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Gravures Un voyage dans l'Europe des XVIIe et XVIIIe siècles

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Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

ses oeuvres, pratique qui augmentait le prestige <strong>des</strong> peintres. Le rapport de ces gravures à succès dépassait<br />

souvent celui <strong>des</strong> tableaux. Certains graveurs se disputaient l'exclusivité <strong>des</strong> reproductions <strong>des</strong> peintres en<br />

renom.<br />

Au XVllle siècle, les grands collectionneurs recouraient à la gravure pour faire reproduire leurs galeries, <strong>et</strong> la<br />

plupart <strong>des</strong> peintres cultivèrent ce commerce. Avec Chardin <strong>et</strong> Greuze, on multiplia même les rar<strong>et</strong>és capables<br />

de valoriser les gravures. Depuis ce temps on distingue, entre les « états », les épreuves avant <strong>et</strong> après la l<strong>et</strong>tre<br />

(la légende), les « remarques » (esquisses j<strong>et</strong>ées par le graveur sur la marge de sa plaque). La gravure acquiert<br />

ainsi peu à peu une valeur intrinsèque.<br />

Au XIXe siècle, la gravure est l'intermédiaire indispensable entre l'artiste <strong>et</strong> son client devenu anonyme. Entre la<br />

disparition du mécène <strong>et</strong> l'apparition du marchand, la gravure de reproduction joue un rôle considérable, parallèle<br />

à celui <strong>des</strong> Salons <strong>et</strong> <strong>des</strong> critiques d'art; les premiers marchands de tableaux font appel à elle pour illustrer leurs<br />

catalogues. L'importance du mécène <strong>dans</strong> le développement de l'estampe s'est affirmée pareillement au Japon<br />

où certaines gravures sont signées par l'amateur qui les a commandées avant de l'être par l'artiste.<br />

Ce rôle de la gravure, complément <strong>et</strong> support commercial de la peinture de cheval<strong>et</strong>, posa avec acuité le<br />

problème de la propriété artistique <strong>et</strong> inquiéta souvent les artistes. Déjà Dürer se plaignait d'être copié par l'Italien<br />

Marc-Antoine Raimondi <strong>et</strong> l'on raconte que Mantegna aurait assailli <strong>et</strong> laissé pour morts deux graveurs qui le<br />

copiaient outrageusement. C'est en Angl<strong>et</strong>erre que la loi protégea le mieux les artistes, pour <strong>des</strong> raisons<br />

strictement commerciales. En revanche, la Royal Academy n'adm<strong>et</strong>tait pas les graveurs en son sein, tandis qu'en<br />

France le graveur Robert Nanteuil avait obtenu de Louis XIV, pour ses confrères, un statut d'artistes libéraux qui<br />

leur perm<strong>et</strong>tait d'entrer à l'Académie, où ils étaient d'ailleurs assez souvent méprisés.<br />

L'invention de la photographie entraîna à long terme la disparition de la gravure de reproduction. Elle se<br />

transforma, avant de disparaître, en une gravure « d'interprétation », souvent à l'eau-forte. Cependant, la gravure<br />

était devenue depuis bien longtemps autre chose qu'un simple moyen de reproduction, <strong>et</strong> les peintres l'utilisaient<br />

de plus en plus comme un art original, à cause de la richesse de ses procédés. Si bien que pour l'artiste il y eut<br />

toujours deux genres de gravures: l'une, moyen de reproduction pratique <strong>et</strong> nécessaire, l'autre, moyen<br />

d'expression individuel non lié à la diffusion, tangage spécifique qu'ont utilisé, depuis le XVlle siècle, presque tous<br />

les peintres.<br />

Après la crise du milieu du XIXe siècle où la première formule fut condamnée, la seconde s'affirma avec plus<br />

d'ampleur pour créer ce qu'on a appelé le « renouveau de l'estampe originale ». La gravure est alors assimilée au<br />

tableau de cheval<strong>et</strong>, elle est avant tout une recherche d'artiste. Les tirages <strong>des</strong> épreuves sont limités, tous signés<br />

de l'artiste, vendus par de rares marchands à un p<strong>et</strong>it nombre de collectionneurs. Son prix, tout. en l'éloignant du<br />

grand public qui n'en connaît généralement que les formes industrielles, composées à partir de moyens<br />

photomécaniques, la rend abordable à une clientèle plus vaste que celle, réduite par la spéculation, <strong>des</strong> peintres<br />

de cheval<strong>et</strong>. La gravure proprement dite, apanage aujourd'hui <strong>des</strong> artistes, s'est libérée en même temps qu'eux<br />

de toutes ses servitu<strong>des</strong> sociales. Mais elle semble prisonnière de c<strong>et</strong>te liberté <strong>dans</strong> un monde submergé<br />

d'images d'où l'art est le plus souvent absent.<br />

3. Fonction sociale de la gravure<br />

Les procédés mécaniques qui entrent <strong>dans</strong> sa production n'ont jamais altéré le caractère magique de l'image.<br />

Son succès vient de ce qu'elle pouvait satisfaire, à l'échelle sociale, les différents besoins de représentation de la<br />

vie mythique.<br />

C<strong>et</strong>te fonction apparaît dès les premières xylographies, essentiellement <strong>des</strong> crucifix <strong>et</strong> <strong>des</strong> images pieuses, qui<br />

protégeaient leurs possesseurs. On garnissait de gravures, pour les mêmes raisons, l'intérieur de coffr<strong>et</strong>s, on en<br />

affichait au seuil <strong>des</strong> maisons ; les confréries faisaient graver leur saint patron, <strong>et</strong> les pèlerins se reconnaissaient<br />

aux « drapel<strong>et</strong>s » (p<strong>et</strong>its drapeaux imagés) qu'ils arboraient. La première fonction de la gravure fut donc de m<strong>et</strong>tre<br />

à la portée de tous <strong>des</strong> images religieuses de caractère prophylactique.<br />

Simultanément l'image gravée fut utilisée à <strong>des</strong> fins didactiques grâce aux almanachs <strong>et</strong> calendriers populaires;<br />

ce fut le début d'une fructueuse production de moyens éducatifs: jeux, calligraphies, estampes documentaires.<br />

L'art du graveur doit beaucoup à l'artisanat du cartier <strong>et</strong> du dominotier, qui fabriquent <strong>des</strong> cartes à jouer <strong>et</strong> <strong>des</strong><br />

motifs pour les papiers peints. L'un <strong>des</strong> premiers maîtres de la gravure sur métal est appelé à cause de ses<br />

œuvres « Maître <strong>des</strong> cartes à jouer », <strong>et</strong> l'une <strong>des</strong> premières séries de gravures italiennes fut longtemps appelée<br />

« tarots de Mantegna ».<br />

La gravure trouva <strong>dans</strong> le portrait un champ d'activité vaste <strong>et</strong> logique. Les plus anciens sont dus à Dürer <strong>et</strong> au<br />

Maître<br />

du cabin<strong>et</strong> d'Amsterdam. Les burinistes du XVlle siècle français en furent prodigues. Le portrait bon marché,<br />

réclamé par une nouvelle clientèle bourgeoise, fut répandu avant la photographie par <strong>des</strong> procédés tels que le «<br />

physionotrace ».<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 8

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