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Gravures Un voyage dans l'Europe des XVIIe et XVIIIe siècles

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Les dossiers pédagogiques<br />

du Service éducatif<br />

<strong>Gravures</strong><br />

<strong>Un</strong> <strong>voyage</strong> <strong>dans</strong> <strong>l'Europe</strong><br />

<strong>des</strong> XVII e <strong>et</strong> XVIII e <strong>siècles</strong><br />

Choix de gravures de la collection Mancel<br />

Dossier réalisé par les professeurs relais du Service éducatif : Annick Polin, professeur<br />

relais L<strong>et</strong>tres, Gérard de Foresta, professeur relais Arts plastiques, Françoise Guitard,<br />

professeur relais Histoire, Jean-Marc Léger, professeur relais 1 er degré.<br />

Disciplines concernées : Histoire, L<strong>et</strong>tres, Histoire <strong>des</strong> Arts<br />

Niveaux : Primaire - Collège - Lycée


Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

A. L’exposition : une sélection de gravures invitant au<br />

<strong>voyage</strong> <strong>dans</strong> <strong>l'Europe</strong> <strong>des</strong> XVII eme <strong>et</strong> XVIII eme <strong>siècles</strong>.<br />

Les graveurs se sont tôt attachés à représenter les lieux <strong>et</strong> les édifices prestigieux du monde occidental. Aux<br />

XVII e <strong>et</strong> XVIII e <strong>siècles</strong>, de longues séries d'images sont ainsi imprimées <strong>dans</strong> un but souvent didactique, dressant<br />

l'inventaire <strong>des</strong> ruines romaines les plus illustres ou montrant les châteaux royaux de France <strong>et</strong> les plus fameuses<br />

villas de Toscane.<br />

S'animant sous la pointe d'un Jacques Callot ou d'un Israël Silvestre d'une foule de personnages, la vue urbaine<br />

constitue alors un genre en soi, œuvre d'art autant que document précieux sur l'architecture <strong>et</strong> les mœurs. Avec<br />

Piranèse l'illustration archéologique se fait à la fois exacte <strong>et</strong> visionnaire tandis que l'anglais Stadler magnifie en<br />

les relevant d'aquatinte les principaux monuments londoniens.<br />

Assortis parfois de cartes <strong>et</strong> de plans, plusieurs albums du fonds Mancel déclinent ainsi à l'envi <strong>des</strong> vues de<br />

Paris, de Versailles, de Venise, de Florence mais aussi de Stockholm ou d'Amsterdam, quelques unes <strong>des</strong> cités<br />

phares de <strong>l'Europe</strong> aux XVII e <strong>et</strong> XVIII e <strong>siècles</strong>.<br />

Pistes pédagogiques<br />

1 er degré<br />

- Les techniques de la gravure <strong>et</strong> un exemple de gravure facile à faire en classe : le « <strong>des</strong>sin-empreinte ».<br />

- Les gravures de la collection Mancel : une invitation au <strong>voyage</strong> (applications en Histoire – Géographie)<br />

- La gravure, un moyen de diffusion, avant la photographie<br />

2 d degré<br />

- les techniques de la gravure (la gravure en creux, la taille douce, la gravure sur cuivre, le burin, l’eau<br />

forte, notion de gravure, épreuve, estampe…)<br />

- la gravure, mode de reproduction <strong>et</strong> de diffusion<br />

- la fonction sociale <strong>et</strong> politique de la gravure<br />

- le trait<br />

- les artistes <strong>voyage</strong>urs <strong>et</strong> le carn<strong>et</strong> de <strong>voyage</strong> / inventaire "touristique" / "Grand Tour" <strong>des</strong> villes<br />

d'Europe / découverte de Rome <strong>et</strong> de ses monuments (pour les professeurs de langues anciennes) / vues<br />

de Venise « vedutta »<br />

- Architecture, urbanisme / perspective <strong>et</strong> panorama (co<strong>des</strong> <strong>et</strong> composition)<br />

- L'esprit <strong>des</strong> Lumières (textes en écho), <strong>et</strong>c…<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 2


Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

B. Rappel : <strong>des</strong> gravures issues de la collection Bernard<br />

Mancel<br />

1. Bernard Mancel, un généreux donateur<br />

Bernard Mancel naît le 6 janvier 1798, d’un père boulanger. Il a la passion <strong>des</strong> livres <strong>et</strong> à 18 ans s’associe avec le<br />

libraire Augustin Clérisse.<br />

<strong>Un</strong> libraire plongé <strong>dans</strong> la vie littéraire caennaise du XIX ème siècle<br />

En 1820, il obtient son brev<strong>et</strong> de libraire <strong>et</strong> crée sa propre maison au 87 de la rue Saint Jean à Caen, puis en<br />

1829, au 66 de la même rue. Il se lance <strong>dans</strong> l’édition d’ouvrages d’intérêt local : poésie de Malfilâtre, histoire <strong>des</strong><br />

ducs de Normandie, de Guillaume de Jumièges, vie de Guillaume le Conquérant, de Guillaume de Poitiers,<br />

histoire de la Normandie d’Orderic, Vital, en quatre volumes. Il est éditeur de la Société <strong>des</strong> Antiquaires de<br />

Normandie, de l’historien caennais l’Abbé de la Rue, doyen de la faculté <strong>des</strong> Arts <strong>et</strong> membres de l’Académie <strong>des</strong><br />

Arts <strong>et</strong> Belles L<strong>et</strong>tres de Caen. Il publie en 1834 «Essais historiques sur les bar<strong>des</strong>, les jongleurs <strong>et</strong> les trouvères<br />

Normands <strong>et</strong> Anglo-Normands». Grâce à son ami Guillaume Stanislas Trébutien (homme de l<strong>et</strong>tres, orientaliste,<br />

libraire <strong>et</strong> conservateur-adjoint de la Bibliothèque de Caen), il publie en 1845 «Du dandysme <strong>et</strong> de Georges<br />

Brummel» de Jules Barbey d’Aurevilly <strong>et</strong> «Le dictionnaire du patois normand» d’Edelestand du Méril.<br />

En 1850, il abandonne son commerce <strong>et</strong> s’installe au 14 de la rue de l’Engannerie. Il se consacre alors à ses<br />

collections <strong>et</strong> fait de nombreux <strong>voyage</strong>s entre 1830 <strong>et</strong> 1840.<br />

<strong>Un</strong> amateur d’art à la tête d’une superbe collection.<br />

En 1844, se tient à Rome la vente <strong>des</strong> collections du cardinal Fesch, oncle de Napoléon I er , grand amateur d’art.<br />

Joseph Fesch<br />

Oncle maternel de Napoléon I er , archevêque de Lyon en 1802, cardinal en 1803, ambassadeur<br />

à Rome de 1804 à 1806.<br />

Quitte Lyon à la chute de l’Empire pour se consacrer aux arts <strong>et</strong> aux l<strong>et</strong>tres à Rome <strong>et</strong> réunit à<br />

partir de 1815, <strong>dans</strong> son Palazzo Falconieri, via Giulia, un véritable musée.<br />

Décède en mai 1839.<br />

L’inventaire après décès conservé à l’Archivia di Stato à Rome, donne une liste<br />

impressionnante de tableaux à l’unité ou par lots : sont recensés 17 626 obj<strong>et</strong>s <strong>et</strong> près de<br />

16 000 tableaux.<br />

«... <strong>Un</strong> libraire caennais achète pour 11 000 F, 40 000 estampes de toutes les écoles<br />

réunies par le Cardinal Fesch en 300 portefeuilles...».<br />

Article de 1844 du "Cabin<strong>et</strong> de l’amateur <strong>et</strong> de l’antiquaire».<br />

En 1845, Mancel est de nouveau à Rome pour la troisième vente Fesch. Il achète <strong>des</strong> peintures, notamment «Le<br />

Porc éventé» d’Adrian van Ostade, «St Sébastien <strong>et</strong> st Georges» de Pierre Paul Rubens, «Intérieur d’église»<br />

d’Hendrick van Steenwick, « St Jacques» de Cosmè Tura, «Nature morte de fleurs <strong>et</strong> d’insectes» de Jacob van<br />

Walscapelle, «La Vierge <strong>et</strong> l’Enfant» de Rogier van der Weyden…<br />

<strong>Un</strong> formidable legs pour la ville de Caen<br />

Bernard Mancel rédige quatre testaments entre 1863 <strong>et</strong> 1870. En 1870, <strong>dans</strong> son quatrième testament il lègue<br />

tous ses biens à la ville (Mancel célibataire avait trois soeurs, l’une veuve <strong>et</strong> les deux autres célibataires). Il<br />

décède le 25 mai 1872. Par délibération municipale de 28 juin 1872, ratifiée le 4 février 1874 par le ministre de<br />

l’intérieur Mac Mahon, la ville de Caen accepte le legs.<br />

La collection Mancel<br />

En mai 1875, la Galerie Mancel, installée <strong>dans</strong> l’Hôtel de Ville, est ouverte au public. Dans trois salles de l’ancien<br />

couvent <strong>des</strong> Eudistes, place de la République sont présentés 60 tableaux, 40 000 gravures, 300 manuscrits,<br />

2 000 livres imprimés, <strong>des</strong> obj<strong>et</strong>s d’art, meubles, faïences <strong>et</strong> porcelaines.<br />

En 1940, pour la protéger <strong>des</strong> risques de la seconde Guerre Mondiale, la collection est dispersée (les tableaux<br />

sont emmenés à Juaye Mondaye <strong>et</strong> près de Vire avec ceux du musée, les gravures sont remisées <strong>dans</strong> une tour<br />

de l’Abbaye aux Hommes, les livres <strong>et</strong> manuscrits confiés aux archives du département). Les obj<strong>et</strong>s d’art, restés<br />

pour la plupart à l’Hôtel de Ville, disparurent lors du bombardement.<br />

En 1970, la collection trouve sa place <strong>dans</strong> le musée <strong>des</strong> Beaux-Arts nouvellement construit <strong>dans</strong> l’enceinte du<br />

château de Caen. En juin 1972, le musée organise une exposition «Hommage à Bernard Mancel».<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 3


2. La collection Mancel<br />

Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

La collection de gravures du musée se compose aujourd’hui du legs Bernard Mancel (provenant pour l’essentiel<br />

de la vente de la collection du Cardinal Fesch) qui constitue le cœur de la collection <strong>et</strong> auquel s’ajoutent <strong>des</strong> dons<br />

postérieurs (Albums Buhot, gravures rassemblées <strong>dans</strong> un but iconographique, fonds Gombeaux pour<br />

l’iconographie locale, don Delâtre, legs Jardin, achats de la commission Mancel <strong>et</strong> du musée).<br />

La collection couvre la production graphique <strong>des</strong> pays européens du XVI ème au début du XIX ème siècle.<br />

Elle contient 492 volumes <strong>et</strong> 50 245 estampes :<br />

- 190 pour les Français (Ecole de Fontainebleau, Callot, Nanteuil, Bourdon, Mellan, Demarteau,<br />

Moreau le Jeune, caricatures de la Révolution, Daumier, Boilly, Garvarni)<br />

- 99 pour les Allemands, Flamands <strong>et</strong> Hollandais (Aldegrever, Altdorfer, Dürer, Brueghel, Lucas de<br />

Leyde, Cock, Goltzius, Rembrandt)<br />

- 88 pour les Italiens (Mantegna, Raimondi, Roberta, Tempesta, Della Bella, Tiepolo, Piranèse...)<br />

- 22 pour les Anglais (Gravure dite de manière noire <strong>et</strong> portrait) <strong>et</strong> Espagnols (Goya <strong>et</strong> Ribera)<br />

Dans le fonds Mancel cohabitent :<br />

- les oeuvres originales <strong>des</strong> grands peintres-graveurs <strong>et</strong> graveurs : Dürer, Callot, Rembrandt, Hollar,<br />

Goya...<br />

- les oeuvres d’interprétation d’après Rubens, Carrache, Le Guerchin, Raphaël, Titien, Van Dyck,<br />

Poussin, Champaigne... (Le cardinal Fesch, ayant été un collectionneur de tableaux plus qu’un<br />

amateur d’estampes, la collection accorde une grande importance à la gravure de reproduction, en<br />

nombre plus important que la gravure originale) ;<br />

- <strong>des</strong> volumes formant un tout homogène par exemple la Galerie Farnèse d’après Carrache, les<br />

Batailles d’après Van der Meulen ;<br />

- <strong>des</strong> recueils de portraits, de vues topographiques, <strong>des</strong> scènes de batailles, de costumes, de fastes<br />

royaux, d’ornements...<br />

Diverses techniques y sont représentées :<br />

- bois,<br />

- burin,<br />

- eau-forte,<br />

- manière noire,<br />

- manière de crayon.<br />

Les gravures sont soit collées <strong>dans</strong> <strong>des</strong> albums soit isolées <strong>et</strong> contre-collées.<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 4


C. Les techniques de la gravure<br />

Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

Il est peu d'obj<strong>et</strong>s d'art qui soient aussi complexes que la gravure. D'une part, la fabrication mécanique s'ajoute à<br />

la création de l'artiste; d'autre part, la gravure peut être à la fois une œuvre d'art originale <strong>et</strong>, du fait de sa<br />

reproduction à de multiples exemplaires, un moyen de communication de masse. Par conséquent, elle s'adresse<br />

autant à l'esthète qu'au grand public. Dans c<strong>et</strong>te production qui, comprise au sens large, va de la photo de journal<br />

à l'estampe d'artiste, il faut évidemment faire <strong>des</strong> distinctions. L'estampe se situe souvent aux confins de l'oeuvre<br />

d'art; or, bien peu d'images gravées méritent ce titre. On ne peut cependant trouver aucune définition objective<br />

qui soit exhaustive. Le fait qu'il y ait toujours eu <strong>des</strong> restrictions quant à l'appartenance de la gravure à ce qu'on<br />

nomme « le grand art » oblige à se demander <strong>dans</strong> quelle mesure la gravure répond à la définition actuelle de<br />

l'art. Les premières gravures furent produites pour populariser les œuvres d'art; il est certain aussi que ce<br />

procédé a donné naissance à un nouvel art original. Il faut donc saisir à différents niveaux le rapport de la<br />

fonction utilitaire de la gravure à sa fonction esthétique sous ses divers aspects (commercial, social, sémantique<br />

<strong>et</strong> technique).<br />

Née avec la Renaissance, la gravure s'est surtout affirmée comme l'art de la bourgeoisie dont elle diffuse les<br />

genres <strong>et</strong> les thèmes, entre l'art aristocratique <strong>et</strong> l'art populaire. Pour l'artiste, elle dépasse de beaucoup ce cadre;<br />

elle est un moyen d'expression riche qui a pu satisfaire à tous les styles, encore utilisé largement par les écoles<br />

d'avant-garde.<br />

(…)<br />

D'un point de vue technique, on peut ainsi définir la gravure : après avoir entaillé une plaque de métal ou de bois<br />

on obtient un <strong>des</strong>sin gravé qui, encré <strong>et</strong> passé sous la presse, peut être reproduit, à l'envers, sur un support. Or, il<br />

est impossible actuellement de limiter la gravure à c<strong>et</strong>te définition. La possibilité de reproduction est, à l'origine, le<br />

fait essentiel de la gravure, de là ses grandeurs <strong>et</strong> ses misères.<br />

(…) La reproduction n'est pas toujours le principal attrait de la gravure. Ceux-ci trouvent en elle un langage plus<br />

puissant que celui du simple <strong>des</strong>sin <strong>et</strong> ses qualités plastiques déterminent souvent seules leurs essais <strong>dans</strong> c<strong>et</strong><br />

art.<br />

1. Évolution technique de l'estampe en Occident : du criblé à la sérigraphie<br />

Tout a son importance <strong>dans</strong> la réalisation d'une estampe, jusqu'à la presse, l'encre ou le papier utilisés. Pourtant<br />

on définit généralement une estampe par le seul élément d'impression - gravure sur bois, sur métal (cuivre, zinc,<br />

acier) ou sur pierre (lithographie) - ou par la technique utilisée pour tracer sur c<strong>et</strong> élément le <strong>des</strong>sin que l'on veut<br />

reproduire : on parlera alors d'un bois de fil ou d'un bois de bout, d'un burin, d'une eau-forte, d'une pointe sèche,<br />

d'une aquatinte ou d'un vernis mou, d'une autographie, d'une lithographie à la plume ou au pinceau. La<br />

multiplicité <strong>des</strong> techniques de l'estampe a de quoi dérouter l'amateur. Elles sont pourtant le refl<strong>et</strong> d'une pratique à<br />

la fois empirique <strong>et</strong> rationnelle, individuelle <strong>et</strong> collective, artisanale sous certains aspects, presque industrielle par<br />

d'autres. Résultant de lentes mutations ou au contraire d'innovations ponctuelles aux conséquences parfois<br />

considérables, les progrès techniques de la gravure ont toujours répondu à une demande, demande d'images<br />

plus lisibles, plus nombreuses ou simplement plus belles. R<strong>et</strong>racer leur évolution n'est pas simplement introduire<br />

à une meilleure appréciation du travail du graveur: c'est en réalité r<strong>et</strong>racer un pan de l'histoire du goût.<br />

La gravure en relief<br />

Les premières gravures occidentales apparaissent <strong>dans</strong> les derniers <strong>siècles</strong> du Moyen Âge. Ce sont <strong>des</strong> gravures<br />

sur bois, matière première peu coûteuse, facile à trouver <strong>et</strong> à travailler. Le procédé repose sur l'impression d'un<br />

<strong>des</strong>sin en relief : le graveur en dégage les lignes à l'aide de gouges <strong>et</strong> de ciseaux. La planche est ensuite encrée,<br />

la presse utilisée étant analogue à la presse typographique. Aussi la gravure sur bois se distingue-t-elle par<br />

l'uniformité de ses noirs, sans nuances, qui présentent partout la même intensité, à la manière d'une page<br />

imprimée. Elle se caractérise aussi par un <strong>des</strong>sin forcément linéaire. Très tôt, les gravures sur bois ont été <strong>des</strong><br />

oeuvres collectives, l'auteur de la composition n'étant pas forcément celui de la gravure proprement dite. Très tôt<br />

aussi, les graveurs sur bois ont été proches <strong>des</strong> métiers de l'imprimerie (pourtant d'un siècle <strong>et</strong> demi postérieure),<br />

<strong>dans</strong> un milieu assez clos sur lui-même, distinct <strong>et</strong> séparé de celui <strong>des</strong> graveurs en taille-douce, ce qu'expliquent<br />

évidemment l'analogie <strong>des</strong> principes <strong>et</strong> l'usage du même matériel. Les uns comme l'autre évoluèrent assez peu<br />

pendant trois <strong>siècles</strong>, seules l'habil<strong>et</strong>é manuelle <strong>et</strong> une virtuosité accrue faisant la différence. En réalité, la<br />

gravure sur bois apparaissait comme un art relativement mineur vers 1750, confiné aux affiches <strong>et</strong> à l'imagerie<br />

populaire, aux reproductions à bon marché <strong>et</strong> aux illustrations courantes ou décoratives.<br />

Survint alors un progrès considérable, le bois de bout, qui allait complètement la relancer. Jusque-là, on utilisait<br />

<strong>des</strong> planches prises <strong>dans</strong> le fil du bois. En les formant de carrés pris <strong>dans</strong> le coeur d'arbres très résistants comme<br />

le buis, assemblés ensuite pour former de plus gran<strong>des</strong> surfaces, on put désormais obtenir <strong>des</strong> planches<br />

beaucoup plus résistantes, qui perm<strong>et</strong>taient en outre <strong>des</strong> travaux d'une grande finesse, équivalente à celle de la<br />

gravure en taille-douce. Le bois de bout résulte davantage d'une lente innovation, poursuivie tout au long du<br />

XVllle siècle, que d'une invention précisément datée. (…) C<strong>et</strong>te nouvelle technique assura le renouveau <strong>et</strong> la<br />

formidable expansion de la gravure sur bois tout au long du XIXe siècle. Ni les principes ni la technique de la<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 5


Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

gravure en relief n'ont fondamentalement changé depuis lors, à l'exception de l'introduction de nouveaux<br />

matériaux pouvant remplacer le bois, en particulier le linoléum (on parle alors de linogravure).<br />

Le métal avait parfois été employé en remplacement du bois, essentiellement pour la gravure d'ornementation. La<br />

seconde moitié du XVe siècle a vu également fleurir, en France <strong>et</strong> en Allemagne, une technique de gravure sur<br />

métal très spécifique, le criblé, où le relief est cassé par une multitude de p<strong>et</strong>ites bosses obtenues en le<br />

martelant. II en ressort un noir uniforme tach<strong>et</strong>é de points blancs. II faut attendre le cas de William Blake (1757-<br />

1827), exceptionnel <strong>et</strong> sans lendemain (ses procédés, uniques, ne sont pas encore tous élucidés), pour r<strong>et</strong>rouver<br />

une gravure en relief sur métal d'une réelle valeur.<br />

La gravure en creux : le trait<br />

Comme le bois est le médium privilégié de la gravure en relief, le métal est celui de la gravure en creux ou<br />

gravure en taille-douce, du nom de la presse utilisée. Le <strong>des</strong>sin est gravé en creux sur la plaque, d'un trait plus<br />

ou moins large <strong>et</strong> plus ou moins profond qui donnera, à l'impression, <strong>des</strong> tonalités de noir différentes. <strong>Un</strong>e fois le<br />

travail de gravure achevé, on encre la plaque en passant <strong>des</strong>sus une couche uniforme, avant de l'essuyer<br />

soigneusement. L'encre ne reste plus que <strong>dans</strong> le creux du <strong>des</strong>sin. La plaque est alors fixée sur le plateau de la<br />

presse, <strong>et</strong> l'on pose <strong>des</strong>sus une feuille de papier humidifiée, le tout étant recouvert de tissu afin d'atténuer la<br />

pression, très forte, qui s'exerce lorsqu'on fait passer le plateau entre deux rouleaux resserrés entraînant<br />

l'impression du <strong>des</strong>sin encré de la plaque sur la feuille. <strong>Un</strong>e dépression correspondant à la plaque, la cuv<strong>et</strong>te,<br />

caractéristique de l'impression en taille-douce, se forme sur la feuille (dite épreuve après impression). Le rôle de<br />

l'imprimeur est donc essentiel <strong>dans</strong> la création d'une estampe en taille-douce, non seulement <strong>dans</strong> te choix, mais<br />

aussi <strong>dans</strong> le dosage <strong>des</strong> matériaux. On peut ainsi essuyer imparfaitement une planche <strong>et</strong> obtenir <strong>des</strong> eff<strong>et</strong>s<br />

d'encrage particuliers. Le travail est d'ailleurs parfois réparti entre plusieurs spécialistes, qui se partagent<br />

l'encrage, la mise en place de la plaque <strong>et</strong> du papier sur la presse, l'impression, le séchage <strong>et</strong> la découpe<br />

éventuelle <strong>des</strong> épreuves.<br />

Dans l'estampe en creux, le <strong>des</strong>sin n'a été <strong>dans</strong> un premier temps qu'exécuté au trait, obtenu par une attaque<br />

directe ou indirecte de la plaque, généralement du cuivre. On utilise <strong>dans</strong> le premier cas un burin, pointe de métal<br />

taillée en losange, le copeau dégagé étant ensuite enlevé (ou « ébarbé »). Dans le second, la gravure est<br />

mécanique <strong>et</strong> provoquée par le passage de la planche <strong>dans</strong> un bain d'acide, aqua fortis en latin, qui a donné le<br />

terme d'eau-forte. La planche est d'abord recouverte d'une couche de vernis protecteur, résistant à l'acide. Le<br />

graveur <strong>des</strong>sine à la pointe le <strong>des</strong>sin sur le vernis, ce qui laisse apparaître le cuivre. L'acide creusera te métal là<br />

où il a été dégagé. Le vernis enlevé, la plaque présente un <strong>des</strong>sin en creux, différent toutefois <strong>dans</strong> sa<br />

configuration microscopique de celle, beaucoup plus n<strong>et</strong>te, d'un trait au burin. L'apprentissage de celui-ci est long<br />

<strong>et</strong> délicat, le buriniste, à l'habil<strong>et</strong>é <strong>et</strong> à la technicité reconnue, n'est souvent l'homme que de son seul métier. II en<br />

va différemment de l'aquafortiste, le <strong>des</strong>sin à la pointe sur le vernis ne requérant pas une très longue formation.<br />

Aussi, jusqu'au XIXe siècle, le burin a-t-il été généralement l'affaire de spécialistes (avec <strong>des</strong> connexions <strong>dans</strong> le<br />

milieu <strong>des</strong> orfèvres), <strong>et</strong> l'eau-forte le procédé privilégié par les peintres graveurs, comme Rembrandt. Les<br />

premières gravures sur métal, <strong>des</strong> burins, ont été imprimées en Allemagne peu avant le milieu du XVe siècle,<br />

avant que la technique ne se répande rapidement <strong>dans</strong> toute <strong>l'Europe</strong>. L'attaque par l'acide, d'abord employée<br />

pour la décoration <strong>des</strong> armures, ne trouva son application <strong>dans</strong> l'estampe que plus tard, l'eau-forte la plus<br />

ancienne précisément attestée, due à Urs Graf, datant de 1513. Travail au burin <strong>et</strong> eau-forte furent les seules<br />

techniques de gravure en taille-douce pratiquées durant la Renaissance, avec ta pointe sèche, variante du burin<br />

où for emploie une fine pointe d'acier qui incise à peine le métal, <strong>et</strong> où on laisse de chaque côté du trait les fines<br />

griffures de métal ainsi produites. L'encre se fixe <strong>dans</strong> ces barbes, <strong>et</strong> ron obtient ainsi une impression de velouté,<br />

malheureusement limitée à quelques épreuves, te passage sous la presse finissant par les écraser. Remarquons<br />

que tous ces procédés, comme ceux dont il va être question, peuvent être employés de façon concomitante sur<br />

une même plaque.<br />

La gravure en creux : la teinte<br />

Dans tous les cas, le graveur ne <strong>des</strong>sine que <strong>des</strong> traits. Aussi rechercha-t-on d'autres techniques pour obtenir<br />

<strong>des</strong> eff<strong>et</strong>s de teinte dès le XVlle siècle, la plupart <strong>des</strong> procédés n'étant cependant mis au point <strong>et</strong> abondamment<br />

pratiqués qu'au XVllle. Le premier d'entre eux, la manière noire ou mezzotinte, fut inventé par un Allemand,<br />

Ludwig von Siegen, en 1642, perfectionné peu après puis diffusé par le prince Rupert de Nassau. Le graveur<br />

prépare sa plaque en la quadrillant de lignes constituées de grains réguliers au moyen d'un outil spécial, le<br />

berceau. Si on tirait alors une épreuve de la planche, elle présenterait une surface d'un noir uniforme, dont la<br />

qualité dépend de celle du grainage initial. C'est de ce noir que le graveur obtient ensuite son suj<strong>et</strong>, en dégageant<br />

progressivement, avec <strong>des</strong> instruments adaptés, les blancs <strong>et</strong> les gris à partir du noir. Il inverse donc le schéma<br />

habituel de l'estampe en taille-douce, qui consiste au contraire à dégager le noir du blanc. La mezzotinte devint<br />

rapidement une spécialité britannique (on pariait couramment de « manières anglaises ») <strong>et</strong> resta, pendant près<br />

d'un siècle, le seul procédé de teinte, avant d'être concurrencée par l'aquatinte, la gravure au pointillé <strong>et</strong> les<br />

différents procédés d'imitation du <strong>des</strong>sin. L'aquatinte, variante de l'eau-forte, attestée au <strong>XVIIe</strong> siècle, n'a été en<br />

réalité exercée qu'après sa « réinvention », en 1768. (…) On emploie, en guise de vernis, <strong>des</strong> grains de résine,<br />

résistant eux aussi à l'acide, que l'on fait adhérer à la plaque par chauffage. L'acide creuse le métal autour de<br />

chaque grain, l'eff<strong>et</strong> produit à l'impression étant analogue à celui d'un lavis uniforme. II est possible d'en varier la<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 6


Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

teinte par la grosseur <strong>des</strong> grains utilisés, non d'obtenir un trait. Dans la manière de crayon, inventée en 1757 par<br />

le Français Jean Charles François (1717-1769), <strong>et</strong> développée par ses compatriotes Gilles Demarteau (1722-<br />

1776) <strong>et</strong> Louis-Marin Bonn<strong>et</strong> (1736-1793), on attaque le vernis avec <strong>des</strong> outils particuliers, tige à trois pointes,<br />

roul<strong>et</strong>te dentelée, matoir. L'imitation d'une sanguine ou d'un pastel est réalisée à l'impression grâce à l'emploi<br />

d'encres de couleur <strong>et</strong> de papiers ad hoc. II est parfaitement possible d'attaquer directement le métal : on parie<br />

alors simplement de roul<strong>et</strong>te, de gravures « aux outils », ou de pointillé lorsque le graveur se contente d'inciser la<br />

plaque au moyen d'un cisel<strong>et</strong>, pointe longue <strong>et</strong> très finement aiguisée, multipliant les points plus ou moins serrés<br />

afin d'obtenir, par leur accumulation, <strong>des</strong> teintes plus ou moins sombres. Le vernis-mou, dont il existe <strong>des</strong><br />

exemples datés de 1640-1650, fut lui aussi « réinventé », probablement par François, <strong>dans</strong> la suite de ses<br />

précédentes expérimentations. Le vernis passé sur la plaque est rendu plus mou par l'adjonction de suif, <strong>et</strong> le<br />

graveur fixe <strong>des</strong>sus une feuille de papier. Il <strong>des</strong>sine, le vernis adhérant à la feuille à l'endroit du <strong>des</strong>sin. Lorsqu'il<br />

enlève la feuille, le vernis se détache en partie, la morsure de l'eau-forte, irrégulière, donnant un trait qui, à<br />

l'impression, imitera celui d'un crayon. II n'y eut plus, par la suite, d'innovations techniques majeures, sinon le<br />

perfectionnement <strong>des</strong> presses, <strong>et</strong> surtout la possibilité d'utiliser de nouveaux métaux pour les plaques, plus<br />

résistants que le cuivre, en particulier l'acier, perm<strong>et</strong>tant ainsi <strong>des</strong> tirages beaucoup plus importants. La gravure<br />

en taille-douce, comme la gravure en relief, avait pratiquement atteint sa maturité au début du XIXe siècle. (…)<br />

La couleur<br />

Dés l'origine, certaines estampes étaient coloriées à la main. La recherche d'une impression en couleurs s'étend<br />

à tous les procédés. A la fin du XVe siècle on imprimait ainsi <strong>des</strong> gravures sur bois en plusieurs couleurs, grâce à<br />

l'emploi de planches différentes, chacune déposant une couleur uniforme sur une même épreuve au fil de<br />

passages successifs sous la presse (on parie alors d'impressions en camaïeu). En ce qui concerne la gravure en<br />

taille-douce, deux techniques, après divers essais, furent parallèlement expérimentées puis pratiquées au XVllle<br />

siècle. La première, inventée vers 1710 par Jacob Christoph Le Blon (1667-1741), m<strong>et</strong> en oeuvre la théorie<br />

newtonienne de la couleur. <strong>Un</strong>e même épreuve est imprimée par une suite de plaques encrées de couleurs<br />

primaires qui se mélangent les unes les autres. Dans la seconde, on encre une seule plaque avec les différentes<br />

couleurs, en utilisant une boule de chiffons au bout d'un bâtonn<strong>et</strong>, la poupée, d'où le nom d'encrage à la poupée,<br />

la méthode de Le Blon étant pour sa part quelquefois appelée « au repérage », puisque l'imprimeur doit indiquer<br />

<strong>des</strong> repères sur l'épreuve afin de bien superposer les différentes plaques. (…)<br />

2. La gravure, mode de reproduction ou mode d'expression<br />

La gravure n'est pas née de volontés esthétiques mais de la nécessité pratique de multiplier les images, <strong>dans</strong> ce<br />

même mouvement qui assurait la diffusion <strong>des</strong> textes par l'imprimerie. Sur ces origines très obscures on ne peut<br />

faire que <strong>des</strong> hypothèses. A la fin du XIVe siècle, les gravures sur bois, ou xylographies, faisaient l'obj<strong>et</strong> d'un<br />

commerce de colportage, en particulier <strong>dans</strong> les lieux de pèlerinage. Le graveur était sans doute aussi imprimeur<br />

<strong>et</strong> vendeur, <strong>et</strong> son principal souci devait être lucratif.<br />

La vallée du haut Rhin au XVe siècle, Anvers au XVIe, la rue Saint-Jacques à Paris furent les grands centres de<br />

diffusion de ces gravures d'un maigre intérêt artistique. Ces gravures commerciales n'ont jamais été le refl<strong>et</strong> d'un<br />

art vraiment populaire, car les éditeurs, groupés en familles <strong>et</strong> en quartiers, diffusaient les thèmes les plus<br />

rentables, à partir souvent de la mode parisienne.<br />

Le plus notable eff<strong>et</strong> de ce commerce fut de faire circuler <strong>dans</strong> toute (Europe certains thèmes <strong>et</strong> motifs. Les<br />

mêmes vign<strong>et</strong>tes typographiques illustraient les premiers livres <strong>des</strong> éditeurs flamands, allemands ou italiens ;<br />

elles étaient, en outre, interchangeables. Au XIXe siècle encore, <strong>des</strong> gravures changeaient de titre selon<br />

l'actualité. Ainsi apparaît l'un <strong>des</strong> traits essentiels de la gravure : sa mobilité. Ce commerce international de la<br />

gravure, qui fut sa première raison d'être, permit la diffusion <strong>des</strong> thèmes plastiques de la Renaissance, les<br />

échanges entre l'art du Nord <strong>et</strong> l'art italien.<br />

On a peine à imaginer aujourd'hui l'importance de la gravure pour la diffusion <strong>des</strong> oeuvres d'art, <strong>dans</strong> un monde<br />

qui ne connaissait ni les musées ni la photographie. C'est ce désir de diffusion <strong>des</strong> oeuvres qui suscita les<br />

premières gravures florentines sur métal. La tradition attribue à l'orfèvre Maso Finiguerra (1426-1464) l'idée<br />

d'encrer ses plaques incisées <strong>des</strong>tinées à l'origine à faire <strong>des</strong> nielles, pour reproduire sur un papier le <strong>des</strong>sin de<br />

ses couvres. Ainsi pouvait-il contrôler son travail, <strong>et</strong> fournir à ses clients ou à ses élèves <strong>des</strong> échantillons de son<br />

style.<br />

Ce même désir de populariser leurs œuvres décida Andrea Mantegna, puis Raphaël, à utiliser la gravure qui<br />

apparaît ainsi comme indissolublement liée, <strong>dans</strong> son origine comme <strong>dans</strong> son principe, à l'éclosion d'un monde<br />

où l'oeuvre d'art conquiert son indépendance, déborde le cadre <strong>des</strong> cours féodales <strong>et</strong> entre <strong>dans</strong> le circuit du<br />

commerce international.<br />

Dès Mantegna, la gravure atteint à une qualité qui la situe d'emblée comme un art presque autonome de<br />

reproduction ; cependant elle assurera une fonction jusqu'à l'invention de la photographie en 1839 <strong>et</strong> la<br />

monopolisation du commerce de la peinture. Rubens, comme Raphaël, s'attacha <strong>des</strong> graveurs pour reproduire<br />

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Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

ses oeuvres, pratique qui augmentait le prestige <strong>des</strong> peintres. Le rapport de ces gravures à succès dépassait<br />

souvent celui <strong>des</strong> tableaux. Certains graveurs se disputaient l'exclusivité <strong>des</strong> reproductions <strong>des</strong> peintres en<br />

renom.<br />

Au XVllle siècle, les grands collectionneurs recouraient à la gravure pour faire reproduire leurs galeries, <strong>et</strong> la<br />

plupart <strong>des</strong> peintres cultivèrent ce commerce. Avec Chardin <strong>et</strong> Greuze, on multiplia même les rar<strong>et</strong>és capables<br />

de valoriser les gravures. Depuis ce temps on distingue, entre les « états », les épreuves avant <strong>et</strong> après la l<strong>et</strong>tre<br />

(la légende), les « remarques » (esquisses j<strong>et</strong>ées par le graveur sur la marge de sa plaque). La gravure acquiert<br />

ainsi peu à peu une valeur intrinsèque.<br />

Au XIXe siècle, la gravure est l'intermédiaire indispensable entre l'artiste <strong>et</strong> son client devenu anonyme. Entre la<br />

disparition du mécène <strong>et</strong> l'apparition du marchand, la gravure de reproduction joue un rôle considérable, parallèle<br />

à celui <strong>des</strong> Salons <strong>et</strong> <strong>des</strong> critiques d'art; les premiers marchands de tableaux font appel à elle pour illustrer leurs<br />

catalogues. L'importance du mécène <strong>dans</strong> le développement de l'estampe s'est affirmée pareillement au Japon<br />

où certaines gravures sont signées par l'amateur qui les a commandées avant de l'être par l'artiste.<br />

Ce rôle de la gravure, complément <strong>et</strong> support commercial de la peinture de cheval<strong>et</strong>, posa avec acuité le<br />

problème de la propriété artistique <strong>et</strong> inquiéta souvent les artistes. Déjà Dürer se plaignait d'être copié par l'Italien<br />

Marc-Antoine Raimondi <strong>et</strong> l'on raconte que Mantegna aurait assailli <strong>et</strong> laissé pour morts deux graveurs qui le<br />

copiaient outrageusement. C'est en Angl<strong>et</strong>erre que la loi protégea le mieux les artistes, pour <strong>des</strong> raisons<br />

strictement commerciales. En revanche, la Royal Academy n'adm<strong>et</strong>tait pas les graveurs en son sein, tandis qu'en<br />

France le graveur Robert Nanteuil avait obtenu de Louis XIV, pour ses confrères, un statut d'artistes libéraux qui<br />

leur perm<strong>et</strong>tait d'entrer à l'Académie, où ils étaient d'ailleurs assez souvent méprisés.<br />

L'invention de la photographie entraîna à long terme la disparition de la gravure de reproduction. Elle se<br />

transforma, avant de disparaître, en une gravure « d'interprétation », souvent à l'eau-forte. Cependant, la gravure<br />

était devenue depuis bien longtemps autre chose qu'un simple moyen de reproduction, <strong>et</strong> les peintres l'utilisaient<br />

de plus en plus comme un art original, à cause de la richesse de ses procédés. Si bien que pour l'artiste il y eut<br />

toujours deux genres de gravures: l'une, moyen de reproduction pratique <strong>et</strong> nécessaire, l'autre, moyen<br />

d'expression individuel non lié à la diffusion, tangage spécifique qu'ont utilisé, depuis le XVlle siècle, presque tous<br />

les peintres.<br />

Après la crise du milieu du XIXe siècle où la première formule fut condamnée, la seconde s'affirma avec plus<br />

d'ampleur pour créer ce qu'on a appelé le « renouveau de l'estampe originale ». La gravure est alors assimilée au<br />

tableau de cheval<strong>et</strong>, elle est avant tout une recherche d'artiste. Les tirages <strong>des</strong> épreuves sont limités, tous signés<br />

de l'artiste, vendus par de rares marchands à un p<strong>et</strong>it nombre de collectionneurs. Son prix, tout. en l'éloignant du<br />

grand public qui n'en connaît généralement que les formes industrielles, composées à partir de moyens<br />

photomécaniques, la rend abordable à une clientèle plus vaste que celle, réduite par la spéculation, <strong>des</strong> peintres<br />

de cheval<strong>et</strong>. La gravure proprement dite, apanage aujourd'hui <strong>des</strong> artistes, s'est libérée en même temps qu'eux<br />

de toutes ses servitu<strong>des</strong> sociales. Mais elle semble prisonnière de c<strong>et</strong>te liberté <strong>dans</strong> un monde submergé<br />

d'images d'où l'art est le plus souvent absent.<br />

3. Fonction sociale de la gravure<br />

Les procédés mécaniques qui entrent <strong>dans</strong> sa production n'ont jamais altéré le caractère magique de l'image.<br />

Son succès vient de ce qu'elle pouvait satisfaire, à l'échelle sociale, les différents besoins de représentation de la<br />

vie mythique.<br />

C<strong>et</strong>te fonction apparaît dès les premières xylographies, essentiellement <strong>des</strong> crucifix <strong>et</strong> <strong>des</strong> images pieuses, qui<br />

protégeaient leurs possesseurs. On garnissait de gravures, pour les mêmes raisons, l'intérieur de coffr<strong>et</strong>s, on en<br />

affichait au seuil <strong>des</strong> maisons ; les confréries faisaient graver leur saint patron, <strong>et</strong> les pèlerins se reconnaissaient<br />

aux « drapel<strong>et</strong>s » (p<strong>et</strong>its drapeaux imagés) qu'ils arboraient. La première fonction de la gravure fut donc de m<strong>et</strong>tre<br />

à la portée de tous <strong>des</strong> images religieuses de caractère prophylactique.<br />

Simultanément l'image gravée fut utilisée à <strong>des</strong> fins didactiques grâce aux almanachs <strong>et</strong> calendriers populaires;<br />

ce fut le début d'une fructueuse production de moyens éducatifs: jeux, calligraphies, estampes documentaires.<br />

L'art du graveur doit beaucoup à l'artisanat du cartier <strong>et</strong> du dominotier, qui fabriquent <strong>des</strong> cartes à jouer <strong>et</strong> <strong>des</strong><br />

motifs pour les papiers peints. L'un <strong>des</strong> premiers maîtres de la gravure sur métal est appelé à cause de ses<br />

œuvres « Maître <strong>des</strong> cartes à jouer », <strong>et</strong> l'une <strong>des</strong> premières séries de gravures italiennes fut longtemps appelée<br />

« tarots de Mantegna ».<br />

La gravure trouva <strong>dans</strong> le portrait un champ d'activité vaste <strong>et</strong> logique. Les plus anciens sont dus à Dürer <strong>et</strong> au<br />

Maître<br />

du cabin<strong>et</strong> d'Amsterdam. Les burinistes du XVlle siècle français en furent prodigues. Le portrait bon marché,<br />

réclamé par une nouvelle clientèle bourgeoise, fut répandu avant la photographie par <strong>des</strong> procédés tels que le «<br />

physionotrace ».<br />

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La puissance de l'image a fait de la gravure un instrument privilégié de propagande <strong>dans</strong> tous les domaines.<br />

François ler avait utilisé (affiche illustrée. Louis XIV chargea les graveurs de magnifier sa gloire <strong>dans</strong> <strong>des</strong> recueils<br />

qu'il rem<strong>et</strong>tait en présent aux ambassadeurs. On sait le rôle politique que joua la gravure sous la Révolution <strong>et</strong> la<br />

véritable guerre graphique que livrèrent les Anglais contre Napoléon ler. Napoléon III doit en grande partie aux<br />

estampes diffusées partout <strong>dans</strong> les campagnes la formation de la « légende napoléonienne » qui le porta au<br />

pouvoir.<br />

Les Jésuites utilisèrent largement la gravure pour conquérir la Flandre. De tout temps, mais plus particulièrement<br />

au <strong>XVIIIe</strong> siècle, on demanda à l'image d'édifier ou de stigmatiser. William Hogarth, en Angl<strong>et</strong>erre, fut le graveur<br />

le plus attaché à détruire par la caricature les vices de son temps. La droite conservatrice anglaise, avec Isaac<br />

Cruikshank (1756-1816), ou la gauche républicaine française, avec Honoré Daumier, eurent, grâce à la gravure,<br />

<strong>des</strong> armes redoutables. C'est pourquoi les images furent souvent l'obj<strong>et</strong> d'une censure plus stricte encore que<br />

celle de la presse écrite ; elles apparaissaient plus agressives <strong>et</strong> étaient considérées déjà comme une « voie de<br />

fait ». Rares furent les moments de liberté, en France au XIXe siècle, pour les caricaturistes <strong>des</strong> journaux.<br />

A l'époque industrielle, le commerce s'empara de l'image pour en faire l'instrument essentiel de la publicité. Dès<br />

le XVlle siècle, <strong>des</strong> gravures de mode étaient vendues pour divulguer les mo<strong>des</strong> de la Cour. Par l'image, on<br />

idéalise la condition féminine, on érige en critère le goût d'une classe. La gravure a été le plus efficace <strong>des</strong> mass<br />

media qui véhiculent les idéologies.<br />

Dans ce travail de propagande, l'information, longtemps dévolue à la gravure, n'était souvent qu'un prétexte. La<br />

gravure de mode ou de mœurs, illustrée par Abraham Bosse au XVlle siècle, est en fait une image embellie d'une<br />

société. On s'en rend mieux compte avec la gravure d'actualité pratiquée d'abord pour commémorer un<br />

événement important ou une fête brillante. L'apparition <strong>des</strong> premiers quotidiens illustrés, en 1830, lia toute une<br />

technique <strong>et</strong> un style à la reproduction <strong>des</strong> événements <strong>et</strong> <strong>des</strong> personnages du jour. II y eut, au XIXe siècle, <strong>des</strong><br />

artistes qu'on a justement appelés <strong>des</strong> « reporters-lithographes ».<br />

Dans certains domaines cependant, la gravure tend à faire œuvre objective, quoique la fantaisie de l'artiste ôte<br />

toute garantie scientifique aux informations données. C'est le cas <strong>des</strong> gravures topographiques - vues purement<br />

<strong>des</strong>criptives, paysages de fantaisie de la Venise du XVllle siècle, « vues d'optique » au charme naïf, ou «<br />

<strong>voyage</strong>s pittoresques » romantiques. Pour les archéologues, elles sont une source précieuse mais incertaine. Les<br />

cartographes sont aussi <strong>des</strong> graveurs <strong>et</strong> certains <strong>des</strong> plus anciens, comme Théodore de Bry (XVIe siècle), étaient<br />

en même temps <strong>des</strong> ornemanistes.<br />

La gravure quitte là le domaine de l'art pour pénétrer <strong>dans</strong> celui de l'information. Ce rôle lui a été repris par la<br />

photographie ; cependant, <strong>dans</strong> bien <strong>des</strong> cas, on peut préférer les informations données par le <strong>des</strong>sin à celles,<br />

apparemment plus rigoureuses, de la photo. Ainsi la gravure de mode a survécu longtemps à l'invention de la<br />

photographie <strong>et</strong> les couturiers préfèrent souvent un croquis expressif, m<strong>et</strong>tant mieux en valeur les détails du<br />

vêtement, à la photo, qui privilégie le mannequin.<br />

Aujourd'hui que la gravure s'est séparée <strong>des</strong> arts « utiles » pour devenir un art désintéressé, il s'en faut qu'on<br />

puisse lui dénier tout rôle social. Comme succédané de la peinture, elle a toujours signifié, <strong>dans</strong> te décor d'un<br />

salon ou les cartons d'un amateur, un certain niveau culturel. Le choix d'une gravure caractérise souvent une<br />

position sociale <strong>et</strong> intellectuelle, comme en témoignent les romanciers du XIXe siècle. Utilisée comme décor, la<br />

gravure manifeste encore l'appartenance à une classe, depuis les « chromos » accrochés <strong>dans</strong> les maisons<br />

simples, aux « posters » <strong>des</strong> chambres d'étudiants. Les « multiples » cherchent aujourd'hui à rendre à la gravure<br />

sa fonction décorative de qualité.<br />

Ce rôle social est proche du rôle décoratif. Plus que la peinture, lieu de recherches originales, la gravure a été<br />

souvent un art décoratif. Des motifs d'orfèvrerie ou <strong>des</strong> papiers peints, on tirait <strong>des</strong> obj<strong>et</strong>s décorés de toutes<br />

sortes, tels les recueils de motifs que publiaient les graveurs ornemanistes <strong>et</strong> où les artisans venaient puiser.<br />

L'école de Fontainebleau au XVIe siècle était essentiellement une école d'art décoratif cherchant à imposer en<br />

France les thèmes d& la Renaissance italienne.<br />

Mais parfois les artistes demandent leur inspiration aux gravures <strong>des</strong> autres pays <strong>et</strong> <strong>des</strong> autres époques. On sait<br />

l'influence <strong>des</strong> estampes japonaises sur les principaux peintres de la fin du XIXe siècle. II faut rappeler enfin le<br />

rôle essentiel que- joue la gravure <strong>dans</strong> ta création artistique elle-même. « <strong>Un</strong> peintre se nourrit de gravures », du<br />

moins était-ce la règle, laborieusement inculquée <strong>dans</strong> les ateliers.<br />

4. Langage <strong>et</strong> signification<br />

L'intérêt de la gravure <strong>et</strong> sa richesse viennent en grande partie de ce que ses fonctions utilitaires ne l'ont jamais<br />

empêchée d'être simultanément un art original <strong>et</strong> non fonctionnel. De là les insolubles querelles entre graveurs <strong>et</strong><br />

artistes, qui se reproduisirent en 1839 entre graveurs <strong>et</strong> photographes, pour savoir si la gravure appartient ou non<br />

à un art. C<strong>et</strong>te réticence vient surtout de la présence d'un élément mécanique qui entre <strong>dans</strong> la fabrication <strong>des</strong><br />

gravures <strong>et</strong> qui semble s'opposer à la notion de création individuelle. La fonction d'abord reproductrice de la<br />

gravure a trompé bien <strong>des</strong> esprits. En termes linguistiques, on a pu croire - l'intervention mécanique étant<br />

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surestimée - que la gravure n'avait d'autre possibilité que de produire un signe analogue au référent: c'était<br />

évidemment le cas <strong>des</strong> nielles où le motif d'orfèvrerie était rendu intact par le tirage sur papier. Dès que l'on quitte<br />

ces exemples grossiers, l'illusion devient évidente. Le référent ne se confondit pas longtemps avec le motif<br />

reproduit. Ainsi, une gravure de portrait ne reproduit pas que les traits d'un visage mais toute une personnalité<br />

avec ses caractères <strong>et</strong> ses goûts. L'art se situe entre le rendu exact du motif- qui est affaire de praticien ou de<br />

machine - <strong>et</strong> l'adjonction de notations discrètes. Pour rendre la complexité du référent, la reproduction doit<br />

dépasser de beaucoup le produit mécanique qui ne rend que le suj<strong>et</strong> « dénoté ». Pour ajouter à ce suj<strong>et</strong> neutre<br />

(de nature <strong>des</strong>criptive) les notations qui révéleront sa totalité expressive, le graveur-artiste doit avoir recours à<br />

une infinité d'artifices souvent indéfinissables (choix du suj<strong>et</strong>, échelle, composition, écriture, profondeur <strong>des</strong><br />

tailles, lumières, stylisation, encrage) qui sont proprement le langage de l'art <strong>et</strong> que seuls son talent <strong>et</strong> son<br />

intelligence peuvent lui fournir.<br />

Dans la mesure où l'artiste est prisonnier de la technique indirecte de la gravure, soit qu'il y accorde trop, soit qu'il<br />

en tire <strong>des</strong> eff<strong>et</strong>s faciles, la production gravée sera plus irrégulière mais aussi plus vaste que celle de la peinture<br />

dont elle s'inspire généralement. La gravure <strong>et</strong> la peinture suivant une évolution analogue peuvent être mieux<br />

connues l’une grâce à l'autre. Peintres <strong>et</strong> graveurs ont toujours collaboré ; bien <strong>des</strong> tableaux perdus ne sont<br />

connus que par leur reproduction gravée. Par leur nombre, les gravures aident à r<strong>et</strong>racer les évolutions, les<br />

inspirations, les courants, dont les toiles ne fournissent que <strong>des</strong> jalons.<br />

La gravure est issue de la même civilisation qui a vu naître la peinture de cheval<strong>et</strong>, <strong>et</strong> suscita un art <strong>des</strong>tiné à une<br />

clientèle plus vaste. La peinture reste le privilège d'une aristocratie <strong>et</strong> la gravure a toujours marqué une<br />

prédilection pour les thèmes ordinaires adaptés à la légèr<strong>et</strong>é de son support. On accorde moins d'importance à<br />

une gravure qu'à un tableau <strong>et</strong> l'on y représente plus volontiers <strong>des</strong> thèmes plus bourgeois que nobles qui<br />

paraîtraient triviaux en peinture <strong>et</strong> se trouvent en bas de la hiérarchie <strong>des</strong> genres reconnue <strong>dans</strong> l'art classique.<br />

Ainsi en est-il de la gravure japonaise au XVlle siècle ; les nouvelles classes remplaçant la féodalité, tout en<br />

continuant j de préférer la peinture, trouvèrent <strong>dans</strong> l'estampe une expression du « monde éphémère » en rapport<br />

direct avec leurs préoccupations quotidiennes, simples scènes de genre, séries érotiques, portraits d'acteurs, <strong>et</strong>,<br />

à partir du XIXe siècle, avec Hokusai <strong>et</strong> Hiroshige, paysages.<br />

La gravure occidentale s'est aussi illustrée <strong>dans</strong> ces genres, qu'on peut appeler « bourgeois » : le portrait <strong>et</strong> la<br />

caricature, par exemple, le paysage aussi <strong>dans</strong> le XVlle siècle hollandais <strong>et</strong> le XIXe siècle français, la scène de<br />

genre surtout. Celle-ci apparaît dès le XVe siècle avec Martin Schongauer qui représente <strong>des</strong> paysans allant au<br />

marché ou <strong>des</strong> ouvriers orfèvres se battant.<br />

L'iconographie, particulièrement développée <strong>et</strong> riche, de la gravure, lorsqu'elle n'est pas reproduction de peinture<br />

de « grands genres », conduit généralement à la société qui l'a suscitée, <strong>et</strong> offre un répertoire compl<strong>et</strong> de ses<br />

goûts <strong>et</strong> de ses aspirations.<br />

Dans la gravure populaire, les connotations par lesquelles l'artiste veut exprimer l'indicible sont généralement trop<br />

grossières ou explicites pour donner lieu à un art raffiné <strong>et</strong> puissant. Rares sont ceux, comme Daumier ou comme<br />

certains r <strong>des</strong>sinateurs d'affiches modernes, qui savent, par <strong>des</strong> moyens graphiques frappants, créer une<br />

imagerie <strong>des</strong>tinée au grand public sans altérer la qualité de leur art.<br />

Chez les meilleurs graveurs, les styles propres à la gravure peuvent être utilisés comme un langage, si la<br />

technique est parfaitement maîtrisée à <strong>des</strong> fins expressives.<br />

Dans le goût classique, le choix de la gravure comme medium correspondait, par sa rigueur, la n<strong>et</strong>t<strong>et</strong>é de son<br />

écriture, aux aspirations scientifiques de l'art <strong>et</strong> à un monde hiérarchisé, où il fallait croire à un ordre <strong>des</strong> choses,<br />

sublimé par leur représentation cohérente <strong>dans</strong> l'espace. Le burin était l'instrument privilégié de ce langage.<br />

D'autres moyens mieux adaptés ont permis à l'artiste d'exprimer le monde moderne. Par l'eau-forte baroque ou la<br />

lithographie romantique, l'artiste a pu exprimer plus spontanément son être intime, <strong>et</strong> dissoudre peu à peu la<br />

réalité tactile. Le choix de la technique prend alors de plus en plus d'importance au fur <strong>et</strong> à mesure que la forme<br />

se libère,<br />

L'art de la liberté, où l'artiste exprime un inconscient personnel <strong>et</strong> non plus collectif, fut difficile à adm<strong>et</strong>tre par le<br />

public bourgeois de la gravure, tant que c<strong>et</strong>te liberté ne compta pas au nombre de ses propres mythes. C<strong>et</strong> art<br />

aboutit aux formes diversifiées <strong>et</strong> incontrôlables de la gravure actuelle, demeurée en majeure partie fidèle à<br />

l'abstraction.<br />

La multiplication <strong>et</strong> la combinaison infinies <strong>des</strong> techniques font que le choix du medium est, à lui seul, devenu<br />

significatif, <strong>et</strong> que la signification ne réside plus tant à l'intérieur de l'oeuvre que <strong>dans</strong> sa relation, choisie par<br />

l'artiste, entre son existence <strong>et</strong> sa situation.<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 10


5. <strong>Gravures</strong> <strong>et</strong> styles<br />

Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

II apparaît que les procédés de gravure peuvent se multiplier à l'infini. C<strong>et</strong>te richesse a permis à la gravure de<br />

s'adapter à tous les styles, <strong>et</strong> d'être redécouverte par les artistes à chaque époque.<br />

La Renaissance trouva <strong>dans</strong> la gravure le moyen de poser différemment les problèmes de géométrie de l'espace<br />

<strong>et</strong> de sa représentation rigoureuse. Le Strasbourgeois Schongauer fut l'un <strong>des</strong> premiers à s'affranchir de<br />

l'orfèvrerie pour considérer la gravure en elle-même, mais c'est Dürer qui donna toute sa souplesse à la ligne.<br />

Celle-ci semble économisée <strong>et</strong> personnalisée <strong>dans</strong> ses compositions qui ne sont plus touffues mais rationnelles<br />

<strong>et</strong> géométriques. Avec peut-être moins de technique mais un sens artistique plus développé, les Italiens ont<br />

cherché le rendu n<strong>et</strong> de l'espace par les formes gravées. Si <strong>dans</strong> la Bataille d'hommes nus, la plus ancienne<br />

gravure italienne sur métal qu'on puisse attribuer à un peintre, Antonio Pollaiuolo (1431 env.-1498) ne réussit<br />

qu'une merveilleuse composition d'ensemble où les plans se dégagent mal, Mantegna parvint à donner à ses<br />

personnages l'aspect sculptural qui caractérise son style. Le classicisme triompha très tôt en gravure <strong>et</strong> les<br />

artistes du Nord, comme Lucas de Leyde (1494-1533) l'adoptèrent rapidement.<br />

Le maniérisme, avec ses goûts décoratifs, chercha <strong>des</strong> formules plus souples, mêlant l'eau-forte au burin. En<br />

1520, le Parmesan fut le premier à l’utiliser en Italie. Les formules italiennes trouvèrent une ligne ondoyante qui fit<br />

fortune aux Pays-Bas, avec Hendrick Goltzius (1558-1617) par exemple. La gravure a largement contribué à<br />

répandre, au milieu du XVIe siècle, un style maniériste international.<br />

Les artistes baroques demandaient plus de mouvement <strong>et</strong> de sensibilité. La gravure dut se prêter à leur écriture<br />

ouverte <strong>et</strong> libre. Jacques Callot joua subtilement sur la composition <strong>des</strong> vernis <strong>et</strong> les morsures de l'eau-forte. Ses<br />

procédés permirent à Claude Lorrain de traiter <strong>des</strong> impressions d'atmosphère <strong>dans</strong> <strong>des</strong> paysages à l'eau-forte,<br />

tandis que Van Dyck, <strong>dans</strong> son Iconographie, inaugurait le portrait moderne où le caractère est rendu par une<br />

ligne rapide <strong>et</strong> résolument libre. Incompris, il dut terminer sa série au burin. Les clairs portraits de Van Dyck<br />

s'opposent aux eaux-fortes de Rembrandt qui découvrit les riches possibilités du procédé. Grâce à la liberté<br />

acquise par la ligne, alliée à la puissance de contraste du papier blanc <strong>et</strong> de (encre noire, ce dernier crée un<br />

univers complexe qui semble se dissoudre <strong>dans</strong> le clair-obscur.<br />

Les écoles se libèrent alors de (emprise italienne. Les Hollandais découvrirent, par réaction esthétique, (équilibre<br />

de leurs paysages. La gravure anglaise apparut vers 1600. A Bologne, les Carrache travaillaient au burin mais<br />

avec un système de lignes plus ouvert. Le classicisme français du XVlle siècle se manifesta surtout par une série<br />

de portraitistes virtuoses qui demandèrent tout à la belle taille « rangée » <strong>et</strong> affirmèrent la prééminence de la ligne<br />

<strong>dans</strong> la gravure.<br />

Les artistes modernes attendent <strong>des</strong> techniques de la gravure d'accroître la distance qu'ils entendent m<strong>et</strong>tre entre<br />

le réel <strong>et</strong> eux, grâce aux nuances tirées <strong>des</strong> leçons de Rembrandt. Au XVllle siècle, Giambattista Tiepolo réussit à<br />

faire passer <strong>dans</strong> la gravure, par la rapidité de sa ligne <strong>et</strong> la légèr<strong>et</strong>é de sa taille, la « blondeur » vénitienne,<br />

tandis que Piranèse obtenait <strong>des</strong> eff<strong>et</strong>s aussi riches <strong>des</strong> contrastes violents entre les masses soli<strong>des</strong> <strong>et</strong> les eff<strong>et</strong>s<br />

de lumière. Tiepolo, qui avait produit une série de Caprices, mourut à Madrid en 1770. II y fut connu de Goya qui<br />

donna, <strong>dans</strong> un pays troublé par les guerres, une nouvelle dimension au langage de la gravure. Ses compositions<br />

inquiétantes sur fond d'aquatinte utilisent la gravure comme moyen de traduire le fantastique <strong>et</strong> la laideur, qui fait<br />

son entrée <strong>dans</strong> l'art.<br />

C'est certainement par les libertés graphiques de la caricature que la gravure eut le plus grand rôle <strong>dans</strong><br />

l'évolution de l’art moderne. Alors qu'une caricature semblerait encore inconvenante <strong>dans</strong> la « grande » peinture,<br />

le genre s'en répand en Angl<strong>et</strong>erre puis en France, par la gravure. C'est ta réaction d'un milieu libéral contre<br />

l’absolutisme politique st l’académisme esthétique. La lutte durera pendant tout le XIXe siècle. Après Goya, c'est<br />

Delacroix qui porta les meilleurs coups avec son Faust, d'un graphisme réellement endiablé, incompris de la<br />

plupart de ses contemporains. Pourtant c<strong>et</strong>te libération <strong>des</strong> formes, exprimant tout à la fois relief <strong>et</strong> mouvement,<br />

permit les créations de Picasso. Le dynamisme devenait valeur esthétique. La ligne schématique, les<br />

compositions vigoureuses de Daumier contribuèrent à ce changement de valeurs. La gravure révèle la<br />

profondeur de ce mouvement stylistique qui ne veut plus être soumis à la réalité mais désire marquer toute la<br />

soumission que la réalité doit à la liberté créatrice de l’homme.<br />

A partir du milieu du XIXe siècle, la commercialisation de l’image abandonne à l'estampe le domaine de la<br />

création artistique pure. (…)<br />

D'après Michel MELOT, Article de l’Encyclopédie <strong>Un</strong>iversalis, 2007, extraits<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 11


Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

D. Graveurs <strong>et</strong> vues de ville aux XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème<br />

<strong>siècles</strong><br />

1. Jacques Callot<br />

(Nancy 1592 - Nancy 1635)<br />

Né à Nancy en 1592, Jacques Callot est le fils de Jean Callot, héraut d'armes du duc de Lorraine Charles III. En<br />

1607, son père le m<strong>et</strong> en apprentissage pour quatre ans chez l'orfèvre Demange Crocq auprès duquel il apprend<br />

le <strong>des</strong>sin avec Jacques de Bellange. Sa première gravure connue, un Portrait de Charles III, est datée de 1607.<br />

Lors d'un séjour à Rome qui se situe entre 1608 <strong>et</strong> 1611, il se perfectionne <strong>dans</strong> l'art de manier le burin chez<br />

Philippe Thomassin, un graveur originaire de Troyes.<br />

En 1612, il s'installe à Florence <strong>et</strong> en octobre 1614, le jeune Lorrain obtient <strong>des</strong> subsi<strong>des</strong> de la Cour <strong>des</strong> Médicis <strong>et</strong><br />

un atelier aux Offices. Commence alors une période d'intense activité qui va durer sept ans. L'architecte Giulio<br />

Parigi, chargé en particulier de la mise en scène <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> fêtes ducales, lui enseigne la perspective. Il <strong>des</strong>sine<br />

beaucoup <strong>et</strong> réalise plusieurs suites <strong>et</strong> gravures isolées, parmi lesquelles L'Éventail <strong>et</strong> La Foire d'Imprun<strong>et</strong>a, une<br />

planche comportant quelque mille trois cents figures humaines <strong>et</strong> animales.<br />

Après la mort de Cosme II de Médicis en 1621, Callot perd sa pension <strong>et</strong>, comme beaucoup d'autres artistes<br />

étrangers, doit quitter la Cour de Florence. Il s'établit à Nancy où il grave de nombreux <strong>des</strong>sins inspirés par la vie<br />

florentine <strong>et</strong> la commedia dell'arte, en particulier la série <strong>des</strong> Gobbi <strong>et</strong> celle <strong>des</strong> Balli di Sfessania.<br />

À partir de 1623, Callot reçoit un soutien financier du duc de Lorraine. Il grave Le Combat à la Barrière donné en<br />

1627 au palais ducal de Nancy en l'honneur de la duchesse de Chevreuse, un carrousel dont il est avec le peintre<br />

Claude Deru<strong>et</strong> le principal ordonnateur. L'infante Isabelle, gouvernante <strong>des</strong> Pays-Bas, lui commande en 1626 le<br />

Siège de Breda pour célébrer la victoire de l'armée espagnole sur les Provinces-<strong>Un</strong>ies. Composée de six<br />

planches, c<strong>et</strong>te gravure virtuose propose un plan synoptique du siège en combinant <strong>des</strong> éléments de cartographie<br />

<strong>et</strong> de scénographie. Plus tard, il réalisera sur ce modèle le Siège de Saint-Martin-de-Ré <strong>et</strong> le Siège de La Rochelle<br />

commémorant les victoires de Louis XIII sur les Huguenots.<br />

La collaboration avec l'éditeur Israël Henri<strong>et</strong> lui fournit l'occasion de faire plusieurs séjours à Paris entre 1628 <strong>et</strong><br />

1631.<br />

Définitivement de r<strong>et</strong>our à Nancy en 1632, il assiste à la fin de l'indépendance du duché de Lorraine. Les fameuses<br />

eaux-fortes <strong>des</strong> Gran<strong>des</strong> Misères de la Guerre, ! dix-huit pièces décrivant tous les aspects de la vie militaire, de<br />

l'enrôlement jusqu'aux scènes de pillage <strong>et</strong> de châtiments corporels !, sont publiées en 1633 par son ami Henri<strong>et</strong>.<br />

Callot meurt le 24 mars 1635.<br />

Ses gravures le m<strong>et</strong>tent au rang <strong>des</strong> plus grands maîtres lorrains du XVII ème siècle aux coté de Claude<br />

Gellée <strong>et</strong> de Georges de La Tour. Ses gravures, essentiellement <strong>des</strong> eaux-fortes - technique qu'il<br />

perfectionna - sont répandues <strong>dans</strong> toute <strong>l'Europe</strong> <strong>et</strong> font preuve d'une maîtrise exceptionnelle :<br />

extrêmement chargées, composées d'innombrables personnages mais ne sacrifiant jamais au détail le<br />

suj<strong>et</strong> lui-même.<br />

« Quand on regarde une gravure de Callot, on éprouve une sensation d’aisance, d’air, d’espace ;<br />

on a l’impression de respirer ». Daniel Ternois<br />

* Au fil de sa carrière, Callot grave de plus en plus de paysages. Dans la grande majorité <strong>des</strong> cas nous sommes<br />

en présence d’œuvres mixtes qui sont à la fois <strong>des</strong> scènes de mœurs ou de guerre <strong>et</strong> <strong>des</strong> paysages. C’est le<br />

cas par exemple pour Le Parterre <strong>et</strong> La Carrière de Nancy (présentés <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te exposition). Il n’existe que deux<br />

groupes d’œuvres où le paysage est le suj<strong>et</strong> principal : les dix Paysages italiens <strong>et</strong> les deux Vues de Paris<br />

(présentées <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te exposition).<br />

Pour donner l’impression de profondeur, Callot utilise la technique de la perspective aérienne, qui <strong>dans</strong> les<br />

œuvres en noir <strong>et</strong> blanc se réduit à l’utilisation du trait <strong>et</strong> aux dégradés de valeurs. Chez Callot, la ferm<strong>et</strong>é ou la<br />

légèr<strong>et</strong>é du tracé, la dimension <strong>des</strong> hachures, longues au premier plan, réduites <strong>dans</strong> les lointains à de p<strong>et</strong>its<br />

traits ou à <strong>des</strong> points, traduisent les distances. Callot n’utilise pas l’estompement : ses paysages gravés sont<br />

d’une limpidité de cristal, les formes même les plus éloignées sont précises, ciselées, n<strong>et</strong>tes. En ce qui concerne<br />

le dégradé <strong>des</strong> valeurs, on remarque quelques procédés constants :<br />

- l’alternance <strong>des</strong> plans clairs <strong>et</strong> foncés, du premier jusqu’au dernier plan,<br />

- un dégradé par palier plutôt que continu,<br />

- la présence d’une masse sombre au premier plan se détachant sur le gris plus clair <strong>des</strong> plans suivants,<br />

rendant les lointains ainsi toujours lumineux <strong>et</strong> les m<strong>et</strong>tant en valeur par contraste (<strong>des</strong> arbres ou<br />

<strong>des</strong> figures à contre jour au premier plan sont en eff<strong>et</strong> disposées comme <strong>des</strong> écrans ou <strong>des</strong> portants<br />

de théâtre repoussant les fonds <strong>et</strong> amplifiant le phénomène de perspective ; Le contre jour simplifie la<br />

forme <strong>et</strong> organise l’espace de façon simple en jouant sur les oppositions. Callot dispose les zones<br />

d’ombre où bon lui semble, sans chercher à les justifier, simplement <strong>dans</strong> un objectif de n<strong>et</strong>t<strong>et</strong>é <strong>et</strong> pour<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 12


Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

attirer le regard sur le plan principal. De plus, c<strong>et</strong>te masse sombre (personnage ou groupe de<br />

personnage) est en général comme surélevée - sur une terrasse, un monticule…- <strong>et</strong> de taille plus<br />

grande que le reste <strong>des</strong> personnages - parfois de manière démesurée, hors du système de perspectives<br />

<strong>et</strong> <strong>des</strong> lignes de fuite générales – faisant alors paraître encore plus p<strong>et</strong>ites les figures de l’arrière plan.<br />

Ce dernier principe est cependant atténué <strong>dans</strong> les œuvres de l’époque lorraine.)<br />

C<strong>et</strong>te déclinaison <strong>des</strong> plans, l’utilisation <strong>des</strong> ombres <strong>et</strong> lumières, sont conduites d’une façon logique <strong>et</strong><br />

rendent parfaitement lisible l’espace généralement immense <strong>des</strong> compositions de Callot, les choses s’y trouvent<br />

bien à leur place, ordonnées.<br />

L’exiguïté de la surface dont il dispose incite Callot à agrandir l’espace <strong>dans</strong> le seul sens possible : celui de la<br />

troisième dimension <strong>et</strong> grâce à sa grande virtuosité <strong>et</strong> à sa parfaite maîtrise de la perspective, il parvient à<br />

creuser toujours d’avantage les surfaces (ex : la Carrière de Nancy). L’espace est agrandi <strong>dans</strong> tous les sens, au<br />

maximum <strong>et</strong> une foule immense s’y déploie à son aise. Callot peut ainsi transformer à sa fantaisie <strong>des</strong> sites <strong>et</strong><br />

<strong>des</strong> monuments. Dans la Carrière de Nancy, la fuite <strong>des</strong> maisons qui bordent les deux cotés de la longue place<br />

est arbitraire <strong>et</strong> la largeur de c<strong>et</strong>te place parait infiniment plus grande qu’elle ne l’est en fait.<br />

De plus, Callot exhausse l’horizon pour que les éléments ne se cachent pas les uns les autres <strong>et</strong> que les détails<br />

les plus éloignés soient n<strong>et</strong>tement visibles.<br />

C<strong>et</strong> « irréalisme spatial » nous montre que la perspective peut être à c<strong>et</strong>te époque non plus seulement la<br />

science de la réalité, mais un nouveau moyen de création artistique. Plus qu’à <strong>des</strong> schémas rigoureux, Callot se<br />

fie à sa sensibilité pour créer une composition vaste <strong>et</strong> complexe donnant une grande impression de naturel.<br />

C<strong>et</strong> intérêt pour la perspective n’est pas propre à Callot, mais général en Italie depuis le XV ème siècle (le<br />

Maniérisme <strong>et</strong> le Baroque favorisent les recherches). Les traités de perspective se multiplient au XVII ème siècle.<br />

Mais l’innovation de Callot est d’appliquer ce principe à de très p<strong>et</strong>its formats.<br />

On peut aussi imaginer que Callot fut influencé par les innovations nombreuses <strong>dans</strong> la création <strong>des</strong> décors de<br />

théâtre au XVII ème siècle (décors en trompe l’œil donnant l’illusion de profondeur, <strong>et</strong>c…).<br />

<strong>Un</strong> dernier élément est caractéristique <strong>des</strong> gravures de paysage de Callot : tout est prétexte pour lui à la<br />

peinture de la multitude, de la foule (entrées princières, cortèges, carrousels, feux d’artifices, joutes nautiques,<br />

opéra, foire, fêtes de village…). Très souvent, Callot fait de la foule l’acteur principal de son théâtre. Pour<br />

expliquer c<strong>et</strong>te importance de la représentation de la foule <strong>dans</strong> les œuvres de Callot, les historiens avancent<br />

plusieurs explications :<br />

- Callot aurait été frappé par les inventions optiques de Galilée qui venaient d’ouvrir aux hommes le<br />

domaine de l’infiniment p<strong>et</strong>it (invention du microscope au début du XVII ème siècle)<br />

- Les collectionneurs d’estampes, de p<strong>et</strong>its tableaux de cabin<strong>et</strong>, prenaient un grand plaisir à regarder<br />

longuement <strong>des</strong> images, à examiner un à un les personnages, à découvrir un détail minuscule qui leur<br />

avait échappé à première vue.<br />

- De plus, la virtuosité (habil<strong>et</strong>é de la main, variété, précision <strong>des</strong> figures) était considérée comme une<br />

qualité suprême chez un artiste.<br />

- Enfin, origine ou conséquence, les innovations que Callot avait lui-même introduites <strong>dans</strong> la gravure à<br />

l’eau-forte, en particulier le vernis dur <strong>et</strong> la taille simple, perm<strong>et</strong>taient un travail fin, léger, précis, donc la<br />

gravure d’une multitude de figures jusque <strong>dans</strong> les fonds.<br />

* D’après : L’art de Jacques Callot par Daniel Ternois, F de Nobele, 1962 ; Dictionnaire de la Peinture, Editions Larousse<br />

Quatre exemples présents <strong>dans</strong> l’exposition<br />

D’après : Jacques Callot, 1592 – 1635, Musée historique lorrain – Nancy, sous la direction de Paul<strong>et</strong>te Choné, Editions RMN, 1992<br />

Jacques Callot, Paris : vue<br />

du Pont-Neuf, v. 1629<br />

Achevé en 1604, en plein<br />

centre de la capitale,<br />

prolongé par la place<br />

Dauphine <strong>et</strong> complété en<br />

1614 par la statue équestre<br />

d’Henri IV, le Pont neuf était<br />

vite devenu le lieu de<br />

promenade favori <strong>des</strong><br />

Parisiens. La tour de Nesle,<br />

partie <strong>des</strong> fortifications de<br />

Philippe Auguste, sera<br />

détruite en 1663. C<strong>et</strong>te<br />

gravure mêle exactitude<br />

topographique <strong>et</strong> qualités<br />

esthétiques.<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 13


Jacques Callot, Paris : vue du Louvre, v. 1629<br />

coteaux que domine aujourd’hui l’Arc de Triomphe de l’Etoile.<br />

Jacques Callot, Le Parterre de Nancy<br />

Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

Au premier plan coule la<br />

Seine avec une fête<br />

nautique. Des jouteurs<br />

sont à l’avant <strong>des</strong><br />

bateaux (barques <strong>et</strong><br />

galères), aux mâts<br />

<strong>des</strong>quels flottent <strong>des</strong><br />

oriflammes aux fleurs de<br />

lys (en bas à droite). A<br />

gauche, quelques<br />

maisons du vieux Paris,<br />

puis la porte <strong>et</strong> la tour de<br />

Nesle. A droite, le P<strong>et</strong>it<br />

Bourbon <strong>dans</strong> lequel<br />

Callot logea chez son<br />

compatriote <strong>et</strong> ami, I.<br />

Henri<strong>et</strong> <strong>et</strong> plus loin la<br />

grande galerie du Louvre<br />

avec la tour de la<br />

Prévosté. Tout au fond les<br />

La gravure représente les jardins du palais ducal <strong>dans</strong> toute leur splendeur ; au premier plan s’étend le parterre d’en bas avec<br />

ses broderies de buis, au fond le parterre d’en haut disposé sur les fortifications. Au premier plan, <strong>dans</strong> le jardin du bas, <strong>des</strong><br />

joueurs de ballon sont observés par une foule de personnages isolés ou se pressant en groupes animés (femmes, enfants,<br />

jardiniers, jardinières…) autour de la Duchesse Nicole à qui la planche est dédiée. Si les jardins, répondent assez bien à la<br />

réalité, la fant aisie de Callot s’est déployée à droite. Il a remplacé l’Orangerie par un édifice évoquant une villa florentine.<br />

Jacques Callot, La Carrière de Nancy<br />

Dans c<strong>et</strong>te vie urbaine exceptionnelle, fidèle à la perspective centrée qui lui est chère, Callot offre un panorama de la Carrière<br />

ou Rue Neuve, place établie sur les fortifications à l’est de la Ville-Vieille. Dans la partie supérieure, une banderole avec<br />

l’inscription Carier <strong>et</strong> rue neufve de Nancy ou se font les ioustes <strong>et</strong> tournois, Combats, <strong>et</strong> au(tr)es ieux de recreation s’enroule<br />

autour <strong>des</strong> armes de Lorraine. Les deux faces sont bordées par <strong>des</strong> constructions à peu près semblables ; à gauche, du côté<br />

est, les maisons entièrement <strong>dans</strong> l’ombre sont d’aspect mo<strong>des</strong>te ; Callot qui y habitait à donc voulu représenter ce lieu en plein<br />

après-midi ; du côté ouest, les faça<strong>des</strong> bien éclairées, mieux ordonnées, appartiennent à <strong>des</strong> demeures aristocratiques. Au<br />

fond s’élève le palais ducal, décor pour toutes les scènes qui se déroulent sur c<strong>et</strong>te place. Callot a-t-il souhaité montrer une fête<br />

particulière ? On opte pour le carnaval en raison de la présence d’un traîneau qui fait songer à l’hiver. Peut-être Callot a-t-il eu<br />

l’intention de donner un vaste aperçu simultané de tous les spectacles que c<strong>et</strong> espace pouvait accueillir, y compris au moment<br />

du « gras temps », <strong>et</strong> son imagination s’est alors largement déployée.<br />

De gauche à droite, on voit un cheval <strong>et</strong> <strong>des</strong> bateleurs montés sur une estrade qui attirent l’attention <strong>des</strong> badauds. <strong>Un</strong> acrobate<br />

sur <strong>des</strong> échasses excite la convoitise <strong>des</strong> galopins <strong>et</strong> l’hilarité <strong>des</strong> pantaloni en lançant quelques piéc<strong>et</strong>tes. Au centre, <strong>des</strong><br />

spadassins se battent en duel. <strong>Un</strong> groupe de cavaliers, lance de combat au poing, s’apprête à entrer en lice, devant un char en<br />

forme de gros rocher ; deux amours – Eros <strong>et</strong> Antéros, l’amour aux yeux bandés <strong>et</strong> l’amour clairvoyant – précèdent le<br />

promontoire supportant le dieu Mars qui domine quatre captifs enchaînés.<br />

Quelques gentilshommes <strong>et</strong> leurs dames admirent le défilé devant l’hôtel de Salm aux fenêtres duquel se pressent d’autres<br />

spectateurs.<br />

Au milieu de la place, la « carrière » du tournoi est délimitée par une clôture de bois de chêne. A droite, les spectateurs<br />

regardent les combattants depuis une tribune, ou montés sur <strong>des</strong> chevaux, alors qu’à gauche la foule plus plébéienne <strong>et</strong> plus<br />

éloignée de la lice n’hésite pas à escalader les clôtures.<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 14


2. Stefano Della Bella<br />

(Florence 1610 - Florence 1664)<br />

Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

Né à Florence en 1610, Stefano Della Bella est le cinquième enfant du sculpteur Francesco di Girolamo Della<br />

Bella. Après un apprentissage chez différents maîtres orfèvres, le jeune Stefano complète sa formation initiale<br />

auprès <strong>des</strong> peintres Giovan Battista Vanni <strong>et</strong> Cesare Dandini. L'exemple de Jacques Callot <strong>et</strong> les<br />

encouragements du graveur Remigio Cantagallina l'incitent pourtant à choisir l'art de la gravure. Il signe ses<br />

premières eaux-fortes dès 1626-1627.<br />

À partir de 1633, Della Bella séjourne à Rome grâce à la protection <strong>des</strong> Medicis. N'ayant d'autre obligation que<br />

celle d'étudier, il a tout loisir de copier les antiques <strong>et</strong> d'admirer la grande peinture romaine. De r<strong>et</strong>our à Florence<br />

en 1636, il grave plusieurs planches commémorant les fêtes <strong>et</strong> les cérémonies ducales. La plupart <strong>des</strong> tableaux<br />

connus de Della Bella datent de c<strong>et</strong>te période d'intense activité. Stefano Della Bella arrive à Paris en octobre<br />

1639 avec la suite de l'Ambassadeur du grand-duc de Toscane auprès de Louis XIII. Il se lie rapidement d'amitié<br />

avec les éditeurs parisiens, Pierre I er Mari<strong>et</strong>te, Israël Henri<strong>et</strong> <strong>et</strong> François Langlois, pour lesquels il réalise<br />

plusieurs suites de pièces militaires, de caprices <strong>et</strong> de paysages. Des planches plus ambitieuses, comme La<br />

Vue de la ville d'Arras, Le Pont-Neuf <strong>et</strong> Le Reposoir du Saint Sacrement, appartiennent à ces années<br />

parisiennes.<br />

Il grave <strong>des</strong> planches pour Silvestre, le<br />

Cardinal de Richelieu l'emploie pour <strong>des</strong><br />

gravures de la prise d'Arras <strong>et</strong> du siège de La<br />

Rochelle, quant à Anne d'Autriche elle lui<br />

commande les divertissements du théâtre du<br />

P<strong>et</strong>it Bourbon.<br />

Stefano Della Bella, Paris : Le Pont-Neuf, 1646<br />

Vers la fin de 1644, Della Bella entreprend un<br />

long périple qui, passant par la Crète <strong>et</strong> par Rho<strong>des</strong>, le conduit jusqu'en Égypte. De ce <strong>voyage</strong> au Levant, il<br />

rapporte plusieurs <strong>des</strong>sins. En 1647, il se rend à Amsterdam en longeant les côtes de Flandre, itinéraire dont<br />

témoigne la série <strong>des</strong> Vues de ports de mer.<br />

Fuyant les troubles engendrés par la Fronde,<br />

Stefano Della Bella revient à Florence où il<br />

r<strong>et</strong>rouve son rôle d'illustrateur <strong>des</strong> fastes du<br />

duché. De nouveaux séjours à Rome, en<br />

compagnie de son élève Cosme de Médicis,<br />

lui perm<strong>et</strong>tent également de renouer avec<br />

l'étude <strong>des</strong> antiques. De c<strong>et</strong>te période datent<br />

les Vues de la villa de Pratolino, les Vues du<br />

port de Livourne <strong>et</strong> Il Mondo festeggiante,<br />

carrousel donné <strong>dans</strong> les jardins de Boboli<br />

pour fêter les noces du prince héritier <strong>et</strong> de<br />

Marguerite Louise d'Orléans.<br />

Les <strong>des</strong>sins de c<strong>et</strong>te époque, d'un style<br />

ample <strong>et</strong> libre, sont volontiers rehaussés de<br />

lavis. Della Bella obtient <strong>des</strong> eff<strong>et</strong>s de teinte<br />

similaires sur certaines gravures en peignant<br />

directement sur le cuivre avec un pinceau<br />

trempé d'acide plus ou moins dilué. <strong>Un</strong><br />

portrait grandeur nature du futur grand-duc<br />

Cosme III de Médicis, peint en 1661,<br />

constitue l'une <strong>des</strong> dernières œuvres<br />

importantes de l'artiste. Très affaibli par la<br />

maladie, Stefano Della Bella meurt à<br />

Florence le 22 juill<strong>et</strong> 1664.<br />

Rome : le temple de la Concorde (temple de Vespasien)<br />

<strong>et</strong> le Forum Romanum<br />

> voir aussi :<br />

- Stefano Della Bella, Rome : vue du château Saint-Ange<br />

- Stefano Della Bella, Rome : le temple d'Antonin <strong>et</strong> le Campo Vaccino,<br />

1656<br />

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3. Israël Silvestre : un témoin précieux pour les historiens<br />

(Nancy 1621 – Paris 1691)<br />

Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

Né à Nancy en 1621, Israël Silvestre apprend son métier chez son oncle Israël Henri<strong>et</strong>, éditeur établi à Paris, qui<br />

le recueille à la mort de ses parents. Celui-ci a fondé un commerce d’estampes très étendu dont le fonds se<br />

compose entre autres <strong>des</strong> planches de son ami Jacques Callot dont il est l’éditeur exclusif. C’est donc chez son<br />

oncle que Silvestre voit les travaux de ce grand maître de la gravure dont il va s’inspirer.<br />

Il parfait sa formation en faisant <strong>des</strong> <strong>voyage</strong>s en France mais aussi en Italie où il se lie d’amitié avec Stefano<br />

Della Bella dont l’influence italienne se mêle à sa formation lorraine.<br />

« Il en [<strong>des</strong> gravures] rapporta dit Mari<strong>et</strong>te, de tous les endroits qu’il avait parcourus, de manière qu’on peut le<br />

suivre pour ainsi dire pas à pas <strong>et</strong> se trouver avec lui <strong>dans</strong> tous les lieux qu’il a fréquentés, car il était si adroit à<br />

ne rien laisser échapper de remarquable, si prompt à exécuter, que lors même qu’il ne faisait que passer par un<br />

endroit <strong>et</strong> qu’il avait à peine le temps de s’y reconnaître, il savait si bien ménager les moments, qu’il n’en sortait<br />

point sans en emporter quelques vues, de sorte que ses <strong>des</strong>sins forment comme le journal de ses <strong>voyage</strong>s. »<br />

Au décès de son oncle, il hérite du fonds de planches gravées <strong>et</strong> continue le commerce familial.<br />

Dessinateurs, graveur, imprimeurs.<br />

Les graveurs réalisent leurs gravures soit à partir de leurs propres <strong>des</strong>sins originaux (ex : Stefano Della Bella, Paris : Le Pont-<br />

Neuf, 1646, Israël Silvestre, Lyon : le palais <strong>et</strong> le port royal, 1652…) soit à partir de <strong>des</strong>sins ou tableaux réalisés par d'autres<br />

peintres <strong>et</strong> <strong>des</strong>sinateurs (ex : Joseph Constantine Stadler, d'après H. Joseph Farington, Londres : London Bridge, 1790 ;<br />

Giambattista Brustoloni, d'après Canal<strong>et</strong>to, Venise : visite annuelle du Doge à Santa Maria della Salute). <strong>Un</strong> même artiste peut<br />

à différents moments de sa carrière user <strong>des</strong> deux procédés.<br />

Ils sont eux même marchands de leurs gravures - c<strong>et</strong>te double activité n'est pas rare ( ex : Israël Silvestre à partir de 1661, à la<br />

mort de son Oncle Israël Henri<strong>et</strong> qui était son éditeur ) ou travaillent pour ou avec un éditeur (Israël Henri<strong>et</strong> est le marchand<br />

exclusif <strong>des</strong> gravures de Jacques Callot dont il détient les plaques, Stefano Della Bella travaille avec les imprimeurs Pierre Ier<br />

Mari<strong>et</strong>te, Israël Henri<strong>et</strong> <strong>et</strong> François Langlois).<br />

Ses gravures, très nombreuses (plus de mille – il <strong>des</strong>sine <strong>et</strong> grave très vite) aussi précises que sèches lui<br />

valurent un très grand succès : en 1662, il est nommé Dessinateur <strong>et</strong> graveur ordinaire du Roi <strong>et</strong> en 1670, il<br />

accède au titre d’Académicien.<br />

Silvestre grave en 1664 en neuf pièces, Les Plaisirs de l’Ile enchantée ou les Fêtes <strong>et</strong> les divertissements du Roi<br />

à Versailles divisées en trois journées. Entre 1664 <strong>et</strong> 1684, il grave les onze Gran<strong>des</strong> vues du château de<br />

Versailles.<br />

« A Israël Silvestre, graveur de sa Majesté pour ses gages, pour faire les <strong>des</strong>sins d’Architecture, veues <strong>et</strong><br />

perspectives <strong>des</strong> maisons Royalles, carrousels <strong>et</strong> autres assemblées publiques, la somme de quatre cent livres<br />

pour les gages <strong>et</strong> appointemens que sa majesté lui a accordés par brev<strong>et</strong> de laquelle il sera payé<br />

entièrement. »<br />

Registre <strong>des</strong> comptes de dépenses de Louis XIV, 1664<br />

Silvestre impose un style bien particulier : la présentation du motif avec un premier plan ombré en portant de<br />

théâtre qui dégage largement l’arrière <strong>et</strong> fait régner la lumière latéralement ; l’élargissement <strong>des</strong> espaces<br />

d’environnement pour saisir le thème avec un grand angle, l’amplification de certaines verticales qui pointent sur<br />

le ciel, le décrochement <strong>des</strong> campaniles ou les flèches <strong>des</strong> clochers… Il affectionne les vues qui laissent le<br />

regard percer vers une colline, un jardin, un fleuve, l’horizon campagnard, quitte à exagérer le champ d’ouverture.<br />

Enfin, il emprunte à Callot son répertoire de personnages pour peupler ses places, ses rues, ses carrefours, ses<br />

chemins ; une foule qui se promène, qui se hâte ou qui bavarde… <strong>des</strong> cavaliers, <strong>des</strong> carrosses, <strong>des</strong> silhou<strong>et</strong>tes<br />

inquiétantes… Au <strong>des</strong>sus <strong>des</strong> toits, <strong>des</strong> dômes <strong>et</strong> <strong>des</strong> clochers, le ciel est parfois obscurci de gros nuages, plus<br />

souvent pâle <strong>et</strong> serein.<br />

Son grand talent de <strong>des</strong>sinateur, son travail sérieux <strong>et</strong> son métier propre donnent <strong>des</strong> gravures<br />

indispensables pour l’étude de la topographie de la France <strong>et</strong> de l’Italie au XVII ème siècle.<br />

Ses gravures constituent en eff<strong>et</strong> le répertoire topographique le plus important <strong>et</strong> le plus compl<strong>et</strong> de la France<br />

(Vues <strong>des</strong> châteaux de France – Tuileries, Versailles, Marimon - Vues de Lyon, de la citadelle de Verdun), plus<br />

particulièrement de Paris (Les lieux les plus remarquables de Paris <strong>et</strong> de ses environs) <strong>et</strong> parfois même de l’Italie<br />

(Vues de Rome). Véritable témoin, Silvestre est le dernier graveur à accorder une importance égale au relevé<br />

architectural <strong>et</strong> à l’évocation de la vie quotidienne, ce qui ravit à la fois l’amateur d’art, le sociologue <strong>et</strong> l’historien.<br />

Il appréhende son environnement <strong>dans</strong> son ensemble mais aussi <strong>dans</strong> ses détails. Parfois, pour les besoins de<br />

son art, il métamorphose le cadre ambiant, transforme une perspective mais ces concessions à la vérité sont très<br />

rares. On peut en général se référer à Israël Silvestre comme un témoin privilégié, impartial, exact <strong>et</strong> capital pour<br />

l’historien.<br />

D’après : Paris <strong>et</strong> Rome vus par Israël Silvestre, Délégation à l’Action Artistiques de la Ville deParis, 1981 ; Catalogue raisonné de toutes les<br />

estampes qu forment l’œuvre d’Israël Silvestre précédé d’une notice sur sa vie par L. E. faucheux, membre de la Société d’Archéologie Lorraine,<br />

F de Nobele, Paris ; Dictionnaire de la Peinture, Larousse.<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 16


La signature.<br />

Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

> Voir de Silvestre : - Lyon : le palais <strong>et</strong> le port royal, 1652 ; Vue du<br />

château de Chambord, 1678 ; Vue du collège <strong>des</strong> Quatre Nations<br />

(aujourd'hui l'Institut de France), 1670<br />

> Voir aussi les gravures de François Collignon (Nancy 1610 – Rome 1687) :<br />

La Ville de Tours ; La Ville de Saumur ; La Ville de Saint-Cloud ; La Ville<br />

d'Angers ; La Ville de Nantes<br />

C'est vers la fin du XV ème siècle que les graveurs commencent à signer leurs plaques en incisant quelques initiales <strong>dans</strong> la<br />

matrice. Ces initiales très simples sont peu à peu remplacées par <strong>des</strong> monogrammes ou emblèmes plus élaborés. Puis vers le<br />

XVII ème siècle, les artistes se m<strong>et</strong>tent à signer in extenso, c'est-à-dire en indiquant leur nom compl<strong>et</strong> <strong>dans</strong> un coin de la planche,<br />

ou gravé <strong>dans</strong> un cadre prévu à c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong> <strong>dans</strong> la composition. Attention, tous les artistes ne signent pas systématiquement<br />

leurs œuvres. Aucune règle ne peut être appliquée en la matière.<br />

Les estampes anciennes sont marquées en bas ou <strong>dans</strong> la marge inférieure, en latin, <strong>et</strong> font référence aux différentes<br />

personnes intervenues <strong>dans</strong> leur élaboration. Comprendre leur signification est d'une grande aide, surtout devant une gravure<br />

d'interprétation, car on peut alors connaitre les auteurs de la composition, de la matrice, de l'impression <strong>et</strong> parfois le prix <strong>et</strong><br />

l'endroit de la vente.<br />

Exemple de signatures présentes <strong>dans</strong> l'exposition :<br />

> Isr. Silvestre del. Et sculps. – 1678<br />

Dessiné (delineavit) <strong>et</strong> sculpté par (sculpsit) Israël Silvestre en 1678<br />

> Israël Silvestre del. Et fecit. 1652 / Israël excudit cum privit. Regis<br />

Dessiné (delineavit) <strong>et</strong> fait par (fecit ou faciebat) Israël Silvestre en 1652 / Gravé avec privilèges du Roi par<br />

Israël (sous entendu Henri<strong>et</strong> !! Henri<strong>et</strong> ne signait le plus souvent que du nom d’Israël les planches qu’il publiait<br />

: cela a été la cause de l’erreur commise par plusieurs personnes qui ont attribué à Silvestre <strong>des</strong> planches<br />

publiées par Henri<strong>et</strong>.)<br />

> Jac Callot In <strong>et</strong> Fecit<br />

Inventé (Invenit) <strong>et</strong> fait (fecit ou faciebat) par Jacques Callot<br />

> Antonius Canal pinxit / Jo Bap. Brustolon inc.<br />

Peint (pinxit) par Canal<strong>et</strong>to / gravé (incidit ou incidebat) par Brustoloni.<br />

> Collignon sculpsit cum privid Regis Mari<strong>et</strong>te excudit Parisiis<br />

Gravé (sculpsit) par Collignon avec privilège du roi, Mari<strong>et</strong>te éditeur (excudit) à Paris<br />

Compte tenu de la multiplicité, qui est une <strong>des</strong> principales caractéristiques de la gravure, il était normal que l'on réalise, à partir<br />

d'une matrice, une impression pouvant compter un nombre indéterminé de tirages. Au fil <strong>des</strong> ans, on imprimait une, deux, trois<br />

éditions d'une même planche, souvent encore même après la mort de l'artiste. A l'époque, les estampes n'étaient pas encore<br />

numérotées. Le principe de l'édition contrôlée, limitée <strong>et</strong> numérotée ne fut mis en place qu'à la fin du XIX ème siècle.<br />

4. Gabriel Perelle<br />

(Vernon v. 1602 – Paris 1677)<br />

D'après : La gravure, les techniques <strong>et</strong> les procédés de reproduction en relief <strong>et</strong> en creux,<br />

Jordi Catafal <strong>et</strong> Clara Oliva, Gründ, 2004<br />

Elève de Simon Vou<strong>et</strong>, Perelle grave le paysage d'après Poussin, Asselijn <strong>et</strong> Silvestre mais il est surtout apprécié<br />

pour ses créations personnelles. Aidé de ses fils, Nicolas <strong>et</strong> Adam, il grave <strong>des</strong> centaines de paysages <strong>dans</strong> une<br />

grande unité de style, mais en sachant sans cesse varier sur le même thème. Il est célèbre pour ses Vues <strong>des</strong><br />

châteaux de Versailles, Chantilly, Meudon, Marly <strong>et</strong> Saint Cloud ; Vues du Louvre, du Luxembourg, <strong>des</strong> jardins du<br />

palais Royal <strong>et</strong> <strong>des</strong> Tuileries. Son œuvre témoigne de la vitalité du paysage français au XVII ème siècle.<br />

Gabriel Pérelle, d'après Jan Asselijn, Rome : vestiges <strong>des</strong> thermes de<br />

Dioclécien<br />

Gabriel Pérelle,<br />

Paris : le Palais<br />

Royal,<br />

détail<br />

> voir aussi : Gabriel Pérelle, Le Château de Saint-Germain-en-Laye ; Rome : la vue de l'arc de Constantin <strong>et</strong> du<br />

Colisée; d'après Jan Asselijn, Rome : intérieur du Colisée; Rome : intérieur du Colisée ; Rome : vestiges du<br />

Septizodium<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 17


Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

5. Canal<strong>et</strong>to, Guardi, Brustoloni : <strong>Un</strong> exemple de gravure "d'interprétation"<br />

La gravure de Giambattista Brustoloni (Venise 1712 -1796), Venise : le Bucentaure quitte San Nicoló di Lido est<br />

un très bel exemple de gravure de diffusion. En eff<strong>et</strong>, c<strong>et</strong>te gravure fut réalisée par Brustoloni vers 1766 d’après<br />

un <strong>des</strong>sin de Canal<strong>et</strong>to (Venise 1697 -1768). Elle fut elle-même la base du travail pictural de Guardi vers 1775-<br />

1780.<br />

1 - CANALETTO<br />

Giovanni Antonio Canal<strong>et</strong>to, Le Doge de Venise partant pour le Lido,<br />

Dessin, British Museum<br />

2 - BRUSTOLONI<br />

Antonio Canal di Canal<strong>et</strong>to<br />

(Venise 1697 – 1768)<br />

Fils d’un peintre de théâtre, il débute sa<br />

carrière comme scénographe (il réalise <strong>des</strong><br />

décors de théâtre pour les opéras de<br />

Scarlatti). A Rome, il côtoie <strong>des</strong> peintres de<br />

vedute (voir définition page suivante) qui lui<br />

communiquent une conscience précise de la<br />

perspective, le goût de l’esquisse <strong>et</strong> <strong>des</strong><br />

scènes populaires. Dès son r<strong>et</strong>our à Venise, il<br />

peint <strong>des</strong> « vues idéales » de sa ville. Puis<br />

vers 1730, les vues idéales font place à <strong>des</strong><br />

vues réelles de la ville <strong>et</strong> de la lagune.<br />

L’utilisation de la « chambre optique » montre<br />

sa volonté pointilleuse de saisir la vérité <strong>dans</strong><br />

l’espace <strong>et</strong> de la peindre de la façon la plus<br />

rationnelle <strong>et</strong> la plus objective possible. Les<br />

places, les « campielli », les canaux, les quais,<br />

toute la ville est fouillée par le lumière limpide.<br />

Il peint l’histoire de Venise, ville gaie <strong>et</strong><br />

ensoleillée. Après 1730, Canal<strong>et</strong>to exécute<br />

une série de vues vénitiennes pour le duc de<br />

Bedford : la ville y est contemplée<br />

sereinement, jamais transfigurée, toujours<br />

exactement rendue <strong>dans</strong> le cadre de ses<br />

monuments <strong>et</strong> <strong>dans</strong> la couleur de son<br />

atmosphère. Vers 1740 - 43, Canal<strong>et</strong>to se<br />

consacre à la gravure <strong>et</strong> tend à diminuer les<br />

dimensions <strong>des</strong> édifices <strong>et</strong> <strong>des</strong> silhou<strong>et</strong>tes <strong>et</strong> à<br />

agrandir, par contre, démesurément l’espace.<br />

Il réalise un album de 31 eaux fortes (Vues les unes d’après nature ou inventées par A. Canal, gravées <strong>et</strong> mises en perspective par<br />

lui), en partie idéales, en partie copiées sur la réalité (le <strong>des</strong>sin présenté ci-<strong>des</strong>sus est un <strong>des</strong>sin préparatoire pour l’une de ces<br />

gravures). Antonio Canal <strong>des</strong>sine Venise telle qu’il la voit, qu’il l’aime <strong>et</strong> mêle harmonieusement ville imaginée <strong>et</strong> naturelle vérité<br />

pour construire un paysage parfait (il modifie les architectures, intervient sur les relations entre les édifices, élargit ou rétrécit<br />

les canaux, déplace les îles, majore l'espace <strong>des</strong> Campi, ajoute ou soustrait <strong>des</strong> éléments…). Il faut donc vraiment<br />

relativiser l'image de ce peintre quasi photographe que la tradition critique avait fini par imposer. Dans la vue<br />

Canal<strong>et</strong>tienne, Venise devient multiple !<br />

C<strong>et</strong> album est dédié à John Smith, Consul de sa majesté britannique auprès de la république de Saint-Marc mais aussi érudit <strong>et</strong><br />

« mécène marchand » de Canal<strong>et</strong>to. Celui-ci lui sert d’intermédiaire auprès <strong>des</strong> ach<strong>et</strong>eurs anglais qui découvrent les œuvres de<br />

Canal<strong>et</strong>to à l’occasion de leur Grand Tour <strong>et</strong> souhaitent rapporter <strong>des</strong> souvenirs <strong>dans</strong> leur pays. On peut affirmer qu’Antonio Canal<br />

ouvrit la route qui mena au paysagisme anglais du XVIII ème <strong>et</strong> du XIX ème <strong>siècles</strong>.<br />

Giovanni Battista Brostoloni ou Giambattista<br />

Brustoloni (Venise ou Verone v. 1726 – 1796)<br />

On sait peu de choses de la carrière de<br />

Brustoloni. On pense qu’il fut l’élève de Joseph<br />

Wagner. On cite de lui deux suites de gravures<br />

d’après Canal<strong>et</strong>to représentant <strong>des</strong> vues de<br />

Venise. La gravure le Bucentaure quitte San Nicoló<br />

di Lido fait partie de ces séries.<br />

> Voir aussi :<br />

- Venise : procession du Corpus Christi sur la<br />

place Saint-Marc<br />

- Venise : visite du Doge à San Zaccaria le<br />

jour de Pâques<br />

- Venise : visite annuelle du Doge à Santa<br />

Maria della Salute<br />

Giambattista Brustoloni, Venise : le Bucentaure<br />

quitte San Nicoló di Lido, vers 1766<br />

Gravure, Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen.<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 18


3 - GUARDI<br />

Francesco GUARDI (Venise, 1712 -1793), Le Doge de Venise sur le Bucentaure,<br />

à San Nicolò di Lido, le jour de l'Ascension, Vers 1775-1780<br />

© Musée du Louvre/A. Dequier - M. Bard<br />

Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

Accompagné d'un cortège, il traverse le bassin de Saint-Marc <strong>et</strong> se rend jusqu'au Lido, où la lagune de Venise communique<br />

avec la mer. Il j<strong>et</strong>te un anneau d'or <strong>dans</strong> l'Adriatique pour rappeler la domination maritime de la ville <strong>et</strong> assiste à une messe.<br />

La République de Venise a fait construire le dernier Bucentaure, celui représenté ici, en 1728. C<strong>et</strong>te merveille finit<br />

misérablement, détruite lors de l'arrivée <strong>des</strong> troupes de Bonaparte en 1797.<br />

<strong>Un</strong>e interprétation vibrante de poésie<br />

Le peintre illustre le moment où le doge s'apprête à remonter à bord du Bucentaure après être passé sous un dais tendu pour<br />

c<strong>et</strong>te occasion, entre l'église <strong>et</strong> l'embarcadère. L'affluence est considérable : <strong>des</strong> gondoles de toutes sortes envahissent la<br />

lagune <strong>et</strong> forment <strong>des</strong> taches colorées se détachant précieusement sur le vert tendre de l'eau, pendant que les figures<br />

masquées bondissent, rappelant la célébration du carnaval.<br />

Au grand ciel caressé par une lumière argentée de la partie supérieure, la moitié inférieure oppose un fourmillement de formes<br />

<strong>et</strong> de détails multicolores. Les touches de couleurs claires donnent une animation particulière à l'ensemble.<br />

Guardi s'est inspiré de gravures réalisées en 1766 par Brustoloni d'après <strong>des</strong> <strong>des</strong>sins de Canal<strong>et</strong>to sur le même suj<strong>et</strong>, dont le<br />

style plus sec <strong>et</strong> statique dénote d'un souci topographique ; il a interprété ces scènes librement avec une touche scintillante <strong>et</strong><br />

une recherche d'eff<strong>et</strong>s atmosphériques. La scène sert de prétexte à une <strong>des</strong>cription insolite de Venise <strong>et</strong> de ses monuments,<br />

<strong>dans</strong> une luminosité diaphane <strong>et</strong> argentée. L'image baigne <strong>dans</strong> le jeu mobile de la lumière, évocation fantaisiste <strong>et</strong> fugace.<br />

<strong>Un</strong>e datation postérieure à 1775<br />

La datation de c<strong>et</strong>te série n'est pas antérieure à 1775, les panaches de plumes <strong>des</strong> comparses féminines sur les embarcations<br />

étant <strong>des</strong> coiffures créées à Paris à c<strong>et</strong>te date. Les toiles de Guardi de la décennie précédente sont davantage topographiques<br />

<strong>et</strong> leurs coloris sombres sont plus contrastés. L'évolution du langage pictural de Guardi, nerveux <strong>et</strong> brossé, est frappante : une<br />

lumière blonde rythme les espaces <strong>et</strong> fond les couleurs <strong>dans</strong> un jeu varié de clair-obscur <strong>et</strong> <strong>dans</strong> le traitement vif <strong>et</strong> saccadé de<br />

la touche. Les "vedute" ou vues, représentations de paysage urbain d'une grande rigueur topographique, prennent chez Guardi<br />

<strong>des</strong> allures fantaisistes <strong>et</strong> brillantes. En eff<strong>et</strong>, on ne peut pas <strong>dans</strong> la réalité voir tous les bâtiments représentés ici, trop éloignés<br />

du Lido !<br />

> Voir aussi les vues de Venise de Antonio<br />

Visentini (Venise 1688 –1782), d'après Canal<strong>et</strong>to<br />

- Venise : le campo San Zanipolo<br />

- Venise : le campo San Salvatore<br />

- Venise : le campo Santo Stefano<br />

- Venise : la place <strong>et</strong> l'église Saint-Marc<br />

En 1735, Antonio Visentini grave Prospectus Magni<br />

Canalis Ven<strong>et</strong>iarum, 14 eaux fortes d'après <strong>des</strong> vues<br />

de Canal<strong>et</strong>to. En 1742, il ajoute 12 autres vues du<br />

Grand Canal <strong>et</strong> change le titre en Urbis Ven<strong>et</strong>iarum<br />

prospectus Celebriores. La première série fait parcourir<br />

idéalement tout le grand Canal à partir du pont Rialto,<br />

centre commercial traditionnel de Venise, tandis que la<br />

seconde débute à l'entrée nord de la cité <strong>et</strong> procède<br />

jusqu'à la zone de Saint-Marc en un mouvement<br />

alterné de champs <strong>et</strong> de contre champs.<br />

La toile de Guardi fait partie d'une<br />

série de douze dont dix sont<br />

aujourd'hui au musée du Louvre. Elles<br />

représentent toutes un événement<br />

historique lié aux fêtes du<br />

couronnement du doge Alvise<br />

Mocenigo en 1763. Après les<br />

cérémonies du Mariage de la mer, le<br />

Doge se rend à San Nicolò pour<br />

écouter la messe avant de r<strong>et</strong>ourner à<br />

Venise. Il s'apprête à remonter à bord<br />

du Bucentaure après être passé sous<br />

un dais tendu pour l'occasion.<br />

Contexte historique<br />

Guardi <strong>et</strong> avant lui Canal<strong>et</strong>to ont<br />

représenté c<strong>et</strong>te splendide cérémonie<br />

avec l'embarcation du Doge tendue de<br />

toiles rouges <strong>et</strong> couverte de sculptures<br />

dorées ; <strong>des</strong> bateaux plus p<strong>et</strong>its, dorés<br />

eux aussi, <strong>et</strong> les noires gondoles lui<br />

font escorte. Depuis le XII ème siècle, à<br />

l'occasion de la fête de l'Ascension, la<br />

Sensa, le doge célèbre la cérémonie<br />

du Mariage de la mer en j<strong>et</strong>ant depuis<br />

le Bucentaure, un bateau d'apparat, un<br />

anneau <strong>dans</strong> l'Adriatique.<br />

D’après www.louvre.fr<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 19


La veduta<br />

Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

Le «vedutisme » vient de veduta mot d’origine italienne signifiant « vue » <strong>et</strong> désigne l’art du paysage d’architecture à<br />

Venise au XVIII ème siècle <strong>et</strong> plus généralement une représentation de grand format d'un paysage urbain ou d'autres<br />

panoramas (la vedute).<br />

Les avis sont partagés sur l’origine de c<strong>et</strong> "art de peindre les vues". Si certains veulent y voir une création italienne <strong>et</strong> plus<br />

spécifiquement vénitienne, force est de constater la forte influence hollandaise <strong>dans</strong> les premières vedutes, décelable <strong>dans</strong><br />

la parenté de ces vues de Venise, réelles ou imaginaires, avec les paysages hollandais du XVII ème siècle détaillés <strong>et</strong> précis.<br />

C’est à Gaspard Van Wittel (1652-1736), né <strong>et</strong> formé en Hollande, connu <strong>dans</strong> la péninsule sous le nom de Vanvitelli, que l’on<br />

doit la première veduta italienne. L’arrivée du peintre hollandais à Rome marque un tournant <strong>dans</strong> la peinture de vues. Sa façon<br />

de procéder ne passe pas inaperçue, qu’il s’agisse de l’utilisation d’une chambre noire, de l’analyse de la lumière ou <strong>des</strong> détails<br />

de ses vues.<br />

Luca Carlevajis (1663 - 1730) mathématicien, architecte <strong>et</strong> scénographe, applique le travail de son compatriote à Venise, avec<br />

sa série de 103 eaux-fortes intitulée Le fabriche e vedute di Ven<strong>et</strong>ia, qui marque une étape décisive <strong>dans</strong> l’histoire de l’art de la<br />

peinture de vues vénitienne <strong>et</strong> constitue le début d’une tradition qui connaîtra une grande fortune artistique.<br />

C’est aussi à un hollandais, Giuseppe Wagner (1706 -1786) <strong>et</strong> à son école atelier, que l’on doit la diffusion de la technique qui<br />

allait devenir caractéristique de l’école vénitienne : l’eau forte r<strong>et</strong>ouchée au burin. Son école, considérée comme la plus<br />

grande école de gravure du XVIII ème siècle a formé de nombreux élèves italiens comme par exemple Giambattista Brustoloni.<br />

Ce type de production connaîtra au XVIII ème siècle un essor extraordinaire (dû en partie à la riche activité éditoriale de Venise,<br />

qui va largement solliciter <strong>des</strong> graveurs). Son plus grand représentant étant Antonio Canal, dit Canal<strong>et</strong>to (1697 – 1768), qui<br />

grava <strong>des</strong> vedutes réelles ou imaginaires de la cité de Venise <strong>et</strong> de ses alentours, eaux fortes marquées d’aspects<br />

véridiques juxtaposés à <strong>des</strong> visions de rêve.<br />

Les védutistes tels que Canelotto, Bellotto, Vasi, Visentini, Tiepolo vont propager l’image d’une ville fière <strong>et</strong> magnifique :<br />

richesse décorative <strong>des</strong> faça<strong>des</strong>, alignement de palais recouverts de marbre, monuments rues <strong>et</strong> places, se reflétant <strong>dans</strong> les<br />

canaux, splendeur d’un art de vivre <strong>et</strong> de ses fêtes, admirées <strong>et</strong> enviées <strong>dans</strong> toute l’Europe.<br />

La vedute est donc une <strong>des</strong>cription assez fidèle de l’architecture de villes telles que Rome ou Venise, mais pas de<br />

l'urbanisme : points de vue <strong>et</strong> compositions sont r<strong>et</strong>ravaillés pour agrandir <strong>des</strong> angles <strong>et</strong> représenter <strong>dans</strong> une même<br />

vues <strong>des</strong> éléments éloignés in situ. Les vedutes peuvent donc être <strong>des</strong> "vues impossibles" réalisées à coup d'expédients<br />

perspectifs (utilisation de multiples points de station, surdimensionnements d'espaces, eff<strong>et</strong>s "grand angle" ou au contraire<br />

comme au téléobjectif…) pour répondre à un idéal de beauté <strong>et</strong> renforcer la lisibilité <strong>et</strong> le dynamisme. Malgré ces nombreux<br />

"aménagements" <strong>et</strong> "r<strong>et</strong>ouches", les vedutistes sont passés pour <strong>des</strong> artistes objectifs. Mais la notion d'objectivité est<br />

anachronique <strong>dans</strong> la première moitié du XVIII ème siècle, car ce que cherchent les artistes c'est produire seulement l'eff<strong>et</strong> de<br />

"réalité". Il ne faut en eff<strong>et</strong> pas confondre précision de la gravure, de la représentation <strong>et</strong> exactitude de l'observation. Chaque<br />

artiste donne sa lecture de la ville.<br />

La vedute constitue en outre un exercice de perspective fabuleux.<br />

Le Grand Tour<br />

D'après : <strong>Un</strong>e Venise imaginaire, Architectures, vues <strong>et</strong> scènes capricieuses <strong>dans</strong> la gravure vénitienne du XVIIIè siècle,<br />

Rainer Michael Mason, Cabin<strong>et</strong> <strong>des</strong> Estampes du musée d'art <strong>et</strong> d'Histoire – Genève 1991<br />

Aux XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, le Grand Tour est un long <strong>voyage</strong> effectué par les jeunes gens <strong>des</strong> plus hautes classes de la<br />

société britannique en Europe continentale, <strong>des</strong>tiné à parfaire leur éducation pendant ou après leurs étu<strong>des</strong>. Ce <strong>voyage</strong>, d’un<br />

an environ, très formalisé, passe par la France, les Pays-Bas, l'Allemagne, la Suisse <strong>et</strong> surtout l’Italie, puis plus tard la Grèce <strong>et</strong><br />

l'Asie mineure. Ce <strong>voyage</strong> est quasi obligatoire à quiconque veut devenir un « compleat gentleman » pour compléter sa<br />

formation, étudier les langues étrangères <strong>et</strong> nouer <strong>des</strong> contacts politiques, diplomatiques, militaires, ou commerciaux <strong>dans</strong> les<br />

autres pays.<br />

Le <strong>voyage</strong> passe par <strong>des</strong> étapes obligatoires, <strong>des</strong> hauts lieux culturels incontournables tels que les ruines antiques, Rome,<br />

Venise, mais aussi Pompéi <strong>et</strong> Herculanum qui viennent au XVIII ème siècle d’être redécouverts.<br />

Au r<strong>et</strong>our, il est un élément de reconnaissance ou d'ascension sociale.<br />

Les jeunes gens échangent alors anecdotes <strong>et</strong> souvenirs, affichent les nombreuses pièces d’art <strong>et</strong> antiquités ach<strong>et</strong>ées lors <strong>des</strong><br />

diverses étapes. Le récit de <strong>voyage</strong> a alors une fonction importante, celle de faire reconnaître c<strong>et</strong>te expérience acquise <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te<br />

culture commune qui renforcent les liens sociaux.<br />

Le Grand Tour occasionne la publication de nombreux livres gui<strong>des</strong> illustrés de gravures rassemblant les vedutes de lieux bien<br />

connus, tels que le Forum romain ou le Grand Canal, ou <strong>des</strong> peintures de ruines, rappelant aux aristocrates anglais leurs<br />

<strong>voyage</strong>s de jeunesse. Nombre de graveurs comme Vanvitelli, Canal<strong>et</strong>to ou encore Guardi trouvèrent de nombreux débouchés<br />

<strong>dans</strong> ces souvenirs de <strong>voyage</strong>s extrêmement prisés. La sensibilité <strong>des</strong> œuvres de Canal<strong>et</strong>to <strong>et</strong> les vibrations de lumière<br />

captées <strong>dans</strong> ses gravures seront riches en conséquence pour la naissance du paysage romantique en Angl<strong>et</strong>erre.<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 20


Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

> Voir aussi :<br />

- François Denis Née (Paris 1735 – 1818), d'après Alexis Nicolas<br />

Pérignon (Nancy 1726 – Paris 1782), Vue de Genève<br />

- Jean-Baptiste Lienard (Lille 1750 – après 1807) , d'après Alexis<br />

Nicolas Pérignon (Nancy 1726 – Paris 1782), Vue de Bâle<br />

- Johann Georg Rosenberg (Berlin 1739 – 1808), Berlin : la place<br />

d'Armes, 1780 / Berlin : la place de l'Opéra, 1782<br />

- Andreas Ludwig Krüger (Postdam 1743 – Berlin vers 1805), Postdam :<br />

vue méridionale du château royal, 1775 / Postdam : le Belvédère au<br />

château de Sans Souci, 1776<br />

- Joseph Constantine Stadler (Actif à Londres entre 1780 <strong>et</strong> 1822)<br />

d'après Joseph Farington (Leigh 1747 – Manchester 1821), Somers<strong>et</strong><br />

Place à Londres, 1791 / London Bridge, 1790 / Wesminster Bridge,<br />

1790 / Blackfriars Bridge <strong>et</strong> la cathédrale Saint-Paul, 1790 (ci-contre)<br />

- Willem Swidde de Jonge (Stockholm 1661 – 1697), Vue de Stockholm<br />

<strong>et</strong> de ses faubourgs, 1693 Au XVIII ème siècle, on expérimente en Angl<strong>et</strong>erre <strong>des</strong><br />

techniques comme l’aquatinte pour produire <strong>des</strong> estampes plus colorées.<br />

6. Giovanni Battista Piranesi dit Piranèse<br />

(Mogliano, près de Mestre 1720 – Rome 1778)<br />

Piranèse reçoit sa première formation à Venise où, ayant décidé de se consacrer à l’architecture, il étudie auprès<br />

de différents architectes <strong>et</strong> scénographes. D’autre part, il acquiert ses premiers rudiments de perspective auprès<br />

d’un graveur.<br />

Peu à peu, séjournant à Rome, il s’oriente vers la gravure <strong>et</strong> plus spécifiquement l’eau forte qu’il va utiliser<br />

comme unique moyen d’expression. En eff<strong>et</strong>, si <strong>des</strong> artistes comme Canal<strong>et</strong>to furent peintre avant tout <strong>et</strong><br />

n’utilisèrent la gravure que comme un moyen d’expression temporaire, Piranèse est un graveur par excellence,<br />

qui se consacra exclusivement à c<strong>et</strong>te technique (il va prodigieusement perfectionner la technique de l’eau forte).<br />

S’il garde son activité d’architecte, celle-ci reste toutefois secondaire <strong>et</strong> n’est que l’application <strong>des</strong> principes<br />

énoncés <strong>dans</strong> ses gravures. On conserve plus d’un millier d’estampes de c<strong>et</strong> artiste.<br />

Piranèse fréquente l’atelier de Tiepolo <strong>et</strong> étudie les œuvres de Canal<strong>et</strong>to. Il est l’un <strong>des</strong> représentants les plus<br />

significatifs de la culture romaine du XVIII ème siècle <strong>et</strong> jouit de son vivant de tous les privilèges dûs à un artiste de<br />

sa valeur.<br />

Son travail de graveur est d’abord fortement marqué par une culture vénitienne architecturale, par une forte<br />

imagination, un penchant pour le fantastique, le goût pour les architectures grandioses <strong>et</strong> par son expérience<br />

<strong>dans</strong> le domaine de la scénographie. Il grave alors <strong>des</strong> compositions ornementales <strong>et</strong> fantastiques, <strong>dans</strong> le goût<br />

vénitien, pleines d’esprit <strong>et</strong> de légèr<strong>et</strong>é. Puis, <strong>dans</strong> un second temps, l’influence <strong>des</strong> <strong>des</strong>sinateurs de ruines <strong>et</strong><br />

<strong>des</strong> graveurs d’architecture romaine, prend le <strong>des</strong>sus <strong>et</strong> Piranèse s’oriente vers <strong>des</strong> vues de Rome <strong>et</strong> <strong>des</strong><br />

planches néo-classiques d’obj<strong>et</strong>s de fouille.<br />

En 1745 il aborde pour la première fois le thème de la veduta avec 27 p<strong>et</strong>ites planches publiées <strong>dans</strong> un recueil<br />

d’illustrations de Rome par l’éditeur Amidei. On peut déceler <strong>dans</strong> ces gravures, le conflit entre l’attrait spontané<br />

de Piranèse pour le fantastique <strong>et</strong> son exigence d’objectivité <strong>et</strong> son érudition.<br />

Les 30 planches <strong>des</strong> Antichità Romane dei tempi della Republica (voir les 3 estampes suivantes présentées <strong>dans</strong><br />

l’exposition) publiées pour la première fois en 1748 sont le fruit de c<strong>et</strong>te dialectique. Avec Piranèse, le mythe de<br />

la Rome Antique s’affirme. Piranèse va vouloir lutter contre le temps qui détruit <strong>et</strong> enfonce <strong>dans</strong> l’oubli les<br />

civilisations. L’artiste va passer les 30 dernières<br />

années de sa vie à ressusciter le passé en fixant sur<br />

le papier les images de monuments antiques<br />

découverts par les fouilles ou de ruines majestueuses<br />

qui servent de cadre à la vie contemporaine <strong>et</strong> à<br />

établir <strong>des</strong> répertoires <strong>et</strong> proposer <strong>des</strong> reconstitutions<br />

archéologiques. Ces tâches occuperont la fin de sa<br />

carrière de manière obsédante. <strong>Un</strong> nombre incroyable<br />

de pièces montrent la magnificence <strong>des</strong> ruines<br />

romaines, œuvres complexes d’un architecte –<br />

archéologue – graveur – poète, qui m<strong>et</strong> en valeur les<br />

monuments en les couvrant de ronces, d’arbustes…<br />

<strong>et</strong> en y ajoutant figures humaines, éléments<br />

anecdotiques ou pittoresques.<br />

Vue du pont Fabricius (aujourd'hui ponte dei Quattro Capi)<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 21


Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

Piranèse occupa donc une place assez particulière <strong>dans</strong> la culture européenne du XVIII ème siècle, refusant les<br />

idéaux simplistes auxquels semblait vouloir s’arrêter l’archéologie, au moment où elle prenait forme de discipline<br />

scientifique <strong>et</strong> donnant une portée philosophique à son œuvre.<br />

> Voir Giovanni Battista Piranesi :<br />

- La colonne Antonine (colonne de Marc Aurèle)<br />

- Vestiges de la colonnade du temple d'Antoninus Pius<br />

(temple d'Hadrien)<br />

Giovanni Battista Piranesi, Le Antichità Romane, Rome, 1756<br />

> Voir aussi :<br />

- Giovanni Battista Piranesi, d'après Giuseppe Zocchi,<br />

Toscane : la villa royale Ambrosiana<br />

- Adrien Manglard (Lyon 1695 – Rome 1760), Rome :<br />

intérieur du Colisée / Rome : tombeau de Cæcilia<br />

M<strong>et</strong>ella, 1753<br />

Vues de ruines<br />

Au XVIII ème siècle, beaucoup de changements ont lieu <strong>dans</strong> Rome : l’ouverture <strong>des</strong> ruines du Forum romain, les recherches au<br />

pied du champs de Mars, les fouilles de la Via Appia, <strong>des</strong> thermes de Caracalla…La mode <strong>des</strong> ruines est désormais complétée<br />

d’analyses topographiques, de recherches… qui ne peuvent pas laisser insensibles les peintres <strong>et</strong> graveurs de l’époque.<br />

F. Pistes d'exploitation en Arts plastiques <strong>et</strong> en Histoire<br />

<strong>des</strong> arts<br />

par Gérard de Foresta, professeur relais en Arts plastiques<br />

Le paysage <strong>et</strong> son importance au XVIII ème , pensée <strong>et</strong> imaginaire architectural, gravures topographiques, vues<br />

<strong>des</strong>criptives, paysages de fantaisie de la Venise du XVlll ème siècle (caprice, « <strong>voyage</strong>s pittoresques »)<br />

Rôle de la diffusion <strong>des</strong> images, la gravure de diffusion <strong>et</strong> statut de la copie : aspect social, commercial,<br />

idéologique, didactique (copie d’œuvre fameuses, ricordo…), moyen d'expression artistique <strong>et</strong>/ou communication<br />

de masse, lien avec les textes imprimés.<br />

La gravure, mode de reproduction ou mode d'expression ?<br />

Œuvre unique <strong>et</strong> multiple, question d'original…<br />

Les techniques de la gravure : Pointe sèche, taille douce, eau forte, aquatinte.<br />

Les techniques picturales <strong>et</strong> graphiques : gris optiques, contrastes, eff<strong>et</strong>s de lumière, mise en couleur, eff<strong>et</strong>s<br />

d’inversion de l’image…<br />

La représentation de l’espace : Panorama <strong>et</strong> « Vedute » : vues d'optique, cartographie.<br />

Artifices de la perspective <strong>et</strong> composition : Echelles de grandeur, construction de points de vue, proportions,<br />

étagements <strong>des</strong> plans, disposition <strong>des</strong> espaces vi<strong>des</strong>, distorsions de perspectives.<br />

Rapport entre ensemble <strong>et</strong> détails…<br />

Réalisme <strong>et</strong> imaginaire :<br />

Bien <strong>des</strong> gravures de c<strong>et</strong>te exposition présentent <strong>des</strong> panoramas idéalisés par une combinatoire de constituants<br />

réels prélevés sur le motif, par <strong>des</strong> distorsions de perspective (espace dilaté ou comprimé) ou par une intrication<br />

subtile d’éléments de réalité documentaire <strong>et</strong> d’éléments imaginés, formant <strong>des</strong> rêveries urbanistiques <strong>et</strong> <strong>des</strong><br />

scénographies fantaisistes (caprice)<br />

Rapport entre précision <strong>des</strong> détails <strong>et</strong> exactitude (l’exactitude n’est pas la vérité, Matisse)<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 22


G. Pistes en l<strong>et</strong>tres<br />

Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

par Annick Polin, professeur relais en L<strong>et</strong>tres<br />

Pour les professeurs de langues anciennes, l'exposition peut servir de support à la connaissance de la<br />

civilisation romaine. On y trouve en eff<strong>et</strong> <strong>des</strong> gravures représentant Rome <strong>et</strong> ses monuments les plus célèbres.<br />

Le Colisée, le Capitole, les thermes de Dioclétien <strong>et</strong> ceux de Caracalla, l'arc de Marc-Aurèle, le théâtre de<br />

Marcellus, la colonne de Marc-Aurèle, le temple d'Hadrien, le temple de la Concorde <strong>et</strong> le forum romanum, le<br />

pont Fabricius, le tombeau de Cecilia M<strong>et</strong>ella, le Septizodium <strong>et</strong> le Campo Vaccino.<br />

Pour les professeurs de français, l'exposition est d’abord l'occasion d'un <strong>voyage</strong> <strong>dans</strong> le Paris <strong>des</strong><br />

XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, puis <strong>dans</strong> toute l’Europe.<br />

On pourrait presque y suivre l'itinéraire parisien de la mule du médecin M. Tomès <strong>dans</strong> la scène III de l'acte II<br />

de L'amour médecin de Molière, du faubourg Saint-Germain à la place Royale. On évoquera aussi Molière <strong>et</strong> le<br />

théâtre de rue avec la gravure du Pont Neuf. On peut encore choisir de marcher sur les pas <strong>des</strong> héros <strong>des</strong><br />

comédies de Corneille : La galerie du Palais, La Place Royale, ou Le Menteur dont la scène première se passe<br />

devant les Tuileries.<br />

Si l’on étudie le XVIIIème siècle, on verra le Palais Royal évoqué par Diderot dès l’incipit du Neveu de Rameau,<br />

<strong>et</strong> plus globalement un Paris aussi grand qu’Ispahan comme le décrit Montesquieu <strong>dans</strong> la L<strong>et</strong>tre persane XXIV.<br />

On montrera la gravure représentant le château de Versailles, pour apprécier combien le Roi de France est<br />

magnifique, surtout <strong>dans</strong> ses bâtiments (L<strong>et</strong>tre persane XXXVII).<br />

<strong>Un</strong> fois sortis de Paris, nous sillonnons l’Europe : Londres, comme un écho aux L<strong>et</strong>tres anglaises de Voltaire,<br />

mais aussi Venise : les gravures nous révèleront si <strong>des</strong> tours <strong>et</strong> <strong>des</strong> mosquées sortent de l’eau, comme le dit<br />

Rhedi à Usbek <strong>dans</strong> la L<strong>et</strong>tre persane XXXI. Y r<strong>et</strong>rouverons-nous les cabar<strong>et</strong>s, les cafés, les vaisseaux <strong>et</strong> les<br />

barques que découvre Candide à la recherche de Cacambo (ch.XXIV) ? A moins qu’on ne préfère se référer aux<br />

Confessions de Rousseau pour évoquer la musique vénitienne qu’on entend <strong>dans</strong> les scuole, celle de San Marco<br />

par exemple. Nous pouvons encore concevoir un <strong>voyage</strong> à Rome, pour y contempler les ruines antiques <strong>et</strong><br />

apprendre de Diderot pourquoi les ruines font tant de plaisir (Salon de 1767).<br />

Mais c<strong>et</strong>te exposition est aussi une trace de l’esprit <strong>des</strong> Lumières, non seulement parce qu’elle montre<br />

l’univers géographique de référence à c<strong>et</strong>te époque, mais aussi parce que la gravure fait partie intégrante du<br />

proj<strong>et</strong> encyclopédique : il s’agit de répertorier les lieux visités <strong>et</strong> d’en diffuser la connaissance concrète par<br />

l’image. On y reconnaît l’aspiration scientifique <strong>des</strong> Lumières, quand par exemple chaque élément de la gravure<br />

est identifié par une l<strong>et</strong>tre, <strong>et</strong> commenté par une légende ; mais on y trouve également l’imaginaire <strong>des</strong> Lumières,<br />

quand, comme <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te vue de Venise de Brustoloni : Le doge à bord du Bucentaure quitte le Lido le jour de<br />

l’Ascension, la gravure offre une vue imprenable, au sens propre du terme : de quel quai en eff<strong>et</strong> peut-on<br />

embrasser du regard à la fois la Giudecca avec San Giorgio Maggiore, puis Santa Maria della Salute, <strong>et</strong> l’entrée<br />

de la place Saint Marc ?<br />

L’exposition peut servir d’incitation à un travail interdisciplinaire (l<strong>et</strong>tres / arts plastiques / histoire).<br />

Si l’on envisage les gravures comme un media vulgarisant la connaissance <strong>des</strong> lieux prestigieux du XVIII ème<br />

siècle, on peut demander aux élèves de produire à leur tour, <strong>des</strong>sin <strong>et</strong>/ou photographie <strong>et</strong> texte présentant un<br />

lieu touristique contemporain.<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 23


Corneille, La galerie du palais, Théâtre compl<strong>et</strong>, Bibliothèque de la pléiade,<br />

Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 24


Molière, L'Amour médecin, Oeuvres complètes, GF Flammarion<br />

Pierre Corneille, Le Menteur, Folioplus classiques<br />

Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 25


Montesquieu, Les l<strong>et</strong>tres Persanes, Œuvres complètes, La pléiade,<br />

Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 26


Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 27


Voltaire, Candide, <strong>Un</strong>iversité <strong>des</strong> L<strong>et</strong>tres, Bordas<br />

Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 28


Denis Diderot, Le Neveu de Rameau, Livre de Poche<br />

Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 29


Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

Denis Diderot, Salon de 1767 (apostrophe à Hubert Robert), in : Collection littéraire Lagarde <strong>et</strong><br />

Michard<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 30


Rousseau, Les Confessions, livre VII<br />

-<br />

Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 31


Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 32


Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

G. Aborder la gravure avec les élèves du primaire<br />

! La gravure, un moyen de diffusion, avant la photographie<br />

Pistes pédagogiques par Jean-Marc Léger, professeur relais pour le 1 er degré<br />

L’année 1839 voit la naissance de la photographie. La découverte est<br />

présentée à l’Académie <strong>des</strong> sciences mais encore longtemps, on recourra<br />

à la gravure pour diffuser <strong>des</strong> images.<br />

De nos jours, la photographie a supplanté ce mode de diffusion.<br />

La gravure est apparue en Europe au XV ème siècle, elle se développe<br />

durant la Renaissance.<br />

L'impact de la gravure sur la diffusion de l'art <strong>et</strong> de la science est prodigieux dès le XVII ème siècle. Les illustrations<br />

de l'Encyclopédie de Diderot <strong>et</strong> d’Alembert montrent combien c<strong>et</strong> art contribua à populariser la culture.<br />

!Comme la photographie, la gravure perm<strong>et</strong> de réaliser <strong>des</strong> multiples. L’idée de « multiples » peut être<br />

développée avec les élèves : photocopies, empreintes, gravures sur carton, sur bois, par collages,<br />

photographie numérique.<br />

! Exploitations en Arts plastiques<br />

Quelques techniques présentées <strong>dans</strong> l'exposition :<br />

La pointe sèche : La pointe sèche est le nom d'une technique <strong>et</strong> de l'outil qui perm<strong>et</strong> sa réalisation.<br />

Contrairement au burin qui dégage <strong>des</strong> copeaux, la pointe sèche, maniée comme un crayon, déchire le métal. Le<br />

creux est bordé de barbes, sorte de bourrel<strong>et</strong>s déchiqu<strong>et</strong>és. Ces barbes caractérisent la pointe sèche : elles<br />

prennent l'encre autant que les creux <strong>et</strong> donnent au trait un aspect velouté. Certains graveurs les suppriment<br />

avec un ébarboir, ce qui ôte à c<strong>et</strong>te technique la richesse de sa matière. C<strong>et</strong>te technique peut être utilisée par les<br />

élèves, on remplace la pointe sèche par une pointe d’acier, clou ou pointe de compas.<br />

La plaque de cuivre peut être remplacée par du carton. Néanmoins, la presse demeure assez<br />

indispensable, car la pression du papier sur le carton doit être importante.<br />

Le burin : Le burin est le nom de la technique <strong>et</strong> de l'outil employé par le graveur : lame d'acier de section carrée,<br />

coupée en biseau. Le buriniste pousse la lame <strong>dans</strong> le métal, dégageant <strong>des</strong> copeaux, il creuse <strong>des</strong> tailles n<strong>et</strong>tes,<br />

sans rebord, d'une finesse <strong>et</strong> d'une profondeur variables. Le travail au burin est long <strong>et</strong> minutieux, il demande une<br />

certaine technicité, l'artiste doit mesurer son geste : la pression exercée sur l'outil, son inclinaison, une erreur est<br />

difficilement réparable.<br />

C<strong>et</strong>te technique n’est pas adaptée en classe compte tenu de la dangerosité de l’outil.<br />

L'eau forte : L'eau forte est une gravure en creux indirecte : la matrice est creusée chimiquement. Le graveur<br />

<strong>des</strong>sine sur une plaque vernie à l'aide d'une pointe métallique qui m<strong>et</strong> le métal à nu mais ne l'atteint pas. La<br />

plaque est plongée <strong>dans</strong> l'acide (d'où le nom eau-forte) le métal non protégé est « mordu ». L'artiste enlève le<br />

vernis, puis il encre sa plaque comme pour la gravure directe. L'aquafortiste trace avec aisance <strong>et</strong> souplesse<br />

<strong>dans</strong> le vernis, à la manière d'un <strong>des</strong>sinateur, son trait est spontané. C'est " la gravure <strong>des</strong> peintres ", elle ne<br />

nécessite pas de gran<strong>des</strong> connaissances techniques. La taille se caractérise par <strong>des</strong> bords légèrement<br />

irréguliers, dus à l'effervescence de l'acide. L'épaisseur du trait est modulée en fonction du calibre <strong>des</strong> pointes <strong>et</strong><br />

du temps de morsure. L'eau-forte perm<strong>et</strong> <strong>des</strong> eff<strong>et</strong>s très nuancés. Elle est souvent associée à l'aquatinte, à la<br />

pointe sèche, au burin…<br />

C<strong>et</strong>te technique n’est pas adaptée en classe du fait de l’utilisation d’aci<strong>des</strong>.<br />

L'aquatinte : Le graveur saupoudre la plaque de grains de résine, de manière plus ou moins dense. La plaque<br />

est ensuite chauffée, la résine adhère, puis les grains durcissent <strong>et</strong> forment autant de p<strong>et</strong>its points résistants. Le<br />

métal est creusé à l'acide autour de ces grains. Il faut renouveler plusieurs fois l'opération <strong>et</strong> superposer les<br />

taches. Ce procédé est généralement associé à l'eau-forte, un vernis protégeant les parties non grainées.<br />

L'aquatinte perm<strong>et</strong> d'obtenir <strong>des</strong> masses aux valeurs nuancées, à la manière d'un lavis. Les traits sont apportés<br />

par une autre technique.<br />

Technique inadaptée en classe. Cependant on peut obtenir <strong>des</strong> lavis en « rehaussant » certaines parties<br />

de la gravure en utilisant <strong>des</strong> couleurs largement diluées à l’eau <strong>et</strong> appliquées au pinceau fin. Attention<br />

<strong>dans</strong> ce cas, il ne faut pas employer d’encre à l’eau pour la gravure, mais de l’encre à taille douce (à<br />

l’huile).<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 33


Rappel : autres techniques de gravure<br />

Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

La xylographie : Pour graver en relief le graveur évide les parties blanches <strong>et</strong> épargne le <strong>des</strong>sin laissé au niveau initial.<br />

Contrairement à la gravure en creux, c'est le relief qui reçoit l'encre, à la manière d'un tampon. La gravure en relief est encrée<br />

au rouleau, puis imprimée.<br />

Elle se définit de deux façons selon le sens dont la planche de bois a été taillée :<br />

Lorsque le bois a été coupé <strong>dans</strong> le sens de la hauteur de l'arbre, c'est du bois de fil. La xylographie est alors désignée par bois<br />

gravé.<br />

Par le bois gravé, le graveur emploie du bois dur : cerisier, poirier, noyer,… Son <strong>des</strong>sin est reporté au préalable sur la planche<br />

puis, à l'aide du canif, le xylographe détoure, isole les lignes, la lame est maintenue inclinée vers l'extérieur. <strong>Un</strong>e contre-coupe<br />

est ensuite effectuée en inclinant le canif en sens inverse, détachant un copeau triangulaire. Le <strong>des</strong>sin apparaît isolé, de profil,<br />

le relief présente une base plus large résistante à l'impression. Le graveur évide les gran<strong>des</strong> surfaces au ciseau, à la gouge. Le<br />

matériau utilisé implique un certain style : la fibre de bois impose une orientation au geste du graveur, les courbes sont assez<br />

délicates à réaliser, le trait doit avoir un minimum d'un millimètre d'épaisseur. Le <strong>des</strong>sin a un aspect simplifié, l'éclairage est<br />

brutal, le <strong>des</strong>sin contrasté.<br />

Pour la gravure sur bois, le bois est scié <strong>dans</strong> le sens perpendiculaire à la fibre, c'est « le bois de bout. »<br />

Les rondelles sont alors taillées en cubes (en évitant les nœuds) puis rassemblées <strong>et</strong> collées.<br />

C<strong>et</strong>te plaque de bois ainsi constituée se grave aisément avec un burin <strong>dans</strong> tous les sens, le graveur ne risque pas l'éclat <strong>des</strong><br />

fibres.<br />

Le bois de bout étant plus résistant, les tailles sont plus fines <strong>et</strong> peuvent être croisées.<br />

Graver sur du bois est difficile, aussi, on peut, en classe,utiliser le pyrograveur afin de tailler facilement une planche<br />

de contre-plaqué. En recouvrant ensuite c<strong>et</strong>te planche d’encre à linogravure (encre à l’eau à utiliser pure peu onéreuse<br />

– compter 5 euros les 250 ml) on appose la feuille sur la plaque. <strong>Un</strong>e pression au rouleau ou à l’aide du dos d’une<br />

cuillère est suffisante. Avantage : nul besoin de presse !<br />

La linogravure : Le linoléum est composé de poudre de liège, d'huile de lin, de gomme <strong>et</strong> de résine comprimés sur une toile de<br />

jute. C'est un matériau tendre, il se grave aisément <strong>dans</strong> tous les sens contrairement au bois. Les outils du linograveur sont les<br />

gouges <strong>et</strong> les canifs. Les couteaux détourent le tracé, les gouges évident les blancs. Les tailles sont amples, souples <strong>et</strong> variées<br />

: croisées, en fuseau, en pointillé,… On obtient les mêmes eff<strong>et</strong>s qu'avec le bois mais avec une libération du geste, une plus<br />

grande souplesse de la ligne.<br />

C<strong>et</strong>te technique peut être utilisée en classe car l’usage de la presse n’est pas indispensable. Comme pour la<br />

xylographie, une encre à l’eau pour linoléum perm<strong>et</strong> d’obtenir <strong>des</strong> eff<strong>et</strong>s probants. Attention cependant aux outils : on<br />

utilise <strong>des</strong> gouges coupantes. Munir les élèves d’un gant qu’ils porteront à la main inactive.<br />

! <strong>Un</strong>e gravure facile à faire en classe : le « <strong>des</strong>sin-empreinte ». Gauguin utilisait ce type d’empreinte, à mi<br />

chemin entre monotype <strong>et</strong> gravure. <strong>Un</strong> <strong>des</strong>sin sur papier est réalisé, on peut également utiliser une photographie<br />

de catalogue, une carte postale, un portrait photographique. On enduit une plaque de bois ou de plexi d’encre (à<br />

l’eau). Très peu d’encre est nécessaire, on l’applique au rouleau sur l’ensemble de la plaque. On pose sur la<br />

plaque la feuille de papier (côté <strong>des</strong>sin sur le <strong>des</strong>sus). On « repasse » sur les traits au crayon ou au stylo ou<br />

encore avec n’importe quel outil pointu. On r<strong>et</strong>ire la feuille de papier, au revers est imprimé le <strong>des</strong>sin. On peut<br />

recommencer l’opération en utilisant un <strong>des</strong>sin épargné.<br />

On peut coloriser par la suite la gravure en diluant fortement la peinture afin qu’elle ait la consistance d’une<br />

aquarelle ; <strong>dans</strong> ce cas, on utilisera pour « l’empreinte » une encre grasse (encre pour taille douce, encre à<br />

typographie… de façon à ce qu’elle ne se dilue pas avec la peinture.)<br />

<strong>Un</strong> exemple de réalisation d’une l<strong>et</strong>trine<br />

Matériel :<br />

<strong>Un</strong> <strong>des</strong>sin (ici une photocopie)<br />

<strong>Un</strong>e plaque de plexi<br />

<strong>Un</strong> rouleau<br />

De l’encre à linoleum<br />

Du papier calque de la même taille<br />

que la plaque de plexi<br />

<strong>Un</strong>e feuille de papier (ici au format Raisin)<br />

1/ Sur le papier calque, on <strong>des</strong>sine l’initiale de son prénom. A l’aide de la<br />

photocopie, on insère <strong>des</strong> éléments choisis.<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 34


2 / On enduit la plaque de plexi d’encre sur toute sa surface. Attention de ne pas<br />

trop en m<strong>et</strong>tre. Pour vérifier il suffit de disposer sur la plaque une feuille de<br />

brouillon que l’on appliquera fortement afin de r<strong>et</strong>irer les excès éventuels<br />

d’encre.<br />

3/ Sur la plaque maintenant enduite, on pose la feuille sur laquelle l’impression<br />

aura lieu en la centrant. On peut prendre soin de la fixer avec un peu de ruban<br />

adhésif afin qu’elle ne bouge pas.<br />

En appuyant fortement sur la feuille, on repère l’endroit précis où se trouve la<br />

plaque de plexi. Au doigt, on marque les côtés de façon à repérer l’endroit où on<br />

fixera la feuille de papier claque <strong>des</strong>sinée (calque que l’on r<strong>et</strong>ournera de manière<br />

à obtenir une impression lisible).<br />

4 / Au crayon, on « repasse » sur les lignes en appuyant fortement. De<br />

nombreux autres détails peuvent être ajoutés en utilisant la photocopie.<br />

5 / On r<strong>et</strong>ire ensuite la feuille, l’impression est obtenue. Comme pour la gravure, le<br />

procédé peut être renouvelé de façon à obtenir un multiple (<strong>dans</strong> ce cas il faut enduire de<br />

nouveau la plaque). Sur contre-plaqué, on obtient <strong>des</strong> eff<strong>et</strong>s également intéressants car<br />

les veines du bois apparaissent.<br />

L’encre peut paraître salissante, en fait elle se n<strong>et</strong>toie très facilement, un simple passage<br />

sous l’eau suffit, mains <strong>et</strong> outils sont propres.<br />

Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

! Exploitations en Histoire Géographie : les gravures de <strong>voyage</strong>, lecture de plan <strong>et</strong> repère<br />

<strong>dans</strong> l'espace<br />

Villes d’Angers <strong>et</strong> de Nantes Vue de Berlin<br />

Venise Londres (aquatinte)<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 35


Paris Rome (détail)<br />

Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

Situer ces 7 gravures sur une carte mu<strong>et</strong>te puis rapprocher chacune <strong>des</strong> gravures de prises de vues<br />

contemporaines ou historiques.<br />

Pont neuf Paris Temple de Vespasien Rome<br />

Westminster bridge Londres Vue de Venise<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 36


L’opéra de Berlin 1910<br />

Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

Vue aérienne Angers<br />

Vue aérienne de Nantes Le Louvre - Paris<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 37


Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

Fiche : Comment expliquer la gravure aux plus jeunes<br />

La gravure est une technique qui perm<strong>et</strong> de reproduire plusieurs fois la même image.<br />

1 / On commence par graver un<br />

<strong>des</strong>sin sur un support dur, très<br />

résistant (une planche de bois,<br />

une plaque de métal…) à l’aide<br />

d’un outil pointu. Cela donne<br />

une « matrice ».<br />

2 / Puis on recouvre c<strong>et</strong>te<br />

plaque d’encre (noire ou<br />

de couleur) avec un<br />

tampon ou un rouleau.<br />

3 / Enfin, on presse une<br />

feuille sur le support dur <strong>et</strong><br />

le <strong>des</strong>sin s’imprime. C’est<br />

le même principe que<br />

l’imprimerie, sauf qu’il<br />

s’agit là de créer <strong>des</strong><br />

œuvres d’art que l’on<br />

appelle gravures ou<br />

estampes.<br />

<strong>Un</strong>e fois, deux fois, trois<br />

fois… à l’infini<br />

On peut recommencer<br />

l’opération<br />

autant de fois<br />

que l’on veut<br />

avec la même plaque <strong>et</strong><br />

obtenir une<br />

série d’images identiques<br />

A l’endroit, à l’envers<br />

On doit toujours graver la plaque à<br />

l!envers (matrice) pour obtenir une<br />

image à l!endroit sur la feuille.<br />

Pour comprendre, imagine que ta main<br />

gauche est la plaque gravée <strong>et</strong> ta main<br />

droite la gravure, puis superpose-les.<br />

!!<br />

Matrice<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 38


L'exposition présente aussi les gravures suivantes<br />

Vue d'Amsterdam avec le pont neuf<br />

C. de Jonge van Elleme<strong>et</strong>, Recueil de<br />

cent vues d'Amsterdam, Amsterdam,<br />

Pi<strong>et</strong>er Schenck, sans date<br />

Vue <strong>et</strong> perspective du château de<br />

Versailles du côté de la cour<br />

Pierre Menant<br />

Actif à Paris, première moitié du XVIII e siècle<br />

Paris : le Louvre, le château de<br />

Madrid, la cathédrale Notre-Dame<br />

<strong>et</strong> la place royale (actuelle place <strong>des</strong><br />

Vosges)<br />

Topographie française ou représentations de<br />

plusieurs villes, bourgs, châteaux…la plupart<br />

sur les <strong>des</strong>sins de Claude Chastillon, ingénieur<br />

du roi, Paris, Louis Boissevin, 1655<br />

La Ville de Barcelone<br />

Sébastien de Beaulieu (1612? – 1674), Les<br />

Plans <strong>et</strong> profils <strong>des</strong> principales villes <strong>et</strong> lieux<br />

considérables de la principauté de Catalogne…<br />

par le chevalier de Beaulieu, Paris, sans date<br />

La Ville de Rouen<br />

Tassin, Les Plans <strong>et</strong> profils de toutes les<br />

principales villes <strong>et</strong> lieux considérables de<br />

France…par le sieur Tassin, géographe ordinaire<br />

de sa majesté, Première partie, Paris, 1634<br />

La Ville de Marseille<br />

Tassin, Les Plans <strong>et</strong> profils de toutes les<br />

principales villes <strong>et</strong> lieux considérables de<br />

France…par le sieur Tassin, géographe ordinaire<br />

de sa majesté, Seconde partie, Paris, 1634<br />

Vue du Palais Royal de Tolède, considéré du côté du<br />

Tage<br />

Juan Alvarez de Colmenar, Les Délices de<br />

l'Espagne <strong>et</strong> du Portugal…par Don Juan Alvarez<br />

de Colmenar, Leyde, chez Pierre Van der Ar, 1707<br />

Toscane : la villa royale<br />

de Poggio a Caiano<br />

Joseph Wagner<br />

Thaldorf, Württemburg 1706 – Venise 1780<br />

d'après Giuseppe Zocchi<br />

Florence 1711 ou 1717 – Florence 1767<br />

Toscane : villa à Pozzolatico<br />

Giuliano Giampiccoli<br />

Belluno 1703 – Belluno 1759<br />

d'après Giuseppe Zocchi<br />

Florence 1711 ou 1717 – Florence 1767<br />

Toscane : vue de Monte Oliv<strong>et</strong>o<br />

Filippo Morghen<br />

Florence 1730 – après 1807<br />

d'après Giuseppe Zocchi<br />

Florence 1711 ou 1717 – Florence 1767<br />

Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

Florence : vue <strong>des</strong> Offices <strong>et</strong><br />

de la loggia près de l'Arno<br />

Giuseppe Vasi<br />

Corleone, Sicile, 1710 – Rome 1782<br />

d'après Giuseppe Zocchi<br />

Florence 1711 ou 1717 – Florence 1767<br />

Florence : vue de l'Arno <strong>et</strong><br />

du pont Santa Trinità<br />

Vincenzo Franceschini<br />

Rome 1680 – après 1750<br />

d'après Giuseppe Zocchi<br />

Florence 1711 ou 1717 – Florence 1767<br />

Rome : les thermes de Caracalla<br />

Pi<strong>et</strong>er Schenck<br />

Elberfeld 1660 – Amsterdam 1713<br />

Rome : le Campo Vaccino<br />

Pi<strong>et</strong>er Schenck<br />

Elberfeld 1660 – Amsterdam 1713<br />

Rome : le théâtre de Marcellus<br />

Pi<strong>et</strong>er Schenck<br />

Elberfeld 1660 – Amsterdam 1713<br />

Rome : l'arc de Marc Aurèle<br />

Pi<strong>et</strong>er Schenck<br />

Elberfeld 1660 – Amsterdam 1713<br />

Rome : le château Saint-Ange<br />

Pi<strong>et</strong>er Schenck<br />

Elberfeld 1660 – Amsterdam 1713<br />

Rome : le Capitole<br />

Pi<strong>et</strong>er Schenck<br />

Elberfeld 1660 – Amsterdam 1713<br />

Rome : l'église Saint-Pierre<br />

<strong>et</strong> le Vatican, 1652<br />

Israël Silvestre<br />

Nancy 1621 – Paris 1691<br />

Rome : place de Monte Cavallo<br />

(place du Quirinal)<br />

Giovanni Battista Piranesi<br />

Mogliano, près de Mestre 1720 – Rome 1778<br />

Vue de Soleure<br />

Louis-Joseph Masquelier<br />

Cysoing 1741 ou 1751 - 1811<br />

d'après Alexis Nicolas Pérignon<br />

Nancy 1726 – Paris 1782<br />

Vue de Coire<br />

Michel Picquenot<br />

Rouen 1747 – après 1808<br />

d'après J.-J. François Le Barbier<br />

Rouen 1738 – Paris 1826<br />

Vue d'Estavayer<br />

François Dequevauviller<br />

Abbeville 1745 – Paris, vers 1807<br />

d'après J.-J. François Le Barbier<br />

Rouen 1738 – Paris 1826<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 39


Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

Service éducatif<br />

…Ateliers, visites autonomes ou commentées, permanences de professeurs relais,<br />

aide aux proj<strong>et</strong>s pédagogiques,<br />

formations, stages, dossiers pédagogiques, présentations d'exposition temporaires…<br />

Pour tout renseignement complémentaire,<br />

contacter le secrétariat - 02.31.30.47.73 - qui vous m<strong>et</strong>tra en relation avec les professeurs relais.<br />

Permanences <strong>des</strong> Professeurs relais<br />

Gérard de Foresta / Arts plastiques<br />

mardi 9h30 - 10h30, vendredi 10h -12h (sur rendez-vous)<br />

Annick Polin / L<strong>et</strong>tres<br />

Françoise Guitard / Histoire / Histoire <strong>des</strong> Arts<br />

Jean-Marc Léger / 1 er degré<br />

mardi 10h -– 12h (sur rendez-vous)<br />

Joindre les professeurs relais par mail : MBA-enseignants@ville-caen.fr<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 40

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