949, et qu’elle devienne finalement la direction générale de la
Jeunesse et des sports, un certain nombre de décisions sont prises : la nouvelle direction
maintient la procédure d’agrément et les subventions de l’Etat aux mouvements de jeunesse ;
cette période développe intensément la formation spécialisée des cadres.
« La Direction générale de la Jeunesse et des Sports est chargée de toutes les questions
relatives à l'éducation physique, aux sports, à l'éducation populaire, aux activités de plein air,
aux colonies de vacances et à l'équipement du pays en installations sportives et d'éducation
populaire. (…) Par souci de simplification, il a paru opportun de confier à la même direction
ministérielle, le soin d'animer ces efforts d'éducation populaire et de définir une politique de
l'éducation physique et sportive. C'est le sens des mesures prises successivement depuis le Sous
- Secrétariat d'Etat à la Jeunesse et aux Sports (Mme Vienot), le Ministère de la Jeunesse, des
Arts et des Lettres (M. Pierre Bourdan) jusqu'au Secrétariat d'Etat à l'Enseignement technique,
35
à la Jeunesse et aux Sports (M. André Morice) » .
2. La réinstallation de l’administration de l’éducation nationale
Ce n’est pas notre propos que de décrire la remise en place de l’administration de
l’éducation nationale. Il est cependant nécessaire d’en situer les principaux cadres, étant donné
la nécessaire implication qu’ils auront dans la politique de la jeunesse.
Auprès du recteur PRELOT, nous trouvons deux chargés de mission, MM BAAS et
EHM : BAAS, professeur au Lycée Kléber avant la guerre, puis à Rodez jusqu’à la fin de la
guerre, BAAS est chargé de mission auprès du Recteur de l’Académie de Strasbourg dès
décembre 1944 pour la remise en route de l’enseignement secondaire, tout en assurant
33 Annexe 2, suppression de la direction régionale (18/08/1948), p. III.
34 Centre régional de l’Education Populaire
35 Annexe 3, transfert sur la direction générale (1949), p. V.
25

provisoirement la direction du lycée Kléber, où il enseignera jusqu’à sa retraite en 1971. Il
assure également une activité importante aux Intellectuels Chrétiens Sociaux, au Nouvel
Alsacien, et est président de la “ Paroisse Universitaire ” 36 . Professeur de philosophie lui aussi,
Albert EHM, durant sa jeunesse, il s’est fait connaître comme brillant étudiant en pédagogie et
par ailleurs ardent militant de l’Action catholique puisqu’il a été président national de
l’A.C.J.F. (Action Catholique de la Jeunesse Française). Pour la période qui nous intéresse, on
apprend qu’ “ avec le recteur Marcel Préjot, et des collègues tels E. BAAS et Etienne
JUILLARD, il participa à la réinstallation des services de l’Education Nationale en Alsace ” 37 .
Assez rapidement, EHM va s’engager politiquement : campagne électorale en faveur des
candidats MRP à la Première Constituante de 1945. Appelé dans le cabinet de Pierre
PFLIMLIN, “ son nom figura sur la liste MRP lors des élections du juin 1946 à la Seconde
Constituante ” 38
.
3. La délégation départementale bas-rhinoise
a. les appels de la préfecture
Concernant la mobilisation de l’administration à propos de la jeunesse, notons tout
d’abord l’arrêté du Commissaire Régional de la République du 21 décembre 1944 concernant
l’agrément obligatoire que les mouvements de jeunesse, ou tout autre institution d’encadrement
de jeunes doit obtenir du préfet 39
. Une autre mesure nous éclaire encore sur l’ambiguïté que
provoque l’héritage de Vichy dans la politique de jeunesse qui doit être appliquée. Il s’agit
d’une circulaire du Préfet du département du Bas-Rhin aux Sous-préfets et Maires du
département en date du 23 juillet 1945. Sur la demande du Recteur, le préfet rappelle que
« Réagissant contre le système totalitaire de la ‘Jeunesse unique’, l’Etat entend respecter la
pluralité des mouvements de Jeunesse (scoutisme, mouvements catholiques, protestants,
politiques, œuvres de colonies de vacances, etc…) et des associations d’éducation populaire
(chorales, théâtres, folklore, bibliothèques populaires, cours d’adultes, etc...). Néanmoins un
minimum de coordination et de contrôle est nécessaire. A cet effet a été créée dans chaque
36 NDBA, Christian Baechler, p. 77.
37 NDBA, Jean Pierre Kintz, p. 761.
38 NDBA, Jean Pierre Kintz, p. 761.
39 A.D.B.R. 1130 W 412, Jeunesse et sports, Agréments, Note d’information du chef de la 1° division du 1° bureau
de la préfecture au préfet sous l’objet « Inscription au registre des associations ».
26

département une Inspection des Mouvements de Jeunesse et d’Education Populaire, destinée à
servir d’intermédiaire entre les associations et les pouvoirs publics, et à favoriser leur action
dans la mesure où elle est éducative » 40 . Cependant aucune archive de cette inspection n’a été
découverte, alors que l’obtention d’une subvention dépendait d’un agrément de cette
inspection. Un article, intitulé « Ce que sont les Inspections des Mouvements de Jeunesse »,
parait dans l’Alsace Libérée le 18 mai 1945. Le journaliste distincte bien les deux champs
d’action : d’une part, les mouvements de jeunesse, loisirs organisés, colonies de vacances en
leur facilitant la formation de leurs encadrants, et l’obtention de locaux adaptés pour
coordonner l’action des mouvements à celle de l’Etat. D’autre part, les inspecteurs agissent
aussi dans le milieu d’Education Populaire, qui se présente comme un prolongement de l’école
en ce qui concerne l’accession d’un public largement populaire aux diverses manifestations
culturelles 41
.
Pourtant, il faut reconnaître à la préfecture d’avoir passer des consignes visant à faciliter
le retour des mouvements. Dans le précédent document, le préfet invite les élus locaux à trois
actions : premièrement, « favoriser de tout leur pouvoir les associations agréés en mettant,
dans le mesure du possible, des locaux et terrains à leur disposition, en leur accordant des
subventions sur le budget municipal, etc… Ce que les Allemands exigeaient pour leur
organisme unique doit être donné librement aux œuvres les plus dignes d’intérêt » .
Deuxièmement, les élus doivent pousser les mouvements à entamer une procédure d’agrément
et de contacter l’Inspection créée précédemment. Enfin, les Sous-préfets et Maires doivent
s’assurer que les mouvements sont bien représentés par des correspondants locaux, tels que
l’instituteur ou un membre du clergé.
b. les ratés de la direction de la Jeunesse et des Sports
A titre informel, il faut aussi souligner des relances du préfet au Directeur
Départemental de la Jeunesse et des Sports : « Désireux de faire établir une étude d'ensemble
des efforts qui sont faits dans le département du Bas-Rhin pour le développement d'une
véritable culture populaire, j'ai l'honneur de vous confirmer les entretiens de M. HOLVECK,
Attaché à mon cabinet, a eus avec vous dans ce sens et de vous demander quelques indications
40 Annexe 4, circulaire du Bas-Rhin (23/7/1945), p. VII.
41 Annexe 5, Article de l’Alsace Libérée, p. VII.
42 Annexe 4, circulaire du Bas-Rhin (23/7/1945), p. VII.
42
27

supplémentaires » 43 mais ils ne datent que d’avril 1948. La réponse n’est que peu satisfaisante :
« Etant à la tête d'un Service Académique relevant de M. le Recteur, j'ai transmis votre note à
ce haut fonctionnaire qui m'a invité à lui adresser les renseignements demandés. M. le Recteur,
sur votre demande, vous transmettra ces renseignements, dès que vous aurez bien voulu le
saisir de cette question pour ses services » 44 . L’issue de la demande est sans équivoque « Les
directions régionales de la Jeunesse et des Sports venant d'être supprimées, un réaménagement
général des directions départementales en particulier en personnel va être entreprise par
l'Administration Centrale. Il ne m'est donc pas possible actuellement de faire des propositions
quelconques sur ce chapitre » 45
.
En 1949, le bilan sur l’efficacité de la délégation de l’Education Nationale à propos de la
jeunesse est vraiment mitigé, preuve en est ce réquisitoire du Sous - Préfet de Wissembourg au
Préfet au 22 août 1949 : « Créés sous l'occupation, ces services ont prouvé leur absence
d'efficacité, d'abord parce qu'ils disposent de moyens manifestement insuffisants pour mettre
en oeuvre une véritable politique d'équipement sportif et d'éducation populaire, ensuite parce
que dans un pays démocratique ces activités doivent relever exclusivement du domaine de
46
l'initiative privée » .
En 1951, le constat reste le même dans une lettre du préfet du 27 avril 1951 adressée à la
direction générale de la Jeunesse et des Sports : « J'ai l'honneur d'attirer votre attention sur les
dispositions de l'arrêté du Commissaire Régional de la République à Strasbourg en date du 21
Décembre 1944 ayant pour objet l'agrément des groupements ou associations de jeunesse ou
d'études et des associations sportives. Il appartient au Préfet de donner cet agrément après avis
de M. le Chef du Service Départemental de la Jeunesse et des Sports. Je vous prie de bien
vouloir veiller à ce que toute déclaration d'association du genre susnommé et qui serait faite à
votre service, soit immédiatement signalée au Cabinet pour l'accomplissement de ces
formalités. Je vous serais obligé également de bien vouloir vérifier que toutes les associations
47
dont vous avez connaissance, ont bien reçu l'agrément en question » . A la suite de cet appel,
32 demandes d’agrément sont retournées à la préfecture, mais aucune n’a émané d’un
mouvement de jeunesse représentatif dans les archives départementales 48
. En 1951, les
43 Annexe 6, correspondance du préfet au directeur J&S (04/1948), p. XI.
44 A.D.B.R., 1130 W 410, Documents du Cabinet du Préfet (...) "Jeunesse et Sports" (...) 1938-1981,
Correspondance du Directeur Régional de la Jeunesse et des Sports pour l’Académie de Strasbourg (M. BARTEL)
à M. le Préfet (M. PAIRA)
45 Annexe 3, transfert sur la direction générale (1949), p. V.
46 A.D.B.R., 1130 W 410, Documents du Cabinet du Préfet (...) "Jeunesse et Sports" (...) 1938-1981, Suppression
des Services Départementaux, Régionaux et Centraux de la Jeunesse et des Sports.
47 A.D.B.R, 1130 W 412, Jeunesse et Sports, Agréments
48 Annexe 1, décret sur les agréments (21/12/1944), p. II.
28

principaux mouvements, ceux qui sont nationaux, tout du moins, sont déjà reconstitués. Les
principales demandes concernent finalement des groupes paroissiaux d’œuvres sociales, des
associations d’éducation populaire très localisées ou des sociétés sportives.
Néanmoins, le personnel envoyé par Paris au lendemain de la guerre se révèle très utile.
M. Pierre STAHL fut chargé de mission par la Direction des Mouvements de Jeunesse et de
l’Education Populaire, en octobre ou novembre 1944 49 . A ses côtés, Etienne JUILLARD,
nommé Inspecteur Principal des Mouvements de Jeunesse et d’Education Populaire, dépendant
du Ministère de l’Education nationale, du Recteur et des Inspecteurs d’académie. JUILLARD
s’attache à articuler la politique officielle, au demeurant fort réduite, et le projet de JEUNE
ALSACE. On sait de lui que “ durant l’occupation mais après son service militaire qui a duré
de 1937 à 1940, il a enseigné au lycée de Nîmes jusqu’en 1944 ; parallèlement, il s’est intéressé
au scoutisme, et, de retour en Alsace, il a occupé les fonctions d’inspecteur régional des
mouvements de jeunesse et de chargé des questions de culture populaire auprès du recteur de
l’Académie de Strasbourg jusqu’en 1947 ” 50
. Ces différentes personnes émanant de Paris et du
gouvernement provisoire seront les médiateurs administratifs, facilitant la tâche aux initiatives
locales, telle qu’est Jeune Alsace.
Section 3. La mission gouvernementale de culture populaire
A défaut d’avoir une politique de la jeunesse précise et réalisable, le gouvernement
provisoire semble avoir préféré une politique de culture populaire, plus propre de toucher la
population entière. Ce thème, à lui seul, mériterait une analyse approfondie, mais nous
tenterons d’en tirer les grandes lignes. Son importance tient dans le fait, que beaucoup de
similitudes relient ce que l’Etat a fait pour la culture populaire, à ce que Jeune Alsace a fait pour
la jeunesse alsacienne.
1. La création du Comité départemental de la Culture Populaire
49 Annexe 11, Entretien avec M. Holveck, p. XLVII.
50 NDBA, Henri Nonn, p. 1833.
29

La première étape de cette politique particulière apparaît dans le bulletin départemental
de l’enseignement des années 1946-1947. Dans ce bulletin, est publié, l’article suivant :
« On a beaucoup parlé ces derniers temps dans la presse régionale de comités de culture
populaire. Certains articles ont laissé entendre que la Direction de l’Information en avait le
privilège et que c’était elle qui avait la charge de la culture populaire en Alsace, mettant ainsi
délibérément le rôle et l’action de l’Education Nationale au deuxième plan. Je me fais donc un
devoir de remettre les choses au point. C’est en effet sur l’initiative de l’un des nôtres,
Monsieur Haeringer, inspecteur départemental des Mouvements de Jeunesse et d’Education
Populaire, agissant en plein accord avec moi-même que le comité départemental a été mis sur
pied et que sa création a été confirmée par un arrêté de Monsieur le Préfet. De nombreux
organismes et en particulier la Direction interrégionale de l’Information avaient à l’époque
accepté notre invitation de faire partie du comité. Voici du reste un exposé qui aidera à fixer les
idées.
Historique. – Lorsqu’au lendemain de la libération il s’agit de réinstaller officiellement la
culture française en Alsace, de nombreuses bonnes volontés tant privées que mandatées par
l’Etat rivalisèrent d’ardeur pour organiser dans nos villes et nos campagnes des tournées
théâtrales, musicales ou cinématographiques commentées, des conférences et des expositions,
pour constituer des bibliothèques de prêt, pour créer des foyers de culture, pour faire
fonctionner des stages d’initiation aux techniques d’Education Populaire, pour éditer des
revues culturelles.
Ce fut certes un spectacle réconfortant de voir tant de personnes, tant d’associations, tant
d’organismes officiels mettre chacun pour sa part tout en œuvre afin de rendre à la Pensée
française dans notre province la place que l’occupant lui avait disputée au profit de la
« Kultur » germanique. On pouvait regretter cependant que tous ces efforts restassent
dispersés et par là même frustrés d’une efficacité qu’une souple coordination leur aurait sans
nul doute prodiguée..
C’est précisément pour pallier désormais cet état de choses et pour faciliter et amplifier
l’action de tous par la mise en commun des moyens, tout en garantissant la stricte
indépendance de chacun tant au point de vue activité qu’au point de vue idées, que, sur
l’initiative de l’Inspection départementale des Mouvements de Jeunesse et d’Education
Populaire et après accord pris avec les divers organismes intéressés, fut créé à Strasbourg par
arrêté préfectoral du 1 er avril 1946 le comité départemental de Culture Populaire. Voici les
principaux articles de cet arrêté :
30

Article premier. – Il est créé, dans le département du Bas-Rhin, un comité départemental de
Culture Populaire, qui a pour but de faciliter dans toutes les localités du département, par la
création de comités locaux, l’organisation de manifestations culturelles de tous genres,
choisies en raison de leur valeur, à l’exception toutefois de toutes celles qui présenteraient un
caractère de propagande politique ou confessionnelle. Par exemple :
a) Conférences faites par des conférenciers locaux ou de l’extérieur sur des sujets
artistiques, scientifiques, géographiques, historiques, littéraires, moraux ou philosophiques,
médicaux, sportifs, etc.
b) Projections de films documentaires ou de classe avec commentaires (faciliter
l’action des ciné-clubs).
c) Représentations théâtrales de choix présentées par des troupes locales ou plus
souvent à l’occasion de tournées de troupes extérieures avec, si possible, présentation des
pièces avant le lever du rideau.
d) Auditions musicales exécutées par des artistes, chorales ou orchestres locaux ou de
passage, avec commentaires.
e) Expositions artistiques (peinture, sculpture, photographie, livres, etc.) locales ou
circulantes
Article 2. – Le Comité départemental de Culture Populaire pourra également faciliter :
a) l’organisation de bibliothèques circulantes,
b) l’édition et la vulgarisation d’œuvres littéraires d’auteurs locaux (création de prix),
c) la vulgarisation de notre patrimoine régional historique, archéologique, touristique
et économique en organisant en particulier pour des groupes ruraux des visites
commentées d’usines et de musées, des excursions avec guide compétent, etc.
d) des voyages de jeunes ouvriers et de jeunes paysans dans les autres départements
dans le but de mieux connaître la France » 51
.
2. Les premières actions de ces comités
51 Annexe 9, article du Bulletin Départemental (1946), p. XL.
31

En 1948, Florent HOLVECK, chargé des affaires culturelles auprès du Préfet, rédige un
rapport listant les premières urgences qu’il faudrait résoudre par l’intermédiaire du comité
départemental. Elles sont au nombre de dix :
- les cours d’adultes,
- le cinéma
- les échanges avec des jeunes de l’intérieur
- la mise en place de centres de vacances
- le réseau d’Auberges de Jeunesse
- le Théâtre populaire amateur
- la Bibliothèque de prêt
- les sports aériens
- Radio - Strasbourg
- Presse
Ces objectifs sont proches de ceux de l’Association JEUNE ALSACE, ce qui n’est pas
étonnant, étant donné que M. HOLVECK, chargé des affaires culturelles de la Préfecture, est
aussi un membre actif de cette association. De cette proposition de thèmes à traiter, en resteront
deux à l’ordre du jour de la Commission Culturelle du 6 octobre 1948 : une étude sur
l’installation et l’amélioration des Auberges de la Jeunesse dans le département, et une étude
sur l’utilisation du cinéma comme moyen de culture populaire. Un autre thème est aussi en
suspens : les Maisons de Jeunes ou Foyers Ruraux.
a. Les auberges de jeunesse
La commission « souligne l’intérêt primordial des Auberges de la Jeunesse sur le plan
social et sur le plan de la propagande française pour les étrangers. En effet, les A.J. permettent
aux jeunes Français peu fortunés d’entreprendre des voyages, qui en tout état de cause, sont
très éducatifs, et permettent aussi de recevoir un grand nombre d’étrangers, qui jugent souvent
la France (il y en a eu la preuve) sur ce qu’ils ont vu dans ces auberges. Dans l’état actuel des
choses, le réseau d’auberges installé actuellement en Alsace, n’a pas permis de répondre ni à
l’un ni à l’autre de ces buts » 52
.
52 A.D.B.R., 1130 W 410, Documents du Cabinet du Préfet (...) "Jeunesse et Sports" (...) 1938-1981,
Compte-rendu de la Commission Culturelle du 29 septembre 1948
32

Le premier souci est de « trouver un organisme capable de prendre en main l’ensemble
des problèmes des Auberges de la Jeunesse, sous le contrôle de l’Administration » 53 . Une des
solutions proposées est de se rallier à l’organisme national, chargé en droit de la question des
Auberges de la Jeunesse et qui porte le nom « Fondation Française des Auberges de la
Jeunesse », mais cette dernière se trouve emmêlée dans de graves problèmes financiers. La
commission propose alors de créer un organisme « capable d’agir, quoique se rapprochant par
sa structure de la Fondation. Cet organisme devra procéder d’abord à une enquête sérieuse sur
ce qui existe en matière d’Auberges de la Jeunesse en Alsace ou sur les maisons appartenant à
d’autres Clubs et qui accepteraient de jouer le rôle de gîtes d’étape, voire d’auberges. (…)
C’est par l’intermédiaire de cet organisme départemental que devrait se faire le
subventionnement du Ministère et du Département, mais la Commission souligne l’intérêt que
l’on doit susciter dans les communes elles-mêmes pour des institutions dont elles devraient
prendre de plus en plus le contrôle » 54
.
b. Le Cinéma comme moyen de culture populaire
La commission envisage que « la solution la plus efficace du problème serait une action
auprès des producteurs pour la composition de nouvelles séries de location destinées à
l’Alsace. Par contre, elle se montre très hésitante à l’égard d’une politique de
subventionnement du cinéma. Elle estime que de grosses difficultés pourraient survenir par la
suite et qu’il vaudrait mieux agir en rendant aux exploitants des services en nature. C’est ainsi
qu’elle préconise de mettre à la disposition des exploitants locaux ou des distributeurs, des
films documentaires gratuits, mais qui ne pourront être présentés que conjointement à certains
programmes choisis par un Comité Départemental restreint, réuni à cet effet. Les Foyers
Ruraux peuvent constituer un moyen très intéressant de diffusion de la culture par le
cinéma » 55
.
c. Les Maisons de Jeunes ou Foyers Ruraux
53 A.D.B.R., 1130 W 410, Documents du Cabinet du Préfet (...) "Jeunesse et Sports" (...) 1938-1981,
Compte-rendu de la Commission Culturelle du 6 octobre 1948
54 Ibid.
55 Ibid.
33

« Les Maisons de Jeunes et Foyers Ruraux peuvent, en outre, constituer une Association
Culturelle extrêmement intéressante pour la création de réseaux de cinéma éducatif et toute
entreprise éducative que les communes ne peuvent souvent assumer directement » 56
.
56 A.D.B.R., 1130 W 410, Documents du Cabinet du Préfet (...) "Jeunesse et Sports" (...) 1938-1981,
Compte-rendu de la Commission Culturelle du 29 septembre 1948
34

JEUNE ALSACE : UNE
ASSOCIATION OFFICIELLE ?
L’organisation JEUNE ALSACE nous paraît être un exemple typique de ces
organisations d’anciens résistants qui articulent la volonté de déployer une politique publique et
le souci de conserver l’indépendance d’une association privée.
JEUNE ALSACE a voulu être une institution centrale, qui aurait déployé une politique
cohérente de la jeunesse en Alsace. On peut s’interroger sur ses intentions qui ont présidé à sa
fondation, les mesures qu’elle a prises, qui renvoient à la définition plus générale de la politique
de réintégration culturelle de l’Alsace dans la France.
35

Ce qui la caractérise, c’est que procédant d’anciens animateurs de mouvements de
jeunes alsaciens, elle sait ce qu’a traversé la jeunesse alsacienne, pendant la guerre. Celle-ci se
distingue de la jeunesse du reste de la France par sa culture, son histoire, sa langue mais surtout
par son “ vécu ” de la guerre. Dans l’effort d’institutionnalisation de la jeunesse, l’Alsace n’a
pas été l’objet de l’action du Gouvernement de Vichy, qui si l’on peut résumer en une phrase:
“ a inversé l’arrière-plan idéologique et politique qui le sous-tendait et en donnant de
nouveaux moyens et objectifs aux institutions de jeunes et a tenté d’unifier les institutions
représentatives de la jeunesse en un seul mouvement de jeunesse, mais a échoué” 57
.
Les jeunes Alsaciens, pour leur part, ont été embrigadés dans les Jeunesses
Hitlériennes : uniformisation, germanisation, préparation militaire, endoctrinement nazi.
Section 1. La jeunesse d’Alsace : déjà une réalité pendant la
guerre ?
1. Les actions des Alsaciens en vue d’une libération par les Alliés
A travers les historiques de Florent HOLVECK, très impliqué dans la vie clandestine
puis officielle de JEUNE ALSACE, l’association, procède du réseau Martial. Elle est née dans
la clandestinité à la fin de l’année 1943, résultant d’une organisation Alsacienne de la
Résistance fondée dans la “ Zone Sud ”.
Cependant Bernard METZ, autre membre fondateur de l’association, date les origines
de « JEUNE ALSACE » en 1941, immédiatement après l’annexion de fait de l’Alsace et de la
Moselle et simultanément à l’implantation des Alsaciens (réfractaires à l’annexion et non
rentrés pour l’été 1940 ; expulsés pour motifs de francophilie ou motifs raciaux ; évadés) en
Zone Sud. Sous la dénomination « Bureau des Jeunes Réfugiés », créé vers la fin 1940 à Vichy
dans le cadre du Secrétariat Général à la Jeunesse 58
, Pierre STAHL met en place un service qui
vise d’une part l’aide aux « jeunes » réfugiés Alsaciens - Mosellans, et d’autre part la réflexion
sur le devenir des jeunes en Alsace et en Moselle annexées et sur les problèmes prévisibles lors
de la fin de l’annexion. « Ces deux démarches – aides et réflexion – étaient menées en liaison
avec les Alsaciens-Mosellans de divers mouvements de jeunes, scoutisme en particulier, mais
aussi d’enseignants. (…) Dès lors, à partir de l’été 1942, un certain nombre des partenaires de
57 Jean-Pierre AUGUSTIN, id.
36

ces initiatives « Jeunesse » ont décidés de participer à la Résistance militaire. Celui en janvier
1943 se concrétisa par la fondation en G.M.A. - Sud (future Brigade Alsace-Lorraine) au sein
du réseau FFC « Martial » [regroupant] ceux d’entre eux qui se préoccupaient plus
particulièrement de la politique « Jeunesse » lors de la Libération préparée » 59
.
Une équipe, composée de chefs alsaciens, membres de mouvements de jeunesse à divers
échelons, s’était chargée “ d’étudier un plan d’aide aux jeunes d’Alsace après la Libération ”
à partir du 1er janvier 1944. A l’exception des auteurs des “ historiques ” de Jeune Alsace,
aucun autre des “ chefs alsaciens ” n’est mentionné. Bernard METZ précise à ce moment le
récit : « Les hasards de la guerre ont fait que les interlocuteurs de 1943, qui avaient tenu
quelques réunions de travail formelles jusqu’à la réunion du 9 février 1944 (…) se retrouvaient
à Strasbourg début décembre 1944 (Florent Holveck, Alexandre Jesel, Fred Maurer et Bernard
Metz) » 61
.
Dans le premier article du premier numéro de ‘JEUNE ALSACE’ (la revue) en février
1945, intitulé “ Au moment de partir… Jeunes d’Alsace ! ”, l’auteur, Alexandre JESEL, qui en
est aussi le directeur, rappelle aussi que “ Jeune Alsace est réalisée grâce à l’apport des chefs
de tous les mouvements de Jeunesse qui ressurgissent dans notre province ” et que “ Jeune
Alsace est née de la volonté de jeunes, qui n’ont jamais désespéré. Restés au pays ou partis en
exil, ils ont lutté pour que l’Alsace redevienne à tout jamais française ” .
L’association résulte donc de la réunion d’Alsaciens, trop âgés pour encore être des
membres des mouvements de jeunesse, mais pas assez jeunes pour ne pas avoir été mobilisés.
Le mouvement est issu d’une génération qui se fixe pour mission de transmettre leur expérience
aux mouvements de jeunesse existants d’avant guerre et qui s’attache à vouloir les remettre sur
pied dès la Libération.
Ainsi, la “ JEUNE ALSACE ” d’avant la Libération semble s’être donnée deux
objectifs : d’une part, exister en tant qu’institution souple, agissant “ de façon empirique ” et
d’autre part s’adresser à l’ensemble de la jeunesse par des méthodes extensives afin de toucher
une population qui ne serait pas habituellement concernée par les mouvements de jeunesse. Ses
membres avaient l’ambition de devenir “ une sorte d’office de la Jeunesse et d’Education
58 Rattaché au Ministère de l’Education Nationale.
59 Annexe 10, entretien avec M. Metz, p. XLIV.
60 Annexe 8, Historique de Jeune Alsace, p. XIV.
61 Annexe 10, entretien avec M. Metz, p. XLIV.
62 Jeune Alsace la Revue - Janvier 1945.
62
60
37

Populaire qui, tout en restant privé, se tiendrait autant que possible en relation étroite et
confiante avec les représentants qualifiés de l’Etat » 63
en restant aconfessionnel et apolitique.
2. Les priorités que se donne l’Association Jeune Alsace
Les deux historiques de l’association nous font part de six grandes préoccupations
définies dès avant la Libération, qui finalement s’articulent autour des séquelles de la HJ. Un
article de Louis BERNARD, “ Réagir ”, paru dans le numéro du 26 mai 1946 de JEUNE
ALSACE, nous permet de situer le désarroi des Alsaciens par rapport à leur jeunesse : “ Avant
la guerre, les Jeunes d’Alsace passaient à juste titre pour plus persévérants, plus ‘accrocheurs’
que ceux des autres provinces. Les résultats scolaires étaient remarquables. Franchise et
simplicité étaient traits caractéristiques du tempérament du Jeune Alsacien. Puis vinrent les
années sombres de la tutelle hitlérienne et l’étouffement des consciences violentées. A la
libération, le climat exceptionnel des semaines historiques suscita des enthousiasmes, des
espoirs. Aujourd’hui, un peu de lassitude semble avoir envahi l’esprit des jeunes comme celui
des aînés. On remarque un relâchement dans l’effort intellectuel et physique un certain
scepticisme moral, contre lesquels il faut réagir ” 64
.
Premièrement, il s’agit pour l’équipe chargée de gérer la jeunesse alsacienne
d’examiner l’influence du National-socialisme et tout particulièrement de la Hitler Jugend sur
la jeunesse, l’Alsace étant le seul cas en France d’intégration totale au Reich national-socialiste,
qui y a forcé aussi l’enrôlement aux jeunesses hitlériennes. Geneviève HUMBERT a étudié
65
l’impact de la HJ sur ces jeunesses . “ Il faut souligner ici le fait que - si dès le mois de
septembre 1940 sont mises en place les structures de la HJ et appliquée dans ses grandes lignes
de la politique allemande de la jeunesse - la loi définissant ces grandes lignes du 1° décembre
1936, n'entrera officiellement en vigueur en Alsace qu'en janvier 1942 (..) ” 66
.
La HJ se fondant sur le principe : "la jeunesse doit être conduite par la jeunesse", il
avait été nécessaire, afin que la HJ puisse jouer pleinement son rôle dans la germanisation de
l'Alsace, de se préoccuper de former des chefs, des jeunes Führer. Les stages durent plusieurs
63
Annexe 8, Historique de Jeune Alsace, p. XV.
64
Jeune Alsace la Revue - 26 mai 1946 – N°28, « Réagir », Louis Bernard.
65
HUMBERT G., « Les Grandes Lignes de la Politique Allemande de la Jeunesse en Alsace Occupée
1940-1944 », La Revue d’Alsace, n°110, 1984.
66
Il s’agit là de la date officielle de généralisation. Il est vrai qu’une fois de plus, dans ce domaine comme dans
d’autres de la pratique national socialiste, le fait précède le droit. F. Igersheim a montré que l’adhésion est
obligatoire pour la jeunesse scolarisée de Strasbourg dès le printemps 1941. “ Lycéens Alsaciens sous la Croix
Gammée ”. RA. 1995.
38

semaines, ils portent sur l'éducation politique et sportive ainsi que sur le rôle de la HJ dans la
guerre (Kriegeinsätze der HJ); l'éducation politique comprend des cours sur le "bolchevisme
comme danger menaçant le monde" (Bolchevismus als Weltgefahr), sur la doctrine du parti
NSDAP comme base d'une vie allemande nouvelle (Neuordnung des deutschen Lebens). La
guerre se prolonge et exige la mobilisation des cadres à peine formés; on doit faire appel à des
éléments plus jeunes et les stages sont fortement réduits (6 jours). Ainsi, bien que la grande
partie de la jeunesse alsacienne avait été embrigadée dans les Jeunesses Hitlériennes,
l’endoctrinement des cadres se réalisa à la hâte.
Second point : les précurseurs de JEUNE ALSACE pensent nécessaire la mise au point
de méthodes “ positives et très souples ” pour “ combattre ” l’influence germanique dans le but
d’intégrer l’ensemble de la jeunesse d’Alsace dans la vie française. Il faut absolument se poser
comme l’opposé de ce qu’étaient les HJ : de la flexibilité, de la compréhension, du “ pardon ”.
Troisième point : il faut discréditer la culture allemande, de valoriser la vie française et
en particulier des mouvements de jeunesse français.
Quatrième point : l’équipe de la résistance veut aider au démarrage des diverses
institutions et mouvements de jeunes et aussi d’implanter un réseau d’institutions neuves
comme les Maisons de Jeunes.
Enfin, il importe de favoriser la connaissance de la France de “ l’intérieur ”, par les
jeunes Alsaciens et donc favoriser le tourisme des jeunes vers la France.
3. Le contexte du projet
Jeune Alsace procède donc de la mentalité dominante dans l’Alsace résistante d’alors :
faire revenir l’Alsace le plus vite possible et le plus complètement possible à la France! Cela est
le cas pour toutes les institutions publiques et associatives. Cela est tout particulièrement le cas
dans la politique de la jeunesse.
Reste à se demander si ce projet applique un modèle préexistant, que l’on aurait pu
rencontrer dans la France de l’Intérieur. Il n’en a apparemment pas été question : Florent
HOLVECK ne connaît pas de référence utilisée pour la création de l’association Jeune Alsace.
Bien que Bernard METZ dit avoir recouru à des modèles préexistants à Paris, dans les
différents témoignages, se retrouve le fait que les différents fondateurs avaient d’ores et déjà
pensé les dispositions particulières de l’association : d’une part, une limitation dans le temps (2
ans) et d’autre part, la précision des rôles de chaque mouvement adhérent pour éviter des
39

tentatives d’embrigadement. Le reste du programme est resté au demeurant très souple. Par la
force des choses, Jeune Alsace fut conduit en premier lieu vers la participation directe des
garçons et des filles à l’effort de libération de leur propre territoire, sans pour autant que
l’association oublia d’aider au redémarrage des mouvements de jeunesse.
Section 2. L’impulsion de JEUNE ALSACE : la Première Armée
La Libération de l’Alsace s’est échelonnée sur cinq mois : de novembre 1944 à mars
1945, ce qui représente la plus longue campagne avec celle de Normandie. La Libération s’est
amorcée par deux mouvements : ceux de la Première Armée dirigée par le général de LATTRE
de TASSIGNY pénétrant par le sud de l’Alsace, et ceux des troupes américaines, composée
entre autre de la 2° division blindée du général LECLERC par l’ouest. En outre, nous nous
demanderons en quoi la Première Armée à contribuer au développement de l’association
JEUNE ALSACE, pour être autant loué dans le premier numéro de la revue de cette dernière.
Elle exprime leur “ joie de retrouver la France (…) : à la glorieuse Armée Française, qui
compte dans ses rangs bon nombre de nos frères, aux obscurs combattants de la Résistance, à
leurs chefs, qui ont maintenu la flamme et arraché la victoire. C’est à eux qui nous dédions ce
premier numéro ” 67
.
1. L’incorporation des membres de la Jeune Alsace aux groupes de
combat
a. les membres
Ainsi, l’association JEUNE ALSACE a été crée par des résistants alsaciens, qui avaient
rejoint “ les postes de combats qui leur avaient été assignés par les chefs de résistance ” 68
.
Parmi eux, Fred MAURER et Ernest-Florent HOLVECK, qui ont eu pour mission de regrouper
les différents représentants régionaux des organismes de jeunesse pour « établir un plan
67 Jeune Alsace la Revue – février 1945 – N°1, éditorial, JESEL A.
68 Annexe 8, Historique de Jeune Alsace, p. XV.
40

d’action immédiat » 69 à la Libération de Strasbourg, puis de rejoindre leurs groupes de combat.
Mais aussi Alexandre JESEL, après des études de droit et de sciences politiques à Strasbourg et
à Paris, puis engagé dans la Brigade Alsace-Lorraine en 1944, est alors sous-lieutenant fut
affecté à la Section Alsace de l’Etat-major de la 1 ère Armée Française, au quartier général de
Besançon, a eu pour mission de s’occuper des jeunes Alsaciens déserteurs de la Wehrmacht 70 .
Bernard METZ 71 a pour sa part un long passé de résistant, puisqu’il est homologué lieutenant
au titre de réseau F.F.C. Martial en 1942 et jusqu’en 1944. Ayant pour mission de coordonner la
résistance alsacienne en Alsace et hors d’Alsace, il a participé à la campagne de la libération
d’abord dans le maquis du Sud-Ouest, puis avec la Brigade Alsace-Lorraine dont il a été l’un
des fondateurs 72
.
b. les prémices d’une institutionnalisation
Dès la libération de Strasbourg, le délégué départemental STAHL convoque une
réunion des chefs de Mouvements de jeunes présents à Strasbourg. Il crée avec eux un Conseil
régional provisoire des Mouvements de Jeunes, une des branches probables de la Fédération
Mondiale de la Jeunesse (World Assembly of Youth). C’est le début d’une organisation et
d’une institutionnalisation du projet.
Le projet JEUNE ALSACE prend de l’épaisseur lorsque le Lieutenant MAURER et les
Sous-lieutenants METZ, JESEL et HOLVECK furent détachés auprès de l’Etat-major F.F.I.
d’Alsace et chargés par ce dernier de s’occuper de la mise en exécution des plans pré-établis.
Un premier projet de statut de l’Association JEUNE ALSACE fut présenté au Conseil
Régional provisoire des Mouvements de jeunes. Par le témoignage de Florent HOLVECK,
nous apprenons que ce projet fut rédigé autour du 10 janvier et qu’il fut présenté dans la foulée
à ce Conseil. Cependant, il n’y a aucune trace de cette démarche, l’institution étant plutôt souple
à ce moment. Florent HOLVECK décrit cette présentation comme juste un acte
d’ “ officialisation ” de l’existence de l’association. Bernard METZ précise qu’il y avait tout de
même des dispositions générales à respecter : en outre celles des associations de la loi 1901 et
l’ordonnance du 2 octobre 1943 « portant provisoires les mouvements associatifs de sports et
69 Ibid.
70 A la fin de la guerre, il est le secrétaire général de l’Imprimerie Istra jusqu’en 1950. Puis, en rupture avec son
expérience précédente, il deviendra le délégué général de la Société pour l’expansion des ports de Strasbourg et de
l’axe rhénan.
71 De formation, médecin, Bernard Metz a étudié aussi bien à Strasbourg, à Lyon qu’à Minneapolis (USA).
41

de jeunesse » 73
. Il insiste sur le fait qu’au moment, les responsables de JEUNE ALSACE
ignoraient si le statut particulier des associations en vigueur dans le régime local (loi allemande
de 1903) était de nouveau valide en Alsace - Moselle. Dans le doute, ils ont utilisé des modèles
disponibles à Paris. Puisque comme l’explique notre témoin, la ligne de conduite, que les
membres fondateurs avaient pensé dans le cadre du réseau Martial, n’a pas été celle appliquée
par l’association JEUNE ALSACE, du fait de la présence du délégué national, Etienne
JUILLARD, envoyé par Paris. Le fait de devoir “ composer ” avec les volontés du
gouvernement a fait orienter les missions de l’association.
2. L’hebdomadaire JEUNE ALSACE
La fondation du bimensuel “ JEUNE ALSACE ” est la première initiative visible que
prend le mouvement. Elle est d’autant plus spectaculaire que l’on est en période de restrictions
de papier : voilà qui témoigne assez de l’appui officiel donné au mouvement.
Par ailleurs, la plupart des informations que nous détenons sur l’activité du mouvement
sont extraites de la revue “ JEUNE ALSACE ”. Le style, qui se veut mobilisateur est assez
emphatique, dérape quelque fois dans la pure propagande, mais après tout reflète bien
l’atmosphère de cette époque de reconstruction.
a. « “ Jeune Alsace ” est la revue de toutes les filles et de tous les garçons de chez
nous » (Jeune Alsace, février 1945) : description par l’historique de l’association
Dès le mois de janvier fut préparée la parution d’un grand bimensuel intitulé JEUNE
ALSACE. Ce journal illustré fut tiré rapidement à 30.000 exemplaires et diffusé largement
grâce à l’aide du personnel enseignant, des Mouvements de jeunes, etc…“ Il s’agit d’une
tentative assez audacieuse : rechercher la formule du journal des jeunes qui tente d’attirer la
grande masse par des techniques appropriées et contribue à créer un climat favorable à
l’épanouissement de diverses institutions et groupements éducatifs ” 74
. Les difficultés furent
d’ordre matériel, mais vinrent surtout du manque de collaborateurs expérimentés et adaptés à
l’objectif poursuivi. Grâce à l’effort de diffusion entrepris dans les campagnes, JEUNE
ALSACE fut souvent le premier document français à la disposition des instituteurs et servit de
72 NDBA, Marie-Odile Stempfer, p. 2619.
73 Annexe 10, entretien avec M. Metz, p. XLIV.
42

livre de classe. Cette publication se poursuivit jusqu’au mois de mars 1947, date à laquelle elle
succomba sous la pression des difficultés économiques et de la concurrence de journaux édités
dans le pays en deux langues ou venus de Paris et appuyés par de grandes maisons d’édition.
b. le détail de cette parution
Il y eut au total 33 numéros, qui parurent sur une période de 19 mois, le magazine étant
tout d’abord mensuel de février à mai 1945, puis bimensuel. Il faut aussi compter parmi ces
numéros les numéros spéciaux : mars 1945, le 24 juin 1945, le 23 novembre 1945, et celui du 15
août 1946.
Il y avait aussi une possibilité d’abonnement, sans qu’on puisse évaluer l’attrait de cette
formule. La démarche est détaillée dans le numéro 4 en mai 1945 : “ Les conditions
d’impression et de diffusion s’étant améliorés ‘Jeune Alsace’ pourra paraître à partir du mois
prochain le 1 er et 3 ème dimanche de chaque mois. Il sera désormais possible d’y souscrire en
abonnement. Sous réserve d’augmentation des tarifs postaux et d’impression le prix de
l’abonnement est fixé à 6 mois (12 numéros) : 60 frs. 1 an (24 numéros) : 110 frs. Les demandes
d’abonnement devront être adressées à ‘Jeune Alsace’, 8, place de l’Université, Strasbourg,
avec un mandat correspondant, mentionner l’adresse précise, et spécifier à partir de quel
numéro l’abonnement doit compter ” 75
. A la date du 25 décembre 1945, l’abonnement passe à
160 frs. pour l’année.
En février 1945, le magazine était constitué de 6 feuillets, en août 1946, date de la
dernière parution, il en faisait 12, soit le double de la première parution. Cependant, il n’y a que
le dernier tirage qui compte 12 pages. De même le rapport texte / illustration change : au début,
76
le magazine est plus composé d’images sous-titrée que d’articles illustrées . La tendance
s’inverse au fur et à mesure avec la constitution de rubriques régulières et d’articles plus
touffus. Est-ce lié avec l’évolution de la francisation en Alsace ?
Il se présente toujours sous la même forme bien que la mise en page évolue avec le
temps :
- en couverture : une photo d’actualité politique nationale ou régionale, parfois
remplacé par une illustration. Les photos sont souvent des montages comme celle du
74 Annexe 8, Historique de Jeune Alsace, p. XX.
75 Jeune Alsace la Revue - mai 1945 – N°4.
76 Annexe 16, Tableau sur les revues, p. LV.
43

premier numéro, qui montre le Général de Gaulle entouré d’Alsaciennes en costume
régionaux. La mise en page demeure assez traditionnelle jusqu’au numéro spécial de
novembre 1945, pour faire place à des inscriptions plus modernes.
- l’éditorial toujours signé J.A., comme JEUNE ALSACE mais aussi comme JESEL
Alexandre, le directeur de la parution.
- la rubrique Allo : cette rubrique est lancée dans le numéro 19 du 6 janvier 1946. Pas
plus grande qu’une colonne, elle fait office d’ “ Echos d’un peu partout ”. D’ailleurs,
après deux numéros, la rubrique prend le nom d’ “ Echos d’ici et d’ailleurs ”.
- la rubrique Fier unter d’Hosse : cette rubrique est dédiée à “ Hans-le-mécontent ”
pour exprimer ses protestations car “ Jeune Alsace ” “ a quelques raisons de se mettre
en boule ” 77
. Elle apparaît dès le numéro 4 de mai 1945.
- la rubrique Tribune de “ Jeune Alsace ” : actualités des mouvements de jeunes, ou
bien des centres éducatifs. Cette rubrique fait l’apparition en même temps que celle du
Fier Unter d’Hosse en mai 1945. Puis, dès le numéro 14 du 21 octobre 1945, la
rubrique est complétée par Petites Nouvelles qui tient le même rôle, quand la page de
la tribune est déjà pleine.
- Découverte de la région, reconnaissable parfois par l’intitulé Notre beau Pays, la
rubrique consiste plutôt en une thématique fréquente : l’objectif des articles est de
parcourir la région pour en faire une description culturelle (monuments, personnalités,
artisanat, etc.). Il serait intéressant de savoir où les auteurs se documentent. En outre,
je les soupçonne de faire appel aux Guides Bleus pour les thèmes des Châteaux des
Vosges par exemple.
- Conseils pour jeunes filles : sans constituer une rubrique, c’est une thématique
régulière de la revue qui commencera dès le numéro 4, par des exercices d’entretiens
physiques pour jeunes filles. Plus tard, on leur présentera des formations
professionnelles (puéricultrice, hôtesse de l’air, infirmière, etc.), ou de comptes rendus
sur la mode.
- Coups d’œil sur le monde, “ À l’écoute du monde ” sont des titres qui ont servi
pour des articles de grand tourisme.
- A la page : rubrique nouvelle qui apparaît dès le numéro 9, dès le 4 août 1945, qui traite
de sujets anciens qui resurgissent sur le tapis dans l’actualité. Un exemple : « quelle
constitution choisir en 1945 : celle d’avant-guerre ? ».
77 Jeune Alsace la Revue - mai 1945 – N°4, « Fier Unter d’Hosse ».
44

- nouvelles : la première, intitulée La Villa Mystérieuse, est publiée dans le numéro 11
du 2 septembre 1945. Les nouvelles sont souvent accompagnées de concours, qui
ressemblent à des fiches de lecture.
- Un peu de fantaisie : cette chronique apparaît dès le numéro 13 du 7 octobre 1945, à
côté de l’éditorial. Il s’agit de textes humoristiques.
- en dernière page, une chanson patriotique. Une justification est donnée dans le
premier numéro à l’avant-dernière page dans un tout petit encadré intitulé Un peuple
qui chante est un peuple jeune : “ Nous chanterons bien fort les hymnes que nous
avons murmurés à voix basse sous l’oppression, nous chanterons les airs de notre
terroir, nous réapprendrons les chansons populaires des autres provinces de
France. ‘Jeune Alsace’ vous y aidera en publiant paroles et musique. A tout seigneur
tout honneur. Nous commencerons par le chant qui rallie tous les Français : ‘La
Marseillaise’ ” 78
. Cependant, la rubrique est remplacée au fur et à mesure par une
page de caricature puis par une page d’exercices ludiques de français et de
mathématiques intitulé Ceci et Cela.
- les aventures de Jim et Tom : une sorte de bande dessinée, qui fait son apparition
dans le numéro 19 du 6 janvier 1946, jusqu’au numéro 32. L’histoire est complète, ce
qui nous fait penser que la décision de l’arrêt du journal était préméditée, bien que le
dernier volet de l’histoire soit un peu bâclé.
Mises à part les différentes rubriques que nous avons détaillé ci-dessus, la revue est
majoritairement composée d’articles de fond, aussi variés les uns que les autres. Les thèmes
évoluent entre l’histoire militaire de la Seconde Guerre Mondiale, les reportages sur les héros
de guerre, que des informations sur les mouvements de jeunesse et que les formations
professionnelles actuelles pour la jeunesse, sans oublier les sujets d’actualité politique
internationale. Le discours est assez uni du début jusqu’à la fin : Les Alsaciens doivent être fiers
de leur culture mais leur avenir se trouve dans la République française. Les jeunes doivent être
un modèle de comportement et se doivent de participer à l’effort de reconstruction.
c. une œuvre bancale
Prévue tout d’abord pour une édition par quinzaine de jours, la revue n’a été que
mensuelle. En effet dans le premier édito, soit celui de février 1945, Alexandre JESEL annonce
45

que “ chaque quinzaine, elle [la revue] donnera des témoignages de jeunes ” 79
. Victime des
restrictions de la Libération, l’équipe n’a pas pu aller au bout de son objectif dans l’immédiat.
En effet, le magazine n’est devenu bimensuel qu’en mai 1945.
Par ailleurs, l’association se voit obligée de vendre à partir de novembre 1945 la revue à
80
7 frcs. au lieu de 5 . Ce changement de prix, l’association la justifie dans l’article “ La question
de Confiance ” dans le numéro 17 : “ Lancée au lendemain des jours sombres de janvier 1945,
la revue ‘Jeune Alsace’ a été un acte de foi. (…) Il n’est malheureusement plus possible de
continuer ainsi. Farouchement décidés à conserver notre indépendance, nous sommes obligés
d’augmenter dorénavant nos tarifs. (…) Au moment où notre province est de plus en plus
inondée de magazines tapageurs et où les publications en langue allemande se multiplient
comme des champignons, les jeunes d’Alsace (et principalement leurs éducateurs) doivent dire
s’ils estiment qu’une revue qui cherche à être attrayante et éducative à la fois et qui ne veut être
rédigée qu’en français a toujours sa raison d’être… même si elle aligne ses tarifs. La réponse,
ils la donneront en s’abonnant ” 81
.
En ce qui concerne la commercialité de la revue, nous ne disposons pas de sources
précises. Les seules indications que nous ayons sont issues de la revue, ce qui remet en cause la
véracité de l’information mais donne tout du moins les objectifs que l’équipe d’édition se fixait.
Ainsi dans la revue n°18 du 25 décembre 1945, nous pouvons lire dans la rubrique Pour vous
Jeunes : “ Vous êtes 25.000 à acheter tous les quinze jours ‘Jeune Alsace’. Vous êtes
82
certainement 100.000 à le lire ” . Un autre élément qui pourrait nous éclairer sont en fait les
différents concours que lançaient la revue, comme celui-ci dans la revue n°21 du 10 février
1946 : “ ‘Jeune Alsace’, Revue des Jeunes d’Alsace, invite ses lecteurs à trouver un slogan,
c’est-à-dire une formule courte et incisive qui définira l’esprit de la revue et de ses lecteurs. Ce
slogan figurera sous son titre, sur ses affiches et son papier à lettre. Un premier prix de 1000
francs et de nombreux prix en livres récompenseront les concurrents gagnants ” 83
. Dans les
douze titres restants, aucun sous-titre ne fut ajouté, mais le résultat provisoire du concours parut
dans le numéro 23, du 10 mars 1946 : l’auteur y mentionnait des formules déjà sélectionnées,
tout en pressant les lecteurs d’y participer. Il n’y eut jamais de résultats définitifs. Est-ce un
signe de la mauvaise audience de la revue ?
78
Jeune Alsace la Revue – février 1945 – N°1, “ UN PEUPLE QUI CHANTE EST UN PEUPLE JEUNE ! ”.
79
Jeune Alsace la Revue – février 1945 – N°1.
80
A titre de référence, le 12 mars 1945, un kilo de pain équivalait à un numéro de Jeune Alsace
81
Jeune Alsace la Revue – 9 décembre 1945 - N° 17, « La question de confiance ».
82
Jeune Alsace la Revue - 25 décembre 1945 – N°18, « Pour Vous Jeunes ».
46

En même temps fut lancé sur les ondes de Radio - Strasbourg le Quart d’heure
hebdomadaire de la Jeunesse Alsacienne. Bien que JEUNE ALSACE en fasse la promotion dans
sa revue, l’équipement défectueux du poste, le manque de techniciens des émissions
compliquèrent cette expérience qui se poursuit toujours sans pour autant avoir donné entière
satisfaction. L’objectif est annoncé dans la rubrique Activités des Jeunes du n° 8 du 22 juillet
1945 : “ Nous voulons que ce soit un écho vivant de la jeunesse dans la province et au-delà.
Nous voulons que ce soit la tribune où seront exposés les problèmes qui nous intéressent ” 84 .
Malgré les essais de rallier une audience, “ Ecrivez-nous – dites nous comment vous recevez nos
émissions – dites nous ce qui vous intéresse, vous préoccupe. Participez à nos émissions ” 85
, le
concept ne marche pas.
3. L’association en autonomie après les événements de Janvier 1945
Début janvier 1945, les Allemands contre-attaquent dans les Ardennes et en Alsace. Le
général de Gaulle refuse l’évacuation de Strasbourg, proposée par l’Etat-Major allié. Les
Américains abandonnent l’Alsace du Nord après une grande bataille de chars à Hatten et se
retranchent derrière la Moder. Le 20 janvier 1945, les Alliés reprennent l’offensive dans le
Haut-Rhin qu’ils libèrent totalement le 9 février. Au nord le front reste stable sur la Moder
jusqu’au 15 mars : une grande offensive franco-américaine permet la libération définitive de
l’Alsace le 19 mars.
a. La légitimation de l’Association
Les officiers à la tête de Jeune Alsace reçurent l’ordre de rester à Strasbourg, et de
coopérer à sa défense, avec les jeunes volontaires qui avaient voulu répondre à ses appels.
“ Les forces américaines, qui protégeaient la ville, l’abandonnèrent le 3 janvier 1945 et
on ordonna aux administrations civiles et militaires de se replier. L’équipe de direction de
Jeune Alsace reçut l’ordre de l’Etat-Major F.F.I. de rester sur place et de collaborer de tous
ses moyens à l’administration provisoire, la protection des habitants et la défense du territoire.
La Première Armée Française réussit à s’établir suffisamment vite autour de la ville pour
83 Jeune Alsace la Revue - 10 février 1946 – N°21, Tribune d’Alsace, « Concours du Meilleur Slogan ».
84 Jeune Alsace la Revue - 22 juillet 1945 - N° 8, « Activités des Jeunes ».
85 Ibid.
47

éviter sa chute. Petit à petit les diverses administrations revinrent s’installer à Strasbourg et
lentement recommencèrent à remplir leurs fonctions. Cependant de nombreuses communes
alsaciennes, dont deux grandes villes, Strasbourg et Mulhouse, restaient sous le bombardement
d’artillerie allemande. Les administrations chargées de la protection des civils se trouvèrent
débordée » 86
.
L’équipe JEUNE ALSACE sollicita et obtint la direction de tout le service de sauvetage
d’urgence des populations civiles. “ Les jeunes prêtèrent largement leurs concours à cette
administration improvisée qui fut avant tout une sorte d’Etat-major tactique. Les jeunes de
Strasbourg spécialement furent adjoints à certaines administrations civiles ou F.F.I. et
servirent d’estafettes, de plantons, etc. On organisa même une ébauche de cours de culture
87
générale pour ces jeunes volontaires ”. Le recrutement s’est fait finalement sur place et dans
l’action. Comme le précise notre témoin Florent HOLVECK, l’association se trouvait dans la
majeure partie du temps devancée par les événements et il fallait répondre au plus vite au besoin
de la population. Il fallait donc prendre l’aide là ou elle était, c'est-à-dire parmi les jeunes. De
plus, “ Notre idée était, il ne fallait pas qu’il y ait de hiatus pour les jeunes alsaciens, entre le
temps où ils étaient à la jeunesse hitlérienne et le temps où ils vont rentrer dans le système
français. Et pour ça, il faut leur faire faire quelque chose pour l’Alsace devenue française ” 88
.
La situation changea pourtant avec la reprise de l’offensive française et la résorption de
la poche de Colmar.
Dès le 20 janvier 1945, se tient à Strasbourg la 1 ère réunion de l’Assemblée Générale.
Elle a pour ordre du jour : constitution de l’Association, étude du projet de statuts (élaborés par
B. METZ), nomination du Conseil d’Administration.
Ces premiers statuts de l’association JEUNE ALSACE en date du 20 janvier 1945 dont
nous avons retrouvé un exemplaire établissent aussi que l’association est déjà agréée par le
Ministère de l’Education Nationale. Le siège social se trouve au 8, place de l’Université de
Strasbourg, immeuble séquestré par l’occupant, qui avait été jusqu’au 23 novembre, le siège de
89
la direction de la HJ strasbourgeoise .
Le conseil d’administration compte 11 membres, respectant une parité entre ceux qui étaient
restés en Alsace et ceux qui en étaient en dehors pendant la guerre :
86 Ibid.
87 Annexe 8, Historique de Jeune Alsace, p. XVII.
88 Annexe 11, Entretien avec M. Holveck p. XLVII.
89 F. Igersheim. Art. Cit.
48

- 3 membres de l’Union Alsacienne de Rénovation, qui constitue ainsi le groupement
fondateur de JEUNE ALSACE (MM JESEL, METZ, STOLZ) : Les deux premiers
fondateurs nous sont connus mais le troisième reste un mystère.
- 6 membres du Conseil des Grands Mouvements de Jeunesse Française : Mlle
KLAENSCHI pour la Fédération Française des Eclaireurs et Mlle WEITZ, déléguée de
l’U.C.J.F., M. LUX, M. PFISTER pour l’Avant-Garde du Rhin, M. SCHIEDE Docteur
en Médecine, M. SCHWARTZ pour l’A.C.J.F.
- 2 représentants de l’Education nationale (BAAS et EHM).
- ainsi que l’Inspecteur régional de la Jeunesse qui détient une voix consultative (M
JUILLARD).
b. La concurrence avec d’autres institutions naissantes ?
A l’échelle nationale, l’enjeu de la jeunesse est conséquent. La période connaît quelques
initiatives, qu’elles émanent d’une fusion ou d’une fédération de mouvements de jeunesse
préexistants ou pas. A ce titre, le Conseil français des mouvements de jeunesse (CFMJ) est un
exemple de ces initiatives, comme JEUNE ALSACE l’est pour l’Alsace. En effet la Fédération
mondiale de la jeunesse, créée en 1945, a contribué à la mise en place d'une Assemblée
mondiale de la jeunesse, au sein de laquelle s'est constitué en 1947 un Conseil français pour
l'Assemblée mondiale de la jeunesse. Ce dernier a pris deux ans plus tard le nom de Conseil
français des mouvements de jeunesse (CFMJ) 90
. Son but était de coordonner l'activité des
associations de jeunesse autour de thèmes d'action communs, mais aussi vis-à-vis des
administrations et de l'opinion publique.
Parallèlement avait été créé, dès l'automne 1944, l'Union patriotique des organisations
de jeunesse (UPOJ), intégré au CFMJ à la naissance de celui-ci. En février 1946, dans un
rapport émanant du Quartier Général des Scouts de France pour les commissaires de provinces
des Scouts en Alsace, le chargé des Relations Extérieures en fait une description: « L'U.P.O.J.
est une fédération. Le dénominateur commun est faible, Les mouvements ont accepté de s'y
91
rencontrer organiquement pour étudier et réaliser en commun ce que tous peuvent faire » .
90 Le CFMJ s'est dissout en 1978; ses archives ont alors été déposées à l'Institut national d'éducation populaire
(INEP) qui les a, à son tour, déposées aux Archives nationales en 1988.
91 Annexe 12, Correspondance des Scouts de France (02/1946), p. L.
49

En ce qui concerne la position de JEUNE ALSACE par rapport à d’autres institutions, le
ton sur la nature de l’Association est donné : il ne s’agira pas d’une Fédération d’Association
comme peut l’être l’U.P.O.J. mais d’une association, où les représentants des différentes
associations n’y sont adhérents “ qu’à titre personnel et représentatif ” 92
. La première raison
est d’ordre juridique : il est légalement impossible de fédérer des Associations à l’échelon
régional. De plus, l’U.P.O.J. régional reproche à JEUNE ALSACE d’être trop lié avec le
Conseil Régional des Mouvements de Jeunesse.
Et puis s’intégrer dans une union nationale comme celle de l’U.P.O.J. semble bien
compromis vu la particularité de la jeunesse alsacienne et vu aussi le manque de pouvoir de
l’U.P.O.J., affaibli par les dissonances des différents mouvements. En effet, dans le rapport
interne aux Scouts de France, le Chargé des Relations Extérieures mentionne que, si dans la
théorie, l’U.P.O.J. est une rencontre des mouvements de jeunesse, dans la pratique le bureau
93
national est conduit par les « Trois Grands » , à savoir l’A.C.J.F. (Action Catholique),
l’U.R.J.F. (mouvement communiste), et le Scoutisme, qui considère donc l’Union Patriotique
comme une façon pour l’Action Catholique d’étendre son influence et comme un instrument à
noyauter pour le mouvement communiste. La conclusion de son efficacité sur le plan
départemental et local est par conséquent sévère : « Les bureaux ne se réunissent pas. Se
réunissent pour des conversations stériles, voire des discussions de principe désastreuses » 94
.
Le cas est évoqué dans la Revue de JEUNE ALSACE par l’intermédiaire de l’article
« À propos de la fête nationale de la Jeunesse » du numéro 27 du 12 mai 1946. Florent
HOLVECK, l’auteur mais aussi le destinataire final du rapport précédemment mentionné
évoque tout d’abord la diversité des mouvements, qui diffèrent considérablement entre eux par
les méthodes éducatives employées, par les milieux sociaux et les âges représentés, mais
surtout par les idéologies et les confessions prônées. Il y justifie la nécessité et la création d’une
instance représentant la diversité des mouvements : “ on conçoit facilement que l’harmonie ne
régnait pas au milieu d’une telle diversité dans laquelle on ne devine facilement les sources
d’antagonisme… ” 96
.
L’U.P.O.J. paraît aussi avoir des soucis de reconnaissance par rapport aux autorités de
l’Alsace, tel que le présente ce « projet pour la motion à M. le Préfet » de mars 1946 : « Les
92
Annexe 8, Historique de Jeune Alsace, p. XVIII.
93
Annexe 12, Correspondance des Scouts de France (02/1946), p. L.
94
Ibid.
95
Ibid.
95 ,
50

dirigeants régionaux des mouvements de jeunesse, réunis le 26 mars 1946 en U.P.O.J.,
assurent M. le Préfet de leur respect et de leur entier dévouement au service de la patrie. (…)
certains dirigeants de mouvements regrettent qu'à l'occasion du voyage de M. le Président on
n'ait fait appel à eux que pour fournir de la main-d'oeuvre et non point pour les inviter aux
manifestations intéressantes » 97
.
c. La prise de contact avec la population
La prise de contact avec la population alsacienne est une des préoccupations de la
nouvelle association. La composition de l’association en est évocatrice : il faut des gens
compétents mais aussi représentatifs des différentes couleurs politiques, idéologiques ou
confessionnels admis en France.
“ ‘Jeune Alsace’ est la revue de toutes les filles et de tous les garçons de chez nous, quel que
soit leur milieu, leur croyance ou leur tendance. Elle s’adresse à tous, elle parlera de tous.
Chaque quinzaine elle donnera des témoignages de jeunes, elle sera l’écho des efforts et des
réalisations de tous les jeunes, de tous les mouvements de Jeunesse en Alsace et dans les autres
provinces de France ” 98
.
Finalement la composition du Conseil d’Administration diffère un peu de celle
proposée au Conseil Régional provisoire des Mouvements de Jeunes, puisqu’il regroupe : 3
membres de l’Union alsacienne de rénovation, 2 membres du corps enseignant, 6 membres du
Conseil des Grands Mouvements de Jeunesse Française et la présence d’un Inspecteur Régional
de la Jeunesse et des Sports. L’Association, dès lors composée, pense nécessaire de donner aux
jeunes d’Alsace “ l’occasion de manifester leur joie et renforcer l’enthousiasme en les faisant
99
participer à l’effort de libération ” . Il s’agit finalement de faire accepter le mieux possible la
venue et la présence de l’armée française dans la région pour préparer à l’intégration de
l’Alsace à la France. M. HOLVECK l’exprime assez clairement : “ En même temps, on espère
provoquer un vaste mouvement qui prélude à la réorganisation de la jeunesse en la réveillant
en quelque sorte ” 100
.
96
Jeune Alsace la Revue -12 mai 1946 – N°27, « A propos de la fête nationale de la jeunesse », Florent
HOLVECK.
97
Annexe 13, Requête du Sous-Prefet, p. LII.
98
Jeune Alsace la Revue – février 1945 - N°1, édito de JESEL Alexandre.
99
Annexe 8, Historique de Jeune Alsace, p. XVIII.
100 Ibid.
51

d. La Semaine de la Première Armée : 3 - 10 mars 1945 dans le Bas-Rhin
C’est dans ce cadre et avec ces intentions que s’organisa la Semaine de la Première
Armée Française, qui s’échelonnait en 2 étapes:
- En premier lieu, les jeunes s’organisaient en petits ateliers et
confectionnaient des souvenirs destinés aux blessés. A ce titre, la revue n°3
Jeune Alsace témoigne : “ Dans les écoles, dans les Mouvements de Jeunes,
dans les Paroisses, dans les ateliers, partout les jeunes rivalisèrent
d’ardeur ” 101
.
- Puis les jeunes collectaient des dons et confectionnaient des colis destinés
aux blessés de la Première Armée.
“ Dans la journée eurent lieu les collectes, les résultats furent surprenants et il fallut
toute la semaine pour confectionner les colis ”. Dans l’article de JEUNE ALSACE, nous
apprenons aussi que cette semaine fut l’occasion pour les jeunes de défilés en costumes
régionaux et de minutes de silences en l’honneur des disparus aux champs.
D’un point de vue géographique, cette première action concerna les deux départements
du Haut-Rhin et du Bas-Rhin mais pour une raison logistique, ils furent divisés en secteur pour
que les “ chefs de Secteurs ” 102
assument la responsabilité d’un certain nombre de communes.
Le projet fut soutenu par le Général de LATTRE de TASSIGNY, qui présida même la Semaine.
Le 3 mars 1945, la Semaine de la Première Armée Française s’ouvrit dans le Bas-Rhin
et le 11 du même mois dans le Haut-Rhin. “ Elle fut inaugurée partout avec une grande
solennité. Des cérémonies très variées eurent lieu dans toutes les communes auxquelles
participèrent civils et militaires. C’est à cette occasion que l’ensemble de l’Alsace célébra pour
103
la première fois sa libération et ce sont ces jeunes qui organisèrent cette première fête ” . Et
l’éditorial du numéro Spécial de la Revue JEUNE ALSACE dédié à la semaine de la Première
Armée en témoigne. Il s’intitule : “ la Guerre est finie ! ” et poursuit “ L’effondrement total de
l’Allemagne est maintenant tout proche…. Qui sait, peut-être même sera-t-il réalisé quand
paraîtront ces lignes ” 104
.
Pour clôturer la Semaine, le Général de LATTRE de TASSIGNY se rendit à l’invitation
de JEUNE ALSACE et inaugura une grande exposition organisée le 17 mars. On y avait
101
Jeune Alsace la Revue – Avril 1945 - N°3, « Les Jeunes d’Alsace disent MERCI à l’Armée Française »,
Christiane SPACK.
102
Annexe 8, Historique de Jeune Alsace, p. XIX.
103
Ibid.
104
Jeune Alsace la Revue – Avril 1945 - N° 3, Editorial.
52

assemblé des échantillons de tous les travaux réalisés dans toute l’Alsace, et le Général reçut
son colis du soldat. En guise de remerciement, il invita des groupes de jeunes à visiter l’Ecole
de Cadres de Rouffach. En trois visites, plus de 3.500 jeunes, originaires de toute l’Alsace,
purent passer une journée entière à l’Ecole.
“ Le retentissement de la Semaine de la Première Armée fut considérable. Cette manifestation
nous sembla le type des organisations largement extensives : il n’y eut pas une commune et
peut-être pas un jeune d’Alsace qui ne fut atteint d’une façon ou d’une autre. La valeur
éducative est certaine, si on la considère comme une étape préliminaire ; il importait que ces
jeunes puissent faire un acte grand et expressif – ils ont pu le faire ” 105
.
En ce qui concerne les résultats, il est très difficile de se faire une opinion, tant la seule
presse existante à ce moment ne permet pas de faire un comparatif. Cependant, dans la revue
Jeune Alsace, nous avons ce commentaire :
“ Les résultats dépassèrent les prévisions les plus optimistes. Rien que dans la zone alors
libérée du Bas-Rhin on dénombre près de 60.000 colis préparés pour les blessés et l’on estime
équivalente la masse des paquets rassemblés dans le Haut-Rhin, sans compter les paquets
106
destinés aux ‘Foyers des Combattants’ ” .
Enfin, le Service Cinématographique de l’Armée, en retour, pendant près d’un mois se
107
déplace “ de bourgade en bourgade ” et projette ses films, relatant les exploits de l’armée de
la côte d’Italie jusqu’à la plaine d’Alsace devant les jeunes d’Alsace. Les communes
d’importance secondaire viennent à pieds ou sont transportés en camion. La revue estime qu’il
y a eu à peu près “ 50 000 jeunes appartenant à 600 communes des deux départements
alsaciens ” 108
.
4. L’œuvre de réconciliation avec la France
Au même titre, nous ne ferons pas une liste exhaustive des activités mises en place.
Nous en retracerons l’essentiel dans le but de manifester la tentative de déculpabiliser l’Alsace
et de valoriser son caractère français par l’Association Jeune Alsace.
105
Annexe 8, Historique de Jeune Alsace, p. XX.
106
Jeune Alsace la Revue – Avril 1945 - N°3, « Les Jeunes d’Alsace disent MERCI à l’Armée Française »,
Christiane SPACK.
107
Annexe 8, Historique de Jeune Alsace, p. XIX.
108
Jeune Alsace la Revue – Avril 1945 - N°3, « Les Jeunes d’Alsace disent MERCI à l’Armée Française »,
Christiane SPACK.
53

a. L’accueil des rapatriés
Des centres d’accueil et de rapatriement ont été implantés à Strasbourg, Colmar et
Mulhouse. L’éditorial d’Alexandre JESEL du numéro d’avril 1945 en témoigne : intitulé
“ Retour au pays ”, “ De toutes les directions, ils nous reviennent et sur les routes encombrées
on lit sur leur visage une grande joie ” 109
.
JEUNE ALSACE créa un véritable service au Centre d’Accueil du Wacken et il y eut
même un échelon détaché à Kehl et Kork (pays de Bade). Un article y est dédié dans le numéro
5 de JEUNE ALSACE, celui du 10 juin 1945. Nous en apprenons plus sur le public accueilli
dans ces structures :
“ Ici hommes, femmes, enfants, valises et bagages hétéroclites s’entassent pêle-mêle au milieu
des chevaux de frise. Sur quelques centaines de mètres carrés, trente pays sont représentés. Les
Russes au type asiatique côtoient nos méridionaux, qui n’ont rien perdu de leur verve. On parle
toutes les langues et tous les dialectes. (…) Kehl ! Un carrefour du monde. Chaque jour, des
milliers d’êtres humains passent ici leurs dernières heures d’attente en territoire ennemi ” .
A propos du centre du Wacken, nous apprenons aussi que des distractions sont mis en
place : “ Un cinéma qui donne deux séances par jour ; un haut parleur qui ressasse tout le
111
temps de vieilles rengaines ” .
Mais finalement quel est le rôle de JEUNE ALSACE dans ce rapatriement ? Le
personnel disponible pour les missions de rapatriement restait peu nombreux pendant la
véritable période d’affluence, les jeunes des villes y suppléèrent. Les lycées, les collèges, les
mouvements de jeunesse, les usines organisèrent des équipes qui, du 9 avril au début du mois de
juin, se succédèrent sans interruption. A. SCHÜTZ, dans un article pour JEUNE ALSACE, les
décrit :
“ Dans les couloirs, des équipes de jeunes s’affairent. Ce ne sont pas des rapatriés. A leurs
bras, un simple brassard à croix de Lorraine avec deux initiales J.A. Ce sont de jeunes
Alsaciens venus offrir au pays quelques heures de leurs loisirs. Ces équipes sont formées
112
d’élèves des écoles, des jeunesses communistes, des scouts, des jocistes ” .
109
Jeune Alsace la Revue – Mai 1945 - N°4, in « Retour au Pays », Alexandre JESEL.
110
Jeune Alsace la Revue – 10 juin 1945 - N°5, in « CARREFOUR DU MONDE, Visites aux Centres de
Rapatriement de Kehl et Strasbourg », A. Schütz.
111
Jeune Alsace la Revue – 10 juin 1945 - N°5, in « CARREFOUR DU MONDE, Visites aux Centres de
Rapatriement de Kehl et Strasbourg », A. Schütz.
112
Ibid.
110
54

. Voyage à Constance
Les mouvements de jeunes doivent être appelés à se rendre compte de l’importance de la
victoire en se rendant dans la zone d’occupation française en Allemagne. JEUNE ALSACE se
mit en relation avec l’Etat-major du Général de LATTRE de TASSIGNY pour organiser en
Allemagne occupée par les troupes françaises un grand voyage.
“ Le voyage avait pour but de rendre plus sensible aux jeunes alsaciens la victoire de la France
et leur donner, si c’était possible, une plus haute estime de l’ensemble de la jeunesse française
dont une certaine élite s’était regroupée au sein de la Première Armée ” 113
.
La date choisie fut celle de la visite du Sultan du Maroc à Constance, c'est-à-dire le
21-22-23 juin 1945.
“ Le voyage, très beau, enthousiasma les 250 garçons et filles originaires de toute l’Alsace. En
114
Allemagne, la réception fut princière et l’opération fut un succès ” .
L’article qui y fait référence dans la revue JEUNE ALSACE est principalement
composé de photos. On y découvre tout de même le programme du week-end, sous la forme
d’un journal de bord : découverte de la Foret Noire et de Constance, puis du spectacle militaire
en l’honneur du Sultan, enfin arrivé au Quartier Général du général de LATTRE de
TASSIGNY après une traversée en bateau du Lac de Constance, pour assister à la réception sur
le thème du Rhin et du Danube et rencontre du général
c. L’organisation des camps d’été en Alsace
A l’approche des grandes vacances, la représentante dans le Haut-Rhin des “ Amitiés de
Lorraine et d’Alsace ” offrit d’allier ses efforts à ceux de JEUNE ALSACE pour organiser dans
l’ensemble de l’Alsace des camps d’unités de Mouvements de Jeunes. Ces camps eurent deux
objectifs :
- une aide aux sinistrés par la participation aux travaux de reconstruction,
- des groupes spécialisés en Art dramatique organisèrent de commune en
115
commune, des spectacles, en salle ou en plein air
113
Annexe 8, Historique de Jeune Alsace, p. XXIII.
114
Ibid.
115
Jeune Alsace la Revue – 8 juillet 1945 - N°7, « Nous avons fait un beau voyage ! ».
.
55

Il s’agissait de favoriser les contacts entre les jeunes de l’intérieur et ceux d’Alsace et de
permettre aux Mouvements de Jeunes de venir porter le témoignage de la vitalité de la jeunesse
française.
“ Jeune Alsace se rendait dans les diverses communes où devaient être organisés les
spectacles. Elle assurait la propagande et s’efforçait de faire réaliser partout où c’était
possible l’accueil dans les familles alsaciennes des jeunes de passage, de façon de rendre plus
directe les contacts ” 116
.
La Direction des Mouvements de Jeunesse et d’Education Populaire octroya à cette
occasion une subvention spéciale et prévint Jeune Alsace d’en faire l’avance.
Dans la revue n° 10 de JEUNE ALSACE, celle du 19 août 1945, nous trouvons aussi un
article, « Alsace Carrefour de jeunes », qui nous renseigne sur ces rencontres :
“ Il y a 15 jours, ‘Jeune Alsace’ accueillait à Strasbourg une cinquantaine d’étudiants de Paris
qui allaient faire en Allemagne occupée un voyage d’information. Sous les auspices des
‘Amitiés de Lorraine et d’Alsace’, 100 jeunes Parisiennes ont séjourné à Barr où elles se sont
créé de nouvelles amies. (…) A la fin du mois, un deuxième groupe de jeunes Parisiennes
viendra en Alsace. A la même époque plus de cent jeunes filles d’Alsace et de Lorraine iront
117
passer une quinzaine de jours à Versailles et visiteront la capitale ” .
d. Equipe d’apprentis au secours des sinistrés
“ L’Alsace compte parmi les régions les plus sinistrées de France. Les lenteurs de
l’Administration sont en matière de reconstruction particulièrement regrettables. Il importait
de combattre l’effet désastreux produit par cette inertie officielle en créant un grand
mouvement de générosité de la part de la jeunesse, de toute la France, à l’égard de nos
populations malheureuses. Mais, dans ce cas, il y avait un problème de compétence. N’aide pas
des sinistrés qui veut. On pensa que le mieux serait de faire appel aux Centres d’Apprentissage.
Ceci offrait l’avantage, non seulement de ne s’adresser qu’à des équipes plus ou moins
spécialisées, mais encore d’amener en Alsace d’authentiques représentants des jeunes
ouvriers ” 118
.
116 Annexe 8, Historique de Jeune Alsace, p. XXIII.
117 Jeune Alsace la Revue – 19 août 1945 - N°10, « Alsace Carrefour de Jeunes », S.H.
118 Annexe 8, Historique de Jeune Alsace, p. XXIV.
56

L’affaire fut montée en accord avec les Ministères des PDR, de la Reconstruction et
l’Entr’Aide Française, JEUNE ALSACE s’adressait aux divers centres d’apprentissage par
l’intermédiaire de MM. les Inspecteurs principaux à l’Apprentissage et l’Enseignement
technique. Elle les renseignait sur les possibilités de service, assurait leur accueil à Strasbourg
et encourageait leurs efforts dans les pays sinistrés. La revue JEUNE ALSACE témoigne à cette
égard dans son numéro 13 du 7 octobre 1945 : “ Répondant à l’appel de ‘Jeune Alsace’, un
détachement d’apprentis du Centre Alpin du Bois d’Embrun (Hautes Alpes) vint dès le début du
mois de septembre en Alsace. Ils se rendirent immédiatement à Peipertswiller (Bas-Rhin) où ils
travaillent avec acharnement à la construction de baraques. Depuis, vingt garçons du Centre
d’apprentissage de Gérardmer et trente de celui de Rupt-sur-Moselle (Vosges) sont venus
rejoindre leurs camarades ” 119
.
Les Centres d’Apprentissage constituaient des équipes de volontaires encadrées par
leurs moniteurs. Ils fournissaient l’outillage. Ces travaux ne pouvaient s’effectuer que pendant
les vacances. Les Ministères des PDR et de la Reconstruction assumaient la direction technique
et les charges financières. Ils désignaient les chantiers et la nature des travaux. Ils assuraient, en
pays sinistré, l’hébergement des équipes. D’autre part, ils assuraient à chaque jeune une
allocation mensuelle de F 1.000.- et F 30.- par jour de travail. Le ravitaillement était organisé
sur place par ces administrations avec l’aide de l’Entr’aide Française. Pourtant une grosse
difficulté survint du fait de la date tardive à laquelle l’ensemble de ces dispositions pu enfin être
mis au point. En outre, de nouvelles incohérences des administrations responsables
provoquèrent quelques retards dans les mises en chantiers. Cependant la revue n’évoque pas ce
type de difficultés ; même au contraire : “ Ajoutons en outre que de tels services n’ont été
réalisables finalement qu’avec la large participation des Ministères des P.D.R. et de la
Reconstruction et spécialement la volonté tenace du lieutenant Collaine qui su convaincre bien
120
des sceptiques ” .
e. Campagne du Noël de la Libération en 1945
Sur l’initiative de JEUNE ALSACE fut constitué un Comité Régional du Noël de la
Libération où les jeunes travaillèrent à faire des jouets pour leurs camarades des régions
119
Jeune Alsace la Revue - 7 octobre 1945 – N°13, Tribune de Jeune Alsace, « Les jeunes apprentis viennent se
mettre au service de l’Alsace sinistrée ».
120
Jeune Alsace la Revue - 7 octobre 1945 – N°13, Tribune de Jeune Alsace, « Les jeunes apprentis viennent se
mettre au service de l’Alsace sinistrée ».
57

sinistrées. Une exposition des meilleures fabrications de jouets eut lieu du 24 au 31 décembre
1945 avec un concours doté de prix. L’éditorial du numéro 17, du 9 décembre 1945, retrace
l’appel à cette campagne :
“ Qu’est ce que Noël sans jouets ? Il faudrait 120.000 jouets pour les contenter tous. Mais où
les trouver ? (..) Eh bien ! nous les fabriquerons nous-mêmes. Il faut que tous les jeunes
d’Alsace accomplissent un acte collectif de solidarité. Dans toutes les communes d’Alsace,
dans nos écoles, dans nos mouvements de jeunesse, dans nos clubs, nous allons nous mettre
fiévreusement au travail. (…) Lorsque le travail sera accompli, nous le remettrons à ceux à qui
nous l’avons destiné. Au cours d’une grande fête communale nous aurons la joie de remettre
nous-mêmes aux enfants éprouvés de notre commune les jouets que nous aurons fabriqués avec
amour ” 121
.
A cette occasion Jeune Alsace édita une plaquette de 48 pages “ Pour fêter un Noël
magnifique ”, plaquette dont nous n’avons pas retrouvé d’exemplaire à regret. Nous avons
malgré tout retrouvé un article, proposant une souscription pour cette brochure dans le JEUNE
ALSACE n°13 du 7 octobre 1945, intitulé Préparons Dignement Noël :
“ ‘Jeune Alsace’ veut vous y aider de tous ces moyens. Elle a réuni dès à présent une équipe qui
prépare pour vous une brochure largement documentée, vous y trouverez des chants, des textes
de théâtre, des idées pour vos veillées familiales, des récits de cultes religieux. Largement
illustrée, cette brochure sera essentiellement pratique. Elle paraîtra vers le 15 novembre. Dès à
présent, retenez-la à ‘Jeune Alsace’. Son prix sera fixé incessamment, mais comme pour votre
122
journal, il sera calculé de façon à être accessible à toutes les bourses ” .
Après avoir précisé le vecteur de développement de l’association JEUNE ALSACE et
délimité les champs d’actions et les missions que s’est donnée JEUNE ALSACE, il nous faut
étudier ce qui perdura Jeune Alsace dans le temps.
Section 3. L’activité de Jeune Alsace : Vers la consolidation
A partir du jour où Strasbourg fut définitivement dégagé, par suite de la prise de la rive
droite du Rhin et que le trafic ferroviaire normal est rétabli, les relations avec la capitale se
121 Jeune Alsace la Revue - 9 décembre 1945 - N° 17, Editorial du de J. A., « Solidarité de Jeunes ».
122 Jeune Alsace la Revue - 7 octobre 1945 - N° 13, Tribune de Jeune Alsace, « Préparons dignement Noël ».
58

normalisèrent. De nombreux représentants des échelons nationaux des mouvements de jeunesse
vinrent à Strasbourg et se montrèrent, en général, assez défavorables à la solution
primitivement adoptée à savoir que JEUNE ALSACE, par la composition de son Conseil
d’Administration, se trouve très lié au Conseil Régional des Mouvements de Jeunesse. On
constitua l’U.P.O.J. 123
régional qui décida à une certaine majorité que JEUNE ALSACE ne
devrait avoir aucun lien juridique avec elle. Néanmoins, les chefs régionaux de Mouvements de
Jeunes qui avaient été désignés par le Conseil Régional Provisoire pour siéger au Conseil
d’Administration de JEUNE ALSACE résolurent d’y rester à titre personnel et non plus
représentatif. JEUNE ALSACE devenait une association indépendante et s’orientait de plus en
plus vers le service des jeunes non encadrés par les Mouvements. Il fut maintenu que JEUNE
ALSACE ne recruterait pas de jeunes par voie d’inscription, l’Association étant composée
d’adultes s’intéressant à différents titres à l’éducation des jeunes.
Pour arriver à un travail sérieux, il importait que JEUNE ALSACE crée une série
d’équipes décentralisées et qui soient en contact avec les divers milieux alsaciens. Des
embryons d’équipes se constituent à Colmar, Haguenau, Obernai, Rosheim, Barr, Villé,
Erstein, Mutzig, Molsheim, Guebwiller, puis Mulhouse. Ces équipes s’attachent à un travail
d’étude et à l’action directe dans le cadre communal : elles sont composées de bénévoles. Le
principe d’organisation de Jeune Alsace devient le suivant :
- des équipes locales sont les véritables centres d’action. Leur but, plus ou
moins lointain, est la création de maisons de jeunes
- une équipe régionale répond à toutes les demandes faites par les échelons
locaux, les informe des possibilités, entretient les relations avec l’Inspection
aux Mouvements de Jeunesse, etc.. et avec les organismes privés s’intéressant à
la Culture populaire.
“ En plus de ces équipes locales, qui sont des bases d’expériences, Jeune Alsace dispose de
nombreux correspondants dispersés dans tout le pays ”
1. Le théâtre et la musique français
La volonté de promouvoir la culture française devait s’étendre aussi au théâtre. Ainsi,
Profitant du passage d’une troupe d’amateurs étudiants de Lille à la Première Armée, JEUNE
123 Union Patriotique des Organisations de Jeunesse, mentionné p 49.
124 Annexe 8, Historique de Jeune Alsace, p. XXII.
124
.
59

ALSACE organisa le lundi de Pâques 1945, la première représentation qui eut lieu à Strasbourg
depuis la libération, ce fut : “ L’Annonce faite à Marie ”. Aucun article dans la revue n’en fait
état. Le premier article concernant le théâtre n’apparaît que dans le numéro 15 du 4 novembre
1945. Il s’intitule Pour vous distraire agréablement. Après avoir rappelé la venue des équipes
du “ Théâtre de la Ville et des Champs ” et des “ Compagnons de la Musique ” on ne sait où et
on ne sait quand, ils rappellent que :
“ Les jeunes d’Alsace ont manifesté le désir de s’initier eux aussi à l’art de distraire un public
d’une manière à la fois enrichissante et agréable. ‘Jeune Alsace’ a répondu à leur désir en
organisant un stage d’art dramatique, de chant et d’art graphique. Au cours de ce stage qui
groupait au Centre Educatif de la Montagne - Verte une quarantaine d’éducateurs, de chefs de
jeunes, venant des milieux les plus divers, le problème de la culture populaire à travers les
loisirs a été étudié non seulement au cours de conférences et de cercles d’études, mais aussi par
le moyen d’exercices pratiques ” 125
.
De même, une première tournée des Compagnons de la Musique fut organisée avec
l’aide du Général du VIGIER, Commandant de la X ème Région Militaire. Un article y est
d’ailleurs dédié dans le numéro 4, celui du mois de mai 1945 : “ Après avoir porté à travers tout
le pays les résonances de la chanson française, les Compagnons de la Musique organisent
maintenant une tournée en Alsace. Douze gaillards irrésistibles et une charmante jeune fille
vont chanter pour nous les vieux refrains de ‘Doulce France’. Le temps des ‘tam-tams’ et des
‘flon-flons’ germaniques est définitivement révolu. Jamais la grotesque chanson allemande n’a
126
pu supplanter chez nous la fine et inimitable chanson française ” .
2. La formation : stage d’initiation à l’Art Populaire
JEUNE ALSACE prépara, dès le mois de septembre, un stage qui fut intitulé “ Retour à
un Art Populaire ”. La propagande fut faite assez discrètement et le recrutement se fit très
rapidement. En effet, l’article qui y fait référence dans le numéro 11 du 2 septembre 1945 tient
en 6 lignes dans le coin d’une page :
“ ‘Jeune Alsace’ organise pour le début octobre un stage de 8 jours destiné à former des
animateurs d’art populaire. On y enseigne le chant, l’art dramatique, les arts graphiques
125
Jeune Alsace la Revue - 4 novembre 1945 - N° 15, « Pour vous distraire agréablement », N.M.
126
Jeune Alsace la Revue - mai 1945 - N°4, « Les Compagnons de la Musique, Messagers de la chanson
française », F.D. SCHNELL.
60

(dessin, gravure) etc. Inscrivez-vous d’urgence à ‘Jeune Alsace’ qui vous enverra tout
complément d’information ” 127
.
Puis, dans le numéro suivant, l’encart d’appel fut plus conséquent. On y apprend les
dates du stage, qui au début était prévu du 8 au 15 octobre. Il y aura trois cours pratiques : un
cours de théâtre populaire, un cours de chant populaire, un cours de dessin et de décoration,
mais ces trois cours seront simultanés et les stagiaires auront à choisir l’un d’entre eux lors de
son inscription. Cependant “ des activités communes aux trois cours sont prévues : visites
détaillées de la Cathédrale de Strasbourg, visite du Musée Alsacien, étude du problème des
128
loisirs populaires, récapitulation de la musique et de la peinture française ” . Il y est aussi
noté que l’objectif immédiat du stage est la préparation de la fête de Noël 1945, dans le fait de
procurer aussi une initiative générale et pratique. Les stagiaires vinrent des milieux les plus
divers des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, comme il l’était précisé
dans l’article : “ Ce stage s’adresse aux représentants de tous les milieux : paysans, ouvriers,
employés, étudiants, chefs de mouvements de jeunes, instituteurs. Il est ouvert aux garçons
comme aux filles ” 129
, nous précisant donc le public que l’association JEUNE ALSACE ciblait.
Le programme fut étudié et exécuté en esprit d’équipe entre le personnel du Centre éducatif de
la Montagne - Verte, les instructeurs spécialisés de Paris et des éléments de JEUNE ALSACE.
Le stage eut lieu du 8 au 18 octobre. Les résultats obtenus semblaient au premier abord très
encourageants et permettaient d’espérer des résultats pratiques dans les divers milieux
représentés au stage.
Du fait du succès du premier stage, et surtout se présentant comme un bon moyen de
développer l’usage de la langue française, un nouveau stage d’initiation à l’art populaire est
organisé. On y fait référence dans la revue 17 du 9 décembre 1945 : “ ‘Jeune Alsace’ organise
au Centre Educatif de la Montagne - Verte du 15 au 25 janvier 1946 un stage d’initiation à l’art
populaire ; ce stage s’adresse aux éducateurs de tous ordres, instituteurs, chefs de mouvements
de jeunes, animateurs et groupements artistiques ” . Le contenu du stage parait le même que
celui du premier, cependant, on peut y ajouter une initiation avec projection au cinéma.
Un autre appel à un stage de formation est publié dans le numéro 13 du 7 octobre 1945.
Mais dans ce cas, il s’agit d’un “ Stage de formation pour moniteurs et monitrices ” : “ La
Direction générale de l’Education physique et des Sports organise au Collège Bagatelle, du 15
octobre au 12 décembre, et du 16 octobre au 15 novembre, des stages de moniteurs et de
127 Jeune Alsace la Revue - 2 septembre 1945 - N° 11, « Stage d’initiation à l’art populaire ».
128 Jeune Alsace la Revue - 16 septembre 1945 - N° 12, « Initiation à l’art populaire ».
129 Ibid.
130
61

monitrices réservés aux candidats des Etablissements industriels et commerciaux et aux
candidats désireux d’être moniteurs ou monitrices délégués dans les Centres de Formation
professionnelle ” 131
.
De même, le 10 février 1946, ‘JEUNE ALSACE’ publie un nouvel appel : “ Les S. de F.
(Assoc. Cath. du Scoutisme fr.) organisent du samedi 2 au mardi soir 5 mars (mardi gras) une
‘Meute de la Forêt’, c-a-d. un stage de documentation et de formation pour futurs chefs. Ce
seront dans une atmosphère fraternelle quelques jours de travail et de joie, préparation à une
132
tâche passionnante. Venez nombreuses ! La Jeunesse alsacienne vous attend ” .
Cet article est suivi par un autre appel pour “ Un stage pour animateurs du milieu
ouvrier ” du 7 au 18 mars 1946 pour étudier les questions de loisirs des jeunes ouvriers, tels que
133
les “ organisations des fêtes, des clubs d’usines, des cinémas coopératifs, etc… ” .
Il en suit des stages d’information, comme nous l’indique la parution d’un article le 7
avril 1946 :
“ Dans les administrations et les entreprises industrielles et commerciales, l’éducation
physique va être organisée pour les jeunes. Pour vous, jeunes gens et jeunes filles, qui désirez
servir de guides à vos camarades de travail, un stage d’information aura lieu à Strasbourg au
centre de Koenigshoffen du 3 juin au 1 er 134
juillet 1946 ” .
3. Le Cinéma
Avant de développer une quelconque activité cinématographique, JEUNE ALSACE fait
la promotion de ce loisir. Dans le numéro 4 de mai 1945, le D’r Hans rappelle dans la rubrique
Fier Unter d’Hosse : “ Les cinémas ont rouvert leurs portes. Quelle joie pour les Alsaciens de
pouvoir de nouveau apprécier le charme subtil et inégalable de l’esprit et du goût français. (…)
Et n’était-ce pas pour nous un réconfort de pouvoir constater que la France n’avait pas perdu
sa vitalité artistique sous la botte ” 135 . Cependant il nuance : “ Faudra-t-il que les jeunes se
décident à réparer par un sabotage systématique un manque d’initiative patriotique vraiment
décevant de la part de nos distributeurs de films ? ” 136
.
130
Jeune Alsace la Revue - 9 décembre 1945 – N°17, « Un nouveau stage d’initiation à l’art populaire ».
131
Jeune Alsace la Revue - 7 octobre 1945 - N° 13, « Stage de formation pour moniteurs et monitrices ».
132
Jeune Alsace la Revue - 10 février 1945 – N°21, « Un stage de documentation ».
133
Ibid.
134
Jeune Alsace la Revue - 7 avril 1946 – N°25, « Stage d’information ».
135
Jeune Alsace la Revue - mai 1945 – N°4, « Fier Unter d’Hosse ».
136 Ibid.
62

Convaincue de la nécessité d’un grand effort culturel rationnel par le Cinéma,
l’Association commença dès 1945 à organiser des tournées de présentation de grands films
français en y invitant des metteurs en scène ou autres techniciens des questions
cinématographiques. En cette même année JEUNE ALSACE créa un Ciné - Club en 35 m/m à
Strasbourg. Les premières séances eurent lieu les dimanches matin au Cinéma des Arcades,
puis, le soir, tous les 15 jours à l’Aubette. On peut au même titre noter la couverture du numéro
20 de la revue JEUNE ALSACE: il s’agit d’une photo de Madeleine SOLOGNE, à l’affiche
dans “ L’éternel Retour ”. C’est une première mais cela se passe que le 27 janvier 1946. Un
article de fond est, dans le même numéro, dédié au cinéma : “ Voilà un demi-siècle le cinéma
naissait d’une insomnie ”. C’est à partir de ce numéro, que l’association décide de lancer une
nouvelle chronique :
“ Si nous avons ouvert dans ‘Jeune Alsace’ une rubrique cinématographique ce n’est
aucunement pour avoir le plaisir de publier de belles photos de vedettes, ni pour faire de la
publicité à l’intention de quelconque propriétaire de salle de projection. Ce n’est pas non plus
pour faire une espèce de censure et de discriminer les films moraux des films immoraux. Notre
rôle se situe sur un autre plan. (…) Nous voulons leur apprendre à réagir, les aider à aiguiser
leur jugement. (…) Pour mener à bien cette initiation au cinéma, nul n’était mieux qualifié que
Maurice Montans, dont la réputation de critique cinématographique n’est plus à faire. Nous
sommes heureux de le compter désormais parmi nos collaborateurs ” 137
.
Le nombre des membres devenant de plus en plus grand, le Ciné-club loua alors, à partir
de 1947, le “ Rits ” où il devint le puissant Ciné-club ayant à certains moments plus de 1.200
membres. Il y faisait ses saisons jusqu’en 1958 au Caméo, où il mourut de mort lente en 1966.
Cela s’expliquait du fait qu’entre-temps plus de 120 Ciné-clubs en 16 m/m s’étaient créés dans
l’agglomération strasbourgeoise.
Lors du Conseil d’Administration du 2 juillet 1949, M. JUILLARD proposa une
collaboration entre JEUNE ALSACE et l’Association Géographique d’Alsace. M. HOLVECK
estima que les activités de l’Association Géographique étant des activités de culture populaire,
il allait de soi que JEUNE ALSACE, dans la mesure de ses possibilités et moyens, apporta son
concours à cette Association. Le Conseil d’Administration est d’accord. Début 1949 fut créée la
Coopérative Régionale du Cinéma Culturel (CRCC) dont JEUNE ALSACE accepta la
137
Jeune Alsace la Revue - 10 février 1946 – N°21, « Faire admirer les chefs d’œuvre et siffler les “ navets ” »,
J.A.
63

gérance 138
. Cette coopérative comportait des branches spécialisées dans le service de l’enfance
et des associations des directeurs de colonies de vacances.
En ce qui concerne la gestion financière et fonctionnement de la CRCC, ils sont
totalement assurés par JEUNE ALSACE selon les directives données par le Conseil
d’Administration de cette association. Il en est de même pour la prospection et choix des films,
pour l’établissement des contrats avec les distributeurs, la vérification des programmes,
l’établissement et la diffusion des fiches filmographiques, l’établissement des circuits, et
l’acheminement des films, ainsi que de la facturation. Sous l’impulsion de JEUNE ALSACE
l’activité de cette association s’est considérablement accrue dans le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et
s’est étendue à la Moselle.
4. Le tournant de 1950 : une Association de Culture Populaire
Le 17 mai 1950, M. JUILLARD remplace M. EHM dans son poste de Président de
l’Association. En effet, M. EHM est pris dans des démêlés judiciaires, qui l’empêchent de
pouvoir être présent aux réunions. Il en suit une modification des statuts dans ce sens :
- Article 1 er : ajouter après dénommée Jeune Alsace les mots suivants :
Association Régionale de Culture Populaire.
- Remplacer : « sa durée est limitée » par « sa durée est illimitée ».
Il en vient donc de savoir en quoi le changement est important et surtout de connaître la
portée d’une association de Culture Populaire.
Pour reprendre la préface du livre de Jacques CHARPENTREAU et de René KAËS, intitulé la
Culture Populaire en France, “ comme tous les mots trop employés, celui de culture populaire
est devenu très vague et l’adjectif populaire ne fait encore que compliquer les choses aux yeux
de beaucoup ” 139
.
a. Vers une simplification des activités
Les procès-verbaux des assemblées générales et conseils d’administration à partir de
1950 sont éloquents de leur régularité : régularité dans le temps, régularité des thématiques, non
qu’il n’y ait plus de grands enjeux mais que l’association s’évertue dès à présent à devenir
138
Annexe 8, Historique de Jeune Alsace, p. XXVIII.
139
CHARPENTREAU J. et KAËS R., La culture populaire en France, coll. “ Vivre son temps ”, les Editions
Ouvrières, 1962, p. 3.
64

financièrement viable. De plus, cinq années se sont passées depuis la Libération. Leur mission
de trouver un encadrement à la jeunesse est depuis longtemps atteint. C’est dans ce sens que
JEUNE ALSACE devient une association de Culture Populaire, et non plus une collectivité
lançant les autres mouvements de jeunesse et nous le voyons bien dans les activités mises en
place.
Le Ciné – Club à 35 m/m, présidente : Mme HILLMEYER
On dénombre un effectif de 1.000 membres. L’objectif n’est pas tant de rallier de
nouveaux membres, que de choisir de bonnes collaborations professionnelles. Tel est l’objectif
lors de la création du Petit Ciné-Club en 16 m/m où se forgent les liens du Club et qui se révèle
comme une véritable école d’animateurs du Grand Ciné-Club.
Le Théâtre-club, présidente : Mme HERRENSCHMIDT
Dans ce champ d’activités, les progrès sont plus douteux. 300 membres à peine
entraînant des difficultés de trésorerie. L’activité du Comité du Théâtre-club a pourtant permis
des innovations telles que les présentations “ lectures ”.
Service Radio
Le départ de M. MOREAU, suivi de la démission de M. OLIVIER ont coïncidé avec
une nouvelle formule d’émission imposée par Radio Strasbourg et dans laquelle JEUNE
ALSACE était coproducteur avec différents autres organismes. Bien que le conseil
d’administration se soit opposé à cette formule bancale, celle-ci a été maintenue jusqu’en
octobre. Depuis cette date, JEUNE ALSACE dispose d’une émission de 30 minutes toutes les 3
semaines. Ce service, qui repose entièrement sur l’activité bénévole de M. Joseph MAURER,
demanderait à être étoffé. Malheureusement, la modicité des cachets qui sont versés à ce titre,
constitue une entrave sérieuse.
Bureau de placement de Moniteurs de Colonies de Vacances
Assailli de plus de 180 demandes de placement de moniteurs et directeurs de Colonies
de Vacances, JEUNE ALSACE a réussi à en placer 90. Cette proportion de 50 %, pour des
personnes non averties, semble insuffisante. Mais si l’on considère le nombre croissant de
moniteurs formés et la diminution très sensible en 1950 du nombre de Colonies de Vacances,
donc des postes offerts, il était à prévoir qu’un grand nombre de demandes ne pourrait être
satisfait. Ce service a occasionné un tel surcroît de travail au personnel déjà insuffisant de
65

l’Association qu’en accord avec le Service départemental de la Jeunesse et des Sports, le bureau
a décidé de ne plus reprendre ce travail.
Centre de Tourisme culturel
En vue de répondre à des besoins maintes fois exprimés dans les milieux étudiants et
mouvements de jeunesse, l’Association a loué deux Maisons dans les Vosges, l’une au
Bonhomme, l’autre à la Hoube, et qui sont mises à la disposition de groupes de Jeunes en
week-end et pendant les vacances. C’est là également que se déroulent les stages organisés par
JEUNE ALSACE, lorsque le Centre Régional ne peut les recevoir comme c’est souvent le cas
aux périodes intéressantes. Bien que la mise en route de ce service ait eu lieu très tard dans la
saison (la Hoube étant prête le 1 er mai, le Bonhomme le 1 er juillet seulement) et que beaucoup
de groupements ignoraient encore cette initiative, il fut compté un total de 2.060 nuits
d’hébergement pendant ce 2 ème semestre de l’année écoulée.
Stages d’initiation aux techniques d’Education Populaire
Des deux stages prévus en 1950, un seul a pu être réalisé avec 120 étudiants en
pharmacie de France et d’Algérie. Ces stagiaires ont ainsi pu être initiés pendant 15 jours en
juillet-août, à diverses techniques, telles que art dramatique, arts graphiques et plastiques,
cinéma, chant. A l’issue du stage une présentation dramatique avec ensemble vocal et
projection du film réalisé au cours du stage a pu avoir lieu, et a obtenu un accueil chaleureux de
la population ainsi que des touristes en villégiature à la Hoube.
Section d’activités rurales
A la demande de la Préfecture justement soucieuse de la situation culturelle dans
certains cantons déshérités des arrondissements de Saverne et de Niederbronn, JEUNE
ALSACE a repris des projets anciens longuement caressés, mais, qui faute de moyens n’avaient
pu se réaliser. Avec le concours des différents services intéressés à la question, un Cinébus a été
mis en route, qui tous les mois, réalisa une projection Ciné-club d’un film parlant français dans
20 localités et s’adressant à la fois aux usagers des cours post-scolaires et à l’ensemble de la
population.
b. Les enjeux de la présidence JUILLARD
66

“ Les Amis du Cinéma ”
Le Conseil d’Administration du 2 avril 1952 avait à l’ordre du jour : Prise de position de
JEUNE ALSACE à l’égard des “ Amis du Cinéma ”. M. MAURER expose la genèse des Amis
du Cinéma. L’idée d’une exposition du Cinéma est ancienne dans les milieux de la mission
catholique de Strasbourg. Un comité élargi, comprenant des catholiques et des protestants,
devaient la patronner et était à la recherche d’une Secrétariat permanent pour lequel il a songé à
“ JEUNE ALSACE ”. Cette exposition devait faire connaître l’Association et informer le public
sur un certain nombre de « films de santé » et d’exercer ainsi, progressivement, une action sur
la production et la distribution cinématographique.
M. MARCILLY exprime deux réserves essentielles :
1) L’exposition, telle qu’elle est conçue, est chère et n’offre pas toutes les garanties désirables.
2) Le Comité, tel qu’il est constitué, ne pourra se mettre d’accord que sur des œuvres
quelconques, qui ne seront retenues 9 fois sur 10 que sur des critères de moralité publique.
MM. JUILLARD, HOLVECK, ANTONY, DIENER et Mme HILLMEYER voient en
plus un certain nombre d’autres inconvénients à une collaboration de JEUNE ALSACE aux
activités du Comité des Amis du Cinéma :
- difficultés pour une Association patronnant le Ciné-club de continuer au sein
des Amis du Cinéma la recommandation de certains films de moindre valeur
artistique,
- les Amis du Cinéma n’ont pas suffisamment précisé leurs buts, leurs moyens
et les critères de choix des films à soutenir,
- ils n’offrent pas suffisamment de garanties d’indépendance à l’égard des
milieux confessionnels,
- il n’est pas possible de prévoir dès maintenant l’orientation que prendra cette
Association.
Dans ces conditions, le Conseil d’Administration, à l’unanimité, adopte les conclusions
suivantes :
1) “ JEUNE ALSACE ” en tant qu’Association s’abstiendra de participer aux activités
des Amis du Cinéma.
2) Un certain nombre de membres actifs de “ JEUNE ALSACE ” s’intéressent, à titre
personnel, au problème posé par les Amis du Cinéma et sont disposés à collaborer
aux réunions d’études organisées par cette Association.
3) Lorsque les Amis du Cinéma auront prouvé par leur action qu’ils constituent une
association offrant toute garantie, tant au point de vue de la neutralité que de la
67

compétence et de l’efficacité “ JEUNE ALSACE ” n’exclut pas, sous des formes qui
seraient à étudier, une collaboration avec les Amis du Cinéma.
Acquisition de biens fonciers : le château de Fréconrupt
Les propriétaires des maisons de la Hoube et du Bonhomme, que JEUNE ALSACE
avait louées 4 et 2 ans plus tôt ont mis fin à la location en 1952. Dans la réunion du Conseil
d’Administration du 24 juin 1952, M. DIENER fit un court exposé de la situation des maisons
de Tourisme culturel, parla des difficultés que l’association a eues dans ces maisons louées et
propose au Conseil l’achat d’une maison sise à Fréconrupt, occasion unique, qui permettrait au
secteur Tourisme culturel d’avoir des assises solides pour l’avenir.
Le Conseil d’Administration décida à l’unanimité l’achat de la dite maison pour le prix
de F 1.200.000, - (base de départ dans les pourparlers entre le propriétaire et MM. DIENER et
WEBER F 1.600.000, -) les frais d’acquisition de F 230.000, - en sus.
Cette propriété était une ancienne ferme, dont il fallait arracher toute la partie grange et
la reconstruire en béton, en l’allongeant de 4 m. MM. DIENER et WEBER sacrifièrent leurs
vacances, durent plusieurs années de suite, pour y apporter les aménagements indispensables.
La C.A.F. allouait une subvention de 1 million pour la reconstruction. Si cette maison, dans
l’idée de JEUNE ALSACE ” devait servir de Centre d’accueil pour stages et week-end, il
s’avéra très vite que les demandes de colonies de vacances étaient très grandes, à tel point que,
dès la première année, une colonie de filles, dirigée par des Sœurs s’installait dans la grange et
le grenier avec tous les inconvénients correspondants. Ces mêmes Sœurs revinrent en été les
années suivantes dans la nouvelle construction et ceci jusqu’en 1955. Elles avaient alors leur
propre Colonie de vacances. Dès le début également, et durant de nombreuses années, des
week-end eurent lieu presque toutes les semaines entre octobre et mai (scoutisme, étudiants,
mouvements de jeunes).
Déménagement de “ Jeune Alsace ” à la Cité Administrative
Lors de la séance du 24 juin 1952, il s’était révélé indispensable pour le déroulement
normal des activités de “ JEUNE ALSACE ” que “ JEUNE ALSACE ” rejoigne la Cité
Administrative. M. DIENER, Inspecteur de la “ Jeunesse et des Sports ” et Secrétaire Général
de “ Jeune Alsace ” et de la C.R.C.C. éprouvait de plus en plus de difficultés à diriger de loin les
activités culturelles fortement liées de ces deux Associations. Le Conseil d’Administration
regrette pour plusieurs raisons le déménagement mais adopte finalement cette manière de voir ;
68

ceci d’autant plus que le baraquement de la Cité Peltre était voué à la destruction pour faire
place au futur bâtiment du Centre Laënnec.
Les différentes activités, maintenant traditionnelles, ont été poursuivies :
1/ Ciné-club, 2/ Théâtre club, 3/ Gestion de la C.R.C.C., 4/ Emissions radio, 5/ Ciné bus, 6/
Fréconrupt.
Le bilan moral s’avérait réconfortant jusqu’à présent. “ L’Association “ JEUNE
ALSACE ” née de la Libération, avait réussi à travers bien des vicissitudes, non seulement à se
maintenir, mais encore à étendre, d’année en années, son rayonnement et son
140
activité ” .
c. Une rationalisation des activités
En 1954, faute de moyens financiers, le Théâtre-club arrête ses activités. Cessent
également les émissions radio. Par contre, “ JEUNE ALSACE ” prend en charge la gérance du
Bureau d’Echanges Culturels. La gérance entière de la C.R.C.C. (Cinébus compris), dont le
chiffre d’affaires était, en 1949, de F 211.000 est monté en 1954 à F 3.233.000, somme sur
laquelle “ JEUNE ALSACE “ reçoit 10 %. A moins de prendre en charge une nouvelle
personne salariée, “ JEUNE ALSACE ” ne pourra pas envisager d’étendre ses activités.
L’activité de 1955 à 1959 : on continue sur la lancée. M. Diener, directeur du Centre
Educatif de la Montagne-Verte, ne pouvant plus assumer les fonctions de secrétaire est
remplacé par M. Holveck. En 1958, le Foyer du Tourisme culturel de Fréconrupt enregistrait
pour les week-ends 1 100 nuits et pour la colonie de vacances 7 900 nuits. A l’Assemblée
Générale du 5/7/1958, M. SPEICHER est élu au Conseil d’Administration au titre de “ Colonie
de vacances Fréconrupt ”, il s’était acquis de grands mérites en mettant tous ses loisirs et ses
capacités à la disposition du Centre d’accueil. Le chiffre de la location de la C.R.C.C. atteint la
somme importante de 7 199 581 Frs en 1959. En 1958 “ JEUNE ALSACE ” accepte
encore la gérance du groupement régional des Cinés Clubs de l’Est (Fédération Française de
Ciné Clubs) regroupant 20 Ciné Clubs jouant en 35 mm, avec 5350 membres et 250
programmes réalisés. Les 8 ciné-bus post-scolaires d’arrondissements ont donné 1500 séances
en 1958. L’effectif du personnel est de 3 personnes.
140 Annexe 8, Historique de Jeune Alsace, p. XXXIV.
69

En définitive, nous observons que Jeune Alsace, qui en 1945 tenait le rôle de
“ supra-association ” rentre dans un cadre plus normatif dès que les besoins liés à la fin de la
guerre se sont allégés, soit dès 1950. L’association JEUNE ALSACE mériterait une analyse
plus approfondie, notamment de leur portée dans la “ province ” de l’Alsace, mais aussi de leur
gestion financière, et surtout de la revue, qui représente une source précise de la période de la
Libération. Ce n’est pas exactement le but de ce mémoire, qui tend à dresser un premier tableau
des encadrements existants de la jeunesse.
LES MOUVEMENTS DE JEUNESSE
EN ALSACE APRES LA LIBERATION
70

Maintenant que nous avons dressé un portrait de l’association JEUNE ALSACE, au rôle
de médiateur entre le ministère de l’Education nationale et la jeunesse, se vouant à favoriser le
rétablissement des différentes institutions d’encadrement de la jeunesse, il nous parait
nécessaire de préciser le paysage complexe que proposent les mouvements de jeunesse en
Alsace.
Mais celui-ci doit être replacé dans le cadre général des mouvements de jeunesse en
France dans les années 1945-1955. La croissance quantitative des organisations de jeunesse au
cours de la période d’après-guerre, se révèle tout à fait considérable : au début des années
soixante, alors que les camps et colonies de vacances accueillent 1 300 000 jeunes, les
mouvements d’enfants à peine la moitié (Cœurs et Âmes vaillantes, 60 000, Francs et Franches
camarades 350 000, autres 200 000), les mouvements de jeunesse dépassent le million
d’adhérents (scoutismes, ajismes, Action Catholique de la Jeunesse Française confondus) 141 .
Cette période est propice à la redéfinition de l’action des organisations et des
mouvements de jeunesse. Aline COUTROT 142 insiste sur les nouveaux aspects de la
coopération des mouvements engagée pendant le conflit. Les mouvements de jeunesse sont
sortis de leur apolitisme conservateur, ils ont expérimenté une action allant au-delà de leurs
propres membres, ils ont amélioré leurs méthodes éducatives, ce qui les met à l’unisson des
aspirations de la jeunesse.
En 1949 est créé le Conseil français des mouvements de jeunesse, sous l’impulsion des
mouvements chrétiens ; les mouvements sortent de leur particularisme et réfléchissent aux
problèmes généraux de la jeunesse. Parallèlement au développement des mouvements de
jeunesse, les formes traditionnelles d’encadrement de la jeunesse entrent en crise. Elles se
voient confier des enfants de plus en plus jeunes, tandis que leurs effectifs d’adolescents
fondent, notamment, dans la jeunesse catholique spécialisée. Cela pose d’ailleurs un certain
141
LONCLE P., L’action publique malgré les jeunes, Les politiques de jeunesse en France de 1870 à 2000, Paris,
L’Harmattan, 2003, p.121.
71

nombre de problèmes à la hiérarchie catholique. Il semblerait que les « Œuvres catholiques
paroissiales » ne reçoivent plus la préférence de la hiérarchie catholique, celle-ci allant plutôt
aux mouvements spécialisés. Au terme de cette période, l’urbanisation croissante de la France
et l’intervention massive de l’Etat contribuent à accélérer le déclin des patronages avec la
diminution de la cohérence de la notion de paroisse.
Au cours des dix années qui suivent la fin de la guerre, les trois mouvements principaux
de l’Action catholique de la jeunesse française (A.C.J.F.), la Jeunesse étudiante chrétienne, la
Jeunesse agricole chrétienne et la Jeunesse ouvrière chrétienne connaissent une croissance
remarquable. La J.E.C. bénéficie du gonflement des effectifs de lycéens et d’étudiants, ses mots
d’ordre sont la démocratisation et la réforme de l’enseignement. Elle milite en faveur du
syndicalisme étudiant. La J.A.C. conduit une action remarquable de formation des cadres dans
le milieu rural. Le syndicalisme des jeunes agriculteurs issus de la J.A.C. s’exprime à travers le
Centre National des jeunes agriculteurs qui remplace progressivement la Fédération nationale
syndicale des exploitants agricoles dans les négociations corporatistes avec le gouvernement.
Est-ce que cette période d’effervescence et de crise est compatible avec ce qui se passe
en Alsace, sachant qu’il s’agit d’une région très marquée par l’attachement que témoignent les
familles aux structures confessionnelles très présentes dans la société ? Là encore, la revue
Jeune Alsace nous sera d’un grand secours, puisqu’au cours de sa publication, dans un souci
d’information envers la jeunesse, l’équipe rédactionnelle fait le tour des différents
mouvements. Nous en suivrons donc la trame en différenciant les mouvements laïcs, les
mouvements catholiques, et les mouvements protestants. Mais la source la plus importante se
trouve dans les archives de l’évêché de Strasbourg.
Section 1. Les mouvements de jeunesse laïques
1. Principes communs des mouvements scouts, laïcs et confessionnels
a. Définition du mouvement
142
COUTROT A., « Les mouvements de jeunesse : approche générale » dans Les Cahiers de l’animation,
n°49-50, 1985.
72

Pour reprendre les termes de Henri VAN EFFENTERRE, il s’agit d’ « un esprit et [d’]
une méthode, plutôt qu’une organisation » 143 . En 1947, l’esprit et la méthode atteignent
presque cinquante ans. Officiellement, c’est dans le camp de Brownsea, près de l’île de Wight,
du 25 juillet au 9 août 1907, qui marque le début du mouvement scout en Angleterre et dans le
monde. Mais déjà vers 1906 l’idée d’appliquer à la formation des jeunes en temps de paix les
méthodes qui avaient si bien réussi pour l’entraînement des éclaireurs militaires avait pris
forme dans l’esprit de Baden Powell. Il avait défini les qualités maîtresses à développer :
discipline, observation, endurance, patriotisme, esprit de chevalerie et sens de l’honneur,
application au service d’autrui ; il proclamait que la vie de plein air et le régime des camps
seraient la meilleure des écoles pour la jeunesse. En grand organisateur, Baden Powell
prévoyait déjà un schéma très simple et très souple pour lancer sa méthode :
- groupement des garçons en « patrouilles » d’une demi-douzaine sous la
conduite de l’un deux et en « troupes » de quatre à huit patrouilles ;
- appel à des adultes ou Scoutsmasters pour diriger les troupes ;
- entraînement des garçons et des chefs par un manuel gradué à bon marché.
A noter aussi que Baden-Powell souhaita réunir des scouts de toutes les nations dans un
vaste camp fraternel qu’il appela « Jamboree », nom emprunté aux Indiens pour désigner un
grand rassemblement de tribus. Le but du scoutisme est défini à plusieurs reprises par
Baden-Powell : former de « bons citoyens », des garçons sains, solides, efficaces, courageux et
utiles à leur pays. Il s’agit en somme d’une rénovation nationale par voie d’éducation
individuelle.
b. implantation du mouvement en France et multiplication des courants
Quarante ans après, les lignes générales de l’organisation scoute n’auront pas varié.
Cependant trente-cinq ans après, le Scoutisme Français n’a pas encore réussi à adopter une
seule et même loi en dépit de la bonne volonté de tous. Déjà en 1911, une Ligue d’Education
Nationale est constituée au cours d’une séance solennelle en Sorbonne pour fédérer les divers
essais de scoutisme qui ont fait jour en province. Tentative malheureuse, puisque cinq jours
plus tard des divergences de vue obligent ceux qui voulaient adopter pleinement la méthode de
B. P. à reprendre leur liberté d’action. Les Eclaireurs de France avec Nicolas BENOIT, André
CHERADAME et Georges BERTHIER, les Eclaireurs « Unionistes » nés de l’action de
143 VAN EFFENTERRE H., Histoire du Scoutisme, Que sais je ?, PUF, 1947.
73

Samuel WILLIAMSON dans les Unions Chrétiennes de Jeunes Gens, vont dès lors
fraternellement se lancer à la conquête de la France, tout en rapprochant lentement leur système
d’éducation de l’original anglais. De même les sœurs des éclaireurs adaptèrent la méthode à
leurs conditions. Avant même la grande guerre, l’Europe occidentale doublaient leurs
mouvements masculins par des associations féminines. Et les premières Eclaireuses faisaient
leur apparition en 1912 en France, au sein des U.C.J.F. 144
En ce qui concerne la pénétration du scoutisme en France, les années de guerre
n’avaient pas été favorables au scoutisme en France. Le manque de chefs avait paralysé son
développement et certains conflits idéologiques opposaient les partisans d’une méthode très
large et très lâche aux purs adeptes du scoutisme de Baden-Powell. La hiérarchie catholique
restait très réticente envers le scoutisme, en dépit de certains encouragements venus de très
hauts dignitaires de l’Eglise. Pendant plus de dix ans les importateurs du scoutisme en France
allaient inlassablement parcourir la France. Les dernières barrières des diocèses ne tombèrent
qu’en 1943. En France, la confusion due à l’armistice a donné une ligne moins nette à l’histoire
scoute du temps de guerre. En zone Sud, le scoutisme était libre et même officiellement
encouragé. En zone Nord, il était proscrit. De l’intérieur comme de l’extérieur, les Associations
durent donc se défendre contre des encouragements ou des sollicitations qui cachaient mal des
désirs d’annexion : camouflées en groupes sportifs, les troupes sortaient sans uniforme ;
officiellement la hiérarchie n’existait plus. C’est cette présence clandestine et l’action
personnelle d’un grand nombre dans la Résistance qui a fait oublier, après la Libération,
certaines attitudes malheureuses ou maladroites du temps où le Scoutisme Français avait ses
bureaux à Vichy. La fusion des zones s’est faite sans grincements, au milieu des difficultés
d’encadrement dues à la mobilisation volontaire qui avait lancé tant de routiers et de chefs dans
les rangs de la 1 ère Armée. Moins de deux mois après la Libération de Paris, alors que la poste et
les trains ne fonctionnaient que très incomplètement, le scoutisme était assez fort pour qu’un
congrès de près de mille chefs pu se réunir à Chartres le 22 octobre 1944. Au sortir d’une
terrible crise, le scoutisme paraît être en France la seule grande entreprise d’éducation qui
anime des jeunes de toute opinion politique et de toute croyance, la seule en tout cas qui associe
ces jeunes à un véritable mouvement mondial.
144 Union Chrétienne des Jeunes Filles.
74

c. En Alsace en 1945 : une action d’ensemble pour l’ensemble des mouvements
scouts
Situation du scoutisme en 1945
L’Alsace a été touchée par le mouvement Pfadfinder (version allemande du scoutisme),
dont il existe plusieurs organisations (laïques et nationalistes, confessionnelles) En effet en
1913, les Pfadfinder apparaissent dans la région. Mais le phénomène est resté très limité.
La première troupe d’Eclaireurs Unionistes en Alsace, apparaît en 1919 notamment à
Guebwiller.
Pour la période qui nous intéresse, notre principal indicateur est encore la revue JEUNE
ALSACE. En effet, l’un des objectifs de l’association éponyme étant d’informer la jeunesse au
maximum de leurs possibilités à s’investir dans une structure d’encadrement, la revue s’est
appliquée à détailler dans chaque numéro une sorte de mouvements, comme l’explique l’équipe
rédactionnelle elle-même : « ‘Jeune Alsace’ est la tribune de tous les jeunes, de tous les
mouvements de jeunesse. Les uns après les autres, les divers mouvements qui ont repris leurs
activités en Alsace se présenteront à vous et vous exposeront ce qu’ils sont, ce qu’ils veulent
être, quel esprit les anime, quelles activités ils vous proposent, quels résultats ils ont
atteint » 145 .
Une tribune pour le scoutisme, pour chaque étape de la jeunesse
A tout seigneur tout honneur : « ‘Jeune Alsace’ ouvre l’éventail en laissant au
scoutisme le soin de vous décrire ses multiples aspects ». L’article apparaît donc dans le
deuxième numéro de la revue, c'est-à-dire en mars 1945 et s’intitule « Le Scoutisme vous
appelle ! ». A en croire le petit encadré explicatif cité ci-dessus, les articles sont rédigés par les
mouvements de jeunesse eux-mêmes, théorie confortée par le style un peu publicitaire de
certains comptes rendus. En ce qui concerne le mouvement scout, voyons premièrement les
caractéristiques qu’ils mettent en avant. L’article commence par un commentaire adressé aux
adultes : « Le Scoutisme n’est pas un amusement. C’est un jeu, mais un jeu sérieux » 146 . On
mise de premier abord sur la qualité éducative que procure la participation au scoutisme, en
effet, l’objectif est donné de suite : « devenir un citoyen joueux, utile, dévoué » 147 . Au même
titre, en 1945, le scoutisme réunit les deux sexes : « C’est un jeu parce que le garçon – ou la
145
Jeune Alsace la Revue - mars 1945 – N°2, « Le Scoutisme vous appelle ! ».
146
Ibid.
147
Ibid.
75

fille – veut, avec enthousiasme, gagner une bataille » 148 . Notons, tout de même, que le
vocabulaire et la sémantique utilisé ciblent de toute évidence un public masculin. Voilà pour
l’avant propos de l’article.
Louveteaux
S’en suit tout de suite une introduction dans le monde imaginaire qui sert de base pour le
scoutisme : le monde de la jungle avec ses meutes. « Une petite histoire drôle » résume en
quelques lignes les principales activités du mouvement (les excursions en nature, les exercices
d’observation) et les qualités d’un louveteau (le sens du partage, de la morale, et de l’aventure)
et ce que le scoutisme change chez un petit garçon de 10 ans gourmand et pleurnichard (il
devient patient et humble).
Scouts ou éclaireurs proprement dits
Puis, une autre section de l’article (« Se débrouiller ») se charge de cibler les
adolescents : cela ne se présente plus sous la forme d’un conte, mais plutôt sous la forme d’un
carnet de route. Le monde imaginaire n’est plus celui du monde de la jungle, mais plutôt celui
des croisades et des chevaliers. Toutefois, le même principe est appliqué : on fait connaissance
avec un jeune qui se prépare à passer sa première journée dans le mouvement, et on suit avec lui
les progrès qu’il fait, et l’intérêt qu’il trouve au fur et à mesure. Cette fois, ce paragraphe parle
des Eclaireurs, composé de jeunes gens de plus de 12 ans, qui partent camper plusieurs jours
dans le but de reconstruire un pont démoli à l’insu des villageois. Dans ce cas, les Eclaireurs
doivent faire preuve de sens pratique et de discrétion.
Et routiers
La troisième partie de l’article (« La route est belle…) est destinée aux Routiers, jeunes
gens de plus de 17 ans. Le but est autre : « A 17 ans, on se prépare directement à la vie » 149 .
L’article n’est plus du tout pédagogique : on lance un défi aux jeunes : « As-tu songé que pour
avoir accès à la Route, il faut commencer à sortir de ta maison et de toi-même, renoncer à ton
égoïsme, à ton confort, à ta sécurité, rechercher ce qui est difficile et vouloir vivre
rudement ? » 150 .
Le scoutisme au féminin : guide ou éclaireuse
148 Ibid.
149 Ibid.
150 Ibid.
76

Les jeunes filles ne sont en reste : elles peuvent rentrer dans le clan des Ecureuils,
équipe composée de 8 filles, de 12 à 16 ans. Les activités qui sont présentées dans ce
compte-rendu sont : l’apprentissage des gestes de secours, le chant des vieilles mélodies
françaises, et bien sûr la cuisine et aménagement d’un intérieur. De même que pour le garçon, la
jeune fille peut évoluer pour intégrer les Eclaireuses Aînées ou les Guides Aînée, où « elle
prend réellement conscience de sa responsabilité de femme et se prépare au service effectif » 151
en aidant à la Croix-Rouge ou dans les hôpitaux et en gérant son foyer. Enfin, elle pourra avoir
la possibilité de camper une journée. Le sort en est donc bien différent pour la jeune fille que
pour le jeune garçon et l’on ne cherche pas apparemment à en faire une citoyenne joueuse, utile
et dévouée !
Un scoutisme laïc ou scoutismes confessionnels
En conclusion de l’article, on s’adresse directement aux Jeunes d’Alsace en leur
dénombrant toutes les filiales du Scoutisme en Alsace : Scouts de France (catholiques),
Eclaireurs Unionistes de France (d’inspiration protestante), Guides de France (association
catholique du scoutisme féminin), Fédération Française des Eclaireuses (groupement féminin
interconfessionnels), Eclaireur de France (respectueux de toutes les croyances), et Eclaireurs
Israélites. Dans toutes ces filiales, il y a les trois groupes d’âge mentionnés dans l’article. Par
conséquent, il n’y a à proprement dit de scoutisme laïque mais plutôt un fonctionnement repris
par les différentes religiosités régionales, en outre deux : catholique et protestante.
La venue de Lady Baden-Powell
A ce titre, un autre article confirmera la non - laïcité du scoutisme en Alsace : il parait
dans la chronique Tribune de « Jeune Alsace », à l’occasion de la venue de Lady
BADEN-POWELL, veuve du fondateur du scoutisme mais aussi chef mondial du scoutisme
féminin, en Alsace. L’article parait dans le numéro 5 du 10 juin 1945, soit 5 semaines après la
venue de la « world chief Guide ». Durant sa présence en Alsace, du 4 au 8 mai, une grande
propagande fut faite pour le scoutisme, apparemment plutôt protestant, puisque des processions
et des messes de cette confession furent célébrées à son honneur. La grande rencontre scoute
s’organisa à Mulhouse de 8 mai 1945 où les scouts rassemblés écoutent le discours retransmis
du général de GAULLE après avoir été passés en revue par Lady BADEN-POWELL.
151 Ibid.
77

L’importance de la formation de cadres
L’activité du scoutisme semble reprendre de plus belle, malgré deux problèmes
handicapants : le manque d’encadrants et le manque de matériel, du fait de la rupture d’activité
des 5 dernières années. Ainsi le Centre de Strasbourg – Montagne – Verte se prête au jeu et
encourage le renouvellement du scoutisme par divers moyens.
Cadres du scoutisme féminin
Un article du numéro 4 de mai 1945 retrace un des premiers camps des Eclaireuses qui
se déroula au centre. On y apprend que du 2 au 8 avril 1945, les Eclaireuses remirent en marche
leurs activités de danse, de chant, de comédien, de musique d’une part, et d’autre part, ce stage
permirent à de nombreuses cheftaines de se former. La formation des cadres est un problème
récurrent en Alsace, où de nombreux stages sont proposés dans le Jeune Alsace : « La jeunesse
alsacienne manque de cadres. C’est pour pallier à ce défaut que de nombreux camps de
formation ont été organisés pendant les vacances » 152 . Ainsi du 1 er au 8 août 1945, un stage de
formations de cadres F.F.E 153 fut organisé à Labroque par quelques cheftaines de la France de
l’Intérieur. Le but du stage était annoncé : acquisition de connaissances pédagogiques et
sociales. Les Eclaireuses se reconstituent assez rapidement : une annonce est faite dans le
numéro 16 du 21-23 novembre 1945 à propos du Conseil Provincial des Eclaireuses qui se
tiendra le 24 et 25 novembre, soit le lendemain de la publication. Ce conseil réunira « une
grande partie de nos commissaires nationales et générales » ainsi que « toutes les cheftaines
d’Alsace qui n’ont pas pu aller au camp national » 154 . Les questions porteront sur la place de la
femme dans la « cité » 155 et de son rôle civique. Dans le numéro suivant, un compte rendu de ce
Conseil est disponible. On y apprend la présence des représentantes des Eclaireuses Suisses.
Finalement, les deux journées furent consacrées à étudier les questions de l’activité F.F.E.,
« particulièrement celles que pose l’évolution subie par le scoutisme pendant ces dernières
années, et qui comporte notamment la nécessité de marcher avec son temps » 156 . Néanmoins,
ce compte rendu rend le témoignage d’une activité rebondissante des Eclaireuses : « De
nombreux exposés furent présentés, ayant trait à l’extension du scoutisme féminin dans les
milieux universitaires et ruraux. Plusieurs unités ont déjà été lancées dans nos villages, dont
les cheftaines ont été formées au cours d’un stage au Centre éducatif de la Montagne - Verte.
152
Jeune Alsace la Revue - 19 août 1945 - N°10, « Formons nos cadres, FFE ».
153
Fédération Française des Eclaireuses
154
Jeune Alsace la Revue - 21-23 novembre 1945 - N° 16, « Chez les Eclaireuses ».
155
Ibid.
156
Jeune Alsace la Revue - 9 décembre 1945 - N° 17, « Le Conseil des Eclaireuses ».
78

C’est par une telle preuve de vitalité que le Mouvement peut prendre conscience de son utilité,
en se réalisant simultanément dans des milieux différents » 157 . Pour ce qui concerne la
discussion annoncée sur la place de la femme dans la « cité », il y eut en effet une conférence
tenue par Denise GASTINEL. Le reporter de BADEN-POWELL en retient les propos
suivants : « La femme qui a lutté pendant ces dernières années dans des conditions de vie
matérielles et morales très dures, a montré qu’elle avait de la Patrie un sens assez profond et
qu’elle avait suffisamment conscience, quelque modeste que soit son poste, de ses
responsabilités et de sa vocation propre, pour pouvoir apporter à ceux qui l’entourent une aide
efficace. Elle a le droit de penser, à condition de penser par elle-même, le devoir de ne point
borner son action au point de vue politique. Dans sa triple vocation au foyer, au travail, et dans
la cité, elle doit chercher à se perfectionner en trouvant la formule matérielle et spirituelle qui
lui convient » 158 .
2. Les jeunesses politiques
a. Les J.L.N.
La Jeunesse de la Libération Nationale est née dans la clandestinité. Tout du moins,
c’est ce qu’ils affirment dans l’encart qui leur est réservé dans le numéro 8 du 22 juillet 1945,
numéro s’attachant à présenter les mouvements de jeunesse politiques. « Le mouvement des
Jeunes de la Libération Nationale a fait appel à tous ceux qui ne pouvaient supporter
davantage l’oppression du Boche. Notre travail quotidien était celui de tout ‘résistant’ et tout
‘terroriste’ » 159 . Le ton est donné mais la légitimité du mouvement n’est pas encore justifiée, vu
que maintenant la paix est prononcée. Ainsi dans la suite de l’article : « Le jour de la libération,
nos jeunes ont eu pleine conscience des sacrifices consentis et qu’il fallait encore accepter. Ils
ont décidé de continuer la lutte. Dès décembre 1944, les J.L.N. adoptèrent la nouvelle formule
du ‘Mouvement de Jeunesse politico-éducatif’ » 160 . Le mouvement se proclame héritier de la
politique du programme « de la résistance et de la France tout entière » 161 : « Ayant pour base
le programme du Conseil National de la Résistance et la Charte des Forces Unies de la
157
Jeune Alsace la Revue - 9 décembre 1945 - N° 17, « Le Conseil des Eclaireuses ».
158
Ibid.
159
Jeune Alsace la Revue - 22 juillet 1945 - N° 8, « les J.L.N. ».
160
Ibid.
161
Ibid.
79

Jeunesse Patriotique, nous voulons arriver à faire du jeune homme, de la jeune fille le parfait
citoyen Français de demain » 162 . Sur le plan éducatif, les J.L.N. se pensent exemple d’un
programme de sports et de loisirs « sainement organisés » 163 , relié par de nombreux « Foyers »
et de « vraies Maisons de toute la Jeunesse » 164 encore en construction. Les jeunes seront aussi
concernés par une politique d’information pour leur donner « l’équilibre moral et intellectuel
nécessaire » 165 . L’objectif à long terme consiste à constituer « une nouvelle élite pleinement
consciente de ses responsabilités » avec des Jeunes Alsaciens et Alsaciennes âgés de 16 à 25
ans : « L’union de la jeunesse libre d’aujourd’hui fera la France libre de demain » 166 .
Le premier congrès départemental des J.L.N. a eu lieu le 12 octobre 1945 à Strasbourg :
les délégués de toutes les sections du département y ont pris part. L’article du numéro 15 de la
revue Jeune Alsace (celui du 4 novembre 1945) précise que le congrès a été le lieu de questions
importantes, en outre celle du Foyer, indispensable à la bonne marche des J.L.N. de Strasbourg.
« Après l’exposé des activités des diverses sections (une bibliothèque a, par exemple, été mise à
la disposition des J.L.N. de Huttenheim), la question des Sports et Loisirs a fait l’objet de
discussions animées : on peut déjà prévoir des camps de ski pour cet hiver et l’organisation
d’équipes de basket » 167 . On apprend d’autre part que les J.L.N. viennent de conclure une
« Entente » 168 ou « Fédération provisoire » 169 avec la Jeunesse Résistante d’Alsace et de
Lorraine. Cet accord a été signé de part et d’autre par MM. A. UHLRICH et A. MATHIS
(J.L.N.) et MM. A. ANDRESS et C. SIESS (J.R.A.L.).
Dans un numéro suivant, « les J.L.N. communiquent » 170 pour rappeler que bien qu’ils
constituent un mouvement à orientation politique, ils sont loin « d’un mouvement
essentiellement politique » 171 : « ce que nous voulons avant tout réaliser dans ce domaine, c’est
donner aux jeunes le sens civique, leur apprendre à être de bons citoyens. Il y en a tellement qui
lisent les journaux sans comprendre de quoi il s’agit. Ils entendent parler d’Assemblée
Consultative, de C.D.L., de référendum, de Constituante. En les interrogeant, on s’aperçoit tout
de suite qu’ils n’y entendent pas grand’chose » 172 . Les J.L.N. annoncent à la suite
l’organisation de conférences sur des sujets d’éducation civique et politique.
162
Ibid.
163
Ibid.
164
Ibid.
165
Ibid.
166
Ibid.
167
Jeune Alsace la Revue - 4 novembre 1945 - N° 15, « Chez les J.L.N. ».
168
Ibid.
169
Ibid.
170
Jeune Alsace la Revue - 19 août 1945 - N°10, « les J.L.N. communiquent ».
171
Ibid.
172
Ibid.
80

. La Jeunesse Communiste
La jeunesse du parti communiste est pour la première évoquée dans le numéro 5 du 10
juin 1945 de la revue JEUNE ALSACE, soit relativement tôt. L’article est intitulé « Pour une
Jeunesse unie au service de la Nation ». On y fait état de la naissance de l’ « Union de la
Jeunesse Républicaine de France ». En effet, l’argumentation explique que les Jeunesses
Communistes, qui se voulait institution de masse pour les jeunes, n’avaient pas le succès
escompté. Le journaliste explique : « Certes elles avaient progressé. Avec leurs 250.000
adhérents, dont 100.000 aux Armées, elles représentaient la plus puissante organisation de ce
type, mais elles n’étaient plus à même de donner satisfaction aux besoins et aux aspirations
d’une grande partie de notre jeune génération. Elles avaient encore trop l’aspect d’une petit
parti politique de jeunes » 173 . La stratégie est donc là : « Au cours de son XI ème Congrès
national, la Fédération des Jeunesses Communistes de France, fidèle à ses héros tombés dans
le combat pour la République et à son passé de lutte au service de la jeunesse et de notre pays,
a décidé de transformer son caractère et ses organisations, et par conséquent son nom, afin de
permettre à tous les jeunes Républicains de s’unir fraternellement. Face au fascisme et à la
réaction, l’Union de la Jeunesse Républicaine de France permettra de rassembler et de
mobiliser toutes les forces de la Jeunesse, afin de défendre ses droits et de la préparer à ses
tâches de demain » 174 .
Un deuxième article, plus important, est aussi attaché à l’U.J.R.F. désormais, dans le
numéro 8 du 22 juillet 1945. Cette fois-ci, il est rédigé par le mouvement lui-même et tente de
justifier le changement du mouvement aux jeunes alsaciens : « Pour présenter ce mouvement à
la Jeunesse alsacienne il est indispensable de rappeler la lutte de la Jeunesse de France contre
l’envahisseur nazi et les traîtres de Vichy pendant les cinq dernières années » 175 . Elaboré par
les responsables communistes eux-mêmes, le discours y est clairement engagé: « Seule, des
mouvements d’avant-guerre, la Jeunesse Communiste reste dressée contre l’envahisseur. Jetée
dans l’illégalité en octobre 1939 par les agents hitlériens qui préparaient la défaite, les Bonnet,
les Laval, les de Brinon, les Pétain et leurs hommes, en butte à une terreur policière sans
précédent, la Jeunesse Communiste reste solidement organisée par groupes de trois et entraîne
la Jeunesse de France dans la lutte sans merci contre l’envahisseur » 176 . Dans la suite de
173
Jeune Alsace la Revue - 10 juin 1945 - N° 5, « Pour une Jeunesse unie au service de la Nation ».
174
Ibid.
175
Jeune Alsace la Revue - 22 juillet 1945 - N°8, Tribune des mouvements, « pourquoi l’U.J.R.F. ? ».
176 Ibid.
81

l’article, l’auteur se livre à retracer tout le parcours héroïque de son organe central
« l’Avant-garde », mais aussi la recherche de l’union des mouvements de jeunesse pendant la
guerre (le Front patriotique de la jeunesse, les Jeunes de la MUR qui deviennent les Jeunes de la
Libération Nationale, Jeunes de l’O.C.M., Union des Jeunes Filles Patriotiques, Jeunes
Chrétiens Combattants, puis les Forces Unies de la Jeunesse Patriotique). L’auteur explique le
changement de l’institution pour permettre de rassembler tous les fractionnements de la
Jeunesse Résistante dus à la clandestinité de son existence. Dans le même article,
l’U.J.R.F. détaille son programme : la philosophie se résume en l’attachement à la République
et à la démocratie, ainsi qu’à la laïcité. L’application se fera en une aide solide à la
reconstruction, instauré par un « Service civique », travail bénévole complétée par une
formation militaire. « L’U.J.R.F. pense que ces tâches, qui sont communes à tous les
mouvements, devraient être exécutées en commun par tous les jeunes, sous la direction de
l’ensemble des mouvements de jeunesse, c’est-à-dire l’U.P.O.J. » 177 . Politiquement
l’U.J.R.F se dit engagé mais pas forcément dans la lignée d’un parti : « C’est le programme de
toute la jeunesse de France éprise de progrès et de liberté ; c’est le programme du Conseil
National de la Résistance » 178 . Ce programme donnerait le droit de vote aux soldats et aux
jeunes à partir de 18 ans, garantirait un salaire équitable pour les jeunes au même titre qu’un
adulte, mettrait en place la gratuité de l’enseignement à tous les degrés. Pour ce qui concerne
l’Alsace, le programme consiste dans ces grandes lignes à anéantir tout l’héritage « Boche », à
épurer la région de ses traîtres. Bien sûr, l’auteur rappelle que les jeunes peuvent venir assister à
des conférences organisées par le soin ou peuvent venir consulter une bibliothèque remplie de
« chef d’œuvre de la pensée française » 179 .
3. Les jeunesses musicales de France
Dans le numéro 17 du 9 décembre 1945, la rubrique Tribune de Jeune Alsace réserve un
encart à cette forme de mouvement de jeunesse. Nous y apprenons que les Jeunesses Musicales
de France viennent de se lancer en Alsace. « Ce mouvement cherche à faire connaître et
apprécier la musique aux jeunes, à éveiller leur sensibilité musicale en leur présentant des
concerts dont les programmes ont été étudiés avec soin et tous accompagnés de
177 Ibid.
178 Ibid.
179 Ibid.
82

commentaires » 180 . Les J.M.F sont un mouvement national qui s’adressent à l’ensemble de la
jeunesse française, milieux sociaux et régionaux confondus. Cependant « elle voudrait
spécialement donner à la jeunesse ouvrière, qui ne dispose pas des mêmes facilités que la
jeunesse étudiante, de s’initier à la musique, l’occasion d’assister à des concerts d’une qualité
exceptionnelle et commentés par des spécialistes » 181 . Les critères d’entrée aux J.M.F. sont
finalement assez commun : il faut avoir moins de 30 ans, mais il faut surtout payer une
cotisation annuelle de 40 frs. En ce qui concerne le groupe de Strasbourg, nous apprenons qu’il
est dirigé par un professeur de musique au Lycée Fustel de Coulanges. Le premier concert a eu
lieu le 3 décembre précédent.
Dans le numéro 20 du 27 janvier 1946, un article fait le compte rendu du deuxième
concert des « Jeunesses Musicales ». L’article relate une popularité non prévue du concert
puisqu’ « Il semble que le salle ne fut pas assez grande pour satisfaire à toutes les demandes
d’une jeunesse estudiantine, avide de musique symphonique » 182 . L’auteur se demande si un tel
succès est le résultat d’une simple curiosité ou d’un penchant réel. Il opte pour le penchant réel,
le programme étant trop compliqué pour un concert d’initiation.
Section 2. Les mouvements de jeunesse protestants
Après le scoutisme et les mouvements d’action catholique, les mouvements de jeunesse
protestants constituent la troisième étape de la revue JEUNE ALSACE dans la présentation des
divers mouvements qui couvrent l’Alsace en 1945. La double-page du numéro 7 du 8 juillet
1945 constitue l’article de fond du numéro sans pour autant être rédigée par un journaliste de la
revue, mais par un responsable du mouvement, qui reste anonyme. L’article s’adresse aux
jeunes protestants, pour les informer des différentes organisations confessionnelles qu’ils
pourraient intégrer : « A toi, Jeune Protestant, trois grandes routes s’offrent. Entre elles
n’existent aucune rivalité ni jalousie. Ce sont trois voies parallèles correspondant à trois
tendances innées du caractère » 183 mais surtout pour les mettre à profit : « La souffrance crie
encore et toi, jeune garçon ou fille, tu ne peux pas l’ignorer. Les mouvements protestants de
180
Jeune Alsace la Revue - 9 décembre 1945 - N° 17, « les Jeunesses Musicales de France ».
181
Ibid.
182
Jeune Alsace la Revue - 27 janvier 1946 - N° 20, « L’art symphonique en France, Deuxième concert des
« Jeunesses Musicales ».
183
Jeune Alsace la Revue - 8 juillet 1945 - N° 7, Tribune des mouvements, « Et voici le C.P.J. ».
83

Jeunesse comptent sur toi » 184 . Il s’agit donc des groupements de l’Union chrétienne de jeunes
gens ou de jeunes filles, et du scoutisme protestant.
Cependant, le développement des mouvements d’une Eglise très marquée par la guerre
et par la Libération, est relancé par une création centrale, le Conseil Protestant de la Jeunesse.
« Ce n’est pas un nouveau mouvement mais une fédération de mouvements » 185 , c’est lui qui
préside à toutes les activités, qui organise les camps, qui édite des livres et surtout qui possède
un centre de documentation.
1. Le Scoutisme protestant
JEUNE ALSACE a évoqué le scoutisme protestant plus tardivement que les deux autres
formes de l’organisation de jeunes protestants. Cependant, les principaux événements de ce
mouvement sont relatés dans la Tribune de « Jeune Alsace » de numéros suivants. En outre,
dans le numéro 15 du 4 novembre 1945, une colonne rapporte le déroulement du Conseil
National des Eclaireurs Unionistes à Strasbourg. Les Chefs Eclaireurs Unionistes sont
considérés comme la branche du Scoutisme Français d’inspiration protestante. En avant
propos, l’auteur insiste sur le principe du conseil, qui se réunit tous les quatre ans à Strasbourg,
et ainsi sur la symbolique de ce conseil en cette ville cette année-là, puisque « c’est la première
fois, depuis cinq ans, que des chefs et des cheftaines, venus aussi bien du Nord que du Midi,
peuvent se réunir librement. (…) Symbolique aussi le lieu de rencontre choisi : Strasbourg,
capitale de l’Alsace, vers qui ont convergé les pensées et les rêves de tous, au cours de la
longue attente » 186 . A la suite, l’auteur avoue qu’un conseil a tout de même eut lieu à Nîmes en
1942. A propos du contenu du conseil, le journaliste centre les discussions autour de la
« Conquête », comme « mot d’ordre autour duquel se groupent plusieurs commissions pour
examiner les problèmes nouveaux qui se posent, tant dans le domaine matériel que
spirituel » 187 . Le contenu sera plus développé dans un article du numéro suivant : on y parle du
programme chargé, de la nature essentielle des questions. Le mouvement apparaît comme
« hardiment tourné vers l’avenir » puisque « le Mouvement est une voie de conquête des
différents milieux encore pénétrés par le scoutisme : ruraux, ouvriers et coloniaux. (…) Il faut
184
Ibid.
185
Ibid.
186
Jeune Alsace la Revue - 4 novembre 1945 - N° 15, « Le Conseil National des Eclaireurs Unionistes à
Strasbourg ».
187
Ibid.
84

un effort d’adaptation du scoutisme pour y faire un travail productif et ne pas vouloir appliquer
partout les mêmes méthodes » 188 .
2. Les Unions Chrétiennes de Jeunes Gens et de Jeunes Filles (U.C.J.G. et
U.C.J.F.)
L’argumentation de l’article « Et voici le C.P.J. » du 8 juillet 1945 commence par
justifier le besoin de penser, et d’idéal spirituel chez « nos jeunes ». Puis, comme pour la
Fédération, l’auteur retrace le parcours des Unions Chrétiennes : « Jusqu’à ce jour, les Unions
Chrétiennes de Jeunes Gens sont restées fidèles à leur idéal. Ces Unions sont à la base de tous
les mouvements de jeunesse. Fondées il y a plus de cent ans par George Williams, elles ont été
la première association de jeunes qui se soit jamais manifestée. D’origine britannique, les
Unions Chrétiennes comptent aujourd’hui des millions d’adhérents dans le monde anglo-saxon
et les pays scandinaves. En France, des centaines de milliers de jeunes ont répondu à leur
appel » 189 . L’imprégnation religieuse est largement revendiquée : « Certes, l’étude biblique
reste toujours le centre de son activité » 190 . L’article attribue aux Unions l’initiative des
premiers camps de jeunesse « destinés à former les jeunes par des conférences littéraires,
économiques et artistiques dans le cadre paisible d’une vie sportive » 191
.
En Alsace, les principaux centres d’activité du mouvement unioniste se situent à
Strasbourg, à Mulhouse.
Comme c’est le cas dans de nombreux articles de JA, le style se fait volontiers épique et
évoque une action clandestine : « Avant la guerre, les Unions avaient organisé de splendides
‘Journées de Jeunesse’ groupant des milliers de participants. Cette activité n’a pas cessé sous
l’occupation. Malgré la surveillance sévère des Allemands, les jeunes continuèrent
clandestinement. Un club flûtiste était par exemple le prétexte de leurs réunions à Strasbourg et
192
à Mulhouse. A Storkensohn, dans le Haut-Rhin, eut lieu un congrès des Unions ! » .
Les Unions sont patronnées par un comité international siégeant à Genève, qui
organisent des congrès œcuméniques chaque année. « Sous la devise ‘Afin que tous soient un’,
188
Jeune Alsace la Revue - 21-23 novembre 1945 - N° 16, « Quelques aspects du Conseil National des E.U. ».
189
Jeune Alsace la Revue - 8 juillet 1945 - N° 7, « Tribune des mouvements, Et voici le C.P.J. ».
190
Ibid.
191
Ibid.
192
Ibid.
85

tous les pays et toutes les races du monde y sont représentés » 193 . L’auteur rappelle à ce propos
leur attachement à l’Y.M.C.A. 194
, la section anglaise et américaine des unions.
Une similitude rapproche l’esprit de Jeune Alsace de celui du Conseil Protestant de la
Jeunesse : le C.I.M.A.D.E. fondé par ce conseil. Il s’agit du Comité Inter-mouvements d’Aide
aux Eprouvés, qui « eut pour première mission de regrouper et de visiter les protestants
195
évacués en Dordogne » . Par la suite, le CIMADE a élargi son domaine d’action aux victimes
des camps de concentration, que l’auteur énumère : « Ensuite, jeunes gens et jeunes filles,
moniteurs et chefs de nos mouvements sont allés volontairement vivre la vie des Juifs, des
Espagnols, des communistes, parqués dans les camps de concentration en France » 196
. Cette
aide aux Alsaciens rappelle celle de l’Association Jeune Alsace avec le retour des expatriés.
3. Fédération Française des Associations Chrétiennes d’Etudiants
La FFACE apparaît plus souvent sous le nom de la « Fédé ». Née à la fin du siècle
dernier, la Fédération Française des Associations Chrétiennes d’Etudiants est avant la
conséquence d’un réveil du milieu universitaire protestant, que l’auteur justifie par « Une
nouvelle vie était nécessaire. Au milieu de l’embourgeoisement de cette fin de siècle. Il fallait
conserver un principe dynamique et surtout sauver l’esprit » 197 . La principale activité de la
Fédération est de former des cercles parfois uniconfessionnels, parfois biconfessionnels pour
faire passer l’expérience des aînés aux plus jeunes : « Du contact des idées chacun retire un
profond enrichissement de son être » 198 . A propos de leur vécu de la guerre, l’auteur s’exprime
ainsi : « La Fédé resta toujours un lieu de formation et d’engagement. Les Allemands le
savaient et tous nos lieux de camp : l’Ile d’Oléron, de Chalet de la Chalp, la belle propriété de
Bièvre aux environs de Paris furent incendiés ou pillés par eux » 199
. La Fédé est finalement
moins un mouvement de jeunesse, qu’une sorte de groupe de réflexion sur la religion : « A la
Fédé, on parle beaucoup. Il en sera toujours ainsi. Il est des paroles qui passent, mais aussi
d’autres qui restent. Et ces paroles deviennent le fil qui nous mène à la vérité. En commun ce fil
est recherché, non pas à l’aveuglette, car il y a une parole que l’on efforce toujours d’écouter.
193
Ibid.
194
Young Men Catholics Association
195
Jeune Alsace la Revue – 8 juillet 1945 – N°7, « Tribune des mouvements, Et voici le C.P.J. ».
196
Ibid.
197
Ibid.
198
Ibid.
199
Ibid.
86

Elle est plus forte et plus vraie que toutes les autres. C’est la Parole divine, telle que nous la
trouvons dans la Bible. A la lumière du message chrétien, chacun révise sa position personnelle
afin de devenir un témoin vivant. Le christianisme ne doit plus être une religion du dimanche,
mais de toute la semaine et de tout l’être » 200 . Le but de la présentation de la Fédération apparaît
donc comme évident : il s’adresse aux étudiants et étudiantes, même lycéens et lycéennes
d’Alsace, en quête de formation religieuse, « La Fédé resta toujours un lieu de formation et
d’engagement » 201
.
En résumé, les mouvements protestants ne sont pas aussi diversifiés que ceux de la
jeunesse catholique. Le discours est aussi différent, on mise sur la recherche de spiritualité.
Mais les applications sont semblables : le scoutisme représente la voie prisée des jeunes
protestants, ainsi que les étudiants.
Section 3. Les mouvements de jeunesse catholiques
U n des mouvements le plus représentatif est le mouvement scout catholique.
1. Le scoutisme catholique
a. l’implantation des Scouts de France en Alsace
Le scoutisme catholique en Alsace a été le centre d’une recherche menée par les
Anciens du Mouvement, particulièrement par Florent Holveck qui a rédigé avec plusieurs
autres responsables l’ébauche d’une histoire du scoutisme, qui a été mis à notre disposition. .
Ainsi les Scouts de France ne s’implantent en Alsace qu’en 1921, soit 8 ans après la première
implantation du système scout en Alsace (les Pfadfinder) à Strasbourg et à Colmar, soit un an
seulement après la fondation à l’échelon national. Mais en 1930, on dénombre déjà en Alsace :
26 meutes rassemblant quelques 520 Louveteaux, 28 troupes et 6 embryons de clans, soit 600
Scouts et Routiers.
200 Ibid.
201 Ibid.
87

. le questionnement de l’après-guerre
L’un des premiers conseil des œuvres de l’évêché de Strasbourg est tenu le 9 août 1945
dans le but de préciser les objectifs premiers des Œuvres. Il apparaît clairement que l’une des
préoccupations porte sur l’articulation de mouvements extra-paroissiaux, alors que la politique
de l’évêché insiste sur l’ancrage de l’église dans la paroisse.
La question du scoutisme se pose alors : « Faut-il laisser subsister à Strasbourg des
Troupes Interparoissiales ? Le scoutisme étant fait pour rapprocher les diverses classes
sociales, il semble que la paroisse présente le meilleur terrain de rencontre des jeunes sortant
des divers milieux sociaux. Aussi il semble utile de créer et de conserver des troupes
uniquement à l’échelon paroissial » 202
.
Le conseil adopte alors des règles de fonctionnement des œuvres catholiques « À côté
des œuvres paroissiales proprement dites, d’autres œuvres, telles que les mouvements
spécialisés, les groupements professionnels fonctionneront à l’échelle supra-paroissiale. La
Direction des Œuvres en désignera les aumôniers, qui pourront être tant du clergé séculier que
du clergé régulier. A Strasbourg, le scoutisme fonctionnera à l’échelon paroissial. Les
internats sont autorisés à former une ou plusieurs troupes scoutes en faveur de leurs élèves.
(…) Il est à souhaiter que toutes les troupes scoutes formées dans ces conditions deviennent des
écoles de chefs pour les paroisses »
c. le mouvement rétabli
203
.
Un autre article figure dans le numéro 8, du 22 juillet 1945, celui retrace le premier
rallye scout organisé en Alsace. L’article est court mais on y retrouve les informations les plus
importantes : on y apprend que les organisateurs sont les Scouts de France du District de
Strasbourg. Le rallye a aussi fait d’un pèlerinage menant à Dompeter, la plus vieille église
d’Alsace. L’action fut symbolique, puisque les scouts d’Alsace s’étaient déjà vus confiée cette
vieille église avant la guerre par Mgr Ruch. Les Routiers ont à ce titre commencé à réhabiliter
cette église, en dégageant les pierres de tailles. Une procession accompagna ce rallye pour y
porter les reliques de saints, suivie par la population. Jeune Alsace précise que ce dimanche 8
juillet, il y eut presque 500 personnes dans l’assemblée. Par la suite, Dompeter devient le lieu
202 Compte-rendu, 9 août 1945.
88

eprésentatif du rétablissement du mouvement scout, en vivant un des grands moments du
scoutisme alsacien de l’après-guerre avec le retour de Notre - Dame de Strasbourg en
1946 : « Les Scouts, guides, étudiants et étudiantes d'alsace organiseront du 1er au 15 août, à
travers notre province un grand pèlerinage de la Ste Vierge. Il s'agit de ramener à Strasbourg,
conformément à un voeu, une statue de la Vierge sculptée par quelques routiers d'Alsace et qui
avait figuré au Pèlerinage du Puy en 1942 204 . Rentrant par Clermont, Chartres, Paris, Reims et
Domrémy elle se trouvera le 2 août au soir à Pfetterhouse, où elle sera portée à pied à travers
l'Alsace jusqu'à la Cathédrale de Strasbourg 205 » 206
.
Le scoutisme semble rester la référence en matière de mouvements de jeunesse dans
l’Après-guerre. Autrement dit, il ne suscite plus d’interrogation au conseil des Œuvres, mise à
part pour l’organisation d’événements de rassemblement, comme par exemple l’anniversaire du
scoutisme : 1948 est l’année du vingtième anniversaire de l’implantation du scoutisme à
Guebwiller. A cette occasion, « les Curés des deux paroisses prévoient (…) la célébration
d’une Messe en plein air au ‘Bildstoeckel’ le dimanche 26 septembre » 207
.
Cependant, il reste surveillé au même titre des autres mouvements émanant des
Catholiques, tel que le précise le rapport du 23 mai 1950, « Une circulaire du R.P. FORESTIER
demande une enquête sur l’efficacité spirituelle du scoutisme »
Il s’agit probablement de l’un des mouvements les mieux organisés de cette période.
Cela constitue en tout cas le deuxième volet des présentations que JEUNE ALSACE. Pour être
plus précis, cette double page du numéro 4 de mai 1945 fait le point sur les mouvements de
l’Action Catholique, autrement dit les mouvements spécifiés.
203
Règlement concernant le fonctionnement des œuvres catholiques à Strasbourg, 16/08/1945.
204
Le 15 août 1942, la Jeunesse catholique française avait fait un pèlerinage de pénitence et d'espérance au Puy
pour demander le retour de nos prisonniers... le maintien de l'unité française, la paix pour l'Europe... Les jeunes
étaient groupés par provinces... qui portaient la statue de la Vierge de la Région... les Alsaciens portaient ND de
Strasbourg.
205
Puis en mai 1947 au Dompeter.
206
Extrait du Bulletin Ecclésiastique
207
Conseil des Œuvres, séance du 24 août 1948.
208
Id., Séance du 23 mai 1950.
208
.
89

2. Les branches de l’Action Catholique de la Jeunesse Française
L’Aumônier diocésain en place en 1949, le chanoine Vital BOURGEOIS, décrit bien le
rôle et la fonction de l’Action catholique dans un rapport destiné à Mr le Doyen :
« L’Action catholique dite générale est l’Action des Catholique des Adultes, centrée autour de
la Paroisse et de la cité. Elle est représentée en France et dans notre diocèse par deux puissants
mouvements : la F.N.A.C. qui groupe aux échelons diocésains et à l’échelon national les
Unions paroissiales d’hommes et la Ligue féminine (L.F.A.C.) qui réunit aux mêmes échelons
et pour des tâches d’apostolat, d’éducation chrétienne et d’action paroissiale les femmes
chrétiennes de toute la France. (…) [Le but de l’Action Catholique] est d’organiser les forces
adultes de bonne volonté au service de l’Eglise et de la paroisse, de leur faire prendre en mains
les intérêts spirituels des familles composant la paroisse et de leur faire accomplir un travail de
pénétration et d’apostolat auprès des catholiques indifférents ou paganisés » 209
.
Un organigramme des responsabilités se présente sous la forme suivante :
Echelon d’A.C.
Comité de la Ligue ou
de la F.N.A.C.
Aumônier Activité de
l’Aumônier
Paroisse Comité paroissial M. le Curé ou son
délégué (vicaires)
Canton Comité Cantonal avec
les présidentes
paroissiales
Arrondissement Comité
d’arrondissement avec
président cantonal
209 Lettre du 27 juillet 1949 de l’Aumônier diocésain au Doyen.
Réunion Mensuelle
des dirigeants et
militants pour les
activités d’ensemble
dans la paroisse
Aumônier Cantonal Réunion du Comité
cantonal – formation
M. le Curé-doyen de
l’arrondissement ou
aumônier cantonal du
siège de
des militants des
paroisses (mensuelle)
– journées paroissiales
(trim. Ou sem.)
Réunions mensuelles
du comité de
l’Arrondissement –
journées d’études
90

Département Comité départemental
avec président
d’arrondissement
a. L’article de JEUNE ALSACE
l’Arrondissement paroissiales de
Aumônier diocésain et
son délégué
l’arrondissement (1-2
fois l’an)
Réunions mensuelles
du Comité
départemental.
Pour commencer, concentrons nous sur l’article de présentation de Jeune Alsace.
L’article est élogieux. Il ne s’agit pas de faire une description analytique, ni même de donner un
bilan des activités. Il s’agit d’attirer la jeunesse alsacienne. Le principe est toujours le même
pour les mouvements catholiques : commencer par décrire les motivations d’un Pierre, d’un
Michel ou d’un Paul qui s’est engagé dans un mouvement de jeunesse. L’auteur en dénombre
quatre : le besoin de trouver un sens à sa vie, ou au contraire le désir d’aider son prochain, ainsi
qu’une volonté de réaffirmer sa voie. La dernière raison est de suivre ceux qui se sont inscrits
pour les trois premières raisons.
La philosophie du mouvement est annoncé de manière moins parabolique, pourtant le
ton reste emphatique : « Vous aussi, venez avec nous – dans un mouvement d’Action
Catholique. Vous deviendrez un de ces militants et une de ces militantes qui par dizaines et
dizaines de milliers, dans toutes les villes et tous les villages de France s’efforcent du même
effort de construire un monde plus fraternel » 210 . Les membres de ces mouvements sont « fiers,
purs, joyeux et conquérants » 211 en but de découvrir la « vie d’ouvrier (…) et de paysan » 212 . Le
discours est même orienté politiquement à gauche : « Nous voulons proposer des réformes qui
nous donneront de nouvelles conditions de vie. Nous voulons avoir des familles, des ateliers,
des écoles où nous puissions mener une vie proprement humaine, où chacun puisse respirer à
son aise et développer toutes ses qualités » 213
; « par l’A.C.J.F. (…) toutes les classes sociales
participent ensemble, et chacune à leur place, à la construction d’une cité fraternelle, d’une
210
Jeune Alsace la Revue – mai 1945 – N°4, « JAC + JEC + JIC + JOC = ACJF ».
211
Ibid.
212
Ibid.
213
Ibid.
91

cité chrétienne, au service de la France » 214 . Le rôle civil et civique des mouvements de
l’Action Catholique est clairement annoncé : d’une part par la devise de l’ACJF, « Tout le
Christianisme dans toute la vie », que l’auteur analyse : « Il ne s’agit pas seulement de faire
comprendre aux jeunes de ces mouvements comment ils peuvent être chrétiens dans leur milieu
– il s’agit de transformer ces milieux mêmes pour qu’y soit respectée la dignité humaine, pour
que chacun découvre ses droits, mais aussi ses devoirs, ses responsabilités et le rôle
irremplaçable de son milieu dans la cité, dans la nation. Les Mouvements d’A.C. sont des
mouvements sociaux, des mouvements de masse » 215 . Néanmoins, un message religieux est
latent : « Nous savons que c’est seulement à ces conditions que tous nos camarades pourront
soupçonner et découvrir le message intégral du Christ, dont nous porterons au milieu d’eux le
témoignage » 216
.
L’article finalement ne s’attarde pas sur les différents mondes ciblés, mais préfère
détailler la nouvelle méthode qu’appliquent les jeunes membres pour progresser. Elle procède
en 3 étapes : voir, juger, agir. Tout comme l’introduction, la théorie est démontrée par un
exemple qu’on peut penser manichéen. L’exemple fait état de 3 jeunes filles qui ont la vie dure :
elles sont « maladives ». L’une doit se payer des séjours au « Sana », l’autre travaille tant,
qu’elle est épuisée, et la dernière ne sait pas gérer son budget, si bien qu’elle ne mange pas
correctement. Bien sûr, les mouvements spécifiés vont les remettre dans le droit chemin grâce à
leurs amies engagées qui les aident ou les raisonnent. : « L’action la plus importante sera de
faire découvrir à toutes la valeur de leur santé et d’aider chacune à organiser son temps, à
faire la part du travail et des distractions, à trouver un sens à sa vie : voilà l’utilité de la
campagne que lancent chaque année nos mouvements »
b. Les différents mouvements spécifiés
Nous en dénombrons quatre genres :
- la Jeunesse Agricole Chrétienne (J.A.C.) et la Jeunesse Agricole Chrétienne Féminine
(J.A.C.F.). En 1947, la réunion suivante prévoit le rapport annuel de la J.A.C., « il en résulte :
a) la nécessité d’envisager une fois de plus avec nos journaux la possibilité de faire publier une
page consacrée aux divers mouvements des jeunes. On pourrait même leur demander un tirage
214 Ibid.
215 Ibid.
216 Ibid.
217 Ibid.
217
.
92

spécial de cette page ; b) la nécessité de prendre contact avec la C.G.A. du Haut-Rhin ; c)
l’utilité de l’achat d’une voiture ; d) la création de secrétariats ruraux éventuellement en tant
que sections rurales des secrétaires sociaux ; e) la désignation d’un second aumônier jaciste
dès que les circonstances le permettront ; f) que la J.A.C. a fourni un grand et fécond travail en
1946 » 218
. Si le rapport ne semble déplorer qu’un manque de structure, la J.A.C. provoque chez
les membres du conseil des Œuvres diocésain une inquiétude, liée à leur rapprochement du
C.G.A., syndicat agricole.
- la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (J.O.C.) et la Jeunesse Ouvrière Chrétienne Féminine
(J.O.C.F.). Ce mouvement semble être celui qui rassemble la plus grande masse de jeunes. A ce
propos, la revue Jeune Alsace communique un compte rendu à propos du Grand Meeting de la
J.O.C. qui s’est déroulé le 22 juillet 1945, sur le thème de la Paix. Le journaliste parle de la
présence de 3.000 jocistes des deux sexes, qui ont assisté à un jeu scénique sur le thème de la
Paix. Mais si le mouvement s’organise pour se rassembler, elle se met aussi en action pour se
structurer. Un exemple flagrant en est le propos de Monseigneur l’Evêque lors de la tenue du
Conseil des œuvres de l’évêché du 16 avril 1946 : il rapporte l’achat d’une maison à Mulhouse
par l’Abbé Lidy, qui pourrait servir de locaux pour des conférences sur l’ordre social destinés
aux membres de la J.O.C. d’une part, et de secrétariat social d’autre part. « On en vient à parler
219
de la nécessité d’ouvrir des foyers pour jeunes ouvriers à Strasbourg et à Mulhouse » . Des
démarches semblent commencer dans ce sens. Cependant plusieurs renseignements émanent du
rapport annuel de 1946, dont nous n’avons pas connaissance: « 1) le vœu suivant que les
Œuvres d’enfants des centres industriels soient une préparation à la J.O.C. ; 2) la constatation
que la J.O.C. a abandonné en parti son but primordial d’avant la guerre à savoir la formation
spirituelle de ses membres et qu’elle offre aujourd’hui plutôt l’aspect d’une œuvre
d’inspiration syndicale ; 3) la nécessité de ne pas s’isoler de la paroisse, de participer
franchement aux fêtes et manifestations de la paroisse ; 4) la conclusion que la J.O.C. a fait un
bel effort en 1946 et qu’il faut continuer ces efforts pour la formation humaine et chrétienne de
la jeunesse salariée » 220
. En 1947, la même prudence et réticence se ressentent lors du
vingtième anniversaire de la J.O.C. A cette occasion, Monseigneur NEPPEL fait part de ses
impressions lors du conseil du 20 mai 1947 : « Il fait remarquer qu’on a ignoré l’autorité
ecclésiastique et uniquement invité les autorités préfectorales pour la cérémonie au monument
aux morts. A son avis le meeting n’était qu’une suite de revendications mal présentées, ne
218 Conseil des Œuvres, Séance du 7 janvier 1947.
219 Id., Séance du 16 avril 1946.
220 Id., séance du 7 janvier 1947.
93

mentionnant aucunement la soumission à l’autorité et risquant d’accentuer l’esprit
d’indépendance des jeunes. (…) Les malentendus de ce genre seront à éviter aux diverses
cérémonies du 20 ème anniversaire qui vont se faire dans les autres centres » 221 . Lors de la
réunion du 22 juillet 1947, la J.O.C. est de nouveau rappelé à l’ordre : « Son Excellence
Monseigneur l’Evêque a eu la visite de MM. SEEMAN et LIDY, il a leur a demandé de limiter
l’action temporelle des Jocistes aux questions qui répondent à leur âge et à leurs besoins et de
confier les autres problèmes aux syndicats » 222 . Lors du Conseil du 18 mars 1949, le
compte-rendu nous offre un bilan sur les différents mouvements de l’Action Catholique.
Concernant la J.O.C., « Les cadres pour la J.O.C. sont plus que jamais difficiles à trouver. Les
militants sont rares même dans les paroisses où les œuvres vivent » 223 . Mais la crise se ressent
moins dans le mouvement scout : « Le 27 mars a lieu à Mulhouse le Conseil de Province. Le
scoutisme reprend en Alsace, surtout depuis que d’anciens scouts ont repris les unités » 224
.
- la Jeunesse Etudiante Chrétienne (J.E.C.) et la Jeunesse Etudiante Chrétienne
Féminine (J.E.C.F.). La J.E.C. est probablement le mouvement spécifié qui inquiète le plus les
autorités cléricales. A l’occasion du Conseil des œuvres du 16 avril 1946, Monseigneur
HINCKY « déplore le manque d’intérêt porté par ces deux mouvements [J.E.C. et J.I.C.] à la
vie paroissiale. Monseigneur KOLB fait remarquer que la J.I.C. prétend s’occuper de la
paroisse et qu’elle cherche à le prouver. Monsieur l’Abbé HELD propose d’étendre à Colmar
et à Mulhouse le ‘modus vivendi’ élaboré l’année dernière pour le J.E.C. de Strasbourg »
Malgré tout, notons la journée nationale de la J.E.C., le 1 er décembre 1946, journée de vente de
fleurettes aux portes des églises. Cependant l’inquiétude ne semble pas être que régionale, au
contraire. Lors de la réunion du 23 mars 1948, « À l’échelle national, on accentue la séparation
de la J.E.C.F. moderne et de la J.E.C.F. classique. Monsieur ELCHINGER est chargé de faire
connaître à son Excellence Monseigneur Courbe que dans le diocèse de Strasbourg on déplore
pareille décision » 226
. En 1950, dans un extrait du compte-rendu de l’Assemblée des Cardinaux
et Archevêques de France du 14, 15 et 16 mars 1950, « L’Assemblée demande qu’un effort soit
réalisé par les dirigeants et les aumôniers nationaux de la J.E.C.F. de l’enseignement libre
d’une part, et de la J.E.C.F. classique et supérieur d’autre part, en vue d’une union très étroite
221
Id., Séance du 20 mai 1947.
222
Id., Séance du 22 juillet 1947.
223
Id., séance du 18 mars 1949.
224
Ibid.
225
Id., séance du 16 avril 1946.
226
Id., séance du 23 mars 1948.
225 .
94

de leurs Secrétariats selon les recommandations déjà faites au cours de l’Assemblée de mars
1948 » 227
.
- la Jeunesse Indépendante Chrétienne (J.I.C.) et la Jeunesse Indépendante Chrétienne
Féminine (J.I.C.F.). Le mouvement est peut être celui qui provoque le moins de rassemblement
de jeunes. Lors du Conseil des œuvres du 16 avril 1946, l’Abbé HELD rapporte l’avis de la
responsable de la J.I.C.F. [Mlle BESSON] et celui de la Direction des Œuvres concernant
l’introduction dans le diocèse des « Jeunes Urbaines ». Bien que le Conseil approuve la
proposition, « la fondation de groupes de ‘Jeunes Urbaines’ parait inopportune à l’heure
228
actuelle » . Du manque d’unité que témoigne ce mouvement naît aussi une difficulté à trouver
une politique cohérente. Lors du conseil suivant, le 14 mai 1946, l’Abbé ELCHINGER rend
compte du Congrès National tenu à Paris. Il fait connaître que les Aumôniers nationaux
préfèrent que les charges d’aumôniers diocésains soient plutôt confiées à des prêtres séculiers
qu’à des religieux. Ceci pour éviter tout esprit de chapelle. En 1950, dans un extrait du
compte-rendu de l’Assemblée des Cardinaux et Archevêques de France du 14, 15 et 16 mars
1950, « Son Excellence Mgr COURBE expose l’état actuel des pourparlers en vue d’une
adaptation de ce Mouvement, correspondant davantage aux besoins. (…) L’Assemblée insiste
pour que la J.I.C. établisse des contacts plus étroits et plus fréquents avec l’A.C.I. (Action
Catholique Indépendante) et qu’elle oriente des membres vers ce mouvement lorsqu’il s’agit
pour eux de quitter la J.I.C. » 229
.
Les différentes branches de l’Action Catholique tendent au niveau national à prendre
leur indépendance face à la hiérarchie catholique. Les exemples fournis dans le paragraphe
précédent illustre ce fait au niveau local. Le diocèse déplore l’immoralité et la liberté de
spiritualité que les membres du conseil recensent dans les mouvements.
c. La méfiance du diocèse face aux mouvements de jeunesse en crise
Ce qui est intéressant dans ces comptes rendus des conseils, c’est ce qui concerne la
« surveillance » des actions extérieures au groupe diocésain.
227 Compte-rendu de l’Assemblée des Cardinaux et Archevêques de France du 14, 15 et 16 mars 1950.
228 Conseil des œuvres, séance du 16 avril 1946.
229 Compte-rendu de l’Assemblée des Cardinaux et Archevêques de France du 14, 15 et 16 mars 1950.
95

Lors de la réunion du 25 juillet 1946, les membres discutent de l’organisation de la
direction des mouvements et activités de l’action catholique. Le Conseil choisissent l’Abbé
HELD comme directeur et l’Abbé BOURGEOIS comme secrétaire général. Leurs champs
d’action sont dès lors : la formation des Cadres, la Coordination entre les divers mouvements,
les initiatives à proposer au Comité diocésain d’Action Catholique, les Adaptations des
directives nationales à la situation du diocèse, la Trésorerie, le Comité d’Action et de Défense
Familiales et Religieuses, l’A.C.J.F. et le Directoire féminin. Dans la foulée, nous découvrons
le nouveau tableau des responsables des Unions Paroissiales d’Hommes et de Jeunes Gens :
l’Aumônier diocésain est encore l’Abbé HELD, et l’Adjoint, l’Abbé LEHRMANN. Ces
responsables sont en coordination avec les Aumôniers diocésains des Mouvements spécialisés :
Ligue féminine d’Action Catholique, Scouts
de France et Guides de France
L’Abbé BOURGEOIS
J.O.C. et J.O.C.F. Les Abbés SEEMANN et LIDY
J.A.C. et J.A.C.F. L’Abbé VOGLER
J.E.C. et J.E.C.F., J.I.C. et J.I.C.F. L’Abbé ELCHINGER + adjoint
Œuvre de Piété Les Abbés HELD, LEHRMANN (hommes et
jeunes gens), BOURGEOIS (Femmes et
jeunes filles)
Mouvements et Œuvres d’Enfants L’Abbé OBERLE
Entre le 7 et le 28 août 1946, a lieu une réunion des doyens, très instructive sur les
préoccupations de l’évêché à propos de l’Action Catholique. Nous ne détenons que l’ordre du
jour, mais les problèmes apparaissent très évidemment. Les doyens déterminent l’Action
Catholique comme victime d’une réorganisation lente, voire difficile, dont les méthodes
semblent illogiques. Ils expliquent cette « mauvaise santé » par l’ambiance d’Après-guerre
générale qui n’est pas un terrain favorable à une reprise énergique comme pourraient l’être
l’existence de Maisons d’oeuvres mais aussi par le fait que le public des jeunes se lassent des
animations traditionnelles, demandant des nouveautés, provoquant par conséquence des
divisions internes. De plus, ils regrettent que l’Action Catholique ne soit pas pourvue de plus de
chefs.
La troisième partie de la réunion est réservée aux propositions des doyens : ils pensent
qu’il faut désormais penser en termes de paroisses, et non plus en termes de mouvements de
96

l’A.C.J.F. (Action Catholique de la Jeunesse Française), voire peut être créer des groupes
interparoissiaux en commençant par rassembler les enfants. Ils souhaitent aussi recourir aux
laïcs, du fait d’une attitude des religieux peu attractive, et subvenir aux besoins par les finances
de la paroisse et du diocèse. De même, leur nouveau cheval de bataille est « sauvegarder nos
droits et défendre la famille et la religion : Comité d’Action et de Défense familiale et
religieuse » 230 . Enfin, réformer l’A.C.J.F. en redéfinissant le rôle dans le christianisme, en
reformant les militants et les cadres. Il s’agit donc pour les doyens de recadrer le domaine de
l’Action Catholique. Le congrès de la Ligue Féminine de l’Action Catholique de 1946 nous
permet aussi de mieux saisir la régionalisation de la crise de l’Action Catholique : « Mr l’Abbé
Bourgeois mentionne que la chose la plus importante et intéressante de la journée était le
contact avec les autres aumôniers diocésains. Il a ainsi eu écho de la décadence de l’esprit
religieux en Bretagne et de la reviviscence de la pratique religieuse en Touraine. Dans
l’ensemble il a pu remarquer que beaucoup d’efforts se font, d’ailleurs l’Action Catholique
n’est-elle pas en relations inverses dans la tradition chrétienne ? » 231 . En 1949, a séance du 25
avril 1949 évoque la réunion du comité diocésain d’Action Catholique : « Monsieur le
Chanoine HELD donne lecture du compte-rendu de la réunion du 11 avril, Programme
d’année pour l’Action Catholique diocésaine en 1950. Monsieur le Chanoine HELD suggère
comme programme commun à toute l’action Catholique du diocèse durant 1950, le problème
de la moralité publique. Le redressement et l’éducation des consciences en face du cinéma, des
lectures et des divertissements » 232
.
Il semble aussi que l’Eglise catholique soit en concurrence avec une autre instance des
mouvements de jeunes : l’Abbé HELD rend compte des démarches faites auprès du Préfet du
Bas-Rhin au sujet de la représentation du film « J’ai 17 ans ». « L’U.P.O.J. a fait une démarche
233
au nom des mouvements de jeunesse » . Ainsi les mouvements qui sont sous la responsabilité
de ce conseil restent étroitement lié à l’U.P.O.J. : « Mr Juillard invite nos mouvements à
participer à une quête le 13 octobre. Les Mouvements se retranchent derrière l’U.P.O.J. qui a
fixé la participation des jeunes aux quêtes » 234
.
Le décalage inhérent à l’Action Catholique semble aussi toucher la Ligue Féminine de
l’Action Catholique. A l’ordre du jour du conseil de œuvres du 25 mars 1947, Mr l’Abbé
BOURGEOIS nous communique un résumé du Congrès National de la Ligue Féminine
230 Ordre du jour de la réunion des Doyens entre le 7 et le 28 août 1946.
231 Conseil des Œuvres, Séance du 23 mars 1947.
232 Id., séance du 25 avril 1949.
233 Conseil des œuvres, séance du 25 juin 1946.
234 Id., séance du 1 er octobre 1946.
97

d’Action Catholique, qui s’est tenu à Paris la semaine précédente la réunion. Il en ressort, que
l’Evêque de Troyes compte sur le « réel réflexe d’un sentiment chrétien » 235 pour que la Ligue
exerce « son influence dans le milieu familial car il ne faut pas uniquement voir comme le font
les Mouvements spécialisés le milieu de travail, il faut aussi voir le milieu de vie » 236 . A la suite,
le Congrès fut le lieu de l’évocation d’un problème sous-jacent : « Au cours de cette réunion
uniquement pour les Aumôniers diocésains le Secrétaire Général de l’Action Catholique
Monseigneur Courbe a évoqué le différend survenu entre le mouvement familial rural et la
Ligue Féminine à propos de la parution du journal « Foyer 47 ». Ce différend est dû au fait que
les Mouvements d’Action Catholique spécialisée et ceux de l’Action Catholique générale ne
sont pas d’accord sur les données de leur travail d’apostolat. Les Mouvements d’Action
Catholique Générale et les Mouvements spécialisés devront être considérés désormais comme
complémentaires les uns des autres, c.-à-dire qu’ils ne pourront à l’avenir s’ignorer, se
combattre ou revendiquer la suppression des uns des autres. Le Cardinal met sa confiance dans
sa Ligue » 237 . Déjà troublée par les tensions internes, la Ligue Féminine de l’Action Catholique
semble aussi poser problème au plan local, lequel est évoqué de la réunion du 1 er octobre 1946.
En effet « Le Conseil estime que les dames qui font partie des deux conseils départementaux
n’arriveront pas à se faire admettre par la grande masse de notre population féminine. Un
grand nombre fait partie d’un milieu social qui dépasse la classe moyenne, d’autres ignorent le
dialecte » 238
.
3. Les œuvres sociales paroissiales
Les archives qu’ont gardé la Direction Diocésaine Action Catholique sur la période
d’après-guerre contiennent en partie les comptes-rendus des conseils des œuvres de l’évêché.
Lors de ces conseils, les ordres du jour témoignent de la préoccupation incessante des membres
paroissiaux concernent la jeunesse alsacienne. C’est à ce titre, que nous allons nous intéresser à
ces comptes-rendus. Mais avant tout, le document « Synthèse du plan de l’organisation des
œuvres » va nous permettre de poser le cadre des Œuvres : « L’union des Associations du
Diocèse de Strasbourg se compose de :
- 1) de Mouvements d’Action Catholique proprement dite,
235
Id., Séance du 23 mars 1947.
236
Ibid.
237
Ibid.
238 er
Id., séance du 1 octobre 1946.
98

- 2) d’Associations complémentaires et auxiliaires d’Action Catholique :
- a) Associations de piété (Congrégations)
- b) Associations d’épanouissement (colonies de vacances)
- c) de services de loisirs, d’éducation physique (A.G.R.) » 239
Il existe donc deux conseils diocésains :
- le comité diocésain, composé des « prêtres nommés plus haut, président de l’Union,
des présidents et présidentes diocésains, dirigeants et dirigeantes diocésaines, commissaire de
240
province »
- le comité diocésain élargi, composé des « précédents et aumôniers régionaux et de
districts, présidents et présidentes régionaux et secrétaires-généraux, commissaires de district,
dirigeants et dirigeantes fédéraux, prêtres et laïques, nommés par son Excellence,
Monseigneur l’Evêque, membres proposés par le comité diocésain et élus aux journées des
241
délégués » .
a. La semaine de l’Enfance
Lors du conseil du 20 mars 1946, l’ensemble des membres habituels à l’exception de
l’Abbé BILLING (convalescent) travaille sur le projet d’une « Semaine de l’Enfance » 242
. Le
détail de ce projet n’est pas précisé mais les différents curés ont reçu une circulaire à ce propos.
Pourtant dans les réunions suivantes, le sujet disparaît de l’ordre du jour. La mise en place de
garderie semble aussi ressortir des responsabilités de l’évêché : comme celle de Bischheim
pour contrer celle confiée à l’U.P.J.R. (jeunesses communistes). Finalement elle sera commune
aux enfants de confession catholique et protestante. La Semaine de l’Enfance : du 4 au 14 mai
pour la région de Mulhouse
Un courrier émanant du Chanoine HELD pour le Directeur de l’Action Catholique
permet de recadrer le contexte de ce projet. Premièrement, cette Semaine s’intègrerait dans « le
programme de l’Action Catholique générale étudiée [puisqu’] étant : le Retour de l’Enfance à
Dieu, l’opinion étant alertée à ce problème par les articles du Bulletin paroissial, il est bon de
faire choc pendant quelques jours comme pour résumer toute l’année sur le problème de
239
Synthèse du Plan de l’Organisation des œuvres.
240
Ibid.
241
Ibid.
242
Conseil des œuvres, séance du 20 mars 1946.
99

l’Education » 243
. Deuxièmement, cette manifestation garantirait le rythme des manifestations
de regroupement des jeunes de la région : 1946 et la Semaine de l’Enfance, 1947 et le
pèlerinage à Notre Dame du Chêne de Ruelisheim, 1948 et la manifestation de la fin de la
campagne d’efforts du carême, 1949 et l’année mariale symbolisée par le grand pèlerinage à
Thierenbach. Les objectifs de cette semaine sont aussi mentionnés : alerter les parents et les
autres éducateurs sur le problème de l’éducation, présenter la presse enfantine, favoriser l’unité
de tous les enfants chrétiens.
b. Les Unions des jeunes gens et hommes
Le 18 août 1945 est envoyée une résolution par le Comité Diocésain des Œuvres et de
jeunes gens à la plupart des quotidiens régionaux: « Après une interruption de 5 ans, venant de
la dissolution de nos œuvres par les nazis, les membres du Comité diocésain de la Fédération
des Cercles Catholiques d’hommes et de jeunes gens d’Alsace se sont réunis le 17 août à
Strasbourg et ont étudié la réorganisation des Œuvres de Jeunesse et d’hommes et leur
adaptation au besoin des temps nouveaux. Une entente complète a été réalisée entre les
représentants des divers mouvements et associations » 244 . La question se pose alors : à qui
s’adresse l’Union des hommes et des jeunes gens ? « La majorité du Comité se prononce contre
la formation des groupes de jeunes chrétiens et estime que le fait d’appartenir à l’Association
paroissiale des jeunes gens peut suffire à tous ceux qui ne font partie ni du scoutisme, ni d’un
mouvement spécialisé » 245 . De même, le comité s’interroge sur la place qui leur reste entre les
mouvements catholiques et les associations neutres. Le cas de l’Avant-Garde du Rhin,
association catholique de gymnastique, est cité, puisque l’A.G.R. rencontre des difficultés
« dans certaines régions où les anciennes sections de l’A.G.R. hésitent à reprendre leur activité
et préfèrent adhérer aux associations neutres, et ainsi former une seule association locale, qui
logiquement sera neutre » 246
.
L’union diocésaine des Hommes est encore en 1949 en voie de constitution : le comité
diocésain réuni le 16 juin 1949 se complète pour pouvoir travailler efficacement et coordonner
dans le cadre de la F.N.A.C. les cinquante unions paroissiales d’hommes existant dans les
paroisses.
243 Lettre du 19 janvier 1949 du Chanoine HELD.
244 Résolution adoptée par le Comité Diocésain des Œuvres d’hommes et de jeunes gens du 17/08/1945.
245 Compte-rendu de la réunion du Comité diocésain du 17/08/1945.
246 Ibid.
100

Concernant les unions paroissiales alsacienne, la discussion sur l’organisation de bals
dans les maisons d’œuvres a été le lieu d’un débat sur la « nécessité de fonder le plus tôt
possible les Unions paroissiales des jeunes-gens (…) et l’opportunité de faire imprimer les
cartes d’Action Catholique » 247 . Le projet des Unions paroissiales des hommes et des jeunes
gens semble se décanter. En effet, le 16 avril 1946, on débat de la « création d’une feuille de
liaison entre la Direction des Œuvres et les Mouvements et Activités d’Action Catholique.
Monsieur l’Abbé Held propose d’intercaler provisoirement au Bulletin Paroissial une feuille
spéciale » et du « Bulletin Paroissial qui doit exprimer la vie de l’Eglise, celle des paroisses et
celle de l’Action Catholique », ainsi que des « cotisations et des cartes d’Action Catholique » et
de « l’opportunité d’une réunion des doyens en automne » 248
.
Cependant, le mandat de l’action catholique semble poser un problème entre les laïcs et
la hiérarchie que son Excellence COURBE devrait réglée.
Un nouveau président de l’Union paroissiale des organisations de jeunesses est choisi :
il s’agit de Cyrille GILLIG de Schiltigheim. Il semble toute fois être réticent à accepter ce
poste : « Monsieur l’Abbé Held rend compte de la démarche faire auprès de Monsieur GILLIG.
Ce dernier lui a exprimé quelques hésitations et fera connaître sous peu sa décision » .
L’année 1948 sera marquée par la création de la Fédération des Cercles Catholiques
d’Hommes et de Jeunes Gens : « Monsieur le Chanoine HELD expose les raisons qui
réclament l’adaptation de cette Fédération aux circonstances actuelles et à la réorganisation
de l’Action Catholique du diocèse. Le Conseil décide de fonder la Fédération des Unions
Paroissiales d’Hommes et de Jeunes Gens. D’après les principes de l’Action Catholique la
nouvelle Fédération aura à sa tête un Président laïc, un Directeur (le Directeur de l’Action
250
Catholique) et un Secrétaire (qui pourra être un prêtre.) » .
De même, on peut noter la création polémique de la Fédération Départementale des
Maisons des Jeunes et de la Culture : « Le 19 mai une Commission d’études s’est réunie pour
discuter de l’adoption des statuts types de la Fédération Française des Maisons des Jeunes et
de la Culture et pour établir le Comité Départemental du Conseil d’Administration. Monsieur
le Chanoine HELD se basant sur les renseignements fournis par l’A.C.J.F. expose les raisons
qui ont poussé cette dernière à se retirer de cette fédération. ‘… cette conception mène au
Mouvement Maisons de Jeunes et au Mouvement Unique, elle repose sur le postulat d’une
247 Conseil des œuvres, séance du 20 mars 1946.
248 Id., séance du 16 avril 1946.
249 Id., séance du 2 avril 1946.
250 Id., séance du 1 er juin 1948.
249
101

Communauté Jeunesse entité indépendante que nous refusons comme telle, elle a pour
corollaire l’unicité de la Maison de Jeunes. Nous sommes pour le pluralise’ » 251
.
c. La jeunesse délinquante
Une nouvelle préoccupation s’ajoute aux précédentes : celle de la jeunesse délinquante.
Le problème en lui-même n’apparaît pas dans le compte rendu. Néanmoins les membres du
conseil diocésain s’attachent à ouvrir des locaux pouvant accepter ces jeunes gens ou jeunes
filles. A ce titre, « l’Abbé BILLING souligne le fait que l’ancienne maison de Zelsheim n’est
toujours pas ouverte par suite de la pénurie de Personnel des Frères de Matzenheim. Par
contre, un centre de jeunes a été créé à Andlau mais qui n’accepte les délinquantes que jusqu’à
l’âge de 14 ans » 252 . Le problème ne semble pas faire l’objet de démarche malgré tout. de
même qu’en 1946, on revient sur la jeunesse délinquante pour envisager l’ouverture de
nouveaux centres pour accepter cette jeunesse. On pense même à obtenir un local militaire. Mr
BORNET a donné son accord dans la réunion suivante pour la création d’un centre d’accueil
auquel on aurait pu adjoindre un dépôt d’enfants assistés. L’affaire prend une nouvelle tournure
au printemps 1947 : lors du conseil du 6 mai 1947, « puisque l’ancien Centre de la Jeunesse
délinquante de Strasbourg n’a pas pu être récupéré et a perdu son existence et son caractère
légal par suite d’un changement de statuts qui a été inscrit au Registre des Associations en
faveur du F.E.C., la création d’un nouveau centre s’est imposé d’urgence sur la demande de
différentes administrations. Monsieur le Chanoine BILLING a réuni, à cet effet, un certain
nombre de personnalités en vue de constituer l’association « Œuvre Alsacienne de Protection
de l’Adolescence ». L’Association a été fondée le 3 mai 1947 » 253
. On s’intéresse aussi aux
cadres d’accueil de l’enfance déficiente. C’est dans cette optique que sont mis en place des
cours de psycho-pédagogie de l’enfance déficiente. En ce début d’année 1947, nous avons le
rapport annuel de la J.O.C. de 1946, qui semble être le mouvement spécifié le plus développé et
le plus actif de l’Action Catholique.
d. La gestion des Etudiants
251 Ibid.
252 Id., séance du 14 mai 1946.
102

A propos du Foyer des Etudiants Catholique, qui semble avoir publié un article
polémique dans le journal du Foyer. S’en suivent des réflexions tendant à croire que : « le
F.E.C. – ce dernier devrait servir davantage à l’Action Catholique des étudiants. Il ne devrait
pas vivre à l’écart, replié sur lui-même. Une mise au point s’impose » 254 . Ainsi à l’occasion de
la réunion du conseil suivant : « Ce dernier [le Révérend Père Bernard] souligne l’opportunité
et la nécessité de nommer au F.E.C. un aumônier dont les fonctions dépassent celles d’un
simple chapelain. Monsieur l’Abbé Elchinger parle de certains abus constatés au F.E.C. et
auxquels il faudrait porter remède (visite de jeunes-filles à une heure avancée). Son Excellence
Monseigneur l’Evêque lui demande d’élaborer un règlement qu’on étudiera avec le F.
MEDARD et qui pourrait entrer en rigueur à la rentrée d’Octobre » 255 . Le Frère MEDARD
semble être le responsable du F.E.C., puisque dans la réunion du conseil du 16 avril 1946, son
Excellence Monseigneur l’Evêque rapporte le désir du Frère Médard de collaborer avec
l’Action Catholique du Diocèse. De même, les Intellectuels Chrétiens Sociaux semblent suscité
des interrogations : « Tout en voulant rester en dehors de l’Action Catholique ils s’efforcent de
grouper les intellectuels du pays. Leur attitude vis-à-vis de l’Action Catholique manque de
précision et de clarté » 256
.
e. Le financement
Lors de la première réunion du conseil des œuvres diocésaines de Strasbourg, le 7
janvier 1947, le budget de l’A.C.J.F. est sur le tapis, mais est accepté de principe, sans
explications.
Lors de la réunion des œuvres du 21 avril 1947, est mentionné un problème de
financement : « Monsieur l’Abbé Bourgeois a soumis à son Excellence Monseigneur l’Evêque
les difficultés qui résultèrent pour les compagnies de la Province de l’imposition d’une
cotisation supplémentaire. Son Excellence et le Conseil décident que le Conseil de Province
pourra suggérer aux compagnies fortunées de verser une cotisation supplémentaire » 257
.
253 Id., séance du 6 mai 1947.
254 Id., séance du 20 mars 1946.
255 Id., séance du 2 avril 1946.
256 Id., séance du 20 mars 1946.
257 Id., Séance du 21 avril 1947.
103

f. Les colonies
Une lettre de l’Abbé HELD destinée au Secrétaire Générale de l’Evêque, datant du 21
novembre 1945, se révèle particulièrement intéressante : « Les colonies du Bas-Rhin ont repris
depuis le 15 novembre et nous avons selon le conseil de Monseigneur placé les enfants
catholiques et protestants dans des maisons dont l’encadrement est confessionnel. (Neewiller,
Solbach, Fouday) » 258 . A ce propos, le compte rendu d’une réunion des Directeurs de Colonies
de Vacances en date du 10 juin 1948 témoigne de la mise en place d’une
réglementation communiquée par Monsieur Jungbluth: « les organisations ou mouvements
sont responsables de l’encadrement. Le Directeur doit être âgé de 25 ans et les moniteurs de 18
ans. Le ravitaillement doit être fourni par le département d’accueil. Le personnel est exclu du
bénéfice des subventions. La Direction Départementale de la Jeunesse et des Sports n’a pas
encore des bons de savon mais en est sûr d’en recevoir. Pour ce qui est des transports, il n’y a
aucune amélioration. La réduction est toujours 50% et 75% pour les moins de 10 ans. Pour les
attributions de carburant, il n’a pas pu donner aucune précision pour le moment. Il continue les
démarches en ce sens. Pour ce qui est combustible, consultez la circulaire que Monsieur
Jungbluth a envoyée il y a quelques mois déjà. Le Dr Tondre nous parle de l’importance de
l’examen médical et insiste sur la visite médicale 48 heures ou de préférence 24 heures avant le
départ pour la colonie. Pour les colonies la présence d’une infirmière est obligatoire (depuis la
loi d’avril 1946) » 259 . Le docteur mentionné fait office d’inspecteur, puisqu’il « insiste sur les
installations sanitaires W.C. et douches en nombre suffisant indispensable » et « assure que les
Allocations Familiales n’ont jamais refusé une subvention pour des installations sanitaires »,
de même qu’il requière une « grande discipline à faire observer par les enfants, d’un moniteur
pour 10 enfants et que tout le programme soit toujours à heure fixe (repas, coucher, etc.) » 260
.
Concernant le prix de la colonie, il émane de Mr BORNERT, qui annonce un prix de
200.-frs la journée (pour le Haut-Rhin, le prix est fixé à 150.-frs). La raison de ce décalage est la
hausse du coût de la vie de 60 % par rapport à l’année précédente. Les intervenants insistent
aussi sur la nécessité d’une liste de présence, pour pouvoir vérifier les allocations de la Caisse
des Allocations Familiales.
258 Lettre du 21/11/1945 de l’Abbé HELD.
259 Réunion des Directeurs de Colonies de Vacances du 10 juin 1948.
260 Ibid.
104

La séance du 18 octobre 1949 entame une discussion encore inédite : « Son Excellence
donne lecture de quelques remarques faites par les Evêques qui envisagent une inspection des
colonies de vacances et des camps » 261
.
Avant tout, il paraît judicieux de rappeler, que les grands absents de ce tableau sont les
mouvements israélites, dont nous n’avons trouvé aucune trace ni dans les archives
départementales, ni dans la revue Jeune Alsace, ni même évoqués dans les archives privées
d’autres organisations confessionnelles.
Malgré ce tableau incomplet, une double tendance ressort avec évidence. D’une part, les
mouvements développés à l’échelle nationale, voire supranationale sont pratiquement les seuls
à se restaurer correctement. A ce titre, les mouvements catholiques semblent avoir des
structures plus solides que les mouvements protestants. Ces deux derniers restent les piliers
centraux du paysage des mouvements. Les jeunesses politiques, trop semblables au concept de
la HJ, n’engendrent pas de grand ralliement.
D’autre part, le caractère régional de la jeunesse est pris en compte avec plus
d’insistance dans les œuvres paroissiales. Les grands mouvements appliquent les directives
nationales et les œuvres paroissiales ou diocésaines adaptent leurs moyens aux besoins de la
jeunesse déchirée entre le bilinguisme, et l’immoralité.
Conclusion
L’association JEUNE ALSACE se révèle être un exemple flagrant de mixité public /
privé. Imposée par les déroulements de la guerre, elle reste au devant de la scène de Strasbourg,
puisque son projet corrobore celui du gouvernement provisoire en ce qui concerne la culture
populaire en Alsace. Les activités que l’association a développées, alors que la guerre n’était
pas encore terminée, témoigne du soutien du gouvernement. Largement financée par le
261 Conseil des Œuvres, Séance du 18 octobre 1949.
105

Ministère de l’Education Nationale, elle tient non seulement une place d’association vouée à la
jeunesse, par la mise en place d’activités de loisirs éducatifs mais surtout une place
d’administration, puisqu’elle aide à la mise en place de structures d’encadrement pour la
jeunesse par des reversements de subventions, par des stages de formations, par la mise à
disposition de locaux, et aussi par la création d’une revue qui le temps de quelques mois palliera
au manque de livres scolaires. Là où les administrations françaises se concentrent sur la culture
populaire, JEUNE ALSACE, dans les limites de ses compétences, permet la réconciliation des
jeunes alsaciens avec la culture française.
Cependant, il est à noter que le bilan est mitigé sur le succès de l’association sur la
période 1944-1958. L’exemple de la revue est déterminante : elle est vite dépassée par le retour
des autres illustrés, surtout ceux bilingues. De même, l’activité théâtrale, que l’équipe JEUNE
ALSACE considérait comme un des principaux vecteurs de la francisation, n’a pas le succès
escompté, du moins pas assez pour rendre l’activité viable. Dès lors, les membres du Comité
d’Administration changent, et l’on opte pour une politique de viabilité. Il faut choisir entre la
jeunesse et un public plus large. Le temps de l’euphorie est passé, les enfants sont de nouveau
scolarisés, les loisirs sûrement rationnés. JEUNE ALSACE se lance donc vers une activité
essentiellement cinématographique, qui fera sa renommée de longues années durant. Elle
perdure jusqu’en 1967, où Etienne JUILLARD déclare lors de l’Assemblée Générale du 20
mai :
“ Au terme de 23 ans d’existence, après les années héroïques de la Libération, après des années
d’expériences pionnières qui ont suscité quantités de réalisation au service de la culture, Jeune
Alsace pouvait mourir la tête haute ! L’évocation des souvenirs de ses premières années qui a
été faite au cours de la séance, montrait qu’elle n’a pas démérité ” 262
. La dissolution s’achève
en 1969, par le don du château de Fréconrupt aux responsables du Château d’Angleterre en
raison de son caractère d’œuvre sociale.
Concernant les mouvements de jeunesse, malgré le manque de cadres et de moyens, ils
ressurgissent assez vite en Alsace.
Ils semblent avoir profité du bureau des Mouvements de Jeunesse du gouvernement de
Vichy, assez hostile avec la politique vichyste de la jeunesse unique. De telle sorte qu’en 1941,
le bureau permet la création du Conseil privé des mouvements de jeunesse qui réunit les
responsables des principaux mouvements de façon clandestine. Le Conseil privé des
262 Annexe 8, Historique de Jeune Alsace, p. XXVIII.
106

mouvements de jeunesse réunit le Scoutisme français, dont les scouts israélites, l’A.C.J.F., le
Conseil Protestant de la Jeunesse, franchement résistant, les Camarades de la Route et les
Compagnons de France, par conséquent la majorité des mouvements les plus présents en Alsace
après la Libération.
Le deuxième facteur qui peut expliquer le redémarrage quasi instantané de ces
mouvements, se situe dans le caractère supranational de certains mouvements, tel que le
mouvement scout, bi- même tri-confessionnel en Alsace. On aurait pu craindre un rejet de cette
forme d’encadrement, trop semblable à la Hitler Jugend. Mais, au contraire, elle semble être la
formule la plus populaire pour les différentes institutions confessionnelles. De même,
l’expérience d’internationalisation la plus vaste et la plus ancienne des organisations de
jeunesse semble être détenue par les Unions chrétiennes de jeunes filles et de jeunes gens, qui
rassemble beaucoup de jeunes protestants.
Ainsi, l’Alsace a bénéficié du jour au lendemain de l’organisation nationale de
l’intervention privée en direction de la jeunesse. Même s’il s’agit d’innover dans ce domaine, le
fondement historique sert plus ou moins de base à l’organisation de l’encadrement, en jouant le
rôle de modèle, voire de contre - modèle. Il n’empêche que la Libération est le moment de
l’ambiguïté des rapports publics - privés. A ce titre, « à l’occasion de cette rencontre des
mouvements de jeunesse et de l’Etat naissent les nouveaux référentiels des politiques publiques
de jeunesse, les notions d’équipement et d’animation neutraliste. Cette apparition résulte (…)
de la constante, affirmée par l’Etat, d’un attachement à l’activité éducative des mouvements et
non à leur nature confessionnelle » 263
. En Alsace, l’Etat subventionne la valeur éducative des
mouvements de jeunesse confessionnelle ou pas, mais ne finance pas la viabilité des structures.
L’étude, qui s’est donnée comme but d’élaguer ce point de l’histoire, se doit pourtant
d’être confrontée dans l’avenir à d’autres phénomènes liés à la jeunesse pour évaluer le
caractère national ou régional de la politique de jeunesse : en outre les équipements officiels,
tels que les Maisons de Jeunes, les Foyers Ruraux, et les Auberges de Jeunesse. Si, dans cette
analyse, nous avons évoqué la création du Comité de Culture Populaire, qui gère les
équipements officiels, une autre étude devrait se centrer sur ce point.
263 LONCLE P, id., p. 117.
107

108