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Galaad et le roi pec..

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<strong>le</strong>s ténèbres, à la perpétuel<strong>le</strong> recherche de la lumière, ce qui m<strong>et</strong> en va<strong>le</strong>ur sa tentative<br />

désespérée <strong>et</strong> la beauté de son action promise à l’échec. Il fallait donc <strong>le</strong> récupérer sous<br />

l’as<strong>pec</strong>t de son fils, <strong>Galaad</strong> <strong>le</strong> Pur, autre visage de Lancelot, complètement désincarné,<br />

véritab<strong>le</strong> prolongement spirituel d’un chevalier terrestre dont <strong>le</strong>s mérites relèvent seu<strong>le</strong>ment<br />

du quotidien, ou bien seu<strong>le</strong>ment du cœur <strong>et</strong> non de l’esprit. Car l’unique erreur de Lancelot a<br />

été de ne voir que l’as<strong>pec</strong>t féminin de la divinité, incarnée par Guenièvre, alors que <strong>le</strong> divin<br />

est une totalité excluant toute dichotomie. Lancelot s’est trompé de but, ou plutôt il a trop<br />

proj<strong>et</strong>é ses propres fantasmes sur <strong>le</strong> but qu’il s’était assigné. Mais son échec est tel<strong>le</strong>ment<br />

émouvant, tel<strong>le</strong>ment beau, qu’on lui pardonne bien volontiers. Ainsi symbolisera-t-il<br />

éternel<strong>le</strong>ment, tel un papillon de nuit, l’être humain ébloui par un so<strong>le</strong>il contre <strong>le</strong>quel il ne<br />

peut que se brû<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s ai<strong>le</strong>s.<br />

Il en sera de même pour Bohort, son cousin germain, malgré tout son courage <strong>et</strong> toute sa<br />

vaillance. Comme Lancelot, son incarnation est trop réel<strong>le</strong> pour qu’il puisse échapper à la<br />

tentation de la matière. Admis en présence sinon à proximité du Graal, il est réduit au rô<strong>le</strong> de<br />

témoin privilégié, rô<strong>le</strong>, après tout, plutôt flatteur.<br />

Restent Gauvain <strong>et</strong> Perceval, <strong>le</strong>s plus attachants sans doute des quêteurs du Graal, parce<br />

que <strong>le</strong>s plus humains, <strong>le</strong>s plus disponib<strong>le</strong>s aussi. Gauvain, qui paraît d’ail<strong>le</strong>urs bien être, si<br />

l’on en c<strong>roi</strong>t la version galloise du Peredur, <strong>le</strong> héros de la quête primitive (une histoire de<br />

vengeance par <strong>le</strong> sang), se caractérise par l’audace, la ténacité <strong>et</strong> la bonne volonté ; mais<br />

son orgueil l’égare bien souvent, ne serait-ce qu’en <strong>le</strong> faisant tomber dans tous <strong>le</strong>s pièges<br />

tendus par <strong>le</strong>s « pucel<strong>le</strong>s » innombrab<strong>le</strong>s qui se disent amoureuses de lui. De plus, en tant<br />

qu’héritier présomptif d’Arthur, Gauvain veut avec une sorte de rage être <strong>le</strong> premier, être<br />

celui qui trouvera <strong>le</strong> secr<strong>et</strong>. Or, il semb<strong>le</strong> bien qu’en s’acharnant à trouver, on ne découvre<br />

rien. C’est la <strong>le</strong>çon qu’il faut tirer de l’échec de Gauvain.<br />

Il en va tout autrement de Perceval. Son caractère dominant est la naïv<strong>et</strong>é, doublée d’une<br />

capacité d’« émerveil<strong>le</strong>ment » qui l’empêche d’ail<strong>le</strong>urs de bien comprendre ce qu’il voit. Mais<br />

il est vrai qu’il ne cherche rien de précis : il erre au hasard, se nourrissant de visions<br />

inattendues dont la plénitude semb<strong>le</strong> <strong>le</strong> satisfaire. D’où <strong>le</strong>s échecs en série qui caractérisent<br />

ses premières expériences mais constituent autant d’étapes initiatiques. Il franchit<br />

allégrement cel<strong>le</strong>s-ci, sans s’en rendre compte, <strong>et</strong> ce jusqu’au jour où, de sensib<strong>le</strong>, pour ne<br />

pas dire sensuel<strong>le</strong>, la révélation devient consciente. Alors se dessine un second Perceval,<br />

produit du premier, mais mûri, lucide <strong>et</strong> désormais capab<strong>le</strong> d’al<strong>le</strong>r vers un but précis.<br />

Malheureusement, sa naïv<strong>et</strong>é lui a fait oublier – ou ne plus reconnaître – <strong>le</strong> chemin qui mène<br />

au château du Roi Pêcheur.<br />

Car il y a un étrange paradoxe dans tout <strong>le</strong> Cyc<strong>le</strong> du Graal : <strong>le</strong> Roi Pêcheur est bien connu<br />

de tous, il vient parfois à la cour du <strong>roi</strong> Arthur, <strong>et</strong> de nombreux chevaliers sont passés par<br />

Corbénic. En fait, chacun sait où se trouve Corbénic <strong>et</strong> quels sont <strong>le</strong>s domaines de Pellès,<br />

mais tout se passe comme si <strong>le</strong>s uns n’y avaient rien vu, comme si <strong>le</strong>s autres hésitaient à<br />

pénétrer dans ce royaume désolé <strong>et</strong> stéri<strong>le</strong>. Là réside l’ambiguïté fondamenta<strong>le</strong> de ce<br />

royaume du Graal, qui est à la fois une terre bien réel<strong>le</strong>, soumise à la suzerain<strong>et</strong>é d’Arthur<br />

dont <strong>le</strong> Roi Pêcheur est un simp<strong>le</strong> vassal, mais éga<strong>le</strong>ment une « Terre Foraine », au sens<br />

strict du terme, c’est-à-dire étrangère, où <strong>le</strong>s lois <strong>et</strong> <strong>le</strong>s coutumes du royaume arthurien n’ont<br />

plus cours. Les domaines du Roi Pêcheur appartiennent en eff<strong>et</strong> à c<strong>et</strong> « Autre Monde »<br />

celtique, qui ressemb<strong>le</strong> à ce monde-ci tout en en différant <strong>et</strong> où l’on ne peut pénétrer qu’à

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