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Jacob Riis - novembre 09 - Musée des Beaux-Arts de Caen

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Les dossiers pédagogiques<br />

du service éducatif<br />

<strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong><br />

Collection du Museum of the City of New York<br />

12 <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong> – 25 janvier 2010<br />

Dossier réalisé par le service <strong><strong>de</strong>s</strong> publics et les professeurs-relais du service éducatif : Bruno di Palma (arts<br />

plastiques), Karine Guihard (lettres), Françoise Guitard (histoire-géographie et histoire <strong><strong>de</strong>s</strong> arts), Brigitte Hébert<br />

(1 er <strong>de</strong>gré)<br />

Disciplines concernées : lettres, histoire <strong><strong>de</strong>s</strong> arts, arts plastiques<br />

Niveaux : primaire - collège - lycée


Dossier pédagogique<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Caen</strong> / <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong><br />

<strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong><br />

Collection du Museum of the City of New York<br />

1. Présentation <strong>de</strong> l'exposition p.3<br />

2. Pistes d'exploitation pour le 1 er <strong>de</strong>gré p.4<br />

2.1 La photographie, arme d'un homme engagé p.4<br />

2.2 Commentaires <strong>de</strong> quelques photographies p.4<br />

2.3 Proposition d'activités pour les élèves p.5<br />

3. Pistes d'exploitation en lettres (2 nd <strong>de</strong>gré) p.7<br />

4. Pistes d'exploitation en histoire (2 nd <strong>de</strong>gré) p.9<br />

4.1 Les photographies <strong>de</strong> <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong>, un document pour l’historien p.9<br />

4.2 New York et l’immigration p.9<br />

4.3 La misère <strong><strong>de</strong>s</strong> immigrés p.10<br />

5. Pistes d'exploitation en histoire <strong><strong>de</strong>s</strong> arts (2 nd <strong>de</strong>gré) : la photographie p.11<br />

5.1 La photographie vers 1890 : état <strong><strong>de</strong>s</strong> lieux p.11<br />

5.2 <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong>, artiste, photo-reporter ou militant ? p.11<br />

5.3 Prolongements possibles avec les élèves p.11<br />

6. Pistes d'exploitation en arts plastiques p.12<br />

6.1 La photographie <strong>de</strong> reportage 1950-1980 p.12<br />

6.2 Art-Photographie-Contemporanéité p.12<br />

6.3 Pistes en arts plastiques<br />

p.13<br />

7. Bibliographie / webographie<br />

8. Visiter l'exposition avec sa classe<br />

9. Informations pratiques et activités autour <strong>de</strong> l'exposition<br />

10. Annexes p.17<br />

Dossier pédagogique : <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong>, collection du Museum of the City of New York (12 <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong> – 25 janvier 2010) 2<br />

p.14<br />

p.15<br />

p.16


1. Présentation <strong>de</strong> l'exposition<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Caen</strong> / <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong><br />

En partenariat avec le festival Les Boréales* 20<strong>09</strong> consacré au Danemark, le musée <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

<strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> présente les photographies <strong>de</strong> <strong>Jacob</strong> A. <strong>Riis</strong> (1849-1914). Photographe,<br />

journaliste et activiste social, <strong>Riis</strong> migra du Danemark vers New York en 1873, à l'âge <strong>de</strong> 21<br />

ans. Vite déçu et scandalisé par la gran<strong>de</strong> pauvreté <strong>de</strong> la population <strong>de</strong> migrants, il<br />

commença à utiliser son appareil photo comme un catalyseur <strong><strong>de</strong>s</strong> conditions <strong>de</strong> vie dans<br />

les bidonvilles <strong>de</strong> New York. Grâce à son travail sur les sans-abris, le photographe<br />

développa une amitié avec Theodore Roosevelt, alors chef du Conseil <strong>de</strong> la police newyorkaise.<br />

Quand Roosevelt <strong>de</strong>vint prési<strong>de</strong>nt, leur amitié fut un instrument <strong>de</strong> la mise en<br />

application <strong><strong>de</strong>s</strong> réformes sociales tant sur le plan national qu'international. Pionnier <strong>de</strong> la<br />

photographie sociale, <strong>Riis</strong> a confronté les new-yorkais aux conditions misérables <strong>de</strong> vie et<br />

<strong>de</strong> travail dans le Lower East Si<strong>de</strong> à Manhattan. Ses photographies ont réussi à toucher<br />

l'opinion publique et le mon<strong>de</strong> politique.<br />

Cette exposition est la première en France à proposer un aperçu aussi complet <strong>de</strong> l'œuvre <strong>de</strong><br />

<strong>Riis</strong>.<br />

*www.crlbn.fr<br />

© Museum of the City of New York<br />

Dossier pédagogique : <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong>, collection du Museum of the City of New York (12 <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong> – 25 janvier 2010) 3


2. Pistes d'exploitation pour le 1 er <strong>de</strong>gré<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Caen</strong> / <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong><br />

L’exposition permet d’abor<strong>de</strong>r en histoire <strong><strong>de</strong>s</strong> arts le XIX e siècle en montrant <strong><strong>de</strong>s</strong> photographies d’époque, et aussi <strong>de</strong><br />

travailler les compétences sociales et civiques, en abordant le sujet <strong>de</strong> la dignité humaine (cf. « l’élève est capable<br />

d’avoir conscience <strong>de</strong> la dignité <strong>de</strong> la personne humaine et d’en tirer les conséquences au quotidien »).<br />

2.1 La photographie, arme d'un homme engagé<br />

> Un journaliste et écrivain engagé en faveur <strong><strong>de</strong>s</strong> déshérités<br />

Au début <strong>de</strong> la photographie, cette technique est surtout utilisée pour le portrait. <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong> est un <strong><strong>de</strong>s</strong> premiers à la fin<br />

du XIX e siècle à exploiter le pouvoir <strong>de</strong> cette nouvelle technique à <strong><strong>de</strong>s</strong> fins sociales.<br />

Ses reportages sur le New York <strong>de</strong> l’immigration sont exceptionnels et bouleversants. Ce sont les seuls témoignages<br />

dont on dispose sur les populations qui quittèrent l’Italie et l’Europe <strong>de</strong> l’Est dans les années 1880-1890.<br />

> La photographie comme moyen <strong>de</strong> parvenir à ses fins<br />

<strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong> utilise la photographie comme un outil qui lui rend service, mais se définit lui-même comme un piètre<br />

photographe. Aucune prétention artistique n’anime son œuvre. Il veut éveiller l’attention et mobiliser la conscience d’un<br />

vaste public : la classe moyenne, face à une situation urgente.<br />

Il donne sans répit <strong><strong>de</strong>s</strong> conférences qu’il illustre au moyen <strong>de</strong> la lanterne magique : « Les auditeurs gémissaient,<br />

frissonnaient, s’évanouissaient et même interpellaient les clichés qu’il projetait, réagissant face à une réalité virtuelle qui<br />

introduisait les bas-fonds <strong>de</strong> New York dans la salle <strong>de</strong> conférence. », <strong>Jacob</strong> A. <strong>Riis</strong>, collection Photo Poche.<br />

La lanterne magique est apparue en 1659 aux Pays-Bas.En faisant glisser une plaque <strong>de</strong> verre <strong>de</strong>vant l’objectif, on voit<br />

apparaître sur un écran blanc successivement les différents <strong><strong>de</strong>s</strong>sins qui y sont représentés. Les plaques peintes à la<br />

main peuvent révéler une foule <strong>de</strong> détails. Avec une triple lanterne <strong>de</strong> projection, on peut réaliser <strong><strong>de</strong>s</strong> fondus enchaînés.<br />

(Voir l’exposition Lanterne magique et film peint du 14 octobre 20<strong>09</strong> au 28 mars 2010 à la cinémathèque française<br />

www.cinematheque.fr)<br />

En 1887, la technique du flash est inventée en Allemagne. <strong>Riis</strong> s'empare <strong>de</strong> cette invention qui lui permet <strong>de</strong><br />

photographier les recoins les plus obscurs et <strong>de</strong> rendre encore plus saisissant son propos. La photographie témoigne<br />

d'une réalité qui semble plus incontestable qu'un <strong><strong>de</strong>s</strong>sin ou qu'un croquis.<br />

Enfin, en 1890, une nouvelle technique, la simili gravure (report d'une photo sur une plaque métallique, laquelle peut<br />

ensuite être imprimée sur une page), permet aux livres <strong>de</strong> <strong>Riis</strong> d'être illustrés <strong>de</strong> la même iconographie que ses<br />

conférences et <strong>de</strong> toucher un plus vaste public.<br />

> Un homme qui propose <strong><strong>de</strong>s</strong> remè<strong><strong>de</strong>s</strong> et obtient <strong><strong>de</strong>s</strong> solutions<br />

Grâce à ses livres, <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong> noue une longue amitié avec Théodore Roosevelt qui le qualifiait <strong>de</strong> « citoyen le plus utile<br />

<strong>de</strong> New York ». Leur action conjointe permit le démantèlement <strong><strong>de</strong>s</strong> asiles <strong>de</strong> nuit <strong>de</strong> la police, la réhabilitation <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

logements insalubres, l'amélioration <strong><strong>de</strong>s</strong> conditions sanitaires, la création <strong>de</strong> jardins publics et <strong><strong>de</strong>s</strong> terrains <strong>de</strong> jeu, la<br />

rénovation <strong><strong>de</strong>s</strong> écoles.<br />

2.2 Commentaires <strong>de</strong> quelques photographies<br />

<strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong> <strong>de</strong> Bonnie Yochelson, collection 55, Phaidon, 2001<br />

« J’récure » Katie, maîtresse <strong>de</strong> maison, 49 e Rue Ouest, New York, 1892<br />

Katie a neuf ans, <strong>de</strong>puis le décès <strong>de</strong> sa mère et le remariage <strong>de</strong> son père, elle vit avec ses trois frères et sœurs plus<br />

âgés dans un logement. Les aînés travaillent dans une fabrique <strong>de</strong> hamacs et Katie tient la maison.<br />

La petite Susie au travail, New York, 1892<br />

Susie a <strong><strong>de</strong>s</strong> journées bien remplies. Chaque jour, pour un salaire <strong>de</strong> 60 cents, elle garnit <strong>de</strong> tissu <strong>de</strong>ux cents couvercles<br />

<strong>de</strong> flasques en fer blanc. Ses mains sont si adroites, si vives, que même le flash est impuissant à figer le geste <strong>de</strong> son<br />

bras et l’abandonne au flou. Avant le travail, elle fait <strong><strong>de</strong>s</strong> courses contre quelques pièces et le soir, elle se rend à l’école.<br />

Le clochard, New York, 1887<br />

Ce clochard a <strong>de</strong>mandé dix cents pour se faire photographier. Ayant ensuite retiré sa pipe <strong>de</strong> sa bouche, il a fait monter<br />

le tarif à vingt-cinq cents pour la reprendre.<br />

Cours du soir dans une pension du West Si<strong>de</strong> ; Edward, le petit colporteur assoupi ; New York, 1892<br />

Edward, un orphelin <strong>de</strong> neuf ans, travaille toute la journée comme crieur pour un camelot. Il a refusé <strong>de</strong> se laisser<br />

photographier au travail, <strong>Riis</strong> le surprend un soir dans une pension où il est hébergé, alors qu’il s’est endormi pendant<br />

une leçon d’orthographe.<br />

Un abri d’Italiens sous une décharge, New York, 1892<br />

Sous le dépotoir, une colonie d’hommes et <strong>de</strong> jeunes garçons vivent du ramassage <strong><strong>de</strong>s</strong> chiffons et <strong><strong>de</strong>s</strong> os parmi les<br />

ordures <strong>de</strong> la ville. La photo montre la cabane d’un chiffonnier. Ce sujet est toujours d’actualité.<br />

On peut parcourir l’exposition à la recherche <strong><strong>de</strong>s</strong> jeux mis en place par les enfants dans un contexte où les lois<br />

interdisent <strong>de</strong> jouer au ballon dans les rues ou encore au cerf-volant sur les toits. Les enfants détournent alors leur<br />

environnement et trouvent <strong><strong>de</strong>s</strong> jeux inattendus, ainsi certaines portes <strong>de</strong> caves se transforment en toboggans.<br />

Dossier pédagogique : <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong>, collection du Museum of the City of New York (12 <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong> – 25 janvier 2010) 4


2.3 Proposition d'activités pour les élèves<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Caen</strong> / <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong><br />

Promène-toi dans l’exposition et observe les enfants. Tu trouveras sans doute ces petites filles, choisis une <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>ux<br />

photos et re<strong><strong>de</strong>s</strong>sine pour elles un univers où elles peuvent être heureuses et s’amuser.<br />

Dossier pédagogique : <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong>, collection du Museum of the City of New York (12 <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong> – 25 janvier 2010) 5


<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Caen</strong> / <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong><br />

Un photographe français, Robert Doisneau, a pris cette photo vers les années<br />

1950. Retrouve dans l’exposition une photo qui lui ressemble.<br />

En 1890-1895, Paul Cézanne peint : Les joueurs <strong>de</strong> cartes, cherche dans<br />

l’exposition un personnage qui a aussi une pipe puis <strong><strong>de</strong>s</strong>sine-le.<br />

Dossier pédagogique : <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong>, collection du Museum of the City of New York (12 <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong> – 25 janvier 2010) 6


3. Pistes d'exploitation en lettres (2 nd <strong>de</strong>gré)<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Caen</strong> / <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong><br />

<strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong> a utilisé la photographie comme illustration <strong>de</strong> ses écrits et conférences contre la pauvreté, à la force <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

mots il voulait ajouter celle <strong><strong>de</strong>s</strong> photos. Il s'agissait pour lui <strong>de</strong> dénoncer la misère sociale <strong><strong>de</strong>s</strong> Américains, notamment<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> immigrés, en cette fin <strong>de</strong> XIX e siècle.<br />

En lettres, la visite <strong>de</strong> l'exposition peut être liée à une séquence sur la critique sociale, la dénonciation <strong>de</strong> la misère, que<br />

ce soit pour l'étu<strong>de</strong> du récit ou celle <strong>de</strong> l'argumentation.<br />

> Pistes en 4 ème et 2 n<strong>de</strong> : récit et critique sociale<br />

Objet d'étu<strong>de</strong> 4 ème : le récit au XIX e siècle<br />

Objet d'étu<strong>de</strong> 2 n<strong>de</strong> : le récit<br />

Dans les <strong>de</strong>ux cas, on peut s'appuyer sur l'étu<strong>de</strong> d'un roman ou d'extraits <strong>de</strong> Victor Hugo, Les Misérables (1869) ; Émile<br />

Zola, L'Assommoir (1877) ou Germinal (1885).<br />

> Piste en 2 n<strong>de</strong> : la dénonciation <strong>de</strong> la misère sociale<br />

Objet d'étu<strong>de</strong> : l'argumentation, démontrer, convaincre, persua<strong>de</strong>r<br />

Groupement <strong>de</strong> textes dénonçant la misère sociale :<br />

• Jonathan Swift, Mo<strong><strong>de</strong>s</strong>te proposition pour empêcher les enfants pauvres d'être à la charge <strong>de</strong> leurs parents ou<br />

<strong>de</strong> leur pays et pour les rendre utiles au public, 1726. Ce texte permet <strong>de</strong> retravailler les types d’arguments et le<br />

plan du texte argumentatif, ainsi que l’ironie.<br />

• Hugo, « Melancholia », Les Contemplations, 1856 : dénonciation du travail <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants<br />

• Hugo, Les Misérables, 1869 : Fantine obligée <strong>de</strong> se vendre (cf. annexe)<br />

• Hugo, « À ceux qu'on foule aux pieds », L'Année terrible, XII, 1872<br />

• Hugo, Discours sur la misère, 9 juillet 1849<br />

• Prévert, « La grasse matinée », Paroles, 1945<br />

• Rimbaud, « Les Effarés », Cahiers <strong>de</strong> Douai, 1870<br />

• Chanson <strong>de</strong> Léo Ferré, « Madame la Misère », Poète, Vos papiers !, 1967<br />

> Piste en 1 ère : le roman social<br />

Objet d'étu<strong>de</strong> : le roman et ses personnages, visions <strong>de</strong> l'homme et du mon<strong>de</strong><br />

• Zola, préface à L'Assommoir, 1877 (« C'est une œuvre <strong>de</strong> vérité, le premier roman sur le peuple qui ne mente<br />

pas et qui ait l'o<strong>de</strong>ur du peuple »)<br />

• Zola, L'Assommoir, chapitre X : la déchéance <strong>de</strong> Gervaise<br />

• Zola, Germinal, chapitre VII, partie 4 : discours <strong>de</strong> Lantier aux mineurs<br />

• Zola, Germinal, chapitre VII, partie 6 (« le travail grondait partout » à « faire bientôt éclater la terre »)<br />

D'autres références pour approfondir :<br />

• Jean Richepin, « la Chanson <strong><strong>de</strong>s</strong> gueux », 1876<br />

• Hugo, « Melancholia , Les Contemplations, 1856<br />

• Hugo, Les Misérables, 1862<br />

Première partie : Fantine, livre cinquième : La Descente, fin du chapitre X « Suite du succès » qui décrit Fantine dans<br />

son galetas : « Le pauvre ne peut aller au fond <strong>de</strong> sa chambre comme au fond <strong>de</strong> sa <strong><strong>de</strong>s</strong>tinée qu’en se courbant <strong>de</strong><br />

plus en plus. » ; chapitre XI : « Christus nos liberavit ». « Qu’est-ce que cette histoire <strong>de</strong> Fantine ? C’est la société<br />

achetant une esclave. À qui ? À la misère. »<br />

• Hugo, Choses vues, 1846 (cf. annexes)<br />

• Hugo, Discours sur les caves <strong>de</strong> Lille, 1851 (http://www.rfi.fr/lffr/articles/072/article_359.asp)<br />

• Hugo, L'Homme qui rit, 1869<br />

Le long discours <strong>de</strong> Gwynplaine (II, 8, VII) : « - Alors, cria-t-il, vous insultez la misère. Silence, pairs d’Angleterre !<br />

Juges, écoutez la plaidoirie. Oh ! je vous en conjure, ayez pitié ! (...) Si vous saviez ce qui se passe, aucun <strong>de</strong> vous<br />

n’oserait être heureux. Qui est-ce qui est allé à Newcastle-on-Tyne ? Il y a dans les mines <strong><strong>de</strong>s</strong> hommes qui mâchent<br />

du charbon pour s’emplir l’estomac et tromper la faim. »<br />

• Arthur Rimbaud, « les Effarés », Cahiers <strong>de</strong> Douai, 1870<br />

• Maupassant, « Le Gueux », 1884<br />

• Zola, L'Assommoir, 1877<br />

Le personnage <strong>de</strong> Gervaise<br />

• Zola, Germinal, 1885<br />

• Charles Dickens, David Copperfield, 1849<br />

Chapitre X : « je commence à voler <strong>de</strong> mes propres ailes »<br />

• Jack London, Le Peuple d'en bas, 1902<br />

London, déguisé en clochard, se perd pendant trois mois dans les bas-fonds <strong>de</strong> Londres, et en rapporte ce<br />

témoignage terrifiant.<br />

• Upton Sinclair, La Jungle, 1906<br />

En 1906, la parution <strong>de</strong> La Jungle provoqua un scandale sans précé<strong>de</strong>nt : Upton Sinclair dévoilait l'horreur <strong>de</strong> la<br />

condition ouvrière dans les abattoirs <strong>de</strong> Chicago aux mains <strong><strong>de</strong>s</strong> trusts <strong>de</strong> la vian<strong>de</strong>. La Jungle fut bientôt traduit en<br />

dix-sept langues tandis qu'Upton Sinclair, poursuivi par les menaces et les promesses <strong><strong>de</strong>s</strong> cartels mais porté par le<br />

mécontentement populaire, était reçu à la Maison-Blanche par le prési<strong>de</strong>nt Theodore Roosevelt.<br />

• George Orwell, Dans la dèche à Paris et à Londres, 1933<br />

Dossier pédagogique : <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong>, collection du Museum of the City of New York (12 <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong> – 25 janvier 2010) 7


<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Caen</strong> / <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong><br />

• Céline, Voyage au bout <strong>de</strong> la nuit, 1932<br />

Bardamu à New York : chapitre 15, chapitre 16 (les latrines dans le métro), chapitre 17 (au restaurant populaire),<br />

chapitre 19 (chez Ford)<br />

• Henry Roth, L'or <strong>de</strong> la terre promise, 1936<br />

David Schearl, petit garçon débarqué à New York avec ses parents juifs d'Europe centrale, est plongé dans la vie<br />

sinistre <strong><strong>de</strong>s</strong> bas quartiers <strong>de</strong> la métropole.<br />

• Steinbeck, Their blood is strong, 1938<br />

Reportage sur les travailleurs immigrants<br />

• Steinbeck, Les Raisins <strong>de</strong> la colère, 1939<br />

• Léo Ferré, chanson « Madame la Misère », Poète, Vos papiers !, 1967<br />

• Manuel Français littérature 2 n<strong>de</strong> Magnard 2004, groupement <strong>de</strong> textes 4 « Gran<strong>de</strong>ur et misères <strong>de</strong> la condition<br />

ouvrière » (pp. 320-335)<br />

Œuvres en lien dans les collections permanentes du musée <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> [salles 11 et 12 du rez-<strong>de</strong>-jardin]<br />

Octave TASSAERT (1825-1894), La Ramasseuse <strong>de</strong> fagots, 1855<br />

Armand GAUTIER (1825-1894), La Repasseuse<br />

Philippe-Auguste JEANRON (18<strong>09</strong>-1877), Les Petits patriotes<br />

Dossier pédagogique : <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong>, collection du Museum of the City of New York (12 <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong> – 25 janvier 2010) 8


4. Pistes d'exploitation en histoire (2 nd <strong>de</strong>gré)<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Caen</strong> / <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong><br />

Programme d’histoire <strong><strong>de</strong>s</strong> classes <strong>de</strong> 1 ère et <strong>de</strong> 4 ème autour <strong>de</strong> la question <strong>de</strong> l’âge industriel aux États-Unis et en<br />

Europe occi<strong>de</strong>ntale.<br />

La statue <strong>de</strong> la liberté, œuvre <strong>de</strong> Bartholdi, offerte par la France aux États-Unis, est inaugurée en 1886. Cette image <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

États-Unis qui accueille les immigrants débarquant à Ellis Island après leur traversée <strong>de</strong> l’Atlantique est contemporaine<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> photographies <strong>de</strong> <strong>Riis</strong>, contemporaine mais ô combien différente. Les photographies <strong>de</strong> <strong>Riis</strong> témoignent <strong>de</strong> l'envers<br />

du rêve américain.<br />

4.1 Les photographies <strong>de</strong> <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong>, un document pour l’historien<br />

L’exposition offre un matériau riche pour l’historien, une source rare qui doit toutefois être méthodiquement analysée<br />

avant toute exploitation. Ces clichés se présentent avec une neutralité toute documentaire mais on sait que <strong>Riis</strong><br />

n’hésitait pas faire poser ces modèles, les rétribuant au besoin (épiso<strong>de</strong> du clochard à la pipe, enfants apparaissant sur<br />

plusieurs clichés). Certaines prises <strong>de</strong> vue sont effectuées alors que <strong>Riis</strong> accompagne les forces <strong>de</strong> police, ce qui peut<br />

renforcer la contrainte <strong><strong>de</strong>s</strong> sujets et leur terreur. Mais surtout le propos <strong>de</strong> <strong>Riis</strong> est un propos militant. Il photographie « à<br />

charge » en quelque sorte, pour convaincre son auditoire ou ses lecteurs. Ces photographies illustrent en effet ses<br />

conférences et ses ouvrages qui dénoncent la misère <strong><strong>de</strong>s</strong> immigrants. Il a recours à la photographie dans la mesure où il<br />

estime qu’il s’agit du média le plus efficace et surtout le plus « incontestable ». L’objectivité supposée <strong>de</strong> la photographie<br />

a pu faire recette dans ses premières décennies d’existence mais n'est évi<strong>de</strong>mment plus <strong>de</strong> mise aujourd’hui.<br />

Les clichés exposés sont <strong><strong>de</strong>s</strong> retirages réalisés à partir <strong><strong>de</strong>s</strong> négatifs et <strong><strong>de</strong>s</strong> plaques <strong>de</strong> verre conservés par le musée <strong>de</strong><br />

la ville <strong>de</strong> New York.<br />

4.2 New York et l’immigration<br />

La croissance urbaine<br />

Entre 1820 et 1890, plus <strong>de</strong> dix millions d'immigrants s'installent dans la métropole américaine, fuyant les difficultés<br />

économiques et les persécutions qui ont lieu en Europe. En 1910, 40% <strong>de</strong> la population était née à l‘étranger. Les<br />

photographies <strong>de</strong> <strong>Riis</strong> sont contemporaines <strong>de</strong> l’ouverture <strong><strong>de</strong>s</strong> services d'immigration d’Ellis Island (1892).<br />

La population <strong>de</strong> New York (source Wikipédia)<br />

1800 79 200 habitants<br />

1850 696100<br />

1890 2507400<br />

1900 3437200<br />

Face à cette croissance démographique, les autorités municipales étendirent à l'ensemble <strong>de</strong> l'île <strong>de</strong> Manhattan le plan<br />

d'urbanisation (cf. plans ci-<strong><strong>de</strong>s</strong>sous). En 1900, Manhattan est entièrement lotie. Avec l'essor démographique, l'offre <strong>de</strong><br />

logement <strong>de</strong>vient vite insuffisante. Les populations pauvres s'entassent dans <strong><strong>de</strong>s</strong> appartements étroits et insalubres<br />

appelés tenements. Une loi <strong>de</strong> 1879 exige toutefois que chaque pièce ait au moins une fenêtre pour améliorer la<br />

ventilation et la luminosité. Les clichés exposés témoignent <strong>de</strong> l’existence d’une autre réalité.<br />

Pour l’essentiel les photographies exposées ont été prises dans le Lower East Si<strong>de</strong>, à proximité <strong>de</strong> la rue Mulberry.<br />

Dossier pédagogique : <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong>, collection du Museum of the City of New York (12 <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong> – 25 janvier 2010) 9


<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Caen</strong> / <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong><br />

Origines <strong><strong>de</strong>s</strong> populations immigrées<br />

Les migrants les plus nombreux sont d'abord les Allemands et les Irlandais : les premiers quittent leur pays à la suite <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

Révolutions <strong>de</strong> 1848 et les seconds à cause <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> famine. Des quartiers « ethniques » se constituent à<br />

Manhattan : par exemple, les Allemands, les européens <strong>de</strong> l’Est notamment <strong>de</strong> confession juive se concentrent dans le<br />

Lower East Si<strong>de</strong>, largement documenté par <strong>Riis</strong>. Les inscriptions en yiddish sur certains clichés témoignent <strong>de</strong><br />

l’immigration juive d’Europe centrale. Les titres donnés à certains clichés mais que l’absence <strong>de</strong> cartel ne permet<br />

d’i<strong>de</strong>ntifier ici, traduisent l’immigration italienne (par exemple la mère et son nourrisson emmailloté, Jersey street, mère<br />

italienne et son bébé, 1890).<br />

L’envers <strong>de</strong> la ville lumière : l’urbanisme<br />

Les élèves seront surpris par l’absence <strong>de</strong> gratte-ciel. On découvre une autre vision <strong>de</strong> New York, celle <strong><strong>de</strong>s</strong> quartiers<br />

populaires, <strong><strong>de</strong>s</strong> constructions relativement basses et parfois <strong>de</strong> fortune, <strong><strong>de</strong>s</strong> tenements.<br />

Les photographies <strong>de</strong> terrains vagues témoignent soit <strong>de</strong> la démolition <strong>de</strong> quartiers insalubres ou <strong>de</strong> création <strong>de</strong> parcs<br />

urbains pour lesquels milite J <strong>Riis</strong>.<br />

4.3 La misère <strong><strong>de</strong>s</strong> immigrés<br />

Il convient d’emblée d’éviter toute confusion dans l’esprit <strong><strong>de</strong>s</strong> élèves. On ne traite pas ici, <strong><strong>de</strong>s</strong> conditions <strong>de</strong> vie difficiles<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> ouvriers mais bien <strong>de</strong> celles <strong><strong>de</strong>s</strong> immigrés débarqués à New York, ouvriers ou non. Les différents clichés exposés<br />

permettent <strong>de</strong> mener une étu<strong>de</strong> détaillée <strong><strong>de</strong>s</strong> conditions <strong>de</strong> logement <strong><strong>de</strong>s</strong> populations immigrées du Lower East Si<strong>de</strong> :<br />

caves (Quatre ans que je dors dans cette cave, 1892), sous-sol, <strong>de</strong>nsité d’occupation (Occupants d’un logement social<br />

surpeuplé <strong>de</strong> Bayer Street, 1889), dortoirs collectifs <strong>de</strong> fortune (Couchettes dans une pension à 7 cents, Pell Street,<br />

1887). D’autres témoignent <strong>de</strong> l’absence <strong>de</strong> tout logement : tente improvisée, enfants <strong><strong>de</strong>s</strong> rues (Un camion en guise <strong>de</strong><br />

terrain <strong>de</strong> jeux, 1892), abris <strong>de</strong> fortune sous les pontons du port (Les rats <strong><strong>de</strong>s</strong> docks dans leur repaire, 1887).<br />

<strong>Riis</strong> souligne également la pénibilité du travail pour ces immigrés : ateliers domestiques et parfois clan<strong><strong>de</strong>s</strong>tins<br />

encombrés et surchargés (Culottes à 45 cents la douzaine, Ludlow Street, 1890 ; Famille <strong>de</strong> bohémiens fabriquant <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

cigares à domicile, 1890), travail <strong><strong>de</strong>s</strong> jeunes enfants (La petite Susie au travail, 1892)... Les clichés prenant les enfants<br />

pour sujet témoignent du propos misérabiliste <strong>de</strong> <strong>Riis</strong> : enfants au travail, fillettes condamnées très jeunes à assumer les<br />

charges d’une famille (Katie J’récure, 49 e Rue Ouest, 1892), enfants <strong><strong>de</strong>s</strong> rues... La touche finale est apportée par La<br />

fosse <strong>de</strong> Porter street, 1891, fosse commune où sont enterrés ceux qui meurent dans l’anonymat et le dénuement. Bien<br />

que <strong>Riis</strong> montre également les initiatives charitables (écoles <strong>de</strong> la Children Aid society, cours du soir) et quelques<br />

améliorations comme les démolitions (Vieille maison en cours <strong>de</strong> démolition sur Bleeker street, 1890) ou les créations <strong>de</strong><br />

parcs urbains (Jeux d’enfants à Poverty Gap, Coney Island, 1892), la plupart <strong><strong>de</strong>s</strong> clichés mettent à mal le rêve<br />

américain, l’espoir qui a nourri le départ <strong>de</strong> nombreux européens.<br />

<strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong> a connu lui-même le sort <strong><strong>de</strong>s</strong> immigrés, débarquant un jour <strong>de</strong> 1870 sur les quais <strong>de</strong> New York en<br />

provenance du Danemark. Cette expérience explique à la fois son empathie pour les populations qu’il photographie et<br />

son obstination à dénoncer la misère qui les frappe.<br />

Dossier pédagogique : <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong>, collection du Museum of the City of New York (12 <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong> – 25 janvier 2010) 10


<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Caen</strong> / <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong><br />

5. Pistes d'exploitation en histoire <strong><strong>de</strong>s</strong> arts (2 nd <strong>de</strong>gré) : la photographie<br />

Pistes en histoire <strong><strong>de</strong>s</strong> arts, programme <strong>de</strong> 1 ère spécialité. Deux entrées possibles : arts et innovations industrielles (ici la<br />

photographie), ou les centres artistiques majeurs (ici New York).<br />

Il s’agit <strong>de</strong> proposer aux élèves une réflexion sur le statut <strong><strong>de</strong>s</strong> photographies exposées, entre œuvre d’art, documentaire<br />

ou « pièce à conviction ». Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’œuvre <strong>de</strong> <strong>Riis</strong>, ces interrogations ont traversé le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la photographie<br />

naissante.<br />

5.1 La photographie vers 1890 : état <strong><strong>de</strong>s</strong> lieux<br />

Média né <strong>de</strong> l’industrialisation, la photographie va s’attacher plus que les autres supports visuels à la réalité du mon<strong>de</strong><br />

industriel et particulièrement aux univers urbains (architecture, lumières, transports…). Les photos <strong>de</strong> <strong>Riis</strong> s’inscrivent<br />

dans cette démarche tout en offrant l’originalité <strong>de</strong> sujets nouveaux : les populations misérables, les exclus.<br />

Devant un public d’élèves ne connaissant <strong>de</strong> la photographie que sa version numérique récente, l’exposition <strong>Riis</strong> est<br />

l’occasion <strong>de</strong> traiter <strong><strong>de</strong>s</strong> origines <strong>de</strong> ce media. À l’époque où <strong>Riis</strong> achète son premier appareil, en 1888, la photographie<br />

est une technique déjà bien établie. On fait habituellement remonter à 1826/27, l’invention <strong>de</strong> la photographie alors<br />

nommée « héliographie » (N. Niepce, Paysage à Saint Loup <strong>de</strong> Varennes, paysage vu d‘une fenêtre et qui nécessita<br />

plus <strong>de</strong> 8 h <strong>de</strong> temps <strong>de</strong> pose). En 1839, le daguerréotype prolonge les possibilités du procédé. La photographie est<br />

née. Il faudra encore <strong>de</strong> nombreux perfectionnements (premier Kodak en 1888, invention <strong>de</strong> la pellicule en rouleau...)<br />

pour que la photographie se vulgarise.<br />

La mise au point en 1887 d’un flash rudimentaire, immédiatement adopté par <strong>Riis</strong>, lui permet <strong>de</strong> photographier les<br />

recoins sombres où les immigrés trouvent refuge, ce qui, jusque-là, était techniquement impossible et ce qui constitue le<br />

premier intérêt <strong><strong>de</strong>s</strong> prises <strong>de</strong> vues <strong>de</strong> <strong>Riis</strong>. Certains clichés témoignent <strong><strong>de</strong>s</strong> balbutiements <strong>de</strong> cette technique nouvelle<br />

(violents contrastes, flou qui entoure les personnages en mouvement). Ici la photographie joue réellement un rôle <strong>de</strong><br />

révélateur.<br />

5.2 <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong>, artiste, photo-reporter ou militant ?<br />

Les photographies <strong>de</strong> <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong> sont aujourd’hui exposées sur les cimaises du musée <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Caen</strong>. Il en<br />

aurait vraisemblablement été fort surpris, lui qui se considérait comme « un piètre photographe ». Loin <strong><strong>de</strong>s</strong> démarches<br />

contemporaines <strong><strong>de</strong>s</strong> pictorialistes, sa préoccupation n’est en effet pas esthétique. Il n’hésite pas à recadrer, à découper<br />

dans ses prises <strong>de</strong> vues, à les retoucher (démarche qui pourrait, elle, le rapprocher du pictorialisme mais dont le but est<br />

différent). Certains <strong><strong>de</strong>s</strong> clichés exposés n’ont pas été pris par <strong>Riis</strong> lui-même mais par <strong><strong>de</strong>s</strong> photographes professionnels<br />

auxquels il avait parfois recours. La notion d’œuvre et d’original est ici hors <strong>de</strong> propos.<br />

Faut-il alors considérer <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong> comme un <strong><strong>de</strong>s</strong> premiers photo-reporters ? En 1946, lors <strong>de</strong> la première exposition<br />

consacrée à <strong>Riis</strong>, le musée <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> New York célèbre « le premier vrai journaliste photographe <strong>de</strong> l’Amérique ».<br />

Journaliste il le fut incontestablement d’abord au New York Herald Tribune en 1877, puis au New York Evening Sun en<br />

1890. Mais ses clichés ne sont pas ceux d’un journaliste qui prend sur le vif ce que ses yeux découvrent au fur et à<br />

mesure <strong>de</strong> son reportage. Certaines <strong>de</strong> ces prises <strong>de</strong> vue sont mises en scène, les sujets <strong>de</strong>venant modèles que l’on<br />

retrouve sur plusieurs clichés. Les compositions misérabilistes traduisent un vrai travail <strong>de</strong> construction.<br />

La démarche <strong>de</strong> <strong>Riis</strong> est celle d’un militant <strong>de</strong> la cause sociale et la photographie est pour lui « un outil », outil qu’il<br />

considère comme le plus efficace car le moins sujet à caution. La photographie comme preuve, comme pièce à<br />

conviction dans un procès à charge dénonçant la misère <strong><strong>de</strong>s</strong> populations immigrées à New York. Cette obstination lui<br />

permit <strong>de</strong> rencontrer Théodore Roosevelt, futur prési<strong>de</strong>nt <strong><strong>de</strong>s</strong> États-Unis, et <strong>de</strong> le rallier à sa cause. Devenu un temps<br />

conseiller <strong>de</strong> Roosevelt alors chef <strong>de</strong> la police new-yorkaise, il put participer concrètement à la rénovation <strong><strong>de</strong>s</strong> quartiers<br />

défavorisés préconisant entre autre la démolition <strong><strong>de</strong>s</strong> îlots insalubres et la création <strong>de</strong> parcs urbains, d’aires <strong>de</strong> jeux pour<br />

les enfants, préoccupations déjà sensibles dans les photographies exposées.<br />

5.3 Prolongements possibles avec les élèves<br />

New York vu par d’autres photographes contemporains <strong>de</strong> <strong>Riis</strong> comme Alfred Stieglitz ou Edward Steichen<br />

La comparaison permettrait <strong>de</strong> souligner l’originalité du propos <strong>de</strong> <strong>Riis</strong>. Steichen et Stieglitz s’emparent d’un nouveau<br />

media, la photographie, pour le hisser au nombre <strong><strong>de</strong>s</strong> formes d’expression artistique reconnues. Leur démarche,<br />

marquée par le pictorialisme, les conduit à représenter un autre New York, « l’endroit » du rêve américain et <strong>de</strong> la ville<br />

lumière en quelque sorte, notamment sa mo<strong>de</strong>rnité (Flat Iron par exemple).<br />

D’autres villes vues par les photographes contemporains <strong>de</strong> <strong>Riis</strong>, le Paris d’Eugène Atget par exemple<br />

La démarche d’inventaire d’Atget peut être comparée à celle <strong>de</strong> <strong>Riis</strong> mais le propos, moins militant, est davantage<br />

empreint <strong>de</strong> nostalgie. Atget entreprend <strong>de</strong> recenser le vieux Paris qui selon lui est menacé <strong>de</strong> disparition <strong>de</strong>vant les<br />

progrès <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong>rnité industrielle. Cette quête l’amène néanmoins à photographier certains métiers ou certains<br />

quartiers insalubres que l’ont peut aisément rapprocher <strong><strong>de</strong>s</strong> clichés <strong>de</strong> <strong>Riis</strong>, par exemple le chiffonnier <strong>de</strong>vant sa « Villa »<br />

(La villa du chiffonnier, boulevard Masséna 1910 ; Intérieur d‘un chiffonnier, boulevard Masséna, 1912) ou les cours <strong>de</strong><br />

quartiers populaires (Cour, rue <strong>de</strong> Broca, 1912 ; Cour, rue Mazarine, 1911 par exemple). L’entrée <strong>de</strong> la cour, 9 rue<br />

Thouin à Paris, vers 1910 est très proche dans son sujet comme dans le choix <strong>de</strong> la prise <strong>de</strong> vue et dans sa construction<br />

d’une ruelle étroite <strong>de</strong> <strong>Riis</strong> présentée dans l’exposition. L’impression produite est la même : étouffement, absence <strong>de</strong><br />

lumière, sentiment <strong>de</strong> danger.<br />

Dossier pédagogique : <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong>, collection du Museum of the City of New York (12 <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong> – 25 janvier 2010) 11


6. Pistes d’exploitation en arts plastiques<br />

L’exposition peut servir <strong>de</strong> point <strong>de</strong> départ à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la photographie <strong>de</strong> reportage.<br />

6.1 La photographie <strong>de</strong> reportage 1950-1980<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Caen</strong> / <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong><br />

La mise en question du reportage traditionnel<br />

« Une photographie est pour moi la reconnaissance simultanée, dans une fraction <strong>de</strong> secon<strong>de</strong>, d’une part, <strong>de</strong> la<br />

signification d’un fait et, <strong>de</strong> l’autre, d’une organisation rigoureuse <strong><strong>de</strong>s</strong> formes perçues visuellement qui expriment ce<br />

fait. » Cette définition d’Henri Cartier-Bresson rend compte <strong>de</strong> l’inévitable relation <strong>de</strong> la photographie avec le mon<strong>de</strong><br />

extérieur comme elle rend compte <strong>de</strong> la maîtrise plastique nécessaire pour rendre ce mon<strong>de</strong> visible aux autres. Il y a<br />

dans la réalité <strong><strong>de</strong>s</strong> significations qui atten<strong>de</strong>nt d’être exprimées. Même si ces significations réunissent <strong>de</strong> larges<br />

consensus, la voie propre <strong>de</strong> la photographie est <strong>de</strong> nous révéler une réalité encore impolluée par nos préjugés et nos<br />

routines <strong>de</strong> pensée.<br />

En 1958 le photographe suisse Robert Frank dans Les Américains cherche les moments non significatifs, moments où<br />

les choses et les gens sont pris en flagrant délit, par l’objectif, <strong>de</strong> n’avoir aucun sens. Ces images <strong>de</strong> moments extérieurs<br />

absur<strong><strong>de</strong>s</strong>, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’attendu, sont <strong><strong>de</strong>s</strong> aveux sur <strong><strong>de</strong>s</strong> moments très intimes <strong>de</strong> vie intérieure. Le livre <strong>de</strong> Robert Frank<br />

exprimait aussi le désabusement <strong>de</strong> la beat generation <strong>de</strong>vant la société américaine <strong>de</strong> consommation. Déjà Walker<br />

Evans avait su exprimer le désespoir nu <strong>de</strong>vant la détresse mo<strong>de</strong>rne.<br />

Pour sa part Lee Friedlan<strong>de</strong>r casse tous les co<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> la réalité hiérarchisée par les conventions photographiques. Par<br />

exemple il renonce à la vieille « tricherie » d’éviter l’ombre et ou le reflet du photographe dans sa photo.<br />

Pour Garry Winogrand les photos sont « <strong><strong>de</strong>s</strong> natures mortes » malgré la présence <strong>de</strong> tant <strong>de</strong> personnages bien vivants,<br />

parce que l’image une fois fixée au 1/50 ème <strong>de</strong> secon<strong>de</strong> est irrémédiablement coupée <strong>de</strong> flot <strong>de</strong> la vie et du sens où elle<br />

a été prélevée si brutalement. Elle ne connaîtra désormais que sa vie d’image, objet <strong>de</strong> contemplation figé à jamais.<br />

L’individu <strong>de</strong>vant la crise <strong>de</strong> l’humain<br />

Une grave tension traverse la photographie entre 1950 et 1980 d’où la chaleur et le fait humain se trouvent souvent<br />

absents. Dans les rues <strong><strong>de</strong>s</strong> banlieues les passants n’ont pas plus d’importance que les poteaux électriques.<br />

L’œuvre <strong>de</strong> Diane Arbus s’affronte à la présence <strong>de</strong> l’individu, si les modèles d’Auguste San<strong>de</strong>r se définissaient par<br />

rapport à une condition sociale assumée, ceux <strong>de</strong> Diane Arbus sont cernés par une solitu<strong>de</strong> sans recours. Elle présente<br />

souvent <strong><strong>de</strong>s</strong> « monstres » nains ou géants ou <strong><strong>de</strong>s</strong> marginaux mais montre surtout que les gens dits normaux sont tout<br />

aussi monstrueux. La société mo<strong>de</strong>rne n’est plus qu’une galerie <strong>de</strong> détraqués que plus rien ne relie. Un <strong><strong>de</strong>s</strong> moyens<br />

techniques <strong>de</strong> Diane Arbus est la netteté détaillée <strong>de</strong> l’image qui ne laisse rien échapper <strong>de</strong> ses constats implacables.<br />

Ce n’est pas ici un lyrisme romantique mais un excès d’angoisse qui se déverse à travers déformations, violents<br />

contrastes <strong>de</strong> noir et <strong>de</strong> blanc, exagération du grain. Les ombres constitutives <strong>de</strong> l’image photographique se tor<strong>de</strong>nt.<br />

William Klein s’est mesuré à la dureté et à la violence <strong><strong>de</strong>s</strong> villes mo<strong>de</strong>rnes (New York, Tokyo).<br />

Josef Kou<strong>de</strong>lka met d’abord dans ses images son amour pour les gens. Durant <strong><strong>de</strong>s</strong> années il a partagé la vie <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

noma<strong><strong>de</strong>s</strong> dans une enquête qui doit bien moins à l’ethnologie qu’à une volonté <strong>de</strong> compréhension et <strong>de</strong> communion. Sa<br />

composition est plusieurs fois baroque, par son système d’espaces différents encastrés par son grouillement <strong>de</strong> formes<br />

pourtant harmonieuses.<br />

6.2 Art-Photographie-Contemporanéité<br />

Il est proposé <strong>de</strong> recourir à la notion d’empreinte pour distinguer, en nature, la photographie du <strong><strong>de</strong>s</strong>sin qui, lui, ressortirait<br />

plutôt à l’icône. D’un côté, la représentation, l’icône, l’imitation ; <strong>de</strong> l’autre, l’enregistrement, l’indice, l’empreinte ;<br />

l’originalité et l’unicité <strong>de</strong> l’œuvre contre la similarité et la multiplicité <strong><strong>de</strong>s</strong> épreuves. Or la photographie fut-elle<br />

documentaire, ne représente pas automatiquement le réel, et ne tient pas lieu d’une chose extérieure. Il importe<br />

d’explorer comment l’image produit du réel. Car en soi, au singulier, « la » photographie n’existe pas. Dans le mon<strong>de</strong><br />

réel, on a toujours affaire à <strong><strong>de</strong>s</strong> pratiques et <strong><strong>de</strong>s</strong> œuvres particulières dans <strong><strong>de</strong>s</strong> contextes, <strong><strong>de</strong>s</strong> territoires et <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

conditions, et avec <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs et <strong><strong>de</strong>s</strong> enjeux déterminés.<br />

En décrivant les mécanismes du « vrai photographique » puis « la crise <strong>de</strong> la photographie-document », on a insisté sur<br />

cette évi<strong>de</strong>nce : la photographie n’est pas en soi un document, elle est seulement dotée d’une valeur documentaire<br />

variable selon les circonstances.<br />

Au cours <strong><strong>de</strong>s</strong> années 1980, l’évolution <strong>de</strong> la presse illustrée et <strong><strong>de</strong>s</strong> agences a conduit le photoreportage dans une<br />

nouvelle direction : la scénarisation. Soit que les reporters préparent et montent un sujet, soit que, dans le feu <strong>de</strong><br />

l’actualité, ils cherchent à donner plus d’éloquence à leurs clichés en « arrangeant » les situations. Il s’agit en fait d’une<br />

véritable révolution, d’une inversion complète <strong>de</strong> posture et d’éthique. Après avoir, pendant près d’un siècle, proclamé la<br />

totale dépendance du reportage vis-à-vis du réel, sa soumission absolue à l’actualité ; après avoir revendiqué le face-àface<br />

direct et abrupt avec l’événement, et proclamé les vertus <strong>de</strong> « l’instant décisif » et <strong>de</strong> l’instantané ; après avoir érigé<br />

l’action et le contact immédiat avec les choses en critère absolu <strong>de</strong> vérité, <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> reporters adoptent<br />

aujourd’hui une attitu<strong>de</strong> inverse. Ce revirement radical est d’abord dû à une lassitu<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> lecteurs <strong>de</strong> magazines <strong>de</strong>vant<br />

les images <strong>de</strong> guerre, <strong>de</strong> détresse et <strong>de</strong> violence, comme si le voyeurisme pervers, les scènes d’apocalypse, la<br />

surenchère morbi<strong>de</strong> ne faisaient plus recette. Ce revirement s’explique à l’inverse par un accroissement <strong>de</strong> la<br />

concurrence qui conduit les photographes d’actualité à ne pas hésiter à travestir le fait pour le mieux vendre.<br />

Nombre <strong>de</strong> reporters ont donc choisi <strong>de</strong> ne plus sillonner le mon<strong>de</strong> en quête <strong>de</strong> scoops, mais <strong>de</strong> construire leurs<br />

images ; <strong>de</strong> ne plus suivre l’actualité, mais d’anticiper ou <strong>de</strong> la commenter ; <strong>de</strong> ne plus vouer un culte exclusif à<br />

l’instantané, mais <strong>de</strong> s’accor<strong>de</strong>r le droit <strong>de</strong> faire poser leurs personnages ; <strong>de</strong> ne plus affronter la réalité brute, mais<br />

<strong>de</strong> la mettre en scène.<br />

Dossier pédagogique : <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong>, collection du Museum of the City of New York (12 <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong> – 25 janvier 2010) 12


6.3 Pistes en arts plastiques<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Caen</strong> / <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong><br />

> En 4 ème<br />

À travers <strong><strong>de</strong>s</strong> réalisations, les élèves seront sensibilisés à la réception <strong><strong>de</strong>s</strong> images, aux co<strong><strong>de</strong>s</strong> qui régissent un style<br />

documentaire et plus généralement aux rapports qu'elles entretiennent avec la réalité. À travers ses différents supports,<br />

l'image sera abordée du point <strong>de</strong> vue culturel, comme trace ou indice d'un fait, d'un événement ou d'une présence, dont<br />

elle témoigne ou qu'elle simule.<br />

Seront abordées plus particulièrement la reconnaissance et la réception <strong><strong>de</strong>s</strong> images.<br />

On pourra comme point <strong>de</strong> départ sensibiliser les élèves « au sujet » <strong><strong>de</strong>s</strong> photographies exposées ; puis les amener à<br />

réfléchir aux notions <strong>de</strong> représentation et <strong>de</strong> réalité et ainsi définir la fonction <strong><strong>de</strong>s</strong> images présentées (classification).<br />

Ensuite dans un travail <strong>de</strong> groupe, les élèves réaliseront une série <strong>de</strong> clichés sur un thème se référant à la photographie<br />

documentaire.<br />

Cette série fera référence à la fois au travail photographique <strong>de</strong> <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong> et à celui <strong>de</strong> photographes contemporains<br />

comme Martin Parr, William Klein, Diane Arbus ou Bruce Davidson, Bernd et Hilla Becher.<br />

> En 4 ème<br />

- Développer un point <strong>de</strong> vue analytique et critique sur les images qui les entourent ;<br />

- Utiliser <strong><strong>de</strong>s</strong> images à <strong><strong>de</strong>s</strong> fins d’argumentation.<br />

Les situations permettent aux élèves <strong>de</strong> réaliser <strong><strong>de</strong>s</strong> images dans leur rapport au réel. Ils sont amenés à prendre en<br />

compte les points <strong>de</strong> vue du regar<strong>de</strong>ur et <strong>de</strong> l’auteur, <strong>de</strong> l’acteur.<br />

Dans une observation attentive <strong><strong>de</strong>s</strong> photographies exposées les élèves sont amenés à s’interroger sur la composition, la<br />

technique, le cadrage, la mise en scène.<br />

À partir d’une verbalisation collective on cherchera à déterminer ce qui justifie telle ou telle approche technique, les choix<br />

sémantiques du photographe, et à les confronter avec leur point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> spectateur.<br />

Amener les élèves à se questionner sur l’artifice, l’illusion, le faux-semblant, l’imprévu, le spontané, l’instantané ; et donc<br />

sur la qualité d’une image et sa signification.<br />

En pratique plastique les élèves sont amenés à expérimenter le point <strong>de</strong> vue du cliché instantané (argentique par<br />

exemple avec le travail <strong>de</strong> la prise <strong>de</strong> vue, <strong>de</strong> la lumière et <strong>de</strong> la vitesse) et celui du cliché modifiable (numérique par<br />

retouche et modification <strong>de</strong> la photographie).<br />

> En 2 n<strong>de</strong><br />

L’élève travaille en <strong>de</strong>ux et trois dimensions, en variant les supports et les techniques et en attachant une importance<br />

toute particulière aux ressources offertes par les technologies contemporaines (photographie, vidéo, infographie, etc.),<br />

en diversifiant les matériaux, les formats et les mo<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> présentation. Il s’engage dans <strong><strong>de</strong>s</strong> réalisations individuelles ou<br />

collectives, en fonction <strong>de</strong> projets personnels ou <strong>de</strong> projets partagés au sein <strong>de</strong> la classe.<br />

En fonction <strong><strong>de</strong>s</strong> questions abordées dans la pratique, les exemples sont empruntés à la peinture, à la sculpture, à<br />

l’architecture, à la photographie, mais aussi aux productions, notamment contemporaines, qui se sont affranchies <strong>de</strong><br />

ces classifications.<br />

Fondée sur <strong><strong>de</strong>s</strong> confrontations et <strong><strong>de</strong>s</strong> rapprochements, l’analyse comparative met en évi<strong>de</strong>nce les caractères propres<br />

<strong>de</strong> chaque création et ceux qu’elle partage avec l’époque et l’espace dans laquelle elle s’inscrit.<br />

L’élève abor<strong>de</strong>ra les questions posées par l’évolution <strong>de</strong> la photographie <strong>de</strong> presse ou <strong>de</strong> reportage telles qu’elle se<br />

manifeste dans les œuvres <strong>de</strong> photographes contemporains cités ci-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus en les comparant avec les clichés <strong>de</strong> <strong>Jacob</strong><br />

<strong>Riis</strong>.<br />

Parmi ces questions on notera celle touchant à la réalité du sujet photographié et au rapport qu’elle entretient avec la<br />

vérité : détournement <strong>de</strong> l’image, scénarisation (Robert Capa).<br />

La question <strong>de</strong> la photographie comme acte créatif et non plus comme seul élément d’une vérité.<br />

Qu’est-ce qui exprime la beauté, l’objet photographique ou le sujet ; qu’en est-il <strong>de</strong> la lai<strong>de</strong>ur ? (cf. Sebastiao Salgado,<br />

Une Certaine Grâce).<br />

L’élève peut être mis en situation <strong>de</strong> comparer et d’interpréter <strong>de</strong>ux images photographiques appartenant à <strong><strong>de</strong>s</strong> genres<br />

apparemment i<strong>de</strong>ntiques et en dégager les composants plastiques, ainsi un cliché <strong>de</strong> <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong> et un d’Henri Cartier-<br />

Bresson par exemple.<br />

Dossier pédagogique : <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong>, collection du Museum of the City of New York (12 <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong> – 25 janvier 2010) 13


7. Bibliographie<br />

> Sur l'exposition<br />

- <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong>, collection 55, Phaidon, 2001<br />

- <strong>Jacob</strong> A. <strong>Riis</strong>, collection Photo Poche, 1997<br />

- Bonnie Yochelson et Daniel Czitrom, Rediscovering <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong>, The New Press, 2007<br />

> Sur la photographie<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Caen</strong> / <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong><br />

- TDC n°805, décembre 2000, L’historien face aux photographies, éditions du scérén-CNDP<br />

- TDC n°976,15 mai 20<strong>09</strong>, Photographier la ville, éditions du scérén-CNDP<br />

- André Rouillé, La Photographie, Paris, Gallimard, collection Folio essais, 2005<br />

- Jean-Clau<strong>de</strong> Lemagny, La Photographie, tendances <strong><strong>de</strong>s</strong> années 1950-1980, CNDP, actualités <strong><strong>de</strong>s</strong> arts plastiques<br />

- Christian Gattinoni, Yannick Vigouroux, La Photographie contemporaine, éditions Scala, Paris, 2002<br />

- Nick Yapp, 150 ans <strong>de</strong> Photos <strong>de</strong> Presse, Gründ, Paris, 1995<br />

- Quentin Bajac, La photographie, l'époque mo<strong>de</strong>rne 1880-1960, découvertes Gallimard, 2005<br />

- Michel Poivert, La Photographie contemporaine, Flammarion, 2002<br />

Pour les plus jeunes<br />

- Isabelle Le Fèvre-Stassart, Objectif photographie !, Autrement junior, 2003<br />

- Dada n°122, La Photographie, Mango presse, octobre 2006<br />

> Monographies<br />

- Eugène Atget, collection 55, Phaidon, 2001<br />

- Sebastiao Salgado, Une Certaine Grâce, textes d’Edouardo Galeano et Fred Ritchin, La Martinière, Paris, 2002<br />

Webographie<br />

> Histoire <strong>de</strong> New York et <strong>de</strong> l’immigration<br />

http://www.tenement.org/ : le site du musée <strong>de</strong> Lower East Si<strong>de</strong> qui présente l’intérieur d’un tenement (nombreux<br />

documents pour les scolaires)<br />

http://www.ellisisland.org/ : le site du musée d’Ellis Island<br />

> Iconographie sur New York<br />

http://www.mcny.org/museum-collections/berenice-abbott/lespage.htm : Lower East Si<strong>de</strong> par Berenice Abbott<br />

http://www.mcny.org/museum-collections/ : la collection Byron en ligne<br />

Dossier pédagogique : <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong>, collection du Museum of the City of New York (12 <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong> – 25 janvier 2010) 14


8. Visiter l'exposition avec sa classe<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Caen</strong> / <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong><br />

Le service <strong><strong>de</strong>s</strong> publics et le service éducatif ont pour mission <strong>de</strong> faciliter l'accès <strong><strong>de</strong>s</strong> scolaires aux nombreuses<br />

ressources du musée. Des professeurs-relais, <strong><strong>de</strong>s</strong> conférenciers, <strong><strong>de</strong>s</strong> plasticiens et <strong><strong>de</strong>s</strong> médiateurs culturels sont<br />

à votre service pour vous accueillir, vous familiariser avec les collections et expositions, vous ai<strong>de</strong>r à construire<br />

votre projet et vous fournir l'ai<strong>de</strong> dont vous avez besoin.<br />

Les visites en autonomie<br />

L’enseignant organise sa venue au musée avec ses élèves et assure lui-même la visite. Merci <strong>de</strong> préciser la durée<br />

<strong>de</strong> votre présence dans les salles lors <strong>de</strong> votre réservation.<br />

Gratuit<br />

Les visites commentées<br />

3/4 d’heure ou 1 heure selon les niveaux<br />

Gratuit<br />

Les visites croquis (à partir du CE2)<br />

La visite croquis est une visite commentée ponctuée <strong>de</strong> moments <strong>de</strong> croquis (matériel fourni). Elle a pour objectif<br />

<strong>de</strong> faire découvrir l’exposition et <strong>de</strong> développer le sens <strong>de</strong> l'observation <strong><strong>de</strong>s</strong> élèves en les incitant à regar<strong>de</strong>r les<br />

détails <strong><strong>de</strong>s</strong> œuvres afin <strong>de</strong> les reproduire.<br />

> Contact<br />

Pour réserver une visite, prendre un ren<strong>de</strong>z-vous avec les conférenciers, professeurs-relais ou médiateurs,<br />

s’inscrire à la présentation d’une exposition, obtenir une information sur l’actualité du musée ou <strong><strong>de</strong>s</strong> pistes et<br />

dossiers pédagogiques, contacter Mme Ghislaine Lenogue (secrétariat du musée) / 02 31 30 47 73 (le matin) -<br />

glenogue@ville-caen.fr<br />

> Horaires<br />

Ouvert tous les jours <strong>de</strong> 9h30 à 18h, sauf le mardi.<br />

Fermé les 1 er janvier, lundi <strong>de</strong> Pâques, 1 er mai, Ascension, 1 er <strong>novembre</strong>, 25 décembre.<br />

> Accès<br />

Parking libre au sein du château<br />

Tramway et bus : arrêt Saint-Pierre (centre-ville)<br />

> Les bons réflexes<br />

Pour un plus grand confort <strong>de</strong> visite, voici quelques règles <strong>de</strong> base à connaître et à transmettre.<br />

…pour les enseignants<br />

- Toute visite, libre ou commentée, doit faire l’objet d’une réservation préalable auprès du secrétariat, <strong>de</strong> préférence 15<br />

jours avant la date souhaitée. Les groupes se présentant sans réservation ne pourront avoir accès aux salles. Pour les<br />

ateliers, réservation par mail uniquement à l’ai<strong>de</strong> du bulletin disponible sur le site Internet du musée à partir du 7<br />

décembre 9h.<br />

- La visite se fait sous la conduite <strong>de</strong> l’enseignant qui doit obligatoirement rester avec son groupe et veiller à son bon<br />

comportement dans les salles mais aussi dans les espaces d’accueil. En cas d’inci<strong>de</strong>nt, l’établissement scolaire sera<br />

tenu pour responsable.<br />

- Il est souhaitable que le groupe ne dépasse pas 30 élèves. Prévoir un accompagnateur pour 10 élèves.<br />

- En cas d’annulation merci <strong>de</strong> prévenir le musée.<br />

- Se présenter 10 minutes avant le début <strong>de</strong> la visite <strong>de</strong> façon à remplir les différentes formalités à l’accueil.<br />

- Merci d’être ponctuel. Une visite commencée en retard sera écourtée d’autant.<br />

- Pour que la visite prenne tout son sens, la préparation <strong><strong>de</strong>s</strong> élèves, avant la venue au musée est essentielle.<br />

…pour les élèves<br />

Pour la sécurité <strong>de</strong> tous les visiteurs, pour le confort <strong>de</strong> visite <strong>de</strong> chacun et pour la conservation <strong><strong>de</strong>s</strong> œuvres,<br />

Il est interdit <strong>de</strong> :<br />

- courir dans le musée,<br />

- crier ou se comporter bruyamment,<br />

- toucher les œuvres ou s’appuyer contre les murs,<br />

- manger et boire dans le musée.<br />

Merci <strong>de</strong> :<br />

- laisser sacs, cartables et manteaux au vestiaire,<br />

- utiliser exclusivement le crayon à papier,<br />

- photographier sans flash et sans pied.<br />

Dossier pédagogique : <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong>, collection du Museum of the City of New York (12 <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong> – 25 janvier 2010) 15


9. Informations pratiques<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Caen</strong> / <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong><br />

Exposition ouverte du 12 <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong> au 25 janvier 2010 tous les jours <strong>de</strong> 9h30 à 18h (sauf mardi et 25<br />

décembre et 1 er janvier)<br />

Accès libre<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> - Le Château<br />

02 31 30 47 70 - www.mba.caen.fr<br />

Pour consulter le programme <strong><strong>de</strong>s</strong> Boréales : www.crlbn.fr<br />

Autour <strong>de</strong> l’exposition<br />

Visites pour les individuels<br />

Jeudi 26 <strong>novembre</strong> à 18h30, gratuit dans la limite <strong><strong>de</strong>s</strong> places disponibles<br />

Dimanche 24 janvier à 16h, 4 €<br />

Jeudi 7 janvier à 12h30, 16 € (visite + déjeuner), réservation au 02 31 30 40 85 (le matin)<br />

Dossier pédagogique : <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong>, collection du Museum of the City of New York (12 <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong> – 25 janvier 2010) 16


10. Annexes<br />

<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Caen</strong> / <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong><br />

Victor Hugo, Les Misérables, 1862<br />

[Dans ce roman, Fantine, mo<strong><strong>de</strong>s</strong>te couturière à domicile, rencontre <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> difficultés financières pour<br />

nourrir sa fille Cosette, qu’elle a été obligée <strong>de</strong> confier à un couple <strong>de</strong> gens malhonnêtes et rusés, les Thénardier.<br />

Pour payer les frais d’une maladie inventée par ces <strong>de</strong>rniers, Fantine doit vendre ses cheveux, puis <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>nts.<br />

C’est ainsi que Marguerite, une collègue <strong>de</strong> travail, la découvre un matin.]<br />

Fantine <strong>de</strong>puis la veille avait vieilli <strong>de</strong> dix ans.<br />

- Jésus ! fit Marguerite, qu’est-ce que vous avez Fantine ?<br />

- Je n’ai rien, répondit Fantine. Au contraire. Mon enfant ne mourra pas <strong>de</strong> cette affreuse maladie, faute <strong>de</strong> secours. Je<br />

suis contente.<br />

En parlant ainsi, elle montrait à la vieille fille <strong>de</strong>ux napoléons 1 qui brillaient sur la table.<br />

- Ah, Jésus Dieu ! dit Marguerite. Mais c’est une fortune ! Où avez-vous eu ces louis d’or ?<br />

- Je les ai eus, répondit Fantine.<br />

En même temps elle sourit. La chan<strong>de</strong>lle éclairait son visage. C’était un sourire sanglant. Une salive rougeâtre lui<br />

souillait le coin <strong><strong>de</strong>s</strong> lèvres, et elle avait un trou noir dans la bouche.<br />

Les <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>nts étaient arrachées.<br />

Elle envoya les quarante francs à Montfermeil 2 .<br />

Du reste c’était une ruse <strong><strong>de</strong>s</strong> Thénardier pour avoir <strong>de</strong> l’argent. Cosette n’était pas mala<strong>de</strong>.<br />

Fantine jeta son miroir par la fenêtre. Depuis longtemps elle avait quitté sa cellule 3 du second pour une mansar<strong>de</strong> fermée<br />

d’un loquet sous le toit ; un <strong>de</strong> ces galetas 4 dont le plafond fait angle avec le plancher et vous heurte à chaque instant la<br />

tête. Le pauvre ne peut aller au fond <strong>de</strong> sa chambre comme au fond <strong>de</strong> sa <strong><strong>de</strong>s</strong>tinée qu’en se courbant <strong>de</strong> plus en plus.<br />

Elle n’avait plus <strong>de</strong> lit, il lui restait une loque qu’elle appelait sa couverture, un matelas à terre et une chaise dépaillée. Un<br />

petit rosier qu’elle avait s’était <strong><strong>de</strong>s</strong>séché dans un coin, oublié. Dans l’autre coin, il y avait un pot à beurre à mettre l’eau,<br />

qui gelait l’hiver, et où les différents niveaux <strong>de</strong> l’eau restaient longtemps marqués par <strong><strong>de</strong>s</strong> cercles <strong>de</strong> glace. Elle avait<br />

perdu la honte, elle perdit la coquetterie. Dernier signe. Elle sortait avec <strong><strong>de</strong>s</strong> bonnets sales. Soit faute <strong>de</strong> temps, soit<br />

indifférence, elle ne raccommodait plus son linge. A mesure que les talons s’usaient, elle tirait ses bas dans ses souliers.<br />

Cela se voyait à <strong>de</strong> certains plis perpendiculaires. Elle rapiéçait son corset 5 , vieux et usé, avec <strong><strong>de</strong>s</strong> morceaux <strong>de</strong> calicot 6<br />

qui se déchiraient au moindre mouvement. Les gens auxquels elle <strong>de</strong>vait 7 lui faisaient « <strong><strong>de</strong>s</strong> scènes », et ne lui laissaient<br />

aucun repos. Elle les trouvait dans la rue, elle les retrouvait dans son escalier. Elle passait <strong><strong>de</strong>s</strong> nuits à pleurer et à<br />

songer. Elle avait les yeux très brillants et elle sentait une douleur fixe dans l’épaule, vers le haut <strong>de</strong> l’omoplate gauche.<br />

Elle toussait beaucoup. Elle haïssait profondément le père Ma<strong>de</strong>leine 8 , et ne se plaignait pas. Elle cousait dix-sept<br />

heures par jour ; mais un entrepreneur du travail <strong><strong>de</strong>s</strong> prisons, qui faisait travailler les prisonnières au rabais, fit tout à<br />

coup baisser les prix, ce qui réduisit la journée <strong><strong>de</strong>s</strong> ouvrières libres à neuf sous. Dix-sept heures <strong>de</strong> travail, et neuf sous<br />

par jour ! Ses créanciers étaient plus impitoyables que jamais. Le fripier, qui avait repris presque tous les meubles, lui<br />

disait sans cesse : Quand me payeras-tu coquine ? Que voulait-on d’elle, bon Dieu ! Elle se sentait traquée et il se<br />

développait en elle quelque chose <strong>de</strong> la bête farouche. Vers le même temps, le Thénardier lui écrivit que décidément il<br />

avait attendu avec beaucoup trop <strong>de</strong> bonté, et qu’il lui fallait cent francs, tout <strong>de</strong> suite ; sinon qu’il mettrait à la porte la<br />

petite Cosette, toute convalescente <strong>de</strong> sa gran<strong>de</strong> maladie, par le froid, par les chemins, et qu’elle <strong>de</strong>viendrait ce qu’elle<br />

pourrait, et qu’elle crèverait, si elle voulait.<br />

- Cent francs, songea Fantine ! Mais où y a-t-il un état 9 à gagner cent sous par jour ?<br />

- Allons ! dit-elle, vendons le reste. L’infortunée se fit fille publique 10 .<br />

1. <strong>de</strong>ux napoléons : pièces d’or<br />

2. Montfermeil : village où habitent les Thénardier avec Cosette<br />

3. cellule : petite chambre<br />

4. galetas : logement misérable et sordi<strong>de</strong> sous les toits<br />

5. corset : gaine lacée en tissu résistant, qui serre la taille et le ventre <strong><strong>de</strong>s</strong> femmes<br />

6. calicot : toile <strong>de</strong> coton assez grossière<br />

7. <strong>de</strong>vait : <strong>de</strong>vait <strong>de</strong> l’argent<br />

8. père Ma<strong>de</strong>leine : monsieur Ma<strong>de</strong>leine, riche industriel, ancien employeur <strong>de</strong> Fantine qu’elle rend, à tort, responsable <strong>de</strong> la<br />

perte <strong>de</strong> son emploi précé<strong>de</strong>nt<br />

9. état : métier<br />

10. fille publique : prostituée<br />

Dossier pédagogique : <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong>, collection du Museum of the City of New York (12 <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong> – 25 janvier 2010) 17


<strong>Musée</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>Beaux</strong>-<strong>Arts</strong> <strong>de</strong> <strong>Caen</strong> / <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong><br />

Victor Hugo, Choses vues, 1846<br />

Hier, 22 février 1 , j'allais à la Chambre <strong><strong>de</strong>s</strong> Pairs 2 . Il faisait beau et très froid, malgré le soleil <strong>de</strong> midi. Je vis venir<br />

rue <strong>de</strong> Tournon un homme que <strong>de</strong>ux soldats emmenaient. Cet homme était blond, pâle, maigre, hagard ; trente<br />

ans à peu près, un pantalon <strong>de</strong> grosse toile, les pieds nus et écorchés dans <strong><strong>de</strong>s</strong> sabots avec <strong><strong>de</strong>s</strong> linges sanglants<br />

roulés autour <strong><strong>de</strong>s</strong> chevilles pour tenir lieu <strong>de</strong> bas ; une blouse courte, souillée <strong>de</strong> boue <strong>de</strong>rrière le dos, ce qui<br />

indiquait qu'il couchait habituellement sur le pavé ; la tête nue et hérissée. Il avait sous le bras un pain.<br />

Le peuple disait autour <strong>de</strong> lui qu'il avait volé ce pain et que c'était à cause <strong>de</strong> cela qu'on l'emmenait. En passant<br />

<strong>de</strong>vant la caserne <strong>de</strong> gendarmerie, un <strong><strong>de</strong>s</strong> soldats y entra, et l'homme resta à la porte, gardé par l'autre soldat.<br />

Une voiture était arrêtée <strong>de</strong>vant la porte <strong>de</strong> la caserne. C'était une berline armoriée 3 portant aux lanternes une<br />

couronne ducale 4 , attelée <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux chevaux gris, <strong>de</strong>ux laquais en guêtres <strong>de</strong>rrière. Les glaces étaient levées, mais<br />

on distinguait l'intérieur tapissé <strong>de</strong> damas bouton d'or 5 . Le regard <strong>de</strong> l'homme fixé sur cette voiture attira le mien.<br />

Il y avait dans la voiture une femme en chapeau rose, en robe <strong>de</strong> velours noir, fraîche, blanche, belle,<br />

éblouissante, qui riait et jouait avec un charmant petit enfant <strong>de</strong> seize mois enfoui sous les rubans, les <strong>de</strong>ntelles<br />

et les fourrures.<br />

Cette femme ne voyait pas l'homme terrible qui la regardait.<br />

Je <strong>de</strong>meurai pensif.<br />

Cet homme n'était plus pour moi un homme, c'était le spectre <strong>de</strong> la misère, c'était l'apparition, difforme, lugubre,<br />

en plein jour, en plein soleil, d'une révolution encore plongée dans les ténèbres, mais qui vient. Autrefois, le<br />

pauvre coudoyait 6 le riche, ce spectre rencontrait cette gloire : mais on ne se regardait pas. On passait. Cela<br />

pouvait durer ainsi longtemps. Du moment où cet homme s'aperçoit que cette femme existe, tandis que cette<br />

femme ne s'aperçoit pas que cet homme est là, la catastrophe est inévitable.<br />

1. 22 février 1846, <strong>de</strong>ux ans avant les émeutes <strong>de</strong> 1848 qui entraîneront l'abdication du roi Louis-Philippe<br />

2. Chambre <strong><strong>de</strong>s</strong> Pairs : désigne la Haute Assemblée législative dont Victor Hugo était membre<br />

3. Berline armoriée : voiture à chevaux sur laquelle sont peints les emblèmes d'une famille noble<br />

4. Couronne ducale : cet emblème signale que la passagère est une duchesse<br />

5. Damas bouton d'or : étoffe précieuse <strong>de</strong> couleur jaune<br />

6. Coudoyer : côtoyer<br />

Dossier pédagogique : <strong>Jacob</strong> <strong>Riis</strong>, collection du Museum of the City of New York (12 <strong>novembre</strong> 20<strong>09</strong> – 25 janvier 2010) 18

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