Érection de la Croix - Rubens PDF
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“L’érection <strong>de</strong> <strong>la</strong> croix” <strong>de</strong> Pierre Paul <strong>Rubens</strong> :<br />
Le polyptyque<br />
Pierre Paul <strong>Rubens</strong> (1577-1640) est né à Siegen en Westphalie, dans le Saint<br />
Empire romain germanique à 300 km d'Anvers.<br />
<strong>Rubens</strong> accomplit sa formation artistique à Anvers (Pays-Bas espagnols). Entre 1600<br />
et 1608, il séjourne dans différentes villes d'Italie : à Venise, où il exécute <strong>de</strong>s copies<br />
<strong>de</strong> Titien, <strong>de</strong> Véronèse, et du Tintoret ; à Mantoue, où il travaille au service du duc<br />
Vincent Gonzague, à Rome où il étudie les artistes <strong>de</strong> <strong>la</strong> Renaissance (ses<br />
contemporains sont Carrache et Caravage).<br />
Il fut le peintre officiel <strong>de</strong> <strong>la</strong> Cour d'Albert et Isabelle, régents <strong>de</strong>s Pays-Bas espagnols<br />
<strong>de</strong> 1609 à 1621, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Cour <strong>de</strong> l'Infante Isabelle <strong>de</strong> 1621 à 1633, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Cour du<br />
cardinal infant Ferdinand <strong>de</strong> 1636 à 1640.<br />
Produisant, avec le secours d’un atelier important, <strong>de</strong> très nombreux portraits, <strong>de</strong>s<br />
paysages, <strong>de</strong>s scènes <strong>de</strong> genre, <strong>de</strong>s scènes religieuses et mythologiques, <strong>Rubens</strong><br />
développe dans tous les formats, <strong>de</strong>puis l’esquisse jusqu’aux gran<strong>de</strong>s séries <strong>de</strong><br />
tabe<strong>la</strong>ux, un style ample et baroque, où les effets dramatiques et parfois pathétiques<br />
sont appuyés par un coloris vigoureux et bril<strong>la</strong>nt et par une composition dynamique<br />
reposant sur le mouvement <strong>de</strong>s figures et d’imposantes architectures à <strong>la</strong> géométrie<br />
complexe et décorative.<br />
Acceptant <strong>de</strong> se p<strong>la</strong>cer au service <strong>de</strong> <strong>la</strong> Contre-Réforme catholique dans ses peintures<br />
religieuses, <strong>Rubens</strong> reste également célèbre pour ses compositions profanes, dans<br />
lesquelles il é<strong>la</strong>bore l'image d'une femme, sensuelle et charnelle.<br />
<strong>Rubens</strong> ,L’Enlèvement <strong>de</strong>s filles <strong>de</strong> Leucippe (vers 1618)<br />
A l'apogée <strong>de</strong> sa gloire, il obtient d'importantes comman<strong>de</strong>s publiques dans sa ville :<br />
en particulier l'<strong>Érection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Croix</strong> (1610) et <strong>la</strong> Descente <strong>de</strong> <strong>Croix</strong> (1610-14) dans <strong>la</strong><br />
cathédrale d'Anvers, qui révèlent l'influence du réalisme caravagesque, et les<br />
peintures pour l'église <strong>de</strong>s Jésuites (1620-25). A cette même époque, il réalise le<br />
cycle grandiose <strong>de</strong>s allégories <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie <strong>de</strong> Catherine <strong>de</strong> Médicis (Paris, Louvre).<br />
1
Oeuvre <strong>de</strong> Caravage, peintre italien (mort en 1610)<br />
L’exécution du triptyque "l’<strong>Érection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> croix" donne à <strong>Rubens</strong> le statut <strong>de</strong> véritable<br />
maître <strong>de</strong> <strong>la</strong> peinture f<strong>la</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> son époque. L'Erection <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Croix</strong>, annonce<br />
l'avènement <strong>de</strong> <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> baroque. Pério<strong>de</strong> dont <strong>Rubens</strong> <strong>de</strong>viendra l'un <strong>de</strong>s phares<br />
comme il fut le héraut <strong>de</strong>s partisans du coloris dans <strong>la</strong> querelle qui les opposa à ceux<br />
du <strong>de</strong>ssin (<strong>la</strong> fameuse querelle du coloris qui anima le débat artistique en France dans<br />
<strong>la</strong> secon<strong>de</strong> moitié du dix-septième siècle, débat où s'affrontèrent les « poussinistes »<br />
et les « rubénistes », autrement dit : les « c<strong>la</strong>ssiques », partisans du <strong>de</strong>ssin, et les «<br />
mo<strong>de</strong>rnes », partisans du coloris). Mais son œuvre immense ne se réduit pas à<br />
l'illustration d'un style ou d'une théorie. Si elle a retenti jusqu'à nous c'est qu'en<br />
accomplissant à sa mesure l'idéal artistique <strong>de</strong> <strong>la</strong> renaissance, elle anticipait aussi sur<br />
<strong>la</strong> révolution du regard qui émancipera <strong>la</strong> peinture <strong>de</strong> sa subordination aux sujets<br />
littéraire, biblique ou historique et qui aboutira au sacre <strong>de</strong> <strong>la</strong> picturalité.<br />
Peignant jusqu’à sa mort sans que son talent ne décline, <strong>Rubens</strong> sera le principal<br />
représentant du Baroque f<strong>la</strong>mand.<br />
Panneaux ouverts<br />
Vue du triptyque<br />
2
Détails <strong>de</strong> <strong>la</strong> partie centrale<br />
3
Détail du groupe <strong>de</strong> femmes sur le panneau <strong>de</strong> gauche ouvert.<br />
Panneaux fermés :<br />
4
Saints Amand, Walpurgis, Eloi et Catherine<br />
L’<strong>Érection</strong> da <strong>la</strong> <strong>Croix</strong><br />
L’<strong>Érection</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Croix</strong> est un sujet plus rarement représenté dans l’Histoire <strong>de</strong> l’Art<br />
que <strong>la</strong> Descente <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Croix</strong>.<br />
Panneaux ouverts<br />
La composition <strong>de</strong> <strong>Rubens</strong>, scindée en trois espaces bien distincts, est violente et<br />
muscu<strong>la</strong>ire.<br />
- A gauche, un groupe <strong>de</strong> femmes, masse sombre <strong>de</strong> pleureuses horrifiées à terre,<br />
Ma<strong>de</strong>leine le sein nu et voluptueux, renversée en arrière comme écrasée par <strong>la</strong> croix,<br />
un nourrisson dans les bras. Au <strong>de</strong>ssus d’eux, d’une douleur plus digne, Saint Jean et<br />
<strong>la</strong> Vierge, à l’abri d’un encorbellement rocheux.<br />
- A droite, l’armée romaine, un officier impérieux, et, comme estompés, les <strong>de</strong>ux<br />
<strong>la</strong>rrons qu’on cloue sur leur croix.<br />
- Au centre, une diagonale <strong>de</strong> muscles, scène gigantesque et violente. Ces hommes,<br />
ces bourreaux qui s’affairent à lever <strong>la</strong> croix, sont <strong>de</strong>s athlètes, qui tirent, poussent,<br />
soutiennent, s’arc-boutent, à <strong>la</strong> limite <strong>de</strong> <strong>la</strong> rupture, du déséquilibre. Le drame est<br />
inscrit dans <strong>la</strong> puissance sculpturale <strong>de</strong>s figures, dans <strong>la</strong> tourmente <strong>de</strong>s postures,<br />
dans l'intensité <strong>de</strong>s coloris, dans l'économie <strong>de</strong>s contrastes <strong>de</strong> lumière, et l'ensemble<br />
du dispositif pictural conduit vers ce regard qui achoppe au sommet <strong>de</strong> <strong>la</strong> pyrami<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>s corps. Regard qui dirige le spectateur vers l'invisible ailleurs, hors champ auquel il<br />
donne aspiration et qui, pour le fidèle, est évocateur <strong>de</strong> <strong>la</strong> ré<strong>de</strong>mption.<br />
5
On remarque <strong>la</strong> curieuse sérénité du visage, rapportée par certains auteurs à une<br />
évocation du stoïcisme prôné par les jésuites et rendue d'autant plus manifeste qu'elle<br />
se détache <strong>de</strong> l'effort et du tourment.<br />
Pour ne pas nuire à cette dramatique diagonale, notez l’homme en contrefort, sous <strong>la</strong><br />
croix : lui seul est habillé <strong>de</strong> noir, soulignant le mouvement d’ensemble.<br />
L’avancée rocheuse à l’arrière p<strong>la</strong>n restreint l’espace, rend <strong>la</strong> scène plus oppressante,<br />
comme si <strong>la</strong> croix al<strong>la</strong>it tomber sur le spectateur au pied <strong>de</strong> l’autel.<br />
L'espace du triptyque et <strong>la</strong> dynamique picturale<br />
- Les trois panneaux accueillent trois points <strong>de</strong> vue autonomes et simultanés sur <strong>la</strong><br />
scène.<br />
- La séquence visuelle s'affranchit <strong>de</strong> <strong>la</strong> continuité spatiale <strong>de</strong> <strong>la</strong> représentation mais<br />
une complémentarité dynamique assure l'unité du tableau.<br />
- Les intervalles elliptiques du panorama compriment et <strong>de</strong>nsifient l'espace pictural,<br />
affectant aux hiatus inhérents à l'autonomie <strong>de</strong>s panneaux le rôle d'un ressort<br />
dynamique.<br />
- Le volet <strong>de</strong> gauche morcelle l'unité <strong>de</strong> lieu pour se concentrer sur le groupe <strong>de</strong>s<br />
pleureuses confinées dans un espace étroit qui subit le poids <strong>de</strong> <strong>la</strong> croix dont il<br />
reproduit le mouvement oblique.<br />
- Au <strong>de</strong>ssus, les figures verticales <strong>de</strong> Saint Jean et <strong>la</strong> Vierge qui, par contraste,<br />
gagnent un peu plus en hauteur, en dignité.<br />
- A droite, <strong>de</strong> direction oblique opposée au volet <strong>de</strong> gauche : l'armée romaine, un<br />
cavalier en tête, qui forme <strong>la</strong> crête d'un mouvement défer<strong>la</strong>nt. Inclinaison qui pèse un<br />
peu plus sur <strong>la</strong> croix dont elle assure le pivot. Le conflit <strong>de</strong>s directions et <strong>de</strong>s masses<br />
avec les <strong>de</strong>ux autres panneaux que provoque ce mouvement vient aussi libérer<br />
l'horizon. Percée où cohabitent une lune et un soleil en attente d'éclipse : ces<br />
ténèbres qui - selon les textes <strong>de</strong> <strong>la</strong> Passion - entoureront <strong>la</strong> mort du Christ au milieu<br />
du jour.<br />
- Au centre, le Christ, soulevé <strong>de</strong> terre, le regard tourné vers l'au-<strong>de</strong>là hissé par ses<br />
bourreaux dans un mouvement <strong>de</strong> bascule qui s'équilibre entre <strong>de</strong>s tensions<br />
contradictoires autour <strong>de</strong> <strong>la</strong> diagonale du panneau.<br />
La fonction <strong>de</strong> <strong>la</strong> peinture<br />
Modèle d'une peinture ayant pour fin <strong>la</strong> transmission <strong>de</strong>s messages religieux par son<br />
pouvoir <strong>de</strong> captation et <strong>de</strong> contamination spirituelle par l'émotion, L'Erection <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
<strong>Croix</strong> se délie difficilement du contexte architectural pour lequel le triptyque a été<br />
conçu. Le triptyque qui se trouvait <strong>de</strong>rrière l'autel et fermait l'espace <strong>de</strong> <strong>la</strong> nef <strong>de</strong>vait<br />
s'imposer par un format conséquent et une rhétorique formelle spectacu<strong>la</strong>ire suscitant<br />
<strong>la</strong> ferveur.<br />
Le tableau d'autel a valeur <strong>de</strong> sermon. A défaut <strong>de</strong> le comprendre, le fidèle est<br />
touché, affecté par l'image, son regard <strong>de</strong>vrait s'y trouver emporté, rempli d'émoi, <strong>de</strong><br />
commisération. Guidé par ses sens, son esprit <strong>de</strong>vrait s'élever <strong>de</strong> <strong>la</strong> sphère terrestre à<br />
<strong>la</strong> sphère céleste.<br />
6
De nombreux auteurs avancent que <strong>Rubens</strong> aurait calculé l'angle d'élévation <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
croix pour qu'elle semble pencher vers l'avant lors <strong>de</strong> son érection, effet visuel<br />
provocateur invitant le fidèle à s'i<strong>de</strong>ntifier par le ressenti aux bourreaux et à participer<br />
à leur effort pour soulever le poids du péché que le Christ porte à <strong>la</strong> ré<strong>de</strong>mption. Cette<br />
empathie avec les bourreaux trouverait donc son contrepoids dans <strong>la</strong> perspective <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> ré<strong>de</strong>mption promise par le rituel <strong>de</strong> <strong>la</strong> communion.<br />
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Polyptyque<br />
Quand le p<strong>la</strong>t fait volume<br />
On nomme polyptyque un retable composé <strong>de</strong> plusieurs panneaux, fixes ou mobiles ;<br />
un diptyque comporte 2 panneaux, un triptyque en comporte 3 (pentaptyque = cinq<br />
panneaux ; heptaptyque = sept panneaux). Lorsque les panneaux <strong>la</strong>téraux sont<br />
mobiles et peuvent se replier sur le panneau central, on parle <strong>de</strong> volets, ceux-ci étant<br />
d'ailleurs souvent peints sur leurs 2 faces et parfois en grisaille sur <strong>la</strong> face postérieure<br />
(retable <strong>de</strong> l'Agneau mystique <strong>de</strong> Van Eyck, Gand, cathédrale Saint-Bavon)<br />
Le polyptyque est fondé sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>néité du panneau <strong>de</strong> bois. Les plis et les angles se<br />
logent alors dans ce qui introduit aussi <strong>la</strong> notion <strong>de</strong> recto et <strong>de</strong> verso : <strong>la</strong> charnière.<br />
En s'articu<strong>la</strong>nt, le polyptyque sort du champ <strong>de</strong> <strong>la</strong> peinture sans pour autant entrer<br />
dans celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> statuaire. Né comme un objet religieux, où il sert généralement <strong>de</strong><br />
retable, il conserve dans les contextes les plus divers une forte connotation mystique.<br />
Sa taille et son format, d'abord, imposent le respect. Jouant avec les notions <strong>de</strong><br />
cadrage, <strong>de</strong> division ou <strong>de</strong> réunification <strong>de</strong> l'espace, le polyptyque instaure un<br />
dialogue entre les panneaux et les personnages qui y figurent, créant une sorte <strong>de</strong><br />
microcosme.<br />
La partie centrale est le cœur d'un mon<strong>de</strong> qui se développe <strong>la</strong>téralement, mais aussi<br />
verticalement, en un nombre variable <strong>de</strong> cases qui pourraient mériter d'être lues<br />
comme <strong>de</strong>s créations autonomes.<br />
Mais au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s représentations, ou plutôt tout autour d'elles, entre chacune d'entre<br />
elles, que se passe-t-il ? L'importance <strong>de</strong> <strong>la</strong> menuiserie, le soin apporté à<br />
l'architecture <strong>de</strong> chaque élément en dit long sur l'importance stratégique <strong>de</strong> ces lieux<br />
<strong>de</strong> pliage. Fabuleusement fournie en Espagne (où elle en acquiert le sobriquet <strong>de</strong><br />
"guardapolvos", "ramasse-poussière"), illusionniste en Italie, plus sobres dans les<br />
F<strong>la</strong>ndres, les séparations entre ces panneaux s'enrichissent naturellement <strong>de</strong><br />
décoration et <strong>de</strong>viennent elles-mêmes <strong>de</strong>s réalisations autonomes. Tout est<br />
scénographie, les divisions réellement séparées <strong>de</strong> charnières étant beaucoup moins<br />
nombreuses que les espaces délimités visuellement. Le décor, l’échelle, comme un<br />
refrain, viennent parfois discrètement rappeler que ces personnages évoluent dans un<br />
même lieu, dans un même espace, une même histoire.<br />
Le polyptyque, un art sacré<br />
Apparu au XIIIème siècle à l'occasion <strong>de</strong> <strong>la</strong> modification <strong>de</strong>s rites, le polyptyque est<br />
généralement un retable, aux proportions plus ou moins monumentales, composé <strong>de</strong><br />
plusieurs éléments qui cohabitent ou se replient selon <strong>de</strong>s règles bien précises.<br />
7
Le mot retable désigne <strong>la</strong> partie postérieure et décorée <strong>de</strong> l'autel, qu'il s'agisse <strong>de</strong><br />
l'ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> construction contre <strong>la</strong>quelle est adossée <strong>la</strong> table d'autel ou<br />
simplement du décor, mobile ou fixe, posé sur celle-ci. On mesure d'emblée<br />
l'extension du mot et l'étroite re<strong>la</strong>tion qui, dans le retable, unit l'architecture au décor<br />
proprement dit, sculpture, peinture, orfèvrerie, émail ou ivoire. S'en tenir aux retables<br />
peints ne permet pas d'ignorer ces interférences, car l'évolution générale <strong>de</strong>s arts, et<br />
particulièrement <strong>de</strong> l'architecture, exerce une influence directe sur les structures<br />
mêmes du retable.<br />
Principale expression <strong>de</strong> <strong>la</strong> peinture religieuse jusqu' au XVIe siècle, le polyptyque<br />
conserve une part <strong>de</strong> sacré jusque dans ses usages les plus étranges, comme le<br />
prouve l'œuvre <strong>de</strong> Bosch...(les extravagances <strong>de</strong>s triptyques <strong>de</strong> Jérôme Bosch sont un<br />
exemple fabuleux <strong>de</strong>s dérives que peuvent prendre les représentations du bien et du<br />
mal).<br />
Triptyque <strong>de</strong> <strong>la</strong> Tentation <strong>de</strong> saint Antoine - Jérôme Bosch (vers 1500)<br />
Les retables comptent généralement trois, cinq ou sept panneaux, les volets étant<br />
articulés autour d'une partie centrale plus importante. La Toscane (Italie) et <strong>la</strong><br />
Catalogne (Espagne) sont longtemps les centres principaux du développement <strong>de</strong><br />
cette pratique qui se diversifie avec le temps. À l'époque gothique, surtout à partir du<br />
XIV e s., le retable connaît un grand développement dans tous les importants centres<br />
picturaux <strong>de</strong> l'Occi<strong>de</strong>nt chrétien. Aux XIV e et XV e s., les formes <strong>de</strong>s différents<br />
8
panneaux <strong>de</strong>s polyptyques sont aussi variées que les formes architecturales dont elles<br />
découlent. Avec <strong>la</strong> Renaissance, <strong>la</strong> structure du retable se modifie profondément, en<br />
liaison directe avec le nouveau rendu <strong>de</strong> <strong>la</strong> perspective et avec les formes <strong>de</strong><br />
l'architecture italienne contemporaine.<br />
Les diptyques et les triptyques portatifs se multiplient dès le XIVème siècle, sous <strong>la</strong><br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> d'une clientèle pieuse et riche, désireuse d'orner une chapelle privée ou une<br />
pièce intime d'une œuvre propice au recueillement.<br />
En Allemagne, les panneaux sont ouverts les dimanches et découvrent <strong>de</strong> plus un<br />
coffre sculpté et doré les jours <strong>de</strong> fête.<br />
]<br />
Matthias Grünewald, Retable d’Issenheim (1515), Allemagne<br />
Dans les F<strong>la</strong>ndres, les triptyques à <strong>de</strong>ux volets sont nombreux. On les ouvre<br />
uniquement les jours <strong>de</strong> fêtes.<br />
Mis à part l'œuvre <strong>de</strong> Van Eyck (peintre f<strong>la</strong>mand), les compositions étaient peu<br />
symétriques, l'équilibre entre les panneaux dé<strong>la</strong>issé.<br />
Le "Polyptyque du jugement <strong>de</strong>rnier", exécuté par Rogier Van Der Wey<strong>de</strong>n (peintre<br />
f<strong>la</strong>mand) aux alentours <strong>de</strong> 1443, sera une <strong>de</strong>s premières œuvres à exploiter aussi<br />
parfaitement cette division particulière <strong>de</strong> l'espace et fera école jusqu'au XVIème<br />
siècle. Rogier Van <strong>de</strong>r Wey<strong>de</strong>n est aussi un <strong>de</strong>s premiers à avoir introduit le dévot en<br />
buste sur les diptyques portatifs <strong>de</strong>s F<strong>la</strong>ndres, initiateur d'un art du portrait qui fera <strong>la</strong><br />
renommée <strong>de</strong>s artistes du nord <strong>de</strong> l'Europe.<br />
Les triptyques f<strong>la</strong>mands du milieu du XVème siècle offrent en effet les exemples les<br />
plus "c<strong>la</strong>ssiques" <strong>de</strong> ce genre. Comme dans <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s œuvres <strong>de</strong> Memling ou <strong>de</strong><br />
Van Der Wey<strong>de</strong>n, l'unité du fond court sur plusieurs panneaux, créant une continuité<br />
unificatrice. Les dévots y sont représentés avec une gran<strong>de</strong> rigueur réaliste, parfois<br />
sans concession esthétisante, accompagnés <strong>de</strong> leur saint patron. Cet agencement <strong>de</strong><br />
l'espace, cette référence aux commanditaires n'est pas pour autant une règle.<br />
9
Courant XVIème, les grands polyptyques monumentaux se raréfient.<br />
Van Eyck L'Agneau mystique (1432)- ouvert ; F<strong>la</strong>ndres<br />
Van Eyck L'Agneau mystique (XVème)- fermé<br />
10
Polyptyque du jugement <strong>de</strong>rnier", exécuté par Rogier Van Der Wey<strong>de</strong>n (XVème) ; F<strong>la</strong>ndres<br />
Polyptyque du jugement <strong>de</strong>rnier",Rogier Van Der Wey<strong>de</strong>n ,1443<br />
(verso en grisaille: Saint Sébastien, Saint-Antoine et l' Annoncia)<br />
11
Baroque<br />
Le terme baroque désigne une forme d'art, née en Italie, qui s'épanouit entre <strong>la</strong> fin <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> Renaissance et le retour au c<strong>la</strong>ssicisme. Dominant l'art et l'architecture <strong>de</strong> l'Europe<br />
au XVII e s. et dans <strong>la</strong> première moitié du XVIII e s., son influence se poursuit en<br />
Amérique <strong>la</strong>tine jusqu'à l'aube du XIX e s. Le baroque propose un style à <strong>la</strong> fois très<br />
structuré (il joue abondamment <strong>de</strong> <strong>la</strong> symétrie) et très dynamique (il insère ses<br />
formes dans un puissant mouvement <strong>de</strong> volutes et <strong>de</strong> spirales).<br />
À <strong>la</strong> fin du XVIII e s., est qualifié <strong>de</strong> baroque un style artistique contraire aux règles<br />
c<strong>la</strong>ssiques et jugé extravagant, voire <strong>de</strong> mauvais goût. Il faudra attendre <strong>la</strong> fin <strong>de</strong><br />
l'emprise du c<strong>la</strong>ssicisme, en art comme en littérature, pour que « baroque » per<strong>de</strong><br />
son sens péjoratif, pour que soit reconnue sa contribution positive et originale à<br />
l'architecture, à <strong>la</strong> peinture, à <strong>la</strong> littérature et à <strong>la</strong> musique.<br />
C'est dans les pays catholiques que l'art baroque s'est le mieux développé, tout<br />
particulièrement dans les <strong>de</strong>rnières années <strong>de</strong> <strong>la</strong> Contre-Réforme, aux environs<br />
<strong>de</strong> 1600. Pour s'opposer à <strong>la</strong> progression du protestantisme, l'Église romaine, après le<br />
concile <strong>de</strong> Trente (qui s'achève en 1563), réaffirme ses doctrines traditionnelles, et<br />
s'engage dans une intense activité missionnaire. Elle va opposer <strong>de</strong>s représentations<br />
sacrées grandioses et pathétiques à <strong>la</strong> prohibition <strong>de</strong>s images prônée par les ministres<br />
du culte réformé. Le réalisme et <strong>la</strong> vraisemb<strong>la</strong>nce que les artistes baroques prêtent à<br />
leurs représentations du ciel et <strong>de</strong>s saints concourent à cette pédagogie esthétique,<br />
tout comme les cadres pompeux dans lesquels les p<strong>la</strong>cent les architectes.<br />
Associé aux régimes autoritaires liés à l'Église, le baroque s'épanouit particulièrement<br />
dans les États traditionalistes, l'Italie, l'Espagne et certains pays germaniques. Dans<br />
les sociétés plus progressistes <strong>de</strong> l'Europe du Nord, en particulier dans les pays<br />
gagnés par <strong>la</strong> Réforme, il ne se développe que dans l'architecture civile : les<br />
architectes baroques conçoivent <strong>de</strong> somptueux pa<strong>la</strong>is pour les monarques européens<br />
qui, réformés ou non, enten<strong>de</strong>nt marquer leur puissance par leur magnificence.<br />
12
La peinture baroque<br />
En peinture, le style baroque multiplie les effets d'illusion, associe <strong>la</strong> perspective au<br />
jeu <strong>de</strong> <strong>la</strong> lumière et <strong>de</strong> l'ombre pour obtenir un nouveau type <strong>de</strong> réalisme. Tant en<br />
peinture qu'en sculpture, l'expression <strong>de</strong>s émotions est intense et insistante, <strong>de</strong>puis<br />
les petits <strong>de</strong>ssins à <strong>la</strong> plume et les esquisses à l'huile jusqu'aux œuvres les plus<br />
monumentales, comme les tombeaux et les autels, où plusieurs disciplines artistiques<br />
sont associées dans <strong>la</strong> recherche <strong>de</strong> l'effet le plus inattendu et le plus théâtral.<br />
La métaphore en usage pour décrire le mon<strong>de</strong> baroque est celle d'un théâtre. Non<br />
plus théâtre à l'italienne préservant l'écran <strong>de</strong> <strong>la</strong> représentation mais théâtre total<br />
sans ri<strong>de</strong>au <strong>de</strong> scène où les hommes sont à <strong>la</strong> fois les acteurs et les spectateurs <strong>de</strong><br />
leur propre vie jouée pour l'amour d'un dieu ré<strong>de</strong>mpteur.<br />
C'est donc par <strong>la</strong> mise en scène que le baroque s'impose avant tout, l'architecture<br />
agrégeant les autres domaines artistiques qui participent à son décor. Théâtre <strong>de</strong><br />
propagan<strong>de</strong>, il est aussi l'arme <strong>de</strong> <strong>la</strong> contre-réforme et se concrétise dans un style qui<br />
utilise toutes les ressources communicatives <strong>de</strong> <strong>la</strong> figuration.<br />
La composition, le <strong>de</strong>ssin, <strong>la</strong> couleur, <strong>la</strong> touche :<br />
Le peintre baroque ne fait pas du <strong>de</strong>ssin l’élément essentiel <strong>de</strong> ses compositions,<br />
figures et objets n’ont pas les contours nets qu’ils possè<strong>de</strong>nt dans <strong>la</strong> peinture<br />
c<strong>la</strong>ssique. Les formes s’enchaînent, le regard n’est plus conduit par le jeu rationnel<br />
d’une perspective linéaire, il est retenu par les éléments tactiles et chromatiques qui<br />
structurent <strong>la</strong> peinture (touche, effets <strong>de</strong> lumière changeante et dramatique, rendus<br />
<strong>de</strong>s matières, carnations, draperies…).<br />
La profon<strong>de</strong>ur est crée plutôt par <strong>de</strong>s lignes diagonales dans lesquelles le regard<br />
s’enfonce. La composition est ouverte et n’est pas forcément bâtie selon une symétrie<br />
haut / bas ou droite / gauche et renonce à souligner par <strong>la</strong> distribution <strong>de</strong>s formes <strong>la</strong><br />
proximité <strong>de</strong>s bords du tableau. L’utilisation <strong>de</strong> diagonales, <strong>de</strong> spirales et <strong>de</strong> courbes<br />
imposent une idée <strong>de</strong> mouvement plutôt que <strong>de</strong> stabilité.<br />
L’oeuvre baroque est conçue comme un tout unitaire : « <strong>la</strong> partie est subordonnée au<br />
tout, sans qu’elle renonce pour ce<strong>la</strong> à exister en soi » (Wölfflin). Il est souvent difficile<br />
d’isoler un motif tant les formes s’interpénètrent. Avec <strong>de</strong>s formes ainsi fondues les<br />
unes dans les autres, <strong>la</strong> peinture baroque est souvent moins lisible que <strong>la</strong> peinture<br />
c<strong>la</strong>ssique.<br />
Les figures baroques sont rarement intégralement nues comme l’indique le concile <strong>de</strong><br />
Trente, sauf chez <strong>Rubens</strong>.<br />
La volonté <strong>de</strong> dramatisation héritée du caravagisme conduit les peintres baroques à<br />
préférer le dynamisme à <strong>la</strong> pose. Les figures accomplissent souvent <strong>de</strong>s mouvements<br />
violents que le pinceau suspend brusquement (comme dans un arrêt sur image).<br />
L'artifice <strong>de</strong> ces attitu<strong>de</strong>s suscite émotion du spectateur ce qui est le but du peintre<br />
baroque.<br />
Prolongements dans le cadre <strong>de</strong> l’Option<br />
13
→ En ayant soin <strong>de</strong> distinguer ce qui relève <strong>de</strong> l'artistique, ce qui relève <strong>de</strong> <strong>la</strong> fonction<br />
<strong>de</strong> l'art dans <strong>la</strong> société et ce qui relève <strong>de</strong> <strong>la</strong> communication <strong>de</strong> masse, le dispositif <strong>de</strong><br />
« présentation », particulièrement spectacu<strong>la</strong>ire ici, pourra être rapproché <strong>de</strong>s<br />
dispositifs théâtraux, <strong>de</strong>s mises en scène <strong>de</strong> l'espace social et politique <strong>de</strong>stinées à<br />
recueillir l'adhésion <strong>de</strong>s foules par <strong>de</strong>s artifices donnant aux effets cosmétiques <strong>la</strong><br />
profon<strong>de</strong>ur d'une vérité.<br />
→ La publicité, <strong>la</strong> télévision et le cinéma dont les usages rhétoriques jouent <strong>la</strong>rgement<br />
sur le potentiel affectif et émotif du spectateur, sur <strong>de</strong>s phénomènes <strong>de</strong><br />
captation/attraction/répulsion, pourront ainsi venir faire écho au dispositif du retable<br />
pour lequel le triptyque était conçu.<br />
→ On retrouve souvent cette volonté d'unité spatiale dans les œuvres contemporaines<br />
qui s'inscrivent ouvertement dans <strong>la</strong> tradition du polyptyque. Les gran<strong>de</strong>s œuvres <strong>de</strong><br />
Sou<strong>la</strong>ges réalisées en 1985 jouent <strong>de</strong> cette vibration mystique déjà évoquée autant<br />
que <strong>de</strong> <strong>la</strong> continuité d'un discours qui pourrait être autonome. Les notions récentes <strong>de</strong><br />
série et <strong>de</strong> photogramme filmique ont influencés certains artistes, <strong>de</strong> Gilbert & George<br />
à Francis Bacon. Nouvelle mise en abîme, les expressionnistes allemands utilisaient<br />
fréquemment ce procédé, fortement influencés par le retable <strong>de</strong> Grünewald et ses<br />
personnages désarticulés sans craindre les citations. De nos jours, <strong>la</strong> ban<strong>de</strong> <strong>de</strong>ssinée,<br />
les calendriers <strong>de</strong> l'avent ou certains ouvrages, comme le "Livre pour toi" <strong>de</strong> Kveta<br />
Pacovska proposent au jeune public le même concept qui compartimente autant qu'il<br />
relie.<br />
→ De même les instal<strong>la</strong>tions, les performances qui puisent aux sources archaïques <strong>de</strong>s<br />
mythes et jouent sur <strong>de</strong>s effets psychosensoriels, pourront venir donner un<br />
prolongement à cette réflexion critique. L'articu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> cette composante culturelle<br />
du programme limitatif avec <strong>la</strong> pratique ne saurait donc se réduire à <strong>la</strong> stricte<br />
déclinaison <strong>de</strong>s formes polyptyques.<br />
Problématique :<br />
La fragmentation et <strong>la</strong> particu<strong>la</strong>rité du dispositif spatial mis en œuvre, nous<br />
interrogent sur <strong>la</strong> spécificité du dispositif "polyptyque" comme combinaison du 'un' et<br />
du 'multiple'. "Pourquoi un polyptyque ? Pourquoi "plusieurs" et "un "? Pourquoi "un"<br />
pour "plusieurs"?<br />
http://www.ac-versailles.fr/pedagogi/artsp<strong>la</strong>stiques/beta/polyt/sld001.htm<br />
[On peut visualiser, dans ce site,n diaporama avec <strong>de</strong>s polyptyques anciens et <strong>de</strong>s<br />
oeuvres contemporaines présentées sous forme <strong>de</strong> polyptyques ou <strong>de</strong> séries.]<br />
14
Marcel Duchamp, Boîte-en -valise 1938<br />
Sorces d’informations :<br />
http://www.profartsp<strong>la</strong>.info/lycee/site/t_in<strong>de</strong>x.html<br />
http://www.crdp-reims.fr/artsculture/dossiers_peda/baroque.pdf<br />
15
http://www.<strong>la</strong>rousse.fr/encyclopedie/nom-communnom/baroque_()_Se_dit_d_un_style_artistique_qui_s_est_développé_aux_XVIIe/257<br />
37<br />
Liens vers l’Iconothèque numérique [ici on peut voir d’autres oeuvres <strong>de</strong> <strong>Rubens</strong> et <strong>de</strong>s polyptyques<br />
réalisés par d’autres artistes ]<br />
Sujet Elévation <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Croix</strong><br />
Auteur RUBENS, Pierre Paul (1577-1640)<br />
Provenance <strong>de</strong> l'oeuvre Anvers, Sainte-Walburge<br />
Appartenance Triptyque <strong>de</strong> l'Elévation <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Croix</strong><br />
Type d'objet Triptyque<br />
Techniques et matériaux Huile sur bois<br />
Date <strong>de</strong> l'oeuvre 1610<br />
Epoque XVIIe siècle<br />
Lieu <strong>de</strong> conservation Anvers, cathédrale<br />
Pays <strong>de</strong> conservation Belgique<br />
Référence cours <strong>Rubens</strong><br />
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