IL EST RESSUSCITÉ ! - La Contre-Réforme catholique au XXIe siècle
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<strong>La</strong> <strong>Contre</strong>-<strong>Réforme</strong> Catholique <strong>au</strong> XXI e <strong>siècle</strong><br />
<strong>IL</strong> <strong>EST</strong> <strong>RESSUSCITÉ</strong> !<br />
N o 127 - Avril 2013 Rédaction : frère Bruno Bonnet-Eymard Mensuel. Abonnement : 30 e<br />
<strong>IL</strong> REVIENDRA avec son cœur immense, avec son cœur de flamme, son âme de<br />
p<strong>au</strong>vre et son sourire. <strong>IL</strong> REVIENDRA ! Et le Cœur Immaculé de Marie triomphera !<br />
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<strong>IL</strong> <strong>EST</strong> REVENU !<br />
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Le pape Jean-P<strong>au</strong>l I er . Le pape François. © GIULIANI/CPP/CIRIC<br />
Exit le cinquantenaire d’un funeste Concile ! L’avènement<br />
d’un nouve<strong>au</strong> Pape prend toute la place. De<br />
P<strong>au</strong>l VI à Benoît XVI régna l’Antichrist. Voici le retour<br />
de notre doux Christ en terre, dont saint François<br />
fut, <strong>au</strong> treizième <strong>siècle</strong>, la vivante image. Et dont<br />
“ François ” tout court, tant qu’un <strong>au</strong>tre Pape choisissant<br />
ce nom n’appellera pas le nombre ordinal “ premier ”,<br />
est le vicaire <strong>au</strong> vingt et unième <strong>siècle</strong>, pour nous<br />
réapprendre à prier, ce qui est l’œuvre la plus malaisée<br />
en ces temps où l’irréligion domine la société.<br />
Ce fut son premier geste d’<strong>au</strong>torité, <strong>au</strong>ssitôt suivi<br />
par une foule docile et enthousiaste, répétant avec<br />
lui : « Notre Père qui êtes <strong>au</strong>x Cieux », « Je vous salue,<br />
Marie, pleine de grâce », « Gloire <strong>au</strong> Père, <strong>au</strong> Fils et <strong>au</strong><br />
Saint-Esprit ».<br />
Ce 13 mars 2013, nous avons revécu heure par<br />
heure la grande joie, g<strong>au</strong>dium magnum, du 26 août<br />
1978, en accomplissement de l’acte d’espérance inscrit<br />
en exergue de chacun des numéros de la <strong>Contre</strong>-<br />
<strong>Réforme</strong> <strong>catholique</strong> <strong>au</strong> XXI e <strong>siècle</strong> : « Il reviendra avec<br />
son cœur immense, avec son cœur de flamme, son âme de<br />
p<strong>au</strong>vre et son sourire. Il reviendra ! Et le Cœur Immaculé<br />
de Marie triomphera ! »<br />
Il est revenu ! Et rien de plus assuré que ce triom-
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phe promis du Cœur Immaculé de Marie, puisque luimême<br />
n’eut rien de plus pressé que de prier dès la<br />
er<br />
première heure, le lendemain, Celle dont Jean-P<strong>au</strong>l I<br />
fit naguère « l’étoile » de son pontificat.<br />
Jean-Marie Guénois écrit : « Il est rare qu’un cardinal<br />
<strong>au</strong>quel on ne pensait pas sorte d’un conclave en<br />
pape. » Pardon ! Nous y pensions, nous, depuis dix ans.<br />
Relisez notre éditorial de janvier 2003, titré : “ DOUCE ET<br />
HUMBLE ANTICIPATION : VERS UN NOUVEAU SAINT PIE X ? ”<br />
(<strong>IL</strong> <strong>EST</strong> <strong>RESSUSCITÉ</strong> no 6, p. 1-3) Une photo du « doux et<br />
humble cardinal Georges-Marie (sic ! ) Bergoglio » à<br />
la-une, fit dire à l’abbé Georges de Nantes, notre<br />
Père : « C’est vraiment la photo d’un saint, je ne me<br />
lasse pas de la regarder. »<br />
QUI ÉTAIT LE CARDINAL BERGOGLIO ?<br />
Georges-Mario Bergoglio est né à Flores, un quartier<br />
alors populaire de Buenos Aires, le 17 décembre<br />
1936, de Mario, employé des chemins de fer, et de<br />
Regina Sivori, l’un et l’<strong>au</strong>tre d’origine italienne,<br />
venus du Piémont dans les années 1920. De santé<br />
fragile, grand dévot de saint <strong>La</strong>urent, honoré dans sa<br />
paroisse, Georges-Mario connut une enfance et une<br />
adolescence paisibles. Le petit garçon joue <strong>au</strong> football<br />
dans le club San Lorenzo, fondé en 1908 par un<br />
prêtre et qui a pris comme couleurs le rouge et le<br />
bleu de la Sainte Vierge.<br />
Le gouvernement de Perón, renversé par les militaires<br />
en 1955, touchait à sa fin lorsqu’il obtint un<br />
diplôme d’ingénieur chimiste.<br />
Après quelques mois de fiançailles avec une jeune<br />
fille qui lui avait procuré un emploi dans un laboratoire,<br />
il décidait d’entrer <strong>au</strong> séminaire de Villa Devoto,<br />
séminaire diocésain de Buenos Aires, pour s’y préparer<br />
<strong>au</strong> sacerdoce.<br />
Condamné à l’âge de vingt ans à vivre avec un seul<br />
poumon, il respire difficilement. Il n’en postule pas<br />
moins son admission dans la Compagnie de Jésus. Il<br />
entre <strong>au</strong> noviciat le 11 mars 1958. Après ses années<br />
d’humanités <strong>au</strong> Chili, il obtient sa licence de philosophie<br />
à Buenos Aires, est professeur de lettres avant<br />
même d’entamer ses études de théologie <strong>au</strong> grand collège<br />
San José de San Miguel, dans la banlieue de<br />
Buenos Aires. Le 13 décembre 1969, il est ordonné<br />
prêtre. Il a trente-trois ans.<br />
On doit observer que pendant ces dix années<br />
d’études « l’Ordre jésuite fait son aggiornamento. Il<br />
bascule dans la révolution, non violente, pour le<br />
moment, et déserte l’œuvre surnaturelle » (Georges de<br />
Nantes, LETTRE À MES AMIS n o 242, Carême 1967). En<br />
effet, « en 1965, on espérait – les jésuites euxmêmes<br />
– que leur nouve<strong>au</strong> Général empêcherait l’Ordre<br />
de sombrer dans une dégénérescence mentale<br />
semblable à celle des dominicains. Mais le Révérend<br />
Père Arrupe n’a pas attendu longtemps pour s’ins-<br />
crire parmi les prophètes et engager sa Compagnie<br />
dans la marche <strong>au</strong>x mirages de la foi teilhardienne. »<br />
(LETTRE À MES AMIS n o 208 du 14 juillet 1965, p. 5)<br />
Après son “ troisième an ”, accompli en Espagne,<br />
Bergoglio devient maître des novices en 1972, puis,<br />
l’année suivante, provincial d’Argentine (31 juillet<br />
1973). Il a trente-six ans. Au même âge, l’abbé Luciani,<br />
futur Jean-P<strong>au</strong>l I er était nommé pro-vicaire général<br />
(pro : parce que décemment, à trente-six ans, c’est un peu<br />
jeune) et directeur diocésain de la catéchèse.<br />
Il exercera cette charge jusqu’en 1979. Cependant,<br />
deux événements vont influer sur la courbe “ orthodromique<br />
” de Bergoglio, l’un pour l’infléchir, l’<strong>au</strong>tre<br />
pour la redresser.<br />
En 1972, il s’inscrit comme militant <strong>au</strong> groupe péroniste,<br />
alors en plein essor, de la fameuse Garde de fer.<br />
Un ami argentin qui était en contact direct avec le<br />
cardinal Bergoglio, nous écrivait en janvier 2003 :<br />
« On remarque qu’en 1973, lorsqu’il est provincial,<br />
c’est <strong>au</strong> moment de la montée du péronisme de droite,<br />
avec le retour de Juan Perón, décédé en 1974, <strong>au</strong>quel<br />
succéda sa femme Isabelle. <strong>La</strong> coïncidence ne semble<br />
pas due <strong>au</strong> hasard. Bergoglio fut très lié <strong>au</strong> groupe<br />
interne du parti péroniste appelé la “ Guardia de<br />
hierro ”, la Garde de fer (en référence à la “ Phalange ”<br />
roumaine). C’est sans doute la raison pour laquelle la<br />
Compagnie promut un homme en bonnes relations<br />
avec un parti qui s’était affronté férocement à l’Église.<br />
Il fallait trouver un moyen de rendre à César ce qui est<br />
à César. »<br />
Ce correspondant ajoutait que les relations de<br />
Bergoglio avec les gouvernements militaires, particulièrement<br />
celui du général Videla, après son coup<br />
d’État du 24 mars 1976, entraînèrent un conflit <strong>au</strong> sein<br />
de la Compagnie. En effet, on accuse Bergoglio<br />
d’avoir dénoncé deux prêtres révolutionnaires, qui<br />
<strong>au</strong>raient été enfermés à l’école de Mécanique de l’armée<br />
(ESMA), brocardée par la propagande g<strong>au</strong>chiste. Ils<br />
<strong>au</strong>raient subi la torture, mais la vérité est qu’ils furent<br />
s<strong>au</strong>vés par Bergoglio qui empêcha leur exécution.<br />
Ses biographes affirment que cette affaire fut la<br />
c<strong>au</strong>se de sa descente <strong>au</strong>x enfers. Les années de disgrâce<br />
de Bergoglio (1980-1992) coïncident en effet<br />
avec l’avancée de la g<strong>au</strong>che radicale et la chute du<br />
gouvernement militaire néolibéral. À l’avènement<br />
d’un <strong>au</strong>tre César, il était nécessaire de changer le<br />
visage de la Compagnie. Finalement, la réhabilitation<br />
de Bergoglio en 1992 coïncide avec le retour du<br />
péronisme sous la férule de Carlos Menem.<br />
Le second événement décisif fut la rencontre avec<br />
le futur cardinal Quarracino, avec lequel il se lia<br />
d’amitié, et qui le relancera pour une nouvelle ascension,<br />
vingt ans après.<br />
En 1972, l’abbé Quarracino était venu écouter une<br />
conférence donnée par Bergoglio. Il n’oubliera plus
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Le Pape se penche.<br />
jamais le discours nationaliste et <strong>catholique</strong> de ce<br />
« jésuite calme, précis, d’une capacité et d’une vivacité<br />
mentale hors du commun ». Entre les partisans de<br />
la théologie de la Libération et ceux qui s’évadaient de<br />
la politique pour se réfugier dans une doctrine éthérée,<br />
pure de toute compromission, il cherchait une troisième<br />
voie qui réconciliât les partis opposés afin de<br />
combattre ce qu’il appelait « le danger de dissolution<br />
nationale ».<br />
Ses premières paroles adressées urbi et orbi, à la<br />
Ville et à l’univers, de la loggia de Saint-Pierre, le 13<br />
mars 2013, sont un appel à cette « fraternité », adressé<br />
<strong>au</strong> monde entier, cette fois, menacé par le chaos, la<br />
misère, la décomposition sociale.<br />
En 1979, le Père Arrupe, général des jésuites, releva<br />
Bergoglio de sa charge de provincial. En c<strong>au</strong>se :<br />
ses attitudes “ conservatrices ”. De fait, en ces années<br />
postconciliaires, où près de 30 % des étudiants et<br />
prêtres de la Compagnie quittèrent l’Église, Bergoglio<br />
donnait <strong>au</strong>x nouve<strong>au</strong>x qui entraient dans la Compagnie<br />
une formation plus rigoureuse, et structurée, qui s’ac-<br />
« Frères et sœurs, bonsoir !<br />
« Vous savez que la tâche du<br />
Conclave était de donner un évêque<br />
à Rome. Il semble bien que mes<br />
frères cardin<strong>au</strong>x soient allés le<br />
chercher quasi <strong>au</strong> bout du monde.<br />
« Mais nous sommes là. Je vous<br />
remercie pour votre accueil. <strong>La</strong><br />
commun<strong>au</strong>té diocésaine de Rome a<br />
son évêque : merci !<br />
« Et tout d’abord, je voudrais<br />
prier pour notre évêque émérite,<br />
Benoît XVI. Prions tous ensemble<br />
pour lui afin que le Seigneur le<br />
bénisse et la Vierge le protège. »<br />
© GIULIANI/CPP/CIRIC<br />
centua <strong>au</strong> cours de son deuxième mandat de trois ans,<br />
après 1976, quand son choix l’inclina à réagir dans un<br />
esprit nourri de l’ouvrage du Père Spicq, o. p., professeur<br />
d’Écriture sainte à l’université de Fribourg, VIE<br />
CHRÉTIENNE ET PÈLERINAGE SELON LE NOUVEAU T<strong>EST</strong>AMENT<br />
(1977), lu, relu, annoté, souligné, par exemple ce passage,<br />
p. 154-155 :<br />
« Le chrétien doit être fort car il a à lutter [...]<br />
d’<strong>au</strong>tant plus qu’il <strong>au</strong>ra à affronter le diable dont les<br />
stratagèmes sont terriblement captieux et agressifs [...].<br />
Il ne s’agit pas seulement de gagner une bataille mais<br />
d’entreprendre une guerre prolongée avec toutes les<br />
vicissitudes, les renoncements et les multiples efforts,<br />
même héroïques dans les moments critiques. Mais en<br />
tenant compte que le bon soldat, après avoir accompli<br />
tous ses devoirs, demeure maître du champ de bataille,<br />
debout. D’où l’appel <strong>au</strong> combat du verset 14 d’Éphésiens<br />
6 : “ Tenez-vous donc debout, avec la Vérité pour<br />
ceinture, la Justice pour cuirasse. ” »<br />
Le résultat fut un modèle de structure jésuite différent<br />
de celui du reste de l’Amérique latine que<br />
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Le Pape appelle la bénédiction, livre ouvert.<br />
13 mars 2013 : première apparition<br />
du pape François, cardinal<br />
Georges-Mario Bergoglio, archevêque<br />
de Buenos Aires, <strong>au</strong> balcon de la<br />
basilique Saint-Pierre après son<br />
élection.<br />
Il demande à son peuple d’appeler<br />
la bénédiction de Dieu sur<br />
lui, avant de donner lui-même sa<br />
bénédiction urbi et orbi (ci-dessous).<br />
© GIULIANI/CPP/CIRIC
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reflète “ LA CONFESSION D’UN JÉSUITE RÉVOLUTION-<br />
NAIRE ”, Eduardo Pellecer, reproduite dans nos colonnes<br />
en 1982 (CRC n o 177 en éditorial ). Les jésuites<br />
formés par Bergoglio conservèrent le dogme de<br />
la foi, avec la pratique des sacrements et la “ Pastorale<br />
de fin de semaine <strong>au</strong>près des p<strong>au</strong>vres ”.<br />
À la fin de son cycle de provincial, Bergoglio fut<br />
remplacé par le Belge Swinnen, et assuma la charge de<br />
recteur des facultés de philosophie et de théologie de<br />
San Miguel pour trois ans. De là, il continua à exercer<br />
son influence sur la Compagnie, dont le nouve<strong>au</strong> provincial<br />
ne put rassembler suffisamment de suffrages<br />
pour l’éclipser. Pendant douze ans, il forma donc une<br />
génération de jésuites, marquant la Compagnie d’une<br />
empreinte appelée <strong>au</strong>jourd’hui à se renouveler et à<br />
s’étendre à l’Église entière...<br />
En 1985, se produisit un épisode qui ne cessa de<br />
troubler la relation de l’ex-provincial avec sa congrégation.<br />
Bergoglio fut envoyé dans une petite paroisse<br />
de Córdoba, dans une maison de la Compagnie, où il<br />
fut séquestré, interdit de prédication et de confession.<br />
À ce coup, il perdit son influence dans la Compagnie<br />
et, lorsqu’il recouvra sa liberté, il demeura en<br />
soustraction d’obédience de la Province.<br />
L’appel de Quarracino, archevêque de Buenos Aires,<br />
en le tirant de cet exil en 1992, le trouva prêt à étendre<br />
ce “ programme ” <strong>au</strong> diocèse de Buenos Aires. C’était<br />
<strong>au</strong> mois de mai. Comme il l’a raconté à l’Angélus de ce<br />
dimanche 17 mars 2013, place Saint-Pierre, il est arrivé<br />
en même temps que « la Vierge de Fatima ».<br />
Nommé évêque <strong>au</strong>xiliaire puis coadjuteur, avec droit<br />
à la succession, Bergoglio brûlait la politesse à Mgr<br />
Aguer, archevêque de <strong>La</strong> Plata, pour devenir le cardinal<br />
<strong>au</strong> regard paisible, qui sait rire avec une franche cordialité,<br />
se réfugier dans le silence, mais <strong>au</strong>ssi parler h<strong>au</strong>t,<br />
tel Jean-Baptiste, face <strong>au</strong> pouvoir corrompu, depuis<br />
Carlos Menem jusqu’<strong>au</strong>x époux Kirchner...<br />
« Le système est tombé dans un ample cône d’ombre.<br />
L’ombre du manque de confiance et les quelques promesses<br />
ressemblent à un cortège funèbre ; tous consolent la parenté,<br />
mais personne ne lève le mort. » (25 mai 2000)<br />
Le compliment s’adressait <strong>au</strong> président Fernando de<br />
la Rúa, qui comprit peut-être le message puisqu’il consacra<br />
l’Argentine <strong>au</strong> Cœur Immaculé de Marie, lors de<br />
son pèlerinage à la Cova da Iria, le 17 novembre 2001.<br />
À Kirchner : « Nous sommes prompts pour l’intolérance.<br />
Nous nous trouvons stagner dans nos discours et<br />
contre-discours, disposés à accuser les <strong>au</strong>tres avant de nous<br />
réviser nous-mêmes. » (25 mai 2004) À quand un évêque<br />
français, pour tenir pareil langage à François Hollande ?<br />
« UN ÉVÊQUE VÊTU DE BLANC »<br />
Bergoglio est-il le Pape du Secret dont nous attendons<br />
le retour depuis la mort de Jean-P<strong>au</strong>l I er ?<br />
On ne pouvait pas ne pas y penser en le voyant<br />
paraître à la loggia, ne portant ni la mozette pontificale<br />
rouge, bordée d’hermine, ni la croix d’or, ni les<br />
ch<strong>au</strong>ssures rouges, et en constatant le lendemain, que,<br />
pour se rendre à la chapelle Sixtine, il s’est assis,<br />
“ en blanc ”, <strong>au</strong> second rang d’un minibus chargé de<br />
cardin<strong>au</strong>x, et qu’il a conservé la mitre épiscopale dans<br />
son blason.<br />
En 1978, l’abbé de Nantes, notre Père, avait eu<br />
l’intuition de ce qui se tramait contre Jean-P<strong>au</strong>l Ier <strong>au</strong><br />
moment d’écrire la chronique du premier mois de règne<br />
du “ nouve<strong>au</strong> saint Pie X qui s’ignore ” sous le titre<br />
prémonitoire “ LE PAPE DE L’ HOLOCAUSTE ”. « L’holoc<strong>au</strong>ste<br />
est venu plus vite et <strong>au</strong>trement que j’allais dire,<br />
écrira-t-il, mais la vérité du sacrifice et la sainteté de la<br />
victime n’en sont pas moins manifestes, et décisifs les<br />
effets. » ( LE SAINT QUE DIEU NOUS A DONNÉ, no 134, octobre<br />
1978, éditorial)<br />
<strong>La</strong> même pensée est venue <strong>au</strong> cardinal Etchegaray,<br />
<strong>au</strong>quel l’élection du pape François a inspiré de lui<br />
adresser cette prière :<br />
« Pourquoi le peuple immense qui te découvre sur<br />
la loggia des bénédictions reconnaît en toi le successeur<br />
de Pierre et t’aime déjà comme un Père ? À côté<br />
de moi, je surprends un cri : “ Il est si simple que j’ai<br />
envie de l’embrasser. ”<br />
« Je te vois silencieux, les bras ballants. Je pense à<br />
l’ “ Ecce Homo ”, l’homme de la Passion, et j’<strong>au</strong>rais<br />
envie d’essuyer tes larmes, car certains jours tu ne<br />
pourras nous les cacher. » (LA CROIX, 16-17 mars)<br />
Déjà, il est en butte à la contradiction. Non seulement<br />
venue de l’extérieur, de la g<strong>au</strong>che anticléricale<br />
l’accusant de connivence avec la junte militaire argentine,<br />
mais jusque dans sa propre maison, et pas uniquement<br />
de la part des progressistes ; les intégristes<br />
sont peut-être les plus féroces.<br />
Mais le Pape François le sait. Il en a averti les<br />
cardin<strong>au</strong>x (ci-après, p. 5).<br />
En 1992, Antonio Caponnetto publiait LE DEVOIR<br />
CHRÉTIEN DE COMBATTRE et l’envoyait à Mgr Bergoglio,<br />
vicaire épiscopal de Buenos Aires. Celui-ci le remercia<br />
en ces termes :<br />
« Je me félicite d’avoir entre les mains un tel ouvrage.<br />
C’est ce qu’il nous f<strong>au</strong>t en ce moment où “ la<br />
tranquillité de la paix ” s’est adultérée dans sa signification.<br />
Tout est sacrifié sur les <strong>au</strong>tels du “ pluralisme et<br />
de la convivialité ” où le Décalogue se réduit finalement<br />
<strong>au</strong> “ chacun pour soi ”. »<br />
Le prélat citait ensuite des exemples tirés de l’actualité<br />
argentine, puis il continuait :<br />
« Il y a des choses qui ne sont pas négociables.<br />
« Combien il nous f<strong>au</strong>drait <strong>au</strong>jourd’hui une vieille<br />
maccabéenne qui, avec ses entrailles déchirées par la<br />
douleur, ait le courage de se moquer du tyran avec ses<br />
sept fils. Certes, la vieille ne leur parlait pas de pluralisme<br />
ni de convivialité. L’Écriture nous dit, et elle le<br />
dit deux fois, qu’elle leur parlait “ dans sa langue maternelle.<br />
” Et la langue maternelle c’est celle que nous
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tétons avec la grâce du baptême, qui nous donne la<br />
grâce et le courage pour les combats. Combien nous<br />
<strong>au</strong>rions besoin <strong>au</strong>jourd’hui que vienne une <strong>au</strong>tre Judith<br />
qui nous “ chante ” l’histoire des vainqueurs que<br />
nous portons en nous, comme elle le fit avec ces<br />
anciens corrompus qui voulaient pactiser lâchement.<br />
Elle leur parla clairement et ensuite elle ne louvoya ni<br />
n’esquiva, ne négocia pas, ne rusa pas.<br />
« Que la Sainte Trinité, que nous ayons la grâce<br />
d’adorer toujours, ait piété de nous et ne permette pas<br />
que nous imitions ces “ fils rebelles ” qui surgirent en<br />
Israël (1 M 11, 14) et qui, pour paraître “ modernes ”<br />
pactisèrent et rendirent un culte <strong>au</strong> pluralisme et à la<br />
convivialité. »<br />
« LA PAUVRETÉ SAUVERA L’ÉGLISE »<br />
C’est <strong>au</strong>ssi à l’école du pape Luciani que l’abbé de<br />
Nantes, notre Père, écrivait en août 1984, après avoir<br />
tenté vainement d’obtenir <strong>au</strong>dience du pape Jean-<br />
P<strong>au</strong>l II en 1983 :<br />
« Je ne dirai plus avec Dostoïevski : C’est la Be<strong>au</strong>té<br />
qui s<strong>au</strong>vera le monde. Ni avec M<strong>au</strong>rras : C’est la Monarchie<br />
qui s<strong>au</strong>vera le monde. Je ne dirai plus, comme<br />
je l’ai de moi-même pensé et répété : C’est la Foi qui<br />
s<strong>au</strong>vera le monde. Maintenant, je vois dans la douce<br />
lumière du premier Pape martyr de l’ère capitaliste<br />
« Dans ces trois lectures, je vois<br />
qu’il y a quelque chose de commun :<br />
c’est le mouvement. Dans la première<br />
lecture, le mouvement sur le chemin ;<br />
dans la deuxième lecture, le mouvement<br />
dans l’édification de l’Église ; dans la<br />
troisième, dans l’Évangile, le mouvement<br />
dans la confession. Marcher,<br />
édifier, confesser. Marcher. “ Maison<br />
de Jacob, allons, marchons à la lumière<br />
du Seigneur. ” ( Is 2, 5) C’est la première<br />
chose que Dieu a dite à Abraham :<br />
Marche en ma présence et sois irrépréhensible.<br />
Marcher : notre vie est<br />
une marche et quand nous nous<br />
arrêtons, cela ne va plus. Marcher<br />
toujours, en présence du Seigneur, à<br />
la lumière du Seigneur, cherchant à<br />
vivre avec cette irréprochabilité que<br />
Dieu demandait à Abraham, dans sa<br />
promesse. Édifier. Édifier l’Église. On<br />
parle de pierres : les pierres ont une<br />
consistance ; mais des pierres vivantes,<br />
des pierres ointes par l’Esprit-Saint.<br />
Édifier l’Église, l’Épouse du Christ,<br />
sur cette pierre angulaire qui est le<br />
Seigneur lui-même. Voici un <strong>au</strong>tre<br />
mouvement de notre vie : édifier.<br />
« Troisièmement, confesser. Nous<br />
pouvons marcher comme nous voulons,<br />
nous pouvons édifier de nombreuses<br />
choses, mais si nous ne confessons<br />
pas Jésus-Christ, cela ne va pas.<br />
Nous deviendrons une ONG compatissante,<br />
mais non l’Église, Épouse du<br />
Seigneur. Quand on ne marche pas,<br />
on s’arrête. Quand on n’édifie pas sur<br />
les pierres, qu’est-ce qui arrive ? Il<br />
arrive ce qui arrive <strong>au</strong>x enfants sur la<br />
plage quand ils font des châte<strong>au</strong>x de<br />
sable, tout s’écroule, c’est sans consistance.<br />
Quand on ne confesse pas<br />
Jésus-Christ, me vient la phrase de<br />
Léon Bloy : “ Celui qui ne prie pas le<br />
Seigneur, prie le diable. ” Quand on<br />
ne confesse pas Jésus-Christ, on<br />
confesse la mondanité du diable, la<br />
mondanité du démon. Marcher, édifier -<br />
construire, confesser.<br />
« Mais la chose n’est pas si facile,<br />
parce que dans le fait de marcher, de<br />
construire, de confesser, bien des fois<br />
il y a des secousses, il y a des<br />
mouvements qui ne sont pas exactement<br />
des mouvements de la marche :<br />
ce sont des mouvements qui nous tirent<br />
moderne : C’est par la P<strong>au</strong>vreté que l’Église romaine,<br />
purifiée, s<strong>au</strong>vera le monde. Tel est le véritable testament<br />
de Jean-P<strong>au</strong>l I er . » (CRC n o 203, août 1984, p. 7)<br />
Vingt ans plus tard, j’appliquais cette prospective à<br />
la patrie de Bergoglio :<br />
« L’Argentine, pays réduit à la p<strong>au</strong>vreté pour c<strong>au</strong>se<br />
de retour à la démocratie, paraît avoir hérité de cette<br />
béatitude évangélique, par le jeu de la parité du peso<br />
avec le dollar, pour son salut. Son cardinal-primat,<br />
Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires,<br />
propose <strong>au</strong>x fidèles une méditation pleine d’espérance,<br />
valant <strong>au</strong>ssi bien pour toutes les nations de la terre<br />
<strong>au</strong>jourd’hui menacées d’une crise semblable, particulièrement<br />
l’Europe avec son “ euro fort ”. Il ne cesse<br />
de montrer à son peuple le chemin du salut, non pas<br />
dans l’assistance des organisations internationales, mais<br />
dans la s<strong>au</strong>vegarde de son identité nationale. “ <strong>La</strong><br />
constitution d’une famille humaine solidaire et fraternelle<br />
est une utopie ”, déclare-t-il. Pour ne pas laisser l’Argentine,<br />
<strong>catholique</strong> à 92 %, se dissoudre dans la misère,<br />
le chaos, la décomposition sociale, il l’invite à<br />
secouer sa torpeur en réagissant contre le phénomène<br />
de “ globalisation ” par lequel, “ de Bangkok à Sao<br />
P<strong>au</strong>lo, tout le monde écoute les mêmes émissions, suit les<br />
mêmes modes et les mêmes mots d’ordre ”.<br />
Au plus loin de la “ théologie de la libération ”, qui<br />
LA FOI CATHOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS<br />
HOMÉLIE DEVANT LES CARDINAUX À LA CHAPELLE SIXTINE, JEUDI 14 MARS.<br />
en arrière. Cet Évangile poursuit avec<br />
une situation spéciale. Le même Pierre<br />
qui a confessé Jésus-Christ lui dit : Tu<br />
es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Je<br />
te suis, mais ne parlons pas de Croix.<br />
Cela n’a rien à voir. Je te suis avec<br />
d’<strong>au</strong>tres possibilités, sans la Croix.<br />
Quand nous marchons sans la Croix,<br />
quand nous édifions sans la Croix et<br />
quand nous confessons un Christ sans<br />
Croix, nous ne sommes pas disciples<br />
du Seigneur : nous sommes mondains,<br />
nous sommes des évêques, des prêtres,<br />
des cardin<strong>au</strong>x, des papes, mais pas<br />
des disciples du Seigneur. Je voudrais<br />
que tous, après ces jours de grâce,<br />
nous ayons le courage, vraiment le<br />
courage, de marcher en présence du<br />
Seigneur, avec la Croix du Seigneur ;<br />
d’édifier l’Église sur le sang du Seigneur,<br />
qui est versé sur la Croix ; et de<br />
confesser l’unique gloire : le Christ<br />
crucifié. Et ainsi l’Église ira de l’avant.<br />
Je souhaite à nous tous que l’Esprit-<br />
Saint, par la prière de la Vierge, notre<br />
Mère, nous accorde cette grâce : marcher,<br />
édifier, confesser Jésus-Christ<br />
crucifié. Qu’il en soit ainsi. »
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 6<br />
sévit encore en Amérique latine, il exhorte les Argentins<br />
à travailler, à se taire et à souffrir, en leur montrant<br />
la Croix, et en rappelant que l’espérance chrétienne<br />
ne s’appuie pas sur les seules forces humaines,<br />
mais qu’elle obtient tout de Dieu :<br />
« “ Si nous adhérons à l’Évangile, nous savons que ce<br />
qui nous apparaît un échec peut être un chemin vers le<br />
salut. Dans le moment décisif que nous vivons et qui nous<br />
angoisse, nous devons reconnaître la présence de Dieu et<br />
ce moment peut être une grâce pour nous. ” » (Message<br />
sur l’éducation, prononcé le 10 avril 2002 à la fin de la<br />
messe célébrée à la cathédrale de Buenos Aires, cité dans<br />
<strong>IL</strong> <strong>EST</strong> <strong>RESSUSCITÉ</strong> no 10, mai 2003, p. 4)<br />
L’occurrence des lectures du jeudi 14 mars 2013,<br />
premier jour du pontificat de François, lui traçait son<br />
programme, avec le récit de l’adoration du Ve<strong>au</strong> d’or<br />
par le peuple d’Israël dans le désert (Ex 32, 7-14) et de<br />
l’intercession de Moïse en faveur de ce peuple idolâtre<br />
et apostat ! À cet égard, l’Argentine est un cas<br />
d’école, <strong>au</strong>quel répond le choix du nom de François,<br />
comme le Pape l’a expliqué <strong>au</strong>x journalistes le samedi<br />
16 mars :<br />
« Dans la Sixtine, j’avais à côté de moi le cardinal<br />
Cl<strong>au</strong>dio Hummes, l’ancien archevêque de Sao P<strong>au</strong>lo et<br />
ancien Préfet de la congrégation pour le clergé, un<br />
grand ami, vraiment un grand ami ! Lorsque les<br />
choses sont devenues dangereuses pour moi, il m’a<br />
rassuré et encouragé. Et lorsqu’on est arrivé <strong>au</strong>x deux<br />
tiers des votes, et que les cardin<strong>au</strong>x ont appl<strong>au</strong>di le<br />
Pape élu, cet ami m’a dit en m’embrassant : “ N’oublie<br />
jamais les p<strong>au</strong>vres ! ” Cela s’est imprimé dans mon esprit<br />
et j’ai immédiatement pensé <strong>au</strong> Poverello. J’ai<br />
pensé <strong>au</strong>x guerres, alors que le scrutin reprenait<br />
jusqu’à un vote unanime, j’ai pensé à François,<br />
l’homme de la paix, l’homme qui aimait et protégeait<br />
la nature. Alors que l’humanité a un rapport tellement<br />
médiocre avec la création ! Il est l’homme diffusant<br />
l’esprit de la paix, l’homme p<strong>au</strong>vre. Combien je désire<br />
une Église p<strong>au</strong>vre pour les p<strong>au</strong>vres ! ” »<br />
« À MOITIÉ TREMBLANT, D’UN PAS VAC<strong>IL</strong>LANT »<br />
Homélie du pape François, 19 mars 2013.<br />
« Chers frères et sœurs !<br />
« Je remercie le Seigneur de pouvoir célébrer cette<br />
Messe de l’in<strong>au</strong>guration de mon ministère pétrinien en<br />
la solennité de saint Joseph, époux de la Vierge Marie<br />
et Patron de l’Église universelle : c’est une coïncidence<br />
très riche de signification, et c’est <strong>au</strong>ssi la fête<br />
de mon vénéré Prédécesseur : nous lui sommes proches<br />
par la prière, pleins d’affection et de reconnaissance<br />
(appl<strong>au</strong>dissements). »<br />
On sent que c’est sincère : une affection « sans<br />
feinte », comme dit saint P<strong>au</strong>l (2 Co 6, 6). Le Pape a du<br />
cœur. Il est un cœur :<br />
« Je salue avec affection les frères cardin<strong>au</strong>x et<br />
évêques, les prêtres, les diacres, les religieux et les<br />
religieuses et tous les fidèles laïcs », comme il est<br />
annoncé dans le troisième secret de Fatima : « ... des<br />
messieurs et des dames de rangs et de conditions<br />
différentes ».<br />
« Je remercie de leur présence les représentants des<br />
<strong>au</strong>tres Églises et commun<strong>au</strong>tés ecclésiales »... Qu’es<br />
aco ? Il y a donc d’<strong>au</strong>tres “ Églises ” que l’Église <strong>catholique</strong><br />
romaine ? Jésus-Christ a-t-il plusieurs épouses ?<br />
« ... de même que les représentants de la commun<strong>au</strong>té<br />
juive et d’<strong>au</strong>tres commun<strong>au</strong>tés religieuses.<br />
J’adresse mon cordial salut <strong>au</strong>x chefs d’État et de<br />
gouvernement, <strong>au</strong>x délégations officielles de nombreux<br />
pays du monde et <strong>au</strong> corps diplomatique. » Le monde<br />
entier est là, <strong>au</strong>x pieds du Pape, suspendu à sa parole.<br />
JOSEPH « GARDIEN ».<br />
« Nous avons entendu dans l’Évangile que “ Joseph<br />
fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit<br />
chez lui son épouse ” (Mt 1, 24). Dans ces paroles est<br />
déjà contenue la mission que Dieu confie à Joseph,<br />
celle d’être custos, gardien. Gardien de qui ? De Marie<br />
et de Jésus ; mais c’est une garde qui s’étend ensuite<br />
à l’Église, comme l’a souligné le bienheureux Jean-<br />
P<strong>au</strong>l II : “ Saint Joseph a pris un soin affectueux de<br />
Marie et s’est consacré avec joie à l’éducation de<br />
Jésus-Christ, de même il est le gardien et le protecteur<br />
de son Corps mystique, l’Église, dont la Vierge sainte<br />
est la figure et le modèle.” »<br />
C’est trop peu dire : elle en est la personnification.<br />
Mais il y a plus grave : le pape François ne dit pas<br />
« de quoi » Joseph est le gardien, à savoir de la virginité<br />
de Marie, dont il est le garant, le témoin.<br />
Pourquoi le Pape ne le dit-il pas ? J’ai montré naguère<br />
que ce point était l’objet d’une tradition immémoriale, à<br />
l’encontre des négations modernes et modernistes dont<br />
le dominicain François Refoulé s’est fait le rapporteur<br />
impie (L’OUTRAGE SUPRÊME À LA BIENHEUREUSE MÈRE DE<br />
DIEU, MARIE TOUJOURS VIERGE, CRC n o 316, octobre 1995 ;<br />
BIBLE, ARCHÉOLOGIE, HISTOIRE, t. 2, p. 53-64).<br />
Benoît XVI ayant nommé à la tête de la Congrégation<br />
pour la doctrine de la foi un partisan de la virginité<br />
“ spirituelle ” de Marie, laissant ouverte la question<br />
de sa virginité physique, François renonce-t-il luimême<br />
à s’en porter garant à la suite de saint Joseph,<br />
devant ce parterre de cardin<strong>au</strong>x dont certains n’y<br />
croient pas eux-mêmes, sans parler des « représentants<br />
des <strong>au</strong>tres Églises et commun<strong>au</strong>tés ecclésiales » ?<br />
Cruelle interrogation, doute affreux que la suite de<br />
l’homélie ne fera qu’aggraver.<br />
« Comment Joseph exerce-t-il cette garde ? Avec<br />
discrétion, avec humilité, dans le silence... » et chasteté,<br />
non ? Eh bien, non ! Ce mot n’est pas venu sous<br />
la plume du Pape... parce que la chose n’est pas sûre à<br />
ses yeux ? Vient ensuite une énumération des événements<br />
que nous méditons dans les mystères joyeux de<br />
notre Rosaire :
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 7<br />
longueur 120 mm<br />
h<strong>au</strong>teur 80 mm<br />
Le Pape <strong>au</strong> comptoir.<br />
« ... mais par une présence constante et une fidélité<br />
totale, même quand il ne comprend pas. Depuis son<br />
mariage avec Marie jusqu’à l’épisode de Jésus, enfant<br />
de douze ans, dans le Temple de Jérusalem, il accompagne<br />
chaque moment avec prévenance et avec amour.<br />
Il est <strong>au</strong>près de Marie son épouse dans les moments<br />
sereins et dans les moments difficiles de la vie, dans le<br />
voyage à Bethléem pour le recensement et dans les<br />
heures d’anxiété et de joie de l’enfantement ; <strong>au</strong><br />
moment dramatique de la fuite en Égypte et dans la<br />
recherche inquiète du fils <strong>au</strong> Temple ; et ensuite dans<br />
le quotidien de la maison de Nazareth, dans l’atelier<br />
où il a enseigné le métier à Jésus.<br />
« Comment Joseph vit-il sa vocation de gardien de<br />
Marie, de Jésus, de l’Église ? Dans la constante attention<br />
à Dieu, ouvert à ses signes, disponible à son<br />
projet, non pas tant <strong>au</strong> sien propre ; et c’est cela que<br />
Dieu demande à David, comme nous l’avons entendu<br />
dans la première Lecture : Dieu ne désire pas une<br />
maison construite par l’homme, mais il désire la fidélité<br />
à sa Parole, à son dessein ; c’est Dieu lui-même<br />
qui construit la maison, mais de pierres vivantes marquées<br />
de son Esprit. Et Joseph est “ gardien ”, parce<br />
qu’il sait écouter Dieu, il se laisse guider par sa<br />
volonté, et justement pour cela il est encore plus<br />
sensible <strong>au</strong>x personnes qui lui sont confiées, il sait<br />
lire avec réalisme les événements, il est attentif à ce<br />
qui l’entoure, et il sait prendre les décisions les<br />
plus sages.<br />
« En lui, chers amis, nous voyons comment on<br />
répond à l’appel de Dieu, avec disponibilité, avec<br />
promptitude, mais nous voyons <strong>au</strong>ssi quel est le centre<br />
de la vocation chrétienne : le Christ ! »<br />
Et non pas l’homme, contrairement <strong>au</strong> concile<br />
Vatican II selon lequel « croyants et incroyants sont<br />
généralement d’accord sur ce point : tout sur terre doit<br />
être ordonné à l’homme comme à son centre et à son sommet<br />
» (GAUDIUM ET SPES 12, 1). Non, le pape Bergoglio<br />
n’est pas « d’accord » ! Deo gratias !<br />
Jeudi 14 mars, via della Scrofa, <strong>au</strong><br />
comptoir de la Maison du clergé,<br />
où le Pape avait logé avant son<br />
élection :<br />
« Très Saint Père, vous plaisantez !<br />
Vous voulez payer la note ?<br />
– Précisément parce que je suis le<br />
Pape, je dois donner l’exemple.»<br />
© ServizioFotograficoOR/CPP/CIRIC<br />
« Nous gardons le Christ dans notre vie, pour<br />
garder les <strong>au</strong>tres, pour garder la création ! »<br />
Et Jésus, et Marie ? Oubliés ! pour une raison bien<br />
simple :<br />
« <strong>La</strong> vocation de garder, cependant, ne nous concerne<br />
pas seulement nous les chrétiens, elle a une<br />
dimension qui précède et qui est simplement humaine,<br />
elle concerne tout le monde. C’est le fait de garder la<br />
création tout entière, la be<strong>au</strong>té de la création, comme<br />
il nous est dit dans le livre de la GENÈSE et comme<br />
nous l’a montré saint François d’Assise : c’est le fait<br />
d’avoir du respect pour toute créature de Dieu et pour<br />
l’environnement dans lequel nous vivons. »<br />
Où l’on voit que le pape François n’est pas encore<br />
vraiment franciscain. Il est jésuite : il parle à ce parterre<br />
d’Excellences, de toutes provenances, de ce qui<br />
est à la mode : langage “ écolo ” parfaitement adapté<br />
<strong>au</strong>x programmes démagogiques de leur gouvernance.<br />
Mais si nous obtenons de lui l’attention qu’il se promet<br />
d’accorder à tous, comme il va le dire, peut-être<br />
<strong>au</strong>rons-nous l’occasion de lui faire lire et adopter la<br />
théologie franciscaine de l’abbé de Nantes, selon<br />
laquelle « toute be<strong>au</strong>té créée est d’expression incréée »,<br />
et nous ramène donc à Jésus, selon « la stupéfiante<br />
thèse bonaventurienne : “ Omnis creatura clamat generationem<br />
æternam ”. Toute créature clame la génération<br />
éternelle du Verbe, Fils de Dieu, Dieu de Dieu, par le<br />
Père. Mais évidemment nul n’entend bien cette clameur<br />
s’il n’a les oreilles ouvertes par la grâce de Dieu,<br />
les oreilles, les yeux de la foi ! » (G. de Nantes, UNE<br />
MYSTIQUE POUR NOTRE TEMPS, CRC n o 125, janvier 1978,<br />
p. 9) C’est ce qui manque ici : la confession de foi du<br />
pape François recommandée par lui <strong>au</strong>x cardin<strong>au</strong>x le<br />
jeudi précédent !<br />
« C’est le fait de garder les gens, d’avoir soin de<br />
tous, de chaque personne, avec amour, spécialement<br />
des enfants, des personnes âgées, de celles qui sont<br />
plus fragiles et qui souvent sont dans la périphérie<br />
de notre cœur. C’est d’avoir soin l’un de l’<strong>au</strong>tre dans
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 8<br />
la famille : les époux se gardent réciproquement, puis<br />
comme parents ils prennent soin des enfants et avec<br />
le temps <strong>au</strong>ssi les enfants deviennent gardiens des<br />
parents. C’est le fait de vivre avec sincérité les amitiés,<br />
qui sont une garde réciproque dans la confiance,<br />
dans le respect et dans le bien. Au fond, tout est<br />
confié à la garde de l’homme, et c’est une responsabilité<br />
qui nous concerne tous. Soyez des gardiens des<br />
dons de Dieu ! »<br />
Ce passage est admirable parce qu’il exprime tout<br />
le cœur de notre Saint Père le pape François. Et c’est<br />
vrai que depuis qu’il est là, nous ne sommes plus<br />
orphelins. Il ne s’agit plus de proclamer la “ dignité<br />
transcendante de la personne humaine ”, mais « d’avoir<br />
soin de tous, de chaque personne, avec amour », dans<br />
le tissu réel des relations qui la définissent, « dans la<br />
famille », étendue à tout le rése<strong>au</strong> des « amitiés » qui<br />
sont des « dons de Dieu ».<br />
Ce qui manque pourtant à cette déclaration d’amour<br />
qui nous touche parce qu’elle est vraie, c’est la « confession<br />
» recommandée <strong>au</strong>x cardin<strong>au</strong>x le 14 mars à la<br />
Sixtine (supra, encart, p. 5). <strong>La</strong> suite de l’homélie le<br />
montre bien :<br />
« Et quand l’homme manque à cette responsabilité,<br />
quand nous ne prenons pas soin de la création et des<br />
frères, alors la destruction trouve une place et le<br />
cœur s’endurcit. À chaque époque de l’histoire, malheureusement,<br />
il y a des “ Hérode ” qui trament des<br />
desseins de mort, détruisent et défigurent le visage de<br />
l’homme et de la femme. » Suivez mon regard ! En<br />
face du Pape, Cristina Kirchner, présidente de l’Argentine,<br />
qu’affronta naguère l’archevêque de Buenos<br />
Aires sur la question de l’avortement, reçoit la flèche<br />
en plein cœur.<br />
Ce qui manque, c’est l’exercice par Pierre, du<br />
pouvoir de lier et de délier qui est le sien. Au lieu des<br />
foudres qu’il détient en sa main, mais dont il ne fera<br />
pas usage, voici une invitation lénifiante :<br />
« Je voudrais demander, s’il vous plaît, à tous<br />
ceux qui occupent des rôles de responsabilité dans le<br />
domaine économique, politique ou social, à tous les<br />
hommes et à toutes les femmes de bonne volonté :<br />
nous sommes “ gardiens ” de la création, du dessein de<br />
Dieu inscrit dans la nature, gardiens de l’<strong>au</strong>tre, de<br />
l’environnement ; ne permettons pas que des signes<br />
de destruction et de mort accompagnent la marche de<br />
notre monde ! Mais pour “ garder ” nous devons <strong>au</strong>ssi<br />
avoir soin de nous-mêmes ! (appl<strong>au</strong>dissements) Rappelons-nous<br />
que la haine, l’envie, l’orgueil souillent la<br />
vie ! Garder veut dire alors veiller sur nos sentiments,<br />
sur notre cœur, parce que c’est de là que sortent<br />
les intentions bonnes et m<strong>au</strong>vaises : celles qui<br />
construisent et celles qui détruisent ! Nous ne devons<br />
pas avoir peur de la bonté, et même pas non plus de<br />
la tendresse ! »<br />
Application immédiate : le pape François ne pourrait-il<br />
pas profiter de la polémique qui refait surface<br />
contre lui, affirmant que c’est le Vatican qui a libéré<br />
les deux prêtres susdits (supra, p. 2) et non Bergoglio ?<br />
Ne pourrait-il dire que maintenant le Vatican c’est lui,<br />
et par conséquent le Vatican exige la libération des<br />
prêtres actuellement prisonniers en Argentine ? Par<br />
exemple l’ancien <strong>au</strong>mônier de la Police sous Videla,<br />
qui n’a même pas le droit de dire la Messe ! et qu’il<br />
dise <strong>au</strong>x évêques d’Argentine de permettre <strong>au</strong>x prêtres<br />
d’aller visiter les “ prisonniers de guerre ” alors que<br />
cela leur est interdit pour éviter les représailles ?<br />
« Tendresse et dévotion », disait l’abbé de Nantes,<br />
notre Père. Et sous le nom de “ dévotion ”, il f<strong>au</strong>t<br />
entendre la « confession de foi » cruellement absente<br />
ici, f<strong>au</strong>te de laquelle il est vain de faire appel <strong>au</strong>x<br />
bons sentiments de nos gouvernants, de Jean-Marc<br />
Ayr<strong>au</strong>lt qui écoute cela sans état d’âme !<br />
« Et ici j’ajoute alors une remarque supplémentaire<br />
: le fait de prendre soin, de garder, demande<br />
bonté, demande d’être vécu avec tendresse. Dans les<br />
Évangiles, saint Joseph apparaît comme un homme<br />
fort, courageux, travailleur, mais dans son âme émerge<br />
une grande tendresse, qui n’est pas la vertu du faible,<br />
mais <strong>au</strong> contraire, dénote une force d’âme et une<br />
capacité d’attention, de compassion, de vraie ouverture<br />
à l’<strong>au</strong>tre, d’amour. Nous ne devons pas avoir peur<br />
de la bonté, de la tendresse ! (appl<strong>au</strong>dissements)<br />
LE PAPE, GARDIEN DE L’ ÉGLISE.<br />
« Aujourd’hui, en même temps que la fête de saint<br />
Joseph, nous célébrons l’in<strong>au</strong>guration du ministère du<br />
nouvel Évêque de Rome, Successeur de Pierre, qui<br />
comporte <strong>au</strong>ssi un pouvoir. Certes, Jésus-Christ a<br />
donné un pouvoir à Pierre, mais de quel pouvoir<br />
s’agit-il ? À la triple question de Jésus à Pierre sur<br />
l’amour, suit une triple invitation : sois le pasteur de<br />
mes agne<strong>au</strong>x, sois le pasteur de mes brebis. N’oublions<br />
jamais que le vrai pouvoir est le service et que le<br />
Pape <strong>au</strong>ssi pour exercer le pouvoir doit entrer toujours<br />
plus dans ce service (appl<strong>au</strong>dissements) qui a son<br />
sommet lumineux sur la Croix ; il doit regarder vers le<br />
service humble, concret, riche de foi, de saint Joseph<br />
et comme lui, ouvrir les bras pour garder tout le<br />
Peuple de Dieu et accueillir avec affection et tendresse<br />
l’humanité tout entière, spécialement les plus p<strong>au</strong>vres,<br />
les plus faibles, les plus petits (appl<strong>au</strong>dissements),<br />
ceux que Matthieu décrit dans le jugement dernier sur<br />
la charité : celui qui a faim, soif, est étranger, nu,<br />
malade, en prison (cf. Mt 25, 31-46). Seul celui qui sert<br />
avec amour sait garder ! »<br />
Ce verbe tombe ici sans complément d’objet, comme<br />
s’il était intransitif. « Garder » quoi ?<br />
De même que le Pape a omis de préciser ce qui<br />
était commis à la « garde » de saint Joseph : la<br />
virginité de Marie, ici est omise la désignation du<br />
trésor commis à la garde de saint Pierre et de ses<br />
successeurs : la virginité de la foi, en vertu du commandement<br />
du Seigneur (Lc 22, 32).
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 9<br />
« Dans la deuxième Lecture, saint P<strong>au</strong>l parle d’Abraham<br />
qui, “ espérant contre toute espérance, a cru ”<br />
(Rm 4, 18). Espérant contre toute espérance ! Aujourd’hui<br />
encore devant tant de traits de ciel gris, nous<br />
avons besoin de voir la lumière de l’espérance et de<br />
donner nous-mêmes espérance. »<br />
Quelle ? L’espérance du Ciel ? Non pas.<br />
« Garder la création, tout homme et toute femme,<br />
avec un regard de tendresse et d’amour, c’est ouvrir<br />
l’horizon de l’espérance, c’est ouvrir une trouée de<br />
lumière <strong>au</strong> milieu de tant de nuages »... vers le Ciel ?<br />
Non pas. Seulement vers le soleil : « ... c’est porter la<br />
chaleur de l’espérance ! »<br />
« Et pour le croyant, pour nous chrétiens, comme<br />
Abraham, comme saint Joseph, l’espérance que nous<br />
portons à l’horizon de Dieu qui nous a été ouvert dans<br />
le Christ, est fondée sur le rocher qui est Dieu. »<br />
Et c’est quoi ? Il ne le dira pas, lui qui est pourtant<br />
le “ roc ” sur lequel Jésus a bâti son Église. Il n’a pas<br />
parlé du Ciel ! Et pourtant il a engagé les cardin<strong>au</strong>x à<br />
« marcher », mais sans dire vers quel but ! Peut-être<br />
n’a-t-il jamais lu sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus :<br />
« MARCHONS EN PAIX en regardant le Ciel, l’ UNIQUE but<br />
de nos trav<strong>au</strong>x. » (Lettre à Céline, 27 avril 1889)<br />
« Garder Jésus et Marie, garder la création tout<br />
entière, garder chaque personne, spécialement la plus<br />
p<strong>au</strong>vre, nous garder nous-mêmes. »<br />
De quoi ? De l’enfer ? Ni le mot, ni la chose ne<br />
sont venus à la pensée du Pape.<br />
« Voici un service que l’Évêque de Rome est appelé<br />
à accomplir, mais <strong>au</strong>quel nous sommes tous appelés<br />
pour faire resplendir l’étoile de l’espérance : gardons<br />
avec amour ce que Dieu nous a donné ! »<br />
Ni Ciel, ni enfer. On comprend le souci de la<br />
Vierge Marie descendant du Ciel le 13 mai 1917 à la<br />
Cova da Iria, et faisant voir et entendre les cris sortis<br />
de l’enfer à François, Lucie et Jacinthe le 13 juillet, et<br />
longueur 120 mm = largeur de la colonne<br />
h<strong>au</strong>teur 90 mm<br />
Message <strong>au</strong>x cardin<strong>au</strong>x, assis mais tenant son discours. Pas de<br />
référence, car gratuit.<br />
longueur 87,5 mm = largeur de la colonne<br />
h<strong>au</strong>teur 120 mm<br />
Une main levée pour bénir (vitre plexiglace sans texte)<br />
copyright à vérifier<br />
17 mars 2013 : Bénédiction de François depuis la<br />
fenêtre de son futur appartement, adressée à la foule<br />
rassemblée place Saint-Pierre, lors de son premier<br />
Angélus.<br />
« Jésus ne se lasse jamais de nous pardonner, mais<br />
nous, parfois, nous nous fatiguons de demander pardon. »<br />
© GIULIANI/CPP/CIRIC<br />
leur disant : « SACRIFIEZ-VOUS POUR LES PÉCHEURS, ET<br />
DITES SOUVENT À JÉSUS, SPÉCIALEMENT LORSQUE VOUS<br />
FEREZ UN SACRIFICE : “ Ô mon Jésus, pardonnez-nous nos<br />
péchés, préservez-nous du feu de l’enfer, et conduisez <strong>au</strong><br />
« Chers frères cardin<strong>au</strong>x, notre<br />
rencontre de ce jour veut être une<br />
sorte de prolongement de l’intense<br />
communion ecclésiale que nous<br />
avons expérimentée ... Animés d’un<br />
profond sens de notre responsabilité<br />
et soutenus par un grand amour<br />
pour le Christ et pour l’Église, nous<br />
avons prié ensemble, partageant<br />
fraternellement nos sentiments, nos<br />
expériences et nos réflexions... Et<br />
cette connaissance et cette ouverture<br />
mutuelles nous ont aidés à être<br />
dociles à l’action de l’Esprit-Saint.<br />
« C’est lui, le Paraclet, l’acteur<br />
principal et suprême. »<br />
© ServizioFotograficoOR/CPP/CIRIC
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 10<br />
Ciel toutes les âmes, surtout celles qui ont le plus besoin de<br />
votre miséricorde. ” »<br />
Que ce soit notre façon de mettre en pratique la<br />
conclusion du pape François :<br />
« Je demande l’intercession de la Vierge Marie, de<br />
saint Joseph, des saints Pierre et P<strong>au</strong>l, de saint<br />
François, afin que l’Esprit-Saint accompagne mon ministère,<br />
et je vous dis à tous : priez pour moi ! Amen. »<br />
VA, FRANÇOIS,<br />
RECONSTRUIS MON ÉGLISE « À MOITIÉ EN RUINE » !<br />
Mercredi 20 mars, à l’heure de l’Angélus, le pape<br />
François recevait, salle Clémentine, « les délégations des<br />
<strong>au</strong>tres Églises et confessions chrétiennes, ainsi que des<br />
<strong>au</strong>tres religions », venues assister à son intronisation.<br />
« Hier matin, pendant la messe, leur a-t-il dit, j’ai ressenti<br />
de manière pressante la prière pour l’unité de tous<br />
les croyants dans le Christ, et vu en même temps une<br />
préfiguration de sa pleine réalisation »... et c’est vrai<br />
que leur présence à cette cérémonie est déjà une reconnaissance<br />
de son primat... « qui dépend du plan de Dieu<br />
et de la sincérité de notre coopération. » C’était répondre<br />
en deux mots <strong>au</strong> discours insolent du « Patriarche<br />
œcuménique Barthélemy I er » qui s’était adressé<br />
<strong>au</strong> Saint-Père <strong>au</strong> nom de tous les membres de cette<br />
assemblée, juifs et musulmans compris ! en affirmant la<br />
nécessité pour « les Églises » – l’Église <strong>catholique</strong><br />
romaine étant considérée comme l’une d’entre elles ! –<br />
de revenir à la foi du premier millénaire, d’avant leur<br />
schisme donc ! En récusant les progrès dogmatiques<br />
du deuxième. Le rejet des conciles de Trente et de<br />
Vatican I, <strong>au</strong> nom du concile Vatican II... Il f<strong>au</strong>t le faire !<br />
Le Pape a poursuivi : « J’entame mon ministère<br />
apostolique en cette année que mon vénéré prédécesseur,<br />
le pape Benoît XVI, avec une intuition vraiment<br />
inspirée, a proclamé Année de la foi pour les <strong>catholique</strong>s.<br />
J’entends poursuivre cette initiative, qui je l’espère,<br />
sera un stimulant pour le cheminement de foi de<br />
chaque fidèle. Il a voulu marquer le cinquantième anniversaire<br />
du concile Vatican II, en proposant une sorte<br />
de pèlerinage vers ce qui est l’essentiel pour un<br />
chrétien : la relation personnelle et la conversion avec<br />
Jésus-Christ, Fils de Dieu, mort et ressuscité pour notre<br />
salut. Le cœur du message conciliaire est notre désir de<br />
proclamer le trésor toujours valable de la foi <strong>au</strong>x<br />
hommes de notre temps. Personne ne peut oublier la<br />
place du Concile dans le processus œcuménique...<br />
L’Église <strong>catholique</strong> considère de son devoir d’œuvrer à<br />
l’accomplissement du grand mystère qu’est l’unité que<br />
le Christ Jésus a ardemment demandé <strong>au</strong> Père Céleste<br />
à la veille de son sacrifice... Oui, chers frères et sœurs<br />
dans le Christ, sentons-nous intimement unis à la prière<br />
du S<strong>au</strong>veur lors de la dernière Cène, comme à son<br />
invocation UT UNUM SINT. Demandons <strong>au</strong> Père miséricordieux<br />
de vivre pleinement la foi que nous avons<br />
reçue comme un cade<strong>au</strong> le jour de notre baptême, afin<br />
de témoigner librement, avec joie et courage. »<br />
Une telle déclaration inclut la volonté de ramener<br />
dans le sein de l’UNAM SANCTAM tous les baptisés qui<br />
en vivent séparés, ou elle n’est rien. Pour notre part,<br />
nous n’avons garde d’ « oublier la place du Concile<br />
dans le processus œcuménique » entendu de cette<br />
façon. En commençant par proclamer la parfaite et<br />
unique unité de l’Église <strong>catholique</strong> romaine, telle<br />
qu’elle s’exprime dans le décret sur l’œcuménisme<br />
UNITATIS REDINTEGRATIO du 21 novembre 1964 :<br />
« En ceci est apparue la charité de Dieu pour nous,<br />
que le Fils unique de Dieu a été envoyé <strong>au</strong> monde par<br />
le Père pour que, par son Incarnation, il régénérât tout<br />
le genre humain, lui procurant la rédemption et le<br />
rassemblement en un tout. C’est lui qui, avant de s’offrir<br />
sur l’<strong>au</strong>tel de la croix comme hostie immaculée,<br />
adressa <strong>au</strong> Père cette prière pour ceux qui croiraient<br />
en lui : “ Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi<br />
et moi en toi ; qu’eux <strong>au</strong>ssi soient un en nous afin que le<br />
monde croie que tu m’as envoyé. ” (Jn 17, 21) Et il institua<br />
dans son Église l’admirable sacrement de l’Eucharistie<br />
qui exprime et réalise l’unité de l’Église. À ses disciples<br />
il donna un nouve<strong>au</strong> commandement d’amour<br />
mutuel et promit l’Esprit Paraclet qui resterait avec<br />
eux, Seigneur et vivificateur, jusque dans l’éternité.<br />
« Élevé sur la croix, puis entré dans la gloire, le<br />
Seigneur Jésus répandit l’Esprit qu’il avait promis.<br />
Par lui, il appela et réunit dans l’unité de la foi, de<br />
l’espérance et de la charité, le peuple de la Nouvelle<br />
Alliance qui est l’Église, selon l’enseignement de<br />
l’Apôtre : “ Il n’y a qu’un Corps et qu’un Esprit, comme<br />
il n’y a qu’une espérance <strong>au</strong> terme de l’appel que vous<br />
avez reçu : un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême.<br />
” (Ep 4, 4-5) “ Vous tous, en effet, baptisés dans le<br />
Christ, vous avez revêtu le Christ... Vous ne faites qu’un<br />
dans le Christ Jésus. » (Ga 3, 27-28) L’Esprit-Saint qui<br />
habite dans les croyants, qui remplit et régit toute<br />
l’Église, réalise cette admirable communion des fidèles<br />
et les unit tous si intimement dans le Christ, qu’il est<br />
le Principe de l’unité de l’Église. C’est lui qui réalise<br />
la diversité des grâces et des ministères, enrichissant<br />
de fonctions diverses l’Église de Jésus-Christ, “ organisant<br />
ainsi les saints pour l’œuvre du ministère en vue de la<br />
construction du Corps du Christ ” (Ep 4, 12).<br />
« Mais pour établir en tout lieu son Église sainte<br />
jusqu’à la consommation des <strong>siècle</strong>s, le Christ confia<br />
<strong>au</strong> collège des Douze l’office d’enseigner, de régir et<br />
de sanctifier. Parmi eux, il choisit Pierre sur lequel,<br />
après sa profession de foi, il décréta d’édifier son<br />
Église ; il lui promit les clefs du roy<strong>au</strong>me et, après que<br />
l’Apôtre lui eut donné l’attestation de son amour, il lui
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 11<br />
confia toutes les brebis pour les confirmer dans la foi<br />
et pour les paître en unité parfaite, Jésus-Christ luimême<br />
demeurant éternellement la suprême pierre angulaire<br />
et le Pasteur de nos âmes.<br />
« Au moyen de la fidèle prédication de l’Évangile<br />
faite par les Apôtres et par leurs successeurs, c’est-àdire<br />
les Évêques avec leur chef qui est le successeur de<br />
Pierre, par l’administration des sacrements et par le<br />
gouvernement dans l’amour, sous l’action du Saint-<br />
Esprit, Jésus-Christ veut que son peuple s’accroisse et il<br />
accomplit la communion dans l’unité par la profession<br />
d’une seule foi, par la célébration commune du culte<br />
divin, par la concorde fraternelle de la famille de Dieu.<br />
« Ainsi l’Église, seul troupe<strong>au</strong> de Dieu, comme un<br />
signe levé à la vue des nations, mettant <strong>au</strong> service de<br />
tout le genre humain l’Évangile de paix, accomplit<br />
dans l’espérance son pèlerinage vers le terme qu’est<br />
la patrie céleste.<br />
« Tel est le mystère sacré de l’unité de l’Église,<br />
dans le Christ et par le Christ, sous l’action de l’Esprit-Saint<br />
qui réalise la variété des ministères. De ce<br />
mystère, le modèle suprême et le principe sont l’unité,<br />
dans la Trinité des personnes, d’un seul Dieu Père,<br />
Fils en l’Esprit-Saint. »<br />
Si le pape François s’en tient à cette belle profession<br />
de foi, il assume tout l’héritage des <strong>siècle</strong>s,<br />
sans rien renier de ce qu’a fait et décidé l’Église dont<br />
il est le chef : il ne pourrait lui donner tort en quelqu’une<br />
de ses décisions majeures, ou dans leur ensemble,<br />
sans se rendre lui-même schismatique !<br />
Il lui f<strong>au</strong>dra donc répudier « l’indifférentisme du prologue<br />
du Décret qui présente les divisions des chrétiens<br />
actuels comme le péché de toutes les commun<strong>au</strong>tés,<br />
également coupables et scandaleuses. Et il répudiera le<br />
culpabilisme mis à la mode par P<strong>au</strong>l VI, qui consiste à<br />
demander pardon <strong>au</strong>x schismatiques et <strong>au</strong>x hérétiques<br />
actuels des f<strong>au</strong>tes supposées de l’Église du passé, considérées<br />
comme les raisons historiques de la dissidence<br />
de leurs Pères ! Vatican III n’éludera pas les responsabilités<br />
essentielles ni ne les partagera, il les déclarera ce<br />
qu’elles sont : le fait des hérétiques et schismatiques de<br />
jadis et de leurs héritiers actuels, non celui de Rome !<br />
« L’Église a la Vérité, l’Unité, la Sainteté, la Charité,<br />
si misérables que soient ses membres, passés et<br />
actuels ! Les prétendues “ Églises ” et commun<strong>au</strong>tés<br />
dissidentes ne sont pas dans l’ordre voulu de Dieu et<br />
ne jouissent pas du don de son Esprit. Leurs membres,<br />
à raison même de leur perfection, doivent revenir à<br />
l’Église romaine “ hors de laquelle il n’y a pas de salut ”<br />
« Les <strong>catholique</strong>s peuvent avoir tous les péchés<br />
possibles, leur forme <strong>catholique</strong>, leur appartenance à<br />
l’Église est sainte. Les dissidents peuvent avoir toutes<br />
les vertus, leur forme religieuse, leur appartenance à<br />
une dissidence est pécheresse et, s’ils y persistent délibérément,<br />
cette forme m<strong>au</strong>vaise compromet le tout de<br />
leur culte et les tient séparés de Dieu. » (G. de Nantes,<br />
PRÉPARER VATICAN III, p. 221)<br />
Le Pape s’est ensuite tourné vers les rabbins : « Ce<br />
qui nous lie a un lien spirituel très spécial, puisque le<br />
concile Vatican II a dit que l’Église du Christ reconnaît<br />
que les prémices de sa foi et de son élection se<br />
trouvent déjà, selon le mystère divin du salut dans les<br />
patriarches, dans Moïse et les prophètes... » Mais<br />
alors, qu’attendez-vous pour vous convertir ? Le pape<br />
François s’est retenu de poser cette question, se contentant<br />
d’ajouter : « Je suis convaincu qu’avec l’aide<br />
du Tout-Puissant nous poursuivrons avec profit le dialogue<br />
fraternel que le Concile a voulu et qui, ces<br />
dernières décennies, a porté ses fruits. » Puis le Pape<br />
a salué les représentants des <strong>au</strong>tres traditions religieuses,<br />
en premier lieu « les musulmans, qui adorent<br />
le Dieu unique, vivant et miséricordieux, et le prient ».<br />
C’est le même Dieu que nous ? L’abbé de Nantes<br />
avait lui <strong>au</strong>ssi le souci de « développer le dialogue<br />
dans le respect mutuel et la coopération, pour le bien<br />
commun de l’humanité », exprimé par le pape François.<br />
« Je veux bien », disait-il, à condition de ne pas<br />
oublier que ce Dieu est le Père de Jésus-Christ, ce<br />
que juifs et musulmans s’obstinent à nier. Dès lors,<br />
“ Dieu ” devient pour eux un mot qui a cessé de convenir<br />
à la réalité qu’il désigne.<br />
Mais le Pape n’entre pas dans cette controverse. On<br />
voit que c’est son amour des p<strong>au</strong>vres qui parle :<br />
« Ensemble nous pouvons faire be<strong>au</strong>coup pour le<br />
bien des plus démunis, des faibles et de qui souffre, pour<br />
promouvoir la justice, la réconciliation et la paix ».<br />
« Ensemble » avec les juifs et les musulmans ? Au<br />
moment où la France et la Grande-Bretagne s’apprêtent<br />
à livrer des armes <strong>au</strong>x rebelles syriens ! Complices<br />
des émirats du Golfe et de la Turquie ! Sans craindre<br />
que ces armes tombent entre les mains des djihadistes<br />
qui décideront de s’en servir ailleurs qu’en Syrie... par<br />
exemple <strong>au</strong> Mali contre les soldats français...<br />
<strong>La</strong> dévotion du Saint-Père pour la Vierge Marie,<br />
notre Mère à tous, à jamais ! ouvre une <strong>au</strong>tre voie,<br />
pour la paix du monde. Au centre de “ la politique de<br />
la Sainte Vierge ”, il y a « la Russie »... Depuis 1917...<br />
Or, par sa politique constante en faveur d’une solution<br />
politique et non militaire, la Russie se présente<br />
comme l’alliée indéfectible de Bachar el-Assad et la<br />
protectrice des minorités en même temps que la garante<br />
d’un droit international naguère bafoué en Libye.<br />
Le monde entier, et pas seulement la Syrie, est à feu et<br />
à sang, et le Pape attend la paix du dialogue interreligieux<br />
? alors que c’est à la Sainte Vierge que Dieu l’a<br />
confiée. Il suffirait <strong>au</strong> pape François de croire à la divine<br />
promesse de Notre-Dame de Fatima, et de consacrer la<br />
Russie <strong>au</strong> Cœur Immaculé de Marie pour assurer à ce<br />
pays un plein succès dans son rôle médiateur.<br />
Mais il f<strong>au</strong>t pour cela que François ne prétende pas<br />
apporter la paix comme ses prédécesseurs Jean, P<strong>au</strong>l,<br />
Jean-P<strong>au</strong>l et Benoît, mais comme Jésus la donne <strong>au</strong>jourd’hui<br />
: par le Cœur Immaculé de Marie.
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 12<br />
Très Saint Père,<br />
longueur 180 mm pleine page<br />
h<strong>au</strong>teur 120 mm<br />
copyright à vérifier<br />
ENVOI<br />
L’annonce de votre élection <strong>au</strong> souverain pontificat, <strong>au</strong> soir du mercredi 13 mars, a été pour notre<br />
commun<strong>au</strong>té une vive surprise. Mais votre simplicité, votre sourire qui nous ont rappelé ceux de votre<br />
prédécesseur Jean-P<strong>au</strong>l I er , nous ont immédiatement conquis. Et, rapidement, une joie indicible nous a envahis à<br />
mesure que se manifestaient votre foi sûre, votre piété ardente, et votre tendre dévotion à la Sainte Vierge. C’est<br />
alors qu’un frère m’a rappelé qu’en février 2003, notre Père fondateur, l’abbé Georges de Nantes, rappelé à Dieu<br />
il y a trois ans, avait eu votre photographie entre les mains et l’avait longuement contemplée, nous disant :<br />
« C’est vraiment la photographie d’un saint, je ne me lasse pas de la regarder. » D’ailleurs, vous répondez<br />
précisément <strong>au</strong>x aspirations de ce bien-aimé Père dont l’une des maximes était que « la p<strong>au</strong>vreté s<strong>au</strong>vera le<br />
monde », p<strong>au</strong>vreté que vous avez pour ainsi dire épousée comme votre patron saint François.<br />
Si p<strong>au</strong>vreté et simplicité sont deux vertus emblématiques de saint François d’Assise, elles nous font <strong>au</strong>ssi<br />
irrésistiblement penser à un <strong>au</strong>tre François, cher à nos cœurs, le bienheureux petit pâtre de Fatima, qui priait<br />
tellement et se sacrifiait « pour le Saint-Père ». Vous avez donc un intercesseur bien puissant <strong>au</strong>près de la Très<br />
Sainte Vierge. Peut-être même êtes-vous son élu, celui qu’elle a choisi pour consacrer la Russie à son Cœur<br />
Immaculé, ainsi qu’elle l’a demandé le 13 juin 1929 ? Peut-être êtes-vous celui qui a été montré à Jacinthe, la<br />
petite sœur de François dans ses visions prophétiques ?<br />
Quoi qu’il en soit, vous êtes le nouve<strong>au</strong> vicaire de Jésus-Christ, et je vous exprime l’hommage filial de toutes les<br />
commun<strong>au</strong>tés religieuses dont j’ai la charge. Pardonnez-moi de le faire publiquement, mais c’est dans l’espoir que<br />
ce témoignage de notre attachement dévoué et confiant vous atteindra ainsi plus sûrement que par voie “ privée ”.<br />
J’ose vous demander, Très Saint Père, votre chère bénédiction, pour moi-même et pour toutes nos<br />
commun<strong>au</strong>tés, qui sont vôtres, certain que, en vrai vicaire de celui qui a dit : « Demandez et l’on vous donnera »,<br />
vous ne s<strong>au</strong>riez y manquer.<br />
Je vous assure de nos prières, pour l’Église et pour vous-même, sous le regard de l’Immaculée, notre Mère<br />
à tous à jamais, afin qu’elle vous garde et qu’elle fasse de vous l’instrument diligent des volontés de son Cœur<br />
Immaculé qui ne sont <strong>au</strong>tres que celles de son Divin Fils,<br />
frère Bruno de Jésus-Marie<br />
pour les Petits frères et les Petites sœurs du Sacré-Cœur,<br />
et les membres laïcs de la Phalange de l’Immaculée.<br />
Le pape dépose son bouquet de fleurs à l’<strong>au</strong>tel de la Très Sainte Vierge, à la basilique Sainte-Marie-Majeure.<br />
© ServizioFotograficoOR/CPP/CIRIC
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 13<br />
Saint Matthieu choisit d’abord de présenter Jésus<br />
comme fils de David et Messie, par une généalogie<br />
qui part d’Abraham et passe par David (Mt 1, 1-17),<br />
et par les récits relatifs à sa naissance proprement<br />
messianique en accomplissement de la prophétie<br />
d’Isaïe :<br />
« Voici que la vierge concevra et enfantera un fils,<br />
et on l’appellera du nom d’Emmanuel, ce qui se<br />
traduit : Dieu avec nous. » (Mt 1, 23 ; cf. Is 7, 14)<br />
<strong>La</strong> naissance de Jésus à Bethléem accomplit la<br />
prophétie de Michée :<br />
CAMP NOTRE-DAME DE FATIMA 2012<br />
VII. LE ROYAUME DES CIEUX,<br />
SELON SAINT MATTHIEU<br />
NOUS connaissons par les ACTES DES APÔTRES et<br />
par les Épîtres de saint P<strong>au</strong>l le contenu de la<br />
première prédication chrétienne à Jérusalem. « Que<br />
toute la maison d’Israël le sache avec certitude, Dieu<br />
l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous, vous<br />
avez crucifié. » (Ac 2, 36)<br />
Le message de salut, le “ kérygme ” constituant la<br />
“ Bonne Nouvelle ”, l’Évangile, était centré sur la<br />
mort et la résurrection du Seigneur accomplissant les<br />
prophéties et instituant l’Israël nouve<strong>au</strong>, la commun<strong>au</strong>té<br />
des élus : « Hommes d’Israël, écoutez ces<br />
paroles. Jésus le Nazôréen, cet homme que Dieu a<br />
accrédité <strong>au</strong>près de vous par les miracles, prodiges<br />
et signes qu’il a opérés par lui <strong>au</strong> milieu de vous,<br />
ainsi que vous le savez vous-mêmes, cet homme qui<br />
avait été livré selon le dessein bien arrêté et la<br />
prescience de Dieu, vous l’avez pris et fait mourir en<br />
le clouant à la croix par la main des impies, mais<br />
Dieu l’a ressuscité, le délivrant des affres de l’Hadès.<br />
Aussi bien n’était-il pas possible qu’il fût retenu en<br />
son pouvoir... » (Ac 2, 22-24)<br />
Ainsi, très tôt, comme un document essentiel, fut<br />
racontée puis écrite la Passion du Christ (Mt 26 - 27).<br />
À celle-ci furent joints des récits d’apparitions,<br />
témoignages de première source garantissant la résurrection<br />
du Seigneur (Mt 28). Progressivement, la commun<strong>au</strong>té<br />
primitive s’enrichit d’un grand nombre de<br />
“ péricopes ”, courts récits rappelant les paroles ou les<br />
miracles du Seigneur.<br />
Le Nouve<strong>au</strong> Testament a donc pour matéri<strong>au</strong>x premiers<br />
des documents épars, utilisés dans la prédication<br />
FONDATEUR DE L’ ÉGLISE<br />
par la jeune commun<strong>au</strong>té, de même que le peuple de<br />
Dieu avait longtemps gardé ses traditions orales et ses<br />
documents isolés sans leur donner plus d’unité.<br />
Rassembler tous ces récits est une œuvre de synthèse<br />
qui demande à son <strong>au</strong>teur une idée d’ensemble.<br />
Comme dit saint Jean, si l’on voulait tout raconter,<br />
« le monde lui-même ne suffirait pas à contenir les<br />
livres qu’on en écrirait » (Jn 21, 25).<br />
Lorsque saint Luc décida, lui <strong>au</strong>ssi, après s’être<br />
informé exactement de tout depuis les origines, d’en<br />
écrire l’exposé suivi (Lc 1, 1-4), il le fit selon un<br />
ordre géographique, peut-être <strong>au</strong>ssi chronologique :<br />
depuis la Galilée jusqu’à Jérusalem.<br />
On retrouve cette disposition chez saint Marc.<br />
Il appartenait à saint Matthieu et à saint Jean<br />
d’oser proposer une synthèse originale, parce que<br />
tous deux, profondément juifs, longtemps penchés sur<br />
les Écritures, surent recevoir de l’Ancien Testament<br />
leur thème principal. Cela n’est pas facilement remarqué<br />
parce que tout le détail des documents rassemblés<br />
n’a pas de proportion avec le modèle ancien<br />
choisi ; ainsi les savants modernes sont obligés de<br />
reconnaître à nos récits une grande valeur historique.<br />
Saint Matthieu a pris modèle sur le DEUTÉRONOME.<br />
Il a vu en Jésus un nouve<strong>au</strong> Moïse, et il a rassemblé<br />
<strong>au</strong>tour de plusieurs grands discours, les événements<br />
et les miracles de la vie du S<strong>au</strong>veur les plus capables<br />
d’éclairer sa personnalité, tandis que les discours le<br />
montrent comme le fondateur du peuple nouve<strong>au</strong>,<br />
conduisant ses fidèles vers la Terre promise, le<br />
roy<strong>au</strong>me des Cieux.<br />
I. JÉSUS, PLUS GRAND QUE MOÏSE<br />
« Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es nullement<br />
le moindre des clans de Juda ; car de toi<br />
sortira un chef qui sera pasteur de mon peuple<br />
Israël. » (Mt 2, 6 ; cf. Mi 5, 1)<br />
Bien plus, Matthieu voit dans le Christ une sorte<br />
de symbole de l’Israël nouve<strong>au</strong>, qui a dû repasser<br />
par là où l’Israël mosaïque était passé et où il<br />
avait péché. Jésus est allé en Égypte, selon les<br />
prophéties annonçant un retour d’Israël en captivité<br />
: « D’Égypte, j’ai appelé mon fils. » (Mt 2, 15 ;<br />
cf. Os 11, 1)
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 14<br />
JÉSUS, VAINQUEUR DES DÉMONS.<br />
D’Égypte, il est sorti, il a reçu son baptême en<br />
entrant dans l’e<strong>au</strong> du Jourdain (Mt 3, 13-17), et surtout<br />
il a tenu tête <strong>au</strong> démon pendant quarante jours, préférant<br />
obéir à la Loi de Moïse plutôt que céder à ses<br />
tentations. En cela, Jésus se montre non seulement<br />
supérieur à l’Israël ancien qui avait péché dans le<br />
désert, mais il s’oppose <strong>au</strong>x idées de ses contemporains<br />
sur le Messie qu’ils attendaient 1o comme un<br />
riche amenant la prospérité, 2o comme un th<strong>au</strong>maturge<br />
prestidigitateur, 3o comme un dominateur conquérant<br />
le monde. Jésus repousse tout cela (Mt 4, 1-10).<br />
<strong>La</strong> troisième tentation est la plus terrible, à<br />
laquelle succombe <strong>au</strong>jourd’hui la science orgueilleuse.<br />
Le démon a promis <strong>au</strong> savant moderne la<br />
domination de ce monde. <strong>La</strong> science a chassé Dieu.<br />
L’Homme voulait être “ libre ”, indépendant, seul. Il a<br />
oublié qu’en chassant Dieu, il ne chassait pas un<br />
tyran. Il repoussait le joug d’amour pour tomber dans<br />
l’esclavage odieux. <strong>La</strong> promesse du diable était fallacieuse.<br />
Il mentait. Il ment toujours.<br />
Celui qui donne la vraie liberté, c’est Dieu, par<br />
Jésus. Et en l’adorant lui seul, nous devenons les<br />
vrais fils du Créateur, possédant tout, mais le possédant<br />
de Lui. Vive la science chrétienne !<br />
Après avoir repoussé les tentations du démon, renouvelant<br />
la geste de Moïse, Jésus fait des miracles<br />
et enseigne, joignant ainsi les “ signes ” à la parole,<br />
pour susciter la foi et attacher à son œuvre qui sera<br />
celle du Juste souffrant, de l’Homme de douleur, du<br />
Crucifié : chassant le démon par la Croix.<br />
Le miracle vient à son heure pour prouver que l’<strong>au</strong>torité<br />
n’est pas usurpée : « Le soir venu, on lui présenta<br />
be<strong>au</strong>coup de démoniaques ; il chassa les esprits d’un<br />
mot, et il guérit tous les malades, afin que s’accomplît<br />
l’oracle d’Isaïe le prophète : “ Il a pris nos infirmités<br />
et s’est chargé de nos maladies. ” » (Mt 8, 16-17)<br />
Voilà fixée par saint Matthieu l’attitude de Jésus<br />
en face de la douleur des hommes. Il la prend sur lui.<br />
Non pas comme le th<strong>au</strong>maturge qui guérit simplement,<br />
mais comme l’ami qui adoucit la douleur des<br />
hommes en la partageant. Il est le S<strong>au</strong>veur par la<br />
Croix. Le miracle est épisodique, accessoire, accidentel.<br />
Ce qui demeure jusqu’à nous, c’est le Roy<strong>au</strong>me<br />
inst<strong>au</strong>ré par Jésus.<br />
LE ROYAUME DES CIEUX.<br />
Comme Moïse, annonçant la Loi de Dieu donnée<br />
à Israël, Jésus va donc former un peuple nouve<strong>au</strong>, <strong>au</strong><br />
milieu du peuple ancien. LE DISCOURS INAUGURAL DES<br />
“ BÉATITUDES ”, prononcé sur « la montagne » (Mt 5, 1),<br />
une des collines proches de Capharnaüm, comme sur<br />
un nouve<strong>au</strong> Sinaï, d’esprit “ eschatologique ”, ouvre<br />
les derniers temps :<br />
« Voyant les foules, il gravit la montagne, et<br />
quand il fut assis, ses disciples s’approchèrent de lui.<br />
Et prenant la parole, il les enseignait en disant :<br />
« Heureux les p<strong>au</strong>vres », réels <strong>au</strong>tant que de cœur,<br />
les humbles, les petits, « car le roy<strong>au</strong>me des Cieux est<br />
à eux », dès maintenant.<br />
« Heureux les doux », car ils iront <strong>au</strong> Ciel dont<br />
« la terre » promise était la figure.<br />
« Heureux les affligés, car ils seront consolés. »<br />
On dirait que Jésus fait le portrait de saint Joseph !<br />
« Heureux les affamés et assoiffés de la justice »,<br />
comme était saint Joseph, « homme juste » (Mt 1, 19),<br />
« car ils seront rassasiés ». Comblés ! « Joseph, fils de<br />
David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ta<br />
femme. »<br />
« Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront<br />
miséricorde. »<br />
« Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. »<br />
« Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés<br />
fils de Dieu. »<br />
« Heureux les persécutés pour la justice, car le<br />
Roy<strong>au</strong>me des Cieux est à eux. »<br />
« Heureux êtes-vous quand on vous insultera, qu’on<br />
vous persécutera, et qu’on dira f<strong>au</strong>ssement contre vous<br />
toute sorte d’infamie à c<strong>au</strong>se de moi. Soyez dans la joie<br />
et l’allégresse, car votre récompense sera grande dans<br />
les cieux : c’est bien ainsi qu’on a persécuté les prophètes,<br />
vos devanciers. ” » (Mt 5, 1-12)<br />
Les Apôtres sont les successeurs des prophètes. Un<br />
discours leur est consacré. Mais Jésus, en son propre<br />
nom, achève la Loi de Moïse en la transfigurant :<br />
« N’allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou<br />
les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir.<br />
Car je vous le dis, en vérité : avant que ne<br />
passent le ciel et la terre, pas un i, pas un point sur l’i,<br />
ne passera de la Loi, que tout ne soit réalisé. Celui<br />
donc qui violera l’un de ces moindres préceptes, et enseignera<br />
<strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres à faire de même, sera tenu pour le<br />
moindre dans le Roy<strong>au</strong>me des Cieux ; <strong>au</strong> contraire,<br />
celui qui les exécutera et les enseignera, celui-là sera<br />
tenu pour grand dans le Roy<strong>au</strong>me des Cieux.<br />
« Car je vous le dis : si votre justice ne surpasse pas<br />
celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas<br />
dans le Roy<strong>au</strong>me des Cieux. » (Mt 5, 17-20)<br />
Comme un scribe veille avec un soin jaloux à<br />
n’omettre <strong>au</strong>cun iota ni <strong>au</strong>cun trait qu’il regarde<br />
comme essentiels à une bonne lecture, ainsi Dieu a soin<br />
de tous les germes déposés par lui dans la révélation.<br />
Elle <strong>au</strong>ssi offre bénédictions (Mt 5) ou malédictions <strong>au</strong><br />
nombre de sept (Mt 23, 13-32). Concernant le roy<strong>au</strong>me :<br />
elles disent qui en prendra possession, qui en sera<br />
privé, comme jadis, de la Terre promise (cf. Dt 28).<br />
Or, la Loi nouvelle, c’est de nouve<strong>au</strong> la Loi<br />
mosaïque, dépouillée de toute casuistique qui la rendait<br />
impraticable (Mt 23, 13), rendue à la spontanéité<br />
héroïque de l’amour :
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 15<br />
« Vous avez entendu qu’il a été dit : Tu aimeras ton<br />
prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi je vous<br />
dis : Aimez vos ennemis, et priez pour vos persécuteurs,<br />
afin de devenir fils de votre Père qui est <strong>au</strong>x Cieux, car<br />
il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons,<br />
et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. Car<br />
si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense<br />
<strong>au</strong>rez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas<br />
<strong>au</strong>tant ? Et si vous réservez vos saluts à vos frères, que<br />
faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes<br />
n’en font-ils pas <strong>au</strong>tant ? Vous donc, vous serez parfaits<br />
comme votre Père céleste est parfait. » (Mt 5, 43-48)<br />
Si la Loi de Moïse n’avait été qu’une loi réglant<br />
les devoirs positifs, soci<strong>au</strong>x et même religieux, on<br />
pourrait dire que, désormais, elle avait cessé d’exister<br />
puisque Jésus propose un <strong>au</strong>tre mobile que l’obligation,<br />
celui de la charité, laquelle peut toujours être<br />
plus parfaite... L’homme n’est pas esclave de préceptes<br />
mais fils de Dieu ! « Vous donc, vous serez parfaits<br />
comme votre Père Céleste est parfait. » (Mt 5, 48)<br />
Mais les commandements ainsi vivifiés sont, comme<br />
dans le Deutéronome, enrobés dans un discours où<br />
paraît la bonté paternelle de Dieu, cherchant le bien<br />
de l’homme, et jetant sans cesse le regard sur lui :<br />
« Pour toi, quand tu fais l’<strong>au</strong>mône, que ta main<br />
g<strong>au</strong>che ignore ce que fait ta main droite, afin que ton<br />
<strong>au</strong>mône soit secrète ; et ton Père, qui voit dans le secret,<br />
te le rendra. » (Mt 6, 3-4)<br />
« Pour toi, quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton<br />
visage, pour que ton jeûne soit connu, non des hommes,<br />
mais de ton Père qui est là, dans le secret ; et ton Père,<br />
qui voit dans le secret, te le rendra. » (Mt 6, 17-18)<br />
Toutefois, que l’homme ne s’en tienne pas à de<br />
bonnes paroles, mais qu’il mette en pratique :<br />
« Ce n’est pas en me disant : Seigneur, Seigneur,<br />
qu’on entrera dans le Roy<strong>au</strong>me des Cieux, mais c’est en<br />
faisant la volonté de mon Père qui est dans les cieux »<br />
(Mt 7, 21), ce qui est bien une idée du Deutéronome<br />
(Dt 5, 32 - 6, 3). Jésus est législateur et juge, « car il<br />
les enseignait en homme qui a <strong>au</strong>torité, et non pas<br />
comme leurs scribes » (Mt 7, 29).<br />
MISSION DES DISCIPLES : MATTHIEU 10.<br />
Jésus, comme Moïse, en vient à ne pouvoir suffire<br />
à l’enseignement de tout un peuple.<br />
En trois récits (Ex 18, 18 ; Nb 11, 16-18 ; 24, 70 ;<br />
Dt 1, 9-17), l’Ancien Testament montre Moïse choisissant<br />
soixante-dix “ juges ” pour délégués. Ceux-ci reçoivent<br />
son Esprit (Nb 11, 25).<br />
De même, Jésus, voyant le troupe<strong>au</strong> sans pasteur,<br />
« las et prostré » comme jadis le peuple dans le désert,<br />
choisit douze disciples et leur délègue son pouvoir<br />
de guérir, puis les envoie <strong>au</strong>x seuls enfants d’Israël<br />
proclamer le roy<strong>au</strong>me de Dieu : « Ayant appelé à<br />
lui ses douze disciples, Jésus leur donna pouvoir sur<br />
les esprits impurs, de façon à les expulser et à guérir<br />
toute maladie et toute langueur. » (Mt 10, 1).<br />
Dans un discours apostolique, sont rassemblées les<br />
instructions qu’il leur donna pour la mission. Elles<br />
correspondent <strong>au</strong>x exhortations faites par Moïse <strong>au</strong>x<br />
Hébreux sur la fidélité qu’il leur f<strong>au</strong>drait garder <strong>au</strong><br />
milieu des païens lorsqu’ils <strong>au</strong>raient gagné la Terre<br />
promise : « Ne prenez pas le chemin des païens et n’entrez<br />
pas dans une ville de Samaritains ; allez plutôt vers<br />
les brebis perdues de la maison d’Israël. Chemin faisant,<br />
proclamez que le Roy<strong>au</strong>me des Cieux est tout<br />
proche. Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez<br />
les lépreux, expulsez les démons. Vous avez reçu<br />
gratuitement, donnez gratuitement. » (Mt 10, 5-8)<br />
Ce deuxième discours est précédé du récit de la<br />
tempête apaisée. L’épisode historique est lui-même<br />
une parabole en action :<br />
Jésus étant monté dans la barque avec ses disciples,<br />
« voici qu’une grande agitation se fit dans la mer, <strong>au</strong><br />
point que la barque était couverte par les vagues. Lui<br />
cependant dormait. S’étant approchés, ils le réveillèrent<br />
en disant : “ Au secours, Seigneur, nous périssons<br />
! ” Il leur dit : “ Pourquoi avez-vous peur, gens de<br />
peu de foi ? ” Alors, s’étant levé, il menaça les vents et<br />
la mer, et il se fit un grand calme. Saisis d’étonnement,<br />
les hommes se dirent alors : “ Quel est celui-ci, que<br />
même les vents et la mer lui obéissent ? ” » (Mt 8, 23-27)<br />
Jésus veille toujours sur les siens, même quand il<br />
dort. Il f<strong>au</strong>t le croire.<br />
Dans un troisième discours, saint Matthieu rassemble<br />
les paraboles. Ce discours parabolique est<br />
destiné à montrer que le règne de Dieu est celui<br />
d’un Messie caché. « Le semeur sortit pour semer sa<br />
semence... » (Mt 13). Notre-Seigneur ne dit pas qui<br />
est le semeur, il ne parle que de la semence, et la<br />
semence est sa Parole. Elle produit du fruit selon<br />
les dispositions des âmes qui la reçoivent : âmes<br />
desséchées des pharisiens, âmes des hérodiens et des<br />
sadducéens remplies de ronces, âmes superficielles<br />
des Galiléens qui le suivront d’enthousiasme, mais<br />
pas longtemps, parce qu’il n’y a pas de fond. Mais<br />
il y a <strong>au</strong>ssi « la bonne terre » où le bon grain va<br />
donner du fruit, « l’un cent, l’<strong>au</strong>tre soixante, l’<strong>au</strong>tre<br />
trente ». Ce sont des rendements prodigieux dignes<br />
de la terre de Canaan !<br />
C’est dire que cette commun<strong>au</strong>té, cette famille que<br />
Notre-Seigneur rassemble <strong>au</strong>tour de lui, est le fruit de<br />
la Parole de Dieu et de l’écho qu’elle trouve dans les<br />
âmes. Ce n’est pas le peuple juif en tant que tel qui<br />
va retrouver son indépendance...<br />
Un discours ecclésiastique donne des précisions<br />
sur l’organisation terrestre du “ roy<strong>au</strong>me ”, l’Église<br />
(Mt 16, 18), et la vie de la commun<strong>au</strong>té (Mt 18).<br />
Un discours eschatologique (Mt 24 - 25), véritable
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 16<br />
prophétie analogue <strong>au</strong> troisième discours de Moïse<br />
dans le Deutéronome, annonce les calamités futures.<br />
Enfin, comme le fondateur du peuple d’Israël,<br />
Jésus voit venir la mort, il l’annonce (Mt 16, 21-23 ;<br />
Nous pouvons revenir maintenant sur le dessein de<br />
l’Évangéliste pour n’en plus retenir que les grandes<br />
lignes : sept chapitres (Mt 5 - 7 ; 10 ; 13 ; 18 et 24)<br />
composés de cinq discours munis de leurs introductions<br />
relatant faits et gestes significatifs.<br />
Jésus s’impose comme le nouve<strong>au</strong> Moïse, d’un<br />
bout à l’<strong>au</strong>tre. Non seulement dans le discours in<strong>au</strong>gural<br />
sur la “ montagne ” (Mt 5, 1), mais dans les cinq<br />
livrets. Il est le successeur d’Élie qui reparaît en<br />
Jean-Baptiste, le dernier des prophètes. Et à partir de<br />
la mort de Jean-Baptiste, Pierre apparaît et demeure à<br />
côté de Jésus jusqu’à la fin comme son successeur,<br />
quoique inférieur.<br />
Au cours de cette brève vie publique, nous voyons<br />
Jésus prendre progressivement la tête d’une nouvelle<br />
commun<strong>au</strong>té ouverte à tous :<br />
« Comme il était à table dans la maison, voici<br />
que be<strong>au</strong>coup de publicains et de pécheurs vinrent<br />
se mettre à table avec Jésus et ses disciples. Ce<br />
qu’ayant vu, les pharisiens disaient à ses disciples :<br />
“ Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et<br />
les pécheurs ? ” Mais lui, qui avait entendu, dit : “ Ce<br />
ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin de<br />
médecin, mais les malades. Allez donc apprendre ce que<br />
signifie : C’est la miséricorde que je veux, et non le<br />
sacrifice. En effet, je ne suis pas venu appeler les justes,<br />
mais les pécheurs. ” » (Mt 9, 10-13).<br />
Puis, devant l’incompréhension des juifs et l’hostilité<br />
des pharisiens, il lui f<strong>au</strong>t distinguer cette commun<strong>au</strong>té,<br />
enfin l’opposer à la totalité du peuple élu, lui<br />
donnant pour but l’évangélisation du monde en son<br />
nom, dans l’attente de la délivrance :<br />
« Cette Bonne Nouvelle du Roy<strong>au</strong>me sera proclamée<br />
dans le monde entier, en témoignage à la face de toutes<br />
les nations. Et alors viendra la fin. » (Mt 24, 14).<br />
<strong>La</strong> mort de Jean-Baptiste est l’articulation de<br />
cette évolution (Mt 14, 3-12).<br />
Elle entraîne une série d’actions nouvelles, toutes<br />
dominées par la perspective de la mort de Jésus luimême<br />
:<br />
« À dater de ce jour, Jésus commença de montrer<br />
à ses disciples qu’il lui fallait s’en aller à Jérusalem,<br />
y souffrir be<strong>au</strong>coup de la part des anciens, des<br />
grands prêtres et des scribes, être tué et, le troisième<br />
jour, ressusciter. Pierre, le tirant à lui, se mit à le<br />
morigéner en disant : “ Dieu t’en préserve, Seigneur !<br />
Non, cela ne t’arrivera point ! ” Mais lui, se retour-<br />
17, 22-23 ; 20, 17-19). Et ses dernières paroles, comme<br />
celles de Moïse, sont de bénédiction, avant de remonter<br />
<strong>au</strong> Ciel : « Et voici que je suis avec vous jusqu’à la fin<br />
du monde. » (Mt 28, 20).<br />
II. L’ÉGLISE DANS LA PURE TRADITION<br />
nant, dit à Pierre : “ Passe derrière moi, Satan ! tu me<br />
fais obstacle, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu,<br />
mais celles des hommes ! ” » (Mt 16, 21-23)<br />
Les pensées de Dieu, Pierre va les entendre de ses<br />
oreilles sur la montagne de la Transfiguration : « Six<br />
jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques, et<br />
Jean son frère, et les emmène, à l’écart, sur une<br />
h<strong>au</strong>te montagne. Et il fut transfiguré devant eux : son<br />
visage resplendit comme le soleil, et ses vêtements<br />
devinrent blancs comme la lumière.<br />
« Et voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui<br />
s’entretenaient avec lui. Pierre alors, prenant la parole,<br />
dit à Jésus : “ Seigneur, il est heureux que nous<br />
soyons ici ; si tu le veux, je vais faire ici trois tentes,<br />
une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. ” Comme<br />
il parlait encore, voici qu’une nuée lumineuse les prit<br />
sous son ombre, et voici qu’une voix disait de la<br />
nuée : “ Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma<br />
faveur, écoutez-le. ” À cette voix, les disciples tombèrent<br />
sur leurs faces, tout effrayés. Mais Jésus, s’approchant,<br />
les toucha et leur dit : “ Relevez-vous, et<br />
n’ayez pas peur. ” Et eux, levant les yeux, ne virent<br />
plus personne que lui, Jésus, seul. » (Mt 17, 1-8)<br />
Jésus transfiguré apparaît comme le nouve<strong>au</strong><br />
Moïse, rencontrant Dieu sur un nouve<strong>au</strong> Sinaï dans la<br />
nuée, le visage lumineux, assisté de Moïse et Élie qui<br />
ont eux-mêmes rencontré Dieu sur le mont Sinaï,<br />
personnifiant la Loi et les Prophètes que Jésus vient<br />
accomplir (Mt 5, 17). <strong>La</strong> voix céleste ordonne de<br />
« l’écouter » comme le nouve<strong>au</strong> Moïse annoncé par ce<br />
dernier dans le Deutéronome comme un <strong>au</strong>tre luimême<br />
: « Yahweh ton Dieu suscitera pour toi, du<br />
milieu de toi, parmi tes frères, un prophète comme<br />
moi, que vous écouterez. » (Dt 18, 15)<br />
Cependant, il va mourir. Il prépare alors son<br />
Église, lui donne un chef désigné :<br />
« Arrivé dans la région de Césarée de Philippe,<br />
Jésus posa à ses disciples cette question : “ Au dire<br />
des gens, qu’est le Fils de l’homme ? ” Ils dirent :<br />
“ Pour les uns, Jean le Baptiste ; pour d’<strong>au</strong>tres, Élie ; pour<br />
d’<strong>au</strong>tres encore, Jérémie ou quelqu’un des prophètes. ”<br />
« “ Mais pour vous, leur dit-il, qui suis-je ? ” Simon-<br />
Pierre répondit : “ Tu es le Christ, le Fils du Dieu<br />
vivant. ”<br />
« En réponse, Jésus lui dit : “ Tu es heureux, Simon<br />
fils de Jonas, car cette révélation t’est venue, non de la<br />
chair et du sang, mais de mon Père qui est dans les
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 17<br />
cieux. Eh bien ! moi je te dis : Tu es Pierre, et sur cette<br />
pierre je bâtirai mon Église, et les Portes de l’enfer ne<br />
prév<strong>au</strong>dront pas contre elle. Je te donnerai les clefs du<br />
Roy<strong>au</strong>me des Cieux : quoi que tu lies sur la terre, ce<br />
sera tenu dans les cieux pour lié, et quoi que tu délies<br />
sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour délié. ”<br />
« Alors il ordonna <strong>au</strong>x disciples de ne dire à<br />
personne qu’il était le Christ.<br />
« À dater de ce jour, Jésus commença de montrer<br />
à ses disciples qu’il lui fallait s’en aller à Jérusalem,<br />
y souffrir be<strong>au</strong>coup de la part des anciens, des<br />
grands prêtres et des scribes, être tué et, le troisième<br />
jour, ressusciter. » (Mt 16, 13-21)<br />
Jésus institue le banquet sacré de sa commun<strong>au</strong>té<br />
Si nous nous demandons maintenant comment une<br />
telle représentation de Jésus fut possible, nous devons<br />
penser que d’abord elle fut véritable. Elle correspond<br />
trop bien <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres sources évangéliques, elle est<br />
trop près des événements, et si immédiatement composée<br />
de fragments traditionnels reposant sur témoignage<br />
oral direct pour qu’on en doute. C’est bien le<br />
Jésus de l’histoire.<br />
Mais en même temps, il n’est pas là tout entier.<br />
D’<strong>au</strong>tres écrits, en particulier saint Jean et les Épîtres<br />
de saint P<strong>au</strong>l, nous en donnent une <strong>au</strong>tre idée...<br />
Comment Matthieu a-t-il pu ainsi choisir entre les<br />
faits et les paroles innombrables ce qui était favorable<br />
à son arrangement ? L’abbé de Nantes, notre Père,<br />
répond : en fonction de l’état de la commun<strong>au</strong>té chrétienne<br />
avant la chute de Jérusalem, et de la tradition<br />
des commun<strong>au</strong>tés antérieures qu’elle reprenait.<br />
Une première marque étonnante de cet Évangile est<br />
l’absence totale d’allusion à la liturgie des sacrifices. Il<br />
n’est question du Temple que lorsque Jésus en chasse les<br />
vendeurs : « Il y a ici plus que le Temple. » (Mt 12, 6)<br />
Matthieu <strong>au</strong>rait voulu ressusciter la commun<strong>au</strong>té<br />
du désert, il n’<strong>au</strong>rait pas écrit <strong>au</strong>trement, mais il ne<br />
l’<strong>au</strong>rait pu si vraiment la réalité n’avait pas été telle.<br />
D’ailleurs, selon les Actes eux-mêmes, la commun<strong>au</strong>té<br />
chrétienne de Jérusalem vivait à part du Temple, y<br />
participant sans doute <strong>au</strong>x actes liturgiques mais n’y<br />
attachant plus la même importance. Jésus lui-même<br />
n’avait-il pas vécu la plus grande part de son apostolat<br />
en marge du Temple et de ses sacrifices ?<br />
C’était d’ailleurs une tradition des commun<strong>au</strong>tés<br />
“ pieuses ”, celle de Damas, celle de Qumrân, et très<br />
probablement celle du Baptiste, de ne plus chercher<br />
tellement leur religion dans la liturgie du Temple, mais<br />
plutôt dans la pratique de la Loi en commun<strong>au</strong>té !<br />
Ainsi, tout en demeurant fidèles “ pratiquants ”, les<br />
chrétiens avaient surtout besoin de fixer l’enseignement<br />
neuf de Jésus sur la Loi, la pureté du cœur, la<br />
par la multiplication des pains (Mt 14, 13-21 ; 15, 32-<br />
38), dont il instituera la forme parfaite à la Cène ;<br />
enfin, il décrit et explique à ses fidèles les derniers<br />
temps (Mt 24, 37-44). « Comme <strong>au</strong>x jours de Noé... »<br />
Alors, il peut mourir ! « Et il advint, quand Jésus<br />
eut achevé tous ces discours, qu’il dit à ses disciples<br />
: “ <strong>La</strong> Pâque, vous le savez, tombe dans deux<br />
jours, et le Fils de l’homme va être livré pour être<br />
crucifié. ” » (Mt 26, 1-2)<br />
C’est-à-dire offrir le sacrifice parfait dont Abraham<br />
connut la figure, sous la forme annoncée par<br />
Melchisédech, roi de Salem, lorsqu’il apporta du pain<br />
et du vin, et <strong>au</strong>quel Abraham « donna la dîme de<br />
tout » (Gn 14, 18-20).<br />
III. ÉGLISE NEUVE CEPENDANT<br />
prière, bref la perfection nouvelle que la commun<strong>au</strong>té<br />
pouvait proposer à ses membres.<br />
Mais une <strong>au</strong>tre marque <strong>au</strong>ssi frappante est le soin<br />
pris par l’Évangéliste de distinguer la commun<strong>au</strong>té du<br />
Christ de celle des disciples de Jean-Baptiste. Le<br />
nombre d’allusions à Jean est surprenant. Chaque fois,<br />
c’est pour souligner que Jésus est le Messie et qu’il<br />
in<strong>au</strong>gure une nouvelle ère. Il n’y a pas d’<strong>au</strong>tre maître<br />
véritable, ni de docteur, et Jean, le plus grand parmi<br />
les enfants des hommes, est le plus petit dans le<br />
roy<strong>au</strong>me des Cieux (Mt 11, 11). Pierre, <strong>au</strong> contraire,<br />
est distingué parce qu’il a compris que Jésus est le<br />
Christ et donc que la commun<strong>au</strong>té qui commence<br />
avec lui est radicalement neuve et définitive.<br />
C’était là sans doute le plus urgent enseignement que<br />
devait délivrer un Évangile. Il fallait donner à la commun<strong>au</strong>té<br />
chrétienne son radical caractère de souveraineté.<br />
Car, sans cette différence, créée par l’excellence<br />
divine de son fondateur, elle pouvait d’<strong>au</strong>tant mieux<br />
passer pour une simple suite semblable <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres,<br />
qu’elle en avait repris une foule de dispositions et<br />
d’usages pratiqués depuis longtemps. Matthieu ne craint<br />
pas de le laisser voir. Le discours ecclésiastique (Mt 18)<br />
et bien d’<strong>au</strong>tres textes proposent à la nouvelle commun<strong>au</strong>té<br />
le même esprit de “ famille ” : « C’est ainsi que<br />
vous traitera <strong>au</strong>ssi mon Père Céleste, si chacun de vous ne<br />
pardonne pas à son frère du fond de son cœur. » (Mt 18, 35)<br />
Jésus lui-même parle de “ l’Église ” pour désigner la<br />
commun<strong>au</strong>té qu’il institue. Comme les <strong>au</strong>tres, elle<br />
groupe des “ frères ” (Mt 12, 46-50 ; 18, 15 ; 18, 21-36 ;<br />
23, 8 ; 25, 40), et on peut y distinguer des “ prophètes ” et<br />
des “ justes ” (Mt 10, 41 ; 23, 29 et 13, 17) comme à<br />
Qumrân des laïcs et des prêtres. Mais que seraient des<br />
prêtres là où il n’y a pas de sacrifice ? Toutefois, le rite<br />
du banquet sacré, par deux fois accompli miraculeusement,<br />
est significatif d’une nouve<strong>au</strong>té : Jésus donne le<br />
pain <strong>au</strong>x Apôtres qui le distribuent <strong>au</strong> peuple, comme<br />
prêtres et lévites dans la liturgie du Temple (2 Ch 35, 13).
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 18<br />
Eux seuls seront admis à la Cène et y recevront la<br />
charge de réitérer ce rite.<br />
Le Christ est Maître et Docteur, unique. C’était de<br />
la même manière qu’était honoré à Qumrân le souvenir<br />
du Docteur de justice qui connaissait le mystère<br />
des Écritures et le jour du Jugement. Y a-t-il une<br />
pointe polémique ici ? Possible :<br />
« Pour vous, ne vous faites pas appeler “ Rabbi ” :<br />
car vous n’avez qu’un Maître, et tous vous êtes des frères.<br />
N’appelez personne votre “ Père ” sur la terre : car vous<br />
n’en avez qu’un, le Père Céleste. Ne vous faites pas non<br />
plus appeler “ Directeurs ” : car vous n’avez qu’un Directeur,<br />
le Christ. Le plus grand parmi vous sera votre serviteur.<br />
» (Mt 23, 8-10)<br />
De même que dans l’aveu simple de Jésus, disant<br />
son ignorance du Jour : « Quant à la date de ce jour, et<br />
à l’heure, personne ne les connaît, ni les anges des cieux,<br />
ni le Fils, personne que le Père, seul. » (Mt 24, 36)<br />
Pierre est choisi pour grand inspecteur, pour chef<br />
de la commun<strong>au</strong>té, qui décide souverainement des admissions<br />
et des excommunications (Mt 16, 18). Comme<br />
à Qumrân, cette <strong>au</strong>torité souveraine ne s’oppose pas à<br />
l’<strong>au</strong>torité semblable du Conseil devant lequel les<br />
frères doivent porter leurs différends (Mt 18, 17).<br />
Comme à Qumrân, comme parmi les disciples de<br />
Jean sans doute, sont loués l’humilité :<br />
« À ce moment les disciples s’approchèrent de<br />
Jésus et dirent : “ Qui donc est le plus grand dans le<br />
Roy<strong>au</strong>me des Cieux ? ” Il appela à lui un petit enfant,<br />
le plaça <strong>au</strong> milieu d’eux et dit : “ En vérité je vous le<br />
dis, si vous ne retournez à l’état des enfants, vous n’entrerez<br />
pas dans le Roy<strong>au</strong>me des Cieux. Qui donc se<br />
fera petit comme ce petit enfant-là, celui-là est le plus<br />
grand dans le Roy<strong>au</strong>me des Cieux. ” » (Mt 18, 1-4)<br />
Et à nouve<strong>au</strong> : « <strong>La</strong>issez les petits enfants et ne les<br />
empêchez pas de venir à moi ; car c’est à leurs pareils<br />
qu’appartient le Roy<strong>au</strong>me des Cieux. » (Mt 19, 14)<br />
Jésus loue <strong>au</strong>ssi la p<strong>au</strong>vreté : « Si tu veux être<br />
parfait, va, vends ce que tu possèdes et donne-le <strong>au</strong>x<br />
p<strong>au</strong>vres, et tu <strong>au</strong>ras un trésor dans les cieux ; puis viens,<br />
suis-moi. » (Mt 19, 21)<br />
Ou plus encore le détachement, la continence<br />
même : « Les disciples lui disent : “ Si telle est la condition<br />
de l’homme envers la femme, il n’est pas expédient<br />
de se marier. ” Il leur dit : “ Tous ne comprennent pas ce<br />
langage, mais ceux-là à qui c’est donné. Il y a, en effet,<br />
des eunuques qui sont nés ainsi du sein de leur mère, il<br />
y a des eunuques qui le sont devenus par l’action des<br />
hommes, et il y a des eunuques qui se sont eux-mêmes<br />
rendus tels à c<strong>au</strong>se du Roy<strong>au</strong>me des Cieux. Qui peut<br />
comprendre, qu’il comprenne ! ” » (Mt 19, 10-13)<br />
Enfin, il est demandé à celui qui se présente de<br />
réfléchir afin de ne s’engager qu’à bon escient. <strong>La</strong><br />
lutte contre le monde, même familial, les insidieux<br />
appels de l’infidélité sont toujours là, contre lesquels<br />
ensemble doivent lutter les frères, aidés par l’amour<br />
mutuel :<br />
« Si ton frère vient à pécher, va le trouver et reprendsle,<br />
seul à seul. S’il t’écoute, tu <strong>au</strong>ras gagné ton frère.<br />
S’il n’écoute pas, prends encore avec toi un ou deux<br />
<strong>au</strong>tres, pour que toute affaire soit décidée sur la parole<br />
de deux ou trois témoins. Que s’il refuse de les écouter,<br />
dis-le à la commun<strong>au</strong>té. Et s’il refuse d’écouter même la<br />
commun<strong>au</strong>té, qu’il soit pour toi comme le païen et le<br />
publicain. » (Mt 18, 15-17)<br />
Une petite comparaison évoque la ressemblance<br />
des institutions. Il arrivait d’excommunier, à Qumrân,<br />
des frères coupables. Mais lorsque ceux-ci s’enfonçaient<br />
dans le désert, condamnés à y mourir par fidélité<br />
à leurs engagements essentiels, pris de pitié, on<br />
allait les rechercher, assoiffés et mourants, et ils<br />
étaient réintégrés, simplement.<br />
N’est-ce pas la parabole de la brebis perdue ?<br />
En bref, une loi nouvelle qui assure la possession de<br />
la Terre promise, comme dans le DEUTÉRONOME, est<br />
l’objet de la méditation continuelle du scribe chrétien et<br />
de l’interprétation des prophètes, comme à QUMRÂN :<br />
« Et il leur dit : “ Ainsi donc tout scribe devenu disciple<br />
du Roy<strong>au</strong>me des Cieux est semblable à un propriétaire qui<br />
tire de son trésor du neuf et du vieux. ” » (Mt 13, 52)<br />
Mais, revenant à la douce humanité du DEUTÉRO-<br />
NOME, Jésus se présente comme le bon Maître qui<br />
appelle les simples, les petits, et ne les charge pas<br />
outre mesure :<br />
« Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le<br />
farde<strong>au</strong>, et moi je vous soulagerai. Chargez-vous de mon<br />
joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et<br />
humble de cœur, et vous trouverez soulagement pour vos<br />
âmes. Oui, mon joug est aisé et mon farde<strong>au</strong> léger. »<br />
(Mt 11, 28-30).<br />
Et cela est divin, tandis que la secte de Qumrân<br />
était l’ultime entreprise héroïque de l’homme pour<br />
verser du vin nouve<strong>au</strong> dans de vieilles outres !<br />
« Alors les disciples de Jean s’approchent de lui<br />
en disant : “ Pourquoi nous et les pharisiens jeûnonsnous,<br />
et tes disciples ne jeûnent pas ? ” Et Jésus leur<br />
dit : “ Les compagnons de l’époux peuvent-ils mener le<br />
deuil tant que l’époux est avec eux ? Mais viendront des<br />
jours où l’époux leur sera enlevé ; et alors ils jeûneront.<br />
Personne ne rajoute une pièce de drap non<br />
foulé à un vieux vêtement ; car le morce<strong>au</strong> rapporté<br />
tire sur le vêtement et la déchirure s’aggrave. On ne<br />
met pas non plus du vin nouve<strong>au</strong> dans des outres<br />
vieilles ; <strong>au</strong>trement, les outres éclatent, le vin se répand<br />
et les outres sont perdues. Mais on met du vin nouve<strong>au</strong><br />
dans des outres neuves, et l’un et l’<strong>au</strong>tre se conservent.<br />
” » (Mt 9, 14-17)<br />
frère Bruno de Jésus-Marie.
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 19<br />
LAVAL - PONTMAIN 2013<br />
QUAND L’ IMMACULÉE ET LE SACRÉ-CŒUR<br />
SAUVAIENT LA FRANCE EN PÉR<strong>IL</strong><br />
LES 19 et 20 janvier, nos bons amis de l’Ouest<br />
affrontèrent neige et verglas pour participer <strong>au</strong>x<br />
deux journées de pèlerinage prévues dans le diocèse<br />
de <strong>La</strong>val, d’année en année plus cher. Ce diocèse<br />
n’a-t-il pas été consacré depuis sa création en 1855 à<br />
l’Immaculée Conception qui, en retour, seize ans plus<br />
tard, l’a illuminé de sa merveilleuse apparition à<br />
Pontmain ? Nous étions une petite centaine à nous<br />
retrouver cette année dans l’église des Cordeliers de<br />
<strong>La</strong>val, <strong>au</strong>x splendides retables de <strong>Contre</strong>-<strong>Réforme</strong>,<br />
pour évoquer la figure de Mgr Urbain-René de Hercé,<br />
né à Mayenne le 6 février 1726, mort martyr à Vannes<br />
le 28 juillet 1795.<br />
DE LA CONTRE-RÉFORME...<br />
<strong>La</strong> Mesnie des Hercé illustre « cette robuste fidélité<br />
de l’ancienne France » : dix-neuf enfants, dont treize<br />
vécurent et, sur les treize, huit se consacrèrent <strong>au</strong><br />
service de Dieu. Urbain-René était le quatrième. Après<br />
un cursus d’études en Sorbonne, il fut ordonné prêtre<br />
et occupa pendant treize ans la charge de vicaire général<br />
de Nantes. En 1767, nommé évêque de Dol en<br />
Bretagne, le plus petit et le plus ancien des évêchés de<br />
Bretagne, il sera pendant vingt-quatre ans un modèle<br />
d’évêque de <strong>Contre</strong>-<strong>Réforme</strong>, se dévouant avec science<br />
et piété à son clergé et à ses fidèles, dont il gagna les<br />
cœurs <strong>au</strong> cours de missions prêchées par les eudistes.<br />
« En voyant cet évêque quitter sa ville épiscopale,<br />
le bien-être de son palais et de son manoir, fuir les<br />
honneurs et les jouissances de la Cour après lesquels<br />
couraient tant de ses collègues, pour venir <strong>au</strong> milieu<br />
des campagnes, <strong>au</strong>près des humbles recteurs qu’il traitait<br />
comme ses frères, apporter, dans les fatigues d’un<br />
lourd ministère, le pain spirituel, l’exemple de la piété<br />
<strong>au</strong>x p<strong>au</strong>vres cultivateurs, on comprend la vénération et<br />
la réputation de vertu dont il jouissait non seulement<br />
dans son propre diocèse, mais encore dans la Bretagne<br />
entière. » (Charles Robert, URBAIN DE HERCÉ, DERNIER<br />
ÉVÊQUE ET COMTE DE DOL, Paris, 1900, p. 50)<br />
Les “ Lumières ” répandant leurs ténèbres sur la<br />
société française, à commencer par les élites, Mgr de<br />
Hercé dénonça le mal du h<strong>au</strong>t de la chaire de vérité :<br />
« Siècle qu’on appelle le <strong>siècle</strong> du bon sens et de la<br />
raison. Mais quelle raison, grand Dieu ! raison qui a<br />
presque éteint la foi parmi nous, qui a avili la sainteté du<br />
culte, et qui a répandu dans les cœurs une corruption<br />
presque générale. Voilà les fruits funestes de cette philosophie,<br />
plus dangereuse que celle des païens, dont on<br />
nous étale les maximes dans cette foule d’écrits scandaleux<br />
qu’on débite depuis plusieurs années. »<br />
Sa droiture et son universelle compétence le firent<br />
choisir en 1780 comme député de la province ecclésiastique<br />
de Tours à l’Assemblée générale du Clergé de<br />
France, et parallèlement par les états de Bretagne pour<br />
défendre les intérêts de la province <strong>au</strong>près du Roi et de<br />
la Cour. C’est à ce double titre qu’<strong>au</strong> début de l’année<br />
1788, il fit une remontrance publique <strong>au</strong> roi Louis XVI.<br />
Le ministre principal, Loménie de Brienne, avait en effet<br />
passé un édit de Tolérance en faveur des protestants.<br />
C’était l’aboutissement du courant philosophique, la<br />
victoire de la “ Tolérance ” prêchée par Voltaire. Avant<br />
que l’édit soit enregistré <strong>au</strong> Parlement, il était encore<br />
temps d’intervenir. Ce que fit Mgr de Hercé en présence<br />
du Roi et de son Conseil, rappelant que l’hérésie ne<br />
s<strong>au</strong>rait bénéficier en France de “ droit social ” :<br />
« Les Constantin, les Théodose, les Charlemagne,<br />
en pareille circonstance, <strong>au</strong>raient convoqué un concile<br />
national. Si des raisons d’État ne permettent pas à<br />
Votre Majesté de suivre cet exemple, qu’elle ne refuse<br />
pas du moins <strong>au</strong> Clergé de France de l’entendre,<br />
lorsqu’il est sur le point de s’assembler et que des<br />
intérêts <strong>au</strong>ssi pressants et <strong>au</strong>ssi sacrés lui font un<br />
devoir de parler. C’est non seulement le vœu de tous<br />
les évêques de votre Roy<strong>au</strong>me, c’est en même temps<br />
celui de tous les vrais fidèles qui ont conservé dans le<br />
cœur l’amour de la Religion. C’est surtout le vœu de<br />
l’<strong>au</strong>guste princesse qu’une mort prématurée vient de<br />
nous enlever [ Madame Louise de France, décédée <strong>au</strong><br />
Carmel de Saint-Denis quelques jours plus tôt, le 23<br />
décembre 1787 ]...<br />
« Votre Majesté n’a point à craindre de notre part<br />
des déclamations dictées par la haine et par la passion<br />
; s’il nous arrive quelquefois de nous plaindre de<br />
l’aveuglement et de l’obstination de nos frères errants,<br />
c’est moins pour les proscrire que pour les rallier, s’il<br />
était possible, dans le sein de la véritable Église, leur<br />
Mère, que la simple abjuration de leurs erreurs peut<br />
consoler des pertes qu’elle a faites. Il n’est <strong>au</strong>cun<br />
évêque, j’ose le croire, qui ne fût disposé à faire le<br />
sacrifice de sa vie, s’il pouvait, à ce prix, obtenir de<br />
leur part un retour salutaire à la foi de leurs pères<br />
qu’ils ont abandonnée ; mais en même temps, Sire, il<br />
n’en est <strong>au</strong>cun qui ne doive être alarmé des révolutions<br />
que la nouvelle législation, adoptée par Votre Majesté,<br />
pourrait opérer dans l’État et dans la Religion, et le<br />
compte que Votre Majesté en rendrait à Dieu serait
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 20<br />
trop rigoureux pour qu’elle ne doive pas craindre de<br />
fermer les oreilles <strong>au</strong>x justes et respectueuses représentations<br />
que le Clergé ne pourrait se dispenser de<br />
lui faire. » (ibid., p. 177-178)<br />
Dans l’orgueil de sa bonté “ tolérante ”, Louis XVI<br />
n’accepta pas la remontrance, et le courageux évêque<br />
de Dol, sous le coup de la disgrâce royale, dut regagner<br />
la Bretagne dès le lendemain. « Si je cherchais à<br />
plaire <strong>au</strong>x hommes, écrivait-il à un Père eudiste, je ne<br />
serais pas ministre de Jésus-Christ. Il m’arrive ce<br />
qu’éprouvent tous les jours ceux qui disent la vérité ;<br />
je ne rougirai pas de souffrir pour sa défense. »<br />
... À LA CONTRE-RÉVOLUTION ...<br />
Quand éclata la Révolution, qu’il avait pressentie<br />
avec tant de lucidité, l’Athanase breton défendit pied à<br />
pied ses droits d’évêque et de comte de Dol, parce<br />
que c’étaient ceux de l’Église confiée à ses soins. Ses<br />
biens furent confisqués ; ses revenus, qui lui servaient<br />
à soutenir ses œuvres de charité, furent supprimés et,<br />
en attendant de supprimer le diocèse lui-même, un<br />
intrus fut installé à sa place. Mais lui préparait son<br />
clergé à de pires persécutions. Ainsi, pendant la retraite<br />
de Pâques 1791, il leur déclarait :<br />
« Satan, l’ennemi éternel de l’épouse immaculée qui<br />
nous est confiée, s’est encore déchaîné pour la poursuivre.<br />
Il était fixé dans les desseins secrets de Dieu<br />
que ses ministres donnassent <strong>au</strong> monde corrompu<br />
l’exemple de la souffrance et de la mort, en défense de<br />
la vérité... Ô mes dignes coopérateurs, ne pleurons<br />
pas la perte de nos biens ; pleurons sur les malheurs<br />
de notre infortunée patrie qui est sur le point de perdre<br />
l’Évangile ... Conservons le dépôt sacré qui nous a été<br />
confié par le père de famille ; résistons avec fermeté,<br />
comme une roche inébranlable ; luttons vaillamment<br />
contre des ennemis qui se servent contre nous des<br />
séductions les plus artificieuses et des persécutions les<br />
plus sanglantes. Ne perdons pas confiance ; le Dieu<br />
qui combat pour nous est plus fort que le monde et<br />
que toutes les fureurs de l’enfer... » (p. 234)<br />
Quelques jours après, il était contraint de quitter<br />
Dol et de se réfugier dans sa famille, en Mayenne.<br />
C’est là que l’atteignit le décret du 22 mars 1792,<br />
par lequel le Directoire du département signifiait <strong>au</strong>x<br />
prêtres réfractaires de la région de se rendre à <strong>La</strong>val<br />
pour y être inscrits. Tous les yeux se tournèrent vers<br />
l’évêque : on <strong>au</strong>rait voulu le s<strong>au</strong>ver, lui trouver une<br />
cachette sûre. Mais le prélat de répondre avec la calme<br />
assurance de l’apôtre : « Me préserve le Ciel de laisser<br />
échapper une si belle occasion de confesser le nom de<br />
Jésus-Christ ! Je dois l’exemple <strong>au</strong>x prêtres ; je serai<br />
trop heureux de me voir à leur tête dans la captivité. »<br />
Ils furent quatre cents, dans le seul département de<br />
la Mayenne, à obéir <strong>au</strong> décret et à se prêter à l’humiliante<br />
nécessité de répondre chaque jour à l’appel. Au<br />
milieu d’eux, l’attitude de Mgr de Hercé en imposait<br />
tellement que les sans-culottes étaient furieux. Bientôt,<br />
le Directoire résolut de les enfermer <strong>au</strong> couvent des<br />
Cordeliers, où ils furent entassés dans des conditions<br />
épouvantables et <strong>au</strong>raient connu le même sort que<br />
leurs confrères des Carmes à Paris, si l’Assemblée<br />
nationale n’avait voté en août une loi de déportation,<br />
que les <strong>au</strong>torités lavalloises s’empressèrent d’appliquer.<br />
Mgr de Hercé et son frère François furent parmi les<br />
derniers à s’embarquer <strong>au</strong> port de Saint-Malo pour l’île<br />
de Jersey. C’est là, <strong>au</strong> milieu de trois mille émigrés<br />
dont une majorité de prêtres, qu’ils suivirent avec angoisse<br />
le développement de la Terreur, puis la Croisade<br />
de l’Armée <strong>catholique</strong> et royale, passant la Loire pour<br />
faire jonction, dans quelque port de la Manche, avec<br />
les émigrés et les Anglais. Quand <strong>La</strong> Rochejaquelein<br />
s’empara de Dol-en-Bretagne et que fut connue l’imposture<br />
du prétendu “ évêque d’Agra ”, Mgr de Hercé<br />
demanda <strong>au</strong> pape Pie VI de le nommer lui-même<br />
Vicaire apostolique pour les provinces de l’Ouest et<br />
grand <strong>au</strong>mônier de l’Armée <strong>catholique</strong> et royale.<br />
... ET AU MARTYRE<br />
Mais quand lui parvint le bref du Pape, en date du<br />
25 janvier 1794, qui accédait à ses demandes, la “ Virée<br />
de Galerne ” s’était terminée tragiquement dans les<br />
marais de Savenay. Tout espoir n’était cependant pas<br />
perdu, car parmi les émigrés se forma un projet de<br />
débarquement en Bretagne, destiné à rallier les troupes<br />
chouannes de Cadoudal et les Vendéens de Charette.<br />
Mgr de Hercé accepta de participer à l’expédition, afin<br />
de rejoindre son troupe<strong>au</strong> et partager ses tribulations :<br />
« Dieu nous est témoin, écrivait-il à ses diocésains<br />
orphelins, que si du fond de cette terre étrangère,<br />
nous soupirons après le moment de voir finir notre<br />
exil, ce n’est ni l’indigence à laquelle nous sommes<br />
réduits, ni l’espoir de rentrer dans nos biens, ni l’ambition<br />
d’occuper une place éminente qui excite en<br />
nous cette extrême impatience ; mais le seul désir de<br />
nous réunir <strong>au</strong> troupe<strong>au</strong> que la Divine Providence<br />
nous a confié, de courir après tant de brebis égarées<br />
qui, malgré leur infidélité, ne cessent pas de nous être<br />
chères, de consoler par notre présence ceux qui souffrent<br />
pour la foi de Jésus-Christ, de solliciter pour eux<br />
ses grâces et ses miséricordes, et de nous immoler nousmêmes,<br />
s’il nous en trouvait dignes, pour un troupe<strong>au</strong><br />
chéri <strong>au</strong>quel nous voudrions rendre la tranquillité, le<br />
bonheur et la paix <strong>au</strong> prix de tout notre sang. » (p. 375)<br />
Dans un magnifique mandement, daté du 1 er janvier<br />
1795, qu’on retrouvera sur lui après sa mort, il écrivait :<br />
« Oui, mes très chers frères, l’Église de France ne<br />
fut jamais si célèbre et si digne d’admiration que<br />
pendant ses dernières épreuves. <strong>La</strong> persécution l’a<br />
purifiée : il n’est resté dans son sein que ses vrais<br />
enfants. On l’a bannie de ses temples, on l’a réduite à<br />
l’indigence, mais sa gloire n’est point renfermée dans<br />
ses richesses, elle ne consiste point dans l’appareil du
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 21<br />
culte, la pompe de ses cérémonies, la be<strong>au</strong>té de ses<br />
ornements. Elle est tout entière dans le concours de<br />
chrétiens qui, unis ensemble de cœur et d’esprit sous<br />
la conduite de leurs légitimes pasteurs, participent <strong>au</strong>x<br />
mêmes sacrements, professent la même foi, et honorent<br />
cette foi par la pureté de leurs mœurs et par la<br />
pratique de toutes les vertus... »<br />
Pour ces francs <strong>catholique</strong>s royalistes, comme<br />
aimait à les appeler notre Père, <strong>au</strong>cun compromis<br />
possible avec la Révolution : « Il ne peut être jamais<br />
permis, ajoutait l’évêque, de s’engager par serment à<br />
maintenir un ordre de choses contraire à la religion et<br />
à la justice, et rien ne peut dispenser de l’obligation<br />
de renoncer à ce criminel engagement... [Vos prêtres]<br />
vous apprendront que la puissance souveraine, dans<br />
l’ordre civil, est sacrée ; qu’on doit obéir <strong>au</strong> Roi par<br />
principe de religion et de conscience ; que le respect,<br />
la fidélité et l’obéissance qui lui sont dus, ne peuvent<br />
être altérés par <strong>au</strong>cun prétexte. » (p. 355)<br />
Le débarquement de Quiberon (juin 1795) tourna<br />
en tragédie à c<strong>au</strong>se de la criminelle félonie des Anglais<br />
et de la fourberie des républicains (<strong>IL</strong> <strong>EST</strong> RESSUS-<br />
CITÉ n o 10, octobre 2001, p. 24). Mgr de Hercé fut fait<br />
prisonnier alors qu’il soignait les blessés. Après un<br />
jugement sommaire, il fut conduit à Vannes pour y<br />
être fusillé avec seize de ses compagnons, dont son<br />
frère, le doux abbé François, et le jeune comte de<br />
Sombreuil.<br />
Il était 10 heures 30, ce 28 juillet 1795. « C’est<br />
l’heure où, chaque année, à cette même date, l’évêque<br />
de Dol, entouré de son clergé, montait <strong>au</strong> saint <strong>au</strong>tel,<br />
dans sa cathédrale, pour célébrer la fête de saint Samson,<br />
le patron de sa ville épiscopale et de son diocèse.<br />
» Mort digne des martyrs des premiers <strong>siècle</strong>s de<br />
l’Église. <strong>La</strong> propre sœur de Mgr de Hercé, la “ bonne<br />
Charlotte ”, dira avoir vu ses frères rejoindre la glorieuse<br />
phalange des martyrs qui entourent le trône de<br />
l’Agne<strong>au</strong> divin.<br />
LE SANG DES MARTYRS,<br />
SEMENCE DE CHRÉTIENS<br />
Après la récitation du chapelet, notre petit groupe<br />
monta vers l’église-cathédrale de la Trinité, où monsieur<br />
le Curé nous permit d’évoquer un de ses prédécesseurs,<br />
Jean-François de Hercé (1776-1849), neveu<br />
du précédent, à la destinée plus singulière encore.<br />
En exil outre-Manche lorsque eurent lieu les événements<br />
de Quiberon, le jeune homme tint à participer<br />
l’année suivante à l’expédition commandée par le<br />
comte d’Artois : « C’était mon devoir d’aller présenter<br />
ma poitrine <strong>au</strong>x balles des républicains et j’y fus. »<br />
Nouvel échec. De retour en Angleterre, la vocation<br />
religieuse lui vint <strong>au</strong> chevet de son père mourant, en<br />
lisant l’Évangile de saint Jean, brûlante révélation du<br />
Cœur de Jésus. Mais comme il fallait gagner sa vie et<br />
qu’il avait le don des langues, il se fit professeur,<br />
apprenant dans ses passe-temps l’arabe, l’hébreu, le<br />
persan et le chinois ! et rêvant de convertir l’Angleterre<br />
de son anglicanisme.<br />
Rentré en France en 1804, il s’ouvrit à sa mère<br />
de sa vocation, mais celle-ci voulait qu’il se mariât.<br />
Il eut be<strong>au</strong> objecter l’appel de Dieu, le salut des<br />
âmes, rien n’y fit. Dans l’indécision, il s’en remit à<br />
son directeur de conscience, qui lui conseilla... de se<br />
marier. Un be<strong>au</strong> parti se présenta sans tarder, dans la<br />
personne de Marie de <strong>La</strong> Haye de Bellegarde, une<br />
des plus riches héritières de Mayenne, et le mariage<br />
fut célébré l’année même.<br />
Une petite fille naquit bientôt de leur union : Lucie.<br />
À l’année longue, on habitait <strong>La</strong>val et, pour les be<strong>au</strong>x<br />
jours, on se rendait <strong>au</strong> charmant manoir de la Roche-<br />
Pichemer, qui faisait partie de la dot, sur le territoire de<br />
Saint-Ouën-des-Oyes, – <strong>au</strong>jourd’hui “ des vallons ” –,<br />
dont Jean-François devint le maire. Sa renommée dut<br />
remonter bien h<strong>au</strong>t puisque, en février 1814, un décret<br />
impérial le nommait maire de <strong>La</strong>val. Reconduit dans<br />
ses fonctions par Louis XVIII et Charles X, il le restera<br />
durant quinze ans.<br />
Jean-François de Hercé fut unanimement loué et<br />
aimé de ses concitoyens. « Il n’y avait pas à <strong>La</strong>val de<br />
figure plus populaire que le maire. On savait de lui<br />
des choses ravissantes : qui ne l’avait vu quand<br />
l’angélus de midi le surprenait dans les rues entre<br />
deux courses de charité, mettre chape<strong>au</strong> bas, genou en<br />
terre et réciter dévotement le salut de l’Ange ? Car il<br />
était toujours courant les écoles, la Miséricorde, le<br />
presbytère et le t<strong>au</strong>dis, le salon et la boutique ; quand<br />
se silhouettait la grosse personne essoufflée du maire,<br />
le rire <strong>au</strong> visage, entraînant dans sa foulée quelque<br />
gamin ou quelque ramoneur, – ses préférés qu’il bourrait<br />
de douceurs –, il semblait alors que toute la rue<br />
s’illuminât. Tous le saluaient et lui saluait ceux qui ne<br />
le saluaient pas, il abordait et les uns et les <strong>au</strong>tres :<br />
“ Votre affaire est en train... j’ai reçu votre pension...<br />
Et ce mariage, quand se fait-il ? Il ne f<strong>au</strong>t pas jouer<br />
avec le Bon Dieu... ” Ceux qui avaient affaire avec lui<br />
s’approchaient sans réticence, dans la rue il donnait<br />
<strong>au</strong>dience et il avait l’<strong>au</strong>dience de la rue ; il en oubliait<br />
qu’il était pressé, que le salon de Madame... l’attendait,<br />
qu’il avait encore quatre visites à faire avant le<br />
souper et il entretenait ces petits, ces préférés parmi<br />
ses enfants comme s’ils eussent été fils de roi. » (JEAN-<br />
FRANÇOIS DE HERCÉ, PÈRE, MAIRE, ÉVÊQUE, d’après sa<br />
correspondance, 1985, p. 48)<br />
Avec cela, grand humaniste : le maire de <strong>La</strong>val<br />
tenait avec son épouse à l’hôtel de Hercé une petite<br />
académie, qui n’était ni plus ni moins que le cercle<br />
familial élargi. On y parlait religion, politique à l’occasion,<br />
mais surtout littérature. Ah ! la chère littérature :<br />
<strong>au</strong>teurs anciens ou contemporains, tous y passaient.<br />
Monsieur de Hercé était le boute-en-train de ces soi-
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 22<br />
rées, pétillant d’intelligence, d’à-propos, de bon jugement.<br />
Il fait irrésistiblement penser à Thomas More.<br />
D’<strong>au</strong>tant qu’il voulait être lui-même le précepteur de sa<br />
fille Lucie qui, comme Margaret, connaissait le latin et<br />
le grec dès l’âge de dix ans, et était capable de correspondre<br />
avec son “ papa-minet ” sur tous les sujets !<br />
Tous les matins, on voyait monsieur le maire assister<br />
à la messe à l’église de la Trinité. Plus qu’assister,<br />
puisqu’il servait lui-même la messe : « Je m’estime plus<br />
honoré, disait-il, de remplir cette éminente fonction<br />
<strong>au</strong>près du Roi des rois que d’être le premier ministre<br />
de Napoléon ou de Louis XVIII. » Il favorisa le retour<br />
ou l’implantation de commun<strong>au</strong>tés religieuses : les cisterciens<br />
et les cisterciennes, qui avaient trouvé refuge<br />
pendant la Révolution à Darfeld en Westphalie ! les<br />
frères des Écoles chrétiennes, les Pères jésuites, etc.<br />
« Et puis, dans un quartier mal famé de la ville basse,<br />
dans une rue misérable qui n’avait vraiment de céleste<br />
que le nom : la rue du Paradis... une p<strong>au</strong>vre petite<br />
repasseuse de vingt-cinq ans, sans sou ni maille, établissait<br />
avec la Providence pour trésorière, sa bourse<br />
vide comme coffre-fort [et Monsieur de Hercé pour<br />
soutien], un refuge pour les Madeleines de la ville. On<br />
avait débuté trente-trois, on fut bientôt plus de cent... »<br />
(ibid., p. 46) C’était mère Thérèse Ronde<strong>au</strong>, fondatrice<br />
de “ la Miséricorde ” de <strong>La</strong>val, dont l’histoire extraordinaire<br />
mériterait une <strong>au</strong>tre visite, et un <strong>au</strong>tre récit...<br />
« DUC IN ALTUM ! »<br />
« Chez moi, le cœur est tout ; je n’ai qu’un besoin,<br />
celui d’aimer ; et pourvu que le S<strong>au</strong>veur veuille bien<br />
absorber cette soif dévorante, je m’estimerai le plus<br />
heureux des mortels », confiait un jour Jean-François<br />
de Hercé. Comme il aimait d’incroyable tendresse sa<br />
famille concurremment avec son Dieu, vint un moment<br />
où Dieu manifesta qu’Il ne voulait plus la concurrence,<br />
mais la préférence. « Après l’avoir fait monter à<br />
Lui par l’échelle mystique de toutes les belles amours<br />
créées, écrit sa biographe, il le menait <strong>au</strong> choix décisif<br />
du pur amour et le lui signifia. Après s’être dévoué à<br />
la petite église domestique, l’Ecclesiola de la Roche,<br />
le Seigneur lui demanda de pousser en e<strong>au</strong> profonde,<br />
de prendre les dimensions <strong>catholique</strong>s du cœur de la<br />
Mère Église, l’Ecclesia Mater. » (p. 60)<br />
En 1826, deux mois après avoir fermé les yeux à<br />
sa mère, Monsieur de Hercé eut l’immense douleur de<br />
perdre son épouse. Sur son lit de mort, celle-ci lui<br />
rappela la promesse qui avait ennobli toute leur vie :<br />
« Tu sais, Jean-François, celui qui devait rester icibas<br />
après l’<strong>au</strong>tre avait promis de se donner tout à<br />
Dieu. » Ce fut une agonie chez cet homme pourtant<br />
avancé dans les voies de la perfection. Pourquoi ?<br />
À c<strong>au</strong>se de Lucie qui, mariée à Guill<strong>au</strong>me-François<br />
d’Ozouville, restait cependant très attachée à son père.<br />
Sur le conseil de son amie madame de V<strong>au</strong>fleury, ce<br />
dernier décida de faire une retraite <strong>au</strong>près d’un prêtre<br />
dont la renommée de sainteté se répandait dans tout<br />
l’ouest de la France : l’abbé Jean-Marie de <strong>La</strong>mennais.<br />
À son retour, en octobre 1829, il donnait sa démission<br />
de maire et quittait tout pour rejoindre à Malestroit le<br />
séminaire de la “ Congrégation de Saint-Pierre ”, dirigée<br />
alors par les deux frères <strong>La</strong>mennais.<br />
Les quelques mois qu’il passa <strong>au</strong>près d’eux, à un<br />
moment crucial de l’histoire de France et de l’Église,<br />
furent décisifs. Il admirait et redoutait tout à la fois le<br />
génie sombre de Félicité : « Le grand homme généralement<br />
est triste, parle à peine à table, a toujours l’air<br />
soucieux ; le genre sombre fait honneur à son cœur ; il<br />
saigne des plaies de la religion, voit l’épiscopat, les<br />
m<strong>au</strong>x de la France, c’est Jérémie pleurant sur les<br />
ruines de la fille de Sion. Pour moi, petit matelot sur le<br />
vaisse<strong>au</strong>, je recommande <strong>au</strong> Seigneur son Église, cette<br />
France propre à faire tant de mal à l’Église, à l’univers,<br />
et puis je passe les jours alcyons que sa bonté me<br />
destinait ici, persuadé qu’il dirigera tout avec cette<br />
sagesse à longue vue, dont je ne puis pénétrer les<br />
desseins. » (14 mars 1830) Et notre séminariste de<br />
cinquante-trois ans de trouver son étoile dans la sagesse<br />
surnaturelle et la mystique pénétrée de saintes amitiés<br />
humaines de l’abbé Jean-Marie (cf. LE GRAND LAMEN-<br />
NAIS, C’ <strong>EST</strong> L’AUTRE ! CRC no 244, juin 1988, p. 15-26).<br />
En juillet 1830, il goûtait quelques jours de repos<br />
<strong>au</strong>près des siens à la Roche-Pichemer, quand il apprit<br />
les événements de la capitale. « J’offrirais de bon<br />
cœur ma tête si la révolution à ce prix rendait les<br />
Français sages et religieux... Que l’homme est peu de<br />
chose. Des événements terribles vont bouleverser son<br />
existence et tout ce qui l’entoure fleurit comme par le<br />
passé, il n’y a que son cœur de flétri. » Cœur flétri<br />
qu’il renouvela en prêchant les gloires de la Très<br />
Sainte Vierge le 15 août suivant en l’église de la<br />
Trinité de <strong>La</strong>val. Ce sermon produisit un tel effet que,<br />
neuf jours plus tard, alors que l’ancien maire participait<br />
comme un modeste clerc à la cérémonie de funérailles<br />
du curé de la même église, un murmure se<br />
répandit dans l’assemblée : « Notre ancien maire, curé<br />
de la Trinité ! » Les vicaires de la Trinité, se faisant<br />
les interprètes de la ville entière, écrivirent <strong>au</strong>ssitôt à<br />
l’évêque du Mans pour le supplier de leur donner pour<br />
curé celui que réclamait la vox populi... Et Mgr<br />
Carron d’accéder à cette demande, <strong>au</strong> grand dam de<br />
l’intéressé. L’abbé Jean-Marie de <strong>La</strong>mennais accéléra<br />
les choses : le 11 octobre suivant, Jean-François de<br />
Hercé recevait le diaconat et le 18 décembre, il était<br />
ordonné prêtre.<br />
UN CŒUR DE BON PASTEUR<br />
Le nouve<strong>au</strong> curé de la Trinité de <strong>La</strong>val n’avait<br />
qu’une pensée en tête : « Déclarer à la face de mes<br />
enfants combien je veux aimer Dieu, combien Il mérite<br />
de l’être, et de les porter à L’aimer de tout leur cœur.<br />
Heureux qui ne vit que de Lui, que pour Lui ! »
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 23<br />
Ses journées furent <strong>au</strong>ssi remplies que l’avaient été<br />
celles de monsieur le maire : dès le lever, très matinal,<br />
une heure de méditation, puis il descendait à son confessionnal.<br />
Ce ministère lui était particulièrement cher,<br />
il n’en trouvait pas de plus salutaire pour ses paroissiens<br />
comme pour lui-même. <strong>La</strong> messe ensuite<br />
était « l’heure de grâce » entre toutes, le soleil de<br />
toute la journée. Puis le curé prenait son chape<strong>au</strong>,<br />
tirait son chapelet de sa poche et, hâtant le pas, se<br />
rendait chez ses paroissiens. « Il s’était fait un devoir<br />
de les connaître tous. Au lendemain de son installation,<br />
il avait partagé sa paroisse en zones qu’il parcourait<br />
les unes après les <strong>au</strong>tres, s’arrêtant à toutes<br />
les maisons, se présentant à chaque palier. Chaque<br />
année il recommençait sa grande visite paternelle. Ses<br />
enfants de la Trinité étaient tous aimés, mais les<br />
malades avaient sa prédilection. Il n’attendait pas<br />
d’être appelé pour aller les voir, il venait en pasteur,<br />
en ami, c<strong>au</strong>sant de tout et du reste... Au chevet des<br />
récalcitrants, il s’obstinait et toujours, avec la grâce de<br />
Dieu, il réussissait. De tout le troupe<strong>au</strong> confié à ses<br />
soins, il n’y eut qu’une âme à quitter cette terre en<br />
refusant de l’entendre. » (ibid., p. 101)<br />
En 1832, huit jours avant la grande procession de la<br />
Fête-Dieu, il n’était bruit à <strong>La</strong>val que de l’intention<br />
qu’avait la musique de la garde nationale d’y jouer LA<br />
MARSE<strong>IL</strong>LAISE. Après s’être concerté avec son clergé,<br />
Monsieur de Hercé, déclara que, si l’on persistait dans<br />
ce projet, la procession ne sortirait pas. Le préfet et les<br />
<strong>au</strong>torités de la ville l’assurèrent qu’il n’en serait rien.<br />
« <strong>La</strong> procession, composée du clergé des trois paroisses<br />
de la ville, sortit donc, comme à l’ordinaire, de l’église<br />
de la Trinité. Tout se passa bien de la Trinité à Notre-<br />
Dame [d’Avesnières], et de Notre-Dame <strong>au</strong> reposoir du<br />
Carrefour-<strong>au</strong>x-Toiles. Mais la bénédiction donnée sur<br />
cette place, LA MARSE<strong>IL</strong>LAISE se fait entendre. Monsieur<br />
de Hercé qui porte le Saint-Sacrement, se tourne <strong>au</strong>ssitôt<br />
vers ses confrères : “ Le Dieu que je tiens entre mes<br />
mains ne reconnaît pas de sang impur ! s’écrie-t-il.<br />
À la Trinité ! ” » Et la procession de rentrer directement<br />
à l’église d’où elle était partie, sans passer<br />
par l’hôtel de ville où l’attendaient préfet et <strong>au</strong>torités<br />
municipales. <strong>La</strong> justice s’en mêla, mais le curé de la<br />
Trinité était si populaire que l’affaire fut classée.<br />
Comme il fallait s’y attendre, il fut bientôt pressenti<br />
pour être évêque. Il résista de longs mois et c’est sur les<br />
instances de son évêque et de l’abbé Jean-Marie de<br />
<strong>La</strong>mennais qu’il céda et accepta de devenir le coadjuteur<br />
du vieil évêque de Nantes, Mgr de Guérines. Il fut<br />
sacré dans la cathédrale de Nantes, le dimanche 17 avril<br />
1836, dimanche du Bon-Pasteur, et eut la grâce de<br />
ressentir en son âme la plénitude du sacerdoce.<br />
Dès le début, en accord avec son évêque, il mit en<br />
œuvre une pastorale conquérante, simple, évangélique,<br />
consacrant trois mois complets chaque année à visiter<br />
son diocèse. Le plus souvent à pied, comme il l’avait<br />
vu faire à son oncle, le saint évêque de Dol. Le char<br />
épiscopal ayant versé, « Dieu veut que je le serve dans<br />
l’infanterie », dit-il en souriant. Et surtout pas de protocole<br />
ni d’étiquette, qui font écran entre les âmes et leur<br />
pasteur ! « <strong>La</strong> dignité est dans l’humilité », répétait-il<br />
souvent. « J’<strong>au</strong>rai bien à combattre pour faire entendre<br />
cela, comme <strong>au</strong>ssi pour persuader mes curés qu’il ne<br />
f<strong>au</strong>t pas planter l’incrédule mais le ramener peu à peu,<br />
à force de charité, d’humilité, de science s’il se peut. »<br />
Et encore : « Hélas ! si le clergé comprenait ces mots :<br />
“ Je suis doux et humble de cœur ” ! il ramènerait, il<br />
s<strong>au</strong>verait l’univers. Il ne f<strong>au</strong>t ni le talent de saint Jean<br />
Chrysostome ni le sublime de saint P<strong>au</strong>l : un peu<br />
d’humilité et tout céderait devant nous. » (p. 135)<br />
Il ne se méprenait cependant pas sur l’âpreté du<br />
combat à mener. Ainsi, <strong>au</strong> moment des premières lois<br />
contre l’enseignement religieux : « Si nos adversaires<br />
triomphent, la religion quittera la France qui deviendra une<br />
terre barbare. Quelle tristesse ! mon cœur en est navré. »<br />
Les fioretti se multipliaient sur ses pas, il y eut<br />
même des guérisons miraculeuses et des conversions<br />
spectaculaires. Comme celle du légendaire général<br />
Cambronne, dont il fit le siège jusque sur son lit de<br />
mort, car « un évêque meurt et ne se rend pas » ! Il ne<br />
pouvait se résoudre à la perte des âmes, <strong>au</strong>ssi restait-il<br />
missionnaire dans l’âme. On lui <strong>au</strong>rait offert l’évêché<br />
d’Alger qu’il <strong>au</strong>rait accepté sur-le-champ. Son propre<br />
évêché, à Nantes, était ouvert à tous les missionnaires<br />
de passage. Ne pouvant lui-même partir pour l’Extrême-Orient<br />
ou pour l’Océanie, il élut pour terre de<br />
mission le Bon-Pasteur d’Angers, dont la fondatrice,<br />
mère Marie-Euphrasie Pelletier, fit souvent appel à ses<br />
services et à son don des langues, pour instruire ses<br />
novices italiennes, allemandes ou anglaises. Et même<br />
des petites esclaves éthiopiennes rachetées sur les<br />
marchés d’Alexandrie, que l’évêque de Nantes vient<br />
baptiser et instruire... en arabe !<br />
En 1840, une occasion providentielle lui permit<br />
d’aller prêcher une mission en Cornouailles. Le désir<br />
de la conversion de l’Angleterre, son rêve de jeunesse,<br />
revint alors avec force. Il reçut plusieurs abjurations, ce<br />
qu’il appelait « arracher quelques plumes à l’aile de<br />
l’Église anglicane ». Et c’est en Angleterre, <strong>au</strong>trefois<br />
appelée “ le douaire de Marie ”, qu’il composa son<br />
mandement sur l’Immaculée Conception, après avoir<br />
demandé à Rome la permission d’insérer le mot “ Immaculée<br />
” dans la préface de la fête de la Conception de<br />
Marie et dans les litanies de Lorette. Ce mandement, il<br />
le publia à son retour, mais dans les larmes, ayant<br />
appris que sa fille chérie venait de mourir en mettant<br />
<strong>au</strong> monde son sixième enfant. Mgr de Hercé reçut la<br />
nouvelle en plein Conseil épiscopal, alors qu’il s’apprêtait<br />
à partir en tournée pastorale. Il se retira en larmes<br />
dans sa chapelle, puis après un temps de prières, dit à<br />
ses vicaires : « Le père a fait son devoir, c’est maintenant<br />
à l’évêque de faire le sien... Je vais partir. »
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 24<br />
Il se rendit en 1846 à Rome et fut reçu plusieurs<br />
fois par le Pape nouvellement élu, Pie IX, avant de<br />
parcourir en humaniste l’Italie... <strong>La</strong> révolution de 1848<br />
trouva l’évêque de Nantes fidèle à son poste ; à un<br />
gentilhomme zélé qui lui offrait un asile dans sa demeure,<br />
il répondit : « Je suis touché de votre amitié,<br />
Monsieur, mais je ne quitterai pas mon évêché : bien<br />
<strong>au</strong> contraire, je compte me livrer moi-même, si on veut<br />
m’arrêter ou me tuer. Je serais trop heureux d’offrir mon<br />
sang à la France pour la conservation de la foi. »<br />
Dans son grand cœur, il <strong>au</strong>rait voulu que tous les<br />
Français s’unissent <strong>au</strong> pied de la Croix. Disciple du<br />
vénérable Jean-Marie de <strong>La</strong>mennais, il était d’avis que<br />
l’Église devait composer avec les différents régimes<br />
politiques qui se succédaient, étant s<strong>au</strong>ve son entière<br />
liberté de s<strong>au</strong>ver les âmes. Son dernier voyage le<br />
mena à <strong>La</strong>val pour tenter de ramener le malheureux<br />
Félicité de <strong>La</strong>mennais dans le giron de l’Église. Imploration<br />
pour <strong>La</strong>zare, espoir déçu... Mgr de Hercé mourut<br />
saintement le 31 janvier 1849, et fut enterré, non<br />
en Mayenne près des siens, mais dans la cathédrale de<br />
Nantes, « tout près de l’Agne<strong>au</strong> divin qui s’immolera<br />
sur l’<strong>au</strong>tel ».<br />
EN ROUTE VERS PONTMAIN,<br />
SOUS LE REGARD DE JÉSUS ET MARIE !<br />
En retraçant la vie de ces deux bons serviteurs du<br />
Cœur royal de Jésus et de sa valeureuse Église, une<br />
ligne se dessinait sous nos yeux, orthodromique, “ tout<br />
à la vertu et à l’honneur ”, selon la belle devise des<br />
Hercé-d’Ozouville, avec la joie intime de penser que<br />
notre Père, dont le cœur était embrasé du même zèle<br />
pour la Vérité et le salut des âmes, nous fait communier<br />
à un tel héritage. En nous rendant <strong>au</strong> maître-<strong>au</strong>tel<br />
de l’église de la Trinité et <strong>au</strong> tombe<strong>au</strong> de Mgr Wicart,<br />
premier évêque de <strong>La</strong>val, <strong>au</strong> chant du cantique Mère<br />
de l’Espérance, déjà nos cœurs se tournaient vers<br />
Pontmain, avec un “ lien ” tout trouvé.<br />
À <strong>La</strong>val, le matin du 17 janvier 1871, un groupe<br />
de quatre dames, dont deux sœurs, petites-filles de<br />
Mgr de Hercé, se rendit à l’évêché. « Elles supplient<br />
Mgr Wicart de faire un vœu à la Sainte Vierge pour<br />
détourner l’invasion imminente de la ville ; mais elles<br />
trouvent leur évêque dans un état de prostration c<strong>au</strong>sé<br />
sans doute par les nouvelles accablantes qui arrivent de<br />
minute en minute, scandées par le bruit du canon et des<br />
mitrailleuses. Elles se retirent sans avoir rien obtenu. »<br />
(NOTRE REINE, SON AMOUR, SA SAGESSE, SA PUISSANCE À<br />
PONTMAIN, par un groupe de Français, 1926, p. 68) Trois<br />
jours après, le 20 janvier, l’évêque, s’étant ressaisi, prononcera<br />
le vœu demandé à Notre-Dame d’Avesnières.<br />
Au soir du jour mémorable du 17 janvier, la jeune<br />
fille qui accompagnait sa mère et sa tante témoignera<br />
qu’on pouvait admirer « un ciel incomparable où des<br />
milliers et des milliers d’étoiles donnaient un scintillement<br />
extraordinaire, tel que nous ne l’avions jamais<br />
vu. C’était le ciel de Pontmain !... Sans le savoir, nous<br />
avions la réponse de Marie. » (ibid., p. 96) Quant à la<br />
quatrième personne, Adèle Garnier, institutrice de la<br />
jeune fille et future fondatrice des Religieuses adoratrices<br />
de Montmartre, elle restera toute sa vie profondément<br />
attachée à l’apparition de Pontmain, « comme<br />
à un témoignage merveilleux et plein de promesses de<br />
la Sainte Vierge pour la France ».<br />
Nous réch<strong>au</strong>ffâmes, nous <strong>au</strong>ssi, notre dévotion à la<br />
Sainte Vierge, Reine de douce et sainte France, en<br />
nous retrouvant tous à “ la Chapelle ”, chez nos bons<br />
amis, pour une veillée et un repas de crêpes <strong>au</strong>tour<br />
du foyer, car il faisait ce soir-là un “ temps de<br />
Pontmain ” ! Frère Arn<strong>au</strong>d anima la veillée de ses<br />
chants et de sa belle humeur, en posant des questions<br />
sur notre Père, “ chevalier servant de l’Immaculée<br />
Conception ”. Il avait le livre de frère Bruno en main,<br />
qu’il est savoureux de relire à cette lumière :<br />
« Au sein d’une Église où la charité s’est refroidie,<br />
notre Père nous a laissé son cœur, <strong>au</strong> centre duquel<br />
brille une pierre précieuse : sa dévotion <strong>au</strong> Cœur Immaculé<br />
de notre Mère et Reine très chérie, sa Maîtresse<br />
de vérité, de vie et de conduite... Dans le combat<br />
apocalyptique, Elle fut la source profonde de son<br />
ardeur de polémiste, de son infatigable alacrité, de son<br />
courage et de son inconfusible espérance en ses promesses.<br />
C’est pourquoi, à la fin, il décidera de lui<br />
“ passer la main ”. » (GEORGES DE NANTES, DOCTEUR<br />
MYSTIQUE DE LA FOI CATHOLIQUE, p. 11-12)<br />
Le lendemain matin, après une marche, ou plutôt<br />
une glissade ! sur la route gelée de Saint-Ellier à<br />
Pontmain, nous arrivâmes à temps pour la messe à la<br />
basilique, où le recteur nous accueillit avec sa bienveillance<br />
coutumière. Notre groupe avait presque doublé<br />
en nombre pour atteindre les deux cents, qui se<br />
serrèrent ensuite dans la Grange des apparitions pour<br />
écouter frère Benoît rappeler nos intentions de pèlerinage,<br />
et citer quelques extraits d’un sermon de notre<br />
Père mettant en parallèle le miracle de Cana et l’apparition<br />
de Pontmain. Ici comme là, il n’a pas été besoin<br />
de grands discours, une simple demande de la Vierge<br />
et un échange de regards avec son Fils ont suffi pour<br />
ramener la paix :<br />
« Représentons-nous le Face à Face de la Sainte<br />
Vierge et de Jésus. Je trouve de plus en plus ce Face<br />
à Face fascinant. Il me parle du Ciel. <strong>La</strong> Vierge<br />
échange un regard, quel regard ! avec son Fils. Imaginez<br />
ces trente ans de vie cachée des trois plus saintes<br />
personnes de la terre. Combien de fois a-t-elle regardé<br />
son Enfant et combien de fois l’Enfant a appris à<br />
regarder sa Mère ! Quels abîmes de sagesse, d’amour,<br />
de dévouement la Vierge a-t-elle lus dans les yeux de<br />
son grand Fils. Et Jésus, quel amour, quelle tendresse,<br />
quel dévouement sans bornes pour nous <strong>au</strong>tres dans<br />
les yeux de sa Mère. Bref, toutes les vertus dans ce<br />
Face à Face, dans cet échange de sentiments...
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 25<br />
« Saint Jean a surpris ce regard, il s’en est souvenu<br />
et il a voulu le mettre dans son Évangile, comme<br />
le miracle originel, celui qui ouvrait, qui déchirait le<br />
ride<strong>au</strong> des ténèbres du péché et nous faisait surprendre<br />
dans ce Face à Face de Jésus et de Marie comme<br />
un arc-en-ciel, une nouvelle Alliance entre Dieu et la<br />
créature. C’était s<strong>au</strong>vé. » Conclusion : « En quelque<br />
circonstance ou préoccupation que l’on soit, il n’y a<br />
qu’à se tourner vers la Sainte Vierge... Quand on a la<br />
Sainte Vierge pour soi, on est sûr d’avoir Jésus pour<br />
soi. Ces petits enfants de Pontmain voyant la Sainte<br />
Vierge, apprennent d’elle qu’il f<strong>au</strong>t prier. Elle prie,<br />
elle intercède, mais il f<strong>au</strong>t que nous-mêmes, chrétiens,<br />
sachions que notre prière à nous fait partie de la<br />
prière de l’Église militante et que la Vierge Marie en<br />
est la personnification, le premier personnage, la<br />
Reine. “ Aidez-moi par votre prière, mon Fils se laissera<br />
toucher. ” Et la guerre s’est arrêtée. » (17 janvier 1993)<br />
C’est ainsi que l’Immaculée préparait et prépare<br />
encore <strong>au</strong>jourd’hui les voies <strong>au</strong> Règne universel du<br />
Divin Cœur de Jésus.<br />
QUE VOTRE RÈGNE ARRIVE !<br />
Après un déjeuner convivial à l’hospitalité des<br />
Sœurs, nous nous réfugiâmes dans la chère église paroissiale<br />
pour y évoquer le thème de l’année 2013, qui<br />
marque pour nous, Petits frères et Petites sœurs du<br />
Sacré-Cœur, ainsi que pour la CRC, le quarantième<br />
anniversaire de notre consécration, décidée par notre<br />
Père, <strong>au</strong> Sacré-Cœur de Jésus et <strong>au</strong> Cœur Immaculé<br />
de Marie (cf. GEORGES DE NANTES DOCTEUR MYSTIQUE,<br />
p. 277-278). C’est <strong>au</strong>ssi le cent cinquantième anniversaire<br />
de la naissance de la bienheureuse Marie du<br />
Divin Cœur, qui sera la patronne de notre pèlerinage<br />
de printemps en Anjou.<br />
Dans le transept sud de l’église de Pontmain, a<br />
été érigé un <strong>au</strong>tel <strong>au</strong> Sacré-Cœur, faisant pendant à<br />
celui du transept nord élevé par l’abbé Guérin en<br />
l’honneur de l’Immaculée Conception. Il suffit de replacer<br />
l’apparition du 17 janvier 1871 dans son contexte,<br />
pour découvrir que « pendant l’agonie de la<br />
France, il y eut comme une lutte sublime entre le Sacré-<br />
Cœur et la Vierge Immaculée, pour laisser, Lui à sa<br />
Mère, Elle à son Fils, la joie de s<strong>au</strong>ver leur nation privilégiée<br />
malgré ses crimes » (NOTRE REINE, p. 68).<br />
Depuis trois <strong>siècle</strong>s, la dévotion <strong>au</strong> Sacré-Cœur est<br />
la pierre d’achoppement du salut de la France, comme<br />
l’a expliqué notre Père : « Si les humbles acceptèrent<br />
de bon cœur et en grand nombre la dévotion nouvelle,<br />
les Grands ne l’acceptèrent pas, ne voulurent pas se<br />
conformer <strong>au</strong>x Volontés de ce Divin Cœur qui leur<br />
étaient transmises par des saints. Quant <strong>au</strong>x tièdes et<br />
<strong>au</strong>x méchants, ils lui furent hostiles avec un acharnement<br />
extraordinaire. » (LE SACRÉ-CŒUR DE JÉSUS, SALUT<br />
DU MONDE, CRC n o 75, décembre 1973, p. 7) Pour remédier<br />
à cette indifférence et à cette opposition tenace,<br />
un jésuite de Toulouse, le Père HENRI RAMIÈRE, eut<br />
l’idée, dans les années 1860, de reprendre l’association<br />
créée par un confrère, “ L’APOSTOLAT DE LA PRIÈRE ” et<br />
de lui donner un tour plus combatif : celui d’une<br />
“ SAINTE LIGUE DES CŒURS CHRÉTIENS UNIS AU CŒUR DE<br />
JÉSUS POUR OBTENIR LE TRIOMPHE DE L’ÉGLISE ET LE SA-<br />
LUT DES ÂMES ”. Elle eut un bulletin mensuel, de<br />
trente-six pages ! intitulé “ LE MESSAGER DU CŒUR DE<br />
JÉSUS ”, qui se répandit bientôt dans tous les pays<br />
jusqu’<strong>au</strong>x missions lointaines.<br />
« Quel but plus excellent et plus désirable, disait-il,<br />
pouvons-nous donner à nos prières ? Ah ! si tous les<br />
chrétiens faisaient avec plus de foi et d’ardeur cette<br />
prière qu’ils répètent si souvent : Que votre règne<br />
arrive ! si tous ensemble, cent fois par jour, sans<br />
jamais se lasser, ils demandaient cet avènement du<br />
règne du Cœur de Jésus sur la terre, ils finiraient bien<br />
par vaincre les résistances de l’enfer.<br />
« C’est à ce Divin Cœur lui-même qu’il f<strong>au</strong>t<br />
surtout nous adresser, pour obtenir ce triomphe de<br />
son amour. N’omettons rien de ce que nous croirons<br />
capable de le toucher. Que les simples fidèles lui promettent<br />
de l’honorer mieux et de s’unir plus souvent à<br />
lui dans la sainte Eucharistie. Que les prêtres s’engagent<br />
à donner plus de solennité à son culte. Conjurons<br />
Nosseigneurs les évêques de lui consacrer leurs diocèses<br />
et de faire célébrer sa fête avec plus de pompe.<br />
Dieu se laissera enfin toucher par ces hommages rendus<br />
<strong>au</strong> Cœur de son Fils, il abrégera pour nous,<br />
comme pour Daniel, les années de la captivité, il<br />
hâtera l’effusion de ses miséricordes. » (LE PÈRE HENRI<br />
RAMIÈRE, 1934, p. 112)<br />
Car le Cœur de Jésus-Christ souffre de ne pas<br />
régner sur la terre comme Il règne <strong>au</strong> Ciel. S’il a<br />
révélé, par la bouche de sainte Jeanne d’Arc, qu’il est<br />
« vrai Roi de France », c’est pour montrer de quelle<br />
manière il sera un jour Roi de l’univers, récapitulant<br />
toutes choses en Lui, dans son Amour. À condition,<br />
précisait le Père Ramière, que ses serviteurs restent<br />
fidèles à la ligne fixée par Pie IX dans le SYLLABUS<br />
(1864) : <strong>au</strong>cune compromission avec l’esprit révolutionnaire<br />
moderne, avec les principes de 1789, qui<br />
sont la négation de sa roy<strong>au</strong>té sur la société. « Tant<br />
que les hommes d’État ne renieront pas les erreurs du<br />
CONTRAT SOCIAL, ils n’aboutiront qu’à légitimer une tyrannie<br />
des parlements ou des foules. Et la mission<br />
providentielle de Pie IX a été précisément d’achever<br />
l’œuvre de Grégoire XVI condamnant <strong>La</strong>mennais,<br />
c’est-à-dire d’arracher <strong>au</strong> libéralisme son masque hypocrite<br />
pour dénoncer son inévitable malfaisance, et de<br />
revendiquer h<strong>au</strong>tement la souveraineté du Christ sur la<br />
vie des peuples. »<br />
Le 26 mai 1870, on pouvait lire dans le MESSAGER<br />
un appel pressant en vue d’obtenir du Saint-Père que<br />
la Chrétienté tout entière fût solennellement consacrée<br />
<strong>au</strong> Cœur de Jésus. L’appel recueillit de nombreuses
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 26<br />
signatures parmi les Pères du concile Vatican I, qui<br />
malheureusement fut ajourné. Dans le même temps,<br />
Notre-Seigneur se communiquait à plusieurs âmes<br />
saintes, toutes de tradition légitimiste et ultramontaine.<br />
Ce n’est pas un hasard !<br />
Telle ÉDITH ROYER, mariée, mère de famille, que<br />
notre Père tenait pour une grande mystique, et qui<br />
reçut des lumières du Sacré-Cœur à partir de 1868 :<br />
« Je suis la Voie, la Vérité, la Vie », lui dit-il, et : « Je<br />
t’épouserai dans la sainteté. » Le 22 juillet 1870, soit<br />
trois jours après la déclaration de guerre, elle eut la<br />
vision des malheurs de la France à venir : la défaite,<br />
la captivité de l’empereur, la guerre civile, les horreurs<br />
de la Commune. « Comme remède, il m’était demandé<br />
que les âmes pieuses se réunissent pour faire pénitence<br />
et fléchir ainsi la colère divine. » Ce qui<br />
donnera naissance en 1873 à “ L’ASSOCIATION DE PRIÈRE<br />
ET DE PÉNITENCE POUR LE SALUT DE LA FRANCE ”.<br />
Mais pas seulement pour le salut de la France :<br />
« Le divin Rédempteur m’ayant montré qu’elle devait<br />
s’étendre <strong>au</strong> monde entier pour obtenir la conversion<br />
des infidèles, des hérétiques, schismatiques, <strong>au</strong>ssi<br />
bien que la régénération des peuples <strong>catholique</strong>s refroidis<br />
comme nous. » Ainsi, dans le plan divin, la<br />
France, après avoir donné le m<strong>au</strong>vais exemple par sa<br />
Révolution et son cortège de crimes, devait, sous le<br />
coup du châtiment divin, se convertir et montrer<br />
l’exemple <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres nations. L’insigne de l’Œuvre<br />
était « l’image du Sacré-Cœur <strong>au</strong>x bras étendus, avec<br />
son Cœur débordant, brûlant comme un ardent foyer,<br />
ses mains, ses pieds, sa tête portant les blessures de<br />
sa Passion ». Nous ne sommes pas loin du Crucifix<br />
sanglant dans les mains de Notre-Dame de Pontmain.<br />
Telle <strong>au</strong>ssi ADÈLE GARNIER, dont nous avons déjà<br />
parlé, et qui, un jour de 1869, alors qu’elle séjournait<br />
<strong>au</strong> châte<strong>au</strong> de l’Aulne près de <strong>La</strong>val dans la famille de<br />
Crozé, eut la vision d’une grande Hostie lumineuse, <strong>au</strong><br />
centre de laquelle Notre-Seigneur montrait son Cœur.<br />
Elle multipliait prières et sacrifices pour l’Église et<br />
pour la France, quand le Sacré-Cœur de Jésus lui fit<br />
voir clairement qu’Il la voulait sur la colline de Montmartre,<br />
comme adoratrice et victime réparatrice de son<br />
Cœur eucharistique, intercédant pour le salut de sa<br />
patrie et celui des <strong>au</strong>tres nations, dans le temple qui<br />
allait lui être dédié en vertu du “ VŒU NATIONAL ”.<br />
LA FRANCE PÉNITENTE ET DÉVOTE<br />
Les véritables origines de ce Vœu national sont<br />
souvent laissées dans l’ombre, et pour c<strong>au</strong>se ! la<br />
France officielle, laïque et républicaine, en tremblerait<br />
sur ses bases. Le 17 octobre 1870, le Père Boylesve,<br />
s. j., prêchait <strong>au</strong> Mans un panégyrique en l’honneur de<br />
la bienheureuse Marguerite-Marie en rapprochant son<br />
message <strong>au</strong> roi Louis XIV de la promesse adressée à<br />
une <strong>au</strong>tre religieuse, mère MARIE DE JÉSUS, du couvent<br />
des Oise<strong>au</strong>x, à Paris, en 1823 : « Je prépare toutes<br />
choses : la France sera consacrée à mon Divin Cœur et<br />
toute la terre se ressentira des bénédictions que je répandrai<br />
sur elle. » Pour prolonger le grand effet que produisit<br />
ce panégyrique, un tract fut imprimé, que le<br />
“ MESSAGER DU CŒUR DE JÉSUS ” répandit à des centaines<br />
de milliers d’exemplaires.<br />
Dès les premiers jours de décembre 1870, le Père<br />
Ramière avait rédigé un VŒU – dit “ DE TOULOUSE ” –,<br />
qui joignait <strong>au</strong> salut de la France la délivrance du<br />
Souverain Pontife :<br />
« Afin de réparer les outrages faits à saint Pierre<br />
dans la personne de son successeur ; afin d’obtenir,<br />
par une entremise miséricordieuse du Cœur de Jésus,<br />
le pardon de nos crimes et les secours extraordinaires<br />
qui, seuls, peuvent délivrer Rome de sa captivité et<br />
faire cesser les malheurs de la France, nous promettons,<br />
lorsque ces deux grâces <strong>au</strong>ront été obtenues, de<br />
contribuer, selon nos moyens, à l’érection d’une église<br />
consacrée <strong>au</strong> Cœur de Jésus, sous l’invocation du Prince<br />
des Apôtres. »<br />
Au même moment, les zouaves pontific<strong>au</strong>x, regroupés<br />
sous le nom de “ VOLONTAIRES DE L’OU<strong>EST</strong> ”, sous<br />
les ordres du colonel de Charette et du général de<br />
Sonis, s<strong>au</strong>vaient à Loigny l’honneur de l’armée en<br />
déroute, en faisant le sacrifice de leur vie, sous la<br />
bannière du Sacré-Cœur et <strong>au</strong> cri de « Vive la France !<br />
Vive Pie IX ! » C’était le 2 décembre 1870, premier<br />
vendredi du mois.<br />
Quelques jours plus tard, deux députés de Paris,<br />
réfugiés à Poitiers, Legentil et Roh<strong>au</strong>t de Fleury, formaient<br />
à leur tour le projet d’ériger à Paris un temple<br />
votif si la capitale était épargnée. Ce qu’on a appelé le<br />
“ VŒU DE POITIERS ” diffère de celui de Toulouse en<br />
ceci que leurs <strong>au</strong>teurs ne songeaient qu’à Paris et<br />
qu’ils voulaient ignorer Rome. Alors que, de son<br />
côté, le Père Ramière répétait : « Unissons dans notre<br />
cœur l’amour de la France et l’amour de l’Église ; ne<br />
séparons jamais dans nos prières les intérêts de ces deux<br />
patries. » Le directeur de L’APOSTOLAT DE LA PRIÈRE se<br />
montra irréductible sur ce point quand il rencontra<br />
Legentil <strong>au</strong> début janvier, et il avait raison. Quand<br />
la Sainte Vierge apparut à Pontmain, le 17 janvier,<br />
la petite croix rouge qu’Elle portait sur son Cœur,<br />
insigne des zouaves pontific<strong>au</strong>x, prouvait qu’Elle <strong>au</strong>ssi<br />
unissait ces deux c<strong>au</strong>ses sacrées.<br />
Frère Gérard nous fit remarquer un jour l’étonnante<br />
coïncidence des dates : l’Immaculée apparaît <strong>au</strong> général<br />
de Sonis grièvement blessé, dans la nuit du 2 <strong>au</strong> 3<br />
décembre, sur le champ de bataille de Loigny. Il est<br />
évacué ensuite <strong>au</strong> presbytère où, pendant quarante-cinq<br />
jours, <strong>au</strong>x prises avec de terribles souffrances, il prie<br />
sans cesse et offre son sacrifice pour la France. Et c’est<br />
le quarante-sixième jour que la très Sainte Vierge apparaît<br />
à Pontmain, disant : « MON F<strong>IL</strong>S SE LAISSE TOUCHER. »<br />
Comment ne pas penser que l’Immaculée offrit <strong>au</strong>
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 27<br />
Sacré-Cœur de Jésus le sacrifice de cette admirable<br />
noblesse de France qui lui était consacrée, et obtint de<br />
ce Divin Cœur pitié pour notre peuple si indignement<br />
livré à un gouvernement ennemi de Dieu. Ils étaient trois<br />
cents, leur chef était un saint, cela suffisait. À Pontmain,<br />
notre Reine vint révéler à des enfants, à leur saint<br />
curé, que le temps de la Miséricorde était venu : « DIEU<br />
VOUS EXAUCERA EN PEU DE TEMPS. » Charette et l’étatmajor<br />
des zouaves pontific<strong>au</strong>x seront parmi les premiers<br />
pèlerins de Pontmain, le 10 mars 1871.<br />
Ce même mois de mars 1871, le texte définitif du<br />
VŒU NATIONAL était rédigé, unissant le salut de Rome et<br />
de la France « <strong>au</strong> nom du Sacré-Cœur » ! Le Père Ramière<br />
s’en fit le zélateur, dans l’esprit que nous avons dit :<br />
contre-révolutionnaire, antimaçonnique et antilibéral,<br />
afin que la France renoue enfin avec sa grande tradition<br />
chrétienne, officiellement, intégralement.<br />
Le 24 juillet 1873, un vote de l’Assemblée nationale<br />
déclarait « d’utilité publique la construction d’une église<br />
sur la colline de Montmartre », la colline des martyrs...<br />
C’était un premier pas. Mais le second était encore à<br />
faire : rétablir en France la monarchie très chrétienne.<br />
Les royalistes de Mayenne adressaient alors <strong>au</strong> comte de<br />
Chambord une statuette de Notre-Dame de Pontmain<br />
avec ces mots : « MON F<strong>IL</strong>S SE LAISSE TOUCHER... En peu<br />
de temps donc, Sire, nous espérons voir Votre Majesté<br />
reprendre possession du Trône qui lui appartient. »<br />
F<strong>au</strong>t-il rappeler qu’à Pontmain, avant l’apparition, <strong>au</strong>cun<br />
journal ne pénétrait dans la bourgade, excepté l’INDÉ-<br />
PENDANT DE L’OU<strong>EST</strong>, organe <strong>catholique</strong> et légitimiste<br />
de <strong>La</strong>val, dont l’abbé Guérin donnait lecture chaque<br />
dimanche, à l’issue des vêpres ? Ainsi tout convergeait.<br />
1873, c’était l’époque <strong>au</strong>ssi des grands pèlerinages<br />
nation<strong>au</strong>x, que leurs adversaires haineux qualifiaient<br />
de “ politiques ”. À quoi un prédicateur de <strong>La</strong>val répondait<br />
: « Vos pèlerinages, disent-ils, sont politiques.<br />
Vous allez chercher le Roi. Eh bien ! oui, nous allons<br />
chercher un Roi, nous allons même chercher une<br />
Reine : ce Roi, c’est Jésus-Christ ! Cette Reine, c’est<br />
Marie ! Nous voulons que Jésus-Christ et Marie règnent<br />
sur la nation française. Nous voulons que les lois de<br />
l’Évangile soient inscrites en tête du Code qui nous régit.<br />
L’abandon de la roy<strong>au</strong>té de Jésus-Christ dans nos lois et<br />
nos institutions, voilà la c<strong>au</strong>se de tous nos malheurs... »<br />
C’est <strong>au</strong>jourd’hui encore, dans la décadence de nos<br />
mœurs et de nos institutions, le cri de nos cœurs,<br />
l’objet de nos prières.<br />
REINE EN CHRÉTIENTÉ PERDUE<br />
Le 16 juin 1875, l’archevêque de Paris, Mgr Guibert,<br />
posait la première pierre de la basilique de Montmartre.<br />
Ce même jour, Mgr Wicart venait à Pontmain<br />
consacrer son diocèse <strong>au</strong> Sacré-Cœur, comme le pape<br />
Pie IX y avait invité tous les évêques de la Chrétienté.<br />
Encore une victoire du Père Ramière, qui n’avait cessé<br />
depuis le concile Vatican I d’organiser de larges péti-<br />
tions pour obtenir “ la consécration de Rome et du monde<br />
<strong>au</strong> Cœur de Jésus ” ! « Je ferai ce que vous me demandez<br />
», avait répondu le Pape, en chargeant le saint<br />
jésuite d’écrire lui-même le texte de cette consécration.<br />
Mais dans le même temps, Mgr Guibert, qui était de<br />
tendance libérale, évinçait du comité fondateur du Vœu<br />
national tous les légitimistes, et traitait avec ironie la<br />
demande que lui adressait Adèle Garnier de la part de<br />
Notre-Seigneur d’établir dans la future église du Sacré-<br />
Cœur l’adoration perpétuelle et un couvent de religieuses<br />
réparatrices pour le salut de la France. <strong>La</strong><br />
confidente du Sacré-Cœur connaîtra les mêmes difficultés<br />
que mère Marie du Divin Cœur quelques années<br />
plus tard <strong>au</strong>près de Léon XIII. Ah ! ces libér<strong>au</strong>x, qui<br />
préfèrent leur politique à celle du Sacré-Cœur, retardant<br />
ainsi l’accomplissement des merveilles promises...<br />
Certes, le Sacré-Cœur voulait, comme il le fit<br />
savoir cette même année 1875 à madame Royer, qu’on<br />
ne mêlât pas les discussions politiques à son dessein<br />
d’unir les cœurs français. « Il y avait alors, écrit notre<br />
Père, des légitimistes, des orléanistes, des bonapartistes,<br />
des républicains libér<strong>au</strong>x et radic<strong>au</strong>x. Tous tenaient<br />
trop à leurs idées pour rien admettre, même <strong>au</strong><br />
nom du Christ, qui les réunisse sur la solution la<br />
meilleure, fût-elle celle de la Providence. Le Sacré-<br />
Cœur une nouvelle fois se proposait donc à tous, pour<br />
les s<strong>au</strong>ver tous, en leur disant d’abord : Aimez-moi,<br />
ayez l’amour de mon Cœur, ayez-en le culte, le culte<br />
public, et je m’arrangerai pour le reste, tout vous sera<br />
donné par surcroît.<br />
« Cela reste vrai <strong>au</strong>jourd’hui, cent [quarante] ans<br />
après, mais les implications politiques de cette dévotion<br />
ne peuvent plus passer inaperçues, il serait vain<br />
de les taire indéfiniment. Un bon chrétien, une bonne<br />
famille <strong>catholique</strong>, mieux encore une nation, mieux<br />
l’Église par sa hiérarchie et dans toute sa masse,<br />
quand ils se décideront à se vouer <strong>au</strong> Cœur de Jésus<br />
et à s’y consacrer <strong>au</strong> point de lui rendre un culte<br />
public, dans cette conversion totale faite par amour,<br />
toutes leurs idées d’humanisme, de libéralisme, de<br />
laïcisme, de socialisme, de démocratisme, qui leur sont<br />
une <strong>au</strong>tre religion, contraire, abominable, fondront à la<br />
chaleur de l’Amour... Si puissantes que soient les propagandes<br />
fallacieuses qui intoxiquent les masses, la<br />
docilité <strong>au</strong> Cœur de Jésus nous les fera d’instinct<br />
prendre en horreur. » (CRC no 75, p. 9)<br />
Qui nous donnera, ainsi qu’à nos contemporains,<br />
cette salutaire “ docilité <strong>au</strong> Cœur de Jésus ”, qui ?<br />
sinon l’Immaculée Conception, qui demeure dans son<br />
Ciel de Pontmain, invisible mais toujours présente,<br />
Reine en Chrétienté perdue, nous redisant sans cesse :<br />
MAIS PRIEZ MES ENFANTS<br />
DIEU VOUS EXAUCERA EN PEU DE TEMPS •<br />
MON F<strong>IL</strong>S SE LAISSE TOUCHER<br />
frère Thomas de Notre-Dame du perpétuel secours.
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 28<br />
« JE RÉGNERAI EN ESPAGNE. »<br />
LE BX MANUEL GONZÁLEZ, L’ ÉVÊQUE DU SAINT- SACREMENT ABANDONNÉ<br />
MÊME si la France, Fille aînée de l’Église, fut la<br />
première à avoir été choisie par le Sacré-Cœur<br />
de Jésus pour préparer son triomphe final et universel,<br />
elle n’a pas été la seule. <strong>La</strong> <strong>catholique</strong> Espagne a reçu<br />
elle <strong>au</strong>ssi des marques certaines d’élection divine. Au<br />
dix-huitième <strong>siècle</strong>, un jeune jésuite, Bernard de Hoyos,<br />
fut favorisé de visions et de communications du Divin<br />
Cœur qui lui dit : « Je régnerai en Espagne et j’y serai<br />
plus vénéré qu’en be<strong>au</strong>coup d’<strong>au</strong>tres pays. » (LE PÈRE DE<br />
HOYOS, DISCIPLE DE SAINTE MARGUERITE-MARIE, <strong>IL</strong> <strong>EST</strong><br />
<strong>RESSUSCITÉ</strong> nos 24 et 25, juillet et août 2004)<br />
En accomplissement de cette “ grande promesse ”,<br />
Notre-Seigneur se choisit <strong>au</strong> <strong>siècle</strong> suivant un instrument<br />
de son règne dans la personne de don Manuel González<br />
García (1877-1940). Notre pèlerinage à Lourdes et à<br />
Fatima, qui passait cette année providentiellement par<br />
Palencia, où sont vénérées ses reliques, nous a permis de<br />
découvrir la vie de ce grand apôtre du Cœur eucharistique<br />
de Jésus et d’entendre le cri angoissé de son cœur,<br />
en écho à celui de l’ange du Cabeço : en attendant sa<br />
victoire finale, Jésus est abandonné <strong>au</strong> Tabernacle, ne Le<br />
laissez pas seul !<br />
NOTRE-DAME DE TOUTE JOIE<br />
Manuel González García est né à Séville, le 25<br />
février 1877. Quatrième enfant d’une famille qui en<br />
compte cinq, parfaitement éduqué par un père charpentier<br />
et bon chrétien, par une mère <strong>au</strong>ssi énergique que<br />
pieuse, allègre comme le soleil d’Andalousie, Manolito<br />
est doué d’un caractère vif et joueur, et d’un bon cœur.<br />
Un jour, en rentrant de l’école, il remarque l’expression<br />
soucieuse de sa maman. « Maman, que se passe-t-il ?<br />
– Rien, mon enfant... Quelque chose que la Sainte<br />
Vierge seule peut arranger. Va ! emmène ton petit frère et<br />
raconte à la Vierge de Toute Joie ce qui me préoccupe. »<br />
Manuel prend son petit frère par la main, entre dans<br />
l’église, va s’agenouiller devant l’<strong>au</strong>tel de la Sainte<br />
Vierge, met les bras en croix et, fixant sur la statue ses<br />
yeux <strong>au</strong>ssi bleus que le mante<strong>au</strong> de Marie, confie les<br />
soucis de sa maman. À son retour à la maison, celle-ci<br />
a retrouvé le sourire. <strong>La</strong> “ Vierge de Toute Joie ” sera la<br />
grande dévotion de don Manuel, avec cette charmante<br />
oraison jaillie de son cœur : « Sainte Marie, que je sois<br />
<strong>au</strong>jourd’hui votre joie et vous la mienne ! »<br />
À neuf ans, son rêve se réalise, il est admis dans la<br />
confrérie des “ seise ” de la cathédrale de Séville, qui ont<br />
le privilège de danser devant le Saint-Sacrement le jour de<br />
la Fête-Dieu, revêtus d’un bel habit d’écarlate et d’or, et<br />
de suivre les processions en l’honneur de l’Immaculée<br />
Conception dans leur tout <strong>au</strong>ssi belle tenue bleu argenté.<br />
En 1889, il entre <strong>au</strong> petit séminaire, puis de là passe<br />
<strong>au</strong> grand séminaire. Il y restera jusqu’en 1901, où il<br />
sera ordonné prêtre par le saint archevêque Espinola.<br />
Années de formation intense, de piété fervente, nourrie<br />
par l’APOSTOLAT DE LA PRIÈRE <strong>au</strong> cours desquelles sa<br />
vocation se précise : il sera prêtre pour la gloire et le<br />
service de Jésus-Hostie qu’il aime à la folie. N’ambitionnant<br />
que de devenir le bon pasteur d’un village <strong>au</strong>x<br />
mœurs patriarcales, le voilà, <strong>au</strong> cours d’une mission à<br />
Palomares del Rio, confronté <strong>au</strong> drame de l’apostasie<br />
moderne : sous couvert de laïcisme, la foi et la piété se<br />
perdent, les mœurs se corrompent.<br />
« Je ne rencontrais, raconte-t-il, que des villes en<br />
miniature avec toutes les misères qui se cachent dans<br />
ces bas-fonds sous les belles apparences dont ils se<br />
couvrent... Au poème pastoral de mes rêves apostoliques<br />
du séminaire avait succédé la vision d’une<br />
tragédie... une tache rouge, comme du sang... »<br />
« JÉSUS FIXA SUR LUI SON REGARD ET L’AIMA. »<br />
Un soir, don Manuel n’en peut plus : « J’allais<br />
devant le Saint-Sacrement pour qu’Il rende des ailes à<br />
mes enthousiasmes perdus... Quels moments j’y passais,<br />
mon Dieu ! et que d’efforts eurent à déployer ma foi et<br />
mon courage pour ne pas enfourcher l’âne du sacristain<br />
et rentrer chez moi <strong>au</strong> grand galop !... Là, à genoux sur<br />
un tas d’oripe<strong>au</strong>x et de saletés, ma foi contemplait Jésus<br />
à travers la petite porte, un Jésus tellement silencieux, si<br />
patient, si calme et si bon et qui me regardait... Oui, il me<br />
semblait qu’après avoir parcouru du regard ce désert<br />
spirituel des âmes, Il posait sur moi un regard un peu<br />
triste et suppliant qui me disait tant, me demandait plus<br />
encore, me faisait pleurer et en même temps retenir mes<br />
larmes pour ne pas l’affliger encore plus ; c’était un<br />
regard où se reflétait toute la tristesse de l’Évangile.<br />
<strong>La</strong> tristesse du “ Il n’y avait pas de place pour eux à<br />
Bethléem ”, la tristesse de ces paroles du Maître : “ Et<br />
vous <strong>au</strong>ssi, vous allez me quitter ? ” la tristesse du p<strong>au</strong>vre<br />
<strong>La</strong>zare quémandant les miettes tombées de la table du<br />
riche, la tristesse de la trahison de Judas, du reniement<br />
de Pierre, de la gifle du soldat, des crachats <strong>au</strong> prétoire,<br />
de l’abandon de tous. Oui, oui, ces tristesses étaient<br />
là dans ce tabernacle, oppressant et déchirant le Cœur<br />
très doux de Jésus et faisant jaillir de ses yeux une<br />
source amère de larmes bénies ! N’est-ce pas que le<br />
regard de Jésus <strong>au</strong> Tabernacle est un regard qui se<br />
fixe dans l’âme pour ne plus jamais s’effacer ? »<br />
Réalisme de la dévotion des saints pour ce “ mystère<br />
de foi ” vertigineux : JÉSUS <strong>EST</strong> LÀ, vivant, agissant,<br />
souffrant, attirant tout à Lui. <strong>La</strong> nouvelle et merveilleuse<br />
théologie eucharistique de notre Père, l’abbé<br />
de Nantes, justifie un tel réalisme.<br />
Ce soir-là, don Manuel a trouvé sa vocation :<br />
« Abandon du Tabernacle ! Combien tu es resté collé à<br />
mon âme ! Hélas ! Combien clairement tu m’as fait voir<br />
tout le mal qui sortait d’ici et tout le bien qu’on pouvait<br />
y recevoir !... Être curé d’un peuple qui n’aime pas<br />
Jésus afin de L’aimer moi-même <strong>au</strong> nom de ce peuple.
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 29<br />
Employer mon sacerdoce à prendre soin de Jésus selon<br />
les nécessités qu’impose sa vie <strong>au</strong> Tabernacle. L’alimenter<br />
de mon amour, Le réch<strong>au</strong>ffer de ma présence, L’entretenir<br />
de ma conversation. Le défendre de l’abandon et<br />
de l’ingratitude. Procurer des soulagements à son Cœur<br />
par mes Saints Sacrifices. Lui servir de pieds pour le<br />
conduire là où quelqu’un Le désire, Lui donner mes<br />
mains pour faire l’<strong>au</strong>mône en son Nom même à ceux qui<br />
ne L’aiment pas. Lui donner ma bouche pour parler de<br />
Lui et consoler par Lui, et crier son message à ceux qui<br />
s’obstinent à ne pas l’entendre. Jusqu’à ce qu’ils L’entendent<br />
et qu’ils Le suivent. Quel magnifique sacerdoce !<br />
« Et s’ils n’acceptent ni mon amitié parce qu’elle les<br />
conduit à Lui, ni mon argent parce que c’est en son<br />
Nom que je le leur donne, et s’ils me ferment toutes<br />
leurs portes ? Cela ne fait rien ! Il nous restera toujours,<br />
à Jésus et à moi, <strong>au</strong> moins une porte ouverte : à<br />
Lui, celle de mon cœur et à moi celle du Sien... »<br />
De ce Cœur à cœur eucharistique, il se fait l’apôtre<br />
<strong>au</strong>près des vieillards dont il est l’<strong>au</strong>mônier à l’asile des<br />
Petites Sœurs des p<strong>au</strong>vres, les engageant avec succès à<br />
faire des communions réparatrices et à passer chaque<br />
jour une demi-heure en compagnie du Grand Abandonné,<br />
« par amour du plus aimable des amants ».<br />
ARCHIPRÊTRE DE HUELVA<br />
En 1905, il est nommé archiprêtre de Huelva, cité<br />
portuaire et minière à l’ouest de Séville, près de la<br />
frontière portugaise, dont la population est en grande<br />
partie gagnée à la propagande révolutionnaire. Le<br />
nouve<strong>au</strong> curé est accueilli par des insultes et des<br />
pierres. Il va son chemin, souriant à chacun, mais à<br />
l’intérieur son cœur saigne. Quelques paroissiens assistent<br />
bien le matin à sa messe, mais pas un ne communie<br />
! Pour les enterrements, on va jusqu’à détourner le<br />
cercueil du défunt pour faire des cérémonies civiles et<br />
républicaines ! Alors, près du Tabernacle, monte ce cri<br />
d’angoisse : « Cœur sacré de Jésus, par où dois-je commencer<br />
? » Il entend une voix qui lui souffle : « Vat’en<br />
! » mais une <strong>au</strong>tre, celle de la confiance et de<br />
l’obéissance, répond : « Reste ! »<br />
Don Manuel résiste à la tentation d’un poste confortable<br />
qui lui est offert, en s’accrochant à l’obéissance.<br />
« Combien de fois ai-je eu l’occasion, confiera-t-il,<br />
d’éprouver qu’une grande part de mes réussites venaient<br />
de ma décision de rester là où me voulaient le<br />
Sacré-Cœur et mon évêque ! » Car il va réussir à<br />
Huelva, d’une manière spectaculaire, par le rayonnement<br />
de l’Eucharistie et la puissance du Sacré-Cœur.<br />
S’appuyant sur les quelques bonnes familles qu’il sait<br />
dévouées et ferventes, nouve<strong>au</strong> don Bosco, il décide de<br />
s’occuper d’abord de la jeunesse délaissée.<br />
« Le spectacle de centaines d’enfants traînant dans<br />
le ruisse<strong>au</strong> parce qu’il n’existait pas d’école gratuite ou<br />
qu’elles étaient tenues par les ennemis du Christ et de<br />
la Vierge [protestants et républicains], nous jeta nousmêmes<br />
dans la rue afin de construire des écoles spacieuses,<br />
bien chrétiennes et absolument gratuites pour<br />
les enfants p<strong>au</strong>vres... Capital initial : pas un sou, mais<br />
des millions de confiance envers le Sacré-Cœur et en<br />
amour de ces petits abandonnés. »<br />
Par la multiplication des exercices de dévotion et des<br />
prédications familières, par le culte matinal exerçant une<br />
douce violence sur les cœurs, – dès 5 heures du matin,<br />
monsieur le curé est à son confessionnal –, par une<br />
patience inlassable dans la conduite des âmes, don Manuel<br />
mène méthodiquement son œuvre de reconquête.<br />
En l’espace de trois ans, de multiples œuvres voient le<br />
jour : l’Œuvre des vocations du Sacré-Cœur de Jésus, le<br />
Patronage des apprentis, la Grange agricole du Sacré-<br />
Cœur, qui permet <strong>au</strong>x enfants de « courir, jouer, suivre<br />
l’instruction et apprendre à travailler la terre », les orphéons<br />
et la fanfare du Sacré-Cœur, mais <strong>au</strong>ssi l’institution<br />
des “ Anges eucharistiques ”, chargés de visiter<br />
les foyers de la paroisse, afin de leur montrer le chemin<br />
de l’église et les embraser du feu du divin Cœur.<br />
En 1908, lors des Semaines sociales qui tiennent<br />
leurs assises à Séville, don Manuel est appelé à raconter<br />
la résurrection de sa paroisse. Son témoignage<br />
rejoint les consignes du Pape régnant, saint Pie X :<br />
« Si l’Action sociale <strong>catholique</strong> n’est pas seulement<br />
une action inspirée par la sympathie, la compassion, le<br />
commerce, la répugnance purement naturelle envers<br />
toute injustice, alors il f<strong>au</strong>t lever les yeux plus h<strong>au</strong>t, il<br />
f<strong>au</strong>t compter sur Dieu plus que sur ses propres calculs.<br />
Telle est ma doctrine. Elle n’est pas de moi, mais elle<br />
vient de l’Évangile...<br />
« Je crois que si ce curé a du sang chrétien dans les<br />
veines, il n’a d’<strong>au</strong>tre recours que de se rendre devant<br />
le Tabernacle et répandre ses larmes en racontant ses<br />
peines à son Compagnon d’abandon, Jésus seul et méprisé,<br />
et de répéter inlassablement cette démarche.<br />
Alors, je puis vous assurer, messieurs, que pour un<br />
peuple impie, un curé qui pleure devant un Tabernacle<br />
désert, c’est une terrible menace. C’est là, oui, c’est par<br />
là, je crois, que doit commencer le curé pour son<br />
Action sociale <strong>catholique</strong> : regarder be<strong>au</strong>coup le Christ<br />
et se remplir de ce regard si suavement triste qui<br />
cherche où se reposer et qui ne trouve pas ; pleurer<br />
avec le Christ qui pleure, accompagner le Christ abandonné,<br />
mettre son cœur tout près du Cœur du Christ,<br />
tout près, jusqu’à se piquer <strong>au</strong>x épines qui couronnent<br />
ce Cœur, jusqu’à ce que passent en son cœur un peu de<br />
ces froideurs amères qui débordent du Sacré-Cœur et<br />
établir ainsi comme un flux et un reflux de peine et<br />
d’amour, celui de l’adorateur, de l’amant, et de la<br />
victime pour toute sa p<strong>au</strong>vre paroisse...<br />
« Ainsi rempli du Christ, qu’il retourne vers son<br />
peuple, et alors surviendra le miracle de sa régénération...<br />
Qu’ils tremblent tous les démons de ce peuple,<br />
démons angéliques et démons humains, car leur perte<br />
n’est pas loin ; que tremblent les écoles laïques et les<br />
f<strong>au</strong>x apôtres, les exploiteurs, les m<strong>au</strong>vaises revues et tout<br />
ce qui est nuisible, oui, qu’ils tremblent, car ce n’est pas<br />
un curé mais un cyclone qui leur arrive dessus. »<br />
Devant un <strong>au</strong>ditoire suspendu à ses lèvres, il conclut<br />
par ces mots : « Messieurs, il est l’heure de partir, le<br />
train est déjà formé ! Réviseurs, organisateurs, à vos<br />
postes ! Machinistes, <strong>au</strong> Tabernacle ! Cœur de Jésus,
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 30<br />
allumez la machine ! Peuple persécuté et exploité, tous<br />
<strong>au</strong> train ! Que sonnent les cloches et en marche... »<br />
L’ŒUVRE DES TABERNACLES - CALVAIRES<br />
L’humble curé <strong>au</strong> cœur de flamme revient <strong>au</strong> Tabernacle,<br />
et bientôt germe en son âme de consolateur de<br />
Jésus abandonné une nouvelle inspiration. C’était le 4<br />
mars 1910, premier vendredi du mois. Un tabernacle<br />
abandonné, explique-t-il à ses paroissiens, c’est comme le<br />
Calvaire déserté... « avec cette différence en notre défaveur<br />
: <strong>au</strong> Calvaire, se trouvaient encore des MARIE qui<br />
pleuraient et consolaient, alors qu’ici, il n’y en a même<br />
plus... À présent, je ne vous demande plus d’argent pour<br />
les enfants p<strong>au</strong>vres, ni de secours pour les malades, ni de<br />
travail pour les chômeurs, ni de consolation pour les<br />
affligés. Je vous demande une <strong>au</strong>mône d’affection pour<br />
Jésus <strong>au</strong> Saint-Sacrement, un peu de chaleur pour<br />
ces tabernacles abandonnés. Je vous le demande pour<br />
l’amour de Marie Immaculée, Mère de ce Fils si méprisé<br />
et pour l’amour de ce Cœur si peu payé de retour. »<br />
L’Œuvre des Tabernacles - Calvaires était née. Avec un<br />
cri de guerre, de Croisade plutôt : « Plus l’abandon des<br />
<strong>au</strong>tres est grand, plus je lui tiendrai compagnie ! Aunque<br />
todos... Yo no ! Même si tous... moi, non ! » Et pour<br />
programme : « Chercher à procurer <strong>au</strong> Cœur de Jésus<br />
abandonné extérieurement et intérieurement, à la Messe,<br />
dans l’Eucharistie, en sa Présence réelle, une RÉPARATION<br />
incessante et organisée, par une compagnie, une présence<br />
de compassion, d’imitation et de confiance. »<br />
On pense irrésistiblement à l’Ange du Portugal, pressant<br />
les pastoure<strong>au</strong>x d’Aljustrel d’adorer et d’offrir sans<br />
cesse à la Très Sainte Trinité « les très précieux Corps,<br />
Sang, Âme et Divinité de Jésus-Christ présent dans tous les<br />
tabernacles de la terre, en RÉPARATION des outrages, sacrilèges<br />
et indifférences par lesquels il est lui-même offensé ».<br />
L’Œuvre va se répandre comme une traînée de poudre<br />
dans toute l’Espagne <strong>catholique</strong> : cinq ans plus tard,<br />
elle comptait déjà plus de soixante-dix mille “ MARIE ”<br />
qui, par groupes de trois, avaient choisi leur tabernacle,<br />
de préférence abandonné, et s’engageaient à l’entretenir,<br />
à aller prier régulièrement à ses pieds, et à attirer les<br />
âmes à prier avec elles. L’Œuvre <strong>au</strong>ra sa branche masculine<br />
: les “ DISCIPLES DE SAINT JEAN ” ; et enfantines :<br />
les “ JUANITOS ”. Don Manuel composera chaque mois à<br />
leur intention un bulletin rempli de méditations eucharistiques<br />
et mariales enflammées, et recevra en retour<br />
des témoignages charmants, bouleversants :<br />
« Le récit de ces visites faites par des jeunes filles<br />
jusqu’à des villages distants de plus de dix kilomètres à<br />
pied, ces adorations du Saint-Sacrement à travers le<br />
trou de la serrure ou la fente de la porte de l’église<br />
fermée, ces invitations de maison en maison pour<br />
supplier les habitants, avec des larmes parfois, de venir<br />
<strong>au</strong>près du Bon Jésus dans son Tabernacle, ces missions<br />
si fatigantes, ces consécrations de villages <strong>au</strong> Sacré-<br />
Cœur de Jésus, en présence des <strong>au</strong>torités, ces catéchismes<br />
ou ces écoles du dimanche, ces écoles et associations<br />
pieuses fondées et soutenues par elles... Oubliant<br />
le bien-être de leur foyer et de leur train de vie, elles<br />
passent des heures et des jours entre le Tabernacle<br />
abandonné et les rudes villageois. Elles ne pensent et<br />
ne rêvent qu’à leur Tabernacle. Tous ces récits m’incitent<br />
à louer infiniment le Cœur Eucharistique de Jésus<br />
qui a voulu que dans ce <strong>siècle</strong> d’abandons et de froideurs<br />
envers Lui, naisse une telle œuvre. »<br />
En mai 1912, à Madrid, don Manuel exposa devant<br />
plusieurs centaines de “ Marie ”, réunies dans l’église des<br />
Esclaves du Cœur de Jésus, « le modèle d’une Marie, tel<br />
que je l’avais conçu devant le Tabernacle. J’essayais de<br />
leur démontrer que l’Œuvre des Marie, bien comprise et<br />
bien pratiquée, en venant à bout de l’abandon des Tabernacles,<br />
accélérerait le règne social du Cœur de Jésus sur la<br />
terre et constituerait un fondement solide pour une régénération<br />
chrétienne du peuple qui ne peut apaiser sa faim si<br />
on ne lui donne pas le Pain de vie qui réside <strong>au</strong> Tabernacle.<br />
Et puisqu’on en était <strong>au</strong>x confidences, j’annonçai à ces<br />
Marie mon grand désir que l’Œuvre fût présentée à<br />
Rome, que le Pape de l’Eucharistie la connaisse et y<br />
appose son sce<strong>au</strong> et surtout qu’il la complète. »<br />
Qu’il la complète en accordant la permission <strong>au</strong>x<br />
prêtres de l’Œuvre de célébrer la sainte Messe chez les<br />
Marie quand celles-ci seraient malades, afin que l’Œuvre<br />
des Marie, fidèles compagnes du Cœur eucharistique <strong>au</strong><br />
Calvaire, soit <strong>au</strong>ssi, par une touchante réciprocité, l’Œuvre<br />
du Cœur eucharistique, Compagnon fidèle des Marie<br />
quand elles sont clouées sur la Croix par la maladie.<br />
Au mois de novembre suivant, le curé de Huelva était<br />
à Rome avec son archevêque, Mgr Almaraz, que Pie X<br />
voulait élever à la pourpre cardinalice. Le cardinal Vivès,<br />
saint capucin espagnol, l’introduisit <strong>au</strong>près du Pape.<br />
L’<strong>au</strong>dience eut lieu le 27 novembre, tout empreinte de la<br />
cordialité et de la piété que l’on connaît chez le saint<br />
Pape. Celui-ci, se penchant vers don Manuel qui en<br />
perdit l’usage de la parole, lui parla de ses enfants<br />
p<strong>au</strong>vres, l’appelant : « Parroco picaro ! Coquin de curé ! »<br />
avant de le congédier par un affectueux : « Adios parroco<br />
mio, adieu, mon cher curé. » Et don Manuel de repartir<br />
plein d’action de grâces, ayant obtenu le 3 décembre,<br />
en la fête de saint François-Xavier, la bénédiction du<br />
Vicaire du Christ et le “ grand privilège ” sollicité.<br />
Sur le chemin du retour, il s’arrêta à Lourdes pour<br />
confier à l’Immaculée l’Œuvre des tabernacles abandonnés<br />
; dans sa dévotion enflammée, il inventa un<br />
verbe qu’il <strong>au</strong>rait voulu voir conjuguer par toutes ses<br />
Marie et ses Jean : « EUCHARISTIER, action de rendre,<br />
avec l’aide de la Sainte Vierge, un peuple fou d’amour<br />
pour le Cœur eucharistique de Jésus. »<br />
ÉVÊQUE DE MALAGA<br />
En 1915, don Manuel est nommé évêque <strong>au</strong>xiliaire<br />
de Malaga, à l’est de Séville. « Je ne veux pas être<br />
l’évêque de la science ni de l’action, ni des p<strong>au</strong>vres ni<br />
des riches, je ne veux être rien d’<strong>au</strong>tre que l’évêque du<br />
Saint-Sacrement abandonné, dit-il à ses diocésains. Je ne<br />
veux d’<strong>au</strong>tre chemin que celui qui mène <strong>au</strong> Tabernacle...<br />
» Mais après une visite pastorale de l’ensemble<br />
de ses paroisses, il dresse un bilan angoissant. C’est<br />
l’apostasie programmée, en trois étapes :
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 31<br />
« Monseigneur, me disait-on dans un village qui, pour<br />
la première fois, n’avait plus son curé, comment voulezvous<br />
qu’on soit <strong>au</strong>trement si on n’a plus de père curé ni de<br />
Saint-Sacrement ? On vivra comme des chiens ! Et une<br />
bonne femme du peuple d’insister : Quand cette petite<br />
lumière s’éteint, c’est la vie qui s’éteint avec elle. Ce peuple<br />
croyait et aimait encore.<br />
« “ On n’a pas besoin de ça ”, disaient les habitants<br />
d’un <strong>au</strong>tre village sans curé, <strong>au</strong> prêtre que j’envoyais<br />
pour qu’il consomme les Saintes Espèces et laisse vide<br />
le tabernacle abandonné depuis longtemps déjà. Ici, on<br />
ne croyait déjà plus.<br />
« Mais voici la dernière marche : je visite un village<br />
de campagne, riche et qui se trouve depuis trente ans<br />
dépourvu de prêtre. Je demande : “ Et l’église ? –<br />
L’église, me répond-on, comme on nous avait dit que tout<br />
cela ne se faisait plus, chacun en a pris ce qu’il voulait, et on<br />
s’est partagé entre nous les matéri<strong>au</strong>x. ” Là, on vivait déjà<br />
comme des s<strong>au</strong>vages. C’est à cela que vont tôt ou tard<br />
les peuples qui vivent sans curé ou sans contact avec<br />
un prêtre, malgré les lumières électriques, les téléphones,<br />
les radios, la culture... »<br />
Sans plus attendre, Mgr González part en guerre<br />
contre l’abandon du Saint-Sacrement. Malgré son peu de<br />
ressources, il construit un nouve<strong>au</strong> séminaire, consacré<br />
<strong>au</strong> Cœur eucharistique de Jésus, moderne, vaste et ensoleillé,<br />
<strong>au</strong>quel il affecte un corps professoral de qualité. Il<br />
crée des écoles, sur le modèle de celles d’Huelva, et<br />
fonde également une Confédération nationale <strong>catholique</strong><br />
agricole ! Vivant comme un p<strong>au</strong>vre, dans l’endroit le<br />
plus humide du palais épiscopal, il passe de longues<br />
heures <strong>au</strong> pied du Tabernacle. C’est là que naît l’idée de<br />
recruter et de former des “ Missionnaires eucharistiques<br />
”, qui se rendront de village en village, seuls ou<br />
accompagnés de Marie et de Jean donnant l’exemple de<br />
l’adoration et de la réparation eucharistique, pendant<br />
qu’eux-mêmes prêcheront et distribueront les sacrements.<br />
En 1921, l’évêque fonde les Marie de Nazareth (<strong>au</strong>jourd’hui<br />
“ Missionnaires eucharistiques de Nazareth ”),<br />
fleur de l’Œuvre des Marie, vivant en commun<strong>au</strong>té dans<br />
le but de « susciter et conserver des groupes de Marie bien<br />
formées, âmes choisies, dans les villages qu’elles visitent<br />
et où elles exercent un doux et constant apostolat d’amitié,<br />
d’exemple et de prière ». Reconquête pacifique des cœurs<br />
et de toute la société à Jésus-Hostie, sous le signe de<br />
son Divin Cœur, <strong>au</strong>quel l’Espagne a été consacrée officiellement<br />
par son roi, Alphonse XIII, le 30 mai 1919.<br />
GUERRE SAINTE EN AFRIQUE<br />
Cette même année 1921, éclate la guerre du Rif, et<br />
l’armée espagnole, dont le fer de lance est le Tercio du<br />
futur général Franco, se bat <strong>au</strong> Maroc contre Abd-el-<br />
Krim et ses islamistes. Comme le regroupement des<br />
troupes et le commandement des opérations se font à<br />
Melilla, qui dépend du diocèse de Malaga, Mgr González<br />
met sa plume et sa parole <strong>au</strong> service de l’Église<br />
et de la Patrie en publiant des LETTRES PASTORALES, dans<br />
lesquelles il n’hésite pas à tancer son peuple : pour<br />
soutenir l’effort des soldats <strong>au</strong> front, il f<strong>au</strong>t qu’à l’arrière,<br />
l’Espagne se livre publiquement à la prière et à la<br />
pénitence, car « un peuple qui prie en pleurant est un<br />
peuple qui sera vainqueur ».<br />
Il rappelle les leçons éternelles de la Bible : la défaite<br />
d’Israël sous les coups des Philistins quand le Peuple élu<br />
se livrait à l’idolâtrie et sa victoire lorsque, ayant détruit<br />
les idoles, il renouait avec l’Alliance de son Dieu.<br />
« Oh ! Combien de fois cette leçon de l’Histoire<br />
sainte s’est-elle répétée dans notre propre histoire !<br />
Combien de fois depuis Guadalete à Grenade, depuis<br />
don Rodrigo jusqu’<strong>au</strong>x Rois Catholiques, nos Philistins<br />
que sont les M<strong>au</strong>res ont-ils éprouvé la présence de Dieu<br />
dans les tentes chrétiennes et ont-il profité de son absence<br />
! Seigneur Jésus ! Ayez pitié de l’Espagne qui veut<br />
toujours vous appartenir ! Prêtez-lui main-forte pour disperser<br />
ses ennemis qui sont vos ennemis <strong>au</strong>ssi. Mes<br />
frères, mes frères, tournez-vous vers Dieu, brûlez les<br />
idoles qui l’offensent, et Dieu se tournera vers vous et<br />
obligera la troupe m<strong>au</strong>resque décontenancée à s’écrier :<br />
“ Le Dieu des chrétiens est revenu sous leurs tentes ! ” »<br />
Mgr Manuel ne se contente pas d’écrire et de parler,<br />
il reçoit lui-même les blessés, les visite à l’hôpital,<br />
s’offre à panser leurs blessures. Son zèle lui fait<br />
plusieurs fois traverser la mer pour visiter les soldats.<br />
<strong>La</strong> nuit de Noël 1921, il célèbre la messe devant eux et<br />
les prêche. On croit entendre le Père de Fouc<strong>au</strong>ld :<br />
« Je ne demande pas l’extermination des ennemis, cela<br />
ne serait pas chrétien ; je ne crois pas que les M<strong>au</strong>res<br />
soient invincibles parce que je ne crois pas non plus<br />
qu’ils soient, comme on le prétend, inconvertissables. Pour<br />
moi, il n’y a pas de doute que les M<strong>au</strong>res commenceront à<br />
se convertir lorsque les chrétiens qui les côtoient seront<br />
sérieusement chrétiens... »<br />
FACE À LA RÉVOLUTION<br />
Mais l’heure de l’épreuve va sonner dans la vie de<br />
Mgr González. Depuis des années, la situation politique<br />
se dégrade en Espagne, la franc-maçonnerie étend ses<br />
tentacules à travers tout le pays et, à chaque élection,<br />
les républicains gagnent des voix. Au printemps 1931,<br />
Alphonse XIII abdique et la République est proclamée.<br />
Un mois après, le 11 mai, des bandes de voyous armés<br />
s’attaquent <strong>au</strong>x églises et <strong>au</strong>x couvents des grandes<br />
villes. Dans la capitale, quarante-sept édifices religieux<br />
sont incendiés par les anarchistes. <strong>La</strong> police et les<br />
pompiers n’interviennent pas. Le gouvernement, composé<br />
d’idéologues sectaires, est complice, et le francmaçon<br />
radical Azaña parle de « justice immanente »!<br />
Les mêmes scènes de désolations se répètent à<br />
Cadix, Séville, Grenade, Valence et Malaga où dans la<br />
nuit, <strong>au</strong> milieu des vociférations de la foule massée sur<br />
la place, les rouges font s<strong>au</strong>ter les verrous du palais<br />
épiscopal de Mgr González. Les coups de feu font éclater<br />
les vitres, bientôt, un brasier se met à crépiter. <strong>La</strong><br />
première pensée de l’évêque est de s<strong>au</strong>ver le Saint-<br />
Sacrement. Mgr González communie les gens du palais<br />
et se communie lui-même, avant de se présenter à la<br />
meute, calme et souriant : « Vous m’avez à votre merci<br />
à présent, que voulez-vous ? Je me livre à vous. »<br />
Après quelques secondes de stupéfaction, les assaillants
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 32<br />
hurlent : « À bas l’évêque ! Qu’il meure ! Vive la République<br />
! » Mais on entend <strong>au</strong>ssi d’<strong>au</strong>tres cris : « Protégez-le<br />
! » Un des enragés brandit un roule<strong>au</strong> de cordes<br />
pour pendre l’évêque, mais <strong>au</strong> moment de réaliser son<br />
projet criminel, « les cordes lui glissent des mains », et<br />
l’évêque peut sortir, escorté de quelques fidèles.<br />
<strong>La</strong> franc-maçonnerie applique brutalement son programme<br />
: expulsion des jésuites, confiscation des biens<br />
des congrégations, fermeture des écoles confessionnelles,<br />
interdiction des processions et des enterrements <strong>catholique</strong>s.<br />
Au nom de la laïcité et des valeurs républicaines,<br />
le port du crucifix ou l’usage des mots “ roi ” ou “ reine ”<br />
sont punis d’une amende. Le 13 octobre 1931, Azaña<br />
annonce avec impudence <strong>au</strong>x Cortès que « l’Espagne a<br />
cessé d’être <strong>catholique</strong> ».<br />
Suit pour Mgr González un temps d’exil, pendant<br />
lequel il reste en relation avec ses diocésains et continue<br />
à propager l’Œuvre réparatrice. Mais le 4 juillet 1935, le<br />
nonce Tedeschini lui transmet la décision du pape<br />
Pie XI : il doit renoncer <strong>au</strong> diocèse de Malaga. Quel<br />
sacrifice pour lui ! « Être saint, disait-il, c’est être Jésus,<br />
le cœur ouvert de part en part. » Alors il accepte, donnant<br />
toute la mesure de sa sainteté.<br />
Il est nommé à Palencia, dans le nord du pays, où il fait<br />
son entrée, le 12 octobre, en la fête de Notre-Dame del<br />
Pilar. « Je ne viens pas pour <strong>au</strong>tre chose que pour vous<br />
faire du bien, mais en m’anéantissant s’il le f<strong>au</strong>t », déclaret-il.<br />
À peine a-t-il le temps de visiter son diocèse que<br />
l’Espagne entre en agonie. C’est le Frente popular, d’inspiration<br />
bolchevique, qui conduit le pays à l’abîme dans<br />
un déchaînement de forces diaboliques contre l’Église.<br />
L’évêque fait prier les enfants devant les tabernacles,<br />
exhorte ses fidèles à réciter le chapelet, l’arme absolue.<br />
« À l’horizon de notre patrie, je ne vois rien qui me<br />
fasse présager des jours de triomphe et de paix pour la<br />
c<strong>au</strong>se <strong>catholique</strong> ; mais je garde une entière confiance<br />
envers le Sacré-Cœur de Jésus et envers Notre-Dame<br />
del Pilar... Qui ? Quand ? Où ? Comment ? Je ne sais,<br />
mais pas un instant je ne doute que va surgir bientôt<br />
l’homme providentiel qui doit nous s<strong>au</strong>ver. Ni le Sacré-<br />
Cœur de Jésus ni la Vierge du Pilar ne consentiront à<br />
ce que triomphent ici, d’une manière irréparable, l’impiété<br />
et la franc-maçonnerie... »<br />
Quand, le 18 juillet 1936, il apprend la nouvelle du<br />
soulèvement national sous les ordres du général Franco,<br />
il écrit : « Jour du soulèvement contre les ennemis de<br />
l’Espagne et du Cœur de Jésus. Pardon et miséricorde.<br />
Sanctificetur Nomen tuum... Adveniat regnum tuum ! »<br />
« N’oubliez pas, dira-t-il, que la guerre qui ravage<br />
le pays, n’est pas seulement une guerre civile, sociale,<br />
politique, c’est surtout une guerre de religion. C’est la<br />
guerre contre l’Espagne <strong>catholique</strong>, contre le Christ et<br />
contre son Corps mystique. N’a-t-il pas porté Luimême<br />
dans son Eucharistie et dans son Église la principale<br />
et la plus grande part des haines et des agressions<br />
? » Parmi les martyrs de cette guerre atroce qui<br />
durera trois ans, on comptera nombre de “ Marie ” et<br />
de “ Jean ”. Mais les historiens honnêtes le reconnaissent<br />
: dans le camp nationaliste, il n’y avait pas de<br />
haine. « Faites-vous les apôtres du commandement<br />
nouve<strong>au</strong>, écrivait l’évêque de Palencia dans une LETTRE<br />
PASTORALE, répandue dans toute l’Espagne et même à<br />
l’étranger. Prêchez la plus nécessaire de toutes les<br />
Croisades, celle de la charité fraternelle entre les Espagnols.<br />
N’oublions jamais la grande leçon de cette<br />
tragédie de huit <strong>siècle</strong>s de combat contre l’islam.<br />
Pourquoi les fils du cimeterre pénétrèrent-ils si aisément<br />
dans l’Espagne wisigothe ? Parce qu’ils la trouvèrent<br />
divisée et corrompue. Pourquoi la Reconquista<br />
dura-t-elle huit <strong>siècle</strong>s ? Par manque de charité fraternelle<br />
: si le communisme est la religion de la haine,<br />
notre sainte religion est celle de l’amour. »<br />
LE SACRÉ-CŒUR, ROI DE PALENCIA<br />
Mgr González anticipa d’une année la victoire du<br />
C<strong>au</strong>dillo, en réintronisant le Sacré-Cœur comme Roi et<br />
Gouverneur de la ville de Palencia, <strong>au</strong> cours d’un<br />
triduum solennel, du 5 <strong>au</strong> 7 mai 1938. Le premier jour,<br />
une magnifique procession reconduisit la statue du Sacré-Cœur<br />
depuis l’Asile des Sœurs où elle avait été<br />
cachée durant les troubles de la République jusqu’à la<br />
cathédrale, et le troisième jour, elle fut à nouve<strong>au</strong><br />
portée par les rues de la ville sur les ép<strong>au</strong>les des maires<br />
de la région, jusqu’<strong>au</strong> palais de la Députation.<br />
Le président de la Chambre, don Rodolfo Pérez de<br />
Guzmán, lut l’acte de consécration rendant à Jésus-<br />
Christ son trône et lui demandant de présider à tous les<br />
trav<strong>au</strong>x de la Députation, de la cité et de la Province,<br />
afin que, sous son regard paternel, les habitants de<br />
Palencia travaillent laborieusement et honnêtement, et<br />
que s’accomplisse la promesse de prédilection faite<br />
jadis à la nation espagnole : « Je régnerai en Espagne. »<br />
Mgr Manuel, très ému, expliqua à ses diocésains le<br />
sens de l’acte qu’ils accomplissaient, et après avoir<br />
récité avec eux le CREDO, ajouta avec sa bonne humeur<br />
coutumière : « Notez bien que c’est un aller sans<br />
retour ! » Au milieu des cris du peuple et des notables<br />
qui acquiesçaient : « Oui, oui, sans retour ! » le président<br />
ajouta : « Sans retour, en effet, mais si, pour la<br />
honte de Palencia, il y en avait un, m<strong>au</strong>dit celui qui en<br />
serait l’<strong>au</strong>teur ou qui y consentirait ! »<br />
Ce triomphe régional du Sacré-Cœur, figuratif de son<br />
grand triomphe final, était l’œuvre de Mgr Manuel González.<br />
L’évêque du Saint-Sacrement pouvait chanter son<br />
Nunc dimittis. L’année suivante, il dut être opéré à<br />
Madrid. « Père Saint, par le Cœur Immaculé de Marie,<br />
je vous offre Jésus votre Fils et je m’offre avec Lui et<br />
pour Lui à toutes ses intentions et <strong>au</strong> nom de toutes<br />
les créatures. » Telle fut sa dernière prière, avant de<br />
s’éteindre saintement <strong>au</strong>x premiers jours de janvier 1940.<br />
Son corps fut ramené à Palencia et enterré à la<br />
cathédrale, dans la chapelle du Saint-Sacrement, <strong>au</strong> pied<br />
du Tabernacle, comme il l’avait demandé, « pour que<br />
mes os, après ma mort, comme ma langue et ma plume<br />
durant ma vie, puissent toujours dire <strong>au</strong>x passants : Ici<br />
se trouve Jésus. Il est là ! Ne le laissez pas seul. Mère<br />
Immaculée, saint Jean, saintes Maries, portez mon âme<br />
en la compagnie éternelle de Jésus, <strong>au</strong> Ciel. »<br />
frère Thomas de Notre-Dame du perpétuel secours.
LA LIGUE N o 127 - P. 33<br />
C’ <strong>EST</strong> LE SAINT-PÈRE !<br />
LA douce et première rencontre<br />
du pape François et<br />
de ses enfants a étonné et captivé<br />
l’attention du monde entier.<br />
« On a tellement dit que l’Église<br />
était morte, s’est exclamé un<br />
journaliste canadien, elle montre<br />
bien que ce n’est pas vrai. » <strong>La</strong><br />
vérité vraie, c’est que la Sainte Église de Dieu est<br />
comme la Blanche Neige du conte de Grimm, en attente<br />
de son prince charmant, lui seul pouvant la délivrer<br />
du sortilège diabolique qui la maintient depuis<br />
cinquante ans dans un état comateux, sans vie, sans<br />
fruits, comme morte. Mais de la dure étreinte d’un mal<br />
si grand elle ne pouvait se dégager que par « un premier<br />
baiser d’amour vrai », dit le conte... Eh bien,<br />
c’est ce qui arriva ce soir-là...<br />
Mais, car il y un “ mais ”, pour que son effet soit<br />
définitif – cela Grimm ne pouvait l’imaginer – il f<strong>au</strong>t<br />
cependant et il suffit, que notre Prince obéisse à deux<br />
petites demandes de Notre-Dame de Fatima. Peut-être ne<br />
le sait-il pas ? Toujours est-il qu’il semble avoir reçu les<br />
arrhes de cette obéissance vingt-quatre heures durant,<br />
mais pas davantage. Au-delà, force est de constater qu’un<br />
mal mystérieux bien connu de nous est toujours à l’œuvre.<br />
Notre frère Bruno l’a analysé avec la même humilité,<br />
sympathie, vérité et charité que notre Père le fit<br />
jadis pour la belle âme de Jean-P<strong>au</strong>l I er (cf. éditorial<br />
p. 1-12). Il définit ainsi ce que sera notre service d’une<br />
église qui se meurt de Vatican II, et notre dévouement<br />
<strong>au</strong>près d’un Saint-Père si aimable et déjà tant aimé, car<br />
sa foi <strong>catholique</strong> est indéniable, et même si elle vacille<br />
parfois, le cœur, lui, ne nous décevra pas. C’est pourquoi<br />
notre joie est celle que notre Père entrevoyait<br />
avec tant de raison en septembre 1978 sous le pontificat<br />
de Jean-P<strong>au</strong>l I er : « Quelle joie ce sera quand<br />
Dieu nous donnera un Pape pieux, juste et bon qui<br />
voudra bien nous entendre (...). Je crois que nous allons<br />
tous voir ce que nous avons cru et tant espéré. »<br />
NOTRE “ DOUX CHRIST EN TERRE ”<br />
Le charme du pape François n’a heureusement rien<br />
de mondain, mais tout de ce “ je ne sais quoi ” de<br />
sainteté qui avait séduit notre Père en 2003, bon premier<br />
de toute l’Église <strong>catholique</strong> présente place Saint-<br />
Pierre en ce 13 mars, effectivement ou de cœur. Aussi<br />
quand le Saint-Père François demanda à la foule de<br />
prier pour lui, de prier avec lui, elle consentit <strong>au</strong>ssitôt,<br />
et le monde assista sidéré à ce premier baiser d’amour<br />
vrai, profond, silencieux. Il entendit ces premières<br />
paroles d’amour divin seules capables de ressusciter<br />
les “ cadavres ” : Notre Père qui êtes <strong>au</strong>x Cieux... pardonnez-nous<br />
nos offenses, comme nous pardonnons à<br />
longueur 87,5 mm = largeur de la colonne<br />
h<strong>au</strong>teur 130 mm<br />
à genoux devant son f<strong>au</strong>teuil rouge et en face de l’<strong>au</strong>tel de Sainte-<br />
Marie-Majeure.<br />
© ServizioFotograficoOR/CPP/CIRIC<br />
En prière <strong>au</strong>x pieds de la Vierge Salus populi<br />
romani, après avoir déposé un bouquet de fleurs sur<br />
son <strong>au</strong>tel, à la basilique Sainte-Marie-Majeure.<br />
Jean-P<strong>au</strong>l I er avait dit : « Si je vis, je retournerai à<br />
Fatima pour consacrer le monde et particulièrement<br />
les peuples de la Russie à la Sainte Vierge, selon<br />
les indications qu’elle a données à sœur Lucie.»<br />
Maintenant que le voilà “ revenu ”, ira-t-il ?<br />
ceux qui nous ont offensés, et ne nous laissez pas<br />
succomber à la tentation, mais délivrez-nous du mal...<br />
Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous p<strong>au</strong>vres<br />
pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort... »<br />
Oui vraiment le Bon Dieu en sa Sainte Trinité fut<br />
glorifié ce soir-là, et une fois accompli ce célestiel<br />
devoir d’amour nuptial, le Vicaire du Christ souhaita à<br />
tous un bon “ reposo ” ; lui l’avait bien mérité d’<strong>au</strong>tant<br />
plus que, le lendemain, il devait besogner hardiment et<br />
confirmer ses frères dans la foi.<br />
FRANÇOIS – GEORGES DE NANTES, MÊME COMBAT !<br />
En s’adressant à ses frères cardin<strong>au</strong>x lors de sa<br />
première homélie, <strong>au</strong> cœur même de la chapelle Sixtine,<br />
le Saint-Père parla avec la puissance paisible du<br />
Divin Paraclet ; sans lire ses notes, joignant le geste à
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 34<br />
la parole, il leur fixa comme programme de vie et<br />
d’action ce que notre frère Bruno considère comme<br />
« le dogme de la foi », c’est dire son importance (cf. le<br />
texte intégral supra, p. 5). Là encore, sans se départir de<br />
sa simplicité coutumière, le Pape François opéra une<br />
fameuse résurrection. Pour en prendre la mesure, il<br />
suffit de se rappeler qu’il y a cinquante ans jour pour<br />
jour, seul notre Père avait précisément pris acte de<br />
cette désorientation diabolique qui devait corrompre le<br />
dogme de la foi et entraîner la mort lente de l’Église :<br />
« On annonce des jours nouve<strong>au</strong>x, où les chrétiens<br />
oseront oublier cette Croix qui les fait vivre, pour<br />
désarmer leurs ennemis ! L’amour de Jésus se perdant,<br />
l’indifférence à la vérité et à la justice ont suivi, et<br />
maintenant le grand projet des derniers temps est annoncé<br />
: l’humanité tout entière, chrétiens et païens,<br />
hier ennemis, comme Hérode et Pilate, comme les<br />
Juifs et les Romains vont se réconcilier, lassés de tant<br />
de luttes inutiles, pour arracher de la terre cette Croix<br />
dressée et faire un silence définitif sur Jésus. Tels sont<br />
les vains projets des hommes charnels qui crucifient<br />
une nouvelle fois le S<strong>au</strong>veur, mais cela ne sera pas. En<br />
proposant <strong>au</strong> Pape d’oublier la Croix, <strong>au</strong>x Évêques de rompre<br />
avec un passé de combat, les persécuteurs du Christ<br />
cherchent la mort de son Église et s’ils arrachent la pierre<br />
angulaire, c’est pour ruiner tout l’édifice. Quant à ceux<br />
des chrétiens qui acceptent le compromis, ils perdent<br />
<strong>au</strong>ssitôt leur énergie vitale et leur influence dans<br />
l’Église. Plus de vocations, plus de conversions. Les<br />
âmes du troupe<strong>au</strong> restent trop invinciblement attachées<br />
à la Croix et celui qui renie Jésus-Christ perd le troupe<strong>au</strong>.<br />
» (LETTRE À MES AMIS n o 136 : Passion 1963)<br />
Le Saint-Père corroborait donc le diagnostic du<br />
théologien de la <strong>Contre</strong>-<strong>Réforme</strong> Catholique et semblait<br />
dire sans équivoque possible : l’ouverture <strong>au</strong><br />
monde, le culte de l’homme, c’est fini !<br />
UNE JOIE MÊLÉE D’INQUIÉTUDE<br />
C’est une joie toute filiale qui a donc tout d’abord<br />
ravi les cœurs de nos amis. Les témoignages nous en<br />
arrivent nombreux.<br />
Au Mesnil-Saint-Loup, sur cette terre sainte sanctifiée<br />
par le Père Emmanuel et tant de saints curés, ravagée par<br />
d’<strong>au</strong>tres <strong>au</strong>ssi, notre frère Bernard entretient chaque mois<br />
la flamme de la vérité-charité CRC. Preuve que la piété et<br />
la foi s’y maintiennent, c’est la manière forte employée<br />
par madame E. F. pour influencer les cardin<strong>au</strong>x en conclave.<br />
Elle mit sous sa statue de la Sainte Vierge, l’édito<br />
de janvier 2003 sur le cardinal Bergoglio en qui notre<br />
Père pressentait un futur Pape. Notre-Dame de la Sainte<br />
Espérance a donc été de la partie, et notre Père <strong>au</strong>ssi...<br />
DE LA JOIE ET DU COURAGE POUR TOUS.<br />
Mes très chers enfants,<br />
Quelle immense joie en découvrant le bon Pape que<br />
la Sainte Vierge nous donne ! Ce Georges-Marie-là<br />
va continuer la Résurrection de l’Église que notre<br />
Georges-Marie avait entreprise... Et lorsque j’ai écouté<br />
son premier sermon <strong>au</strong>x cardin<strong>au</strong>x j’ai réalisé que oui,<br />
c’est bien lui notre doux Pasteur, il parle de Jésus, de<br />
la Croix et de Notre-Dame. J’espère qu’il va tenir<br />
bon, qu’il s<strong>au</strong>ra tenir tête à son prédécesseur et à ceux<br />
qui l’entourent. Nous imaginons votre joie à tous !<br />
Ma joie fut grande lorsqu’en cours de “ caté ” les<br />
élèves (sixièmes) m’ont dit : « Ah, madame ! il est<br />
drôlement bien ce Pape-là, on comprend tout ce qu’il<br />
dit ! » Du coup je n’ai eu <strong>au</strong>cun mal à les faire prier<br />
pour le Saint-Père.<br />
Pour ma part, j’avais presque décidé d’arrêter le<br />
“ caté ” l’an prochain, mais cette élection m’a fait<br />
changer d’avis, car il f<strong>au</strong>dra bien quelques ouvriers<br />
pour continuer à enseigner le catéchisme dans l’esprit<br />
de l’Église de toujours...<br />
Une jeune grand-mère.<br />
À PARIS.<br />
Frère François a été témoin de la ferveur spontanée<br />
des paroissiens, de leur attachement <strong>au</strong> Père Commun,<br />
mais chez nous <strong>au</strong>ssi cela “ ch<strong>au</strong>ffait ”.<br />
« Le site internet CRC a été très consulté <strong>au</strong> cours<br />
de la nuit, et des mails ont commencé à circuler entre<br />
nos amis et sympathisants.<br />
« Le soir, <strong>au</strong> cercle hebdomadaire, grande affluence,<br />
malgré les vacances. Nous avons regardé, toujours avec<br />
la même émotion, la première apparition du Pape à la<br />
loggia de Saint-Pierre. J’ai donné vos premières impressions,<br />
puis j’ai lu et commenté l’édito prophétique de<br />
2003. Quand j’en suis arrivé <strong>au</strong> passage où il est annoncé<br />
que le cardinal Bergoglio sera “ un Pape qui prêchera la<br />
Croix et reviendra à l’essence de l’Évangile ”, quelqu’un<br />
m’a tendu la transcription de sa première homélie, prononcée<br />
le matin même : Parfait accord.<br />
« Philippe L. était très enthousiaste du choix du conclave,<br />
je ne lui ai pas donné tort, loin de là ! Madame<br />
H., elle, s’est inquiétée d’une lettre du Pape, écrite dès<br />
le lendemain de son élection, <strong>au</strong> chef de la commun<strong>au</strong>té<br />
juive de Rome. Mais je crois bien que saint Pie X,<br />
comme Jean-P<strong>au</strong>l I er , avait eu des gestes surprenants à<br />
l’égard des juifs. De toute façon, nous ne pouvons pas<br />
avoir d’emblée un Pape de <strong>Contre</strong>-<strong>Réforme</strong>.<br />
« Tous nos amis étaient heureux et avaient hâte de<br />
savoir ce que frère Bruno en pensait, manifestant un<br />
très bon esprit et une édifiante volonté de docilité. »<br />
UN NOUVEAU JEAN-PAUL I er .<br />
À Rome, on n’a jamais <strong>au</strong>tant parlé de Jean-<br />
P<strong>au</strong>l I er , d’une part pour se réjouir de le revoir en la<br />
personne du Saint-Père François : « Le Saint-Esprit<br />
s’est surpassé ! C’est quelqu’un de simple comme<br />
nous ! On voit qu’il a l’habitude de vivre avec des<br />
gens simples... » Mais d’<strong>au</strong>tre part pour craindre de<br />
voir son élan violemment brisé comme celui de Jean-<br />
P<strong>au</strong>l I er . Un couple de retraités ayant travaillé <strong>au</strong> Vatican<br />
va oser dire, sans vouloir révéler son identité :<br />
« Mais vont-<strong>IL</strong>S le laisser faire ? »...
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 35<br />
LE PAPE DU SECRET DE FATIMA.<br />
Mon bien cher frère Bruno,<br />
Très chers frères et sœurs,<br />
Bergoglio ! Et il s’appelle Georges-Marie !! Et il<br />
commence par prier la Sainte Vierge et <strong>La</strong> faire<br />
prier !!! Est-ce par ce François que la p<strong>au</strong>vreté s<strong>au</strong>vera<br />
l’Église, qui s<strong>au</strong>vera le monde ? Dieu le sait. Mais ce<br />
er soir, nous avons cru revoir Jean-P<strong>au</strong>l I avec son sourire<br />
et son cœur de flamme. Nous l’avons vu <strong>au</strong>ssi<br />
comme accablé par avance, et on l’imagine bien pleurant<br />
et priant le Cœur Immaculé de Marie.<br />
Nous restons plus que jamais en grande union de<br />
prière <strong>au</strong>x Très Saints Cœurs de Jésus et de Marie.<br />
Nicolas et Sophie.<br />
Mon bien cher frère,<br />
En 2003, notre bien-aimé Père, frère Georges de<br />
Jésus-Marie nous avait annoncé cet <strong>au</strong>tre Georges-<br />
Marie... Le voici donc qui satisfait <strong>au</strong> vœu de notre<br />
Père et qui se met sous le patronage de saint François<br />
d’Assise pour rest<strong>au</strong>rer la sainte Église « à moitié en<br />
ruine ». « <strong>La</strong> p<strong>au</strong>vreté s<strong>au</strong>vera le monde ». Joie !<br />
er<br />
Qui pourrait mieux que ce nouve<strong>au</strong> Jean-P<strong>au</strong>l I<br />
enterrer GAUDIUM ET SPES afin de « tout rest<strong>au</strong>rer dans<br />
le Christ »... Avec la Madone, comme il dit ?<br />
Votre bien dévoué et plein d’espérance,<br />
J. - M. F.<br />
COMMUNION DE PENSÉES ET PRIÈRE INSTANTE.<br />
Bien cher frère Bruno,<br />
Comment douter un seul instant que le Très unique<br />
Cœur de Jésus et de Marie a eu pitié de l’Église par<br />
l’élection du cardinal Bergoglio <strong>au</strong> Siège de Pierre.<br />
Grâce insigne de cette prière, et de son appel :<br />
« Demain nous irons prier la Madone », ce qu’il a fait<br />
ce matin, dès 7 heures, en se rendant à Sainte-Marie-<br />
Majeure !<br />
Tout semble corroborer vos propos : « Cependant, si<br />
l’héritage conciliaire n’occulte pas chez le nouve<strong>au</strong><br />
Pape un véritable attachement à Notre-Seigneur et une<br />
vraie dévotion à la Sainte Vierge, indissociables du<br />
souci du salut des âmes, alors il pourra en revenir,<br />
malgré toutes les préc<strong>au</strong>tions prises par ses prédécesseurs.<br />
Mais ce ne sera pas sans souffrir... »<br />
Oui, prions, prions be<strong>au</strong>coup pour le Saint-Père, le<br />
pape François. J’ai aimé le faire, bien sûr en invoquant<br />
le Sacré-Cœur et le Cœur Immaculé de Marie, mais<br />
<strong>au</strong>ssi en reprenant les prières du Sanctuaire de Notre-<br />
Dame de Luján, patronne de l’Argentine et protectrice<br />
des pays de la Plata, Vierge chérie <strong>au</strong>x deux statues<br />
miraculeuses de l’Immaculée Conception et de la<br />
Vierge Marie à l’Enfant.<br />
Prions pour qu’il soit le pape du martyre, sinon le<br />
Pape martyr des visions de Jacinthe ! Oui, l’unique, le<br />
très unique Cœur de Jésus-Marie a eu pitié de l’Église<br />
qui souffre. Pierre Tilloy.<br />
QU<strong>EST</strong>ION CRUCIALE, ANGOISSANTE.<br />
Cher frère Bruno,<br />
Notre surprenant nouve<strong>au</strong> pape François nous laisse<br />
perplexes. D’un côté il séduit par son esprit d’humilité<br />
et de p<strong>au</strong>vreté, sa référence étant saint François d’Assise<br />
et non pas (encore ? ) la boussole de Vatican II,<br />
mais d’un <strong>au</strong>tre côté on le sait grand partisan du dialogue<br />
interreligieux. Va-t-il sacrifier la vérité à l’humilité<br />
et à l’esprit de p<strong>au</strong>vreté ?<br />
Docteur L.<br />
QU’<strong>IL</strong> PRENNE GARDE AUX “ LOUPS ”.<br />
Cher frère,<br />
Quelle surprise de prendre connaissance des pages<br />
prémonitoires écrites en 2003 par votre fondateur, sur<br />
le cardinal Bergoglio qui vient d’être élu pape ! Voilà<br />
sûrement ce qui en étonnerait plus d’un dans l’Église<br />
de France et ailleurs...<br />
Et que dire d’un pape qui dans sa première homélie<br />
<strong>au</strong>x cardin<strong>au</strong>x fait référence <strong>au</strong> diable. C’est bon signe<br />
et paradoxalement rassurant. Peut-être pas pour tout le<br />
monde, car déjà les “ loups ” montrent leurs crocs...<br />
Que saint Joseph, patron et gardien de l’Église le<br />
protège et nous avec lui ! Avec ma proximité de<br />
cœur avec tous vos frères et sœurs dans votre<br />
marche vers Pâques.<br />
Abbé Raymond Zambelli.<br />
VATICAN II :<br />
LA FIN D’UN MYTHE<br />
En Suisse, dans le diocèse de Mgr Morerod, c’est<br />
chose faite, malgré le zèle de monsieur Nicolas Blanc,<br />
théologien loyal et sympathique, dûment mandaté. Le<br />
24 février, un dimanche, sur les trente mille et plus<br />
habitants de Neuchâtel, quatre-vingt mille en comptant<br />
l’agglomération, trois religieuses et une dame répondirent<br />
à l’appel de Vatican II : un fameux ratio ! Dès la<br />
première intervention de nos amis, elles quittèrent la<br />
salle, scandalisées par ce mot du cardinal Ruffini qui,<br />
en pleine <strong>au</strong>la conciliaire, déclarait « inepte » les<br />
premières lignes de DEI VERBUM, et il le prouvait.<br />
Seul avec nos amis, en confiance, monsieur Blanc<br />
se laissa aller à des confidences qui font plaisir, mais<br />
qui font peine <strong>au</strong>ssi pour l’Église : « Je comprends<br />
vos réticences face <strong>au</strong> Concile, j’en ai <strong>au</strong>ssi (...). Personne<br />
ne lit les <strong>au</strong>teurs <strong>au</strong>jourd’hui ; il n’y a plus<br />
<strong>au</strong>cun philosophe valable en France ; à Neuchâtel, on<br />
ne sait même plus ce que ça veut dire être <strong>catholique</strong><br />
; l’état de l’Église est catastrophique... » Cris<br />
du cœur du responsable du catéchuménat et de la formation<br />
pour toute la région, qui espérons-le sera<br />
bientôt éclairé et consolé, car « avant de nous quitter,<br />
nous écrit Maxime, nous lui avons donné l’AUTODAFÉ<br />
– il est très désireux de le lire – ainsi qu’une carte<br />
du site CRC... »<br />
Le voici pourvu du vade-mecum ad hoc pour cheminer<br />
à la suite du Saint-Père François...
AVR<strong>IL</strong> 2013 N o 127 - P. 36<br />
RETRAITES DES ENFANTS<br />
Notre frère Gérard a donné la petite retraite des<br />
enfants à Josselin le dimanche de la Passion 17 mars,<br />
avec la joie de pouvoir confirmer nos familles dans le<br />
sentiment qu’elles n’osaient exprimer avant d’être<br />
sûres de la pensée de frère Bruno <strong>au</strong> sujet de notre<br />
nouve<strong>au</strong> Pape : Ego promitto fidelitatem.<br />
Nous avions supplié Jacinthe pendant notre pèlerinage<br />
à Fatima de nous obtenir le Pape pour lequel elle<br />
avait tant prié, un Père selon le Cœur Immaculé de<br />
Marie, et c’est Elle-même, semblait-il, qui le précédait.<br />
L’ ÉVÊQUE DES TABERNACLES ABANDONNÉS.<br />
Cette retraite fut comme un nouve<strong>au</strong> pèlerinage à<br />
Fatima, rempli des saintes rencontres faites sur notre<br />
route. Surtout celle de Mgr Manuel González García,<br />
le bienheureux évêque de Palencia qui voulut être<br />
l’évêque des Tabernacles abandonnés. C’est lui qui<br />
inspira la résolution particulière des enfants : revenir<br />
<strong>au</strong> pied du Tabernacle de nos paroisses comme LES<br />
TROIS MARIE du Calvaire, tenir compagnie à Jésus abandonné,<br />
“ Jésus caché ” <strong>au</strong>près duquel François passait<br />
de si longues heures. Comme le Père de Fouc<strong>au</strong>ld,<br />
l’évêque de Palencia voyait le Tabernacle comme la<br />
source de toutes les grâces de son apostolat. Et, de<br />
surcroît, avec l’intention réparatrice qui est celle même<br />
que le Cœur Immaculé de Marie demande à Fatima.<br />
SŒUR LUCIE MAÎTRESSE DES NOVICES.<br />
De don Manuel à sœur Lucie, il y a moins loin<br />
que de Palencia à Fatima... Car après ce saint évêque<br />
espagnol, ce fut surtout sœur Lucie que notre frère<br />
voulut suivre sur le chemin du Ciel en répondant <strong>au</strong>x<br />
“ APPELS DU MESSAGE DE FATIMA ”. Malgré les corrections<br />
apportées sans scrupules par les éditions du Sanctuaire<br />
pour faire de cet ultime écrit de sœur Lucie un<br />
catéchisme uniquement et exclusivement biblique et,<br />
qui plus est, donné comme son testament, on y trouve<br />
encore bien des témoignages de son caractère.<br />
Ainsi, lorsqu’elle menace de l’enfer ceux qui décrient<br />
le chapelet, et quand elle se fait, avec la même<br />
<strong>au</strong>torité que saint Jean Bosco, directrice des âmes,<br />
exigeant contrition et résolution dans la confession.<br />
VIVA CRISTO REY ! VIVA LA VIRGEN DE GUADALUPE !<br />
Mais ce sont les CRISTEROS, élus par nos sœurs<br />
cette année pour le carnet de Carême qui ont emporté<br />
les cœurs par l’exemple de leur vie et de leur martyre.<br />
<strong>La</strong> vie du Père Miguel Pro racontée par frère<br />
Pierre a occupé les repas, apportant sa leçon d’enthousiasme,<br />
de courage, d’humour dans les difficultés<br />
de la vie...<br />
LES NOUVEAUTÉS DU MOIS<br />
1 VIDÉO (2 heures) : achat 12 e, location 4 e .<br />
1 VIDÉO (3 heures) : achat 18 e, location 6 e .<br />
DVD : achat 7.50 e.<br />
AUDIO – CASSETTES : location (uniquement) 1.50 e .<br />
CD : achat 5 e.<br />
Ajouter le prix du port. <strong>La</strong> durée de la location est de deux mois.<br />
CONFÉRENCES MENSUELLES À LA MAISON SAINT-JOSEPH.<br />
MARS 2013<br />
ACT. 2013 : PRÉPARER VATICAN III.<br />
Directeur de la publication : Frère Gérard Cousin. Commission paritaire 0313 G 80889.<br />
Impression : Association <strong>La</strong> <strong>Contre</strong>-<strong>Réforme</strong> Catholique.<br />
F - 10 260 Saint-Parres-lès-V<strong>au</strong>des. – http://www.site-crc.com<br />
ABONNEMENT 30 e, étudiants 18 e, soutien 60 e.<br />
POUR LES PAYS D’EUROPE 36 e, AUTRES PAYS 60 e, par avion 70 e.<br />
1 DVD – 1 cassette – 1 CD.<br />
A 121. LA DÉMISSION DE BENOÎT XVI.<br />
POUR QUE LE CONC<strong>IL</strong>E CONTINUE ?<br />
ACT – A 121 : 1 vidéo, 2 heures.<br />
1 DVD – 1 cassette – 1 CD.<br />
Mais la trahison dont les Cristeros ont été victimes<br />
a ramené nos enfants à notre triste <strong>au</strong>jourd’hui de<br />
mensonge et de trahison, <strong>au</strong> martyre de sœur Lucie et<br />
à celui de notre Père, que nous partageons.<br />
Cette année ce furent trois curés des paroisses voisines<br />
qui vinrent les entendre en confession et ils ont<br />
assisté à la Messe paroissiale le dimanche, dans l’action<br />
de grâces à notre Père d’avoir gardé nos familles<br />
in medio Ecclesiæ, pavillon h<strong>au</strong>t !<br />
Notre frère va reprendre cet enseignement à la<br />
maison Saint-Joseph <strong>au</strong> jour des Rame<strong>au</strong>x, Deo et<br />
Mariæ gratias...<br />
RETRAITE DE SEMAINE SAINTE<br />
Nous écouterons notre Père nous prêcher avec une<br />
ardeur singulière en cette année de son “ Appel <strong>au</strong> jugement<br />
de Dieu ” (1987). Il nous rappellera tout d’abord<br />
la chronologie exacte de la Passion, et bien établi sur<br />
cette vérité des événements, ce bon Père nous fera partager<br />
l’agonie de sainte Marie-Madeleine le Jeudi saint,<br />
entrer plus avant dans le secret de la rédemption et corédemption<br />
de Jésus et Marie, le Vendredi saint. C’est un<br />
secret d’amour reconnaissant, car victorieux comme notre<br />
Père le démontrera tout <strong>au</strong> long du Samedi saint et du<br />
dimanche de Pâques en nous enflammant <strong>au</strong> feu du divin<br />
mystère de la RÉSURRECTION. Sans elle notre foi serait<br />
vaine, stérile notre service de l’Église, sans objet ce<br />
Ciel d’amour que notre Père nous fera be<strong>au</strong>coup aimer et<br />
désirer. Si vous n’avez pas pu venir, vous pouvez toujours<br />
commander, en <strong>au</strong>dio ou vidéo : S 91 LA SEMAINE SAINTE.<br />
frère Philippe de la Face de Dieu.