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Gravures Un voyage dans l'Europe des XVIIe et XVIIIe siècles

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Musée <strong>des</strong> Beaux-Arts de Caen / Service Educatif<br />

surestimée - que la gravure n'avait d'autre possibilité que de produire un signe analogue au référent: c'était<br />

évidemment le cas <strong>des</strong> nielles où le motif d'orfèvrerie était rendu intact par le tirage sur papier. Dès que l'on quitte<br />

ces exemples grossiers, l'illusion devient évidente. Le référent ne se confondit pas longtemps avec le motif<br />

reproduit. Ainsi, une gravure de portrait ne reproduit pas que les traits d'un visage mais toute une personnalité<br />

avec ses caractères <strong>et</strong> ses goûts. L'art se situe entre le rendu exact du motif- qui est affaire de praticien ou de<br />

machine - <strong>et</strong> l'adjonction de notations discrètes. Pour rendre la complexité du référent, la reproduction doit<br />

dépasser de beaucoup le produit mécanique qui ne rend que le suj<strong>et</strong> « dénoté ». Pour ajouter à ce suj<strong>et</strong> neutre<br />

(de nature <strong>des</strong>criptive) les notations qui révéleront sa totalité expressive, le graveur-artiste doit avoir recours à<br />

une infinité d'artifices souvent indéfinissables (choix du suj<strong>et</strong>, échelle, composition, écriture, profondeur <strong>des</strong><br />

tailles, lumières, stylisation, encrage) qui sont proprement le langage de l'art <strong>et</strong> que seuls son talent <strong>et</strong> son<br />

intelligence peuvent lui fournir.<br />

Dans la mesure où l'artiste est prisonnier de la technique indirecte de la gravure, soit qu'il y accorde trop, soit qu'il<br />

en tire <strong>des</strong> eff<strong>et</strong>s faciles, la production gravée sera plus irrégulière mais aussi plus vaste que celle de la peinture<br />

dont elle s'inspire généralement. La gravure <strong>et</strong> la peinture suivant une évolution analogue peuvent être mieux<br />

connues l’une grâce à l'autre. Peintres <strong>et</strong> graveurs ont toujours collaboré ; bien <strong>des</strong> tableaux perdus ne sont<br />

connus que par leur reproduction gravée. Par leur nombre, les gravures aident à r<strong>et</strong>racer les évolutions, les<br />

inspirations, les courants, dont les toiles ne fournissent que <strong>des</strong> jalons.<br />

La gravure est issue de la même civilisation qui a vu naître la peinture de cheval<strong>et</strong>, <strong>et</strong> suscita un art <strong>des</strong>tiné à une<br />

clientèle plus vaste. La peinture reste le privilège d'une aristocratie <strong>et</strong> la gravure a toujours marqué une<br />

prédilection pour les thèmes ordinaires adaptés à la légèr<strong>et</strong>é de son support. On accorde moins d'importance à<br />

une gravure qu'à un tableau <strong>et</strong> l'on y représente plus volontiers <strong>des</strong> thèmes plus bourgeois que nobles qui<br />

paraîtraient triviaux en peinture <strong>et</strong> se trouvent en bas de la hiérarchie <strong>des</strong> genres reconnue <strong>dans</strong> l'art classique.<br />

Ainsi en est-il de la gravure japonaise au XVlle siècle ; les nouvelles classes remplaçant la féodalité, tout en<br />

continuant j de préférer la peinture, trouvèrent <strong>dans</strong> l'estampe une expression du « monde éphémère » en rapport<br />

direct avec leurs préoccupations quotidiennes, simples scènes de genre, séries érotiques, portraits d'acteurs, <strong>et</strong>,<br />

à partir du XIXe siècle, avec Hokusai <strong>et</strong> Hiroshige, paysages.<br />

La gravure occidentale s'est aussi illustrée <strong>dans</strong> ces genres, qu'on peut appeler « bourgeois » : le portrait <strong>et</strong> la<br />

caricature, par exemple, le paysage aussi <strong>dans</strong> le XVlle siècle hollandais <strong>et</strong> le XIXe siècle français, la scène de<br />

genre surtout. Celle-ci apparaît dès le XVe siècle avec Martin Schongauer qui représente <strong>des</strong> paysans allant au<br />

marché ou <strong>des</strong> ouvriers orfèvres se battant.<br />

L'iconographie, particulièrement développée <strong>et</strong> riche, de la gravure, lorsqu'elle n'est pas reproduction de peinture<br />

de « grands genres », conduit généralement à la société qui l'a suscitée, <strong>et</strong> offre un répertoire compl<strong>et</strong> de ses<br />

goûts <strong>et</strong> de ses aspirations.<br />

Dans la gravure populaire, les connotations par lesquelles l'artiste veut exprimer l'indicible sont généralement trop<br />

grossières ou explicites pour donner lieu à un art raffiné <strong>et</strong> puissant. Rares sont ceux, comme Daumier ou comme<br />

certains r <strong>des</strong>sinateurs d'affiches modernes, qui savent, par <strong>des</strong> moyens graphiques frappants, créer une<br />

imagerie <strong>des</strong>tinée au grand public sans altérer la qualité de leur art.<br />

Chez les meilleurs graveurs, les styles propres à la gravure peuvent être utilisés comme un langage, si la<br />

technique est parfaitement maîtrisée à <strong>des</strong> fins expressives.<br />

Dans le goût classique, le choix de la gravure comme medium correspondait, par sa rigueur, la n<strong>et</strong>t<strong>et</strong>é de son<br />

écriture, aux aspirations scientifiques de l'art <strong>et</strong> à un monde hiérarchisé, où il fallait croire à un ordre <strong>des</strong> choses,<br />

sublimé par leur représentation cohérente <strong>dans</strong> l'espace. Le burin était l'instrument privilégié de ce langage.<br />

D'autres moyens mieux adaptés ont permis à l'artiste d'exprimer le monde moderne. Par l'eau-forte baroque ou la<br />

lithographie romantique, l'artiste a pu exprimer plus spontanément son être intime, <strong>et</strong> dissoudre peu à peu la<br />

réalité tactile. Le choix de la technique prend alors de plus en plus d'importance au fur <strong>et</strong> à mesure que la forme<br />

se libère,<br />

L'art de la liberté, où l'artiste exprime un inconscient personnel <strong>et</strong> non plus collectif, fut difficile à adm<strong>et</strong>tre par le<br />

public bourgeois de la gravure, tant que c<strong>et</strong>te liberté ne compta pas au nombre de ses propres mythes. C<strong>et</strong> art<br />

aboutit aux formes diversifiées <strong>et</strong> incontrôlables de la gravure actuelle, demeurée en majeure partie fidèle à<br />

l'abstraction.<br />

La multiplication <strong>et</strong> la combinaison infinies <strong>des</strong> techniques font que le choix du medium est, à lui seul, devenu<br />

significatif, <strong>et</strong> que la signification ne réside plus tant à l'intérieur de l'oeuvre que <strong>dans</strong> sa relation, choisie par<br />

l'artiste, entre son existence <strong>et</strong> sa situation.<br />

Dossier pédagogique : Voyage <strong>dans</strong> l’Europe <strong>des</strong> XVII ème <strong>et</strong> XVIII ème <strong>siècles</strong>, choix de gravures de la collection Mancel. 10

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