IL EST RESSUSCITÉ ! - La Contre-Réforme catholique au XXIe siècle
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<strong>La</strong> <strong>Contre</strong>-<strong>Réforme</strong> Catholique <strong>au</strong> XXI e <strong>siècle</strong><br />
<strong>IL</strong> <strong>EST</strong> <strong>RESSUSCITÉ</strong> !<br />
N o 124 - Janvier 2013 Rédaction : frère Bruno Bonnet-Eymard Mensuel. Abonnement : 30 e<br />
Il reviendra avec son cœur immense, avec son cœur de flamme, son âme de<br />
p<strong>au</strong>vre et son sourire. Il reviendra ! Et le Cœur Immaculé de Marie triomphera !<br />
L’ENFANCE DE JÉSUS<br />
LA grande actualité de ce premier mois de l’année<br />
est que nous ne sommes pas en 2013, comme<br />
nous le croyons ! C’est du moins ce qu’a retenu LE<br />
FIGARO, dans une recension non signée du « troisième<br />
livre sur Jésus-Christ » du pape Benoît XVI qui<br />
cosigne également sous son nom, Joseph Ratzinger,<br />
“ L’ENFANCE DE JÉSUS ”, paru le 21 novembre 2012<br />
chez Flammarion.<br />
« Dans cet ouvrage, Benoît XVI conclut à une<br />
erreur “ de quelques années ” dans le calcul de la date<br />
de la naissance du Christ » qui marque le début de<br />
l’ère chrétienne. Donc, « nous serions plutôt en 2018<br />
ou 2019 » (LE FIGARO du mercredi 21 novembre 2012).<br />
À vrai dire, ce n’est pas là une affirmation nouvelle.<br />
Le jubilé de l’an 2000 nous avait déjà donné<br />
l’occasion de critiquer cette vieille lune. Mais la<br />
nouve<strong>au</strong>té est, écrit le journaliste, « l’étonnante<br />
liberté intellectuelle » dont fait preuve le pape<br />
Benoît XVI dans cet ouvrage dont le propos ne<br />
porte pas tant sur « l’enfance du Christ », annoncée<br />
par le titre, que sur sa conception et sa naissance.<br />
« <strong>La</strong> question fondamentale étant de savoir si l’arrivée<br />
du Christ sur terre, si la Vierge Marie, si<br />
saint Joseph ont quelque chose de vrai. Et c’est le<br />
Pape qui pose la question ! » (ibid.)<br />
SUR L’ARRIVÉE DU CHRIST SUR TERRE.<br />
<strong>La</strong> vraie « liberté intellectuelle » <strong>au</strong>rait consisté à<br />
remettre en c<strong>au</strong>se la prétendue “ erreur ” imputée à<br />
Denys, dit “ le Petit ” (Dionysius exiguus), moine du<br />
sixième <strong>siècle</strong> après Jésus-Christ, en raison des assertions<br />
de Flavius Josèphe, l’historien juif considéré<br />
comme seul infaillible. Flavius Josèphe a menti sur la<br />
date de la mort d’Hérode pour faire pièce <strong>au</strong>x<br />
Évangiles de saint Luc et de saint Matthieu qui s’accordent<br />
à dater la naissance du Christ des derniers<br />
jours d’Hérode.<br />
L’étude des chronologies tant hérodienne que<br />
romaine, et des œuvres de Flavius Josèphe, montre<br />
que l’ “ erreur ”, ou plutôt le mensonge ! n’est pas à<br />
chercher chez Denys, mais chez Flavius Josèphe.<br />
Le parchemin no 321 de la grotte 4 de Qumrân<br />
(4 Q 321) nous apprend que Zacharie, le père de<br />
saint Jean-Baptiste, était de service <strong>au</strong> Temple fin<br />
septembre, <strong>au</strong> tour de sa “ classe ” (LC 1, 5), lorsqu’il<br />
reçut la visite de l’Ange venu lui annoncer, de la part<br />
du Seigneur, que sa femme Élisabeth lui donnerait un<br />
fils (Lc 1, 13). Ce document atteste l’opportunité du<br />
choix du 25 décembre pour la fête de Noël, puisque<br />
Jésus fut conçu « six mois après » (Lc 1, 26) la conception<br />
de Jean-Baptiste, fin septembre, donc le 25<br />
mars, et mis <strong>au</strong> monde neuf mois plus tard, donc le<br />
25 décembre ! Comme l’Église l’a toujours cru.<br />
Noël est l’anniversaire de Jésus, né à Bethléem du<br />
sein de la Vierge Marie, le 25 décembre... de quelle<br />
année ? Mais de l’an 1 qui précède son ère, tout<br />
simplement ! C’est ce que marque saint Luc, historien<br />
précis et bien informé, en ne datant pas la Nativité<br />
du Christ. Pour l’Évangéliste, ce n’est pas le recensement<br />
de Quirinius qui date la Nativité, c’est la<br />
Nativité qui date le recensement, de l’an 1 avant le<br />
Christ.<br />
Dès qu’il prit chair dans le sein de la Vierge<br />
Marie, le Fils de Dieu centra toute l’histoire<br />
humaine sur sa Personne. J’ai montré dans une étude<br />
parue en décembre 1999, dans la CRC no 362, puis<br />
en janvier 2000, CRC no 363, que l’année romaine<br />
754 après la fondation de Rome, fixée par Denys le<br />
Petit pour première année de l’ère chrétienne, se<br />
trouve justifiée par le 4 Q 321, véritable “ document<br />
d’archives ”, en dépit de tous les doutes, difficultés<br />
et négations opposés par la critique contemporaine<br />
relayée par un Pape !<br />
Dans un avant-propos, celui-ci avertit :
JANV. 2013 N o 124 - P. 2<br />
« Il ne s’agit pas d’un troisième volume, mais<br />
d’une porte d’entrée à mes deux précédents ouvrages<br />
consacrés à la figure et <strong>au</strong> message de Jésus de<br />
Nazareth ».<br />
De fait, le premier chapitre pose « la question sur<br />
l’origine de Jésus comme question sur son être et sa<br />
mission » sous le titre : “ D’OÙ ES-TU ? ” (Jn 19, 9)<br />
Suit une énumération de toutes les raisons qu’avaient,<br />
et qu’ont encore, les juifs de s’élever « contre Jésus et<br />
sa prétention de mission », et contre la manière dont<br />
il interprétait les paroles de la Sainte Écriture « avec<br />
une <strong>au</strong>torité qui dépassait les limites de toute interprétation<br />
» en les rapportant à lui-même et à sa mission :<br />
« Les <strong>au</strong>diteurs – bien naturellement (sic ! ) –<br />
s’effraient de ce rapport avec l’Écriture, de sa<br />
prétention à être lui-même le point d’intersection de<br />
référence et la clef d’interprétation des paroles<br />
sacrées. <strong>La</strong> frayeur se transforme en opposition. »<br />
Ils veulent même le tuer ! C’est bien naturel...<br />
Benoît XVI souligne qu’<strong>au</strong>x yeux des juifs « sa<br />
prétention ne peut être que présomption ». Il ne vient<br />
pas du ciel, du “ Père ”, “ d’en h<strong>au</strong>t ”, comme il le<br />
soutient (Jn 8, 23). Non : « Celui-là n’est-il pas Jésus,<br />
le fils de Joseph, dont nous connaissons le père et la<br />
mère ? Comment peut-il dire maintenant : “ Je suis<br />
descendu du ciel ? ” » (Jn 6, 42)<br />
Leur m<strong>au</strong>vaise foi est telle qu’ils diront <strong>au</strong>ssi bien<br />
le contraire à l’aveugle-né « qui a recouvré la vue<br />
(sic ! ) » : « Nous savons, nous, que Dieu a parlé à<br />
Moïse : mais celui-là nous ne savons pas d’où il est. »<br />
(Jn 9, 29) Le Pape ne cite pas la réponse de l’aveuglené<br />
: « C’est bien là l’étonnant : que vous ne sachiez pas<br />
d’où il est, alors qu’il m’a ouvert les yeux. » Mais il<br />
donne une <strong>au</strong>tre réponse en conclusion de la généalogie<br />
de Jésus selon saint Luc : « Jésus assume en lui<br />
toute l’humanité, toute l’histoire de l’humanité, et lui<br />
fait prendre un nouve<strong>au</strong> tournant, décisif, vers une<br />
nouvelle façon d’être une personne humaine. » (p. 22)<br />
Cette entrée en matière d’un ouvrage sur les récits<br />
de l’enfance, par l’évocation de la comparution<br />
devant Pilate, est une réponse à l’entrée en matière<br />
du LIVRE D’ACCUSATION de Georges de Nantes contre<br />
Jean-P<strong>au</strong>l II, « porte d’entrée »... où l’abbé de Nantes<br />
attaque précisément la « nouvelle façon d’être une<br />
personne humaine » introduite par Karol Wojtyla,<br />
dans une retraite prêchée <strong>au</strong> Vatican devant P<strong>au</strong>l VI,<br />
faisant de toute personne humaine un roi ! Exégèse<br />
de la réponse de Jésus à Pilate à l’appui.<br />
« Vous servant de la dualité des natures dans<br />
l’unique Personne du Jésus de notre foi <strong>catholique</strong>,<br />
pratiquant la plus étrange “ communication des idiomes ”<br />
qui se soit jamais faite, vous dévoluez les attributs de<br />
la nature divine à la nature humaine dans le Christ,<br />
pour ensuite nous persuader qu’ils lui appartiennent<br />
en propre, et donc à tout homme ! Odieux larcin<br />
qui réédite celui que proposait <strong>au</strong> premier homme,<br />
Satan ! » (LIBER II, p. 6)<br />
Ces lignes expriment l’indignation d’un disciple fervent<br />
de saint Cyrille d’Alexandrie qui, <strong>au</strong> concile<br />
d’Éphèse, fit briller <strong>au</strong>x yeux des Pères « l’unique<br />
nature du Verbe de Dieu fait chair » et acclamer Marie,<br />
en raison de la “ communication des idiomes ”, MÈRE DE<br />
DIEU, THEOTOKOS, Mère de l’unique Personne divine du<br />
Fils de Dieu qui prit en ses chastes entrailles « une<br />
nouvelle façon d’être » une Personne divine, façon<br />
humaine, en se faisant Fils d’une Femme, Fils de Marie.<br />
De cette théologie cyrillienne de l’Incarnation,<br />
Georges de Nantes a dégagé une définition de la<br />
“ personne ”, qu’elle soit divine ou humaine, par la<br />
relation d’origine, tout opposée, contraire à l’<strong>au</strong>tonomie<br />
revendiquée par le personnalisme de Jacques<br />
Maritain qui a sévi <strong>au</strong> concile Vatican II.<br />
Pour être complet, Benoît XVI tire de l’Évangile de<br />
saint Jean une extension à tout le genre humain de<br />
cette « nouvelle façon d’être une personne humaine »<br />
en choisissant la leçon qui interprète <strong>au</strong> pluriel le<br />
verset 13 du prologue de saint Jean, évacuant ainsi la<br />
« référence claire à la conception et à la naissance<br />
virginales de Jésus » que contient la leçon <strong>au</strong> singulier<br />
: « Il est venu chez lui et les siens ne l’ont pas reçu.<br />
Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de devenir<br />
enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom, lui que ni<br />
sang, ni vouloir de chair, ni vouloir d’homme mais Dieu a<br />
engendré. » (Jn 1, 13). Changé en « eux que ni Sang... »<br />
Qui « eux » ? Les nouvelles “ personnes humaines ” ?<br />
Le Pape pose les principes de sa méthode dans<br />
son avant-propos : « Une interprétation juste, selon<br />
moi, requiert deux étapes. D’abord, il f<strong>au</strong>t se demander<br />
ce qu’ont voulu dire, à leur époque, les<br />
<strong>au</strong>teurs de ces textes – c’est la composante historique<br />
de l’exégèse. » Notez bien que le Pape ne fait <strong>au</strong>cune<br />
allusion à l’inspiration dont bénéficient ces <strong>au</strong>teurs,<br />
se contentant de ranger « Dieu lui-même » parmi eux<br />
comme « l’ultime et le plus profond selon notre foi »,<br />
ni à l’inerrance qui en résulte, car Dieu ne peut ni se<br />
tromper ni nous tromper...<br />
Le Pape ajoute : « Ce qui est dit est-il vrai ? Cela me<br />
regarde-t-il ? Et si cela me regarde, de quelle façon ? »<br />
Nous avons commencé à étudier, le mois dernier,<br />
les réponses apportées à ces questions par Joseph<br />
Ratzinger - Benoît XVI (<strong>IL</strong> <strong>EST</strong> <strong>RESSUSCITÉ</strong> n o 123, décembre<br />
2012, p. 3). Avant de continuer, revenons sur<br />
le “ choc ” procuré <strong>au</strong> lecteur dévot des cœurs de<br />
Marie et de Joseph.
JANV. 2013 N o 124 - P. 3<br />
SUR MARIE.<br />
Par exemple : que veut dire “ Marie ” lorsqu’elle<br />
demande à l’ange qui vient de lui annoncer qu’elle<br />
serait la Mère du S<strong>au</strong>veur « “ Comment cela sera-t-il,<br />
puisque je ne connais pas d’homme ? ” (Lc 1, 34) Cette<br />
question paraît incompréhensible parce que Marie<br />
était fiancée. » (p. 55)<br />
À moins que Marie ait fait vœu de virginité,<br />
comme nous le savons de tradition immémoriale, et<br />
que saint Joseph l’ait reçue en “ dépôt ”, comme dit<br />
Bossuet. Mais Joseph Ratzinger est formel :<br />
« Cette reconstruction sort totalement du monde<br />
du judaïsme du temps de Jésus et semble impensable<br />
dans ce contexte. »<br />
C’est pourquoi « <strong>au</strong>cune réponse convaincante n’a<br />
été trouvée par l’exégèse moderne ».<br />
Le professeur Ratzinger en est tellement sûr qu’il<br />
n’hésite pas à parler d’ « adultère présumé » lorsque,<br />
à sa grande « déception », Joseph, son époux, découvre<br />
que Marie est enceinte (p. 18) !<br />
Application de la « seconde question » que pose<br />
cette « interprétation juste » du texte : « Cela me regarde-t-il<br />
? Et si cela me regarde, de quelle façon ? »<br />
<strong>La</strong> réponse est dans le tarissement des vocations à la<br />
virginité consacrée, dont Marie <strong>au</strong> Cœur Immaculé<br />
est non seulement le modèle, mais la source.<br />
SUR JOSEPH.<br />
Autre « déception » de Joseph : l’explication du<br />
nom de « Jésus » qu’il reçoit l’ordre de donner à<br />
l’Enfant, et qui signifie « Yahweh s<strong>au</strong>ve » :<br />
LE SACRIFICE DE SAINT JOSEPH<br />
« Il s<strong>au</strong>vera son peuple de ses péchés. » (Mt 1, 21)<br />
C’est tout ? Non seulement c’est trop parce que<br />
Dieu seul peut remettre les péchés, mais encore et<br />
surtout : c’est trop peu ! « Il s<strong>au</strong>vera son peuple de ses<br />
péchés » ? Ça n’est pas ce que le peuple demande. Le<br />
peuple demande du pain et la liberté ! l’indépendance<br />
d’Israël assujetti à César...<br />
Le Pape prend à son compte les critiques des<br />
juifs, des scribes et des pharisiens contre Jésus, et qui<br />
vont les conduire à le mettre à mort !<br />
C’est en cela que ce « petit livre » est « une porte<br />
d’entrée à mes deux précédents ouvrages consacrés<br />
à la figure et <strong>au</strong> message de Jésus de Nazareth »,<br />
présentés à la lumière de la lecture rabbinique des<br />
écrits bibliques (t. 2, p. 50).<br />
Du coup, il s’est fermé non seulement le Cœur<br />
Immaculé de Marie, mais <strong>au</strong>ssi le Cœur de saint<br />
Joseph ! réduit à la condition du « juste vétérotestamentaire<br />
» qui « doit supposer que Marie a<br />
rompu leurs fiançailles et – selon la Loi – il doit<br />
l’abandonner ».<br />
Mais un ange lui apparaît en songe : « Le message<br />
qui lui est transmis est bouleversant et réclame une<br />
foi exceptionnellement courageuse [...]. Nous pouvons<br />
donc imaginer combien il lutte intérieurement avec ce<br />
message inouï du songe : “ Joseph, fils de David, ne<br />
crains pas de prendre chez toi Marie, ta femme : car ce<br />
qui a été engendré en elle vient de l’Esprit-Saint. »<br />
(Mt 1, 20 ; p. 65)<br />
C’est évidemment tout le contraire ! Mais nous serions<br />
complètement désorientés si nous n’avions la vraie<br />
“ boussole ” d’une doctrine <strong>catholique</strong> (ci-dessous).<br />
« Le sacrifice d’Abraham levant le glaive sur Isaac son unique, son bien-aimé, n’est rien, rien en<br />
comparaison de celui que vous fîtes quand déjà vous décidiez de parler à Marie et de la pousser<br />
doucement jusqu’à la porte de votre demeure. Oui, vous le feriez, vous mettriez dehors, à jamais, et<br />
reconduiriez à ses parents votre bien-aimée épouse, de par la loi de Dieu. Puis vous reviendriez seul pour<br />
finir votre vie seul. Elle était encore ignorante de vos desseins, comme Isaac montant <strong>au</strong>x sentiers du<br />
Moriah, sa petite main dans la main d’Abraham qui tremblait. Mais parfois, dans votre atelier, vous<br />
laissiez échapper loin d’elle un sanglot.<br />
« Alors l’Ange de Dieu vous apparut en songe et vous révéla le secret que vous n’osiez penser.<br />
Marie votre fiancée était bien cette Vierge élue qui devait concevoir de Dieu et enfanter l’Emmanuel,<br />
selon l’oracle du vieil Isaïe. Il vous revenait à vous, l’humble artisan de Nazareth, de lui donner son<br />
Nom : vous l’appelleriez Jésus. Rien ne vous étonnait d’elle, mais vous demeuriez écrasé par la grandeur<br />
redoutable du rôle qui vous était ainsi départi, d’être son époux et le père de cet Enfant <strong>au</strong>x yeux des<br />
hommes, et devant Dieu son véritable et unique Père. Votre consolation fut de songer que, pour une si<br />
lourde et glorieuse tâche, elle et lui seraient désormais votre lumière, votre amour et votre force.<br />
« Heureux patriarche qui retrouviez <strong>au</strong> centuple ce que vous aviez accepté de perdre ! Apprenez-nous<br />
à suivre docilement la loi de Dieu, ce Dieu qui demande toujours le sacrifice de cela même qu’il désire<br />
nous donner de meilleur... » (G. de Nantes, LES GRANDEURS DE SAINT JOSEPH, PAGE MYSTIQUE n o 21, p. 92-93)
JANV. 2013 N o 124 - P. 4<br />
LA PRÉSENTATION DE JÉSUS AU TEMPLE<br />
Dans le livre du LÉVITIQUE, il est établi qu’ « une<br />
femme, après l’enfantement d’un garçon, est impure<br />
durant sept jours ».<br />
Le huitième jour, Jésus reçoit, avec la circoncision,<br />
son nom, « de telle façon qu’à partir de la<br />
circoncision, le regard soit tourné vers l’accomplissement<br />
des attentes qui appartiennent à l’essence même<br />
de l’alliance » (p. 115).<br />
L’imposition du nom de Jésus, “ Dieu s<strong>au</strong>ve ”, signifie<br />
en effet qu’est atteinte « la plénitude du temps »<br />
où « Dieu envoya son Fils, né d’une femme, né sujet de<br />
la Loi, afin de racheter les sujets de la Loi, afin de<br />
nous conférer l’adoption filiale » (Ga 4, 4).<br />
Selon la Loi, la femme restera encore trente-trois<br />
jours à la maison pour se purifier de son sang. Mais<br />
« Marie n’a pas besoin d’être purifiée après l’enfantement<br />
de Jésus : cette naissance apporte la purification<br />
du monde » (p. 117).<br />
Voilà qui est fort bien dit. Cependant, ce qui<br />
manque c’est l’explication du texte de saint Luc : « Et<br />
lorsque furent accomplis les jours pour LEUR purification<br />
selon la Loi de Moïse. » (Lc 2, 22) Saint Jérôme a<br />
glosé : « pour la purification de Marie », mais saint<br />
Luc a écrit « leur purification », la purification... des<br />
juifs ! promise par le prophète Malachie : « Et soudain<br />
il entrera dans son sanctuaire le Seigneur que vous<br />
cherchez [...]. Il purifiera les fils de Lévi et les affinera<br />
comme or et argent, et ils deviendront pour Yahweh ceux<br />
qui présentent l’offrande comme il se doit. » (Ml 3, 1-3)<br />
Les jours promis sont venus où « l’offrande de Juda et<br />
de Jérusalem sera agréée de Yahweh, comme <strong>au</strong>x jours<br />
anciens, comme <strong>au</strong>x premières années » (Ml 3, 4). <strong>La</strong><br />
Présentation de Jésus <strong>au</strong> Temple est le premier “ offertoire<br />
” de la célébration de son saint Sacrifice<br />
que les paroles de Siméon « à Marie, sa mère », vont<br />
évoquer (Lc 2, 34-35).<br />
Toutefois, lorsque Benoît XVI ajoute, parlant de<br />
Marie : « Mais elle obéit à la Loi et contribue ainsi à<br />
l’accomplissement des promesses », il ne peut mieux<br />
dire. En effet, après avoir rappelé que « tout garçon<br />
premier-né sera consacré <strong>au</strong> Seigneur », saint Luc<br />
« ne parle plus du rachat de Jésus, mais de sa<br />
“ présentation ” ». Le Pape explique fort bien :<br />
« À l’évidence il veut dire : cet enfant n’a pas été<br />
racheté et n’est pas retourné à la propriété de ses<br />
parents, mais tout <strong>au</strong> contraire il a été remis personnellement<br />
à Dieu dans le Temple, totalement donné<br />
en propriété à Lui. <strong>La</strong> parole paristánai, ici traduite<br />
par “ présenter ”, signifie <strong>au</strong>ssi “ offrir ”, en référence<br />
à ce qui se fait avec les sacrifices dans le Temple. Ici<br />
transparaît l’élément du sacrifice et du sacerdoce. »<br />
(p. 118) Matérialisé par l’offrande d’un couple de<br />
tourterelles (Lc 2, 24), en accomplissement de toute<br />
« la Loi de Moïse ».<br />
« À cet acte cultuel, <strong>au</strong> sens le plus profond du<br />
terme, succède chez Luc une scène prophétique. » Le<br />
vieillard Siméon prend l’Enfant-Jésus dans ses bras<br />
et prononce son Nunc Dimittis :<br />
« Dans cette hymne se trouvent deux affirmations<br />
christologiques. Jésus est “ lumière pour éclairer les<br />
nations ” et il existe pour la “ gloire de ton peuple<br />
Israël ” (Lc 2, 32). Les deux expressions sont tirées du<br />
prophète Isaïe, celle sur la “ lumière pour illuminer les<br />
nations ” vient du premier et du second chant du serviteur<br />
de JHWH [...]. <strong>La</strong> référence à la gloire d’Israël<br />
se trouve dans les paroles de consolation du prophète<br />
et elle est adressée à Israël effrayé, à qui est annoncé<br />
un secours par l’intermédiaire de la puissance salvifique<br />
de Dieu (cf. Is 46, 13). » (p. 120-121)<br />
En quoi consiste cette « puissance salvifique de<br />
Dieu », cette « victoire » promise par le prophète ?<br />
« Au serviteur de JHVM appartient la grande mission<br />
d’être le porteur de la lumière de Dieu <strong>au</strong> monde.<br />
Mais cette mission s’accomplit justement dans l’obscurité<br />
de la Croix. » (p. 120-121)<br />
On remarquera la mention du tétragramme sacré,<br />
inscrit sous cette forme de consonnes sans voyelles,<br />
et rendu par là imprononçable, conformément <strong>au</strong>x<br />
interdits rabbiniques ! Du coup, ces deux pages 120-<br />
121 où il est représenté ainsi ressemblent à des pages<br />
du Talmud !<br />
Quant à la Rédemption apportée par notre S<strong>au</strong>veur,<br />
« ici, on ne parle pas du passé. Nous savons<br />
tous à quel point le Christ <strong>au</strong>jourd’hui est signe<br />
d’une contradiction qui, en dernière analyse, vise<br />
Dieu lui-même. »<br />
Étonnante distinction entre « le Christ » et « Dieu »...<br />
comme s’ils ne s’identifiaient pas !<br />
« Toujours de nouve<strong>au</strong>, Dieu lui-même est considéré<br />
comme la limite de notre liberté, une limite à<br />
éliminer afin que l’homme puisse être totalement luimême.<br />
Dieu, avec sa vérité, s’oppose <strong>au</strong> mensonge<br />
multiple de l’homme, à son égoïsme et à son orgueil. »<br />
Et en quoi consiste cette « vérité » qu’est Dieu ?<br />
« Dieu est amour. Mais l’amour peut <strong>au</strong>ssi être<br />
haï, quand il exige que l’on sorte de soi-même pour<br />
aller <strong>au</strong>-delà de soi. L’amour n’est pas une sensation<br />
romantique de bien-être. <strong>La</strong> rédemption n’est pas<br />
wellness, un bain d’<strong>au</strong>tocomplaisance, mais une libération<br />
de l’être compressé dans son propre moi. Cette<br />
libération a pour prix la souffrance de la Croix. <strong>La</strong><br />
prophétie sur la lumière et la parole sur la Croix<br />
vont de pair. »
JANV. 2013 N o 124 - P. 5<br />
Nous sommes ici <strong>au</strong> cœur de la “ nouvelle évangélisation<br />
”, révélation d’une « nouvelle façon d’être une<br />
personne humaine ». Au plus loin de l’ancienne, qui<br />
était l’heureuse annonce de la miséricorde divine<br />
accordée par pure grâce à l’humanité pécheresse et<br />
misérable, indigne et coupable.<br />
LES MAGES D’ORIENT ET LA FUITE EN ÉGYPTE<br />
Le voyage à Jérusalem n’avait pas pris plus d’un<br />
jour. Dès leur retour à Bethléem, Jésus, Marie,<br />
Joseph reçurent la visite des “ nations ” en la personne<br />
des mages venus adorer leur “ lumière ” aperçue<br />
dans le ciel d’Orient.<br />
« Jésus étant né à Bethléem de Judée » (Mt 2, 1), en<br />
accomplissement de la bénédiction de Jacob à son<br />
fils Juda : « Le sceptre ne s’éloignera pas de Juda, ni le<br />
bâton de chef d’entre ses pieds, jusqu’à la venue de celui<br />
à qui il est, à qui les peuples obéiront. » (Gn 49, 10)<br />
« Dans un récit qui traite de l’arrivée du David<br />
définitif, du nouve<strong>au</strong>-né roi des juifs qui s<strong>au</strong>vera tous<br />
les peuples, cette prophétie est, en quelque façon, à<br />
percevoir en arrière-fond. » (p. 129)<br />
Elle est confirmée par Balaam, « devin <strong>au</strong> service<br />
du roi de Moab, qui lui demande une malédiction<br />
contre Israël », et qui prononce cet oracle<br />
inspiré par Dieu lui-même : « Je le vois – mais non<br />
pour maintenant, je l’aperçois – mais non de près : un<br />
astre issu de Jacob devient chef, un sceptre se lève,<br />
issu d’Israël... » (Nb 24, 17)<br />
« Étrangement, observe Benoît XVI, Matthieu qui<br />
aime présenter des événements dans la vie et dans<br />
l’œuvre de Jésus comme réalisation de Paroles<br />
vétéro-testamentaires, ne cite pas ce texte. »<br />
« Étrangement », Benoît XVI n’a pas trouvé d’explication<br />
à ce silence de saint Matthieu sur cet « astre<br />
issu de Jacob » par saint Joseph, comme l’Évangéliste<br />
l’a montré dans sa généalogie, mais né d’une<br />
Vierge comme il le souligne en citant Isaïe 7, 14 :<br />
« Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle<br />
naquit Jésus, que l’on appelle Christ. » (Mt 1, 16)<br />
Son silence même constitue donc une preuve décisive<br />
de l’historicité de l’événement raconté par saint<br />
Matthieu, sûrement pas inventé à partir de la prophétie.<br />
D’ailleurs, ce Balaam « est une figure historique<br />
pour laquelle existe une confirmation en dehors<br />
de la Bible. En 1967, en Transjordanie, a été découverte<br />
une inscription dans laquelle Balaam, fils de<br />
Béor, paraît comme “ voyant ” de divinité <strong>au</strong>tochtone<br />
– un voyant à qui sont attribuées des annonces de<br />
chance et de malchance. » (p. 129)<br />
Le Pape en induit que « la promesse de salut qui<br />
lui est attribuée à lui, non-juif et <strong>au</strong> service d’<strong>au</strong>tres<br />
dieux, reste donc d’<strong>au</strong>tant plus importante, une<br />
promesse qui évidemment était connue <strong>au</strong>ssi en<br />
dehors d’Israël ».<br />
Mais la conclusion tourne court : « Certes, l’étoile<br />
dont parle Balaam n’est pas un astre. » C’est pourtant<br />
ce que dit la prophétie : « Un astre issu de Jacob<br />
devient chef » ! Pour comprendre, il f<strong>au</strong>t se rappeler<br />
que le professeur Ratzinger est le modernisme fait<br />
pape. Il ajoute en effet : « Toutefois, le lien entre étoile<br />
et roy<strong>au</strong>té pourrait avoir suscité l’idée d’une étoile qui<br />
serait l’étoile de CE Roi et renverrait à lui. » (p. 130)<br />
Cette étoile n’est pas une « idée ». Avant d’être<br />
un « objet de réflexion pour les personnes en<br />
recherche », elle est un objet physique d’observation<br />
pour les astronomes :<br />
« Jésus étant né à Bethléem de Judée, <strong>au</strong> temps du<br />
roi Hérode, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent<br />
à Jérusalem en disant : “ Où est le roi des juifs qui<br />
vient de naître ? Nous avons vu, en effet, son astre à son<br />
lever et sommes venus lui rendre hommage ”. » (Mt 2, 1-2)<br />
« DES MAGES VENUS D’ ORIENT ».<br />
Car les mages dont parle saint Matthieu « étaient<br />
des “ savants ” », mais ce mot est interprété par le<br />
Pape dans un sens gnostique. « Ils représentaient la<br />
dynamique de l’aller <strong>au</strong>-delà de soi, intrinsèque <strong>au</strong>x<br />
religions, une dynamique qui est recherche de la vérité,<br />
recherche du vrai Dieu et donc <strong>au</strong>ssi une philosophie<br />
dans le sens originaire du mot. Ainsi la sagesse assainit<br />
également le message de la “ science ” : la rationalité<br />
de ce message ne s’arrêtait pas <strong>au</strong> seul savoir, mais<br />
cherchait la compréhension du tout (sic ! ), portant ainsi<br />
la raison à ses possibilités les plus élevées. » (p. 134-135)<br />
L’étoile n’est plus, selon Benoît XVI, que le symbole<br />
de la raison qui meut les rois mages, des « convictions<br />
et connaissances qui portèrent ces hommes à<br />
se mettre en route vers le nouve<strong>au</strong>-né “ roi des<br />
juifs ” ». Admirez le violent anachronisme de cette<br />
apologétique moderniste : « Nous pouvons dire avec<br />
raison qu’ils représentaient le chemin des religions<br />
vers le Christ comme <strong>au</strong>ssi l’<strong>au</strong>todépassement de la<br />
science en vue de lui. »<br />
Les mages sont les précurseurs de Vatican II. Ils<br />
répondent à la “ Parole de Dieu ”, Dei Verbum : « à la<br />
suite d’Abraham qui, à l’appel de Dieu, partit. D’une<br />
<strong>au</strong>tre manière, ils se trouvent à la suite de Socrate et<br />
de son interrogation, <strong>au</strong>-delà de la religion officielle,<br />
à propos de la plus grande vérité. En ce sens, ces<br />
hommes sont des prédécesseurs, des précurseurs, des<br />
chercheurs de la vérité », en toute “ liberté religieuse<br />
”, « qui concernent tous les temps », en particulier<br />
le nôtre, Nostra ætate !
JANV. 2013 N o 124 - P. 6<br />
Cette interprétation postconciliaire de l’Évangile<br />
s’éclaire quand même d’un sourire : « Comme la tradition<br />
de l’Église a lu tout naturellement le récit de<br />
Noël sur l’arrière-fond d’Isaïe 1, 3 et que, de cette<br />
façon, le bœuf et l’âne sont arrivés à la crèche, de<br />
même a-t-elle lu le récit sur les mages à la lumière<br />
du Ps<strong>au</strong>me 72, 10 et d’Isaïe 60. Ainsi, les savants provenant<br />
d’Orient sont devenus rois, et avec eux les<br />
chame<strong>au</strong>x et les dromadaires sont entrés dans la<br />
crèche. » (p. 135-136)<br />
Mais soyons sérieux. L’important est « l’universalité<br />
des roy<strong>au</strong>mes de ces souverains », signifiée par<br />
« le roi de couleur noire » : « Dans le roy<strong>au</strong>me de<br />
Jésus-Christ il n’y a pas de distinction de races ni de<br />
provenance. En lui et par lui, l’humanité est unie,<br />
sans perdre la richesse de la variété. » Remarquez<br />
l’indicatif présent : par le seul fait de l’incarnation<br />
du Verbe, de sa naissance dans cette étable, « l’humanité<br />
est unie », sans <strong>au</strong>tre médiation. « Les diverses<br />
formes de la vie humaine trouvent leur signification<br />
respective et leur unité intérieure dans la communion<br />
avec Jésus. » Par le moyen de l’Église ?<br />
Cette médiation de l’Église n’est même pas venue<br />
à la pensée du Pape, parce qu’elle s’efface devant<br />
cette « idée décisive : les savants de l’Orient sont un<br />
commencement, ils représentent la mise en route de<br />
l’humanité vers le Christ, ils in<strong>au</strong>gurent une procession<br />
qui parcourt l’histoire tout entière. Ils ne représentent<br />
pas seulement les personnes qui ont trouvé le chemin<br />
jusqu’<strong>au</strong> Christ. Ils représentent l’attente intérieure de<br />
l’esprit humain, le mouvement des religions et de la<br />
raison humaine à la rencontre du Christ. » (p. 136-137)<br />
L’ ÉTO<strong>IL</strong>E .<br />
Benoît XVI est tellement moderniste qu’on ne le<br />
soupçonnera pas de “ fondamentalisme ” lorsqu’il se<br />
demande, malgré « des exégètes qui font <strong>au</strong>torité [...]<br />
si, toutefois, il ne s’agissait pas d’un phénomène<br />
céleste déterminable et classique astronomiquement. »<br />
Autrement dit : l’étoile a peut-être existé réellement,<br />
à condition qu’il n’y ait plus de miracle !<br />
Par exemple, Kepler pensait à une conjonction des<br />
planètes Jupiter, Saturne et Mars doublée d’une supernova,<br />
étoile développant une intense luminosité<br />
pendant des semaines, voire des mois, à la suite<br />
d’une forte explosion. Kepler « tenta ainsi d’expliquer<br />
astronomiquement le phénomène de l’étoile très<br />
lumineuse de Bethléem. Il peut être intéressant, dans<br />
ce contexte, que le chercheur Friedrich Wieseler de<br />
Göttingen semble avoir trouvé, sur des tables chronologiques<br />
chinoises, qu’en l’an 4 avant Jésus-Christ<br />
“ une étoile lumineuse était apparue et avait été vue<br />
durant un temps prolongé ”. » (p. 141)<br />
Ajoutez à cela que « la planète Jupiter représentait<br />
le principal dieu babylonien Mardouk ». Ainsi<br />
« l’étoile de la plus h<strong>au</strong>te divinité babylonienne<br />
apparaissait dans sa plus grande splendeur <strong>au</strong> temps<br />
de son lever nocturne à côté de Saturne, le représentant<br />
cosmique du peuple des juifs » (ibid.). Et alors ?<br />
la vanité de cette science qui enfle, comme dit saint<br />
P<strong>au</strong>l, paraît dans cette conclusion : en définitive,<br />
« comment ces hommes sont arrivés à la certitude qui<br />
les fit partir et finalement les a conduits à Jérusalem<br />
et à Bethléem, c’est une question que nous devons<br />
laisser ouverte » (p. 142).<br />
C’est ne tenir <strong>au</strong>cun compte des textes qui répondent<br />
clairement : « Jésus étant né à Bethléem de<br />
Judée, <strong>au</strong> temps du roi Hérode, voici que des mages<br />
venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem en disant : “ Où<br />
est le roi des juifs qui vient de naître ? Nous avons vu,<br />
en effet, son étoile à son lever [ou “ à l’Orient ” ] et<br />
sommes venus lui rendre hommage. » (Mt 2, 1-2)<br />
L’étonnant est que saint Matthieu ne cite pas<br />
la prophétie de Balaam, que les « mages venus<br />
d’Orient » accomplissent à la lettre. Donc, son récit,<br />
avant d’être “ christologique ” est... historique, tout<br />
simplement. En note de la Bible de Jérusalem, le<br />
Père Benoît le reconnaissait : « L’Évangéliste songe<br />
manifestement à un astre miraculeux, dont il est vain<br />
de chercher une explication naturelle. » Pour notre<br />
part, nous n’avons pas de peine à nous représenter ce<br />
miracle après Pontmain où les paroissiens de l’abbé<br />
Guérin ont vu trois étoiles, inconnues des astronomes,<br />
former un triangle <strong>au</strong>-dessus et de chaque côté de la<br />
Vierge, et un fourmillement d’<strong>au</strong>tres « se taper »<br />
contre sa robe bleue, puis venir se ranger sous ses<br />
pieds tandis que l’une d’elles entrait dans l’ovale<br />
bleu où se tenait la Sainte Vierge, pour allumer<br />
quatre bougies <strong>au</strong> moment où Celle-ci présentait le<br />
Crucifix à l’adoration de son peuple.<br />
Sans oublier Fatima où soixante-dix mille personnes<br />
ont vu le soleil se précipiter sur la foule !<br />
D’<strong>au</strong>tant plus que l’étoile conduit d’abord les mages<br />
vers Jérusalem, conformément <strong>au</strong> mouvement apparent<br />
que lui imprimait la rotation de la terre, du<br />
levant <strong>au</strong> couchant. Et c’est bien naturel :<br />
« Il est tout à fait normal, écrit le Pape, qu’à la<br />
recherche du roi des juifs nouve<strong>au</strong>-né ils aillent dans la<br />
cité royale d’Israël et entrent <strong>au</strong> palais du roi. Le futur<br />
roi devait probablement y être né. Pour trouver définitivement<br />
la route vers le véritable héritier de David,<br />
ils ont ensuite besoin de l’indication des Écritures<br />
sacrées d’Israël, des paroles du Dieu vivant. » (p. 143)<br />
Certes, mais c’est encore l’étoile qui les guide<br />
pour accomplir la prophétie de Michée. Et de Jérusalem<br />
à Bethléem, du nord <strong>au</strong> sud ! Non seulement
JANV. 2013 N o 124 - P. 7<br />
cette marche de l’astre est inconcevable du point de<br />
vue de l’astronomie, mais elle ne signifie plus rien,<br />
d’un point de vue “ christologique ” puisque les chefs<br />
et les scribes du peuple ayant indiqué la direction de<br />
« Bethléem de Judée », selon les Écritures, il n’y a<br />
plus qu’à suivre la piste, et marcher moins de dix<br />
kilomètres plein sud !<br />
C’est que, selon Benoît XVI, qui s’en tient à l’explication<br />
naturelle, « la connaissance qui jaillit de la<br />
création et se concrétise dans les religions peut <strong>au</strong>ssi<br />
perdre l’orientation juste, <strong>au</strong> point de ne plus pousser<br />
l’homme à se mouvoir pour aller <strong>au</strong>-delà de luimême,<br />
mais de le pousser à se fixer dans des<br />
systèmes avec lesquels il croit pouvoir affronter les<br />
puissances cachées du monde ».<br />
Nous sommes ici <strong>au</strong> cœur d’une gnose qui n’a plus<br />
rien à voir avec l’Évangile ! Mais est dans la ligne<br />
conciliaire : « On peut parler, si l’on veut, d’une espèce<br />
de tournant anthropologique : l’homme adopté par<br />
Dieu – comme on le voit ici dans le Fils unique – est<br />
plus grand que toutes les puissances du monde matériel<br />
et plus encore que l’univers tout entier. » (p. 144)<br />
JÉRUSALEM REJETTE DÉJÀ SON SAUVEUR.<br />
Benoît XVI a vaguement le sentiment d’être sorti<br />
du sujet : « Il est temps de revenir <strong>au</strong> texte de<br />
l’Évangile. » Il remarque le caractère « non hébraïque<br />
» de l’expression « roi des juifs », qui<br />
« revient seulement dans le procès à Jésus et dans<br />
l’inscription sur la Croix, utilisée deux fois par le<br />
païen Pilate (cf. Mc 15, 9 ; Jn 19, 19-22).<br />
« On peut donc dire qu’ici – <strong>au</strong> moment où les<br />
premiers païens s’informent sur Jésus – transparaît<br />
déjà de quelque façon le mystère de la Croix qui est<br />
indissolublement lié à la roy<strong>au</strong>té de Jésus. » (p. 145)<br />
Saint Matthieu écrit que « le roi Hérode s’émut, et<br />
tout Jérusalem avec lui » (Mt 2, 3). Benoît XVI estime<br />
que saint Matthieu exagère ; il anticipe « l’entrée<br />
triomphale de Jésus dans la ville sainte à la veille de<br />
sa Passion, entrée à propos de laquelle Matthieu dit<br />
que “ toute la ville fut agitée ” (Mt 21, 10). »<br />
Alors, saint Matthieu invente ? Benoît XVI ne le<br />
pense pas. <strong>La</strong> convocation de « tous les grands<br />
prêtres avec les scribes du peuple » (Mt 2, 4) par<br />
Hérode ne pouvait demeurer secrète. « Quelle réponse<br />
a donnée l’illustre réunion à la question concernant<br />
le lieu de naissance de Jésus ? Selon Matthieu 2, 6,<br />
elle a répondu par une sentence, composée de<br />
paroles du prophète Michée et du Second Livre de<br />
Samuel : “ Et toi Bethléem, terre de Juda, tu n’es nullement<br />
le moindre des clans de Juda ; car de toi sortira<br />
un chef (cf. Mi 5, 1) qui sera pasteur de mon peuple<br />
Israël (cf. 2 S 5, 2) ”. » (p. 147)<br />
<strong>La</strong> preuve que saint Matthieu n’invente pas un<br />
récit d’après la prophétie, c’est que celle-ci n’est<br />
citée ni d’après le grec ni d’après l’hébreu. Là où le<br />
grec dit : « Tu es le plus petit parmi les clans de<br />
Juda », saint Matthieu écrit : « Tu n’es nullement le<br />
moindre des clans de Juda. » Benoît XVI y voit « le<br />
paradoxe de l’action de Dieu, qui envahit tout<br />
l’Ancien Testament : ce qui est grand naît de ce qui<br />
semble petit et insignifiant selon les critères du<br />
monde, alors que ce qui est grand, <strong>au</strong>x yeux du<br />
monde, se brise et disparaît ». L’histoire de David<br />
illustre ce « paradoxe » : c’est « le plus petit » des<br />
fils de Jessé qui est appelé à la roy<strong>au</strong>té. Le Pape cite<br />
<strong>au</strong>ssi le MAGNIFICAT : « Il a renversé les potentats de<br />
leurs trônes et élevé les humbles. » (Lc 1, 52)<br />
Le Saint-Père s’étonne : « Le fait que les connaisseurs<br />
de l’Écriture sacrée ne se sentent pas poussés<br />
à prendre des décisions concrètes à la suite est surprenant.<br />
» Par exemple en décidant d’accompagner<br />
les mages... « Peut-être doit-on repérer ici en cela<br />
l’image d’une théologie qui s’épuise dans la dispute<br />
académique ? » (p. 149) Est-ce vraiment tout ce que<br />
voulait dire saint Jean dans le prologue de son Évangile<br />
: « Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas<br />
accueilli » (Jn 1, 11) ?<br />
L’ADORATION DES MAGES.<br />
Le moderniste ne croit pas à la lutte des ténèbres<br />
contre la lumière. Il ne croit pas davantage <strong>au</strong><br />
miracle. Il refait donc une histoire à sa façon, une<br />
histoire “ théologique ” : « À Jérusalem, l’Étoile était<br />
clairement à son déclin », écrit Benoît XVI (p. 151).<br />
L’adverbe “ clairement ” est destiné à nous imposer,<br />
sous peine de passer pour stupides, une certaine interprétation<br />
du texte :<br />
« Après la rencontre des mages avec la parole de<br />
l’Écriture, l’étoile resplendit à nouve<strong>au</strong> pour eux. »<br />
Selon saint Matthieu, c’est plutôt la parole d’Hérode<br />
les envoyant <strong>au</strong>x renseignements, « et voici que l’astre,<br />
qu’ils avaient vu à son lever, les précédait jusqu’à<br />
ce qu’il vînt s’arrêter <strong>au</strong>-dessus de l’endroit où était<br />
l’enfant » (Mt 2, 9). Sous la plume de Benoît XVI, qui<br />
ne croit pas à un astre miraculeux, cela devient : « <strong>La</strong><br />
création interprétée par l’Écriture recommence à<br />
parler à l’homme. »<br />
Toute la Constitution dogmatique DEI VERBUM du<br />
concile Vatican II est là. Et l’objet de la « nouvelle<br />
évangélisation » <strong>au</strong>ssi, qui en découle, et qui consiste<br />
à inviter « l’homme » à faire la même “ expérience ”<br />
que les mages : « Matthieu recourt <strong>au</strong>x superlatifs<br />
pour décrire la réaction des mages : “ À la vue de<br />
l’astre, ils se réjouirent d’une très grande joie. ” (2, 10)<br />
C’est la joie de l’homme qui est touché dans son
JANV. 2013 N o 124 - P. 8<br />
cœur par la lumière de Dieu et qui peut voir que son<br />
expérience se réalise – la joie de celui qui a trouvé<br />
et qui a été trouvé. »<br />
« Entrant dans le logis, ils virent l’enfant avec Marie<br />
sa mère et, se prosternant, ils lui rendirent hommage. »<br />
(Mt 2, 11) Benoît XVI remarque l’absence de saint<br />
Joseph, « alors que Matthieu a écrit le récit de l’enfance<br />
de son point de vue. Durant l’adoration, nous<br />
rencontrons à côté de Jésus seulement “ Marie sa<br />
mère ”. Je n’ai pas trouvé jusqu’à maintenant une<br />
explication convaincante de cela. » (p. 151-152) Saint<br />
Joseph était peut-être <strong>au</strong>x commissions ?<br />
Essayons une explication. Saint Matthieu laisse entendre<br />
que les mages ne revoient l’étoile qu’une fois<br />
arrivés à Bethléem, <strong>au</strong> moment où « elle vint se placer<br />
<strong>au</strong>-dessus de l’endroit où était l’enfant » (Mt 2, 9). C’est<br />
alors, mais alors seulement, qu’ « à la vue de l’étoile, ils<br />
se réjouirent d’une très grande joie » (Mt 2, 10).<br />
Aux bergers, le « signe » donné par les anges avait<br />
été « un nouve<strong>au</strong>-né enveloppé de langes et couché dans<br />
une crèche » (Lc 2, 12). Aux mages est donné un<br />
“ signe ” différent, qui achève d’accomplir “ l’oracle<br />
prophétique ” de l’Emmanuel, selon Isaïe, que Matthieu<br />
vient de citer (Mt 1, 23). En effet, Isaïe avait dit<br />
<strong>au</strong> roi Achaz : « Demande donc à Yahweh ton Dieu un<br />
signe pour toi, issu des profondeurs du shéol ou bien<br />
des h<strong>au</strong>teurs de là-h<strong>au</strong>t. » (Is 7, 11)<br />
Achaz ayant refusé, Isaïe répondit : « Écoutez donc,<br />
maison de David ! Est-ce trop peu pour vous de lasser les<br />
hommes, que vous lassiez <strong>au</strong>ssi mon Dieu ? C’est pourquoi<br />
le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici,<br />
LA VIERGE <strong>EST</strong> ENCEINTE, ELLE VA ENFANTER UN F<strong>IL</strong>S ET<br />
ELLE LUI DONNERA LE NOM D’EMMANUEL. » (Is 7, 13-14)<br />
Les mages venus d’Orient – c’est le pays de Moab<br />
– avaient appris de leur prophète Balaam le « signe »<br />
de l’ « étoile issue de Jacob » (Nb 24, 17), qui n’est<br />
<strong>au</strong>tre que le signe « issu des h<strong>au</strong>teurs de là-h<strong>au</strong>t »<br />
méprisé par Achaz cinq cents ans plus tard, celui de<br />
la Vierge. Ils l’attendaient avec foi et se mirent en<br />
route à sa suite dès que ce signe parut. À Jérusalem,<br />
les scribes, interrogés par Hérode, citèrent l’oracle de<br />
Michée qui se poursuit, <strong>au</strong> verset 3, par une reprise<br />
de celui d’Isaïe, ne l’oublions pas !<br />
« Et toi, Bethléem, Éphrata, le moindre des clans de<br />
Juda, c’est de toi, que me naîtra celui qui doit régner<br />
sur Israël ; ses origines remontent <strong>au</strong> temps jadis, <strong>au</strong>x<br />
jours antiques. C’<strong>EST</strong> POURQUOI <strong>IL</strong> LES ABANDONNERA<br />
JUSQU’AU TEMPS OÙ AURA ENFANTÉ CELLE QUI DOIT<br />
ENFANTER. » (Mi 5, 1-2)<br />
Ce que la composition de saint Matthieu ménage<br />
admirablement, c’est la conjonction des deux signes :<br />
celui de l’étoile, « issue des h<strong>au</strong>teurs de là-h<strong>au</strong>t »,<br />
selon la parole d’Isaïe <strong>au</strong> roi Achaz (Is 7, 11), resplendissant<br />
« <strong>au</strong>-dessus de l’endroit où était l’enfant »<br />
(Mt 2, 9), d’une part, et le signe de « CELLE QUI DOIT<br />
ENFANTER. » (Is 7, 14 ; Mi 5, 2), d’<strong>au</strong>tre part : « Entrant<br />
dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa<br />
mère. » (Mt 2, 11)<br />
Cette “ conjonction ”, pour parler comme les astronomes,<br />
et les mages en étaient ! transporte de joie ces<br />
derniers : elle leur révèle, par le parfait recoupement<br />
des oracles divins à travers les <strong>siècle</strong>s, que l’étoile était<br />
la figure de cette Vierge, Mère du Fils de l’Étoile...<br />
« Devant l’Enfant royal, les mages pratiquent la<br />
proskynesis, c’est-à-dire se prosternent devant lui, écrit<br />
le Pape. C’est l’hommage qu’on rend à un Roi-Dieu. »<br />
Qui “ on ” ? <strong>La</strong> tournure laisse entendre que c’est l’habitude,<br />
dans toutes les religions du monde... Puis ils<br />
lui offrent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. « Ce ne<br />
sont pas des cade<strong>au</strong>x pratiques, qui, à ce moment-là,<br />
<strong>au</strong>raient peut-être été utiles pour la Sainte Famille. »<br />
<strong>La</strong> tradition de l’Église y a vu des symboles du mystère<br />
du Christ : « L’or renverrait (sic ! ) à la roy<strong>au</strong>té du<br />
Christ, l’encens <strong>au</strong> Fils de Dieu et la myrrhe <strong>au</strong><br />
mystère de la Passion. » (p. 152)<br />
LA FUITE EN ÉGYPTE.<br />
« Après leur départ, voici que l’ange du Seigneur<br />
apparaît en songe à Joseph et lui dit : “ Lève-toi,<br />
prends avec toi l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte ;<br />
et restes-y jusqu’à ce que je te le dise. Car Hérode va<br />
rechercher l’enfant pour le faire périr. ” Il se leva, prit<br />
avec lui l’enfant et sa mère, de nuit, et se retira en<br />
Égypte. » (Mt 2, 13-14)<br />
Benoît XVI rappelle comment Hérode fit assassiner<br />
ses fils Alexandre et Aristobule, puis Antipater parce<br />
qu’ « il raisonnait exclusivement selon les catégories<br />
du pouvoir » (p. 155). Aussi n’a-t-il pas de peine à<br />
croire historique le massacre ordonné par Hérode de<br />
« tous les enfants de moins de deux ans, d’après le temps<br />
qu’il s’était fait préciser par les mages » (Mt 2, 16).<br />
Il est vrai que la légende rabbinique, la haggadah,<br />
raconte une histoire semblable à propos du massacre<br />
des nouve<strong>au</strong>-nés par le Pharaon d’Égypte : « À la différence<br />
de la raison invoquée dans le livre de l’Exode, ici<br />
les enfants hébreux doivent être tués pour éliminer<br />
sûrement celui qui était annoncé : Moïse. » (p. 158)<br />
Dirons-nous que le récit de saint Matthieu est une<br />
simple variante chrétienne de la haggadah de Moïse ?<br />
Non : « Les différences entre les deux récits sont trop<br />
grandes pour justifier une semblable association »,<br />
affirme le Pape, sans doute à la suite de <strong>La</strong>urentin.<br />
Nous avons déjà eu l’occasion de montrer que les<br />
contacts entre saint Matthieu et l’aggadah rabbinique<br />
sont massifs, <strong>au</strong> contraire de ce qu’affirme <strong>La</strong>urentin.
JANV. 2013 N o 124 - P. 9<br />
À quoi bon le nier ? Ou <strong>La</strong>urentin n’a pas bien lu,<br />
ou il est de m<strong>au</strong>vaise foi.<br />
<strong>La</strong> vérité est que l’histoire de Moïse a été révisée<br />
à l’imitation des récits évangéliques. Josèphe, qui<br />
rapporte intégralement cette tradition aggadique palestinienne,<br />
relate <strong>au</strong>ssi un songe d’Amram, père de<br />
Moïse.<br />
Toutefois, note le Pape, « les Antiquitates de Flavius<br />
Josèphe sont à placer dans le temps, avec be<strong>au</strong>coup<br />
de probabilité, après l’Évangile de Matthieu »,<br />
mais <strong>au</strong> lieu de la conclusion qui s’impose : donc,<br />
l’aggadah rabbinique rapportée par Josèphe n’est<br />
qu’un plagiat de l’Évangile de Matthieu, Benoît XVI<br />
ajoute : « même si le récit comme tel semble témoigner<br />
d’une tradition plus ancienne » (p. 158).<br />
Manière habile de laisser entière la question de<br />
savoir lequel a copié l’<strong>au</strong>tre.<br />
Il suffit pourtant de comparer Hérode et Pharaon,<br />
l’un et l’<strong>au</strong>tre saisis de crainte à l’annonce de la<br />
naissance de l’enfant apparaissant comme un adversaire<br />
ou un rival qui va soustraire le peuple d’Israël à<br />
son pouvoir... L’émotion s’empare de tout l’entourage<br />
des deux monarques. Pharaon consulte alors ses conseillers<br />
et ses astrologues ; Hérode, ses grands prêtres<br />
et ses scribes. Dans les deux cas, le roi décide de<br />
faire tuer tous les petits enfants qui peuvent vérifier<br />
la prédiction, pour perdre ainsi certainement le futur<br />
libérateur ou roi. <strong>La</strong> cruelle décision est exécutée<br />
dans l’un et l’<strong>au</strong>tre cas. Enfin, dans les deux cas, le<br />
futur libérateur, dont la vie est ainsi marquée par<br />
la contradiction et l’épreuve dès la première heure,<br />
providentiellement préservé, échappe <strong>au</strong> massacre.<br />
Ce n’est pas tout. Dans l’aggadah, Moïse, le futur<br />
s<strong>au</strong>veur d’Israël, est figuré dans le songe de Pharaon<br />
par un agne<strong>au</strong>. Pharaon voit une balance : sur un<br />
plate<strong>au</strong> tout le pays d’Égypte, sur l’<strong>au</strong>tre un agne<strong>au</strong>.<br />
Et le plate<strong>au</strong> qui porte l’agne<strong>au</strong>, plus lourd que tout<br />
le pays d’Égypte, s’abaisse ! annonçant par là que<br />
Moïse sera l’agne<strong>au</strong> qui rachètera son peuple.<br />
Ce trait pose clairement Moïse en rival de Jésus et<br />
dévoile, à ce coup, le sens et la date de ce déploiement<br />
de merveilles <strong>au</strong>tour de sa naissance. Nous avons<br />
développé naguère ce point (CRC n o 362, décembre<br />
1999, p. 8 ; BIBLE, ARCHÉOLOGIE, HISTOIRE, t. 3, p. 166).<br />
Lorsque saint Jean-Baptiste désigne « l’Agne<strong>au</strong> de<br />
Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1, 29), lorsque<br />
saint Pierre écrit que ce fut <strong>au</strong> prix d’ « un sang<br />
précieux, comme d’un agne<strong>au</strong> sans reproche et sans<br />
tache » (1 P 2, 19), dirons-nous qu’ils s’inspirent de<br />
l’aggadah rabbinique ?<br />
Depuis les origines apostoliques, la tradition chrétienne<br />
désigne le Christ comme le véritable Agne<strong>au</strong><br />
de Dieu. Lorsque saint P<strong>au</strong>l exhorte les Corinthiens à<br />
vivre « dans la pureté et la vérité », puisque « notre<br />
Pâque, le Christ, a été immolé » (1 Co 5, 7), l’Apôtre se<br />
réfère <strong>au</strong>x traditions liturgiques de la Pâque chrétienne,<br />
bien antérieures donc à 55-57, date de sa<br />
Lettre, selon lesquelles « notre Pâque » est l’Agne<strong>au</strong><br />
pascal. Le fondement de cette tradition est la mort de<br />
Jésus sur la Croix, la veille de la Pâque (Jn 18, 28 ;<br />
19, 14-31), dans l’après-midi, à l’heure même où l’on<br />
immolait les agne<strong>au</strong>x <strong>au</strong> Temple : en l’an 30. Flavius<br />
Josèphe n’était pas né !<br />
Quant <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres événements qui entourèrent la<br />
naissance de cet Agne<strong>au</strong> divin, le souvenir en remonte<br />
à une date plus h<strong>au</strong>te, conservé avec soin<br />
durant trente ans de vie cachée, par Marie qui les<br />
méditait en son Cœur Immaculé (Lc 2, 19 et 51).<br />
Témoin irrécusable, sans rivale, malgré une prétendue<br />
“ tradition ” témoignant d’un songe de Miryam,<br />
sœur de Moïse, qui <strong>au</strong>rait reçu de l’ange Gabriel l’annonce<br />
de la naissance de l’enfant, et c’est sur son avis<br />
qu’Amram <strong>au</strong>rait repris son épouse, dont il s’était<br />
séparé à c<strong>au</strong>se du décret de Pharaon ordonnant de<br />
« jeter <strong>au</strong> fleuve » les enfants mâles (Ex 1, 22). Yokkébèd<br />
<strong>au</strong>rait connu une grossesse et un accouchement<br />
sans douleur. Au moment de la naissance de Moïse,<br />
toute la maison fut remplie d’une grande lumière,<br />
comme d’une étoile, du soleil ou de la lune, etc.<br />
Inutile de développer davantage. <strong>La</strong> c<strong>au</strong>se est entendue<br />
: le récit original est celui de saint Matthieu. C’est<br />
lui qui est historique, ainsi que celui de saint Luc, pour<br />
les mêmes raisons. Car le récit de Matthieu, tout centré<br />
sur les vertus et le souci de Joseph, est signé, tout<br />
comme celui de Luc, de Celle qui « conservait avec soin<br />
toutes ces choses, les méditant en son cœur » (Lc 2, 19).<br />
Cette méditation intime se laisse deviner, par<br />
exemple, dans cette réflexion : « Joseph, son mari, qui<br />
était un homme juste » (Mt 1, 19).<br />
Benoît XVI se livre à de savantes considérations<br />
sur « la qualification de Joseph comme homme juste<br />
(zaddik ) » (p. 62). Mais ce que traduit cette réflexion,<br />
c’est surtout l’admiration de l’épouse, disant à saint<br />
Jean : « Mon mari était un homme juste. »<br />
Il n’empêche que Jésus est bel et bien le nouve<strong>au</strong><br />
Moïse. Saint Matthieu s’attachera à le montrer tout<br />
<strong>au</strong> long de son Évangile.<br />
LE RETOUR EN TERRE D’ISRAËL.<br />
Joseph resta en Égypte « jusqu’à la mort d’Hérode,<br />
pour que s’accomplît cet oracle prophétique du<br />
Seigneur : “ D’Égypte, j’ai appelé mon fils ”. » (Mt 2, 15)<br />
Cette citation du prophète Osée évoque le passé<br />
d’Israël comme l’histoire d’un enfant choyé et ingrat :
JANV. 2013 N o 124 - P. 10<br />
« Quand Israël était enfant, je l’aimais, et de l’Égypte<br />
j’appelai mon fils. Mais plus je les appelais, plus ils<br />
s’écartaient de moi ; ils ont sacrifié <strong>au</strong>x Baals et fait<br />
fumer des offrandes devant les idoles. » (Os 11, 1-2)<br />
Mais avec Jésus, « le vrai Fils », tout recommence<br />
: « Jésus donne l’exode définitif. Il est vraiment<br />
le Fils. Il ne s’en ira pas pour s’éloigner du<br />
Père. Il revient à la maison et conduit à la maison. Il<br />
est toujours en chemin vers Dieu et par là il conduit<br />
de l’aliénation à la “ patrie ”, à ce qui est essentiel et<br />
propre. » (p. 159-160)<br />
Comme lors du premier exode, celui-ci a pour prix<br />
le massacre des enfants, « dans Bethléem et tout son<br />
territoire » (Mt 2, 16). Saint Matthieu cite alors le<br />
prophète Jérémie : « “ À Rama, une voix se fait entendre,<br />
une plainte amère ; c’est Rachel qui pleure ses<br />
fils. Elle ne veut pas être consolée pour ses fils, car ils<br />
ne sont plus. » (Jr 31, 15 ; Mt 2, 18)<br />
« En Jérémie, observe Benoît XVI, ces paroles<br />
sont dans le contexte d’une prophétie caractérisée<br />
par l’espérance et par la joie, où le prophète, par<br />
des paroles pleines de confiance, annonce la rest<strong>au</strong>ration<br />
d’Israël. » (p. 160) Saint Matthieu omet<br />
la prophétie consolante qui annonce la rest<strong>au</strong>ration<br />
d’Israël.<br />
Et de fait, lorsque saint Joseph, sur la parole de<br />
l’Ange, « se leva, prit avec lui l’enfant et sa mère, et<br />
rentra dans la terre d’Israël » (Mt 2, 21), il craignit de<br />
se rendre en Judée où régnait Archélaüs à la place<br />
d’Hérode son père : « Averti en songe, il se retira dans<br />
la région de Galilée et vint s’établir dans une ville<br />
appelée Nazareth ; pour que s’accomplît l’oracle des<br />
prophètes : “ Il sera appelé Nazôréen ” (Mt 2, 22-23).<br />
Ces événements répondent ainsi, par avance, <strong>au</strong>x objections<br />
qui surgirent dès le début de la vie publique,<br />
selon lesquelles le Messie ne pouvait venir de Galilée<br />
(Jn 7, 41), encore moins de Nazareth (Jn 1, 46).<br />
Selon son habitude, le Pape redonne force, du h<strong>au</strong>t<br />
de sa chaire, à la controverse : « Matthieu a laissé<br />
<strong>au</strong>x exégètes de tous les temps un problème difficile :<br />
où cette parole d’espérance trouve-t-elle un fondement<br />
chez les prophètes ? » (p. 164)<br />
Le Père Nodet la qualifiait de “ magnifique f<strong>au</strong>x<br />
verset ”. Autant dire : inventé par saint Matthieu pour<br />
les besoins de sa preuve. J’ai eu l’occasion de réfuter<br />
cette thèse en répondant <strong>au</strong>x <strong>au</strong>teurs des émissions<br />
programmées par la chaîne ARTE, sous le titre COR-<br />
PUS CHRISTI, en 1997 ( LA VÉRITÉ DES ÉVANG<strong>IL</strong>ES,<br />
RÉPONSE AUX “ VINGT-SEPT ” D’ARTE, CRC n o 336, août<br />
1997, p. 20 ; BAH, t. 2, p. 116).<br />
Village obscur d’une province méprisée, Nazareth<br />
n’entre dans l’histoire qu’avec Jésus, « le Nazôréen »<br />
qui y vécut son enfance et sa vie cachée, entre Marie<br />
et Joseph. Il est clair que saint Matthieu établit un<br />
lien entre le nom de lieu de Nazareth et le nom de<br />
« Nazôréen » donné à Jésus. Jésus est appelé « le<br />
Nazôréen » parce qu’il habitait Nazareth.<br />
Mais ce village est inconnu de l’Ancien Testament.<br />
Saint Matthieu joue donc sur un <strong>au</strong>tre mot, signifiant<br />
<strong>au</strong>tre chose qu’un lieu géographique, celui de nazîr,<br />
omis par le texte massorétique, celui de notre Bible<br />
hébraïque actuelle, mais présent dans un fragment<br />
biblique retrouvé à Qumrân, daté du premier <strong>siècle</strong><br />
avant Jésus-Christ, où Anne, femme d’Elqana, explique<br />
à son mari ses intentions sur l’avenir de Samuel,<br />
leur enfant : « Je le donnerai à Yahweh comme nazîr<br />
tous les jours de sa vie. » (1 S 1, 11)<br />
Nous avons montré naguère que les rabbins réfugiés<br />
à Jamnia après la destruction de Jérusalem par<br />
Titus en 70 après Jésus-Christ, entraînant la ruine du<br />
Temple et la fin du sacerdoce, n’avaient pas hésité à<br />
apporter, de leur propre initiative, des corrections intentionnelles<br />
<strong>au</strong> texte sacré, destinées à opposer un<br />
“ démenti ” à l’Évangile ( LE MOYEN T<strong>EST</strong>AMENT, CRC<br />
n o 311 ; BAH, t. 1, p. 121-130).<br />
Je m’appuyai sur les trav<strong>au</strong>x du Père Barthélemy,<br />
qui font <strong>au</strong>torité, mais pas <strong>au</strong>x yeux de Benoît XVI<br />
soucieux, plutôt que de dire la vérité, de “ dialoguer ”<br />
avec les héritiers de la tradition rabbinique.<br />
Il n’en reste pas moins vrai que Samuel, fils<br />
d’Anne, enfant du miracle, consacré à Yahweh dès sa<br />
naissance, élevé dans le sanctuaire où, « ceint d’un<br />
éphod de lin », il sert le grand prêtre et « grandit en<br />
taille et en be<strong>au</strong>té devant Yahweh comme devant les<br />
hommes » (1 S 2, 26), est l’exacte et gracieuse figure<br />
de Jésus, fils de Marie, qui grandit à Nazareth et fut<br />
appelé en toute vérité « le Nazôréen ».<br />
Saint Luc mettra en pleine lumière cette relation<br />
de l’enfance de Samuel, le dernier des Juges et le<br />
premier des Prophètes, avec celle de Jean-Baptiste<br />
et celle de Jésus. Mais elle est déjà présente en<br />
Matthieu affirmant que « les Prophètes » avaient annoncé<br />
: « Il sera appelé Nazôréen ».<br />
Au terme de « ce long chapitre », Benoît XVI se<br />
demande : « Comment devons-nous comprendre tout<br />
cela ? S’agit-il vraiment d’une histoire qui a eu lieu,<br />
ou est-ce seulement une méditation théologique exprimée<br />
sous forme d’histoire ? »<br />
Et c’est le Pape qui pose la question !<br />
Il ne répond pas de sa propre <strong>au</strong>torité. S’appuyant<br />
sur Jean Daniélou et quelques <strong>au</strong>tres, il conclut : « Les<br />
deux chapitres du récit de l’enfance chez Matthieu ne<br />
sont pas une méditation exprimée sous forme d’histoire<br />
; <strong>au</strong> contraire, Matthieu nous raconte la véritable
JANV. 2013 N o 124 - P. 11<br />
histoire, qui a été méditée et interprétée théologiquement,<br />
et ainsi il nous aide à comprendre plus<br />
profondément le mystère de Jésus. » (p. 168-169)<br />
ÉP<strong>IL</strong>OGUE<br />
PREMIÈRE PÂQUE À JÉRUSALEM<br />
Le mystère de la douce rencontre de Jésus et de ses<br />
saints parents <strong>au</strong> Temple de Jérusalem « nous montre,<br />
de manière très belle, que, dans la Sainte Famille,<br />
liberté et obéissance se conciliaient bien l’une l’<strong>au</strong>tre.<br />
L’enfant de douze ans pouvait librement décider de<br />
rester avec les jeunes de son âge et avec ses amis pour<br />
faire le chemin en leur compagnie. Le soir, cependant,<br />
ses parents l’attendaient. » (p. 175-176)<br />
Il n’était pas là. Commencent alors « des journées<br />
pleines d’angoisse et de préoccupation » qui annoncent<br />
les « trois jours entre la Croix et la Résurrection ».<br />
« Une journée durant, Marie et Joseph étaient<br />
allés vers le nord, ils avaient mis une <strong>au</strong>tre journée<br />
pour revenir, et le troisième jour, finalement, ils<br />
trouvent Jésus. »<br />
À « une indication temporelle très réaliste » est<br />
jointe la figuration d’un profond mystère : « Un arc<br />
s’étend depuis la première Pâque de Jésus jusqu’à sa<br />
dernière Pâque, celle de la Croix. » Dans sa réponse<br />
à sa Mère, « Jésus parle d’un “ devoir ” <strong>au</strong>quel il se<br />
limite. Le fils, l’enfant doit être chez son père. Le mot<br />
grec deì, que Luc utilise ici, revient toujours dans les<br />
Évangiles là où est présentée la disposition de la<br />
volonté de Dieu, à laquelle Jésus est soumis. Il “ doit ”<br />
be<strong>au</strong>coup souffrir, être rejeté, être tué et ressusciter<br />
[...]. Ainsi devient-il clair que ce qui apparaît comme<br />
désobéissance ou comme liberté inopportune à l’égard<br />
de ses parents, en réalité, est vraiment l’expression de<br />
son obéissance filiale. Il est dans le Temple non<br />
comme rebelle à ses parents, mais précisément comme<br />
Celui qui obéit, avec la même obéissance qui le conduira<br />
à la Croix et à la Résurrection. » (p. 178)<br />
Les dernières pages du Pape réduisent la Sainte<br />
Vierge à notre condition. Ou plutôt nous élèvent à<br />
« l’éminente dignité » que la réponse de Jésus à sa<br />
mère nous révèle : « Il nous pense capables de<br />
grandes choses » (p. 179) Étrange renversement des<br />
rôles ! Essayons de comprendre afin de sonder la<br />
profondeur de la “ gnose ” où se meut le Pape.<br />
« <strong>La</strong> réponse de Jésus à la question de sa mère<br />
est impressionnante : Comment cela ? Vous m’avez<br />
cherché ? Ne saviez-vous pas où doit être un enfant ? »<br />
(p. 177) Selon Benoît XVI, Jésus « corrige » Marie.<br />
« Ton père et moi, nous te cherchons, angoissés »,<br />
dit-elle. Jésus répond : « Je SUIS chez mon Père. Ce<br />
n’est pas Joseph mon Père, mais c’est un Autre. Dieu<br />
lui-même. » Elle le sait bien ! Depuis les Annonces<br />
de l’ange Gabriel (Lc 1, 26-28). Et Joseph <strong>au</strong>ssi<br />
(Mt 1, 18-25) ! Mais la réponse de l’Enfant in<strong>au</strong>gure<br />
les révélations qu’il leur fera sur l’inhabitation du<br />
Fils dans le sein du Père ; et sa “ fugue ” de trois<br />
jours était l’annonce prophétique de la douloureuse<br />
passion qu’il lui f<strong>au</strong>drait endurer, de sa mort sur la<br />
Croix, et de sa résurrection « le troisième jour ».<br />
« Il redescendit alors avec eux et revint à Nazareth ;<br />
et il leur était soumis. Et sa mère gardait fidèlement<br />
toutes ces choses en son cœur. » (Lc 2, 51) « Étrangement<br />
», Benoît XVI ne semble pas avoir aperçu<br />
que ce « refrain » (cf. Lc 2, 19) évoque l’histoire de<br />
Joseph, celui de l’Ancien Testament : « Ses frères furent<br />
jaloux de lui, mais son père gardait la chose dans<br />
sa mémoire. » (Gn 37, 11)<br />
Le rapprochement a sans doute été voulu par saint<br />
Luc. En tout cas, il impose à l’intelligence le souvenir<br />
des « frères ” de Joseph qui complotèrent sa mort<br />
et furent c<strong>au</strong>se de sa glorification par laquelle il les<br />
s<strong>au</strong>va tous. Joseph s<strong>au</strong>veur de ses frères est la figure<br />
de Jésus lui-même comme l’ange Gabriel le laissait<br />
déjà entendre en annonçant à Marie : « Il régnera sur<br />
la maison de Jacob » (Lc 1, 33), comme Joseph avait<br />
régné sur ses frères en Égypte, en accomplissement<br />
du songe des gerbes prosternées et du soleil, de la<br />
lune et des étoiles l’adorant (Gn 37, 9-10).<br />
Ici, Jésus « assis <strong>au</strong> milieu des docteurs, les écoutant<br />
et les interrogeant » à l’âge de douze ans, préfigure<br />
Jésus devant le Sanhédrin, où siégeront peut-être<br />
les mêmes “ docteurs ”, moins de vingt ans plus tard.<br />
L’abbé de Nantes, notre Père, a fait de cette méditation<br />
du Cœur de Marie, l’objet d’une poignante homélie<br />
( “ L’ÉVANG<strong>IL</strong>E DE LA VIERGE ”, CRC n o 362, décembre<br />
1999, p. 13-17). Mais il nous f<strong>au</strong>t <strong>au</strong>jourd’hui<br />
faire acte de réparation en redisant la profession de<br />
foi qu’il opposait déjà, il y a quarante ans, <strong>au</strong>x<br />
incertitudes et ignorances du pape P<strong>au</strong>l VI, rééditées<br />
par notre Saint Père le pape Benoît XVI.<br />
« EN L’HONNEUR DE LA BIENHEUREUSE<br />
ET TOUJOURS VIERGE MARIE. »<br />
« Gloire à Vous, ô Marie, inestimable, précieuse<br />
Chair en laquelle le Verbe divin s’est fait homme,<br />
Créature miraculeuse à la jonction des deux infinis,<br />
de la grandeur divine et de l’humaine p<strong>au</strong>vreté. Vous<br />
êtes ma Sœur par l’humain lignage que Jésus racheta<br />
de son sang. Vous êtes ma Mère par l’enfantement<br />
nouve<strong>au</strong> de la grâce, vous êtes ma Fille dans l’indicible<br />
humilité qui vous agenouille <strong>au</strong>x pieds du prêtre<br />
le plus misérable pour baiser ses mains consacrées.<br />
« Non, le Prophète n’a pas menti qui annonçait<br />
merveille plus belle que toutes, une Vierge qui devait
JANV. 2013 N o 124 - P. 12<br />
concevoir et enfanter l’Emmanuel. Non, les Évangélistes<br />
ne nous trompaient pas dans leurs récits enchanteurs<br />
de l’Annonciation et de la Nativité où tout<br />
est dit par le menu pour notre joie. Non, les splendeurs<br />
de toutes les liturgies de l’Orient et de l’Occident<br />
ne dépassèrent pas la vérité en vous adressant<br />
leurs louanges comme à la très pure, l’inviolable,<br />
l’Immaculée, toujours Vierge et Très Sainte Mère de<br />
Dieu. Non, les saints, toute la cohorte des cénobites<br />
et des vierges, n’ont pas erré en fondant leur vie plus<br />
angélique qu’humaine sur votre doux exemple, eux<br />
qui coururent dans le sillage de votre féconde virginité<br />
devenue la plus chaste maternité.<br />
« Non, Non, Non, la Sainte Église ne m’a pas<br />
trompé en me donnant pour modèle votre admirable<br />
compagnon, saint Joseph, votre époux bien-aimé, et<br />
en me recommandant de remplir mon cœur de vos<br />
vertus, ô Marie, ô Toute-Pure, pour courir à l’encontre<br />
de la chair, du monde et du démon, sans<br />
détresse, sans lassitude, sur le chemin du Ciel.<br />
« Le Père vous a aimée d’un amour jaloux, dès le<br />
premier instant de votre conception, détournant avec<br />
toute puissance l’aiguillon du péché, du désordre et<br />
du châtiment. Le Fils vous a élue et ornée de grâces,<br />
désirant d’un grand désir prendre chair en vos entrailles<br />
et se nourrir de votre sang. L’Esprit-Saint<br />
vous fut envoyé par le Père et le Fils en cette<br />
mission d’amour pour embraser et sanctifier sans<br />
mesure votre esprit et votre cœur, afin que votre saint<br />
corps produise à l’heure dite la cellule unique que<br />
l’âme du Seigneur devait faire sienne.<br />
« Je jubile à la pensée de cet embrassement des<br />
Trois divines Personnes vous tenant intimement unie<br />
dans un chaste et triple baiser, ô Femme en laquelle<br />
s’est formé le fruit de vie qui n’a d’<strong>au</strong>tre Père que<br />
Dieu ! Je sais maintenant par la science tout le détail<br />
et l’humble ordonnancement de ce miracle <strong>au</strong>quel<br />
étaient prédisposées les lois de la nature. Je sais<br />
l’ovule singulier, portant votre code génétique, ô<br />
Marie, son ADN retenant tout l’héritage de votre race<br />
et tout votre caractère, prêt à repartir sous l’opération<br />
du Saint-Esprit dans la fantastique réplication qui<br />
formerait un nouvel être si parfaitement semblable à<br />
vous que nul fils jamais ne ressembla tant à sa mère.<br />
Je sais la modification des chromosomes XX en XY<br />
qui déterminerait le sexe masculin de l’enfant, imperceptible<br />
miracle de cette facile parthénogenèse...<br />
« J’assiste comme <strong>au</strong> microscope électronique, à la<br />
minute bouleversante où ce fruit détaché de vous se<br />
fixe, se creuse un nid et réussit la première opération<br />
de son développement <strong>au</strong>tonome. Alors l’âme de Jésus<br />
vit en votre sein, Dieu est parmi nous caché dans ce<br />
Sanctuaire pourpre, ô royal Emmanuel ! Ah, tout ce<br />
mystère est inconnu des humains et connu de Dieu<br />
seul. Aucun homme ne vous a approchée, Ô Marie,<br />
<strong>au</strong>cun désir charnel ne vous a émue, ô Vierge, <strong>au</strong>cun<br />
sang étranger ne s’est mêlé <strong>au</strong> vôtre, Immaculée Mère<br />
de Jésus ! Cet enfant qui se nourrit amoureusement de<br />
votre substance, quand il quittera son premier abri<br />
terrestre n’en déflorera pas l’honneur. Miracle encore<br />
que le passage de votre fils <strong>au</strong>x fontaines scellées de<br />
votre sein, sans douleur, sans déchirures, sans effusion<br />
d’une seule goutte de votre sang. Toute l’Église,<br />
ô Mère, dans son immense vénération, l’a compris<br />
d’instinct. Celui qui a voulu résider dans votre sein<br />
sans blesser votre virginité ne devait, ne pouvait pas,<br />
lui-même, la rompre <strong>au</strong> jour heureux de son Noël !<br />
« C’est pourquoi vous êtes en toute vérité <strong>au</strong>jourd’hui<br />
encore et pour toujours LA VIERGE que<br />
chantent les <strong>siècle</strong>s et que louent les chœurs des<br />
Anges répétant sans fin : AVE VIRGO, SALVE MATER,<br />
AVE MARIA ! Toute virginité s’enracine en celle de<br />
votre Fils et en la vôtre. Toute maternité s’efforce<br />
de retrouver quelque participation de celle qui fut<br />
votre gloire unique. Plus que toutes, la maternité<br />
spirituelle de l’Église continue votre engendrement<br />
du Christ, de l’Annonciation à la Nativité, et de la<br />
Passion à la Pentecôte. Car le Christ Fils de Dieu a<br />
donné à tous ses frères de renaître comme il est né<br />
de Vous, non du mélange des sangs, non de la<br />
volonté de la chair ni de la volonté de l’homme,<br />
mais de Dieu (Jn 1, 13).<br />
« Ah ! que nul ne touche à ce mystère, ne doute<br />
de ce miracle. Que nul ne rompe d’une seule pensée<br />
injurieuse la certitude limpide de votre enfantement<br />
virginal. Y toucher, c’est le violer, c’est atteindre nos<br />
vies en leur source, et frapper de mort toutes nos<br />
renaissances spirituelles ! Cela ne sera pas, cela ne<br />
sera jamais. <strong>La</strong> Sainte Église ne sera pas longtemps<br />
en déshérence, privée de Pasteurs vigilants et de<br />
saints Docteurs. <strong>La</strong> Sainte Église ne tardera plus<br />
longtemps à définir infailliblement votre Virginité<br />
Perpétuelle, ô Marie. Car il est écrit de l’Adversaire<br />
que Vous lui écraserez la tête.<br />
« Mes amis, d’en savoir le mystère attaqué et<br />
souillé nous rend plus passionnément aimée cette<br />
douce Nativité du Christ, du sein de la Vierge Marie.<br />
Nous lui ferons à Noël comme un rempart de nos<br />
corps purifiés, et un abri de nos cœurs fervents. Ainsi<br />
tout de même l’Église n’<strong>au</strong>ra pas laissé en cette nuit<br />
d’apostasie la Vierge et l’Enfant sans logis.<br />
« Prions Marie trois fois le jour, “ <strong>au</strong> son de la<br />
cloche ”. C’est l’AVE MARIA de la paix. » (Georges de<br />
Nantes, CRC n o 63 suppl., Noël 1972, p. 6 ; cf. PAGE<br />
MYSTIQUE n o 52, p. 257-261)
JANV. 2013 N o 124 - P. 13<br />
DEPUIS les jours de la délivrance d’Égypte (2300<br />
av. J.-C.) jusqu’<strong>au</strong>x dernières années de l’indépendance<br />
de Juda (597-586 av. J.-C.) une succession<br />
de livres historiques, rassemblés et composés par<br />
l’école deutéronomiste, raconte la naissance, la prospérité<br />
et le déclin du peuple de Dieu :<br />
Un peuple élu <strong>au</strong>quel Dieu accorde par des miracles<br />
éclatants l’indépendance et une Terre merveilleuse<br />
où s’implanter <strong>au</strong> point de la faire sienne.<br />
Un peuple que Dieu rassemble et fortifie en lui<br />
donnant une Loi sage qui lui soit un secret de bonheur.<br />
Un peuple enfin que Dieu lui-même garde, et qu’il<br />
guide sans cesse par ses envoyés ou ses représentants,<br />
Moïse et les Juges institués par lui, Josué puis les<br />
prophètes.<br />
Il ne dépendait que de la bonne volonté des<br />
hommes de voir durer l’Alliance ainsi contractée. Elle<br />
devait être éternelle, elle pouvait amener une prospérité<br />
sans mesure.<br />
L’exil (586-538) en venant interrompre ce be<strong>au</strong> projet,<br />
a révélé que les hommes, incapables de fidélité,<br />
étaient indignes de l’Alliance et même qu’il n’existe<br />
pas vraiment de “ peuple de Dieu ” là où chacun suit sa<br />
voie égoïste. Comment Dieu pourrait-il aimer Israël,<br />
maintenant que, dispersé, ce peuple n’est plus une<br />
commun<strong>au</strong>té, n’a plus <strong>au</strong>cun signe d’unité ?<br />
Ainsi le désastre national provoquera-t-il une<br />
longue méditation dont be<strong>au</strong>coup plus tard une nouvelle<br />
école nous livrera la leçon. Après le retour de l’exil,<br />
décrété par l’édit de Cyrus, en 538.<br />
C’est <strong>au</strong>x alentours de l’an 400, dans une Jérusalem<br />
qui n’a guère connu la paix et ne songe même plus à<br />
l’indépendance politique, que les CHRONISTES reprennent<br />
toute l’histoire d’Israël pour illustrer et <strong>au</strong>thentifier<br />
leur conception de ce que doit être l’Israël nouve<strong>au</strong>.<br />
Auteurs du premier et du deuxième livre des<br />
CHRONIQUES, des livres d’ESDRAS et de NÉHÉMIE, deux<br />
h<strong>au</strong>ts fonctionnaires envoyés par la cour du roi de<br />
Perse dans la satrapie de Palestine : Néhémie pour<br />
reconstruire les remparts de Jérusalem, Esdras, pour<br />
rest<strong>au</strong>rer le culte, qui va promulguer le PENTATEUQUE<br />
comme loi, Torah, de la satrapie de Palestine.<br />
CAMP NOTRE-DAME DE FATIMA 2012<br />
V. LA COMMUNAUTÉ SAINTE<br />
Notre camp d’été avait pour objet la Parole de Dieu et le mystère de l’Église révélé dans la Sainte Écriture.<br />
Une première étude nous a conduits du prélude (Gn 1-11) à la fondation miraculeuse du Peuple de Dieu, sorti<br />
d’Égypte sous la conduite de Moïse (<strong>IL</strong> <strong>EST</strong> <strong>RESSUSCITÉ</strong> n o 121, octobre 2012, p. 15-24). Un deuxième chapitre a<br />
présenté la conquête et la colonisation de la Terre promise sous la conduite de Josué (<strong>IL</strong> <strong>EST</strong> <strong>RESSUSCITÉ</strong> n o 122,<br />
novembre 2012, p. 11-18). Le troisième chapitre est paru en juillet sous le titre : DU SACRE DE DAVID À CELUI DU<br />
ROI DE FRANCE, LIEUTENANT DU CHRIST-ROI (<strong>IL</strong> <strong>EST</strong> <strong>RESSUSCITÉ</strong> n o 119, juillet 2012, p. 17-19). Le quatrième chapitre<br />
est paru en décembre sous le titre : LA MISSION PROPHÉTIQUE (<strong>IL</strong> <strong>EST</strong> <strong>RESSUSCITÉ</strong> n o 123, décembre 2012, p. 11-20).<br />
<strong>La</strong> cassure de l’exil a laissé tomber dans l’oubli<br />
bien des événements du passé. On n’en a plus connaissance<br />
que par des documents écrits. À c<strong>au</strong>se de cet<br />
oubli, les Chronistes n’hésiteront pas à remanier, à<br />
transformer les récits, ajouter ou retrancher, pour reconstituer<br />
l’histoire ancienne comme une preuve de<br />
leur idéal : la commun<strong>au</strong>té sainte qu’ils veulent voir<br />
enfin se réaliser. Ils n’hésiteront pas à la découvrir<br />
déjà recherchée et même réalisée dans les anciens<br />
temps, les temps heureux. Quitte à modifier la présentation<br />
qu’en conservaient les LIVRES DES ROIS.<br />
<strong>La</strong> rest<strong>au</strong>ration annoncée par Ézéchiel, et l’ordre<br />
nouve<strong>au</strong> qui en résulterait, était une œuvre be<strong>au</strong>coup<br />
plus prodigieuse, <strong>au</strong>x yeux des Chronistes, que la sortie<br />
d’Égypte. Et d’ailleurs, cette rest<strong>au</strong>ration était encore à<br />
faire <strong>au</strong> moment où ils écrivaient. À leurs yeux, elle<br />
était en cours de réalisation, mais combien imparfaite !<br />
Ils voulaient y aider par leur enseignement, assurés que<br />
si le peuple écoutait et « mettait en pratique », de merveilleuses<br />
perspectives s’ouvriraient pour lui et que<br />
toutes les promesses deutéronomiques s’accompliraient.<br />
Cependant, en l’absence de signes extraordinaires,<br />
du fait que Dieu n’a pas agi seul comme <strong>au</strong>x jours<br />
de Moïse, du fait également que le peuple n’a pas<br />
retrouvé son indépendance politique, ni même son<br />
unité d’esprit, les Chronistes découvrent une <strong>au</strong>tre réalité<br />
surnaturelle et ils la voient déjà à l’œuvre depuis<br />
longtemps : la commun<strong>au</strong>té religieuse des fidèles de<br />
Yahweh devient le nouve<strong>au</strong> et vrai peuple de Dieu.<br />
Ce qui constitue la commun<strong>au</strong>té sainte, désormais,<br />
c’est l’amour de Dieu encore, mais s’exprimant par la<br />
vie cultuelle. Le centre de l’unité, c’est le Temple où<br />
Dieu réside, et les envoyés de Dieu, pour cette œuvre<br />
de salut, ce sont les prêtres et les lévites.<br />
En enseignant cette économie nouvelle, les Chronistes<br />
sont certains qu’ils n’inventent rien. Il ne s’agit<br />
surtout pas là de démarches humaines. Ce sont des<br />
rites et des institutions sacrés, voulus par Dieu, établis<br />
par son Oint : David.<br />
Les Chronistes exaltent la figure de David comme les<br />
Deutéronomistes celle de Moïse, pour voir en lui le<br />
fondateur de la commun<strong>au</strong>té sainte, le médiateur du culte<br />
voulu par Dieu (1 Ch 17, 1-15, comparé à 2 S 7, 1-17).
JANV. 2013 N o 124 - P. 14<br />
Tandis que le peuple de Dieu continuait sur sa<br />
lancée une existence politique caduque, des institutions<br />
religieuses apparaissaient qui devaient un jour rest<strong>au</strong>rer<br />
ce peuple sous une forme moins charnelle et plus<br />
sainte, celle d’une commun<strong>au</strong>té cultuelle.<br />
Ainsi, depuis l’exil jusqu’<strong>au</strong> temps du Christ, règne<br />
une nouvelle conception de la commun<strong>au</strong>té d’Israël :<br />
raciale, sacerdotale, légale.<br />
UNE RACE<br />
RACIALE : il n’y a plus de peuple indépendant<br />
<strong>au</strong>quel puissent s’appliquer globalement les promesses<br />
divines. Il semble plutôt <strong>au</strong>x exilés puis <strong>au</strong>x rest<strong>au</strong>rateurs<br />
de Sion qu’il s’agit pour leur petit groupe fidèle<br />
de conserver un lien avec leurs pères pour hériter<br />
d’eux les promesses.<br />
Sont donc du peuple de Dieu ceux qui se rattachent<br />
par leurs ancêtres à la commun<strong>au</strong>té du désert, <strong>au</strong>x douze<br />
tribus primitives. Dès le document “ P ”, dit sacerdotal,<br />
qui date de l’exil, on recueille ces généalogies qui<br />
encombrent encore nos bibles. Elles veulent faire la<br />
preuve de l’appartenance des Israélites de ce temps à<br />
des familles bénies de leurs ancêtres (1 Ch 9, 1-34).<br />
Quel immense changement de perspective ! L’amour<br />
de Dieu, maintenant, est un bien de famille qui se lègue<br />
par le sang, et l’interdiction des mariages avec les païens<br />
laisse sa première signification – le péril d’idolâtrie –<br />
pour une <strong>au</strong>tre : le péril de contaminer le sang de la<br />
race bénie !<br />
Mais le sang ne suffit pas ; il f<strong>au</strong>t encore une<br />
volonté d’appartenance <strong>au</strong> peuple de Dieu. Aussi<br />
voyons-nous la circoncision devenir une institution majeure.<br />
Elle est introduite dans la Loi (Ex 12) comme<br />
une marque d’appartenance <strong>au</strong> peuple élu. De fait, cela<br />
se comprend fort bien à un moment où ce peuple est<br />
dispersé parmi les païens. C’est un signe racial, mais<br />
<strong>au</strong>ssi un signe d’adhésion volontaire à une commun<strong>au</strong>té<br />
spirituelle : celui qui, même étranger, accepte la<br />
circoncision, devient « comme le citoyen du pays »<br />
(Ex 12, 48). Par ce signe, la ségrégation raciale pourra<br />
évoluer lentement vers une ségrégation spirituelle. Au<br />
temps des Grecs, nous verrons la circoncision devenir<br />
un signe héroïque de fidélité <strong>au</strong> yahwisme contre<br />
l’apostasie des hellénistes.<br />
UN CLERGÉ<br />
Après le caractère racial de la nouvelle commun<strong>au</strong>té<br />
revenue de l’exil, une deuxième marque en est le caractère<br />
CULTUEL. Depuis la dispersion parmi les nations,<br />
un approfondissement de la pensée religieuse s’est effectué.<br />
Ce peuple tout absorbé par sa vie politique –<br />
pensons <strong>au</strong>x contemporains d’Isaïe – s’est trouvé privé<br />
de ses rois et de son administration. D’un seul coup,<br />
il a pris conscience du vrai centre de sa survivance<br />
nationale : le clergé et ses traditions.<br />
Entouré d’un nouve<strong>au</strong> respect, ce clergé mit par<br />
écrit toutes les prescriptions rituelles de l’ancienne<br />
Jérusalem. Il idéalisa, pensant <strong>au</strong> retour et, rappelant<br />
ce que Moïse avait établi, et Aaron réalisé fidèlement.<br />
Il voulait surtout décrire ce qu’il f<strong>au</strong>drait rétablir et<br />
faire dès le retour à Jérusalem.<br />
Nous en trouvons le détail, fastidieux, dans une<br />
partie de l’EXODE ( 25 - 32 et 35 - 40 ), dans le LÉVITIQUE<br />
entier et dans une partie du livre des NOMBRES.<br />
Lorsqu’on isole ces textes, qu’on en retire toutes les<br />
prescriptions dont cette époque truffa littéralement les<br />
vieux récits, on découvre combien l’ancien peuple était<br />
peu soucieux du culte. Les sacrifices étaient de pure<br />
action de grâces, les prescriptions rituelles n’étaient<br />
guère suivies, la Pâque rarement célébrée.<br />
Délibérément, les prêtres de l’exil entendent repartir<br />
sur un tout <strong>au</strong>tre pied, et le peuple unanime le leur<br />
accorde. C’est le moment où Ézéchiel a ses visions du<br />
nouve<strong>au</strong> Temple et rédige à leur suite une véritable<br />
charte religieuse du nouvel Israël (Ez 40 - 48).<br />
Dès lors, la vie du peuple trouvera son centre<br />
dans le Temple où habite Yahweh. Il était dans la<br />
Tente de réunion (Ex 40, 34) ; il est venu dans le<br />
Temple de Salomon (1 R 8, 10). Il en est parti avant<br />
sa destruction (Ez 10, 18 ; 11, 22). Il revient dans le<br />
nouve<strong>au</strong> Temple (Ez 43).<br />
Pendant ces <strong>siècle</strong>s agités, humiliés, alors qu’il n’y<br />
a plus de prophètes ni de chefs merveilleux, le peuple<br />
<strong>au</strong>ra foi en cette Présence sanctifiante de Dieu, source<br />
inépuisable de bénédictions.<br />
Aussi, prêtres et lévites prennent-ils une importance<br />
nouvelle. Leur institution apparaît sacrée, et leurs obligations<br />
de sanctification personnelle, comme leurs<br />
fonctions et leur mise à part de la vie et du travail<br />
communs, en font des médiateurs entre Dieu et les<br />
hommes. Ils deviennent les conducteurs du peuple.<br />
<strong>La</strong> vie de ce dernier sera donc une vie de purification<br />
et de sanctification continuelle par des sacrifices<br />
nombreux offerts <strong>au</strong> Temple. Il n’est plus seulement<br />
question de morale comme avant l’exil, mais de « sainteté<br />
», entendue déjà comme participation à la sainteté<br />
de Dieu. Pour y atteindre, il n’y a pas d’<strong>au</strong>tre moyen<br />
donné à l’homme pécheur que de se réconcilier avec<br />
Dieu et de se sanctifier par un sacrifice.<br />
F<strong>au</strong>te de guerres et d’intronisations royales, la vie de<br />
commun<strong>au</strong>té se manifeste par des fêtes, instituées en<br />
souvenir des merveilles accomplies par Dieu dans le<br />
passé. Ainsi, tout le peuple trouve-t-il l’expression de son<br />
unité, la preuve de sa vitalité dans ses liturgies majestueuses<br />
où, par des sacrifices, tous se purifient et communient<br />
en un même culte et une même action de grâces.<br />
UNE LOI<br />
Enfin, dernière marque, ce peuple va vivre dans le<br />
respect de LA LOI. Au lieu d’un code moral visant à<br />
bien vivre, à réussir dans la vie, la Loi devient le
JANV. 2013 N o 124 - P. 15<br />
centre même de la vie, l’expression de la fidélité <strong>au</strong><br />
seul vrai Dieu. De morale qu’elle était, elle devient<br />
principalement religieuse. Les codes de pureté, les liturgies<br />
des sacrifices, et plus encore le repos sabbatique<br />
témoignent de la piété du fidèle. Tout cela n’a<br />
de sens que religieux.<br />
On découvre l’importance de telles prescriptions<br />
dans la mentalité sacerdotale, lorsqu’on voit le récit de<br />
la Création encadré dans une période hebdomadaire,<br />
pour donner <strong>au</strong> repos sabbatique un fondement dans la<br />
conduite de Dieu même !<br />
« Dieu conclut <strong>au</strong> septième jour l’ouvrage qu’il<br />
avait fait et, <strong>au</strong> septième jour, il chôma, après tout<br />
l’ouvrage qu’il avait fait. » (Gn 2, 2)<br />
C’est cette Loi, par sa puissante armature, ses mille<br />
détails, sa rigidité, qui va garder la commun<strong>au</strong>té des<br />
fidèles de toute contamination, de tout syncrétisme<br />
avec les civilisations païennes. Elle constitue vraiment<br />
une réalité sociologique fermée et c’est pour la s<strong>au</strong>ver<br />
que lutteront jusqu’<strong>au</strong> martyre les fidèles “ yahwistes ”<br />
dont les deux livres des MACCABÉES racontent l’histoire.<br />
Juda MACCABÉE, d’un mot araméen qui veut dire<br />
MARTEAU, Juda le MARTEL mène la “ Croisade ” contre<br />
Antiochus Épiphane érigeant une idole dans le Temple,<br />
en 167 avant la naissance du Christ.<br />
Il rest<strong>au</strong>re le Temple et le culte en 164.<br />
Les Chronistes ont repris l’histoire de la tribu de<br />
Juda depuis les origines en fonction de cette réalité<br />
présente, avec le souci d’en montrer l’origine sacrée.<br />
Plutôt qu’une initiative humaine, cette vie cultuelle se<br />
rattache <strong>au</strong>x sources mêmes du “ yahwisme ” et bien<br />
que les historiens deutéronomistes n’y aient pas prêté<br />
spécialement attention, il f<strong>au</strong>t y voir la marque d’une<br />
institution divine venue à son heure.<br />
<strong>La</strong> comparaison de l’œuvre pré-exilienne des deutéronomistes<br />
( Pentateuque, s<strong>au</strong>f le document “ P ”, et<br />
livres des Rois) et de l’œuvre des Chronistes (Chroniques,<br />
Esdras et Néhémie) met en lumière ce projet :<br />
ces derniers veulent établir l’enracinement des institutions<br />
présentes, de la commun<strong>au</strong>té religieuse, dans la<br />
réalité ancienne du peuple de Dieu. Ils affirment que<br />
cet ordre nouve<strong>au</strong> succède légitimement à l’ordre ancien<br />
et ils en cherchent la garantie en David :<br />
« Alors tous les Israélites se rassemblèrent <strong>au</strong>tour<br />
de David, à Hébron, et dirent : “ Vois ! Nous sommes de<br />
tes os et de ta chair. ” » (1 Ch 11, 1)<br />
C’est une sorte d’anticipation de la renaissance d’Israël,<br />
une transposition dans le passé de la vision d’Ézéchiel<br />
annonçant la résurrection de ces os et de cette chair<br />
desséchés après le châtiment de l’exil (Ez 37, 15-28).<br />
DAVID, ROI ET PRÊTRE<br />
Ce que le DEUTÉRONOME avait conçu <strong>au</strong>tour de<br />
Moïse, l’école chroniste le conçoit <strong>au</strong>tour de David.<br />
Sans doute, Moïse demeure à l’arrière-plan, comme le<br />
prophète par excellence qui a donné la Loi <strong>au</strong> peuple,<br />
mais le Chroniste voit en David le roi et prêtre qui a<br />
institué le culte en Jérusalem la sainte Cité.<br />
Comme prêtre lui-même, il a transporté l’Arche<br />
(1 Ch 15, 25-28), et le ps<strong>au</strong>me 132 nous rappelle la légende<br />
d’un serment de David relatif à ce transfert,<br />
marquant sa fervente piété :<br />
« Cantique des montées.<br />
Garde mémoire à David, Yahweh,<br />
de tout son labeur, du serment qu’il fit à Yahweh,<br />
de son vœu <strong>au</strong> Puissant de Jacob.<br />
“ Point n’entrerai sous la tente, ma maison,<br />
point ne monterai sur le lit de mon repos,<br />
point ne donnerai de sommeil à mes yeux<br />
et point de répit à mes p<strong>au</strong>pières,<br />
que je ne trouve un lieu pour Yahweh,<br />
un séjour <strong>au</strong> Puissant de Jacob ! ” »<br />
Historiquement, ce fut plutôt le langage d’Urie<br />
(2 S 11, 11) !<br />
C’est en vertu de la Loi écrite que le Chroniste<br />
nous montre le Roi instituant le service des lévites<br />
<strong>au</strong>près de l’arche. Puis David édifie un <strong>au</strong>tel à<br />
Yahweh ; il sanctifie et bénit le peuple (1 Ch 16, 2).<br />
Ses fils eux-mêmes sont prêtres.<br />
Aussi est-ce David, en vertu de la plénitude de<br />
son sacerdoce, qui institua tous les degrés du clergé<br />
de Jérusalem, le seul <strong>au</strong>thentique, <strong>au</strong>x yeux du<br />
Chroniste...<br />
Enfin, David décide de construire le Temple et<br />
commence à en rassembler les matéri<strong>au</strong>x. Là encore, le<br />
Chroniste, peut-être en suivant une source originale,<br />
veut mettre <strong>au</strong> compte de David, type du Roi parfait,<br />
le premier acte fondateur. Il explique alors par une<br />
mystérieuse interdiction le retard apporté à la construction.<br />
Comme Moïse s’est vu interdire l’entrée dans la<br />
Terre promise à c<strong>au</strong>se de son manque de foi, David,<br />
chef de guerre, ne pouvait être le constructeur du<br />
Temple. Son fils Salomon en exécutera le dessein,<br />
comme Josué avait mené à son terme l’œuvre de<br />
Moïse.<br />
Chose curieuse, bien significative, tandis que David<br />
a reçu l’onction royale on ne sait de qui ( 1 Ch 11, 1-3),<br />
Salomon la reçoit « <strong>au</strong> nom de Yahweh pour chef et<br />
de Sadoq pour prêtre » ( 1 Ch 29, 22). C’est en effet<br />
l’idée majeure du Chroniste, qu’il va mettre en lumière<br />
par des touches légères : il entend montrer dès<br />
cette époque, à partir de David roi et prêtre, la dualité<br />
des deux pouvoirs, politique et religieux, tous deux<br />
sacrés, mais dont l’un finalement laissera toute la<br />
place à l’<strong>au</strong>tre : en déméritant, le pouvoir royal disparaîtra<br />
tandis que le sacerdoce et la personne du grand<br />
prêtre en prendra la succession, avec la souveraineté<br />
d’une <strong>au</strong>torité divine.<br />
À toutes petites touches. Ainsi Salomon a-t-il un trône<br />
<strong>au</strong> milieu de la cour du Temple ( 2 Ch 6, 13), c’est donc<br />
pour prier comme roi et non plus comme prêtre... Plus<br />
tard, nous verrons le roi Ozias châtié par Dieu pour avoir
JANV. 2013 N o 124 - P. 16<br />
usurpé des fonctions sacerdotales ( 2 Ch 26, 16-20). Le<br />
clergé a donc peu à peu acquis la souveraineté dans sa<br />
fonction propre. <strong>La</strong> distinction des deux pouvoirs s’affirme.<br />
Le Roi, soutenu dans sa fonction divine par un<br />
prophète, règle la vie politique en nommant des chefs<br />
de peuple et des intendants, et la vie religieuse en reconnaissant<br />
un “ premier prêtre ” ( 2 Ch 19, 11 ; cf. 23, 16-20).<br />
Lors des jours sombres d’Athalie, c’est même le<br />
grand prêtre qui s<strong>au</strong>vera la roy<strong>au</strong>té en protégeant et<br />
sacrant le jeune roi Joas ( 2 Ch 23).<br />
C’est peut-être le discours d’Abiyya qui manifeste le<br />
mieux la pensée du Chroniste : on y voit le roi de Juda,<br />
successeur légitime de David, « exercer la roy<strong>au</strong>té de<br />
Yahweh », comme fils de David et, en tant que tel,<br />
souverain et invincible.<br />
« Abiyya se posta sur le mont Çemarayim, situé<br />
dans la montagne d’Éphraïm, et s’écria :<br />
“ Jéroboam et vous tous, Israélites, écoutez-moi !<br />
“ Ne savez-vous pas que Yahweh, le Dieu d’Israël,<br />
a donné pour toujours à David la roy<strong>au</strong>té sur Israël ?<br />
C’est une alliance infrangible pour lui et pour ses fils.<br />
Jéroboam, fils de Nebat, serviteur de Salomon, fils de<br />
David, s’est dressé et révolté contre son seigneur ; des<br />
gens de rien, des v<strong>au</strong>riens, se sont unis à lui et se sont<br />
imposés à Roboam, fils de Salomon ; Roboam n’était<br />
encore qu’un jeune homme, timide de caractère, et n’a<br />
pas pu leur résister.<br />
“ Or vous parlez maintenant de tenir tête à la<br />
roy<strong>au</strong>té de Yahweh qu’exercent les fils de David, et<br />
vous voilà en foule immense, accompagnés des ve<strong>au</strong>x<br />
d’or que vous a faits pour dieux Jéroboam !<br />
“ N’avez-vous pas expulsé les prêtres de Yahweh, fils<br />
d’Aaron, et les lévites, pour vous faire des prêtres comme<br />
s’en font les peuples des pays : quiconque vient avec un<br />
t<strong>au</strong>re<strong>au</strong> et sept béliers pour se faire donner l’investiture,<br />
peut devenir prêtre de ce qui n’est point Dieu !<br />
“ Notre Dieu à nous, c’est Yahweh, et nous ne<br />
l’avons pas abandonné : les fils d’Aaron sont prêtres<br />
<strong>au</strong> service de Yahweh et les lévites officient. Chaque<br />
matin et chaque soir nous faisons fumer les holoc<strong>au</strong>stes<br />
pour Yahweh, nous avons l’encens aromatique, les<br />
pains rangés sur la table pure, le candélabre d’or<br />
avec ses lampes qui brûlent chaque soir. Car nous<br />
gardons les ordonnances de Yahweh notre Dieu que<br />
vous, vous avez abandonnées.<br />
“ Voici que Dieu est en tête avec nous, voici ses<br />
prêtres et les trompettes dont ils vont sonner pour que<br />
l’on pousse le cri de guerre contre vous ! Israélites, ne<br />
luttez pas avec Yahweh, le Dieu de vos pères, car vous<br />
n’aboutirez à rien. ” » ( 2 Ch 13, 4-12).<br />
Mais, cette <strong>au</strong>torité venant de Dieu, il est absolument<br />
nécessaire qu’elle soit garantie par un culte, et<br />
voilà qui donne <strong>au</strong>x fils d’Aaron, et <strong>au</strong>x lévites, une<br />
importance essentielle dans la vie du Peuple.<br />
Ézéchias et Josias, les deux bons rois, sont pour lui<br />
principalement des réformateurs religieux et c’est à<br />
eux que la commun<strong>au</strong>té doit sa forme définitive.<br />
Que penser d’une telle leçon ?<br />
Si nous ne recevions pas ces livres comme venus<br />
de Dieu qui les a inspirés, nous pourrions chicaner.<br />
L’<strong>au</strong>teur attribue <strong>au</strong>x rois, et à David en premier lieu,<br />
l’institution de multiples actes cultuels et organisations<br />
cléricales que seuls l’exil et Ézéchiel ont pu concevoir.<br />
On serait porté à opposer la conception deutéronomiste<br />
du peuple de Dieu et cette conception post-exilienne<br />
tout <strong>au</strong>tre, légaliste et ritualiste.<br />
Mais l’inspiration reconnue nous fait découvrir une<br />
vérité nouvelle : en décrivant cette époque idéale, le<br />
Chroniste donne <strong>au</strong>x événements du temps passé leur<br />
véritable portée figurative de la réalité plénière de<br />
l’avenir : l’Église, à la fois peuple de Dieu et commun<strong>au</strong>té<br />
sacramentelle. S’il attribue à David l’institution<br />
de cet ordre nouve<strong>au</strong>, c’est pour annoncer que David,<br />
en la personne du Messie, son fils, sera le fondateur...<br />
divin de cette société religieuse héritière d’Israël :<br />
l’Église, son Église. Par la médiation de Moïse et de<br />
David, c’est cette commun<strong>au</strong>té spirituelle que Dieu se<br />
préparait et qu’il a réalisée <strong>au</strong>-delà de l’exil.<br />
LES PSAUMES<br />
DÉDIÉS À DAVID ! les PSAUMES sont l’expression<br />
lyrique de cette atmosphère nouvelle de la commun<strong>au</strong>té<br />
sainte. Particulièrement les PSAUMES DES MONTÉES<br />
ou ps<strong>au</strong>mes de pèlerinage vers Jérusalem, la Cité<br />
sainte ( Ps 120 - 147). Mais pas seulement. D’<strong>au</strong>tres<br />
ps<strong>au</strong>mes comme le ps<strong>au</strong>me JUDICA ME qui servait d’introduction<br />
<strong>au</strong> Saint-Sacrifice (PS 43), selon l’ancien<br />
ordo : Introibo ad altare Dei, « Je m’avancerai vers<br />
l’<strong>au</strong>tel de Dieu », expriment un attachement profond<br />
de l’âme pour le Temple où Dieu habite.<br />
Ce sont les ps<strong>au</strong>mes qui nous font le mieux comprendre<br />
quel progrès la commun<strong>au</strong>té post-exilienne représente<br />
par rapport <strong>au</strong> peuple pré-exilien. Ici, les affaires<br />
terrestres, la politique, les soucis de la guerre,<br />
remuent les âmes de crainte et d’espoir. Là, tout cet<br />
aspect terrestre est oublié <strong>au</strong> profit de la seule piété.<br />
On se représente ce que pouvait avoir d’attirant pour<br />
l’âme religieuse cette vie liturgique du Temple, de<br />
consolant cette prière, d’exaltant même cette institution<br />
majestueuse, en lisant ce que ben Sira écrit du grand<br />
prêtre Simon, fils d’Onias (Si 50).<br />
D’ailleurs, saint Luc nous fait respirer la même<br />
atmosphère, un <strong>siècle</strong> et demi plus tard lorsqu’il<br />
montre le prêtre Zacharie accomplissant sa fonction et<br />
recevant l’annonce de l’ange.<br />
Quand Jésus vient en ce monde, le peuple de Dieu<br />
est déjà une Église, “ son ” Église.<br />
frère Bruno de Jésus-Marie.<br />
<strong>La</strong> prochaine fois :<br />
VI. UNE VOIX DANS LE DÉSERT :<br />
JEAN-BAPTISTE.
JANV. 2013 N o 124 - P. 17<br />
LES ps<strong>au</strong>mes restent notre prière de toutes les<br />
heures du jour et de la nuit, en vigueur dans<br />
l’Église depuis deux mille ans, après avoir été celle<br />
des « p<strong>au</strong>vres de Yahweh » pendant plus de deux<br />
<strong>siècle</strong>s avant Jésus-Christ.<br />
Les premiers moines murmuraient ou fredonnaient,<br />
sans presque jamais s’arrêter, des ps<strong>au</strong>mes à<br />
Dieu, intimement inscrits en leur âme, pour exprimer<br />
l’élan de la louange, la reconnaissance, la supplication,<br />
la contrition, la lourdeur de l’âme et l’aridité du<br />
cœur même. Encore f<strong>au</strong>t-il en comprendre le secret<br />
afin de communier à l’âme des psalmistes, car leur<br />
prière était inspirée. C’est pourquoi elle est éternelle.<br />
L’Évangile ne les a pas rendus caducs, <strong>au</strong> contraire.<br />
Notre-Seigneur les a “ accomplis ”, en se les<br />
appropriant de telle manière qu’il n’y a rien de mieux,<br />
pour communier à tous les sentiments de son Cœur<br />
Sacré, que de méditer les ps<strong>au</strong>mes jour et nuit avec<br />
toute la ferveur qu’il a mise lui-même à les réciter dès<br />
son entrée dans le monde, disant à son Père :<br />
« Tu n’as agréé ni sacrifice ni holoc<strong>au</strong>ste. Mais tu<br />
m’as formé un corps. Alors, me voici... » (Ps 40, 7-8)<br />
Car les psalmistes mettaient par avance ces paroles<br />
dans la bouche du Roi-Messie qu’ils attendaient, ce<br />
JÉSUS et sa Sainte et Divine Mère que nous louons,<br />
que nous adorons, que nous aimons ici-bas, apprenant<br />
ainsi à le faire éternellement dans le Ciel...<br />
DATE ET AUTEURS<br />
Les ps<strong>au</strong>mes datent de cette période postérieure<br />
<strong>au</strong> retour de l’exil (538 av. J.-C.) qui a vu, à partir<br />
du cinquième <strong>siècle</strong>, une extraordinaire floraison religieuse<br />
dont témoignent les derniers chapitres du livre<br />
d’Isaïe, les oracles des prophètes Aggée et Zacharie,<br />
et les écrits de “ sagesse ” : Proverbes, Job, Cantique<br />
des cantiques.<br />
Récapitulons :<br />
Vers 2950, dans un monde m<strong>au</strong>vais, païen, idolâtre,<br />
Dieu distingua ABRAHAM par son élection bienveillante<br />
et lui fit des promesses touchant sa race à jamais.<br />
Puis, quelques <strong>siècle</strong>s plus tard, ces promesses<br />
furent suivies d’effets : une première fois de manière<br />
éclatante par la libération de la captivité d’Égypte, la<br />
traversée du désert, la possession de la Terre promise.<br />
Ces “ merveilles ” tangibles s’accompagnèrent<br />
d’<strong>au</strong>tres, moins saisissantes, mais non moins estimables<br />
: MOÏSE fit, par la Loi du Sinaï, de cette masse<br />
sans âme un peuple uni et fort, porteur d’une religion<br />
transcendante, révélée : le culte de Yahweh,<br />
seul Dieu...<br />
Enfin, en l’an mille, le roi David reçoit des promesses<br />
magnifiques touchant sa descendance, appelée<br />
à l’empire universel.<br />
Hélas ! par leurs rivalités, les tribus compromet-<br />
LES PSAUMES, PRIÈRE INSPIRÉE<br />
tent leur prospérité et, par leurs idolâtries, les rois<br />
méritent la malédiction divine. Au bout d’une longue<br />
suite de défaillances et de demi-retours, l’exil frappe<br />
Samarie et les tribus du Nord en 722, puis Juda ellemême<br />
et son dernier roi en 587. L’exil de Babylone<br />
est la grande épreuve qui contraint ce peuple rebelle<br />
à chercher le pardon de son Dieu et revenir à lui<br />
d’un cœur sincère.<br />
« Au bord des fleuves de Babylone, nous étions assis<br />
et pleurions <strong>au</strong> souvenir de Sion. » (Ps 137)<br />
Tout de même, Dieu prend pitié de ses enfants<br />
malheureux. Un jour se dresse un prophète, un inconnu<br />
qui met toute sa prophétie sous la garantie du<br />
grand Isaïe : ce sont les chapitres 40 à 55 de ce livre.<br />
Il annonce la prochaine libération de la captivité babylonienne,<br />
dans un renouvellement des “ merveilles ”<br />
du lointain Exode (cf. “ LES CHANTS DE SERVITEURS ” in<br />
Il est ressuscité n o 123, décembre 2012, p. 15-18).<br />
Et de fait, Cyrus le Perse s’empare de Babylone<br />
et donne <strong>au</strong>x déportés l’<strong>au</strong>torisation bienveillante de<br />
rentrer à Jérusalem et d’y célébrer leur culte.<br />
Ô bonheur !... Aussitôt, les fidèles d’entre les fidèles<br />
forment des caravanes et prennent la route du<br />
désert. Plus tard, ils évoqueront la ferveur de ces<br />
temps d’exil et de libération :<br />
« Quand Yahweh ramena les captifs de Sion, nous<br />
étions comme en rêve. Alors notre bouche s’emplit<br />
de rires et nos lèvres de chansons. Alors les païens<br />
criaient merveille :<br />
“ Yahweh pour eux a fait de grandes choses ! ”<br />
Oui ! pour nous Yahweh a fait de grandes choses, nous<br />
étions dans la joie ! » (Ps 126, 1-3)<br />
En quelques versets, le psalmiste a su se faire<br />
l’écho des grands prophètes antérieurs, en même<br />
temps que le témoin véridique des événements qu’ils<br />
annonçaient et qu’il a vécus : « Ceux que Yahweh a<br />
libérés reviennent, ils arrivent à Sion avec des cris de<br />
joie. » (Is 51, 11) Tel avait bien été le retour, plein de<br />
ferveur ; les voisins, jaloux, déjà alarmés d’un si<br />
prompt rétablissement, s’étaient vus contraints de<br />
reconnaître que Yahweh avait fait grandement les<br />
choses en faveur de son peuple, encore selon les<br />
prophéties : « Voici que je fais de lui un témoin<br />
parmi les païens. » (Is 55, 4)<br />
Le ps<strong>au</strong>me 126 révèle de manière saisissante la<br />
désillusion dramatique des rapatriés. Aussitôt, les<br />
déconvenues affluèrent. Point de signes grandioses<br />
dans le désert ! L’arrivée à Jérusalem fut une cuisante<br />
épreuve <strong>au</strong> lieu d’une fête. Tout y était en<br />
ruine et, <strong>au</strong> milieu de ces décombres, un ramassis<br />
de gens, judéens qui avaient échappé à la captivité,<br />
et voisins rapaces, ennemis traditionnels qui s’étaient<br />
enrichis des dépouilles des exilés et les voyaient<br />
revenir sans plaisir !
JANV. 2013 N o 124 - P. 18<br />
On pensait déloger ce monde. Ouette ! Il fallut le<br />
supporter... Et combien humiliante, insupportable,<br />
était la domination d’un délégué de l’<strong>au</strong>torité centrale<br />
qui siégeait à Samarie, entouré de Samaritains haineux,<br />
et ne songeant qu’à entraver la rest<strong>au</strong>ration du<br />
Temple à Jérusalem et de la nation.<br />
Certains refusaient maintenant de voir dans leur<br />
pénible retour de 538 le miracle annoncé. Mais le<br />
psalmiste l’affirme sereinement dans un bel acte de<br />
foi et, dans un mouvement d’espérance poignante, il<br />
lance une véhémente prière vers Dieu qui n’a pas<br />
accompli pleinement ce qu’il avait promis :<br />
« Ramène, Yahweh, nos captifs, change notre sort,<br />
comme soudain grondent les torrents du Négeb ! »<br />
On attendait un retour massif, une sorte de procession<br />
grandiose de tout un peuple conduit par son<br />
Dieu, dans le renouvellement des miracles de l’Exode.<br />
Eh bien ! demandons-le encore <strong>au</strong> Protecteur d’Israël :<br />
qu’un jour ils s’avancent vers Jérusalem, nos frères<br />
demeurés captifs ! Qu’ils reviennent comme les torrents<br />
du désert presque toujours à sec, soudain impétueux<br />
en hiver et fécondant la terre...<br />
Puis le psalmiste reprend et amplifie une ancienne<br />
prophétie de Jérémie : « Ils étaient partis dans les larmes<br />
; dans les consolations, je les ramène » (Jr 31, 9),<br />
pour en faire une leçon d’actualité :<br />
« Qui sème dans les larmes moissonne avec des chants ;<br />
on s’en va tout en pleurs, on répand la semence ; on<br />
revient en chantant, on rapporte des gerbes. »<br />
De toutes les prophéties, <strong>au</strong>cune ne se réalisait<br />
pleinement. Les visions s’éloignaient lorsqu’on croyait<br />
les tenir. Comme les mirages du désert !<br />
Pourtant, les rapatriés se mirent à la besogne.<br />
Aggée et Zacharie les exhortèrent, dès 520, à reprendre<br />
la construction du Temple délaissée pour<br />
d’<strong>au</strong>tres trav<strong>au</strong>x plus lucratifs. On se reprit à espérer<br />
à la lumière de leurs prophéties favorables.<br />
Mais le Temple construit, tout continua d’aller<br />
mal. On ne revenait pas d’exil en foule, les tribus<br />
voisines surveillaient jalousement cette rest<strong>au</strong>ration<br />
de Jérusalem et l’entravaient de tout leur pouvoir ; ils<br />
rôdaient armés près des chantiers de reconstruction<br />
des murailles. Samarie demeurait perfide, d’où pouvait<br />
soudain arriver l’ordre d’arrêter tous les trav<strong>au</strong>x.<br />
Dans Jérusalem, les rapatriés, les meilleurs se<br />
heurtaient à un front d’intérêts où se retrouvaient les<br />
« gens du pays », matérialistes, renégats, et les riches<br />
étrangers qui ignoraient tout de la Loi et de l’Alliance,<br />
et ne se souciaient guère de croire <strong>au</strong>x prophéties<br />
et de pratiquer le culte. Hypocrites, ils se<br />
rendaient <strong>au</strong> Temple, mais rieurs et méprisants ; sous<br />
leur masque de piété, des ennemis dévorants (Ps 1).<br />
Ainsi fut éprouvé le peuple fidèle, ce « petit<br />
reste » annoncé par Isaïe, qui devait porter toutes les<br />
promesses et mener jusqu’<strong>au</strong> Christ s<strong>au</strong>veur. Ils gardèrent<br />
confiance ! Ils s’appliquaient à comprendre<br />
même le sens divin, la tendresse cachée dans cette<br />
longue et noire série d’épreuves. Dieu les battait<br />
comme fer sur l’enclume, longuement et de multiples<br />
manières. Au lieu de donner tort <strong>au</strong>x prophéties<br />
merveilleuses, <strong>au</strong> lieu de se mêler <strong>au</strong> monde matérialiste<br />
qui les submergeait, ils firent de toute<br />
épreuve une grâce nouvelle, et s’ils écrivirent tant<br />
de ps<strong>au</strong>mes et de proverbes, tant de contes mor<strong>au</strong>x<br />
et de prescriptions rituelles, ce fut pour adapter leur<br />
religion trop naïve <strong>au</strong>x dures réalités qu’ils voulaient<br />
surmonter. C’est en cela qu’ils furent exemplaires<br />
et que, morts, ils parlent encore !<br />
Elle est émouvante, leur profession de foi, fruit<br />
d’une longue expérience, fruit de l’épreuve qui rabote<br />
l’orgueil :<br />
« Yahweh, mon cœur ne s’est pas gonflé,<br />
ni mes regards ne sont devenus fiers.<br />
Je n’ai pas choisi le chemin des grandeurs,<br />
ni cherché des prodiges qui me dépassent.<br />
Non, je tiens mon âme en paix et en silence,<br />
comme l’enfant repu repose contre sa mère,<br />
mon âme en moi repose comme un enfant repu.<br />
Attends Yahweh, Israël, maintenant et à jamais ! »<br />
(Ps 131)<br />
Ce ne sont pas les forces politiques ni militaires<br />
qui expliquent l’histoire d’Israël mais uniquement et<br />
souverainement les sentiments de Dieu à son égard.<br />
Dieu est revenu de sa juste colère, c’est pourquoi son<br />
peuple est revenu d’exil :<br />
« Votre complaisance, Yahweh, est pour votre Terre,<br />
vous avez ramené ses captifs,<br />
vous avez rétabli le destin de Jacob.<br />
Vous avez aboli les torts de votre peuple<br />
et couvert tous ses péchés ;<br />
vous avez renoncé à votre emportement,<br />
et vous êtes revenu du feu de votre colère. »<br />
(Ps 85, 2-4)<br />
<strong>La</strong> grâce divine reparaît comme le soleil se lève<br />
après la nuit, et sa Terre s’en trouve illuminée. Mais<br />
l’antique refrain revient, lancinant :<br />
« Rétablissez-nous, Dieu de notre salut,<br />
Brisez ce ressentiment qui subsiste contre nous.<br />
Serez-vous éternellement irrité contre nous ?<br />
Prolongerez-vous votre courroux d’âge en âge ?<br />
Ne nous ferez-vous pas revenir à la vie,<br />
pour que votre peuple en vous se réjouisse ?<br />
Montrez-nous, Yahweh, votre amour,<br />
accordez-nous votre salut ! » (Ps 85, 5-8)<br />
Alors, le psalmiste se tourne vers Dieu même, pour<br />
l’écouter, soit dans une contemplation <strong>au</strong> Temple, soit<br />
penché silencieusement sur les Saintes Écritures. Et<br />
voici qu’il entend, comme proclamé à nouve<strong>au</strong> par<br />
le Seigneur, l’éternel et nouve<strong>au</strong> message joyeux :
JANV. 2013 N o 124 - P. 19<br />
« Je veux écouter ce que dira Yahweh : Il a des<br />
paroles de paix pour son peuple et ses amis, pourvu<br />
qu’ils ne reviennent à leur folie. » (Ps 85, 9)<br />
À celui qui se prend à l’écouter, Dieu répond :<br />
« Oui, son salut est proche de ceux qui Le craignent<br />
et la Gloire va habiter notre Terre. » (Ps 85, 10)<br />
L’habitation de Dieu en Gloire <strong>au</strong> milieu d’Israël,<br />
dans son Temple délaissé <strong>au</strong> temps de la colère, est<br />
la garantie des bienfaits divins :<br />
« L’amour et la fidélité se rencontreront. <strong>La</strong> justice<br />
et la paix vont se donner le baiser ; la fidélité germe de<br />
la terre. Des cieux s’incline la justice.<br />
« Yahweh dispense le bonheur, notre terre donne<br />
son fruit ; la justice marche devant lui, et le salut accompagne<br />
ses pas. » (Ps 85, 11-14)<br />
QUELQUE CHOSE VA GERMER !<br />
(Ps 65 et 67)<br />
Le ps<strong>au</strong>me 126 compare « les fils de la captivité<br />
» à des semeurs, pour <strong>au</strong>ssitôt évoquer de riches<br />
et joyeuses moissons. De même le ps<strong>au</strong>me 85 annonce,<br />
par-delà l’épreuve présente, les temps nouve<strong>au</strong>x<br />
où le Ciel répandra sa bonté et la Terre<br />
sainte donnera son fruit.<br />
Les exégètes à courte vue lisent les ps<strong>au</strong>mes 65<br />
et 67 comme des « actions de grâces et prières collectives<br />
après la récolte annuelle », pour remercier le Bon<br />
Dieu du blé et du vin dont regorgeaient les celliers...<br />
« Que Dieu nous prenne en pitié et nous bénisse,<br />
qu’il fasse luire sur nous la clarté de sa Face !<br />
afin que sur la terre on connaisse vos desseins,<br />
et votre salut parmi tous les peuples. » (Ps 67, 2-3)<br />
C’est toujours la même supplication qui monte de<br />
ce peuple revenu d’exil dans sa condition humiliée,<br />
obscure, méprisée. Cependant, l’espérance ne désarme<br />
pas : que Dieu se manifeste et qu’il rétablisse<br />
les véritables hiérarchies des peuples conformes à<br />
son Cœur !<br />
« Que les peuples, ô Dieu vous louent,<br />
que les peuples vous rendent grâces, tous ! » (Ps 67, 4)<br />
« Vous qui apaisez le grondement des mers,<br />
le fracas des flots, la rumeur des peuples,<br />
à la vue de vos prodiges les habitants<br />
du bout du monde sont saisis de crainte,<br />
les portes de l’<strong>au</strong>rore et du crépuscule crient de joie ! »<br />
(Ps 65, 8-9)<br />
Cette manifestation décisive de Dieu, ce renouvellement<br />
des “ prodiges ” qui saisirent de crainte et<br />
d’enthousiasme toutes les nations, jusqu’<strong>au</strong>x îles<br />
lointaines, que sera-ce ? Ceci :<br />
« <strong>La</strong> terre a donné son fruit,<br />
Dieu, notre Dieu, nous bénit. » (Ps 67, 7)<br />
Ce frémissement d’allégresse sacrée n’<strong>au</strong>rait-il<br />
vraiment d’<strong>au</strong>tre objet qu’une récolte abondante ?<br />
Mais non ! Nous avons vu le ps<strong>au</strong>me 85 annoncer<br />
qu’en pleine rencontre du Ciel et de la terre,<br />
<strong>au</strong>x derniers temps, dans le baiser de l’Amour<br />
divin et de la fidélité humaine, la terre donnerait<br />
son fruit... Sous le souffle fécondant de la grâce,<br />
la terre inerte, m<strong>au</strong>dite, d’où ne sortaient plus<br />
que ronces et épines, produirait un fruit excellent,<br />
comme un nouve<strong>au</strong> paradis.<br />
Isaïe l’avait promis : « En ce Jour-là, le Germe de<br />
Yahweh deviendra parure et gloire, et le fruit de la<br />
terre deviendra l’honneur et l’ornement des rescapés<br />
d’Israël. » (Is 4, 2)<br />
Tandis que le châtiment divin a fait de la Palestine<br />
une terre brûlée, piétinée, perdue, la réconciliation<br />
ranimera cette terre désolée et Dieu lui-même donnera<br />
la semence pour qu’à nouve<strong>au</strong> la terre soit féconde<br />
dans un printemps éternel.<br />
« Enthousiaste description du printemps judéen »,<br />
selon la Bible de Jérusalem. Oui, mais pas du printemps<br />
prosaïque annuel ! C’est l’annonce prophétique<br />
de ce printemps mystique où <strong>au</strong>ront lieu les épousailles<br />
de Yahweh et de son peuple, grande et définitive<br />
réconciliation, quand refleurira l’Arbre de Jessé,<br />
quand un Germe divin sortira de terre et donnera son<br />
fruit. C’est le pressentiment du mystère de l’Incarnation<br />
du Verbe qui est la c<strong>au</strong>se du saisissement et de<br />
l’allégresse de tous les peuples de l’univers :<br />
« Ô Dieu notre S<strong>au</strong>veur, vous visitez la terre et vous<br />
l’abreuvez, vous la comblez de richesses. Le fleuve<br />
divin inonde ses rives, vous préparez son blé ainsi<br />
vous la disposez : abreuvant ses sillons, aplanissant ses<br />
mottes, l’amollissant d’averses et bénissant ses germes.<br />
« Vous couronnez l’année de vos bienfaits, sur vos pas<br />
la richesse ruisselle. Les pacages de la lande crient de<br />
joie, et les cote<strong>au</strong>x se ceignent d’allégresse, les prairies<br />
se couvrent de troupe<strong>au</strong>x, et les vallées se vêtent de froment.<br />
Elles acclament, elles chantent ! » (Ps 65, 10-14)<br />
Ces riches images parlent à l’âme religieuse de<br />
mystères spirituels, leur résonance prophétique seule<br />
justifie l’exaltation du psalmiste. Déjà, par avance, il<br />
voit dans la surabondance des dons divins, <strong>au</strong> moment<br />
du printemps, la parabole de la Visite divine<br />
<strong>au</strong>x derniers jours quand, de nouve<strong>au</strong>, comme <strong>au</strong><br />
Paradis près d’Adam et Ève innocents, il viendra à la<br />
brise du jour converser avec l’homme.<br />
LA DOUCE PLAINTE DES PERSÉCUTÉS<br />
(Ps 122 et 129)<br />
Sûrs d’être libérés par Yahweh pour un grand<br />
avenir, prêts à demeurer strictement fidèles à une Loi<br />
qu’ils avaient méditée et rest<strong>au</strong>rée dans son antique<br />
splendeur durant la longue épreuve, les « fils de la<br />
captivité » revenus de Babylone éprouvèrent vivement<br />
la déconvenue de ne pas être vraiment les<br />
maîtres de Jérusalem. Il leur fallut admettre de vivre<br />
<strong>au</strong> contact de gens de toutes races et de toutes reli-
JANV. 2013 N o 124 - P. 20<br />
gions qui, durant les soixante-dix ans d’exil, avaient<br />
occupé le pays.<br />
Plus question d’anathème comme <strong>au</strong> temps de la<br />
conquête ! On ne pouvait passer <strong>au</strong> fil de l’épée<br />
comme <strong>au</strong> temps de Josué, pour rendre <strong>au</strong>x juifs leur<br />
Terre promise, des gens qui, trouvant la place vide,<br />
s’y étaient installés et peu à peu s’étaient mêlés <strong>au</strong>x<br />
survivants de la catastrophe. On dut s’en accommoder,<br />
f<strong>au</strong>te de les chasser et les dominer.<br />
Tout, dès lors, opposera ces gens sans foi ni loi<br />
<strong>au</strong>x fervents yahwistes qu’une rude captivité et un<br />
retour merveilleux ont affinés dans leur religion de<br />
manière rare. Le « peuple de la terre », nous dirions<br />
les “ natifs du pays ”, mêlaient sans remords le culte<br />
de plusieurs divinités et ne craignaient pas d’ajouter<br />
à l’amour de leurs idoles le nouve<strong>au</strong> culte que les<br />
<strong>au</strong>tres voulaient rétablir dans le Temple, prenant part<br />
<strong>au</strong>x cérémonies sans consentir à se distinguer en<br />
rien des vrais fidèles. Typiquement, ils sont de ces<br />
gens dont on dit qu’ “ ils n’ont rien compris ” ; ils<br />
en sont restés <strong>au</strong> stade d’avant l’épreuve et, bien<br />
plus, ils se sont si bien installés dans les maisons et<br />
les champs des déportés que, sournoisement, ils<br />
vont se liguer contre les nouve<strong>au</strong>x revenus pour<br />
n’avoir rien à leur céder.<br />
Dès lors, le heurt de deux mentalités est inévitable,<br />
<strong>au</strong> sein même de la commun<strong>au</strong>té de Jérusalem.<br />
Ce sera une souffrance très vive pour les rapatriés,<br />
habitués à s’opposer <strong>au</strong>x violences et <strong>au</strong>x sarcasmes<br />
d’étrangers, de lutter maintenant <strong>au</strong> sein même de<br />
leur race et de leur foi contre de véritables ennemis<br />
déguisés en frères !<br />
Ainsi, le délicieux ps<strong>au</strong>me 122 laisse échapper<br />
vers Dieu la douce plainte des vrais religieux, bafoués<br />
par les repus et les satisfaits de ce monde :<br />
« Vers toi je lève les yeux, toi qui te tiens <strong>au</strong> Ciel.<br />
Oui, comme des yeux d’esclave fixés sur la main de<br />
leur maître, comme les yeux d’une servante sur la main<br />
de sa maîtresse, ainsi nos yeux le sont sur Yahweh<br />
notre Dieu, jusqu’à ce qu’il nous prenne en pitié.<br />
« Pitié pour nous, Yahweh, pitié pour nous, car de<br />
trop de mépris nous sommes rassasiés. Notre âme est<br />
plus que rassasiée du sarcasme des repus, du mépris<br />
des orgueilleux. »<br />
En pleine cité de Jérusalem, on se croirait plutôt<br />
encore déporté en quelque campement lointain<br />
d’Asiates féroces :<br />
« Vers Yahweh, dans ma détresse, je crie, et il me<br />
répond : Yahweh, délivre-moi de la lèvre menteuse, de<br />
la langue perfide... Malheur à moi de vivre chez les<br />
Mosques, de camper en Kédar ! » (Ps 120)<br />
Les voisins, qu’il f<strong>au</strong>t bien côtoyer dans la rue, et<br />
même <strong>au</strong> Temple ! font penser, plus qu’à de bons<br />
juifs yahwistes, à ces C<strong>au</strong>casiens fabuleux ou ces<br />
Arabes syriens dont les anciens parlaient toujours<br />
comme de peuples sans moralité et sans civilisation :<br />
« Oui, j’ai trop longtemps vécu parmi ceux qui<br />
haïssent la paix, moi qui suis paisible... mon moindre<br />
mot est pour eux occasion de guerre ! »<br />
L’OPPRESSION DES HOMMES SANS DIEU<br />
(Ps 14 et 53)<br />
« L’insensé dit en son cœur : “ Il n’y a pas de<br />
Dieu ”. » (Ps 14, 1) Ce n’est pas la négation métaphysique<br />
de l’athéisme moderne, qui en vient à dire<br />
que Dieu n’existe pas, mais c’est une indifférence à<br />
l’existence de Dieu et à sa Loi, un mépris plein de<br />
bravade pour sa Providence et sa Justice :<br />
« Sa colère est terrible ?... Il ne punit point pourtant !<br />
Autant dire qu’il n’y a pas de Dieu ! Voilà tout leur<br />
raisonnement ! » (Ps 10, 4)<br />
Et plus loin, nouve<strong>au</strong> sarcasme :<br />
« Dieu oublie, dit-il en son cœur, il se voile la Face,<br />
il ne voit jamais rien... » (Ps 10, 11)<br />
Le ps<strong>au</strong>me 94, et tant d’<strong>au</strong>tres, reviennent sur ce<br />
thème qui heurte les fidèles de Yahweh. Ils vivent,<br />
eux, dans la crainte de Yahweh, bien certains qu’il<br />
voit tout, sait tout, pénètre jusqu’<strong>au</strong> fond des cœurs :<br />
« Des cieux, Yahweh se penche sur les fils d’Adam<br />
pour voir s’il en est un de sensé, un seul qui cherche<br />
Dieu. Tous ils sont dévoyés, pareillement pervers, plus<br />
<strong>au</strong>cun homme de bien, pas même un seul ! » (Ps 53, 3-4)<br />
Comme <strong>au</strong> temps de Sodome et Gomorrhe :<br />
« Au secours, Yahweh, car la piété a disparu, car la<br />
loy<strong>au</strong>té s’est enfuie de chez les humains ! » (Ps 12, 1)<br />
Car c’est un camp formidable que celui des<br />
ennemis de Dieu :<br />
« Dévorer mon peuple, voilà leur pain quotidien, ils<br />
n’invoquent pas Yahweh. » (Ps 14, 4)<br />
« De toutes parts rôdent les méchants, ils tiennent<br />
le h<strong>au</strong>t du pavé, ceux qui n’ont que bassesse de<br />
cœur ! » (Ps 12, 9)<br />
Pourtant, les petits de cette époque étaient trop<br />
religieux pour laisser déborder leurs haines en rixes,<br />
violences et révolutions. Ils s’appliquaient à rester<br />
soumis à leur sort, le préférant encore à toute impiété,<br />
et se contentaient d’exhaler leurs plaintes vers<br />
le Ciel dans de belles et déchirantes supplications :<br />
« Ô ma force, je veux jouer pour toi ; vous êtes,<br />
mon Dieu, ma citadelle. Mon Dieu, votre compassion<br />
devance ma prière, Dieu repaît mes yeux de mes adversaires.<br />
» (Ps 59, 10-11)<br />
<strong>La</strong> fin de ces ps<strong>au</strong>mes est bien souvent “ eschatologique<br />
”. Elle donne sur la lumière radieuse du Matin<br />
de la Justice divine. Le “ grand Soir ” révolutionnaire<br />
n’est que la transcription diabolique en<br />
termes de guerre civile affreuse, du “ Matin éternel ”<br />
annoncé par les saintes Écritures, le Matin sans couchant<br />
de la bienheureuse Justice divine...<br />
« Oui, je chanterai votre force ; <strong>au</strong> Matin, j’acclamerai<br />
votre bonté, vous êtes pour moi une citadelle, un<br />
refuge <strong>au</strong> jour de ma détresse. » (Ps 59, 17)
JANV. 2013 N o 124 - P. 21<br />
À PARIS<br />
LA PALINODIE D’UN RALLIÉ<br />
C’est vers l’église Saint-Eugène - Sainte-Cécile que<br />
nos phalangistes parisiens convergeaient le 5 décembre<br />
<strong>au</strong> soir. Ils marchaient ainsi sur les traces de<br />
leurs parents, lorsque dans les années 80, ceux-ci se<br />
rendaient, après le défilé de Jeanne d’Arc, à la messe<br />
célébrée par notre Père grâce à l’amitié sacerdotale de<br />
l’abbé Maréchal, son ami et disciple.<br />
Mais ce soir-là c’était pour écouter le Père Louis-<br />
Marie Le Barbier de Blignières (PLBB) faire le point<br />
sur L’AUTORITÉ MAGISTÉRIELLE DE VATICAN II.<br />
Le curé présenta le parcours de son invité comme<br />
« une recherche de la vérité grâce à l’étude et <strong>au</strong><br />
dialogue... » Ordonné en 1977 par Mgr Lefebvre sous<br />
la responsabilité de dom Gérard, il fonde en 1979<br />
la fraternité dominicaine Saint-Vincent-Ferrier. Intégristes<br />
à l’extrême, les jeunes thomistes de la commun<strong>au</strong>té<br />
se mettent <strong>au</strong> travail pour justifier leur sédévacantisme.<br />
Mais voilà qu’en un si m<strong>au</strong>vais chemin,<br />
ces malheureux découvrent “ la pierre philosophale ”,<br />
et proclament désormais à l’envi qu’il n’y a pas de<br />
contradiction entre la Déclaration de Vatican II sur le<br />
droit social à la Liberté religieuse et le SYLLABUS de<br />
Pie IX. Dès lors la Fraternité ne tardera pas à être<br />
reconnue par le Saint-Siège.<br />
Tout <strong>au</strong> long de sa conférence, PLBB prêchera<br />
l’herméneutique de la continuité avec une conviction<br />
qui se voulait communicative. Mais <strong>au</strong> prix de<br />
quelques mensonges et d’un reniement révélés par le<br />
débat qui suivit.<br />
UN DÉBAT RÉVÉLATEUR.<br />
LE CONC<strong>IL</strong>E EN DÉROUTE<br />
JEAN, scientifique de formation, s’étonne :<br />
« Dire que l’interprétation du Concile n’a rien à<br />
voir avec les textes du Concile, c’est absurde. On ne<br />
peut pas radicalement distinguer les textes de ce qui<br />
s’est passé par la suite <strong>au</strong> nom de ces mêmes<br />
textes ?!...<br />
PLBB : Je vous arrête tout de suite ! J’ai dit que<br />
je ne discuterai pas là-dessus ! C’est fondamental<br />
ça ! Non seulement on peut, mais il f<strong>au</strong>t ! Jusqu’en<br />
1966, le Concile a été interprété dans une notion de<br />
continuité. »<br />
Vatican II a fait, quatre années durant, la-une des<br />
médias <strong>au</strong>x ordres, pour son caractère novateur et ses<br />
ruptures de tradition... Tous à cette époque et à tous<br />
les degrés de la hiérarchie s’en flattaient et en attendaient<br />
des fruits merveilleux, une nouvelle Pentecôte,<br />
y compris “ Ratzinger ”...<br />
PLBB : Et c’est vrai qu’ensuite les gars (sic) qui<br />
l’avaient fait, du moins une partie ont poussé dans le<br />
sens de la rupture...<br />
JEAN : Pourquoi n’a-t-on pas sanctionné ceux qui<br />
interprétaient mal le Concile ?<br />
PLBB : Je suis tout à fait d’accord avec vous, on<br />
ne les a pas assez sanctionnés... Mais cela correspond<br />
<strong>au</strong>ssi à un problème moderne : la coercition, la sanction<br />
sont considérées comme contraires à la dignité de la<br />
personne, et à mon avis c’est une erreur fondamentale !<br />
GUY : Avant le Concile la liberté de l’Église était<br />
fondée sur les droits de la vérité, c’est-à-dire de<br />
Jésus-Christ comme personne. C’est en son nom que<br />
l’Église revendiquait de ne pas être empêchée ni<br />
contrainte. En fondant cette exemption de toute coercition<br />
sur la dignité de la personne humaine, est-ce<br />
que Vatican II ne fait pas ainsi la promotion de<br />
toutes les religions ? Comment peut-on concilier ces<br />
deux points de vue ?<br />
PLBB : Je vous réponds très rapidement. Il y a un<br />
adage en philosophie : Celui qui fait abstraction ne<br />
nie pas les éléments qu’il laisse de côté.<br />
Quand on parle de la liberté de l’Église, celle-ci<br />
est évidemment fondée par la mission surnaturelle que<br />
lui a donnée Notre-Seigneur, mais cela n’empêche pas<br />
que la nature humaine existe ! et les Pères de l’Église<br />
l’ont abondamment utilisée par rapport à tous les<br />
pouvoirs humains, évidemment quand l’Église n’était<br />
pas encore reconnue. Le concile Vatican II se situe<br />
sur la base de l’ordre naturel. Quand vous dites : on<br />
a toujours dit que... Moi (sic), j’ai vérifié, on n’a pas<br />
toujours dit ça. Les Pères de l’Église ont argumenté<br />
essentiellement sur quelque chose de be<strong>au</strong>coup plus<br />
proche de Vatican II que de Pie IX. »<br />
PLBB n’a cessé de dire qu’il a travaillé la question<br />
pendant des années. Pourquoi ne peut-il pas nous<br />
exposer clairement et triomphalement sa trouvaille<br />
grâce à laquelle, lui PLBB, s’est montré plus intelligent<br />
que 2 400 évêques et des centaines d’experts<br />
théologiens, les uns et les <strong>au</strong>tres cherchant en vain,<br />
quatre ans durant, comment établir la continuité doctrinale<br />
entre le SYLLABUS et Vatican II.<br />
Le cardinal Ratzinger lui-même se félicitait de ce<br />
que GAUDIUM ET SPES, était un « CONTRE-SYLLABUS »:<br />
« Contentons-nous de constater que le texte joue le rôle<br />
d’un CONTRE-SYLLABUS dans la mesure où il représente<br />
une tentative pour la réconciliation officielle de l’Église<br />
avec le monde tel qu’il était devenu depuis 1789... ce<br />
texte a été considéré comme le véritable testament du<br />
Concile. » (CRC n o 211, mai 1985, p. 7)<br />
Mgr Freppel a parfaitement réfuté l’erreur de PLBB.<br />
Il valait la peine de mettre son texte en encart.
JANV. 2013 N o 124 - P. 22<br />
LA VÉRITÉ DISSIMULÉE<br />
PAR LE PÈRE DE BLIGNIÈRES<br />
« En voyant les premiers chrétiens réclamer la<br />
liberté de conscience, on s’est parfois mépris sur<br />
le caractère de cette requête, jusqu’à transformer<br />
les apologistes en défenseurs d’un système tout<br />
moderne [...]. Il n’y a pas de trace chez eux de ce<br />
prétendu droit inhérent à la nature humaine et que<br />
les lois ne pourraient ni entraver ni restreindre. Ils<br />
ne viennent pas dire <strong>au</strong>x païens : chaque homme a<br />
le droit absolu et illimité de croire ce qu’il veut,<br />
d’enseigner ce que bon lui semble, de pratiquer tel<br />
culte qui lui agrée : donc ne mettez pas d’obstacles<br />
à la propagation de nos doctrines [...].<br />
« Au lieu de s’égarer dans des maximes abstraites,<br />
f<strong>au</strong>sses en théorie, irréalisables dans la<br />
pratique, ils prennent leur point de départ dans<br />
l’état social qu’ils trouvent <strong>au</strong>tour d’eux. Ils profitent<br />
de la brèche faite <strong>au</strong>x lois romaines par<br />
l’invasion des cultes du monde entier, pour s’introduire<br />
sous le bénéfice du droit commun. Loin de<br />
s’arroger le droit de prêcher une doctrine quelconque,<br />
sous prétexte que rien ne doit gêner<br />
l’homme dans la manifestation de sa pensée quelle<br />
qu’elle soit, ils demandent qu’on examine leur religion<br />
; c’est sur la valeur intrinsèque du christianisme<br />
qu’ils s’appuient avant tout pour demander<br />
la libre profession. Ils réclament, <strong>au</strong> nom de la<br />
vérité, la liberté qui lui revient de droit, indépendamment<br />
de toute forme ou de tout état social [...].<br />
« Si donc, dans les temps postérieurs <strong>au</strong>x persécutions,<br />
les États chrétiens ont mis des entraves<br />
à la libre propagation des hérésies, il n’est pas<br />
vrai de dire que “ l’Église montée <strong>au</strong> pouvoir devint<br />
l’ennemie de la liberté qu’elle avait si longtemps défendue<br />
”, parce qu’elle n’avait jamais demandé ni<br />
défendu d’<strong>au</strong>tre liberté que celle de la vérité. Il n’y<br />
a pas la moindre contradiction entre la conduite<br />
des conciles du Moyen Âge s’opposant <strong>au</strong> progrès<br />
des hérésies, parce que la généreuse protestation<br />
des uns et la vigoureuse initiative des <strong>au</strong>tres<br />
n’avaient pour objet unique que d’affirmer et de<br />
défendre le droit et la liberté de la vérité. » (cité<br />
par frère Pascal, MGR FREPPEL, tome 1, p. 142-143)<br />
CALOMNIE HOMICIDE.<br />
JEAN-BAPTISTE : Vous avez be<strong>au</strong>coup reproché <strong>au</strong>x<br />
traditionalistes de critiquer le Concile, “ de répéter en<br />
boucle que c’est une apostasie, sans le prouver, sans<br />
engager leur vie ”. Je regrette que vous ayez très peu<br />
mentionné l’abbé de Nantes et pas du tout les différentes<br />
démarches canoniques qu’il a entreprises<br />
<strong>au</strong>près des papes P<strong>au</strong>l VI et Jean-P<strong>au</strong>l II. L’abbé de<br />
Nantes a doctrinalement formulé, et en toute loy<strong>au</strong>té,<br />
ses accusations puis il les a présentées à l’<strong>au</strong>torité<br />
suprême de l’Église afin qu’elles soient jugées en<br />
toute vérité, et que soit condamné qui de droit. Or<br />
le théologien de la <strong>Contre</strong>-<strong>Réforme</strong> <strong>catholique</strong> n’a<br />
jamais reçu de réponse, il n’y a jamais eu de procès<br />
doctrinal engagé afin de lui répondre.<br />
PLBB : Je vais vous faire plaisir. Je regrette qu’on<br />
n’ait pas assez pris <strong>au</strong> sérieux son travail. Mais je<br />
pense qu’il était fou !<br />
JEAN-BAPTISTE : Dans votre conférence vous n’avez<br />
pas expliqué pourquoi vous pensiez que DIGNITATIS<br />
HUMANÆ était infaillible.<br />
PLBB : Il est 21 h 25, je vous renvoie <strong>au</strong> texte.<br />
SOPHIE, avec conviction : Y’a un problème avec la<br />
Liberté religieuse. L’abbé de Nantes accuse ce texte<br />
d’être hérétique et demande à ce que le Pape juge<br />
en engageant son infaillibilité. L’avantage de l’infaillibilité,<br />
c’est que si j’y crois je suis <strong>catholique</strong>,<br />
si je n’y crois pas, je ne suis plus <strong>catholique</strong>. »<br />
Devant ces clartés il se fit un grand silence, approbateur,<br />
qui déboute Blignières <strong>au</strong> même titre que<br />
le silence du Pape. Et sa volonté de ne pas engager<br />
son <strong>au</strong>torité canonique dans ce débat a valeur d’assentiment<br />
à l’abbé de Nantes qui réprouve ce<br />
“ dogme ” nouve<strong>au</strong>. Tout cela proclame, a contrario,<br />
que l’Église n’a pas plié le genou devant la révolution,<br />
elle est toujours la fidèle épouse du Christ,<br />
mais engagée par ses pasteurs dans une désorientation<br />
sans précédent.<br />
MGR DE MOULINS-BEAUFORT ET BENOÎT XVI<br />
<strong>La</strong> “ conférence-dialogue ” organisée <strong>au</strong>x BERNAR-<br />
DINS, le mardi 18 décembre 2012, avec Mgr de Moulins-<br />
Be<strong>au</strong>fort, le Père <strong>La</strong>urent Villemin et Anne-Marie Pelletier,<br />
sur le thème VATICAN II, UN TREMPLIN POUR LE<br />
MONDE ACTUEL, fut diffusée par la chaîne de télévision<br />
KTO, mais amputée de son dialogue avec le public.<br />
Assurément, il y eut ce soir-là un débat, du moins<br />
un début de débat. Engagé par l’un de nos amis sur<br />
le point focal de notre opposition à la <strong>Réforme</strong> conciliaire,<br />
à savoir la Liberté religieuse, il rebondit avec<br />
la question d’un membre de l’Opus Dei sur les sujets<br />
qu’un concile Vatican III pourrait et devrait traiter.<br />
Question reprise par Frédéric :<br />
« Monseigneur, vous dites que les conditions ne<br />
sont pas vraiment réunies pour convoquer un nouve<strong>au</strong><br />
Concile. Mais il me semble que, par le passé,<br />
on réunissait les Conciles pour trois raisons : quand<br />
la Chrétienté était menacée par un ennemi de l’extérieur,<br />
quand la foi était en péril, quand la discipline<br />
de l’Église était défaillante. Ces trois conditions sont<br />
<strong>au</strong>jourd’hui réunies : la Chrétienté est attaquée par<br />
l’islam, la foi est en péril, même à l’intérieur de<br />
l’Église, enfin on n’entend que trop parler de relâchement<br />
de la discipline, d’affaires de mœurs, d’af-
JANV. 2013 N o 124 - P. 23<br />
faires financières. Alors, le moment n’est-il pas venu<br />
de convoquer un Concile ?<br />
MGR DE MOULINS-BEAUFORT : Demandez <strong>au</strong> pape<br />
Benoît XVI. C’est <strong>au</strong> Pape qu’il appartient de le<br />
décider.<br />
PH<strong>IL</strong>IPPE : Allez-vous-le lui demander ? Allez-vous<br />
poser la question <strong>au</strong> Saint-Père ?<br />
MGR DE MOULINS-BEAUFORT : Pour les gens qui ne<br />
seraient pas <strong>au</strong> courant et qui s’étonneraient d’un<br />
certain nombre d’interventions un peu brutales que<br />
nous entendons ce soir, je précise qu’il y a ici un certain<br />
nombre de gens qui appartiennent à un mouvement<br />
qui s’appelle la <strong>Contre</strong>-<strong>Réforme</strong> <strong>catholique</strong>. Chacun<br />
est libre d’aller sur Internet voir de quoi il s’agit. Ne<br />
vous étonnez pas de la présence forte de ce groupe<br />
que nous rencontrons chaque fois que nous organisons<br />
un débat sur Vatican II, ici, ou en d’<strong>au</strong>tres lieux. »<br />
Un jeune homme s’est dressé. Il est <strong>au</strong> milieu de<br />
la salle. C’est JEAN-BAPTISTE. Il parle sans micro,<br />
mais sa voix est forte, tout le monde l’entend :<br />
« Il y a à peu près un an [c’était le 13 mars<br />
2012 ], ici même, dans cette salle, après une conférence<br />
sur le cardinal Suhard, vous avez affirmé qu’en<br />
tant qu’évêque vous confirmiez que l’abbé de Nantes<br />
avait dit des hérésies. Vous avez <strong>au</strong>jourd’hui deux<br />
solutions : soit vous les précisez, vous nous dites<br />
quelles sont ces hérésies, soit vous vous rétractez<br />
parce que vous avez calomnié l’abbé de Nantes.<br />
MGR DE MOULINS-BEAUFORT : Je suis à peu près<br />
certain de n’avoir jamais dit que comme évêque je<br />
disais que l’abbé de Nantes avait dit des hérésies,<br />
pour ne pas avoir étudié la doctrine de l’abbé de<br />
Nantes. Je m’en remets <strong>au</strong> jugement de l’Église. Je<br />
ne connais pas le dossier. Ce que je peux dire, c’est<br />
que l’abbé de Nantes n’est pas Jésus-Christ, que<br />
l’abbé de Nantes n’est pas le Pape de la sainte<br />
Église <strong>catholique</strong> romaine.<br />
JACINTHE : Mais personne ne l’a prétendu...<br />
MGR DE MOULINS-BEAUFORT : L’Église du Christ<br />
subsiste dans l’Église <strong>catholique</strong> romaine gouvernée<br />
par le Pape et les évêques en communion avec lui.<br />
JACINTHE : C’est ce que dit l’abbé de Nantes !<br />
Appl<strong>au</strong>dissements de nos amis.<br />
MGR DE MOULINS-BEAUFORT : On ne peut pas<br />
continuer un débat intéressant dans ces conditions-là.<br />
Après une nouvelle question, très pertinente, sur le<br />
mépris du Concile pour la Très Sainte Vierge et<br />
Fatima, comme Élisabeth tentait de prendre la parole,<br />
Mgr de Moulins-Be<strong>au</strong>fort s’enfuit littéralement.<br />
Cependant, elle le rattrapa :<br />
« Pourquoi refusez-vous le débat, Monseigneur ?<br />
– Oh ! vous savez, je vous connais. Qu’est-ce que<br />
vous avez fait, il y a quinze jours, <strong>au</strong> Sacré-Cœur ?<br />
Qu’est-ce que vous avez fait à la conférence sur<br />
Suhard ? Pourquoi venez-vous monopoliser la pa-<br />
role ? Pourquoi est-ce que tout le monde pose des<br />
questions comme ça ?<br />
– Monseigneur, on vient parce que vous êtes là.<br />
– Vous avez des méthodes de trotskistes.<br />
– Monseigneur, nous vous demandons une véritable<br />
controverse publique sur des questions <strong>au</strong>xquelles<br />
vous n’avez jamais apporté de réponse.<br />
– Ce n’est pas mon rôle d’organiser cela.<br />
– Monseigneur, si vous n’êtes pas capable de<br />
répondre à nos objections, pourquoi ne pas en appeler<br />
<strong>au</strong> Pape ?<br />
– Qui vous dit que je ne l’aie pas déjà fait ? »<br />
Mais le voilà qui s’éclipse. Cependant, dix minutes<br />
plus tard, il réapparut devant l’ascenseur.<br />
« Monseigneur, vous nous avez dit, tout à l’heure,<br />
que vous en aviez appelé <strong>au</strong> Pape. Pourriez-vous<br />
nous dire ce qu’il en est exactement ?<br />
– Je n’ai pas à vous faire part de ma vie privée.<br />
– Monseigneur, cela est un sujet public. Il s’agit<br />
de questions sur la foi et la doctrine.<br />
– Madame, vous êtes stalinienne.<br />
– Pardon, Monseigneur, je suis une <strong>catholique</strong>, de<br />
votre diocèse, qui vous demande d’exercer les devoirs<br />
de votre charge. Donc, de veiller à la conservation du<br />
dépôt de la révélation. Donc, d’implorer le pape<br />
Benoît XVI de répondre <strong>au</strong>x accusations d’hérésie de<br />
l’abbé de Nantes et de frère Bruno par une sentence<br />
doctrinale infaillible. »<br />
EN SUISSE<br />
À Montmartre, Mgr Ch<strong>au</strong>vet, s’honorant des sept<br />
mille fidèles de sa paroisse, en a tiré argument contre<br />
notre noir pessimisme quant <strong>au</strong>x fruits du Concile et<br />
à l’avenir de l’Église. Argument fort déstabilisant, il<br />
est vrai. Et dans les jours mêmes de notre rencontre<br />
parisienne, la FÉDÉRATION CATHOLIQUE DE NEUFCHÂ-<br />
TEL, avec le même optimisme conquérant, prenait<br />
l’initiative de conférences destinées à ouvrir l’esprit<br />
des fidèles à l’intelligence des écrits de Vatican II et<br />
les préparer à la mission à eux confiée par le décret<br />
APOSTOLICAM ACTUOSITATEM. Mgr Morerod en chargea<br />
un théologien, laïc de surcroît, le sympathique monsieur<br />
Nicolas Blanc. Le projet comportait deux conférences<br />
pour chaque Constitution.<br />
<strong>La</strong> non moins sympathique CRC suisse romande a<br />
répondu à l’appel, avec les... cinq ! fidèles représentant<br />
le peuple de Dieu. Mais le qualificatif de<br />
“ sympathique ” n’était pas usurpé, le récit de nos<br />
amis le prouve. Et si les fidèles de Neufchâtel « n’ont<br />
pas de problème avec Vatican II », les cinq courageux,<br />
et les douze de la deuxième conférence, n’en<br />
<strong>au</strong>ront bientôt plus avec l’opposition radicale de la<br />
CRC à ce funeste Concile dont ils ont su apprécier<br />
la valeur des objections.<br />
Monsieur Blanc commence par la prière du NOTRE<br />
PÈRE et fait ses premières armes avec la constitution
JANV. 2013 N o 124 - P. 24<br />
SACROSANCTUM CONC<strong>IL</strong>IUM, sur la liturgie. Cette Constitution<br />
n’étant, en sa meilleure part, que le prolongement<br />
du mouvement liturgique initié par saint Pie X,<br />
c’était l’application facile de « l’herméneutique de la<br />
continuité ». Nos amis ayant résolu d’assister à cette<br />
première séance en observateurs discrets, décelèrent<br />
bien sûr les failles de l’exposé, mais dans l’ensemble,<br />
ils furent agréablement surpris par la foi ferme de<br />
monsieur Blanc, et lorsque celui-ci fut pris à partie par<br />
le progressisme primaire de deux agentes de pastorales,<br />
c’est notre ami Maxime qui vint à son secours.<br />
LITURGIE RÉNOVÉE OU DÉSORIENTÉE ?<br />
Le 16 décembre monsieur Blanc devait aborder la<br />
constitution conciliaire sous l’angle de la rupture,<br />
cette fois : LA LITURGIE RÉNOVÉE. Il le fit en employant<br />
une telle prodigalité de citations bibliques, patristiques<br />
que nos amis ne se sentaient pas le courage<br />
d’intervenir pour le ramener à la catastrophique réalité<br />
si cruellement figurée par les douze personnes<br />
qu’il avait en face de lui : la rénovation de la liturgie<br />
a tellement scandalisé les fidèles qu’ils ont fui<br />
l’Église en masse pour n’y plus revenir, sans parler<br />
des intégristes qui rallièrent Mgr Lefebvre et furent<br />
conduits par lui dans les voies du schisme...<br />
À la faveur d’une question, monsieur Blanc refit<br />
l’apologie de la liturgie moderne, tellement plus cordiale<br />
que l’ancienne avec son latin que personne ne<br />
comprenait et qui faisait tellement obstacle à l’amour<br />
de Dieu et du prochain. Maxime n’y tenant plus<br />
s’écria : « Je suis désolé, mais je ne peux pas laisser<br />
dire ça ! » Et de dénoncer cet a priori, car enfin les<br />
missels étaient depuis longtemps bilingues à l’époque<br />
du concile Vatican II, et donc pour les gens d’alors,<br />
comme pour Maxime plus tard, le latin n’a jamais posé<br />
<strong>au</strong>cun problème d’esprit ou de cœur. Il s’ensuivit une<br />
conversation confuse où chacun donna ses impressions.<br />
Notre théologien mandaté avait trouvé à qui parler<br />
et une controverse s’engagea :<br />
« Il a voulu nous faire accroire que SACROSANCTUM<br />
CONC<strong>IL</strong>IUM avait voulu préserver le latin et le grégorien<br />
et tout et tout et tout... Ce à quoi, je lui ai répondu :<br />
– Oui, le texte est plein de bonnes intentions, de<br />
belles pensées, mais il est écrit à chaque endroit :<br />
“ Certes la tradition sera conservée, mais on pourra réformer...<br />
” Ce “ ON ”, impersonnel, désigne les conférences<br />
épiscopales (cf. Art. 22, 2) et leur donne plein<br />
pouvoir de faire, <strong>au</strong> gré de l’inspiration de leurs<br />
experts, n’importe quoi ! »<br />
M. Blanc a tout de même admis que “ d’avoir<br />
confié la réforme liturgique <strong>au</strong>x conférences épiscopales<br />
n’avait pas été une bonne chose ”. Pour le<br />
reste il n’était pas d’accord :<br />
« <strong>La</strong> liturgie n’est pas immémoriale ! Elle a<br />
toujours évolué !<br />
– Les réformes liturgiques, poursuit Maxime, ne se<br />
sont pas faites dans le vide, pour le plaisir de l’évolution<br />
: elles avaient pour but soit de préciser un point<br />
de doctrine que contredisait l’hérésie du moment, soit<br />
de rectifier une désorientation pastorale. Une chose<br />
est sûre, c’est qu’<strong>au</strong> moment du Concile, le modernisme<br />
et le progressisme étaient renaissants et qu’ils<br />
faisaient de la vulgarisation de la doctrine et de la<br />
liturgie leur cheval de bataille. Dans ces conditions,<br />
réformer la liturgie, c’était dangereux. »<br />
DISCIPLES DE L’ABBÉ DE NANTES.<br />
« C’est alors que maman, se souvenant des consignes<br />
de frère Jean-Eudes, prit son courage à deux<br />
mains pour dire que nous étions des disciples de<br />
l’abbé de Nantes, et pour présenter notre combat de<br />
<strong>Contre</strong>-<strong>Réforme</strong> <strong>catholique</strong>. Tous ont bien compris<br />
que nous attendions des <strong>au</strong>torités romaines un jugement<br />
doctrinal sur les accusations d’hérésie portées<br />
par l’abbé de Nantes à l’encontre du pape P<strong>au</strong>l VI et<br />
de Vatican II, principalement à propos du droit social<br />
à la Liberté religieuse et du culte de l’homme. Nous<br />
n’assistons à ces conférences, dira maman, que dans<br />
le but de faire connaître notre opposition <strong>au</strong> concile<br />
Vatican II. À la différence de celle de Mgr Lefebvre,<br />
la nôtre est respectueuse de l’<strong>au</strong>torité puisque nous<br />
attendons d’elle un jugement doctrinal motivé, infaillible,<br />
seul capable de mettre un terme à la confusion<br />
des esprits et à l’apostasie qui en résulte.<br />
« Pendant toute cette intervention, monsieur Blanc<br />
n’a absolument rien dit, et quand maman lui a demandé<br />
s’il connaissait l’abbé de Nantes, il a répondu<br />
que “ oui, bien sûr ”, sans rien objecter ni condamner.<br />
Il nous a laissé ensuite nous défendre devant les<br />
<strong>au</strong>tres personnes. Quand il m’a semblé que la conversation<br />
s’enlisait dangereusement <strong>au</strong> sujet de la liberté<br />
religieuse, j’ai coupé court :<br />
« Nous nous exprimons dans le vague. Quand ce<br />
sera le sujet de la conférence, nous <strong>au</strong>rons des textes,<br />
et je pourrai démontrer que la liberté religieuse est<br />
une hérésie. Le sujet d’<strong>au</strong>jourd’hui, c’est la liturgie<br />
et ce que j’ai dit est très clair : les dérives de la<br />
réforme liturgique ne sont pas étrangères <strong>au</strong> Concile,<br />
elles furent mises en place <strong>au</strong> nom même de la lettre<br />
de ce texte conciliaire, qui contient par ailleurs be<strong>au</strong>coup<br />
de belles pensées... »<br />
« Ensuite, nous nous sommes tous levés. Une sœur<br />
est venue me réconforter : “ <strong>La</strong> vie est dure ”... Une<br />
<strong>au</strong>tre personne avouera que nous lui avons be<strong>au</strong>coup<br />
appris et elle nous souhaita bon courage. Nous avons<br />
salué monsieur Blanc, poignée de main, sourire cordial<br />
de part et d’<strong>au</strong>tre, puis nous sommes partis. »<br />
Dans l’attente de la prochaine réunion, nous confions<br />
ce théologien et nos bons amis à l’intercession<br />
d’Albino Luciani...
JANV. 2013 N o 124 - P. 25<br />
HOLLANDE – BENOÎT XVI<br />
MÊME COMBAT<br />
Henri Caillavet, l’ancien sénateur centriste qui file<br />
sur ses quatre-vingt-dix-neuf ans exulte. Il a écrit à ses<br />
collègues de la Fraternité parlementaire (Frapar):<br />
« Nous vivons des instants quasi révolutionnaires.<br />
Nous changeons de société... malgré les oppositions<br />
philosophiques et politiques »... dont celle du cardinal<br />
Vingt-Trois traitant le mariage gay de « supercherie ».<br />
Ce qui n’est en effet, qu’une opposition « philosophique<br />
» si l’on veut, plutôt « politique », en tout cas<br />
pas religieuse. Car d’un point de vue religieux, ça s’appelle<br />
“ sodomie ”, du nom de la ville de Sodome qui, à<br />
c<strong>au</strong>se de ce péché, attira sur ses habitants le feu du<br />
Ciel, comme il est raconté dans la Bible (Gn 19).<br />
En voyage à l’étranger, José Gulino, grand maître du<br />
Grand Orient, a dicté <strong>au</strong>ssitôt un communiqué dénonçant<br />
« les positions arriérées et obscurantistes » et les<br />
amalgames violents et haineux du président de la Conférence<br />
des évêques de France. Au FIGARO MAGAZINE,<br />
Gulino a déclaré : « Nous considérons que les religions<br />
n’ont pas à prendre position sur ce qui relève de la<br />
sphère publique et du droit civil. »<br />
Il a raison ! Si l’on en croit le concile Vatican II qui<br />
a proclamé la “ liberté religieuse ”... dans les limites<br />
définies par le pouvoir civil, en l’occurrence par la République<br />
des francs-maçons ! C’est exactement ainsi que<br />
Ferdinand Buisson condamnait jadis les congrégations<br />
religieuses <strong>au</strong> nom de la liberté, déclarant que les vœux<br />
religieux constituaient une aliénation de cette liberté.<br />
Depuis le Concile, cette pensée est tellement entrée dans<br />
l’Église, que les noviciats sont devenus déserts...<br />
D’ailleurs, <strong>au</strong> final, la République française et le Vatican<br />
sont tellement d’accord qu’ils canonisent l’un et<br />
l’<strong>au</strong>tre la sodomie, puisque Benoît XVI béatifie P<strong>au</strong>l VI :<br />
« C’est sans surprise que Benoît XVI a promulgué,<br />
jeudi 20 décembre, les décrets concernant la reconnaissance<br />
des “ vertus héroïques ” de P<strong>au</strong>l VI. Il s’agit bien,<br />
pour Benoît XVI, de manifester la continuité fondamentale<br />
dans la conduite de l’Église depuis le concile<br />
Vatican II. » (LA CROIX du 21 décembre 2012)<br />
De fait ! C’est « sans surprise » pour ceux qui ont<br />
lu ces lignes de notre Père, de 1993, il y a vingt ans,<br />
<strong>au</strong> moment où Jean-P<strong>au</strong>l II ouvrait le procès de béatification<br />
de P<strong>au</strong>l VI :<br />
« Si Jean-P<strong>au</strong>l II ose canoniser Montini, la pap<strong>au</strong>té<br />
n’<strong>au</strong>ra plus rien à envier à Caligula qui, après avoir divinisé<br />
et son oncle, Tibère, et soi-même, s’en <strong>au</strong>torisa pour<br />
nommer consul son cheval Incitatus, <strong>au</strong>x appl<strong>au</strong>dissements<br />
payés de la plèbe romaine. » (CRC no 293, juin - juillet<br />
1993, p. 13) Nous en sommes là.<br />
« Que le Pape, les assemblées épiscopales de Rome<br />
et d’ailleurs, les <strong>au</strong>teurs du CEC n’imaginent pas venir<br />
à bout de notre opposition, en ce 13 mai 1993, par la<br />
proclamation anticipée de la sainteté de Jean-Baptiste<br />
Montini, prophète de la civilisation de l’amour et précurseur<br />
de Karol Wojtyla, son messie !<br />
« Pour ma part, méditant à l’intime l’histoire secrète<br />
du conclave de 1963 et supputant ses conséquences, je<br />
constatai, dès 1964, l’extension de l’homosexualité, et<br />
surtout son effronterie et son impunité soudaines dans<br />
le clergé, particulièrement ceux des Pays-Bas et des<br />
États-Unis. Et l’inertie de Rome. Par exemple, quand<br />
un reportage sur l’Église dans le monde, en mondovision,<br />
montra un prêtre homosexuel menant, si j’ose<br />
dire, de front ses deux professions, sans cacher son<br />
identité, sans <strong>au</strong>cune crainte de suspense ni d’excommunication<br />
de la part de son Église locale en état de<br />
rébellion, ni de Rome même. Le feu vert était donc<br />
donné. Un chantage commençait de s’exercer.<br />
« Suivirent, comme un torrent, la déb<strong>au</strong>che des mœurs,<br />
le respect et l’officialisation de la puissante secte “ homo ”,<br />
l’apparition de sa branche extrême “ Act’up ”, jusqu’à<br />
atteindre à sa domination sur les <strong>au</strong>torités religieuses et<br />
politiques, changeant la planète en une nouvelle Sodome<br />
et Gomorrhe [...].<br />
« C’est dans cet état de l’Église, de Rome et d’ailleurs,<br />
que se déclara, comme l’indéniable effet de l’homosexualité,<br />
la pandémie du SIDA, que rien maintenant<br />
n’arrêtera plus dans sa progression géométrique, irrattrapable,<br />
atteignant pêle-mêle, par ses effets induits, l’innocent<br />
avec le coupable, les contaminés involontaires avec<br />
leurs criminels corrupteurs. Et pour moi, dussé-je en<br />
supporter les pires sévices, je pense maintenant que ce<br />
grand châtiment de Dieu, <strong>au</strong> regret de contredire tous les<br />
évêques de la terre, vise, bien <strong>au</strong>-delà des malheureux<br />
individus ou populations non protégés qui en sont atteints,<br />
le pape P<strong>au</strong>l VI, premier Pape homosexuel exerçant de<br />
l’histoire, pour l’exemple.<br />
« Alors, n’en faites pas un saint ! Vous vous condamneriez,<br />
Vous-même, Très Saint Père, <strong>au</strong> feu éternel !<br />
« Comment, vous ne le saviez pas ? J’en ai averti qui<br />
de droit, à ma manière, discrète quand il le f<strong>au</strong>t, dès<br />
l’<strong>au</strong>tomne 1967, après avoir écrit ma LETTRE À SA SAIN-<br />
TETÉ PAUL VI sur la <strong>Réforme</strong> de l’Église, diabolique dans<br />
son essence, que j’intitulai L’orgueil des réformateurs<br />
(CRC n o 1, octobre 1967, p. 3 sq.). Pour barrer la route à<br />
ceux qui, déjà, remettaient en c<strong>au</strong>se la validité de l’élection<br />
du pape P<strong>au</strong>l VI, ou encore la légitimité actuelle de<br />
ce même Pape, accusé justement de schisme et d’hérésie<br />
(CRC n o 3, décembre 1967, p. 8). Je prenais parti contre le<br />
“ sédévacantisme ”, en exposant la doctrine traditionnelle<br />
de l’Église sur la déchéance possible d’un Pape légitimement<br />
élu, j’ouvrais une parenthèse pour ajouter <strong>au</strong>x cas<br />
classiques étudiés par JOURNET un cas nouve<strong>au</strong> : celui<br />
qui visait dans mon idée le Pape régnant :<br />
« L’AMISSION DU PONTIFICAT. <strong>La</strong> première, et l’unique<br />
manière en définitive, de perdre le pontificat, pour un<br />
Pape régulièrement élu et reconnu, est celle du Pape
JANV. 2013 N o 124 - P. 26<br />
considéré comme démissionnaire en certaines circonstances<br />
qui le mettraient dans l’impossibilité d’exercer ses<br />
pouvoirs [...]. Le Siège serait alors considéré comme<br />
vacant. ”<br />
« Et voici cette parenthèse, de 1967, qui <strong>au</strong>rait dû<br />
intriguer mes censeurs romains : “ ( <strong>IL</strong> NOUS SEMBLE DE-<br />
VOIR AJOUTER ICI LE CAS PRÉCIS, IGNORÉ PAR JOURNET, D’UN<br />
PONTIFE QUE SES CRIMES CACHÉS OU PUBLICS AURAIENT FAIT<br />
TOMBER, PAR CHANTAGE, SOUS LA COUPE D’UN PARTI. G. N.) ”<br />
« C’était du Pape régnant que je parlais. Et je<br />
concluais cette page en y revenant avec une insistance<br />
provocante : “ En conséquence, selon l’opinion la plus<br />
sûre, un Pape hérétique ou schismatique, OU PRISONNIER<br />
D’UN POUVOIR OCCULTE, ne perd cependant son pouvoir suprême<br />
qu’à la suite d’une action déclarative de l’Église,<br />
concluant à son incapacité manifeste, ou plutôt à sa mort<br />
spirituelle.<br />
« Nul n’a donc le droit de contester l’<strong>au</strong>torité suprême<br />
de S. S. le pape P<strong>au</strong>l VI. Si certains ont de solides et indubitables<br />
raisons de dénoncer quelque erreur dans ses enseignements<br />
ou quelque f<strong>au</strong>te capitale dans son gouvernement,<br />
comme serait de contredire ouvertement la doctrine de ses<br />
prédécesseurs, ou de “ renverser tous les rites traditionnels<br />
”, OU DE CÉDER ( je souligne comme cela l’était dans<br />
mon texte de 1967) AUX EXIGENCES PERVERSES D’UN PARTI<br />
QUI LE TIENDRAIT PAR QUELQUE CHANTAGE SECRET, il est de<br />
leur devoir (...) de porter cette accusation devant l’Église<br />
(...). Formellement, c’est <strong>au</strong> clergé de Rome, et principalement<br />
<strong>au</strong>x cardin<strong>au</strong>x-évêques, suffragants de l’évêque de<br />
Rome (Journet, L’ÉGLISE DU VERBE INCARNÉ, t. 1, p. 623),<br />
que reviendrait la charge de mener à son terme une si périlleuse<br />
mais si urgente mission pour le salut de l’Église. ”<br />
« J’étais alors en procès à Rome, <strong>au</strong> Saint-Office. Mes<br />
juges se gardèrent comme de l’enfer d’évoquer cette<br />
page durant les séances de l’instruction, de mai et juillet<br />
1968. On préféra me “ disqualifier ” en 1969, laissant la<br />
corruption de P<strong>au</strong>l VI gangrener toute l’Église.<br />
« Auprès de Vous, Très Saint Père, j’y revins cependant,<br />
quinze ans plus tard, et cette fois sans ménagement<br />
pour celui que vous proclamiez déjà votre “ prédécesseur<br />
et père ” :<br />
« “ ... Nous sommes <strong>au</strong>x prises avec le plus redoutable<br />
problème de science historique et ecclésiastique<br />
de notre temps. Comment se fait-il que Mgr Montini<br />
ait continué à jouer un rôle de premier plan et à poursuivre<br />
sa marche <strong>au</strong> sommet, après son renvoi de<br />
Rome par Pie XII ? Comment fut-il déjà si fort désiré<br />
par le conclave de 1958 que le cardinal Roncalli fut<br />
élu sur la seule promesse de lui préparer les voies ?<br />
Comment celui-ci, l’ayant <strong>au</strong>ssitôt élevé à la pourpre,<br />
lui confia-t-il des responsabilités décisives avant et<br />
pendant la première session du Concile, le désignant<br />
ainsi comme son successeur obligé ? Comment ce conclave<br />
de 1963 le désigna-t-il pour la charge suprême, alors<br />
que tous connaissaient ( je souligne) l’existence d’un dossier<br />
le concernant à la police des mœurs de Milan ? Le fait<br />
m’a été révélé et attesté à la veille du conclave par le<br />
R. P. de Saint-Avit [grand pénitencier], de Saint-P<strong>au</strong>l-horsles-murs,<br />
invalidant mes sombres pronostics de ses vigou-<br />
reuses dénégations : CELA NE SERAIT PAS, CELA NE POUVAIT<br />
PAS ÊTRE MONTINI.<br />
« “ Et ce le fut pourtant ! <strong>La</strong> cassure est bien là,<br />
mais occulte, dans cette toute-puissante initiative confisquée<br />
à l’Église même en son propre et suprême organe de décision,<br />
et détenue depuis lors par quelque chose qui n’est pas<br />
l’Église. Et dont on tremble de dire le nom. ” » (CRC<br />
n o 293, p. 14-15 ; et LIBER II, 1983, p. 32)<br />
À ROME<br />
LA « FOI » DE BENOÎT XVI<br />
Nous n’irons pas porter la controverse à Rome. Le<br />
Pape lui-même répond <strong>au</strong>x questions sur Internet ! J’ai<br />
mis en garde nos jeunes gens et jeunes filles contre le<br />
rése<strong>au</strong> FACEBOOK... Je ne pensais pas me trouver en cela<br />
<strong>au</strong>ssi... contre le Pape !<br />
« Le pape Benoît XVI a répondu à la première<br />
question posée par un des abonnés <strong>au</strong> compte TWITTER du<br />
Pape (Benoît XVI @ pontifex. fr) : “ Comment pouvonsnous<br />
mieux vivre l’année de la foi dans notre quotidien ? ”<br />
<strong>La</strong> réponse de Benoît XVI ne s’est pas fait attendre, sous<br />
la forme d’un tutoiement : “ Dialogue avec Jésus dans la<br />
prière, écoute Jésus qui te parle dans l’Évangile, rencontre<br />
Jésus présent en celui qui est dans le besoin. ” » Et dans<br />
l’Eucharistie ? Oubliée. Sans parler de l’appel à la médiation<br />
de la Sainte Vierge !<br />
« Serez-vous l’un des abonnés de ce compte ? En<br />
France, déjà 26 000 abonnés pour 825 000 abonnés<br />
anglais, 266 000 espagnols, 120 000 italiens, 32 000<br />
portugais. Sur TWITTER, le Pape envoie les perles de<br />
sagesse que lui inspire son cœur en réponse <strong>au</strong>x interrogations<br />
des “ followers ”. Qui a dit que l’Église était à<br />
l’arrière-garde ? » Cette note est distribuée <strong>au</strong>x élèves<br />
des dominicaines de Saint-Pie-X, à Versailles... Qui les<br />
mettent en garde contre la CRC... mais qui les précipitent<br />
dans le piège infernal des “ rése<strong>au</strong>x soci<strong>au</strong>x ”.<br />
Voici donc les “ perles de sagesse ” que le Pape<br />
médite en son cœur, et dispense à son peuple à<br />
chaque <strong>au</strong>dience publique du mercredi en cette “ année<br />
de la foi ”.<br />
LE SIGNE DE LA CROIX ÉVACUÉ.<br />
Le mercredi 21 novembre, le Pape déclare que la foi<br />
« fait confiance à la raison humaine ». Il affirme « le<br />
caractère raisonnable de la foi en Dieu ».<br />
En « Dieu » ? Peut-être, si l’on parle du Dieu des<br />
philosophes. Mais « nous proclamons, nous, dit saint<br />
P<strong>au</strong>l, un Christ crucifié, scandale pour les juifs et folie<br />
pour les païens » (1 Co 1, 22-23).<br />
Qu’à cela ne tienne ! Le Pape cite ce texte et l’expression<br />
du verset 18 où saint P<strong>au</strong>l parle du « langage<br />
de la Croix », en grec, s’il vous plaît ! ho logos tou<br />
st<strong>au</strong>rou, et il explique : « Le terme logos indique <strong>au</strong>tant<br />
le langage que la raison et, s’il fait allusion <strong>au</strong> langage,<br />
c’est parce qu’il indique verbalement ce que la<br />
raison élabore » Et voilà pourquoi Jésus est mort sur la<br />
Croix, « logiquement », c’était « logique », comme dit<br />
saint P<strong>au</strong>l, dans le langage de la Croix, ho logos tou
JANV. 2013 N o 124 - P. 27<br />
st<strong>au</strong>rou ! Benoît XVI poursuit : « P<strong>au</strong>l voit donc dans<br />
la Croix non pas un événement irrationnel, mais un<br />
fait salvifique qui possède un caractère raisonnable,<br />
reconnaissable à la lumière de la foi. »<br />
Sainte Thérèse n’avait rien compris : « Ô Jésus !<br />
laisse-moi dans l’excès de ma reconnaissance, laisse-moi te<br />
dire que TON AMOUR VA JUSQU’À LA FOLIE... Comment veuxtu<br />
devant cette folie que mon cœur ne s’élance pas vers<br />
toi ? Comment ma confiance <strong>au</strong>rait-elle des bornes ? »<br />
(HISTOIRE D’ UNE ÂME, manuscrit B, 8 septembre 1896)<br />
Mais si l’Église ne prêche plus cette “ folie ”, plus<br />
d’ “ élan ”, plus de “ confiance ”, plus de foi en cette<br />
“ année de la foi ” ! C’est une terrible malédiction !<br />
C’est véritablement “ l’année de l’apostasie ”.<br />
« En même temps, continue le Pape, saint P<strong>au</strong>l a<br />
tellement confiance dans la raison humaine, qu’il<br />
s’étonne [sic ! ] que be<strong>au</strong>coup, bien que voyant la<br />
be<strong>au</strong>té des œuvres accomplies par Dieu, s’obstinent à<br />
ne pas croire en lui. Il écrit, dans sa LETTRE AUX RO-<br />
MAINS : “ Ce qu’il a d’invisible depuis la création du<br />
monde se laisse voir à l’intelligence à travers ses œuvres,<br />
son éternelle puissance et sa divinité. ” (Rm 1, 20) »<br />
Pourquoi interrompre ici la citation ? Saint P<strong>au</strong>l continue<br />
en effet, il ne “ s’étonne ” pas, il s’indigne :<br />
« ... en sorte qu’ils sont inexcusables ; puisque, ayant<br />
connu Dieu, ils ne lui ont pas rendu comme à un Dieu<br />
gloire ou actions de grâces, mais ils ont perdu le sens dans<br />
leurs raisonnements et leur cœur inintelligent s’est enténébré<br />
: dans leur prétention à la sagesse, ils sont devenus<br />
fous et ils ont changé la gloire du Dieu incorruptible contre<br />
une représentation, simple image d’hommes corruptibles,<br />
d’oise<strong>au</strong>x, de quadrupèdes, de reptiles.<br />
« Aussi Dieu les a-t-il livrés selon les convoitises de<br />
leur cœur à une impureté où ils avilissent eux-mêmes leurs<br />
propres corps ; eux qui ont échangé la vérité de Dieu contre<br />
le mensonge, adoré et servi la créature de préférence <strong>au</strong><br />
Créateur, qui est béni éternellement ! Amen. »<br />
Et voici le “ mariage pour tous ” :<br />
« Aussi Dieu les a-t-il livrés à des passions avilissantes :<br />
car leurs femmes ont échangé les rapports naturels pour des<br />
rapports contre nature ; pareillement les hommes, délaissant<br />
l’usage naturel de la femme, ont brûlé de désir les uns pour<br />
les <strong>au</strong>tres, perpétrant l’infamie d’homme à homme et recevant<br />
en leurs personnes l’inévitable salaire de leur égarement<br />
[<strong>au</strong>jourd’hui : le sida ! ].<br />
« Et comme ils n’ont pas jugé bon de garder la vraie<br />
connaissance de Dieu, Dieu les a livrés à leur esprit sans<br />
jugement, pour faire ce qui ne convient pas : remplis de<br />
toute injustice, de perversité, de cupidité, de malice ; ne<br />
respirant qu’envie, meurtre, dispute, fourberie, malignité ;<br />
diffamateurs, détracteurs, ennemis de Dieu, insulteurs,<br />
orgueilleux, fanfarons, ingénieux <strong>au</strong> mal, rebelles à leurs<br />
parents, insensés, déloy<strong>au</strong>x, sans cœur, sans pitié ; connaissant<br />
bien pourtant le verdict de Dieu qui déclare dignes de<br />
mort les <strong>au</strong>teurs de pareilles actions, non seulement ils les<br />
font, mais ils approuvent encore ceux qui les commettent. »<br />
(Rm 1, 21-32)<br />
Parole du Seigneur ! Actuel !<br />
« Comment pouvons-nous mieux vivre l’année de la<br />
foi dans notre quotidien ?<br />
– Écoute saint P<strong>au</strong>l qui te parle dans l’Épître <strong>au</strong>x<br />
Romains ! »<br />
LE CULTE DE L’ HOMME.<br />
Le mercredi suivant, 28 novembre, le Pape pose « la<br />
question centrale : “ COMMENT PARLER DE DIEU À NOTRE<br />
ÉPOQUE ? ” Pour répondre, dit le Pape, « nous devons<br />
être attentifs à saisir les signes des temps de notre<br />
époque, c’est-à-dire distinguer les potentialités, les désirs,<br />
les obstacles que l’on rencontre dans la culture<br />
actuelle, en particulier le désir d’<strong>au</strong>thenticité, la soif<br />
de transcendance, la sensibilité pour la s<strong>au</strong>vegarde de<br />
la création, et communiquer sans peur la réponse<br />
qu’offre la foi en Dieu ».<br />
Quelle donc réponse ? Celle-ci :<br />
« Faire comprendre par la parole et par la vie que<br />
Dieu n’est pas le concurrent de notre existence, mais<br />
qu’il en est plutôt le garant, le garant de la grandeur<br />
de la personne humaine. » Ce n’est pas précisément la<br />
réponse de saint P<strong>au</strong>l ! Voilà comment le Pape canonise,<br />
après la luxure, l’orgueil !<br />
Bien plus : « En lui [en Dieu] nous existons, pour<br />
ainsi dire, depuis toujours. » (mercredi 5 décembre)<br />
Vraiment ? Alors, je ne vois pas pourquoi on ne<br />
nous permettrait pas, à la suite de l’abbé de Nantes,<br />
docteur de l’Immaculée Conception, d’en dire <strong>au</strong>tant de<br />
l’Immaculée ! D’<strong>au</strong>tant plus que le Pape ajoute : « Dieu<br />
nous contemple dans le Christ, comme ses fils adoptifs.<br />
» Autrement dit : « nous conçoit ». Sommes-nous<br />
donc tous « immaculés conceptions » ?<br />
Benoît XVI met le comble à notre « désorientation »<br />
en citant saint Pie X :<br />
« Peut-être que certains d’entre vous se souviennent<br />
de la formule utilisée par le Pape saint Pie X pour la<br />
consécration du monde <strong>au</strong> Cœur Sacré de Jésus :<br />
“ Inst<strong>au</strong>rare omnia in Christo ” ( “ Inst<strong>au</strong>rer toute chose<br />
dans le Christ ” ) formule qui se réfère à cette expression<br />
p<strong>au</strong>linienne et qui était <strong>au</strong>ssi la devise de ce<br />
saint Pape. »<br />
Et voilà comment Benoît XVI va endormir tous nos<br />
bons “ tradis ” dévots de saint Pie X, ne voyant pas qu’il<br />
ne s’agit plus ici d’une conquête à mener par le Christ<br />
et son vicaire contre leur Adversaire, le prince de ce<br />
monde et ses suppôts, pour lui arracher les âmes, car,<br />
explique-t-il, « cela signifie que, dans le grand dessein<br />
de la création et de l’histoire, le Christ se lève comme le<br />
centre de tout le cheminement du monde, comme l’axe<br />
qui porte tout, qui attire à soi la réalité tout entière,<br />
pour dépasser la dispersion et les limites et tout amener<br />
à la plénitude voulue par Dieu (cf. Ep 1, 23) ».<br />
Point de « choc », ni « lutte », ni « anathème »,<br />
comme disait “ le vénérable ” P<strong>au</strong>l VI, mais « une sympathie<br />
sans borne » pour « le fils de la terre » « qui se<br />
fait Dieu »... et qui l’est !<br />
En effet, « dans cette perspective, qu’est donc l’acte<br />
de foi ? demande Benoît XVI. C’est la réponse de
JANV. 2013 N o 124 - P. 28<br />
l’homme à la Révélation de Dieu. » Le Pape cite alors<br />
le prophète Isaïe disant à Achaz, roi de Jérusalem : « Si<br />
vous ne croyez pas, c’est-à-dire si vous ne restez pas<br />
fidèles à Dieu, vous ne vous maintiendrez pas. » (Is 7, 9 b)<br />
Et comment rester fidèles à Dieu ? Benoît XVI ne<br />
le dit pas. Mais la suite de l’oracle nous le dit :<br />
« De nouve<strong>au</strong>, Yahweh s’adressa à Achaz et lui dit :<br />
Demande un signe à Yahweh ton Dieu, <strong>au</strong> fond, dans le<br />
shéol, ou vers les h<strong>au</strong>teurs, <strong>au</strong>-dessus. Et Achaz dit : Je<br />
ne demanderai rien, je ne tenterai pas Yahweh. Isaïe dit<br />
alors : Écoutez donc, maison de David ! Est-ce trop<br />
peu pour vous de lasser les hommes, que vous lassiez<br />
<strong>au</strong>ssi mon Dieu ? C’est pourquoi le Seigneur lui-même<br />
vous donnera un signe ! VOICI : LA VIERGE <strong>EST</strong> ENCEINTE,<br />
ELLE VA ENFANTER UN F<strong>IL</strong>S ET ELLE LUI DONNERA LE NOM<br />
D’EMMANUEL. ” » (Is 7, 10-14)<br />
LE SIGNE DE LA VIERGE.<br />
Mais cette suite manque dans la catéchèse du pape<br />
Benoît XVI. Et pour c<strong>au</strong>se ! <strong>La</strong> catéchèse du mercredi<br />
19 décembre révèle à quel point Benoît XVI, tel Achaz,<br />
se détourne du “ SIGNE DE LA VIERGE ”. Le Pape commence<br />
par expliquer la SALUTATION ANGÉLIQUE : « Marie<br />
est appelée “ comblée de grâce ” ; en grec le terme<br />
“ grâce ”, charis, a la même racine linguistique que le<br />
mot “ joie ”. »<br />
« Réjouissez-vous, pleine de grâce » est donc un pléonasme<br />
: l’ange répète deux fois la même chose.<br />
« Dans cette expression <strong>au</strong>ssi, on perçoit encore plus<br />
clairement la source de cette joie de Marie : la joie<br />
provient de la grâce, elle vient donc de la communion<br />
avec Dieu, de la connexion vitale qu’elle a avec lui, du<br />
fait qu’elle est la demeure de l’Esprit-Saint, totalement<br />
modelée par l’action de Dieu. Marie est la créature qui<br />
a, de manière unique, ouvert grand les portes à son<br />
Créateur, elle s’est remise entre ses mains, sans limites.<br />
Elle vit entièrement de et dans la relation avec le<br />
Seigneur ; elle est dans une attitude d’écoute, attentive à<br />
saisir les signes de Dieu sur le chemin de son peuple. »<br />
Nous sommes loin, très loin du dogme de l’Immaculée<br />
Conception dont la SALUTATION ANGÉLIQUE est<br />
pourtant la source. Non seulement le Saint-Père ne<br />
nomme pas ce titre que Notre-Dame a décliné pour son<br />
nom propre à Lourdes le 25 mars 1858, – « JE SUIS<br />
L’IMMACULÉE CONCEPTION » –, mais encore il en prend le<br />
contre-pied, puisque loin de « chercher à saisir les<br />
signes de Dieu sur le chemin de son peuple », l’Immaculée<br />
est elle-même « le signe de Dieu » annoncé par<br />
le prophète Isaïe <strong>au</strong> roi Achaz.<br />
En outre, la liturgie de sa fête la dit conçue par<br />
Yahweh « commencement de ses Voies, avant ses œuvres,<br />
depuis toujours » (Pr 8). Aussi, nous ne nous étonnons<br />
pas de l’entendre dire à Lucie : « Mon Cœur Immaculé<br />
sera ton refuge et le chemin qui te conduira jusqu’à<br />
Dieu. » (13 juin 1917)<br />
Tandis que pour Benoît XVI, « elle est insérée<br />
dans une histoire de foi et d’espérance » pour y jouer<br />
un rôle épisodique, limité, semblable <strong>au</strong> nôtre : « Ce<br />
n’est pas différent pour le cheminement de foi de<br />
chacun d’entre nous. »<br />
Aussi, « elle devient le modèle et la mère de tous les<br />
croyants », comme Abraham. « Le cheminement de foi<br />
d’Abraham comprend le moment de joie qu’est le don<br />
de son fils Isaac, mais <strong>au</strong>ssi un moment d’obscurité,<br />
lorsqu’il doit gravir le mont Moriah pour accomplir un<br />
geste paradoxal (sic ! ) : Dieu lui demande de sacrifier<br />
le fils qu’il vient de lui donner. »<br />
Attentif <strong>au</strong> « paradoxe », étranger <strong>au</strong> mystère, le<br />
Pape écrit qu’ « il en est de même pour Marie » !<br />
Il y a pourtant une différence, non ? <strong>La</strong> différence<br />
consiste en ceci : Dieu se contente de l’obéissance<br />
d’Abraham et le dispense d’immoler son fils ! Le sacrifice<br />
d’Isaac n’est que la figure de celui que Marie, fille<br />
d’Abraham, accomplira jusqu’<strong>au</strong> sang de son Cœur et<br />
de son Fils répandu pour notre salut ! Mais le Pape se<br />
garde bien de le dire parce que le rabbin Bernheim, son<br />
ami, se prétend lui <strong>au</strong>ssi fils d’Abraham ! Aussi le rôle<br />
de Marie dans l’histoire est-il cantonné par le Pape<br />
dans les lointains épisodes – “ historiques ” <strong>au</strong>tant qu’on<br />
voudra, ça ne gêne personne ! – de « l’enfance de<br />
Jésus », mais elle n’intervient plus dans notre terrible<br />
<strong>au</strong>jourd’hui. Sa médiation universelle est absente de la<br />
“ catéchèse ” de notre Saint-Père le pape, en cette<br />
“ année de la foi ”, comme elle l’est de la “ pastorale ”<br />
conciliaire depuis cinquante ans. C’est un malheur !<br />
TROUS DE “ MÉMOIRE ”.<br />
Dans sa catéchèse du 12 décembre, le Pape a voulu<br />
« montrer les étapes » du « grand dessein d’amour » de<br />
Dieu dans l’histoire des hommes. Et pour lire cette histoire<br />
« en cette année de la foi », il invite les <strong>catholique</strong>s<br />
à faire comme les protestants, « à prendre en main la<br />
Bible plus souvent pour la lire et la méditer en prêtant<br />
une plus grande attention <strong>au</strong>x lectures de la messe dominicale<br />
[de la “ sainte Cène ”, quoi ! ] ; tout cela constitue<br />
une nourriture précieuse pour notre foi ». Benoît XVI<br />
cite cette parole de l’EXODE : « Ne va pas oublier ces<br />
choses que Dieu a faites <strong>au</strong> milieu de nous. » Puis il nous<br />
indique une clef de lecture : la “ mémoire ”.<br />
« En lisant l’Ancien Testament, nous pouvons voir<br />
combien les interventions de Dieu dans l’histoire du<br />
peuple qu’il s’est choisi, et avec lequel il noue une<br />
alliance, ne sont pas des faits qui passent et tombent<br />
dans l’oubli, mais ils deviennent “ mémoire ”, et constituent<br />
tous ensemble “ l’histoire du salut ”, gardée<br />
vivante dans la conscience du peuple d’Israël à travers<br />
la célébration des événements salvifiques », dont la<br />
Pâque juive, « le grand moment de la libération de<br />
l’esclavage d’Égypte », est « l’événement historique<br />
central où Dieu révèle son action puissante ».<br />
Après avoir rappelé que « cette Révélation de Dieu<br />
qui avance dans l’histoire culmine en Jésus-Christ :<br />
Dieu, le Logos, la Parole créatrice qui est à l’origine du<br />
monde, s’est incarné en Jésus et a montré le vrai visage<br />
de Dieu », Benoît XVI résume le mouvement de cette<br />
“ orthodromie ” divine avec des “ trous ” de “ mémoire ”<br />
impressionnants et significatifs qui aboutissent à effacer
JANV. 2013 N o 124 - P. 29<br />
la vraie nature du mémorial juif opposant la gloire passée<br />
et à venir d’Israël à son infidélité constante (Ps 67).<br />
Ainsi, dans la présentation que fait le Pape de la<br />
révélation progressive de cette « Parole », il n’y a pas<br />
de rupture, mais une continuité sans faille : « Dieu<br />
forme Israël, son peuple, à travers l’événement de<br />
l’Exode, l’alliance <strong>au</strong> Sinaï et le don, par l’intermédiaire<br />
de Moïse, de la Loi, pour être reconnu et servi<br />
comme l’unique Dieu vivant et vrai. »<br />
Le peuple de Dieu a-t-il reconnu et servi Yahweh<br />
comme l’unique Dieu vivant et vrai, à l’exclusion des<br />
idoles païennes ? Il semble que oui : la question ne se<br />
pose même pas : « Avec les prophètes, Dieu guide son<br />
peuple dans l’espérance du salut. »<br />
Le salut ? De quoi le peuple de Dieu a-t-il besoin<br />
d’être « s<strong>au</strong>vé » ? Nous ne savons, mais « par Isaïe,<br />
nous connaissons le “ second Exode ”, le retour de<br />
l’Exil de Babylone vers leur propre terre, la refondation<br />
du peuple. »<br />
Le peuple de Dieu a donc connu un « second exil »,<br />
à Babylone cette fois et non pas en Égypte ? Pour<br />
quelle raison ? Aucune explication là-dessus, mais seulement<br />
la « mémoire » du témoignage rendu à la foi<br />
d’Israël <strong>au</strong> milieu des païens à Babylone par ceux qui,<br />
plutôt que de revenir à Jérusalem, ont préféré rester làbas<br />
: « Mais en même temps, be<strong>au</strong>coup restent dans la<br />
dispersion et ainsi commence l’universalité de cette foi.<br />
« À la fin, on n’attend plus seulement un roi, David,<br />
un fils de David, mais un “ Fils d’homme ”, le salut de<br />
tous les peuples. »<br />
“ Fils d’homme ” est ici opposé à “ Fils de David ”,<br />
comme si cette expression mettait fin <strong>au</strong> particularisme<br />
d’Israël, à la manière de l’Église abattant ses frontières<br />
<strong>au</strong> concile Vatican II pour proclamer son « nouvel humanisme<br />
», son « culte de l’homme » par la bouche de<br />
P<strong>au</strong>l VI, nouve<strong>au</strong> Daniel ! (cf. Dn 7, 13-14)<br />
« Les cultures se rencontrent, d’abord entre Babylone<br />
et la Syrie, puis <strong>au</strong>ssi avec la multitude grecque. »<br />
Trou de “ mémoire ” manifeste, impasse totale sur<br />
“ le choc ”, la “ lutte ”, “ l’anathème ” du temps des<br />
Maccabées et l’affrontement avec l’Antichrist en la personne<br />
d’Antiochus Épiphane.<br />
« Nous voyons donc comment la voie de Dieu s’élargit,<br />
s’ouvre de plus en plus vers le mystère du Christ,<br />
le roi de l’univers. » Trou de mémoire sur la manière<br />
dont Jésus écarte le “ mémorial ” juif pour mettre le<br />
sien à la place, le Saint-Sacrifice de la messe.<br />
Mais alors, comment s’exerce sa roy<strong>au</strong>té ?<br />
« De diverses manières, que nous devons apprendre<br />
à discerner. » Donc, pas seulement dans l’Église <strong>catholique</strong><br />
romaine, mais <strong>au</strong>ssi dans les religions asiatiques,<br />
bouddhisme et hindouisme, « foncièrement pacifiques<br />
et tolérantes », dans l’islam, « religion de paix et de<br />
tolérance » comme chacun sait, comme le concile<br />
Vatican II nous a appris à le reconnaître.<br />
« Et nous <strong>au</strong>ssi [qui ? les <strong>catholique</strong>s ? ], avec notre<br />
foi, notre espérance et notre charité, nous sommes appelés<br />
chaque jour à entrevoir et à témoigner de cette<br />
présence, dans un monde souvent superficiel et distrait. »<br />
C’est son déf<strong>au</strong>t. Pas vraiment méchant, mais... « superficiel<br />
et distrait », le monde...<br />
Par exemple, en Chine et en Corée du Nord où<br />
chaque année, le nombre de chrétiens incarcérés à vie<br />
ou morts en prison, dont des évêques et nombre de<br />
prêtres, s’élève à des milliers. Ce qui n’a pas empêché<br />
Benoît XVI d’adresser ses vœux de joyeux avènement<br />
<strong>au</strong>x « nouve<strong>au</strong>x dirigeants de la République populaire<br />
de Chine », souhaitant « que le Roi de la paix porte son<br />
regard sur eux, pour la h<strong>au</strong>te charge qui les attend. Je<br />
souhaite que celle-ci mette en valeur l’apport des religions,<br />
dans le respect de chacune, de sorte qu’elles puissent<br />
contribuer à la construction d’une société solidaire,<br />
<strong>au</strong> bénéfice de ce noble peuple et du monde entier ».<br />
Par exemple, en Inde, où les chrétiens sont considérés<br />
comme des “ traîtres ”. Ainsi, dans l’État de l’Orissa,<br />
mille chrétiens ont été tués depuis 2007, cinquante mille<br />
dalits ont fui leur maison pillée par les hindouistes.<br />
En pays d’islam, c’est par « distraction » que les<br />
chrétiens ont toujours été traités en citoyens de seconde<br />
zone ou en boucs émissaires, parfois cibles de génocides<br />
comme en Turquie ou <strong>au</strong> Soudan.<br />
En Irak, depuis le retour des islamistes en 2003,<br />
après la chute de Saddam Hussein, il ne reste plus que<br />
trois cent mille chrétiens, contre 1, 2 million en 1980.<br />
En Syrie, les chrétiens sont agressés par les salafistes<br />
et l’ “ Armée syrienne libre ” (ASL ), soutenue<br />
par la Turquie... et par François Hollande. Ceux qui<br />
vivent dans la zone de <strong>La</strong>ttaquié, Tartus, Tal Khalakh<br />
ou dans la “ Vallée des chrétiens ”, jadis havre de paix,<br />
sont expulsés de leur village par le dji©ad.<br />
Tout cela n’empêche pas le Pape de déclarer, dans<br />
son “ message de paix ” du 1er janvier :<br />
« À cinquante ans de l’ouverture du concile Vatican<br />
II qui a permis de renforcer la mission de l’Église<br />
dans le monde, il est encourageant de constater que les<br />
chrétiens, peuple de Dieu en communion avec lui et en<br />
chemin parmi les hommes, s’engagent dans l’histoire en<br />
partageant ses joies et ses espoirs, ses tristesses et ses<br />
angoisses, annonçant le salut du Christ et promouvant<br />
la paix pour tous. »<br />
Cette persévérance dans l’aveuglement, dans l’illusion,<br />
de notre Saint-Père le pape, a quelque chose de<br />
terrifiant : de diabolique. Au moment où la guerre éternelle<br />
qui oppose Juifs et Palestiniens sur la Terre sainte,<br />
menace d’embraser la terre entière.<br />
L’arme absolue est pourtant à la disposition du Pape.<br />
Il n’a qu’un mot à dire.<br />
IMMACULÉE CONCEPTION.<br />
Le nom même est absent de l’allocution du Pape,<br />
prononcée le 8 décembre, place d’Espagne, selon la<br />
tradition ! Le jour de sa fête ! « C’est toujours une joie<br />
particulière de se rassembler ici, place d’Espagne, pour<br />
la fête de Marie, l’Immaculée. » Point ! Suit une méditation<br />
sur « son petit cœur humain (sic ! ) ». Et le Pape<br />
explique que la “ grâce ” dont Marie est comblée, selon<br />
la SALUTATION ANGÉLIQUE, c’est “ l’amour ” :
JANV. 2013 N o 124 - P. 30<br />
« <strong>La</strong> grâce est l’amour dans sa pureté et dans sa<br />
be<strong>au</strong>té, c’est Dieu lui-même tel qu’il s’est révélé dans<br />
l’histoire du salut accompli en Jésus-Christ, racontée<br />
dans la Bible. » Cette identification de “ la grâce ” avec<br />
“ l’amour ” est de si m<strong>au</strong>vaise théologie qu’elle conduisait<br />
déjà le séminariste Georges de Nantes à s’opposer à<br />
son professeur, car « si je suis en “ état de grâce ”, tout<br />
be<strong>au</strong>, mon ami ! je ne suis pas pour <strong>au</strong>tant en “ état de<br />
Dieu ” ! » Donc, la grâce ce n’est pas Dieu en nous,<br />
c’est “ quelque chose ” dans l’intérieur de l’homme qui<br />
le transforme (MÉMOIRES ET RÉCITS, t. 2, p. 288).<br />
« Marie est appelée “ comblée de grâce ” (Lc 1, 28),<br />
poursuit le Pape, et cette identité de Marie nous rappelle<br />
le primat de Dieu [non pas de Marie, de Dieu ! ]<br />
dans notre vie et dans l’histoire du monde... », peutêtre,<br />
mais elle définit d’abord un privilège de Marie...<br />
en Marie, “ quelque chose ” en Marie !<br />
« ... nous rappelle que la puissance d’amour de Dieu<br />
est plus forte que le mal... », dans le Cœur Immaculé de<br />
Marie et par ce Cœur Immaculé, précisément par la<br />
force de son être d’Immaculée Conception...<br />
« ... qu’elle peut combler les vides que crée l’égoïsme<br />
dans l’histoire des personnes, des familles, des nations<br />
et du monde. Ces vides peuvent devenir un enfer, où<br />
la vie humaine est comme tirée vers le bas et vers le<br />
néant, où elle perd toute signification et toute lumière. »<br />
Ainsi, pour Benoît XVI, « l’enfer », c’est ici-bas – le<br />
goulag, la shoah, la répression en Syrie –, et <strong>au</strong>-delà...<br />
c’est « le néant » ! Étonnez-vous d’apprendre par un<br />
sondage CSA pour LA VIE et LE MONDE, “ LES FRANÇAIS<br />
ET LEURS CROYANCES ”, réalisé en mars 2003, que 39 %<br />
de Français affirment qu’il n’y a rien après la mort.<br />
Cette proportion est même de 31 % chez les <strong>catholique</strong>s<br />
(LA CROIX du 29-30 décembre 2012) !<br />
C’est donc en prévision de ces temps d’apostasie que<br />
Notre-Dame, après avoir promis à Lucie, François et<br />
Jacinthe de les emmener <strong>au</strong> Ciel leur a montré l’enfer :<br />
« Sacrifiez-vous pour les pécheurs, et dites souvent à<br />
Jésus, spécialement lorsque vous ferez un sacrifice :<br />
“ Ô JÉSUS, C’<strong>EST</strong> PAR AMOUR POUR VOUS, POUR LA<br />
CONVERSION DES PÉCHEURS, ET EN RÉPARATION DES PÉ-<br />
CHÉS COMMIS CONTRE LE CŒUR IMMACULÉ DE MARIE. ”<br />
« En disant ces dernières paroles, elle ouvrit de<br />
nouve<strong>au</strong> les mains, comme les deux derniers mois. Le<br />
reflet de la lumière parut pénétrer la terre et nous<br />
vîmes comme un océan de feu. Plongés dans ce feu<br />
nous voyions les démons et les âmes des damnés.<br />
« Celles-ci étaient comme des braises transparentes,<br />
noires ou bronzées, ayant formes humaines. Elles flottaient<br />
dans cet incendie, soulevées par les flammes qui<br />
sortaient d’elles-mêmes, avec des nuages de fumée.<br />
Elles retombaient de tous côtés, comme les étincelles<br />
dans les grands incendies, sans poids ni équilibre,<br />
<strong>au</strong> milieu des cris et des gémissements de douleur et<br />
de désespoir qui horrifiaient et faisaient trembler de<br />
frayeur. C’est à la vue de ce spectacle que j’ai dû<br />
pousser ce cri : “ AÏE ! ” que l’on dit avoir entendu de<br />
moi. Les démons se distinguaient des âmes des damnés<br />
par des formes horribles et répugnantes d’anim<strong>au</strong>x<br />
effrayants et inconnus, mais transparents comme de<br />
noirs charbons embrasés.<br />
« Cette vision ne dura qu’un moment, grâce à notre<br />
bonne Mère du Ciel qui, à la première apparition, nous<br />
avait promis de nous emmener <strong>au</strong> Ciel. Sans quoi, je<br />
crois que nous serions morts d’épouvante et de peur.<br />
« Effrayés, et comme pour demander secours, nous<br />
levâmes les yeux vers Notre-Dame qui nous dit avec<br />
bonté et tristesse :<br />
« Vous avez vu l’enfer où vont les âmes des p<strong>au</strong>vres<br />
pécheurs. Pour les s<strong>au</strong>ver, Dieu veut établir dans le monde<br />
la dévotion à mon Cœur Immaculé.<br />
« Si l’on fait ce que je vais vous dire, be<strong>au</strong>coup<br />
d’âmes se s<strong>au</strong>veront et l’on <strong>au</strong>ra la paix.<br />
« <strong>La</strong> guerre va finir. Mais si l’on ne cesse d’offenser<br />
Dieu, sous le règne de Pie XI, en commencera une <strong>au</strong>tre<br />
pire. Quand vous verrez une nuit illuminée par une lumière<br />
inconnue, sachez que c’est le grand signe que Dieu<br />
vous donne qu’il va punir le monde de ses crimes, par le<br />
moyen de la guerre, de la famine et des persécutions<br />
contre l’Église et le Saint-Père [...].<br />
« À la fin mon Cœur Immaculé triomphera. Le Saint-<br />
Père me consacrera la Russie qui se convertira, et il sera<br />
donné <strong>au</strong> monde un certain temps de paix. Au Portugal se<br />
conservera toujours le dogme de la foi. »<br />
<strong>La</strong> troisième partie du Secret nous révèle le prix de<br />
ce salut : « Nous vîmes à g<strong>au</strong>che de Notre-Dame, un<br />
peu plus h<strong>au</strong>t, un Ange avec une épée de feu à la main<br />
g<strong>au</strong>che ; elle scintillait, émettait des flammes qui paraissaient<br />
devoir incendier le monde ; mais elles s’éteignaient<br />
<strong>au</strong> contact de l’éclat que, de sa main droite,<br />
Notre-Dame faisait jaillir vers lui : l’Ange, désignant la<br />
terre de sa main droite, dit d’une voix forte :<br />
“ PÉNITENCE, PÉNITENCE, PÉNITENCE ! ”<br />
« Et nous vîmes dans une lumière immense qui est<br />
Dieu “ quelque chose de semblable à l’image que renvoie<br />
un miroir quand une personne passe devant ” : un Évêque<br />
vêtu de Blanc. “ Nous eûmes le pressentiment que c’était<br />
le Saint-Père. ”<br />
« Plusieurs <strong>au</strong>tres Évêques, Prêtres, religieux et religieuses<br />
gravissaient une montagne escarpée, <strong>au</strong> sommet de<br />
laquelle était une grande Croix de troncs bruts comme si<br />
elle était en chêne-liège avec l’écorce.<br />
« Le Saint-Père, avant d’y arriver, traversa une grande<br />
ville à moitié en ruine et, à moitié tremblant, d’un pas<br />
vacillant, affligé de douleur et de peine, il priait pour les<br />
âmes des cadavres qu’il trouvait sur son chemin. Parvenu<br />
<strong>au</strong> sommet de la montagne, prosterné à genoux <strong>au</strong> pied de<br />
la grande Croix, il fut tué par un groupe de soldats qui<br />
lui tirèrent plusieurs coups et des flèches.<br />
« Et de la même manière moururent les uns après les<br />
<strong>au</strong>tres les Évêques, Prêtres, religieux et religieuses, et divers<br />
laïcs, des messieurs et des dames de rangs et de<br />
conditions différentes.<br />
« Sous les deux bras de la Croix, il y avait deux<br />
Anges, chacun avec un vase de cristal à la main, dans<br />
lequel ils recueillaient le sang des martyrs, et avec lequel<br />
ils arrosaient les âmes qui s’approchaient de Dieu. »<br />
frère Bruno de Jésus-Marie.
LA LIGUE N o 124 - P. 31<br />
L’AURORE DE NOTRE SALUT<br />
CETTE année, mais chaque<br />
année ! notre crèche est un<br />
offertoire, une fidèle image, figuration,<br />
évocation, de quelquesunes<br />
des riches heures d’une<br />
année de grâce, mémorial que<br />
nos jeunes frères ont réalisé pour<br />
l’offrir à l’Enfant-Jésus. « Pour<br />
cet hommage, saint Joseph et la<br />
Sainte Vierge ont consenti à sortir avec le Saint Enfant-<br />
Jésus, malgré le froid, afin que nous puissions Lui rendre<br />
nos hommages, car nous sommes trop nombreux<br />
pour tenir dans l’étable. Heureusement que nos sœurs<br />
ont eu la bonté de lui faire un magnifique mante<strong>au</strong><br />
royal, et bien ch<strong>au</strong>d... »<br />
C’est ainsi qu’en cette vigile de l’Épiphanie, premier<br />
samedi du mois, frère Bruno nous introduit dans la<br />
méditation des mystères du Rosaire en présence de la<br />
Sainte Famille, méditation qu’il poursuivra le jour de<br />
l’Épiphanie en présence des mages.<br />
« <strong>La</strong> première chose qui frappe notre regard, avant<br />
même de nous approcher de la crèche, c’est l’arche<br />
surmontée par trois grands voilages <strong>au</strong>x reflets rougeoyants,<br />
figurant le lever de l’astre promis par les<br />
prophètes, “ AURORE DE NOTRE SALUT ”. C’est comme<br />
un portail de gloire qui ouvre et attire les regards vers<br />
la Sainte Famille...<br />
« Ô Crèche sainte, qui nous offre l’image de tout<br />
ce que nous avons de plus cher, de plus be<strong>au</strong>, de plus<br />
joyeux en ce monde, Jésus, Marie, Joseph, l’Enfant<br />
divin, la Vierge Mère et le bon Père, chaste et juste. »<br />
Notre Père écrivait cela <strong>au</strong> premier Noël que nous<br />
avons passé à la maison Saint-Joseph, en 1963, le<br />
cœur encore tout plein de la pensée de ses paroissiens<br />
<strong>au</strong>xquels il avait été arraché quelques mois <strong>au</strong>paravant.<br />
Et c’était visiblement pour eux qu’il écrivait cette<br />
LETTRE magnifique.<br />
Il poursuit : « Mais à tant d’images et de chants qui<br />
se mêlent et renaissent dans mon cœur s’ajoutent bien<br />
d’<strong>au</strong>tres choses, plus spirituelles, et les larmes me<br />
viennent <strong>au</strong>x yeux, de joie, ou de nostalgie soupirant<br />
après les “ Collines éternelles ” où connaître enfin la<br />
plénitude du Noël céleste ! Je me souviens de la joie<br />
de maman et papa lorsque revenus de la Messe de<br />
minuit nous allumions chez nous les bougies de la<br />
crèche. Plus tard, heureux d’être curé et enfin d’avoir<br />
moi <strong>au</strong>ssi mes enfants, j’ai voulu <strong>au</strong>ssitôt porter à la<br />
crèche de Villem<strong>au</strong>r dans la nuit de Noël un bambin<br />
longueur 180 mm<br />
h<strong>au</strong>teur 140 mm<br />
vue générale de la Crèche
JANV. 2013 N o 124 - P. 32<br />
de cire en tout point semblable à celui que maman<br />
possédait, petite robe de satin brodée d’or, les bras<br />
ouverts et souriant.<br />
NOËL DE PAROISSE.<br />
« Heureux, oui, d’être curé pour cela et conscient<br />
d’accomplir l’œuvre sacrée d’une tradition vivante, essentielle<br />
à la vie de l’Église. Noëls de Villem<strong>au</strong>r,<br />
encore larmes de joie, quand je surprenais dans les<br />
yeux des enfants du catéchisme la même admiration<br />
fervente, la même extase de mon enfance, lorsque défilaient<br />
devant la crèche, à l’offertoire, toute la paroisse<br />
par familles, apportant leurs paquets de cade<strong>au</strong>x pour<br />
les petits p<strong>au</strong>vres du Sahara, et que chacun pour<br />
récompense, comme les bergers de Nazareth, s’approchait<br />
pour baiser le petit pied de Jésus que, revêtu de<br />
la chape d’or, je tenais dans mes bras ! Souvenir de<br />
ces âmes de jeunes gens, de jeunes filles, encore<br />
enfants par leur pureté, leur générosité, venant s’agenouiller<br />
devant l’Enfant de la Crèche pour lui vouer<br />
leur virginité et lui offrir toute leur vie.<br />
« Enfantillages ! idolâtrie ! clament les voix impies<br />
des nouve<strong>au</strong>x prédicants, mais que donneront-ils donc<br />
à la jeunesse qui attend ? les plaisirs de la chair et les<br />
jeux sordides de l’égoïsme, rien d’<strong>au</strong>tre. Alors, du fond<br />
de ma retraite, détournant les yeux de ces noëls apostats,<br />
je préfère entendre chanter <strong>au</strong> milieu de mes<br />
larmes les Noëls de mon enfance et les Noëls de mes<br />
paroisses. C’était bien là un Évangile vivant, qui<br />
certainement charmait tous les cœurs. Nos âmes montaient,<br />
se consacraient davantage, se purifiaient, et<br />
foyers et paroisses se retrouvaient plus unis <strong>au</strong>tour de<br />
Jésus, comme une nouvelle Sainte Famille ! »<br />
« J’espère mourir, disait-il encore, avant que les<br />
reconstitutions historiques des exégètes nous imposent<br />
de réformer ces imaginations fantaisistes... mais leur<br />
science va plutôt à tout renier du mystère de Noël ces<br />
temps-ci ; et avant que les crèches progressistes aient<br />
achevé la substitution d’un mythe prolétarien et anticolonialiste<br />
à cette féerie religieuse qu’aiment les<br />
âmes simples. »<br />
« Reposez en paix, cher Père ! poursuit frère<br />
Bruno, et allons à la Crèche ! la vraie, la seule, celle<br />
de notre enfance ! »<br />
« L’ ENFANCE DE JÉSUS ».<br />
Mais c’est lui notre Père qui nous accueille, et d’un<br />
geste d’amitié qui dit si bien son cœur paternel qu’il n’a<br />
pu être ainsi modelé sans une assistance du Ciel ! Et<br />
c’est lui certainement qui, dès la Messe de minuit et tout<br />
le saint jour de Noël, fit un devoir à frère Bruno de nous<br />
parler du livre de Benoît XVI, L’ENFANCE DE JÉSUS, modèle<br />
de « la science qui va plutôt à tout renier du<br />
mystère de Noël ». Parce que ce Noël 2012 est encore<br />
un Noël de guerre, on ne peut l’oublier, d’une guerre qui<br />
ne respecte rien, dans le monde ni dans l’Église. À un<br />
million d’exemplaires, ce livre est la tribune de tout ce<br />
que l’enfer a imaginé <strong>au</strong> cours des <strong>siècle</strong>s, depuis Celse<br />
<strong>au</strong> deuxième <strong>siècle</strong> jusqu’à Luther et <strong>au</strong>x Lumières si<br />
chères à Benoît XVI, pour jeter le discrédit sur les<br />
Évangiles. Stupeur, par exemple, de voir le Pape citer<br />
textuellement l’argument de Celse selon lequel Jésus ne<br />
répondait pas à l’image du Messie attendu et ne pouvait<br />
donc l’être ! Et de laisser son lecteur sans réponse.<br />
Pour nous consoler, nos sœurs ont offert à frère<br />
Bruno un recueil des lettres de Noël de notre Père, en<br />
grande partie manuscrites, depuis 1972, et là c’est un<br />
charme, un enthousiasme communicatif pour tout ce qui<br />
nous vient de l’Église et de la religion de nos pères.<br />
C’est le charme de la foi enfantine d’un très grand<br />
savant, mais nourrie par toute sa science, la vraie !<br />
« Voyez-vous, mes amis, je n’ai jamais enseigné à<br />
mes élèves ou mes petits frères la théorie thomiste de<br />
l’union hypostatique sans un grand enthousiasme et<br />
une satisfaction profonde. Mais cela n’est que scolastique<br />
froide, leçon tout humaine, en comparaison d’un<br />
Noël de paroisse. Ce n’est rien en regard de ce<br />
moment solennel où je sortais de la sacristie, entouré<br />
d’une nuée d’enfants de chœur portant encensoirs et<br />
cierges, faisant bien attention, tout émus. Je portais<br />
l’Enfant-Dieu dans mes bras et je pensais dans mon<br />
âme à chacun de ceux qui, là-bas dans la nef, déjà<br />
tendaient les yeux vers nous. Je connaissais leurs<br />
cœurs. Je savais leurs détresses ou leurs inquiétudes,<br />
leurs péchés et leurs grâces. À cette minute sacrée –<br />
Allons, Roland ton encensoir et toi, Jean-Pierre tiens droit<br />
ton cierge ! Avancez doucement... À ce moment je savais<br />
qu’à chacun j’allais, comme un père, comme une mère,<br />
donner un petit frère. Que ce geste, ce symbole, révélait<br />
la grâce <strong>au</strong>guste de cette nuit qui les tenait tout<br />
debout dans cette église glaciale : leur Père du Ciel,<br />
du sein de la Vierge Marie, leur donnait encore pour<br />
ami et pour frère, pour S<strong>au</strong>veur et Seigneur, Jésus Fils<br />
de Dieu fait homme !<br />
« Toutes les explications des théologiens ne vont à<br />
rien d’<strong>au</strong>tre qu’à faire comprendre la manière et la<br />
signification de cette divine entreprise. Mais là-bas,<br />
<strong>au</strong>-delà du jubé, déjà la foule compacte de mes paysans<br />
et de mes ouvriers, de nos vieilles mamans et de<br />
nos jeunes gens, l’avait compris à la vue de notre<br />
cortège. Chacun d’eux ne se sentait plus seul. Il ne<br />
serait plus jamais seul, luttant avec son péché secret,<br />
grelottant de ses doutes et de ses peines. Cette poupée<br />
de cire <strong>au</strong>x yeux bleus les introduisait déjà, ces<br />
chrétiens sincères que le Père Congar avec son clergyman<br />
gris se plaît à appeler “ païens qui vont à la<br />
Messe ”, dans un roy<strong>au</strong>me céleste où ils se voient rassemblés<br />
comme des frères ayant en toute vérité Dieu<br />
pour Père et l’Église pour Mère. Ce Jésus que je<br />
leur apporte, immobile et souriant, en est le signe.<br />
Alors tout s’illumine et la chorale entonne, joyeuse et<br />
grave : “ Il est né le divin Enfant ”, non pas avec les<br />
nouvelles paroles, prétentieuses et blafardes, mais les<br />
anciennes : “ Jouez h<strong>au</strong>tbois, résonnez musettes ! ” »
JANV. 2013 No NOËL DE L’AVENT.<br />
Notre Père a be<strong>au</strong>coup aimé Marie Noël et nous l’a<br />
fait aimer. Ici, nos frères ont figuré les deux hymnes<br />
dans lesquels elle enferme merveilleusement les mystères<br />
joyeux et les mystères douloureux du Rosaire.<br />
Pendant notre Avent 2012, nous étions intrigués de<br />
voir nos jeunes frères modeler “ une légion d’anges ”,<br />
mais il le fallait pour illustrer le dialogue que chante<br />
124 - P. 33<br />
Marie Noël, entre ceux qui portent le trousse<strong>au</strong> de<br />
H<strong>au</strong>teur 115 mm<br />
l’Enfant Jésus et ceux qui portent les instruments de la<br />
longueur 87,5 mm<br />
Passion.<br />
Comme on comprend le besoin qu’avaient nos pères<br />
de représenter les personnages de l’Histoire sainte <strong>au</strong>x<br />
porches des cathédrales, et le succès des crèches que<br />
saint François d’Assise inventa ! Ici le contraste voulu<br />
par Marie Noël est d’<strong>au</strong>tant plus saisissant que les<br />
anges sont représentés, et avec une simplicité d’<strong>au</strong>tant<br />
plus émouvante :<br />
Les anges<br />
J’ai fait de be<strong>au</strong>x points d’épine<br />
Sur son bonnet rond.<br />
Nous avons tressé l’épine<br />
En couronne pour son front.<br />
...<br />
Pour ses mains, ses pieds si tendres,<br />
Des gants, des petits ch<strong>au</strong>ssons.<br />
Pour ses mains, ses pieds si tendres,<br />
Quatre clous, quatre poinçons.<br />
...<br />
Et pour lui donner à boire<br />
Le lait tiède de mon sein.<br />
Et pour lui donner à boire<br />
Le fiel prêt pour l’assassin.<br />
Au bout de l’Avent nous sommes ;<br />
Tout est prêt, il peut venir...<br />
Tout est prêt, tu peux venir,<br />
Ô Jésus, s<strong>au</strong>ver les hommes !<br />
longueur 120 mm<br />
h<strong>au</strong>teur 85 mm<br />
<strong>La</strong> boulangère et notre Père<br />
« Que de richesses si simplement énoncées ! Marie<br />
Noël est vraiment une grande poétesse <strong>catholique</strong> et<br />
mystique ! digne émule des imagiers du Moyen Âge<br />
dont nos frères artisans de cette crèche ont joué le<br />
rôle, avec be<strong>au</strong>coup de talent.<br />
NOTRE-DAME DE ROCAMADOUR.<br />
« Tandis qu’une partie des anges, ceux de la Nativité ,<br />
descendront par un joli petit escalier pour arriver à la<br />
Crèche, ceux de la Passion prendront celui de Rocamadour<br />
qui monte <strong>au</strong>ssi vers la Crèche, c’est l’escalier<br />
de pénitence, avec ses chaînes dont les pénitents étaient<br />
libérés en arrivant <strong>au</strong> sommet de cet escalier qu’ils<br />
gravissaient à genoux en disant un<br />
AVE à chaque marche », c’est l’évocation<br />
du récent pèlerinage de frère<br />
Bruno et de nos frères de Fons à<br />
Rocamadour, d’où nous est promise<br />
une histoire vraie de ce pèlerinage<br />
“ pas pareil ”, où nos Rois aimaient<br />
venir s’humilier, pénitents <strong>au</strong>x pieds<br />
de la Sainte Vierge.<br />
LA BOULANGÈRE.<br />
Tout contre l’étable, un four à<br />
pain <strong>au</strong>tour duquel s’active la Boulangère<br />
<strong>au</strong>x couleurs de la Sainte<br />
Vierge. Poème eucharistique qui associe<br />
merveilleusement la Sainte<br />
Vierge <strong>au</strong> grand mystère du Cœur<br />
de Jésus nous donnant la vie par la<br />
communion à son Saint-Sacrifice.
JANV. 2013 N o 124 - P. 34<br />
<strong>La</strong> Boulangère en son logis pieux,<br />
Avril venant (25 mars), reçut le grain de Dieu.<br />
Le jour de l’Annonce que lui en fit l’ange Gabriel.<br />
L’a mis à l’ombre en son humble grenier,<br />
(son sein virginal )<br />
L’a serré là, pendant neuf mois entiers.<br />
« Faites-nous le Pain,<br />
Marie, ô Marie !<br />
Faites-nous le Pain,<br />
Car nous avons faim ! »<br />
« Je suis le Pain DESCENDU DU CIEL, dira Jésus à<br />
Capharnaüm, trente ans plus tard. Celui qui me mange<br />
n’<strong>au</strong>ra plus jamais faim »<br />
« Descendu du Ciel » dans le sein virginal de<br />
Marie, tout brûlant du feu qui embrase son Cœur Immaculé,<br />
pour y être cuit à point.<br />
<strong>La</strong> Boulangère a pris un long chemin<br />
Pour s’en aller à la Maison du Pain,<br />
de Nazareth à Bethléem, pour obéir <strong>au</strong> décret d’Auguste.<br />
Pour le pétrir elle a peiné de nuit,<br />
Non, elle n’a pas peiné ; on voit cela <strong>au</strong> récit de<br />
saint Luc : Elle n’eut besoin de l’aide de personne.<br />
« Elle mit <strong>au</strong> monde son fils premier-né, l’enveloppa<br />
de langes et le coucha dans une mangeoire. »<br />
L’a mis <strong>au</strong> monde, environ la minuit.<br />
« Cuisez-nous le Pain,<br />
Marie, ô Marie !<br />
Cuisez-nous le Pain,<br />
Car nous avons faim. »<br />
C’était il y a deux mille ans. Mais, depuis, la<br />
Vierge Marie est la Boulangère de chacune de nos<br />
messes. Riche pensée ! D’où cette prière à dire <strong>au</strong><br />
début de chaque messe : « Cuisez-nous le Pain, ô<br />
Marie, comme vous l’avez cuit jadis à Nazareth. »<br />
DOCTEUR MYSTIQUE DE LA FOI CATHOLIQUE.<br />
Sous les pieds de notre Père, l’AUTODAFÉ, mais à<br />
côté de lui, offert à tous, le livre de frère Bruno,<br />
GEORGES DE NANTES, DOCTEUR MYSTIQUE DE LA FOI CA-<br />
THOLIQUE et, dans la boîte <strong>au</strong>x lettres de l’<strong>au</strong>teur cette<br />
belle lettre :<br />
« J’avoue qu’avant d’ouvrir le livre “ GEORGES DE<br />
NANTES, DOCTEUR MYSTIQUE... ”, j’en avais sous-estimé la<br />
richesse. Je craignais un peu en moi-même de retrouver<br />
des choses “ trop connues ”. En réalité, j’ai eu<br />
la joie d’une très belle découverte. Ce livre est à la<br />
fois un livre d’oraison, un manuel d’histoire religieuse<br />
et politique et un manuel de doctrine. Les citations des<br />
cahiers du Père ou de correspondances particulières<br />
éclairent des événements qu’on croyait bien connaître.<br />
Pour le phalangiste, c’est vraiment le livre à travailler,<br />
à souligner, à annoter et à conserver sous la main.<br />
Notre Louis en a achevé la lecture. J’espère que ses<br />
frères et sœurs en tireront profit eux <strong>au</strong>ssi. En me<br />
retournant sur l’année 2012, je pense <strong>au</strong>x camps, <strong>au</strong>x<br />
sessions, <strong>au</strong>x livrets des sœurs mais je n’entreprends<br />
pas d’énumération, de peur de ne pas être complet. »<br />
NOTRE-DAME D’AFRIQUE.<br />
2012 fut <strong>au</strong>ssi le triste anniversaire de la trahison<br />
de notre Algérie française, mais nous avons là-bas une<br />
tête de pont qui domine Alger, la basilique Notre-<br />
Dame d’Afrique : elle domine <strong>au</strong>ssi tout l’univers de<br />
notre crèche.<br />
En ce samedi 5 janvier notre sœur Sigolaine de<br />
Santa Cruz prononçait ses premiers vœux et recevait le<br />
voile de profès, qui prend toute sa signification dans le<br />
monde pervers qui nous envahit et que dit si bien la<br />
monition de notre Père que garde le cérémonial :<br />
« Le voile, en revanche, est un signe évident de<br />
dignité et de gloire. S’il vous est dès maintenant accordé<br />
par l’Église, Mère très sage, attentive et prudente<br />
en toutes ses actions, c’est pour vous avertir de<br />
bien conserver ou retrouver et parfaire dès maintenant<br />
la pureté des Vierges, de corps, de cœur et d’esprit, de<br />
telle sorte que déjà le Christ règne sans partage sur<br />
tout votre être. Ce signe doit demeurer sans cesse sur<br />
votre tête, visible à tous les regards, comme une s<strong>au</strong>vegarde<br />
dans un monde corrompu et comme un aimable<br />
appel adressé à tous d’avoir à se détourner d’une<br />
vie charnelle et mondaine pour adhérer <strong>au</strong> Christ<br />
notre S<strong>au</strong>veur.<br />
« Tel est le cœur de notre Église, Mère et Maîtresse<br />
de tous, qu’elle ne demande rien sans donner davantage.<br />
Elle vous entraîne dans son labeur, ses humiliations,<br />
son dévouement et elle sera extrêmement exigeante<br />
tout le temps que vos vœux vous feront la<br />
servante du Christ, et vous le serez, avec sa grâce<br />
assurée, jusqu’<strong>au</strong> jour des vraies Noces éternelles.<br />
Mais elle vous élève déjà en une dignité qui prélude à<br />
la Gloire et Béatitude de l’Épouse du Verbe que vous<br />
serez enfin, en vous exhortant à vivre dès maintenant<br />
et chaque jour dans la paix et dans la joie de cet état<br />
de moniale missionnaire. »<br />
HONNEUR À NOS JEUNES PHALANGISTES.<br />
Notre crèche offre encore <strong>au</strong> petit Jésus nos batailles<br />
de l’année : « Un modèle de phalangiste bien<br />
dans sa pe<strong>au</strong>, <strong>au</strong> premier plan, offre à tout passant un<br />
tract sur lequel on reconnaît la belle photo de notre<br />
Père. Il le fait avec “ courtoisie et compétence ” car,<br />
bien préparé par frère François, il sait par cœur ce<br />
qu’il y a dans ses tracts.<br />
« Derrière lui, deux groupes. Une dame offre un<br />
tract à un prêtre qui lui fait sévèrement la leçon. Car il<br />
ne f<strong>au</strong>t pas oublier que ces opérations sont très méritoires<br />
pour nos phalangistes. Tandis qu’un <strong>au</strong>tre “ tracteur<br />
” a plus de chance et tombe sur un personnage qui<br />
lit attentivement le tract. Évidemment, comme on sort<br />
d’une conférence sur “ Vatican II ”, c’est une personne<br />
d’un certain âge.
JANV. 2013 N o 124 - P. 35<br />
« À quelque distance, on assiste à un dialogue singulier.<br />
Un phalangiste invite l’ineffable Mgr Simon à la<br />
Crèche, mais celui-ci refuse de s’y rendre, et lui tourne<br />
le dos, bras croisés, attitude h<strong>au</strong>taine. Pourquoi ?<br />
« “ Parce que vous êtes complètement formatés et<br />
parce que vous m’avez mordu. ” Il boude !<br />
« Un dernier phalangiste “ tracteur ” est à la crèche<br />
et dépose sa pile de tracts <strong>au</strong>x pieds de l’Enfant-Jésus. »<br />
LE SAINT ROI DAVID, FIGURE DE JÉSUS-CHRIST.<br />
Enfin, la douce rencontre de David et d’Abigayil<br />
suffit à évoquer, pour l’offrir à Jésus et Marie, l’oratorio<br />
de frère Henry. Une fervente amateur de musique<br />
en dit à frère Bernard son enthousiasme :<br />
« En plein surmenage, j’ai décidé de prendre<br />
congé, hier après-midi, pour me plonger enfin dans<br />
“ LE SAINT ROI DAVID ” ! Quelle merveille ! Quelle joie<br />
j’ai eue de découvrir ce nouve<strong>au</strong> chef-d’œuvre de<br />
notre si génial frère Henry ! Il me semble que, d’année<br />
en année, cela va en crescendo. Tant de passages<br />
sublimes que je reprends ensuite <strong>au</strong> piano (mais cela<br />
rend tellement moins bien...)<br />
« Et ces acteurs sont vraiment extraordinaires. Ce<br />
qui me touche toujours c’est la be<strong>au</strong>té, la pureté de<br />
tous ces chanteurs, instrumentistes et acteurs, qui ont<br />
la même foi, notre foi, et cela ressort sur leurs traits.<br />
Je suis très fière d’appartenir à cette <strong>Contre</strong>-<strong>Réforme</strong><br />
<strong>catholique</strong>, qui va donner tant de foyers heureux. Car<br />
nous sommes vraiment comme en dehors du monde,<br />
avec un pied dans le Paradis... »<br />
Mais rien ne v<strong>au</strong>t que de voir les images et d’entendre<br />
le commentaire de frère Bruno :<br />
VISITE DE LA CRÈCHE, L’AURORE DU SALUT, S 153.<br />
TENDRESSE ET DÉVOTION<br />
DIVINE, EUCHARISTIQUE ET MARIALE<br />
Nous avons poursuivi, à l’école de notre Père, « la<br />
grande histoire orthodromique de notre grand Dieu et<br />
Seigneur Jésus-Christ, qui explique la création et qui<br />
lui fournit sa fin, qui est <strong>au</strong>ssi la nôtre, c’est le<br />
bonheur du Ciel. »<br />
Nous en étions restés, le mois précédent, <strong>au</strong> be<strong>au</strong><br />
paradis de Dieu, école de l’amour. Adam et Ève nous<br />
étaient apparus à l’image des enfants de Fatima, vivant<br />
dans l’innocence d’une vie tout entière sous le regard<br />
de Dieu, leur très chéri Père Créateur, visitée par les<br />
anges, par la Très Sainte Vierge, introduite dans la<br />
vision de Dieu, vie d’enfants, saints et heureux.<br />
<strong>IL</strong> <strong>EST</strong> <strong>RESSUSCITÉ</strong> !<br />
<strong>La</strong> collection de l’année 2012 vient de paraître<br />
reliée 28 euros – brochée 12 euros.<br />
L’ANTI-FREUD.<br />
Il fallait, <strong>au</strong>jourd’hui, affronter « l’œuvre du diable ».<br />
Ce chapitre, mais déjà les précédents, constitue un<br />
éclairage s<strong>au</strong>veur sur l’œuvre infernale de Freud enfermant<br />
l’homme dans son péché, jusqu’à faire de la<br />
dépravation une seconde nature, sa vraie nature.<br />
Non, enseigne notre Père, l’état de nos premiers<br />
parents était de totale innocence, donc étranger <strong>au</strong> mal,<br />
la tentation à laquelle Ève, puis Adam, ont succombé,<br />
fut une sollicitation externe, extérieure. Celle d’un être<br />
ignoble, révolté, qui a reçu permission de solliciter Ève<br />
<strong>au</strong> mal, puis Adam, le persuadant d’asseoir l’<strong>au</strong>torité<br />
qu’il avait reçue de Dieu sur sa propre dignité et<br />
liberté de personne humaine et non sur l’<strong>au</strong>torité souveraine<br />
de son Père. Il serait ainsi « comme Dieu »,<br />
chef du gouvernement provisoire de la Création, chef<br />
du conseil de la résistance, l’homme libre.<br />
Le péché originel c’est l’horreur du “ crime initiatique<br />
” qui lie l’homme à l’usurpateur, <strong>au</strong> révolutionnaire,<br />
le renversement de l’alliance. Et la dépravation<br />
n’est que la conséquence de l’abandon de<br />
l’homme « à son propre conseil », dominé désormais<br />
par le conseil de Satan. Et Freud s’est fait son porteparole<br />
dans son projet de tuer le Père, de tuer Dieu.<br />
LA FEMME T’ ÉCRASERA LA TÊTE.<br />
Mais nous ayant ainsi fait sonder « les profondeurs<br />
de Satan », notre Père nous montra le chemin du salut,<br />
de la reconquête, qui est l’œuvre de la Femme, l’Immaculée<br />
Médiatrice, qui fait mouvoir le Cœur de Dieu,<br />
l’inclinant à la miséricorde.<br />
Comment <strong>au</strong>rions-nous retrouvé le Cœur de notre<br />
Créateur et Père si outrageusement trahi et humilié par<br />
sa créature de néant, engeance m<strong>au</strong>dite que l’éclat de la<br />
sainteté de Dieu <strong>au</strong>rait dû anéantir, si n’était intervenue,<br />
de l’extérieur encore, et d’avant le péché, Celle que<br />
l’Écriture nomme « LA FEMME » à qui, nous dit la Bible,<br />
était d’avance promis un lignage de sainteté. Par ce<br />
lignage nous serait rouvert le paradis d’amour dont le<br />
premier n’était qu’une figure. Grandeur inouïe de l’Immaculée<br />
Conception par qui toutes choses seraient rest<strong>au</strong>rées<br />
dans l’orthodromie divine. Place première, place<br />
unique et toujours actuelle dans l’histoire du salut.<br />
LA ROMANCE D’ISRAËL.<br />
Avec un bonheur évident, notre Père nous montre la<br />
“ pédagogie ” rédemptrice de Dieu à travers l’histoire<br />
sainte, qu’il connaît par cœur, dans laquelle Dieu suscite<br />
des êtres d’exception, depuis Abraham, dont il fait<br />
un ami et confident, dont il écoute la prière d’intercession,<br />
dont il éprouve la foi en lui demandant le sacrifice<br />
de son fils Isaac, êtres prédestinés à révéler la<br />
figure du Messie à venir. Il leur donne part à son<br />
<strong>au</strong>torité comme il fit pour Élie. En un mot, Dieu reprend<br />
<strong>au</strong>torité souveraine en gagnant les cœurs, mais<br />
<strong>au</strong>ssi en dévoilant le sien, « paternellement mater-
JANV. 2013 N o 124 - P. 36<br />
nel ». Tant de grâces et de miséricorde dessinent la<br />
figure du roy<strong>au</strong>me de Dieu, à la veille de l’Incarnation<br />
qui sera le sujet de notre retraite de février.<br />
L’ÉTO<strong>IL</strong>E DE LA VIERGE<br />
En guise de conclusion à ce premier samedi de l’an<br />
de grâce 2013, frère Bruno nous invite de nouve<strong>au</strong> à<br />
« regarder cet Enfant et sa Mère dans la crèche. Qu’y<br />
a-t-il de plus admirable, de plus touchant, de plus<br />
attirant <strong>au</strong> monde, de plus exemplaire que l’Amour de<br />
cet Enfant-Dieu pour sa Mère, simple créature, cependant<br />
comblée des dons de la grâce... dès avant la<br />
création. Elle a été conçue Immaculée. L’Immaculée<br />
Conception, c’est la première idée que Dieu s’est faite<br />
de toute éternité, <strong>au</strong>-dessus de toutes les <strong>au</strong>tres idées<br />
de ce monde, anges ou hommes, qu’il avait décidé de<br />
créer. C’est la première qui lui soit venue à l’esprit, la<br />
première qu’il ait aimée et c’est pour elle, pour composer<br />
sa noble cour qu’il a ensuite créé les anges et<br />
les saints [...].<br />
« C’est donc une question de salut éternel ! aimons<br />
Marie, aimons la Très Sainte Vierge Marie de la manière<br />
la plus humaine, la plus simple, en même temps que la<br />
plus pratique, c’est-à-dire disons notre chapelet. Uniquement<br />
parce que cela lui fait plaisir. Un enfant n’aime<br />
pas mettre le couvert, mais si sa mère le lui demande il<br />
le fait pour lui faire plaisir, et sa mère n’en est que plus<br />
touchée. Ne disons pas : j’aime, ou je n’aime pas telle<br />
ou telle dévotion, mais faisons ce que demande la Sainte<br />
Vierge parce qu’elle le demande et que nous l’aimons<br />
elle, nous voulons l’aimer, lui faire plaisir. »<br />
IN MEMORIAM<br />
LES NOUVEAUTÉS DU MOIS<br />
1 VIDÉO (2 heures) : achat 12 e, location 4 e .<br />
1 VIDÉO (3 heures) : achat 18 e, location 6 e .<br />
DVD : achat 7.50 e.<br />
AUDIO – CASSETTES : location (uniquement) 1.50 e .<br />
CD : achat 5 e.<br />
Ajouter le prix du port. <strong>La</strong> durée de la location est de deux mois.<br />
CONFÉRENCES MENSUELLES À LA MAISON SAINT-JOSEPH.<br />
DÉCEMBRE 2012<br />
ACT. LA NOUVELLE ÉVANGÉLISATION.<br />
Directeur de la publication : Frère Gérard Cousin. Commission paritaire 0313 G 80889.<br />
Impression : Association <strong>La</strong> <strong>Contre</strong>-<strong>Réforme</strong> Catholique.<br />
F - 10 260 Saint-Parres-lès-V<strong>au</strong>des. – http://www.site-crc.com<br />
ABONNEMENT 30 e, étudiants 18 e, soutien 60 e.<br />
POUR LES PAYS D’EUROPE 36 e, AUTRES PAYS 60 e, par avion 70 e.<br />
1 DVD – 1 cassette – 1 CD.<br />
S 151. JÉSUS, F<strong>IL</strong>S DE MARIE, VERBE DE DIEU.<br />
8. PASSION, MORT, ENSEVELISSEMENT DU SEIGNEUR.<br />
9. <strong>IL</strong> <strong>EST</strong> <strong>RESSUSCITÉ</strong> !<br />
1 DVD – 1 cassette – 1 CD.<br />
L 150. LA RELIGION EN VRAI.<br />
ACT – S 151, 8-9 – L 150 : 1 vidéo, 3 heures.<br />
1 DVD – 1 cassette – 1 CD.<br />
CAMP -RETRAITE DE LA COMMUNION PHALANGISTE 2012.<br />
PC 75. LA PAROLE DE DIEU.<br />
JANVIER 2013<br />
3. VERS LA TERRE PROMISE.<br />
4. « VIVE LE ROI ! »<br />
D U SACRE DE DAVID À CELUI DU ROI DE FRANCE.<br />
1 vidéo, 2 heures – 2 DVD – 2 cassettes – 2 CD.<br />
Phalangiste en 2001, consacré à l’Immaculée, légion- qu’elle est née du côté du Cœur de Jésus et pendant<br />
naire de Marie, Jean-Marie Sady a connu la sainte mort deux mille ans de prières et de sacrifices, d’enseigne-<br />
promise par le Cœur Immaculé de Marie « à ceux qui ments, de sanctification et de gouvernement, et qui<br />
embrassent cette dévotion ». Le Bon Dieu l’a rappelé à demeure toute notre espérance.<br />
lui <strong>au</strong> terme d’une neuvaine <strong>au</strong> Saint Enfant Jésus.<br />
Ce 26 décembre, l’église de Pâlis semblait avoir<br />
retrouvé son curé, “ le curé de Villem<strong>au</strong>r ”, toutes générations<br />
réunies, dans l’unité d’une même foi, d’une<br />
même espérance et d’une charité sans feinte.<br />
« Jean-Marie, regardant en arrière, tu peux t’appliquer<br />
cette parole d’action de grâces de sainte Thérèse<br />
de l’Enfant-Jésus : “ Toute ma vie a été entourée<br />
d’amour... ” Et à travers les joies et les peines, les bons<br />
et les m<strong>au</strong>vais jours, la sollicitude de tes parents, les<br />
amitiés rencontrées à la CRC, les conseils et enseignements<br />
de notre Père pendant presque quarante ans,<br />
cet amour a pris un visage, celui de l’Église de ton<br />
baptême, et celui de la très Sainte Vierge. L’Église<br />
maternelle, la grande pourvoyeuse du Ciel depuis<br />
« Aujourd’hui <strong>au</strong>tour de Jean-Marie, et repassant<br />
les grâces qui l’ont conduit jusqu’<strong>au</strong>x portes du Ciel,<br />
chacun peut s’approprier l’humble vœu de notre Père :<br />
“ Tout ne m’est rien, j’espère uniquement la mort des<br />
pécheurs réconciliés avec leur Dieu selon les rites et<br />
les sacrements de l’Église, dans la remise totale et<br />
douce de ma vie à mon Père, et mon Frère, et mon<br />
Ami de toujours, enfin venu me tirer de là pour me<br />
prendre avec lui. ” (PAGE MYSTIQUE n<br />
frère Gérard de la Vierge.<br />
o 5 en date du 6<br />
octobre 1968, à Chônas)<br />
« Aujourd’hui, c’est l’Enfant-Jésus qui est venu te<br />
“ tirer de là ”, mon cher Jean-Marie. Au Ciel tu prieras<br />
le saint Enfant-Jésus de faire renaître cette sainte<br />
Église de nos amours. »