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5 Juillet - La Nouvelle République

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NR<br />

Quotidien<br />

LA<br />

WWW.lnr-dz.com<br />

5<br />

LA NOUVELLE RÉPUBLIQUE<br />

NUMERO<br />

SPECIAL<br />

<strong>Juillet</strong><br />

2012<br />

d’information indépendant - n° 4371 - Jeudi 5 juillet 2012 - Prix : 10 DA


5 <strong>Juillet</strong><br />

, Et non pas 7 ans comme il est communément admis par l’opinion publique et enseigné par l’école algérienne.<br />

Avant-propos<br />

Certains<br />

historiens<br />

attribuent<br />

le déclenchement<br />

de la guerre d’Algérie<br />

à mai 1945, date des<br />

massacres à grande<br />

échelle de la population<br />

civile dans l’Est<br />

du pays. Les batailles<br />

depuis 1932, de<br />

causes à effets, ont<br />

démontré le jour<br />

même de la libération<br />

de la France du joug<br />

nazie par les tirailleurs<br />

algériens, et<br />

africains aux côtés<br />

des troupes alliées, le<br />

caractère monstrueux<br />

de la colonisation. Ce<br />

8 mai 1945 en droite<br />

ligne de la Charte de<br />

l’Atlantique de 1941<br />

proclamant le droit à<br />

l’autodétermination<br />

de tous les peuples, à<br />

Sétif, des membres du<br />

PPA défilent avec les<br />

pieds-noirs fêtant la libération<br />

de la métropole.<br />

Les Algériens<br />

tout en réclamant la<br />

libération de leur chef<br />

Messali Hadj brandissent<br />

le drapeau algérien.<br />

Des heurts éclatent<br />

entre manifestants.<br />

Certains<br />

historiens évoquent<br />

d’abord une boucherie,<br />

dont se seraient<br />

rendus coupables des<br />

nationaux dans les<br />

quartiers français.<br />

Tandis que selon<br />

d’autres versions l’insurrection<br />

a dégénéré<br />

pour gagner les villes<br />

voisines. L’armée française,<br />

la milice composée<br />

de colons,<br />

l’aviation et même la<br />

marine se sont<br />

adonné à des massacres<br />

en série sous<br />

le commandement du<br />

général Duval, qui a<br />

mis à exécution les<br />

termes d’un télégramme<br />

daté du 11<br />

mai 1945 émanant du<br />

chef du gouvernement<br />

français, le général<br />

De Gaulle. <strong>La</strong> répression<br />

fut terrible<br />

dans tout le Constantinois.<br />

On compte<br />

45 000 morts. Le gouvernement<br />

français<br />

n’en reconnaît qu’une<br />

quinzaine de milliers.<br />

Parmi les victimes, on<br />

dénombre des<br />

femmes, des enfants,<br />

et des vieillards qui<br />

n’ont pu fuir. Une<br />

commission patronnée<br />

par le général<br />

Paul Tubert sur instruction<br />

du général<br />

De Gaulle camoufle la<br />

vérité en enfouissant<br />

les cadavres dans des<br />

fours à chaux, sinon<br />

en les brûlant lorsqu’ils<br />

n’étaient largués<br />

en mer vifs. Les<br />

qualificatifs ne sont<br />

pas assez puissants<br />

pour décrire la particularité<br />

de ces crimes<br />

monstrueux. Pour<br />

beaucoup d’historiens,<br />

1945 est la date<br />

qui a mis en branle le<br />

déclenchement de la<br />

guerre d’Algérie.<br />

Cette date charnière<br />

fut pour la suite des<br />

évènements le symbole<br />

d’une rupture<br />

avec les partisans de<br />

l’assimilation, autrement<br />

de l’autonomie.<br />

<strong>La</strong> réorganisation de<br />

la résistance devenait<br />

nécessaire. Le regroupement<br />

des mouvements<br />

nationalistes<br />

algériens qui militaient<br />

au sein d’associations<br />

autour de Ferhat<br />

Abbas ou au<br />

Parti populaire algérien<br />

(PPA) préparèrent<br />

dès lors les<br />

conditions politiques<br />

pour déclarer une<br />

guerre sans merci à la<br />

France. Les radicaux,<br />

d’anciens militants au<br />

PPA, entreront dans la<br />

clandestinité pour former<br />

l’Organisation secrète<br />

(OS), l’embryon<br />

du bras armé du Comité<br />

révolutionnaire<br />

pour l’unité et l’action<br />

(CRUA) qui deviendra<br />

le Front de libération<br />

nationale. C’est le FLN<br />

qui provoquera une<br />

série d’attentats à travers<br />

plusieurs régions<br />

d’Algérie. Le 1 er novembre<br />

1954 marquera<br />

l’entrée des Algériens<br />

en guerre<br />

contre le colonialisme<br />

français. Une guerre<br />

qui durera jusqu’en<br />

juillet 1962, date de la<br />

proclamation de l’indépendance<br />

après<br />

132 ans d’occupation.<br />

En réalité, la guerre a<br />

duré 132 ans, puisque<br />

les historiens ont enregistré<br />

des batailles<br />

frontales entre les armées<br />

algériennes et<br />

françaises dès le<br />

début des années<br />

1833 et 1834. Des archives<br />

révèlent qu’en<br />

1834, un premier<br />

traité de paix et<br />

d’échange de prisonniers<br />

avait été signé<br />

entre des généraux<br />

français et des chefs<br />

de guerre algériens<br />

qui avaient le grade<br />

d’émirs.<br />

Amar K.<br />

<strong>La</strong> NR 4371 - Jeudi 5 juillet 2012<br />

3<br />

<strong>La</strong> guerre d’Algérie a duré 132 ans<br />

Impétueuse Algérie<br />

, L’Algérie fête le cinquantième anniversaire d’une indépendance<br />

extraite au forceps des ténébreuses périodes, où les empires<br />

occidentaux maintenaient captifs des peuples pour les asservir<br />

à leurs besoins. Une partie des Etats fondaient leurs développements<br />

militaires et socioéconomiques sur le commerce<br />

des humains et sur l’annexion de leurs territoires. Les esclavagistes<br />

partaient d’Afrique via le Sud de l’Europe pour vendre des<br />

enfants, des femmes et les hommes capturés dans les régions<br />

qui les ont vu naître, jusqu’en Amérique du Sud, ou du Nord.<br />

Contrairement aux idées reçues, l’esclavagisme ne concernait pas<br />

que les humains de couleur noire ; parmi eux, se trouvaient des<br />

Nord-Africains, et des prisonniers en provenance de la péninsule<br />

arabe. <strong>La</strong> traite des esclaves réduisait l’humain à une<br />

quelconque marchandise. Le colonialisme compactait les droits<br />

des peuples autochtones jusqu’à l’asservissement, par la destruction<br />

de leurs personnalités juridiques, par la négation de leur<br />

culture, de leur histoire. Ce négativisme, outre l’asservissement<br />

du colonisé, allait jusqu’au refus du droit à une existence<br />

décente, voire à l’existence même. Spolié de ses terres les plus<br />

généreuses, le peuple algérien face aux envahisseurs n’avait<br />

d’autre choix que de se défendre contre un concept de domination<br />

monstrueux, indigne de l’identité humaine, et que des<br />

crapules comme Sarkozy, encore de nos jours dans l’hexagone,<br />

vaille que vaille, tentent de glorifier comme une action civilisatrice.<br />

<strong>La</strong> colonisation, ne l’oublions jamais, avait réduit les Algériens<br />

à la précarité la plus abominable, à une indigence des<br />

plus horrifiantes, qui ne pouvait qu’engendrer de la haine visà-vis<br />

des colons cloîtrés dans leur égoïsme matériel et culturel,<br />

au point qu’ils n’aient rien vu des fossés qui se creusaient<br />

avec ces «bouniouls» comme ils aimaient les appeler, à les offenser,<br />

à les humilier, jusqu’au point qu’ils se permettaient d’interdire<br />

l’accès de certains quartiers «aux chiens et aux Arabes».<br />

Ce racisme élémentaire venait de citoyens français qui euxmêmes<br />

avaient subi des exactions d’ordre raciste de la part des<br />

SS, et ont dû, en tant que vaincus, lors de la Seconde Guerre<br />

mondiale, connaître les camps de travail obligatoires, sinon les<br />

camps de concentration. <strong>La</strong> nature déshumanisante du système<br />

colonial avait fait que des colons espagnols, italiens, portugais,<br />

maltais, belges, écossais, polonais ou alsaciens puissent sous le<br />

couvert de la nationalité française s’approprier les meilleures<br />

terres algériennes pour reléguer la population algérienne au rang<br />

de vassaux au service «d’une noblesse» qui développait le<br />

culte du droit à la différence. Les Algériens considérés comme<br />

des Français musulmans se faisaient distinguer par la dissemblance<br />

des croyances. L’apartheid adopté par la puissance coloniale<br />

n’était pas lié à la couleur de la peau, mais au culte pratiqué,<br />

d’où la promulgation à Tours du décret Crémieux élevant<br />

au rang de citoyen français la communauté juive algérienne, établissant<br />

ainsi sans ambage le caractère discriminatoire du colonialisme,<br />

car juridiquement les musulmans étaient désormais<br />

considérés comme des sujets, et non comme des citoyens en<br />

droits et en devoirs. Les Algériens musulmans n’avaient que des<br />

devoirs à exécuter et aucun droit à faire valoir. Cette oppression<br />

politique, en plus du développement séparé avec les «Algériens<br />

pieds-noirs» allait faire traverser des périodes cruelles à tous ces<br />

«Français musulmans». Ceux qui ne mourraient pas les armes<br />

à la main, ceux qui n’étaient pas bannis, ou envoyés aux travaux<br />

forcés pour un morceau de pain volé, étaient emportés par<br />

les épidémies cycliques de peste, de choléra, de typhus. <strong>La</strong> famine<br />

et la malnutrition faisaient au sein de la population infantile<br />

des dégâts irréparables se matérialisant par le rachitisme,<br />

la poliomyélite ou la tuberculose. Les minis ethnocides entre 1932<br />

et 1962 furent légion. L’histoire se tait d’un côté de peur de choquer<br />

les bonnes consciences qui ont inventé le slogan « liberté<br />

égalité fraternité». Peu d’intellectuels se sont impliqués pour dénoncer<br />

l’oppression et les crimes commis en Algérie. Peu d’historiens<br />

ont décrit avec la célérité et l’impartialité indispensables<br />

l’ampleur des crimes et des dommages collatéraux subis par les<br />

opprimés. Souvent, ils sont tentés de mettre au même pied<br />

d’égalité le bourreau et sa victime pour sauvegarder les bienfondés<br />

de la morale collective, de la raison d’Etat et du secret<br />

d’Etat.<br />

Amar Khelifi<br />

Un peuple en liesse. (Photo > D. R.)<br />

<strong>La</strong> liberté c’est bien,<br />

tout la liberté, c’est mieux<br />

Présentement, les Algériens fêtent le cinquantième<br />

anniversaire de la fin de la domination coloniale<br />

qui a duré 132 ans. 132 ans, c’est long, quand on<br />

endure les spoliations, l’exclusion, la faim, la misère,<br />

la torture physique en même temps que la torture psychologique,<br />

puis les atrocités propres à toutes les<br />

guerres. <strong>La</strong> guerre d’Algérie fut une guerre sans merci,<br />

et cruelle. Elle fut menée par des armées professionnelles<br />

françaises dans le but de légitimer une action<br />

débile face à la puissance militaire de l’empire colonial,<br />

il y eut des combattants généralement faiblement<br />

armés, mais possédant une bravoure que les récits ne<br />

peuvent décrire tant le dévouement dans le combat<br />

n’était que sacrifices pour la patrie à libérer. L’histoire<br />

de l’Algérie reste entièrement à écrire au-delà des susceptibilités,<br />

des manœuvres politiciennes et des heurts<br />

de mémoires. Nos enfants et les générations futures<br />

ont le droit de maîtriser ces connaissances de notre<br />

histoire, fussent-elles amères à narrer ou à vomir. <strong>La</strong><br />

<strong>Nouvelle</strong> <strong>République</strong> de manière humble a élaboré ce<br />

petit dossier pour que les Algériens ouvrent une des<br />

multiples fenêtres illustrant notre passé. Un passé impétueux,<br />

glorieux et cependant, ne l’oublions jamais,<br />

jonchait de martyrs pour que nous puissions jouir de<br />

notre liberté.<br />

A. K.


5 <strong>Juillet</strong><br />

Un décret du 26 avril 1851 modifia<br />

ce système et y substitua celui<br />

des concessions sous condition<br />

résolutoire. Cette modification<br />

n'ayant pas produit les résultats<br />

attendus, un décret du 25 juillet<br />

1860 décida que la vente à prix<br />

fixe ou aux enchères publiques, ou<br />

même de gré à gré dans certains<br />

cas, serait dorénavant la règle<br />

pour l'aliénation des terres domaniales.<br />

Les concessions furent<br />

supprimées par le décret du 31<br />

décembre 1864. Le nouveau régime<br />

de colonisation rendait nécessaire<br />

l'allotissement préalable<br />

des terres à vendre et le décret de<br />

1860 avait déjà ordonné que la<br />

fixation de périmètres de colonisation<br />

précéderait la distribution<br />

des terres domaniales.<br />

Les nationalités des colons<br />

De 1871 à 1881, la superficie des<br />

terres concédées aux immigrants<br />

et aux colons a été de 457 120 hectares<br />

; la valeur de ces terres<br />

s'élève à 41 589 923 F. Les dépenses<br />

d'installation des colons<br />

sont évaluées à 14 939 135 F.<br />

7 339 familles, comprenant 27 981<br />

personnes, résidaient au 31 décembre<br />

1881 sur ces concessions.<br />

Il y a 7 764 concessions de lots de<br />

villages ; 1 241 de lots de fermes<br />

et 1 175 de lots industriels (terres<br />

impropres à la culture). A cette<br />

époque, la population européenne<br />

de l'Algérie comprend des Français,<br />

plus nombreux à eux seuls<br />

que le reste de la population d'origine<br />

européenne.<br />

Ils sont colons pour la plupart,<br />

ont émigré surtout de la France<br />

méridionale, du bassin de la Garonne<br />

et de l'Alsace-Lorraine. Les<br />

Espagnols (Andalous, Murciens,<br />

Valenciens, Catalans, Baléares)<br />

sont maraîchers, alfatiers, bûcherons,<br />

défricheurs et sont très<br />

répandus dans le département<br />

d'Oran. Les Italiens se sont fixés<br />

de préférence, ainsi que les Maltais,<br />

dans le département de<br />

Constantine. On compte en Algérie<br />

quelques milliers de Suisses<br />

et d'Allemands dispersés dans<br />

tout le Tell.<br />

Code de l’indigénat<br />

Voici le mode de groupement des<br />

Arabes : une réunion de tentes<br />

abritant plus ou moins de familles<br />

est un douar, sorte de grande<br />

commune ; l'ensemble de plusieurs<br />

douars constitue une ferka,<br />

administrée par un cheikh. Un certain<br />

nombre de ferkas composent<br />

la tribu, à la tête de laquelle est un<br />

caïd. Les tribus se groupent en<br />

aghaliks, ayant pour chef un agha.<br />

A partir de 1881, un code de l'indigénat,<br />

très défavorable aux musulmans<br />

est promulgué. Il réduit<br />

notamment le droit de circulation,<br />

et définit un statut fiscal alourdi.<br />

Première Guerre mondiale<br />

Dans une fresque consacrée à<br />

l'histoire sociale de l'Algérie de<br />

1870 à 1962, René Gallissot raconte<br />

comment le socialisme ré-<br />

publicain, d'abord marqué par<br />

l'antisémitisme, s'avère incapable<br />

de reconnaître la citoyenneté des<br />

autochtones colonisés.<br />

Cantonnés dans un statut musulman,<br />

ces derniers sont mobilisés<br />

en masse sur les champs de bataille<br />

de la Première Guerre mondiale.<br />

René Gallissot<br />

Autodétermination<br />

Le parti socialiste, arcbouté<br />

dans la défense de l'empire ré-<br />

<strong>La</strong> NR 4371 – Jeudi 5 juillet 2012<br />

4<br />

<strong>La</strong> colonisation<br />

Une spoliation des terres<br />

, Les principales mesures<br />

de colonisation ont été la<br />

création de centres européens<br />

et la concession gratuite<br />

de terres. Un arrêté<br />

du gouverneur général du<br />

18 avril 1841 des ordonnances<br />

des 21 juillet et 9<br />

décembre 1845 avaient<br />

établi le système des<br />

concessions sous condition<br />

suspensive, le concessionnaire<br />

ne pouvant hypothéquer<br />

les biens concédés<br />

provisoirement et les<br />

transmettre à des tiers<br />

qu'avec l'autorisation de<br />

l'administration.<br />

Dates clés<br />

1515 - Fondation d'un Etat algérois par les frères<br />

Barberousse. Ben Allal Ben Embarek, lieutenant d'Abd<br />

El-Kader, tué au combat dans la province d'Oran, le 11<br />

novembre 1843. Koléa, détruite par un tremblement<br />

de terre en 1825, puis rebâtie, a des rues étroites<br />

plantées d'arbres et bordées de maisons à<br />

l'européenne.<br />

1830. Invasion française.<br />

1847. Reddition d'Abd El-Kader. Au carrefour des rues<br />

de la <strong>République</strong> et <strong>La</strong>moricière, il y avait un monument<br />

en l'honneur du général <strong>La</strong>moricière (1806 -<br />

1865), le fondateur des Régiments de Zouaves.<br />

1830. Prise d Alger. Tentative d'occupation des villes<br />

de Blida, Médéa, Mers El-Kébir, Oran et Bône (Annaba).<br />

1831. Occupation définitive d'Oran qui avait été<br />

d'abord cédé au frère du bey de Tunis ; première occupation<br />

de Bône<br />

1832. Occupation définitive de Bône et du Sahel d'Alger.<br />

Reconnaissance de l'émir Abd El-Kader par les<br />

tribus de la plaine d'Eghris.<br />

1833. Attaque d'Oran par Abd El-Kader. Prise d'Arzew,<br />

de Mostaganem et de Bougie (Béjaïa)<br />

1834. Traité du général Desmichels avec Abd El-Kader.<br />

1835. Expédition dans la plaine de la Mitidja. Combats<br />

de Mostaganem. Occupation de Rachgoun ; expédition<br />

de Mascara.<br />

1836. Première occupation de Tlemcen ; expédition<br />

dans la province de Titeri ; combat de la Sikkak ; occupation<br />

de la Galle. Première expédition de<br />

Constantine.<br />

1837. Traité de la Tafna ; deuxième expédition de<br />

Constantine, prise de cette ville.<br />

1838. Établissement de camps près de Koléa, Blida et<br />

El-Harrouch. Création de Philippeville (Skikda).<br />

1839. Occupation de Blida ; Prise de Djidjelli. Expédition<br />

des Portes de fer. Défaite des lieutenants d'Abd<br />

El-Kader à la Chifa.<br />

1840. Défense héroïque de Mazagran. Prise de Cherchell,<br />

de Médéa, de Miliana<br />

1841. Combat du Sig. Destruction des villes de l'émir,<br />

Boghar et Taza. Expéditions de Takdemt et de Mascara.<br />

Occupation de Mila.<br />

1842. Destruction de Sebdou. Occupation de Tlemcen.<br />

Expédition de Kabylie et entre le Chélif et la Mina.<br />

Reconnaissance sur Tébessa.<br />

1843. Expédition chez les Beni-Menasser et les Beni-<br />

Monad. Fondation de Téniet El-Had, de Tiaret, d'Orléansville<br />

et de Ténès. Expédition dans l'Ouarsenis.<br />

Prise de la smala d'Abd El-Kader. Nombreux combats<br />

contre l'émir dans la province d'Oran. Expéditions<br />

dans le Sud, au djebel Amour et chez les Oulad Sidi-<br />

Cheikh.<br />

1844. Prise de Biskra et de Dellys. Création de Batna,<br />

soumission des Flitta et des Amraoua. Expédition de<br />

<strong>La</strong>ghouat. Bataille d'Isly gagnée sur les troupes maro-<br />

Un peuple asservi durant 132 ans. (Photo > D. R.)<br />

caines.<br />

1845. Insurrection du Dahra réprimée par le colonel<br />

Pélissier. Soumission de l'Ouarsenis. Expédition dans<br />

l'Aurès. Massacre de la colonne Montagnac à Sidi Brahim.<br />

Soumission des Hachem-Gharaba et du Hodna.<br />

Expédition chez les Trara.<br />

1846. Soumission des Flitta. Défaite de Bou-Maza près<br />

de Ténès. Abd El-Kader est repoussé de la Kabylie.<br />

Fondation d'Aumale.<br />

1847. Défaite des Oulad-Dlellal, soumission des Nemencha.<br />

Reddition de Bou-Maza. Expédition entre<br />

Mila et Collo. Reddition d'Abd El-Kader (23 décembre).<br />

1848. Soumission de Moulay-Mohammed et de<br />

Ahmed, ex-bey de Constantine. Expédition chez les<br />

Beni-Senous.<br />

1849. Siège et prise de Zaatcha. Soumission de Bou-<br />

Saâda. - 1850. Expédition en Kabylie et dans l'Aurès<br />

1851. Bou-Baghla se soulève en Kabylie. Expédition<br />

entre Béjaïa et Collo.<br />

1852. Création de Djelfa. Prise de <strong>La</strong>ghouat.<br />

1833. Expédition en Kabylie et à Ouargla. Bou-Baghla<br />

est tué chez les Beni-Mellikech.<br />

1854. Expédition en Kabylie.<br />

1856. Expédition à Drâa El-Mizan<br />

1857. Soumission de la Grande-Kabylie<br />

1857. Expédition sur la frontière du Maroc.<br />

1860. Insurrection du Hodna. Pacification de la Kaby-<br />

publicain, et le parti communiste<br />

qui, dominé par des préséances<br />

internationales, ne sait<br />

pas reconnaître la nation algérienne,<br />

sont tragiquement absents<br />

d'un combat qui aboutira<br />

à l'autodétermination de l'Algérie<br />

en 1962.<br />

Pierre Montagnon, Histoire de<br />

l'Algérie, Pygmalion, 2006.<br />

Voir sur Internet<br />

www.lnr-dz.com<br />

L'indignation rétrospective ne suffit pas à comprendre les raisons pour lesquelles des hommes et des femmes ont pu être ravalés, pendant des décennies, au rang<br />

de sous-citoyens par une <strong>République</strong> qui se proclamait patrie des droits de l'homme.<br />

RReennéé GGaalllliissssoott,, L<strong>La</strong>a RRééppuubblliiqquuee ffrraannççaaiissee eett lleess iinnddiiggèènneess, L'Atelier, 2007.<br />

lie orientale.<br />

1862. Prise du Chérif Mohammed ben Abdallah à<br />

Ouargla.<br />

1864. Insurrection des Oulad-Sidi-Cheïkh de Si-<strong>La</strong>zreg,<br />

dans la province d'Oran, et de Si-<strong>La</strong>la dans le Sud<br />

de la province d'Alger. Insurrection dans la Kabylie<br />

orientale.<br />

1865. Soumission des Oulad-Sidi-Cheikh.<br />

1868. Insurrection dans le Sud de la province de<br />

Constantine<br />

1871. Grande insurrection des Kabyles de la province<br />

d'Alger et de celle de Constantine<br />

1876. Insurrection d'EI-Amri.<br />

1881. Insurrection de Bou-Amama dans le Sud-Ouest<br />

de la province d'Oran. Jusqu'en 1870, l'Algérie n'était<br />

restée essentiellement qu'un territoire militaire, dont<br />

l'administration chaotique reflétait l'indécision qui<br />

régnait en France sur le statut du pays.<br />

Elle fut régie d'abord par des généraux en chef :<br />

Bourmont, Clauzel, Berthezène, Savary, Voirol (1830-<br />

34); puis par des gouverneurs : d'Erlon, Clauzel, Damrémont,<br />

Valée, Bugeaud, Cavaignac, Changarnier,<br />

Charon, d'Hautpoul, le maréchal Randon; ensuite par<br />

un ministre de l'Algérie et des colonies, Pierre-Napoléon<br />

(1858), Prosper de Chasseloup-<strong>La</strong>ubat (1859);<br />

enfin, après 1861, par un gouvernement général : le<br />

maréchal Pelissier, le maréchal Mac-Mahon, le général<br />

Chanzy.


5 <strong>Juillet</strong><br />

L'émir Abd-El-Kader<br />

Le fondateur de l’Etat algérien moderne<br />

<strong>La</strong> lutte de libération de l’Algérie<br />

contre les Ottomans<br />

commença à la même période<br />

historique du débarquement<br />

de l’armée française<br />

à Sidi Fredj. Cette coïncidence<br />

trouve ses origines<br />

dans l’exacerbation de la population<br />

algérienne à payer<br />

des impôts de plus en plus<br />

élevés. Des révoltes éclatent<br />

un peu partout à travers le<br />

pays.<br />

Dans l’Oranie, le père d’Abd-el-kader est<br />

condamné à mort par Hassan Bey, le gouverneur<br />

d’Oran. Or, cette condamnation arriva<br />

au moment de la prise d'Alger par les Français<br />

en 1830. Mahieddine, le vieux marabout,<br />

se mit alors à prêcher la «guerre sainte». L'objectif<br />

était la reprise d'Oran. Des milliers de<br />

musulmans accoururent et se rangèrent sous<br />

ses ordres ; le gouverneur d'Oran, Hassan, en<br />

fuite, demanda asile à celui dont il avait mis<br />

la tête à prix. Lors d’un voyage, en 1820, à la<br />

Mecque et Médine, Abd-el-kader, avec des pèlerins<br />

et son père Mahieddine, navigua sur Le<br />

Castor, brick de commerce du capitaine français<br />

Jovas, il passa par Alexandrie. Pendant<br />

son séjour en Égypte, Abd-el-kader fut frappé<br />

des changements que Méhémet Ali venait<br />

de faire à son armée et des améliorations de<br />

l'administration de ses États ; ce modèle (qui<br />

avait permis une quasi-indépendance vis-àvis<br />

des Ottomans comme des Anglais et des<br />

Français) les frappa, lui et son père. L’Emir<br />

Abd-el-kader fut l’un des plus grands hommes<br />

d’Etat dans l’histoire de l'Algérie contemporaine.<br />

Il est le fondateur de l’Etat algérien<br />

moderne et le leader de sa résistance contre<br />

le colonialisme français entre 1832 et 1847. Il<br />

fut également l’un des plus grands hommes<br />

du soufisme, de la poésie et de la théologie<br />

et, par-dessus tout, il fut un apôtre de la paix<br />

et de la fraternité entre les différentes races<br />

et religions. Ce qui lui valut de nombreuses<br />

amitiés et l’admiration des plus grands<br />

hommes politiques dans le monde. Abd-elkader<br />

Mohieddine ibn Mustafa, connu sous<br />

le nom de l’Emir Abd-el-kader Al-Jazaïri, naquit<br />

le vendredi 23 rajab de l'an 1222 hégirien<br />

/correspondant à l'année 1807 de l’ère chrétienne<br />

au village d’El-Guet'na, situé sur Oued<br />

el-Hammam, à l’ouest de Mascara, et grandit<br />

auprès de ses parents qui lui prodiguèrent<br />

soins et protection.<br />

L’époque 1831–1847<br />

C’est la période qui se distingue par rapport<br />

aux autres périodes dans la vie de l’Emir en<br />

raison des évènements importants et réalisations<br />

qui l'ont marqués et pour lesquels il<br />

avait mis en œuvre ses potentialités scientifiques<br />

et sa grande expérience politique et militaire.<br />

Malgré un contexte difficile, la résistance<br />

ne l'empêcha guère de jeter les bases<br />

et fondements de l’Etat moderne, en raison<br />

de la complémentarité qui existe entre les<br />

deux.<br />

Après la chute d’Oran en 1831, le désordre qui<br />

régna et la dégradation de la situation ont<br />

conduit les chouyouk et ulémas de la région<br />

d’Oran à rechercher une personnalité à laquelle<br />

pourrait être confiée la direction de<br />

leurs affaires. Leur choix se porta sur Cheikh<br />

Mohieddine, père de Abd-el-kader, en raison<br />

de ses qualités avérées de courage et de témérité.<br />

C'est lui en effet qui avait dirigé la première<br />

résistance contre les Français en 1831,<br />

et son fils Abd-el-kader a également fait<br />

preuve de courage et d’audace au cours des<br />

combats livrés sur les remparts de la ville<br />

d’Oran lors du premier accrochage avec les<br />

occupants. Cheikh Mohieddine déclina l’offre<br />

en raison de son âge avancé et devant l’insistance<br />

des chouyoukh et savants de la région,<br />

proposa son fils Abd-el-kader en disant<br />

: «Mon fils Abd-el-kader est un jeune homme<br />

pieux, intelligent, capable de régler les litiges<br />

et un cavalier émérite bien qu'ayant grandi<br />

dans le culte et la dévotion à son Seigneur ;<br />

Ne pensez surtout pas que je vous le propose<br />

pour me remplacer car étant une partie de<br />

moi-même, je ne peux souhaiter pour lui ce<br />

que je rejette pour moi-même. Mais j’ai choisi<br />

le moindre mal lorsque j'ai réalisé à quel<br />

point vous aviez raison , tout en étant<br />

convaincu qu’il sera plus indiqué que moi<br />

pour accomplir ce que vous m'aviez demandé<br />

…je vous fais donc don de lui…..»<br />

Cette proposition fut accueillie favorablement<br />

à l’unanimité et le 27 novembre 1832, les<br />

chefs de tribu et les ulémas se réunirent dans<br />

la plaine de Ghriss, près de Mascara, pour exprimer<br />

leur premier plébiscite à Abd-el-kader<br />

sous l’arbre de Dardara au cours duquel il<br />

reçut le titre de Nacer-eddine (le protecteur<br />

de la religion), suivi d’un deuxième plébiscite<br />

général le 4 février 1833. Dans de telles conditions,<br />

l’Emir prit en charge la lourde responsabilité<br />

de la guerre sainte, de défense de la<br />

population et de la terre d’islam alors qu’il<br />

était en pleine jeunesse. Cette période fut<br />

marquée par des victoires militaires et politiques<br />

qui contraignirent l’ennemi français à<br />

hésiter dans l'application de sa politique expansionniste<br />

devant la résistance acharnée<br />

qu'il rencontra à l’Ouest, au Centre et à l’Est.<br />

L’Emir Abd-el-kader avait réalisé dès le départ<br />

que la confrontation ne pouvait avoir lieu<br />

qu’avec la création d’une armée institutionnelle<br />

régulière prise en charge par l’Etat. A cet<br />

effet, il publia un communiqué en son nom à<br />

la population dans lequel il insistait sur la nécessité<br />

de mobiliser les troupes et organiser<br />

les effectifs dans tout le pays. Les tribus de<br />

la région ouest et du Centre répondirent à son<br />

appel et se rassemblèrent autour de lui, prêts<br />

à lui obéir. Il constitua une armée institutionnelle<br />

qui s’adapta rapidement aux conditions<br />

qui prévalaient et put ainsi remporter plusieurs<br />

victoires militaires dont la plus importante<br />

fut la bataille de Maktâa qui avait<br />

valu au général Trezel et au gouverneur général<br />

D’Orléans d’être relevés de leurs fonctions.<br />

Sur le plan politique, il arracha à l’ennemi<br />

la reconnaissance de son autorité et<br />

l'obligea à traiter avec lui en position de souveraineté.<br />

Cela ressort des deux traités celui<br />

de Desmichels conclu le 26 février 1834 et<br />

celui de la Tafna le 30 mai 1837. Toutefois, le<br />

changement intervenu dans le rapport de<br />

forces sur les plans interne et régional a eu<br />

des conséquences négatives sur le cours de<br />

la résistance de l’Emir. Il n’était pas seulement<br />

contraint de lutter contre les Français<br />

mais de se préoccuper également de ceux qui<br />

avaient une vision à court terme. Les drames<br />

se succédèrent notamment après que les<br />

Français eurent adopté la politique de la terre<br />

brûlée telle qu’elle ressort de l’expression<br />

du gouverneur général, le Maréchal Bugeaud<br />

: «Vous ne labourerez pas la terre et si vous<br />

la labourez, vous ne sèmerez pas et si vous<br />

semez, vous ne récolterez pas…» Cette politique<br />

eut un effet notable sur le recul des<br />

forces de l’Emir notamment après la perte de<br />

ses bases arrières au Maroc, après que Moulay<br />

Abderrahmane, sultan du Maroc, eut resserré<br />

l’étau autour de lui, prétextant son engagement<br />

à respecter les termes du traité<br />

de «<strong>La</strong>lla Maghnia» et ordonné à ses troupes<br />

de pourchasser l’Emir et ses partisans y compris<br />

les tribus qui s'étaient réfugiées au Maroc<br />

pour fuir la répression de l’armée d’occupation.<br />

<strong>La</strong> période des difficultés<br />

et du travail humanitaire (1848-<br />

1883)<br />

Cette période débute avec la reddition de<br />

l’Emir et se prolonge jusqu’à son décès. Ainsi,<br />

sa reddition eut lieu le 23 décembre 1847<br />

après acceptation de ses conditions par le<br />

commandant français <strong>La</strong>moricière. L’Emir<br />

fut transféré à Toulon alors qu'il avait exprimé<br />

le souhait de se rendre à Alexandrie ou<br />

Acca comme convenu avec les dirigeants<br />

français. Mais ses espoirs furent déçus et<br />

comme à leur habitude, les Français ne respectèrent<br />

pas leurs engagements. Il aurait<br />

plutôt souhaité donc mourir au champ d’honneur<br />

que de subir ce sort et exprima ses regrets<br />

par ces mots : «Si nous avions su que les<br />

choses se dérouleraient ainsi, nous aurions<br />

poursuivi le combat jusqu’à la mort.» Ensuite,<br />

l’Emir et sa famille furent conduits à une<br />

résidence au lazaret et de là à Fort Llamalgue,<br />

le 10 janvier 1848. Lorsque tous les membres<br />

de sa famille et de sa suite furent arrêtés,<br />

l’Emir fut transféré à la ville de Pau à la fin du<br />

mois d’avril de la même année pour y demeurer<br />

jusqu’à son transfert à Amboise le 16 octobre<br />

1852, année de sa libération par Napoléon<br />

III. L’Emir s’établit à Istambul et durant<br />

son séjour, il visita le tombeau de Abu Ayyoub<br />

al Ansari et visita la mosquée Aya Sofia (Sainte<br />

Sophie). Mais il préféra s’établir dans la ville<br />

de Borça pour son histoire, ses beaux sites<br />

et ses monuments historiques. Cependant, il<br />

n’y resta pas très longtemps à cause des<br />

séismes qui secouaient la région de temps à<br />

autre. Il se rendit à Damas en 1855 sur autorisation<br />

du sultan ottoman et là, il se consacra<br />

à la lecture, au soufisme, à la théologie,<br />

aux hadiths, Propos et tradition du prophète<br />

Mohammed (QSSL), et à l’exégèse du Coran.<br />

L’une des positions humanitaires à mettre à<br />

l’actif de l’Emir fut son opposition à la discorde<br />

sectaire qui eut lieu entre chrétiens et<br />

musulmans de Syrie en 1860. L’Emir devint<br />

une personnalité internationale, suscitant le<br />

respect et la considération en tous lieux et il<br />

fut même invité à l’inauguration du Canal de<br />

Suez en 1869. Il mourut le 26 mai 1883 à Doumer,<br />

dans la banlieue de Damas à l’âge de 76<br />

ans. Il fut enterré à proximité du tombeau de<br />

Cheikh Mohieddine ibn Arabi al Andaloussi<br />

. Sa dépouille fut transférée à Alger en 1966.<br />

Parmi ses œuvres :<br />

1/ Dhikra al 'akel wa tanbih al ghafel ( Rappel<br />

au sage et mise en garde de l’inconscient).<br />

2/ Al miqradh al hadd li gat'i lisane mountakidh<br />

din al islam bil batel wal il'had (les tenailles<br />

acérées pour trancher la langue de celui qui<br />

porte atteinte à la religion islamique par le<br />

mensonge et l’athéisme)<br />

3/ Moudhakirat al amir Abd-el-kader (Mémoires<br />

de l’Emir Abd-el-kader)<br />

4/ Al mawakef fi al-tasawif wal wa'd wal irchad<br />

(Les positions en matière de soufisme, de<br />

sermon et d’orientation).<br />

Gloires et défaites de l’Emir<br />

Le 5 mai 1839, il demanda et obtint l'appui du<br />

sultan du Maroc, ainsi que la concession du<br />

territoire situé entre Oujda et Tafna. Il voulut<br />

annexer le Constantinois en y nommant un<br />

«khalifa». En réaction, la France organisa l'expédition<br />

des «Portes de Fer» en octobre 1839,<br />

expédition qui fut considérée comme une<br />

violation du traité de Tafna. À partir de ce moment,<br />

la guerre reprit avec violence. Au mois<br />

d'octobre, dans l'ouest de la Mitidja, l'émir<br />

prend en embuscade le commandant Raffet<br />

et une centaine de soldats français ; ces derniers<br />

marchent contre lui et reprennent Cher-<br />

chell, Mildah, Miliana, etc.<br />

Gouvernement du maréchal<br />

Bugeaud<br />

Le tournant de la guerre fut la nomination du<br />

maréchal Bugeaud comme gouverneur général<br />

de l'Algérie en 1842. Celui-ci changea complètement<br />

la tactique de l'armée française,<br />

aidée de nombreuses troupes composées<br />

d'Algériens : troupes régulières (zouaves et<br />

spahis) et corps irréguliers (les goums). Il harcela<br />

les troupes d'Abd-El-Kader, en cherchant<br />

à les couper de leur base. L'émir fut refoulé<br />

sur les Hauts-Plateaux steppiques avec sa<br />

smala, capitale ambulante estimée à 30 000<br />

personnes. Abd-El-Kader essuya un grave revers<br />

le 16 mai 1843, avec la prise de la smala<br />

par le duc d'Aumale dans la région de Boghar.<br />

Le 11 novembre, la mort au combat de son<br />

khalifa Mohammed Ben Allel fut un nouveau<br />

coup terrible, qui l'affaiblit considérablement20.<br />

Il rassembla le reste de ses troupes,<br />

sous le nom de déïra, et se tourna vers le sultan<br />

du Maroc. Celui-ci intervint mais fut défait<br />

à la bataille de l'Isly (oued près d'Oujda)<br />

le 14 août 1844. Dans le traité de Tanger du<br />

10 septembre 1844, il fut convenu qu'Abd-El-<br />

Kader serait mis hors la loi aussi bien en Algérie<br />

qu'au Maroc. Il délimita en outre la frontière<br />

entre les deux pays. Les Français<br />

n'avaient pas oublié le guet-apens de Sidi-<br />

Brahim, où leurs soldats, commandés par le<br />

colonel Montagnac, furent égorgés sans pitié<br />

par les troupes de l'émir. En 1845, beaucoup<br />

de tribus des hauts-plateaux s'étaient soumises<br />

aux Français. L'émir tenta de les réprimer<br />

; le Goum des Ouled Nail, sous le commandement<br />

de Si Chérif Bel <strong>La</strong>hrech qu'Abdel-kader<br />

avait nommé khalifa, prit part à ces<br />

opérations. Cherchant des alliances, il alla ensuite<br />

en Kabylie, nouveau bastion de la résistance<br />

à l'armée française, où il participa à<br />

deux combats contre les Français en février<br />

1846. L'émir sillonna ensuite la région de<br />

Djelfa, plus au sud, poursuivi par les Français,<br />

mais aidé par la population. Des combats<br />

eurent lieu à Aïn Kahla, à Zenina et à l'oued<br />

Boukahil. Abd-el-kader tenta de relancer la révolte<br />

en 1847, mais échouant finalement à rallier<br />

les tribus kabyles pour faire cause commune,<br />

il dut se réfugier au Maroc. Le général<br />

de <strong>La</strong>moricière apprit qu'Abd-el-kader, refusant<br />

de se rendre au sultan du Maroc, s'était<br />

entendu avec ses principaux officiers, les<br />

fonctionnaires de la cour de Fès, pour tenter<br />

une dernière fois la fortune. Le 13 septembre,<br />

un ex-brigadier du 2 e chasseurs d'Afrique,<br />

qui s'était échappé de la Deïra, accourut annoncer<br />

au général que l'Emir voulait livrer encore<br />

un combat avant de se retirer vers le Sud<br />

avec ceux qui voudront l'y suivre.<br />

<strong>La</strong> défaite<br />

Le 21 décembre 1847, les troupes de l'Emir<br />

Abd-el-kader quittèrent le Maroc, en passant<br />

la rivière Kiss, sous la direction de l'émir seul<br />

à cheval, et entrèrent sur le territoire de l'exrégence.<br />

Le général <strong>La</strong>moricière, prévenu à<br />

temps, envoya sur son passage deux détachements<br />

de vingt spahis, en burnous blancs,<br />

commandés par les lieutenants Bou-Krauïa et<br />

Brahim et se porta sur la frontière ; il y reçut<br />

avec Bou-Krauïa des hommes envoyés d'Abdel-kader,<br />

chargés de porter sa demande<br />

d'aman («assurance/protection/sauf<br />

conduit») pour lui et ceux qui l'accompagnaient<br />

(une feuille de papier avec son cachet,<br />

car le vent, la pluie et la nuit l'avaient empêché<br />

d'y rien écrire). Le général remit aux envoyés<br />

son sabre et le cachet du commandant<br />

Bazaine, en leur donnant verbalement<br />

la promesse de l'aman le plus solennel (il ne<br />

pouvait pas écrire non plus). Abd-el-kader ren-<br />

<strong>La</strong> NR 4371 – Jeudi 5 juillet 2012<br />

5<br />

voya ses deux officiers et le lieutenant Bou-<br />

Krauïa avec une lettre dans laquelle il négociait<br />

la condition d'être conduit à Alexandrie<br />

ou à Saint-Jean-d'Acre. Le général <strong>La</strong>moricière<br />

y consentit par écrit.<br />

Le rendez-vous fut fixé le 23 décembre 1847<br />

sous un arbre qui existe toujours (les Français<br />

y ont mis une plaque). L’Emir fit la prière<br />

d’el-Asr à Sidi-Brahim, à 5 km de l’endroit où<br />

a été signé l’armistice (Sidi Tahar), puis passa<br />

la nuit à Ghazaouet. Le 24 décembre, Abd-elkader<br />

fut reçu par les généraux <strong>La</strong>moricière<br />

et Cavaignac et par le colonel Montauban, au<br />

marabout de Sidi-Brahim, théâtre de ses victoires.<br />

On l'amena ensuite à Nemours<br />

(Dgemma-Ghazouat) devant le duc d'Aumale.<br />

Le prince ratifia la parole donnée par le général<br />

<strong>La</strong>moricière, en exprimant l'espoir que<br />

le roi lui donnerait sa sanction. Le gouverneur<br />

général annonça à l'Emir qu'il le ferait embarquer<br />

le lendemain pour Oran, avec sa famille<br />

; l'Emir s'y soumit sans émotion et sans répugnance.<br />

Avant de quitter le prince, Abd-elkader<br />

lui envoya un cheval de soumission,<br />

pour consacrer sa vassalité et sa reddition.<br />

Prisonnier en France<br />

L'Emir insista pour quitter Oran le plus tôt<br />

possible. On lui offrit de partir immédiatement<br />

sur la frégate à vapeur l'Asmodée, ce<br />

qu'il accepta. Le navire quitta Oran en emportant<br />

l'émir et sa suite, composée de 61<br />

hommes, de 21 femmes et de 15 enfants des<br />

deux sexes, en tout 97 personnes dont sa famille<br />

(sa mère, âgée, deux de ses beauxfrères,<br />

ses trois femmes et ses deux fils, dont<br />

le plus jeune avait huit ans). <strong>La</strong> traversée fut<br />

mauvaise et les captifs très fatigués. Arrivé en<br />

rade de Toulon le 29 décembre 1847, Abd-elkader<br />

fut déposé au <strong>La</strong>zaret de Saint-Mandrier,<br />

puis transféré une dizaine de jours plus<br />

tard au fort <strong>La</strong>malgue à Toulon. <strong>La</strong> Révolte<br />

des At-Amokrane (les Mokrani), survenue le<br />

16 mars 1871 en Algérie, est la plus importante<br />

insurrection contre le pouvoir colonial<br />

français depuis le début de la conquête de l'Algérie<br />

en 1830. Elle est menée par le cheikh Mohand<br />

Amokrane (Mohamed Mokrani) et le<br />

cheikh Mohand Ameziane Ahaddad cheikh<br />

Ahaddad, chef de la confrérie des Rahmaniya.<br />

Histoire<br />

En 1870, un notable kabyle, Mohand Amokrane,<br />

surnommé Cheikh El-Mokrani, est rétrogradé<br />

au titre de bachagha pour avoir<br />

soutenu la révolte du Cheikh Bouaquaz, un<br />

proche de son père, en 1864-1865. Le mouvement<br />

soulève 250 tribus, près du tiers de la<br />

population algérienne. Les insurgés sont<br />

contraints à la reddition après l’attaque des<br />

Français. Ils sont arrêtés à l’Alma le 22 avril<br />

1871, et le 5 mai le bachagha Mokrani mourut<br />

au combat près de l’oued Soufflat. Les<br />

troupes françaises (vingt colonnes) marchent<br />

sur Dellys et Draâ El Mizan. Le cheikh Haddad<br />

et ses fils se rendent le 13 juillet, après la bataille<br />

d'Icheriden. L’insurrection ne prend fin<br />

qu’après la capture de Bou-Mezrag, le 20 janvier<br />

1872. <strong>La</strong> répression fut très sévère et se<br />

traduisit, une fois matée l'insurrection, par des<br />

internements de Kabyles et déportations en<br />

<strong>Nouvelle</strong>-Calédonie (on parle des «Algériens<br />

du Pacifique»), mais aussi par d'importantes<br />

confiscations de terres, qui ensuite ont obligé<br />

de nombreux Kabyles à s'expatrier.<br />

Notes et références<br />

1. [1] [archive] et [2] [archive]<br />

2. Lettre de Mokrani au Gal. Augerand, en page<br />

768 du Rapport de M. Léon de <strong>La</strong> Sicotière au nom<br />

de la «Commission d’Enquête sur les actes du<br />

Gouvernement de la Défense Nationale », Versailles,<br />

Cerf et fils, 1875.


5 <strong>Juillet</strong><br />

L’héroïne <strong>La</strong>lla N’Soumer<br />

Très jeune, elle a mémorisé le<br />

Coran. Elle grandit au sein d’une<br />

famille maraboute où sa liberté<br />

était restreinte. On l’a maria de<br />

force à son cousin mais fut ramenée<br />

par son mari et sa belle-famille<br />

chez ses parents après seulement<br />

30 jours car elle ne voulait<br />

pas consommer ce mariage. Le<br />

village la met ainsi que sa famille<br />

en quarantaine. On la laisse tranquille<br />

dès qu’on la prend pour<br />

une folle. Elle arpente la montagne<br />

et ne revient qu’au coucher<br />

du soleil et découvre la «grotte<br />

du Macchabée».<br />

Quelques temps après, elle décide<br />

de rejoindre son frère marabout<br />

au village de Soumer. En restant<br />

à son ombre, elle commence<br />

à étudier le Coran et l’astrologie.<br />

Les habitants du village se débarrassent<br />

de la mauvaise image<br />

qu’ils ont de Fatma N’Soumer et<br />

commencent à la respecter et apprécier<br />

son talent et son intelligence.<br />

Elle a dirigé une école coranique<br />

aux côtés de son frère Si<br />

Mohand Tayeb et s’occupait des<br />

pauvres et des enfants.<br />

Un jour, elle se confie à son frère<br />

et convoque les villageois pour<br />

leur annoncer la vision qu’elle<br />

avait chaque nuit à propos des<br />

hordes farouches qui viennent<br />

les exterminer. C’est en 1852<br />

qu’elle a eu cette révélation qui<br />

mobilisa toute la Kabylie qui fut<br />

conquise mais seulement après<br />

de violents combats. L’insurrection<br />

a été menée par <strong>La</strong>lla Fatma<br />

N’Soumer avec beaucoup de noblesse<br />

et de courage et qui a<br />

poussé les Français jusqu’à la surnommer<br />

«la Jeanne d’Arc du<br />

Djurdjura».<br />

En 1854 et à peine âgée de 24 ans,<br />

<strong>La</strong>lla Fatma N’Soumer a donné à<br />

Oued Sebaou une leçon de courage<br />

et de détermination à l’armée<br />

française et mena son peuple<br />

à la victoire.<br />

Malgré la prise d’Azazga par le<br />

général Randon et la répression<br />

qu'ont subi ses troupes, Fatma<br />

N’Soumer ne se rendit pas, au<br />

contraire, elle mobilise la population<br />

et mène plusieurs batailles<br />

contre l’ennemi français et leur<br />

infligent de graves défaites<br />

comme celles d’Icherridene et de<br />

Tachkrit et les pertes furent<br />

lourdes pour l’ennemi (800<br />

morts).<br />

Randon demande une trêve que<br />

Fatma N’Soumer accepte pour<br />

renforcer et réorganiser ses<br />

troupes mais comme prévu les<br />

Français ne l’ont pas respectée<br />

et lancent des attaques contre<br />

plusieurs villes qu’ils gagnent en<br />

1957.<br />

Fatma N’Soumer lança une dernière<br />

attaque mais elle perd la bataille.<br />

Elle fut arrêtée et emprisonnée<br />

dans les Issers et Tablat.<br />

Sa fortune fut dépensée et sa bibliothèque<br />

contenant de précieux<br />

travaux religieux et scientifiques<br />

détruite. Très affectée par la cul-<br />

pabilité de n’avoir pu mener son<br />

combat et celui de son peuple à<br />

terme, elle meurt en 1863 à l’âge<br />

de 33 ans. `<br />

El-Mokrani, le soulèvement de<br />

1871<br />

En 1870, un notable algérien,<br />

Cheikh El Mokrani (de son vrai<br />

nom Mohamed Aït Mokrane) est<br />

rétrogradé au titre de bachagha<br />

pour avoir soutenu la révolte du<br />

Cheikh Bouaqaz, un proche de<br />

son père, en 1864-1865.<br />

El-Mokrani, pour pallier la disette<br />

qui touche alors les campagnes,<br />

investit sa fortune personnelle et<br />

emprunte. L’empressement de<br />

ses créanciers et la pression des<br />

autorités l'oblige à hypothéquer<br />

ses biens. A cela s'ajoute l'annonce<br />

du remplacement de l'autorité<br />

militaire française, dont il acceptait<br />

de dépendre, par une autorité<br />

civile. Il décide alors de se<br />

révolter, mais, en homme d'honneur,<br />

il en avise auparavant le général<br />

Augerand (Cf. Lettre de Mokrani<br />

au Gal. Augerand, en page<br />

768 du Rapport de M. Léon de <strong>La</strong><br />

Sicotière au nom de la «Commission<br />

d’Enquête sur les actes du<br />

Gouvernement de la Défense Nationale»,<br />

Versailles, Cerf et fils,<br />

1875). Après quoi il entre en rébellion<br />

en mars 1871.<br />

Mais la première manifestation<br />

de l'insurrection est intervenue<br />

en réalité, dès janvier 1871, sous<br />

la forme d'une révolte de spahis<br />

qui ont refusé d'être envoyés sur<br />

le front de métropole, alors que<br />

les intéressés estimaient leur engagement<br />

valable uniquement<br />

pour servir en Algérie. Cette révolte,<br />

d'abord déclenchée à Aïn<br />

Guettar et à Mondjebeur, s'est ensuite<br />

étendue au Tarf et à Bou<br />

Hadjar, ainsi qu'à Annaba encerclée<br />

pendant 3 jours. Quelque 20<br />

colons ont été tués, jusqu'à ce<br />

qu'une répression très forte soit<br />

engagée.<br />

Est complètement fausse, par<br />

contre, l'assertion répandue selon<br />

laquelle le décret Crémieux du 24<br />

octobre 1870, attribuant la citoyenneté<br />

aux juifs d'Algérie, aurait<br />

été la cause de la révolte kabyle.<br />

On sait cela par Mokrani luimême,<br />

puisque sa lettre exposant<br />

les causes de sa rébellion au général<br />

Augerand ne contient pas la<br />

moindre allusion à ce décret.<br />

Cette légende a, en réalité, été inventée<br />

par les Européens et militaires<br />

locaux, hostiles à cette accession<br />

d'indigènes à la citoyenneté.<br />

Quoi qu'il en soit, la révolte des<br />

spahis fut amplifiée à partir du<br />

16 mars 1871 par sa prise en main<br />

par El-Mokrani, dont l'influence<br />

était très forte. Elle constitua la<br />

plus importante insurrection et<br />

la dernière d'Algérie durant l'occupation<br />

française.<br />

Le mouvement soulève 250 tribus,<br />

près du tiers de la population<br />

algérienne. <strong>La</strong> plupart des villes et<br />

des villages de Kabylie et des<br />

Hauts-Plateaux sont pillés. Les insurgés<br />

sont contraints à la reddition<br />

après l’attaque de la Kabylie<br />

par les Français. Ils sont arrêtés à<br />

l’Alma le 22 avril 1871, et le 5 mai<br />

le bachaga El-Mokrani meurt au<br />

combat près de l’oued Soufflat.<br />

Les troupes françaises (vingt colonnes)<br />

marchent sur Tizi Ouzou,<br />

Dellys et Draâ El-Mizan. Le cheikh<br />

Haddad et ses fils se rendent le 13<br />

juillet, après la bataille d'Icheriden.<br />

L’insurrection ne prend fin<br />

qu’après la capture de Bou-Mezrag,<br />

le 20 janvier 1872.<br />

<strong>La</strong> répression fut très sévère et se<br />

traduisit par 100 000 Algériens<br />

morts, d'importantes confiscations<br />

de terres, l'exil de la famille<br />

Mokrani au sud, l'émigration de<br />

beaucoup d'Algériens, surtout<br />

vers la Syrie, la déportation d'une<br />

partie des «révoltés» en <strong>Nouvelle</strong>-<br />

Calédonie et la parution du Code<br />

de l'Indigénat (1881), très défavorable<br />

aux musulmans. Il réduit<br />

notamment le droit de circulation,<br />

et définit un statut fiscal<br />

alourdi.<br />

Citoyens de seconde zone<br />

Rattaché à la France, le territoire,<br />

divisé en trois départements : Algérois,<br />

Constantinois, Oranais,<br />

est l'objet de nombreuses réformes<br />

administratives et d'un<br />

peuplement de plus en plus intense<br />

puisque 131 000 colons<br />

s'installent de 1871 à 1881. Cette<br />

émigration est constituée pour<br />

moitié de Français avec, à l'Est,<br />

des Italiens et des Maltais, à<br />

l'Ouest, des Espagnols). Le Code<br />

de l'Indigénat, en 1881, consacre<br />

une citoyenneté de seconde zone<br />

pour ceux qui se sentent étrangers<br />

sur leur propre territoire et<br />

qui ne bénéficient que médiocrement<br />

des «bienfaits» de la civilisation.<br />

Après la Première Guerre mondiale,<br />

pendant laquelle les troupes<br />

algériennes apportent leur<br />

concours à la France, celle-ci peut<br />

se croire définitivement chez elle,<br />

outre Méditerranée, d'autant plus<br />

qu'elle s'est installée entre-temps<br />

en Tunisie (1881) et au Maroc<br />

(1906).<br />

En 1930, le gouvernement célèbre<br />

avec faste le «Centenaire de l'Algérie<br />

française», mais si les troubles<br />

et les soulèvements ont cessé, de<br />

jeunes Algériens commencent à<br />

polir d'autres armes pour reconquérir<br />

leur liberté.<br />

Mouvement des Jeunes<br />

Algériens<br />

Les Algériens ne peuvent rester<br />

dans l'état de soumission où les a<br />

réduits la conquête française,<br />

mais la prise de conscience nationale<br />

ne rencontre guère d'écho<br />

favorable, ni auprès des colons, ni<br />

en métropole.<br />

Au début du XX e siècle, le mouvement<br />

«Jeunes Algériens» prend<br />

consistance : intellectuels et lettrés<br />

qui le composent, imprégnés<br />

des idéaux de l'école républicaine,<br />

ne réclament pas une Algérie algérienne,<br />

mais plutôt une Algérie<br />

«francisée» - mêmes devoirs, mais<br />

aussi mêmes droits pour ses habitants<br />

que pour ceux de la métropole.<br />

L'émir Khaled, petit-fils d'Abd El-<br />

Kader, est un de ses animateurs.<br />

Problème fondamental des relations<br />

entre les deux communau-<br />

<strong>La</strong> NR 4371 – Jeudi 5 juillet 2012<br />

6<br />

, <strong>La</strong>lla Fatma N’Soumer est une personnalité kabyle qui marqua la résistance algérienne contre l’occupation française. De son vrai nom Fatma<br />

Sid Ahmed, elle est née vers 1830 à Ouerja, sur la route d’Aïn El-Hammam en Kabylie. Le surnom de «N’Soumer» lui a été donné car elle a vécu<br />

dans le village de Soumer.<br />

tés, la question de la citoyenneté<br />

n'est pas résolue par le décret de<br />

1919 accordant la nationalité française<br />

à 20 000 Algériens.<br />

En effet, celle-ci est donnée à des<br />

conditions jugées draconiennes :<br />

la renonciation au statut personnel<br />

de musulman, autant dire<br />

l'apostasie».<br />

Un courant de pensée influencé<br />

par des penseurs égyptiens, les<br />

ouléma réformistes, regroupés,<br />

au milieu des années 1920, autour<br />

des cheikhs Abdelhamid Ben<br />

Badis (1889-1940) et Bachir Ibrahimi<br />

(1889-1965).<br />

Créée le 5 mai 1931 à Alger, l'Association<br />

des Oulémas musulmans<br />

algériens se fixe un but religieux<br />

et moral, puis évolue vers une revendication<br />

d'indépendance, mais<br />

«avec le temps et avec l'aide et la<br />

volonté de la France».<br />

Ces partis politiques jouent aussi<br />

un rôle : le Parti Communiste Algérien<br />

(P.C.A.) et surtout l'Etoile<br />

Nord-Africaine, née en 1926-1927.<br />

Son fondateur et principal animateur,<br />

Ahmed Messali Hadj (né en<br />

1898 à Tlemcen, mort en 1974 en<br />

banlieue parisienne), réclama très<br />

vite l'indépendance.<br />

Dissoute, reconstituée, à nouveau<br />

dissoute, l'Etoile renaîtra en 1937<br />

sous le nom de Parti Populaire<br />

Algérien (P.P.A.). A nouveau dissous<br />

en 1939, le PPA resurgira<br />

après la Seconde Guerre mondiale<br />

en Mouvement pour le<br />

triomphe des libertés démocratiques<br />

(MTLD) puis, en 1954, en<br />

Mouvement national algérien<br />

(MNA).<br />

L'avant-guerre avait vu se tenir le<br />

Congrès musulman de 1936, qui<br />

avait dressé une «Charte revendicative»<br />

restée sans suite. Tout<br />

comme furent sans lendemain les<br />

projets de réforme Blum-Viollette<br />

pendant le Front Populaire (1936-<br />

1938).<br />

Cheikh Bouamama<br />

Cheikh Bouamama Mohammed<br />

Ibn <strong>La</strong>rbi, Ibn Cheikh, Ibn Mohammed,<br />

Ibn Brahim, Ibn Attaj, Ibn<br />

Sidi Cheikh Abdelkader, né en<br />

1833 et mort le 7 octobre 1908,<br />

était à la fois une figure historique<br />

et un personnage mystique.<br />

Armé d'une large culture que les<br />

savants et érudits de Kairaouane<br />

lui avaient inculquée, il fonda sa<br />

Zaouia dans le but unifier les différents<br />

courants de confrérie et<br />

de rassembler les Bouchikhi .Il<br />

avait réussi à mettre fin aux divergences<br />

tribales de son époque. Il<br />

constitua sa base militaire dans<br />

son fief natal Moghrar Tahtania à<br />

<strong>La</strong>biodh Sidi Cheikh ex-Geryville.<br />

En bon meneur d'hommes, il dirigeait<br />

la résistance contre le colonialisme<br />

en Algérie de 1881 à 1908,<br />

il avait commandé de nombreuses<br />

batailles, causant d'importantes<br />

pertes aux ennemis.<br />

Il avait jusqu'à sa mort résisté à<br />

toutes les pressions aussi bien<br />

militaires que politiques.


5 <strong>Juillet</strong><br />

<strong>La</strong> NR 4371 — Jeudi 5 juillet 2012<br />

7<br />

Histoire de batailles<br />

De Cheikh Bouamama à la résistance des Touareg<br />

,Mohammed Ibn <strong>La</strong>rbi Ibn Cheikh Ibn Mohammed Ibn Brahim Ibn Attaj Ibn Sidi Cheikh Abd el-Kader, dit Cheikh Bouamama, né en 1833 et mort<br />

le 7 octobre 1908, était à la fois une figure historique, un combattant reconnu et un personnage mystique. Durant cette phase difficile de l'histoire<br />

d'Algérie, sa famille fut obligée de s'exiler, de quitter le pays pour s'établir en territoire marocain.<br />

Cheikh Bouamama fonda sa propre<br />

zaouia dans la région d'El Mekrar<br />

el-Tahtani, ce qui accrut sa popularité<br />

et augmenta le nombre de<br />

ses disciples et adeptes dans les régions<br />

sahariennes.<br />

<strong>La</strong> résistance de Cheikh Bouamama<br />

dura plus de vingt trois ans.<br />

Il fut connu par ses capacités exceptionnelles<br />

à affronter les forces<br />

d'occupation qui ne réussirent pas<br />

à mettre un terme à son activité<br />

malgré toutes leurs tentatives politiques<br />

et militaires, jusqu'à son<br />

décès le 17 octobre 1908 à Oujda<br />

au Maroc.<br />

Il réussit à mettre fin aux divergences<br />

tribales de son époque et<br />

constitua sa base militaire dans<br />

son fief natal Moghrar Tahtani sur<br />

la route de Naâma et Abiodh Sidi<br />

Cheikh. En habile meneur<br />

d'hommes, il a dirigé la résistance<br />

contre l’occupant en Algérie de<br />

1881 à 1908, en participant à de<br />

nombreuses batailles, causant<br />

d'importantes pertes aux ennemis.<br />

A l'instar des autres régions d'Algérie,<br />

l'Ouest oranais a souffert des<br />

affres de la malveillance française<br />

à travers sa politique basée sur<br />

l'entretien de la discorde parmi les<br />

Algériens, rôle dévolu aux bureaux<br />

arabes chargés de semer la zizanie<br />

et entretenir les rivalités entre les<br />

tribus et entre les grandes familles<br />

et à créer la discorde.<br />

En 1845, le Traité de <strong>La</strong>lla Maghnia,<br />

imposé par l'armée française, sépare<br />

la tribu des Ouled Cheikh en<br />

deux, les Ghraba à laquelle appartient<br />

Bouamama et les Chraga.<br />

Mais Cheikh Bouamama ayant saisi<br />

les intentions des occupants français,<br />

avait proclamé la lutte pour<br />

débarrasser le pays et ses habitants<br />

de son joug.<br />

Il suffirait de dire que le refus de<br />

l'occupation française par le<br />

peuple algérien constitue le facteur<br />

le plus important ayant<br />

poussé Cheikh Bouamama à préparer<br />

et organiser l'action révolutionnaire<br />

contre l'occupant dans<br />

l'Ouest oranais. Mais il existe sans<br />

aucun doute également un ensemble<br />

de raisons ayant contribué<br />

pour une grande part à accélérer<br />

le déclenchement de la révolte<br />

parmi lesquelles :<br />

Les causes directes : L'assassinat<br />

le 22 avril 1881 d'un officier français,<br />

le lieutenant Wayne Bruner<br />

qui occupait le poste de chef du<br />

bureau arabe de la région d'El-<br />

Bayadh, lors de ses vaines tentatives<br />

de mettre un terme à l'activité<br />

du Cheikh Bouamama peut être<br />

considéré comme étant la cause<br />

principale dans le déclenchement<br />

de l'affrontement entre ce dernier<br />

et l'occupant français.<br />

Les causes indirectes : De par son<br />

statut d'homme de religion et chef<br />

de zaouia, Cheikh Bouamama est<br />

imprégné de l'idée de la lutte<br />

contre les conquérants.<br />

Causes économiques : <strong>La</strong> dégradation<br />

de la situation économique<br />

dans la région du Sud oranais a<br />

contribué à l'embrasement de la<br />

lutte et au déclenchement de la<br />

résistance, surtout après la propagation<br />

de la famine qui avait décimé<br />

les populations et causé la<br />

perte de tous leurs biens, sans ou-<br />

blier la misère engendrée par la<br />

politique inique menée par l'administration<br />

française, notamment<br />

l'interdiction faite à certaines tribus<br />

de se déplacer entre 1879 et 1881,<br />

en particulier celles d'Aflou, El-<br />

Bayadh ainsi que les tribus nomades<br />

des monts du Ksour, provoquant<br />

ainsi un mécontentement<br />

sérieux. Cette interdiction avait<br />

entraîné la mort d'une grande partie<br />

du cheptel, le pourcentage de<br />

pertes ayant atteint pour la seule<br />

région d'Aflou environ 80% dont<br />

37% pour l'année 1879-1880 et 43%<br />

pour l'année 1880-1881.<br />

Les étapes de la résistance<br />

Première étape<br />

Cheikh Bouamama ne déclara la<br />

lutte contre l’occupant français,<br />

dans la région du Sud oranais<br />

qu'après avoir préparé toutes les<br />

tribus sahariennes par le biais des<br />

disciples de la confrérie répartis à<br />

travers la région notamment les<br />

tribus des Trafi, des Rézaynia , d'El-<br />

Ahrar, Frenda et Tiaret. Le premier<br />

affrontement militaire eut lieu le<br />

27 avril 1881 au lieu dit Sfisifa au<br />

sud de Aïn Sefra, et s'acheva par la<br />

défaite de l'armée française.<br />

Compte tenu de la gravité de la situation,<br />

les autorités françaises<br />

s'empressèrent d'envoyer des renforts<br />

supplémentaires vers la région<br />

afin de réprimer la révolte et<br />

la liquider. Ces troupes étaient<br />

commandées par le général Colineau<br />

d'Annecy, commandant du<br />

secteur militaire de Mascara.<br />

Le deuxième affrontement militaire<br />

entre Algériens et Français eut lieu<br />

le 19 mai 1881 au lieu dit El-Mouilek,<br />

situé près de Ksar Chellala<br />

dans les monts Ksours. Il y eut de<br />

violents combats dont Cheikh<br />

Bouamama sortit victorieux malgré<br />

la supériorité de l’ennemi sur<br />

le plan matériel et humain. Après<br />

cette bataille, Cheikh Bouamama<br />

demeura maître de la situation. Il<br />

se dirigea vers <strong>La</strong>biod Sidi Cheikh,<br />

ce qui aida les insurgés au cours de<br />

cette période à couper les fils du<br />

télégraphe reliant Frenda à El-<br />

Bayadh et à attaquer les centres de<br />

la société franco-algérienne des alliés.<br />

Afin de faire face aux victoires<br />

répétées enregistrées par Cheikh<br />

Bouamama, les autorités françaises<br />

engagèrent des mouvements<br />

rapides consistant à envoyer<br />

ses troupes vers le sud ouest<br />

en vue d’encercler l’insurrection<br />

et la liquider, pour ensuite se propager<br />

dans la région et étendre<br />

son influence sur tous les ksours<br />

de l’Ouest oranais.<br />

Le colonel Négrier fut chargé de<br />

punir les tribus ayant participé à<br />

l’insurrection avec Cheikh Bouamama.<br />

Le 15 août 1881, il fait raser<br />

le mausolée de Sidi Cheikh et profane<br />

sa tombe, ce qui constitue<br />

une véritable atteinte aux valeurs<br />

spirituelles du peuple algérien et à<br />

ses us et coutumes. Cela fut suivi<br />

par les massacres terribles commis<br />

par l’armée d’occupation à<br />

l’encontre des populations isolées<br />

des plaines et collines dans la région<br />

d’El-Bayadh. Les mêmes<br />

crimes furent commis à l’encontre<br />

des populations de Chellala dahrania<br />

(située à l’ouest).<br />

Cheikh Bouamama. (Photo > D. R.)<br />

Par ailleurs, le général Louis fit détruire<br />

les deux ksours que possédait<br />

Cheikh Bouamama, à savoir le<br />

ksar supérieur de Meghrar et le<br />

ksar inférieur de Meghrar. De<br />

même que fut détruite la zaouia<br />

de Cheikh Bouamama et que furent<br />

tués bon nombre d’habitants<br />

isolés.<br />

Compte tenu de l’accroissement<br />

numérique des troupes françaises<br />

auxquelles des renforts affluaient<br />

de toutes les régions, la pression<br />

s’accrut sur Cheikh Bouamama qui<br />

fut contraint de se retirer en direction<br />

de la région de Figuig au<br />

Maroc, où son activité diminua et<br />

ses partisans se dispersèrent.<br />

Le 16 avril 1882, les troupes d’occupation<br />

pourchassèrent Cheikh<br />

Bouamama sur le sol marocain<br />

mais il réagit par une attaque violente<br />

sur le chott de Tighri qui occasionna<br />

aux Français des pertes<br />

humaines considérables, le<br />

contraignant à se replier.<br />

Cette défaite eut un impact considérable<br />

dans les milieux militaires<br />

français et accrut la ténacité et la<br />

résistance des insurgés, démontrant<br />

ainsi une fois de plus leur supériorité<br />

sur les troupes françaises.<br />

Deuxième étape<br />

Au cours de cette étape, la résistance<br />

de Cheikh Bouamama fut caractérisée<br />

par un calme relatif<br />

après qu’il se fut établi dans son village<br />

natal, El-Hammam El- Fougani,<br />

à Figuig où il était arrivé en juillet<br />

1883, afin d’entreprendre la réorganisation<br />

de ses troupes pour l’avenir.<br />

Inquiètes de cette activité intense,<br />

les autorités françaises s’empressèrent<br />

d’adresser un<br />

télégramme signé par le général<br />

Soucié, chef du 19 e bataillon, au<br />

gouvernement de Paris, l’appelant<br />

à exercer des pressions sur le Sultan<br />

du Maroc afin qu’il chasse<br />

Cheikh Bouamama du territoire<br />

marocain car il constitue un danger<br />

pour les intérêts de la France<br />

dans la région.<br />

Ceci amena Cheik Bouamama à<br />

quitter la région vers la fin de l’année<br />

1883 pour se réfugier dans le<br />

Touat et demander la protection<br />

des habitants de l’oasis de Deldoul.<br />

Il y demeura jusqu’à 1894 et<br />

fonda une zaouia où il entreprit de<br />

dispenser un enseignement religieux<br />

afin de poursuivre son combat<br />

et stopper l’expansion française<br />

dans le sud ouest. Il adressa<br />

des messages à l’ensemble des<br />

chefs des tribus sahariennes, notamment<br />

les touaregs qui lui proposèrent<br />

de venir s’installer chez<br />

eux afin de pouvoir s’entraider<br />

dans la lutte contre l’ennemi français.<br />

D’autre part, certaines tribus<br />

installées aux frontières algéro-marocaines<br />

l’appuyèrent et se rallièrent<br />

à lui. Les autorités françaises<br />

tentent d’étouffer la révolte et d'en<br />

limiter l'extension dans le sud par<br />

la mise en place d’établissements<br />

économiques comme la création<br />

de centres commerciaux dans le<br />

territoire du Touat et de Tadikalt.<br />

Troisième étape<br />

Cheikh Bouamama réussit à rallier<br />

de nombreux partisans et gagner<br />

la confiance des populations<br />

des régions sahariennes. Les autorités<br />

françaises tentent de le rallier<br />

à leur cause. Des contacts sont<br />

pris par le biais de la délégation<br />

Française à Tanger en 1892 afin de<br />

négocier avec lui la question de<br />

l’aman (la paix négociée) mais ne<br />

débouchent sur aucun résultat.<br />

Les rapports d’amitié qui existaient<br />

entre Cheikh Bouamama et les autorités<br />

marocaines suscitèrent l’inquiétude<br />

des autorités coloniales<br />

françaises, notamment après qu’il<br />

fut reconnu comme chef des tribus<br />

des Ouled Sidi Cheikh ayant sous<br />

son autorité toutes les régions sahariennes.<br />

Elles tentèrent une nouvelle<br />

fois de gagner son amitié afin<br />

de faciliter leurs tentatives d’expansion<br />

et d’étendre leur influence<br />

sur les régions sahariennes. Pour<br />

cela, le gouverneur général, <strong>La</strong>verrière<br />

décida le 16 octobre 1899<br />

d’accorder l’aman total sans conditions.<br />

Au début du vingtième siècle,<br />

Cheikh Bouamama entra au Maroc<br />

et s’installa dans la région d’Oujda.<br />

Le combat mené par Cheikh Bouamama<br />

durant de nombreuses années<br />

avait considérablement entravé<br />

l’expansion française dans<br />

l’extrême sud, en particulier le côté<br />

occidental et ce, malgré le blocus<br />

important que le pouvoir français<br />

en la personne du général Lyautey<br />

avaient tenté d’imposer à la<br />

résistance.<br />

Conséquences de la résistance<br />

de Cheikh Bouamama<br />

-L’insurrection de Cheikh Bouamama<br />

constitua un défi important<br />

face à la politique de la IIIème <strong>République</strong><br />

visant le parachèvement<br />

des opérations d’occupation totale<br />

de l’Algérie et parvint à retarder<br />

et entraver les projets français<br />

dans le Sud ouest.<br />

-<strong>La</strong> révolte de Cheikh Bouamama<br />

représente la phase finale de la<br />

stratégie des leaderships dans l’affrontement<br />

du pouvoir français à<br />

travers les résistances populaires.<br />

-<strong>La</strong> révolte de Cheikh Bouamama<br />

fut l’une des résistances populaires<br />

les plus violentes au cours du dix<br />

neuvième siècle après la résistance<br />

de l’Emir Abdelkader.<br />

-<strong>La</strong> révolte de Cheikh Bouamama a<br />

dévoilé la faiblesse des Français<br />

dans l’affrontement de la résistance.<br />

Les Français ont été amenés<br />

à rechercher des solutions politiques<br />

afin de mettre fin à la révolte<br />

en particulier après la<br />

deuxième étape 1883-1892, lorsque<br />

se posa la question de l’aman<br />

(trêve) recherchée par les autorités<br />

françaises alors que Bouamama<br />

la refusait.<br />

-Les pertes humaines et matérielles<br />

furent également parmi les conséquences<br />

les plus notables de la révolte.<br />

-<strong>La</strong> révolte a accéléré l’achèvement<br />

des projets de voie ferrée dans la<br />

région reliant le nord au sud.<br />

-Même si, en raison des entraves<br />

rencontrées et plus précisément<br />

les difficultés à unifier les deux<br />

branches des Ouled Sidi Cheikh<br />

ainsi que les pressions exercées<br />

par le Sultan marocain Abdelaziz<br />

sur la révolte et son confinement<br />

aux frontières, la résistance de<br />

Cheikh Bouamama n’a pas pu réaliser<br />

son objectif qui était de chasser<br />

les occupants de la région, elle<br />

a cependant démontré ses capacités<br />

de résistance, son endurance et<br />

le blocage de l’expansion française<br />

dans la région.<br />

Film documentaire<br />

Un film sur Cheikh Bouamama a<br />

été réalisé en 1985 en Algérie. L'acteur<br />

principal Athmane Ariouat<br />

joue le personnage de Cheikh<br />

Bouamama. Benamar Bakhti est le<br />

réalisateur.<br />

<strong>La</strong> résistance des Touareg (1881)<br />

Les Touaregs avaient manifesté<br />

dès l’arrivée des premières missions<br />

françaises de reconnaissance<br />

leur opposition à l’implantation de<br />

communauté étrangère. C’est durant<br />

la fin du 19eme siècle que la<br />

France avait entamé le parachèvement<br />

de son occupation en envoyant<br />

des militaires par expéditions<br />

successives. L’insurrection<br />

ne tarda pas des Touaregs constituant<br />

ainsi le prolongement des<br />

luttes menées par les populations<br />

du nord. Les batailles entre les missionnaires<br />

et les Touaregs ont été<br />

sanglantes. L’armée française qui<br />

avait de posséder des armes à feu<br />

due se plier devant la ténacité des<br />

épées et d’une meilleure connaissance<br />

du terrain. <strong>La</strong> France choisit<br />

alors de n’envoyer que des missionnaires<br />

civils ou religieux pour<br />

asseoir son expansionnisme sous<br />

le fallacieux prétexte de mener des<br />

opérations à caractère scientifique<br />

ou en matière de santé publique.<br />

...


5 <strong>Juillet</strong><br />

Histoire de batailles<br />

Causes de la résistance des Touareg<br />

Les études académiques qui ont<br />

abordé la résistance des Touareg<br />

dans la région du Hoggar ont démontré<br />

de façon indiscutable que l'essence<br />

de ces révoltes était le refus du<br />

colonialisme.<br />

<strong>La</strong> deuxième cause fut la découverte<br />

par les populations touareg des véritables<br />

motivations cachées derrière<br />

les missions françaises qui se sont<br />

succédé dans la région et qui consistaient<br />

en réalité à mettre en place les<br />

voies susceptibles de faciliter l'occupation<br />

et la domination de la région<br />

par la force, en encourageant la christianisation<br />

des populations.<br />

Etapes de la résistance des<br />

Touareg<br />

Première étape<br />

Echec des premières missions<br />

Les populations touareg ont estimé<br />

nécessaire de faire face à ces missions<br />

de reconnaissance et de prospection<br />

et de tout mettre en œuvre<br />

pour les faire échouer car leur objectif<br />

consistait en réalité à préparer<br />

le terrain à l'occupation de la région.<br />

Il en va de même des missions.<br />

Deuxième étape<br />

Emergence du cheikh Amoud<br />

Cheikh Amoud fut l'un des résistants<br />

et héros des révoltes populaires durant<br />

cette période. En effet, lorsque<br />

l'intérêt des Français pour le sud algérien<br />

se développa, la résistance du<br />

Cheikh Amoud se manifesta en tant<br />

que défi nationaliste lancé à la puissance<br />

coloniale. Les actions au cours<br />

de cette résistance consistèrent à liquider<br />

toutes les missions aussi bien<br />

religieuses que militaires.<br />

Troisième étape<br />

Répercussions de la résistance<br />

des Touareg sur la situation au<br />

Sahara.<br />

<strong>La</strong> liquidation de la mission du colonel<br />

Flatters le 16 avril 1881 est considérée<br />

comme le début d'une nouvelle<br />

étape dans la résistance des Touareg<br />

dont les répercussions sur la résistance<br />

populaire furent positives,<br />

assurant sa continuité et mettant<br />

d'autre part momentanément un<br />

terme aux ambitions du colonialisme<br />

d'occuper le Sahara<br />

Réactions des forces françaises<br />

Cette situation poussa les autorités<br />

françaises à réfléchir à la mise en<br />

place d’un nouveau plan conforme à<br />

sa politique d'occupation du Sud et<br />

ce, à travers la création de postes<br />

militaires avancés au cœur du Sahara<br />

afin de faciliter à l'avenir le travail<br />

des missions. C'est ce qui se produisit<br />

au cours des années 1893 et<br />

1894. Par ailleurs, cette étape constitua<br />

un second souffle pour la résistance<br />

des populations de l'extrême<br />

sud. C'est ce qui arriva à la mission de<br />

Colo lequel fut tué le 31 octobre 1891<br />

avec ses hommes dans la région d'El-<br />

Goléa.<br />

Toutefois, la poursuite par l'ennemi<br />

de la liquidation des soutiens de la résistance<br />

à travers les massacres commis<br />

sur les insurgés lui a permis d'établir<br />

sa présence dans cette région.<br />

8 mai 1945 à Sétif<br />

Chronique d’un massacre annoncé<br />

Pour célébrer la chute de l’Allemagne<br />

nazie, les nationalistes algériens des<br />

Amis du manifeste et de la liberté<br />

(AML) de Ferhat Abbas et du PPA<br />

(dissous) de Messali Hadj (en résidence<br />

surveillée) organisent un défilé<br />

à Sétif avec les drapeaux alliés en<br />

tête. Des pancartes et drapeau algériens<br />

sont déployés. Les pancartes<br />

portent les slogans «Libérez Messali»,<br />

«Vive l’Algérie libre et indépendante»,<br />

«Vive la charte de l’Atlantique», «A<br />

bas le colonialisme». Bouzid Saâl, qui<br />

refuse de baisser le drapeau algérien<br />

qu’il brandit, est assassiné par un<br />

policier à bout pourtant. Cela déclenche<br />

une émeute qui sera suivie<br />

d’une répression atroce. Au printemps<br />

1945, l’ambiance est tendue<br />

parmi la population européenne. Des<br />

bruits alarmistes circulent sur un imminent<br />

soulèvement musulman. D’autant<br />

que l’Algérie connaît depuis<br />

quelques mois une situation alimentaire<br />

catastrophique, résultat de l’absence<br />

de presque tous les hommes<br />

valides. Messali Hadj est déporté à<br />

Brazzaville le 23 avril 1945. Le PPA organise,<br />

le 1 er mai, dans tout le pays,<br />

des manifestations qui se veulent pacifiques<br />

et sans armes, et où pour la<br />

première fois est brandi un drapeau<br />

algérien. Les manifestations se sont<br />

passées dans le calme sauf à Alger et<br />

à Oran où ont eu lieu des affrontements<br />

avec la police ; la répression<br />

était brutale faisant plusieurs morts.<br />

Quelques jours plus tard, c’est l’annonce<br />

de la reddition allemande.<br />

C’est la fin de la guerre : des manifestations<br />

étaient prévues un peu partout<br />

pour le 8 mai.<br />

Répression et massacres<br />

A Sétif, le rassemblement séparé des<br />

manifestations officielles est autorisé<br />

à condition qu’il n’ait pas un caractère<br />

politique. Aucune bannière<br />

ou autre, symbole revendicatif n’est<br />

toléré. Un drapeau autre que celui<br />

de la France ne doit en aucun cas<br />

être déployé. Les slogans anti-français<br />

sont également interdits tout<br />

comme le port d’armes, de bâtons<br />

ou de couteaux. Les manifestants envahissent<br />

les rues dès 8h du matin.<br />

Estimés à plus de 10 000 personnes,<br />

ils se mettent en branle chantant<br />

l’hymne nationaliste Min Djibalin (du<br />

haut de nos montagnes). Ils défilent<br />

avec des drapeaux des pays alliés<br />

vainqueurs du nazisme. Bravant l’interdit,<br />

ils brandissent aussi des pancartes<br />

sur lesquelles des tracts significatifs<br />

sont inscrits comme «Nous<br />

voulons être vos égaux». Le pas est<br />

franchi. Quelques instants plus tard,<br />

et alors que la tension monte de plusieurs<br />

crans, c’est en chiens de<br />

faïence que se regardent manifestations<br />

et policiers déployés en grand<br />

nombre en cette journée de fête qui<br />

ne tardera pas à tourner au drame.<br />

«Vive l’Algérie libre et Indépendante»<br />

met la poudre au feu. En tête de la manifestation,<br />

Aissa Cheraga, chef d’une<br />

patrouille de scouts musulmans, arbore<br />

le drapeau algérien, l’occasion<br />

pour le commissaire Olivieri de s’en<br />

emparer. Nul ne sait quelles étaient<br />

ses intentions mais c’est trop tard,<br />

puisque la situation dégénère et<br />

prend une tournure tragique. Selon<br />

un témoin, des Européens, en marge<br />

de la manifestation, se précipitent<br />

sur la foule et y mettent leur grain de<br />

sel. Les porteurs des banderoles et<br />

des drapeaux refusent de céder aux<br />

injonctions des policiers. Un jeune<br />

homme de 26 ans, Bouzid Saâl, est<br />

abattu par un policier. Les autres policiers<br />

lui emboîtent le pas en ouvrant<br />

le feu à leur tour. C’est la panique<br />

générale. Il a fallu du temps<br />

pour que les choses reviennent à la<br />

normale. L’entrée persuasive des tirailleurs<br />

a fait craindre le pire. Mais<br />

comme si tout le monde s’est donné<br />

le mot, la manifestation de Sétif fait<br />

tâche d’huile et un mouvement similaire<br />

est signalé dans différents villages<br />

environnants. A Aïn Kebira,<br />

Beni Aziz, Amouchas, Kherrata et<br />

bien d’autres villages, les indigènes<br />

affichent bruyamment leur élan de<br />

solidarité à leur frères de Sétif. Le<br />

soir même, c’est la ville de Guelma<br />

qui plonge dans l’horreur. Le souspréfet<br />

Achiary, un ancien résistant,<br />

ordonne de tirer sur les manifestants.<br />

Des renforts convergent vers la ville<br />

pour ramener le calme et, le cas<br />

échéant, utiliser la manière pour dissuader<br />

les manifestants à continuer<br />

leurs mouvements. Un bataillon d’infanterie<br />

de Sidi Bel Abbès arrive le 9<br />

dans la journée pour évacuer les Européens<br />

encerclés par les émeutiers.<br />

Les massacres des jours suivants<br />

Dans un télégramme daté du 11 mai<br />

1945, le général de Gaulle, chef du<br />

gouvernement français provisoire,<br />

ordonne l’intervention de l’armée,<br />

sous le commandement du général<br />

Duval, qui mène une terrible répression<br />

contre la population indigène. <strong>La</strong><br />

marine y participe grâce à son artillerie,<br />

ainsi que l’aviation. Le général<br />

Duval rassemble toutes les<br />

troupes disponibles, soit deux mille<br />

hommes. Ces troupes viennent de la<br />

Légion étrangère ; des tabors marocains,<br />

qui se trouvaient à Oran en<br />

passe d’être démobilisés et qui protestent<br />

contre cette augmentation<br />

imprévue de la durée de service, une<br />

compagnie de réserve de tirailleurs<br />

sénégalais d’Oran, des spahis de<br />

Tunis et des tirailleurs en garnison à<br />

Sétif, Kherrata et Guelma.<br />

<strong>La</strong> répression, menée par l’armée et<br />

la milice, est d’une incroyable violence<br />

: exécutions sommaires, masacres<br />

de civils, bombardements de<br />

mechats. Le croiseur Duguay-Trouin<br />

et le contre-torpilleur Le Triomphant<br />

tirent plus de 800 coups de canon<br />

depuis la rade de Béjaïa sur la région<br />

de Sétif. L’aviation bombarde plusieurs<br />

agglomérations.<br />

Une cinquantaine de mechas sont incendiées.<br />

Les automitrailleuses font<br />

leur apparition dans les villages et<br />

tirent à distance sur les populations.<br />

Les blindés sont relayés par les militaires<br />

arrivés en convois sur les lieux.<br />

De nombreux corps ne peuvent être<br />

enterrés.<br />

Ils sont jetés dans les puits, dans les<br />

gorges de Kherrata. Pendant deux<br />

mois, l’Est de l’Algérie connaît un déchaînement<br />

de folie meurtrière.<br />

Un journaliste américain écrira : «It<br />

was an open season», pour décrire la<br />

chasse à l’homme, à l’indigène de-<br />

<strong>La</strong> NR 4371 — Jeudi 5 juillet 2012<br />

8<br />

, Mohammed Ibn <strong>La</strong>rbi Ibn Cheikh Ibn Mohammed Ibn Brahim Ibn Attaj Ibn Sidi Cheikh Abdelkader, dit Cheikh Bouamama, né en 1833 et mort le<br />

7 octobre 1908, était à la fois une figure historique, un combattant reconnu et un personnage mystique. Durant cette phase difficile de l'histoire<br />

d'Algérie, sa famille fut obligée de s'exiler, de quitter le pays pour s'établir en territoire marocain.<br />

venu une cible sur laquelle les soldats<br />

tirent à bout pourtant. Les corps des<br />

victimes gisaient partout, dans toutes<br />

les rues de ces villes meurtries et<br />

sans défense. Les milices poussent<br />

l’horreur jusqu’à exécuter sommairement<br />

successivement des dizaines,<br />

voir des centaines d’Algériens qui,<br />

avant de mourir, devaient creuser<br />

leurs tombes. A Guelma, les prisonniers<br />

sont transportés en dehors de<br />

la ville, à Kef El-Boumba, près d’Héliopolis,<br />

où ils sont tous abattus. Des<br />

corps arrosés d’essence sont brûlés<br />

sur la place publique ou dans les<br />

fours à chaux. Des groupes entiers de<br />

prisonniers, enchaînés et alignés,<br />

sont écrasés par les roues de chars,<br />

des nourrissons sont pris par les<br />

pieds pour être projetés contre les rochers.<br />

Les blindés et l’artillerie, aidés<br />

par l’aviation, pilonnent toutes les<br />

«zones de dissidence». L’horreur avait<br />

atteint son comblé. De nombreux musulmans,<br />

dirigeants politiques et militants,<br />

du Parti du peuple algérien<br />

(PPA), des Amis du manifeste des libertés<br />

(AML) (dont le fondateur Ferhat<br />

Abbas) et de l’association des<br />

oulémas furent arrêtés. Lorsqu’une<br />

faction ou un douar demandait<br />

l’aman (le pardon), l’armée réclamait<br />

les coupables. Le 28 février 1946, le<br />

rapporteur de la loi d’amnistie ( qui<br />

fût votée) déclarait en séance :<br />

«Quatre mille cinq cents arrestations<br />

sont effectuées, quatre-vingt-dix-neuf<br />

condamnations à mort sont prononcées,<br />

soixante-quatre condamnations<br />

aux travaux forcés à temps. Deux<br />

mille cinq cents autres indigènes attendent<br />

encore d’être jugés.»<br />

<strong>La</strong> répression prend fin officiellement<br />

le 22 mai. L’armée organise des cérémonies<br />

de soumission où tous les<br />

hommes doivent se prosterner devant<br />

le drapeau français et répéter en<br />

chœur : «Nous sommes des chiens et<br />

Ferhat Abbas est un chien.»<br />

Des officiers exigent la soumission<br />

publique des derniers insurgés sur la<br />

plage des Falaises, non loin de Kherrata.<br />

Certains, après ces cérémonies,<br />

sont embarqués et assassinés. Pendant<br />

de long mois, les Algériens musulmans<br />

continuèrent à fuir pour se<br />

mettre à l’abri, au bruit de chaque<br />

mouvement suspect du colonialiste.<br />

Les évènements de Sétif, Guelma et<br />

Kherrata sont les précurseurs de<br />

lendemains encore plus sanglants<br />

mais aussi de la naissance de mouvements<br />

indépendantistes prêts à entrer<br />

en action pour libérer le pays<br />

du joug colonialiste. Le 8 mai 1945,<br />

plus de 45 000 Algériens ont trouvé la<br />

mort dans une répression jamais égalée.<br />

Ces tueries, au lieu d’asservir l’indigène,<br />

l’ont au contraire encouragé à<br />

réfléchir à la manière de faire plier<br />

l’ennemi. Le CRUA, né bien après la<br />

dissolution de l’OAS, a décidé de passer<br />

à l’action. Celle-ci surviendra le 1 er<br />

novembre 1945 quand ces mêmes indigènes<br />

ont décidé de découdre avec<br />

l’ennemi.<br />

(*) Source :<br />

Le professeur Mohammed<br />

ben Moussa Sharif


5 <strong>Juillet</strong><br />

8 Mai 1945 à Sétif<br />

Des pancartes et drapeau algériens sont déployés.<br />

Les pancartes portent les slogans < Libérez Messali>,<br />

“Vive l’Algérie libre et indépendante>, <<br />

Vive la charte de l’Atlantique>, < A bas le colonialisme>.<br />

Bouzid Saâl, qui refuse de baisser le drapeau<br />

algérien qu’il brandit, est assassiné par un policier à bout<br />

pourtant. Cela déclenche une émeute qui sera suivie<br />

d’une répression atroce. Au printemps 1945, l’ambiance<br />

est tendue parmi la population européenne. Des bruits alarmistes<br />

circulent sur un imminent soulèvement musulman.<br />

D’autant que l’Algérie connaît depuis quelques mois<br />

une situation alimentaire catastrophique, résultat de l’absence<br />

de presque tous les hommes valides. Messali Hadj<br />

est déporté à Brazzaville le 23 avril 1945. Le PPA organise,<br />

le 1er mai, dans tout le pays, des manifestations qui se veulent<br />

pacifiques et sans armes, et où pour la première fois<br />

est brandi un < drapeau algérien>. Les manifestations se<br />

sont passées dans le calme sauf à Alger et à Oran où ont<br />

eu lieu des affrontements avec la police ; la répression était<br />

brutale faisant plusieurs morts. Quelques jours plus tard,<br />

c’est l’annonce de la reddition allemande. C’est la fin de<br />

la guerre : des manifestations étaient prévues un peu partout<br />

pour le 8 mai.<br />

Répression et massacres<br />

A Sétif, le rassemblement séparé des manifestations officielles<br />

est autorisé à condition qu’il n’ait pas un caractère<br />

politique. Aucune bannière ou autre, symbole revendicatif<br />

n’est toléré. Un drapeau autre que celui de la France ne<br />

doit en aucun cas être déployé. Les slogans anti-français<br />

sont également interdis tout comme le port d’armes, de<br />

bâtons ou de couteaux. Les manifestants envahissent les<br />

rues dès 8 heures du matin. Estimés à plus de 10 000 personnes,<br />

ils se mettent en branle chantant l’hymne nationaliste<br />

Min Djibalin (du haut de nos montagnes). Ils défilent<br />

avec des drapeaux des pays alliés vainqueurs du nazisme.<br />

Bravant l’interdit, ils brandissent aussi des<br />

pancartes sur lesquelles des tracts significatifs sont inscrits<br />

comme < Libérez Messali>, > Nous voulons être vos<br />

égaux> ou > A bas le colonialisme>. Le pas est franchi.<br />

Quelques instants plus tard, et alors que la tension monte<br />

de plusieurs crans, c’est en chiens de faïence que se regardent<br />

manifestations et policiers déployés en grand<br />

nombre en cette journée de fête qui ne tardera pas à<br />

tourner au drame. <br />

met la poudre au feu. En tête de la manifestation, Aissa Cheraga,<br />

chef d’une patrouille de scouts musulmans, arbore<br />

le drapeau algérien, l’occasion pour le commissaire Olivieri<br />

de s’en emparer. Nul ne sait quelles étaient ses intentions<br />

mais c’est trop tard puisque la situation dégénère et<br />

prend une tournure tragique. Selon un témoin, des Européens,<br />

en marge de la manifestation, se précipitent sur la<br />

foule et y mettent leur grain de sel. Les porteurs des bandroles<br />

et des drapeaux refusent de céder aux injonctions<br />

des policiers. Un jeune homme de 26 ans, Bouzid Saâl, est<br />

abattu par un policier. Les autres policiers lui emboîtent<br />

le pas en ouvrant le feu à leur tour. C’est la panique générale.<br />

Il a fallu du temps pour que les choses reviennent à<br />

la normale. L’entrée persuasive des tirailleurs a fait<br />

craindre le pire. Mais, comme si tout le monde s’est donné<br />

le mot, la manifestation de Sétif fait tâche d’huile et un mouvement<br />

similaire est signalé dans différents villages envornnants.<br />

A Aïn Kebira, Beni Aziz, Amouchas, Kherrata et bien<br />

d’autres villages, les indigènes affichent bruyamment leur<br />

élan de solidarité à leur frères de Sétif.<br />

Le soir même, c’est la ville de Guelma qui plonge dans<br />

l’horreur. Le sous-préfet Achiary, un ancien résistant, ordonne<br />

de tirer sur les manifestants. Des renforts convergent<br />

vers la ville pour ramener le calme et, le cas échéant,<br />

utiliser la manière pour dissuader les manifestants à<br />

continuer leurs mouvements. Un bataillon d’infanterie<br />

de Sidi Bel Abbès arrive le 9 dans la journée pour évacuer<br />

les Européens > encerclés par les émeutiers.<br />

Les massacres des jours suivants<br />

Dans un télégramme daté du 11 mai 1945, le général de<br />

Gaulle, chef du gouvernement français provisoire, ordonne<br />

l’intervention de l’armée, sous le commandement<br />

du général Duval, qui mène une terrible répression contre<br />

la population indigène. <strong>La</strong> marine y participe grâce à son<br />

artillerie, ainsi que l’aviation. Le général Duval rassemble<br />

toutes les troupes disponibles, soit deux milles hommes.<br />

Ces troupes viennent de la Légion étrangère ; des tabors<br />

marocains, qui se trouvaient à Oran en passe d’être démobilisés<br />

et qui protestent contre cette augmentation imprévue<br />

de la durée de service, une compagnie de réserve de<br />

tirailleurs sénégalais d’Oran, des spahis de Tunis et des<br />

tirailleurs en garnison à Détif, Kherrata et Guelma.<br />

<strong>La</strong> répression, menée par l’armée et la milice, est d’une incroyable<br />

violence : exécutions sommaires, masacres de<br />

civils, bombardements de mechats. Le croiseur Duguay-<br />

Trouin et les contre-torpilleurs Le Triomphant, tirent plus<br />

de 800 coups de canon depuis la rade de Bejaia sur la région<br />

de Sétif. L’aviation bombarde plusieurs agglomérations.<br />

Une cinquantaine de < mechats> sont incendiées.<br />

Les automitrailleuses font leur apparition dans les villages<br />

et tirent à distance sur les populations. Les blindés<br />

sont relayés par les militaires arrivés en convois sur les<br />

lieux. De nombreux corps ne peuvent être enterrés. Ils sont<br />

jetés dans les puits, dans les gorges de Kherrata. Pendant<br />

deux mois, l’Est de l’Algérie connaît un déchaînement de<br />

folie meurtrière.<br />

Un journaliste américain écrira : < I twas an open season>,<br />

pour décrire la chasse à l’homme, à l’indigène devenu une<br />

cible sur laquelle les soldats tirent à bout pourtant. Les<br />

corps des victimes gisaient partout, dans toutes les rues<br />

de ces villes meurtries et sans défense. Les milices poussent<br />

l’horreur jusqu’à exécuter sommairement successivement<br />

des dizaines, voir des centaines d’Algériens qui,<br />

avant de mourir, devaient creuser leurs tombes. A Guelma,<br />

les prisonniers sont transportés en dehors de la ville, à Kef<br />

El-Boumba, près d’Héliopolis, où ils sont tous abattus. Des<br />

corps arrosés d’essence sont brûlés sur la place publique<br />

ou dans les fours à chaux. Des groupes entiers de prisonniers,<br />

enchaînés et alignés, sont écrasés par les roues de<br />

chars, des nourrissons sont pris par les pieds pour être<br />

projetés contre les rochers. Les blindés et l’artillerie,<br />

aidés par l’aviation, pilonnent toutes les < zones de dissidence>.<br />

L’horreur avait atteint son comblé. De nom-<br />

<strong>La</strong> NR 4371 - Jeudi 5 juillet 2012<br />

9<br />

, Pour célébrer la chute de l’Allemagne nazie, les nationalistes algériens des Amis du manifeste et de la liberté (AML) de Ferhat Abbas et du PPA<br />

(dissous) de Messali Hadj (en résidence surveillée) organisent un défilé à Sétif avec les drapeaux alliés en tête.<br />

Chronique d’un massacre<br />

Une armée dans toute sa barbarité. (Photo > D. R.)<br />

breux musulmans, dirigeants politiques et militants, du<br />

Parti du Peuple Algérien (PPA), des Amis du manifeste des<br />

libertés ( AML) (dont le fondateur Ferhat Abbas) et de l’association<br />

des oulémas furent arrêtés. Lorsqu’une faction<br />

ou un douar demandait l’aman (< le pardon>), l’armée réclamait<br />

les coupables. Le 28 février 1946, le rapporteur de<br />

la loi d’amnistie ( qui fût votée) déclarait en séance : <<br />

Quatre mille cinq cents arrestations sont effectuées,<br />

quatre-vingt-dix-neuf condamnations à mort sont prononcées,<br />

soixante-quatre condamnations aux travaux forcés<br />

à temps. Deux mille cinq cents autres indigènes attendent<br />

encore d’être jugés. ><br />

<strong>La</strong> répression prend fin officiellement le 22 mai. L’armée<br />

organise des cérémonies de soumission où tous les<br />

hommes doivent se prosterner devant le drapeau français<br />

et répéter en ch?ur : < Nous sommes des chiens et Ferhat<br />

Abbas est un chien. > des officiers exigent la soumission<br />

publique des derniers insurgés sur la plage des Falaises,<br />

non loin de Kherrata. Certains, après ces cérémonies,<br />

sont embarqués et assassinés. Pendant de long mois, les<br />

Algériens musulmans continuèrent à fuir pour se mettre<br />

à l’abri, au bruit de chaque mouvement suspect du colonialiste.<br />

Les évènements de Sétif, Guelma et Kherrata sont les<br />

précurseurs de lendemains encore plus sanglants mais<br />

aussi de la naissance de mouvements indépendantistes<br />

prêts à entrer en action pour libérer le pays du joug colonialiste.<br />

Le 8 mai 1945, plus de 45.000 Algériens ont trouvé la mort<br />

dans une répression jamais égalée. Ces tueries, au lieu d’asservir<br />

l’indigène, l’ont au contraire encouragé à réfléchir<br />

à la manière de faire plier l’ennemi.<br />

Le CRUA, né bien après la dissolution de l’OAS, a décidé<br />

de passer à l’action. Celle-ci surveindra le 1er novembre<br />

1945 quand ces mêmes indigènes ont décidé de découdre<br />

avec l’ennemi.


5 <strong>Juillet</strong><br />

<strong>La</strong> guerre d’Algérie a commencé à Sétif<br />

Neuf ans de préparation et de luttes internes<br />

,<strong>La</strong> crise de leadership au sein du parti a failli emporter le dernier espoir d’émancipation du peuple algérien du joug colonial.<br />

Car le MTLD, principal parti nationaliste,<br />

était le seul qui pouvait<br />

bousculer l’ordre établi par la<br />

puissance coloniale. En se trouvant<br />

devant l’inéluctable séparation<br />

entre le président et les<br />

membres du comité central, un<br />

groupe d’activistes a opté pour la<br />

solution qu’attendait la base depuis<br />

les événements de Sétif et<br />

Guelma en 1945 : le passage à<br />

l’action armée.<br />

Quels étaient alors les moments<br />

forts allant de la scission au passage<br />

à l’action en passant par la<br />

naissance du CRUA, le 23 mars<br />

1954 ?<br />

<strong>La</strong> crise au sommet du parti a<br />

connu son point de non retour<br />

lorsque la direction du parti avait<br />

appelé, le 10 décembre 1953,<br />

pour la tenue d’un congrès national<br />

algérien. Cette proposition,<br />

pour rappel, avait été rejetée lors<br />

du congrès tenu six mois plus<br />

tôt. Messali, en résidence surveillée<br />

à Niort, avait décidé alors<br />

d’utiliser tous les pouvoirs en sa<br />

possession pour que la direction<br />

ne réussisse pas dans cette entreprise.<br />

En estimant que le comité<br />

central se lançait dans une voie<br />

de réformisme, le président avait<br />

décidé de porter le débat dans la<br />

rue pour que l’opinion sache<br />

l’orientation déviationniste, selon<br />

lui, du comité central.<br />

Ces divergences étaient-elles surmontables<br />

? Les historiens qui<br />

ont étudié la question ont estimé<br />

que le différend concernait la<br />

ligne directrice du parti. Du coup,<br />

toute réconciliation n’aurait été<br />

qu’éphémère. L’historien algérien,<br />

Mohamed Harbi, dans son<br />

livre «Aux origines du FLN», a expliqué<br />

que les divergences remontaient<br />

au second congrès du<br />

MTLD d’avril 1953. Il a retenu notamment<br />

quatre points :<br />

1) <strong>La</strong> recherche d’appuis extérieurs<br />

2) <strong>La</strong> politique électorale<br />

3) L’unité nord-africaine<br />

Dates clés<br />

1515 - Fondation d'un Etat Algérois par les<br />

frères Barberousse..<br />

Ben Allal Ben Embarek, lieutenant d'Abd-el-<br />

Kader, tué au combat dans la province<br />

d'Oran, le 11 novembre 1843.<br />

Koléa, détruite par un tremblement de terre<br />

en 1825, puis rebâtie, a des rues étroites<br />

plantées d'arbres et bordées de maisons à<br />

l'européenne.<br />

1830 - Invasion française.<br />

1847. - Reddition d'Abd el-Kader.<br />

Au carrefour des rues de la <strong>République</strong> et <strong>La</strong>moricière,<br />

il y avait un monument en l'honneur<br />

du général <strong>La</strong>moricière (1806 - 1865), le<br />

fondateur des Régiments de Zouaves.<br />

1830. Prise d Alger; tentative d'occupation des<br />

villes de Blida, Médéa, Mers-el-Kébir, Oran et<br />

Bône (Annaba).<br />

1831. Occupation définitive d'Oran qui avait<br />

été d'abord cédé au frère du bey de Tunis;<br />

première occupation de Bône<br />

1832. Occupation définitive de Bône et du<br />

Sahel d'Alger. Reconnaissance de l'émir Abdel-Kâder<br />

par les tribus de la pleine d'Eghris<br />

1833. Attaque d'Oran par Abd-el-Kâder. Prise<br />

d'Arzew, de Mostaganem et de Bougie (Béjaia)<br />

1834. Traité du général Desmichels avec Abdel-Kâder.<br />

1835. Expédition dans la plaine de la Métidja.<br />

Combats de Mostaganem. Occupation de<br />

4) <strong>La</strong> politique des alliances en Algérie<br />

Cette situation a engendré deux<br />

tendances qui n’étaient pas<br />

prêtes à céder sur leurs positions<br />

de principe. L’un des animateurs<br />

de la troisième voie dite<br />

neutraliste, Ahmed Mahsas, a<br />

constaté que : «les risques de la<br />

division se sont aggravées plus<br />

que jamais. Nous sommes toujours<br />

en présence de deux parties<br />

hostiles».<br />

C’est à ce moment-là, il y a cinquante<br />

quatre ans, un certain<br />

23 mars, que naissait le CRUA. <strong>La</strong><br />

réunion s’est déroulée dans une<br />

école coranique Al Rachad. Elle<br />

a regroupé quatre militants : Boudiaf,<br />

Ben Boulaid, Dekhli et Bouchebouba.<br />

Toutefois, si les deux<br />

premiers avaient fait partie de<br />

l’organisation paramilitaire du<br />

MTLD, l’OS, les deux derniers<br />

étaient des politiques proches<br />

des centralistes. Le comité s’est<br />

fixé pour objectif la réunification<br />

du parti et son orientation vers<br />

l’action armée à court terme.<br />

Selon Gilbert Meynier : «Pour<br />

Boudiaf, l’objectif était de convoquer<br />

un congrès unitaire où<br />

toutes les tendances seraient représentées,<br />

y compris les anciens<br />

de l’OS, écartés depuis 1951<br />

et interdits de congrès en 1953,<br />

de refuser de reconnaître la délégation<br />

provisoire messaliste…».<br />

Cependant, si les centralistes<br />

étaient bien représentés, l’autre<br />

tendance en conflit ne voyait<br />

qu’un parti pris flagrant contre<br />

elle. En effet, Messali ne voyait<br />

dans les membres du CRUA que<br />

l’ombre des centralistes et à leur<br />

tête Hocine <strong>La</strong>houel, membre influent<br />

du comité central. En effet,<br />

pourvu que Messali n’ait pas le<br />

dernier mot, les centralistes, il<br />

faut le dire, étaient prêts à jouer<br />

toutes les cartes. D’ailleurs, dés<br />

le premier numéro du patriote,<br />

Rachgoun; expédition de Mascara.<br />

1836. Première occupation de Tlemcen; expédition<br />

dans la province de Titeri; combat de<br />

la Sikkak; occupation de la Galle. Première<br />

expédition de Constantine.<br />

1837. Traité de la Tafna; deuxième expédition<br />

de Constantine, prise de cette ville.<br />

1838. Établissement de camps près de Koléa,<br />

Blida et El-Harrouch. Création de Philippeville<br />

(Skikda).<br />

1839. Occupation de Blida; prise de Djidjelli.<br />

Expédition des Portes de fer. Défaite des lieutenants<br />

d'Abd el-Kâder à la Chifa.<br />

1840. Défense héroïque de Mazagran. Prise de<br />

Cherchell, de Médéa, de Miliana<br />

1841. Combat du Sig. Destruction des villes de<br />

l'émir, Boghar et Taza. Expéditions de Takdemt<br />

et de Mascara. Occupation de Mila.<br />

1842. Destruction de Sebdou. Occupation de<br />

Tlemcen. Expédition de Kabylie et entre le<br />

Chélif et la Mina. Reconnaissance sur Tébessa.<br />

1843. Expédition chez les Beni-Menasser et<br />

les Beni-Monad. Fondation de Téniet-el-<br />

Had, de Tiaret, d'Orléansville et de Ténès. Expédition<br />

dans l'Ouarsenis. Prise de la smala<br />

d'Abd-el-Kader. Nombreux combats contre<br />

l'émir dans la province d'Oran. Expéditions<br />

dans le Sud, au djebel Amour et chez les<br />

Oulad-Sidi-Cheikh.<br />

1844. Prise de Biskra et de Dellys. Création de<br />

Batna, soumission des Flitta et des Amraoua.<br />

bulletin du CRUA, le parti pris<br />

contre Messali était clairement affiché.<br />

<strong>La</strong> raison à cela, selon<br />

Harbi était que : «Le financement<br />

du bulletin et son impression<br />

sont assurés par une somme de<br />

deux cent mille francs (2 000 NF)<br />

avancés par le comité central».<br />

Les soupçons qui pesaient sur<br />

Dekhli et Bouchebouba étaient<br />

avérés exacts lorsque les deux<br />

tendances, centralistes et messalistes,<br />

préparaient séparément<br />

leurs congrès pour l’été 1954. Dekhli<br />

et Bouchebouba ont soutenu<br />

nettement le point de vue<br />

du comité central au sein du<br />

CRUA, alors que Boudiaf et Ben<br />

Boulaid, les deux autres<br />

membres, ont estimé inutile la<br />

convocation du congrès centraliste.<br />

Ils ont proposé la préparation<br />

de l’insurrection immédiate<br />

afin que la lutte réunisse tout le<br />

peuple autour de cet idéal. Mais<br />

la tergiversation des centralistes<br />

a conduit le groupe à se scinder.<br />

Ceux qu’on appelait les activistes<br />

du CRUA ont convoqué, le 25 juin<br />

1954, à l’insu des deux autres<br />

membres, une réunion à laquelle<br />

ont participé vingt-deux militants<br />

de l’organisation spéciale. C’était<br />

le fameux groupe des 22. Ce jourlà<br />

la discussion était orientée<br />

dans le sens de réunir les conditions<br />

pour défier un système colonial<br />

injuste qui a trop duré. <strong>La</strong><br />

décision d’affronter la puissance<br />

coloniale n’a rencontré aucune<br />

opposition parmi les présents.<br />

Ils ont, pour ce faire, créé un<br />

conseil collégial contenant cinq<br />

membre : Boudiaf, Ben Boulaid,<br />

Bitat, Ben M’hidi et Didouche.<br />

Leur mission était de réunir les<br />

conditions pour qu’une action<br />

armée soit déclenchée dans un<br />

temps relativement court.<br />

Cependant, le conseil de la révolution<br />

a pris définitivement la<br />

place du CRUA après la tenue de<br />

la conférence des cadres, de la<br />

tendance centraliste, le 1 er juillet<br />

à Alger. Cette conférence a scellé<br />

la division entre centralistes et<br />

activistes. Au reproche de Zoubir<br />

Bouadjadj, membre des 22, à l’encontre<br />

des centralistes les accusant<br />

de trahir le CRUA, Bouchebouba<br />

a répondu : «Le CRUA<br />

n’existe plus. Nous l’avons formé<br />

pour éviter la scission, nous<br />

avons échoué : le CRUA doit disparaître».<br />

En outre, lorsque les 13-15 juillet,<br />

Messali a convoqué, à Hornu, en<br />

Belgique, le congrès de la rupture<br />

qui a prononcé la dissolution<br />

du comité central et l’exclusion<br />

des ses principaux responsables,<br />

le conseil de la révolution<br />

ne pouvait dorénavant compter<br />

que sur ses forces.<br />

Il ne restait, par conséquent, au<br />

conseil de la révolution qu’à<br />

convaincre les Kabyles de se<br />

joindre à eux pour se lancer véritablement<br />

dans l’action armée.<br />

<strong>La</strong> rencontre entre Ben Boulaid<br />

pour le groupe des 22 et Krim<br />

Belkacem et Amar Ouamrane<br />

pour la «fédération du MTLD» de<br />

Kabylie, a eu lieu au café maure,<br />

El Arich, à Alger.<br />

Dans «les fils de la toussaint»,<br />

Yves Courrière a raconté cette<br />

entrevue avec plus de précision<br />

: «Ben Boulaid est très étonné de<br />

voir Krim et Ouamrane l’approuver.<br />

<strong>La</strong> Kabylie est prête à se<br />

joindre à vous, dit Krim Belkacem,<br />

mais tu connais notre sympathie<br />

pour le vieux Messali». En<br />

somme, fin août, Krim et Ouamrane<br />

se sont ralliés aux 22 et Krim<br />

a été désigné pour être le sixième<br />

membre du conseil de la révolution.<br />

C’était le « comité des six »,<br />

lequel a été rejoint par les<br />

membres de la délégation extérieur<br />

du MTLD composée de Ben<br />

Bella, Khider et Ait Ahmed. Ce<br />

nouveau groupe, dit des neuf, a<br />

rédigé un appel à tous les Algériens<br />

les exhortant de rejoindre<br />

Expédition de <strong>La</strong>ghouat. Bataille d'Isly gagnée<br />

sur les troupes marocaines.<br />

1845. Insurrection du Dahra réprimée par le<br />

colonel Pélissier. Soumission de l'Ouarsenis.<br />

Expédition dans l'Aurès. Massacre de la colonne<br />

Montagnac à Sidi Brahim. Soumission<br />

des Hachem-Gharaba et du Hodna. Expédition<br />

chez les Trara.<br />

1846. Soumission des Flitta. Défaite de Bou-<br />

Maza près de Ténès. Abd-el-Kâder est repoussé<br />

de la Kabylie. Fondation d'Aumale.<br />

1847. Défaite des Oulad-Dlellal, soumission<br />

des Nemencha. Reddition de Bou-Maza. Expédition<br />

entre Mila et Collo. Reddition d'Abd<br />

eI-Kâder (23 décembre).<br />

1848. Soumission de Moulay-Mohammed et<br />

de Ahmed, ex-bey de Constantine. Expédition<br />

chez les Beni-Senous.<br />

1849. Siège et prise de Zaatcha. Soumission<br />

de Bou-Saâda. - 1850. Expédition en Kabylie<br />

et dans l'Aurès<br />

1851. Bou-Baghla se soulève en Kabylie. Expédition<br />

entre Béjaia et Collo.<br />

1852. Création de Djelfa. Prise de <strong>La</strong>ghouat.<br />

1833. Expédition en Kabylie et à Ouargla.<br />

Bou-Baghla est tué chez les Beni-Mellikech.<br />

1854. Expédition en Kabylie.<br />

1856. Expédition à Dra-el-Mizan<br />

1857. Soumission de la grande Kabylie<br />

1857. Expédition sur la frontière du Maroc.<br />

1860. Insurrection du Hodna. Pacification de<br />

<strong>La</strong> NR 4371 - Jeudi 5 juillet 2012<br />

10<br />

le nouveau parti, le FLN, dont le<br />

seul but était la libération nationale.<br />

Pour conclure, l’intransigeance<br />

de chaque partie à imposer sa<br />

perception de ce que devait être<br />

la conduite du mouvement national<br />

a rendu l’union chimérique.<br />

En revanche, le point positif,<br />

s’il en est un, était que chaque<br />

militant, étant libéré de la discipline<br />

partisane, pouvait décider,<br />

en son âme et conscience, du<br />

chemin à suivre.<br />

Ce dernier a bien entendu choisi<br />

le plus raisonnable et le plus bénéfique<br />

pour l’avenir de ses enfants.<br />

Pour Harbi : « la base ne<br />

pensait qu’à l’action. Pour cette<br />

raison, toute entreprise qui pourrait<br />

rompre avec le byzantinisme<br />

où s’enfonçait les discours avait<br />

des chances de succès ». Finalement,<br />

malgré la division tant douloureuse<br />

des politiques algériens<br />

au sein du principal parti nationalistes,<br />

l’histoire ne retiendra<br />

que l’immense ?uvre de ses<br />

meilleurs fils : la libération du<br />

pays. D’ailleurs, un proverbe ne<br />

dit-il pas que : « A quelque chose<br />

malheur est bon ».<br />

Sources :<br />

1) Yves Courrière : les fils de la Toussaint.<br />

2) Mohamed Harbi : aux origines du<br />

FLN.<br />

3) Gilbert Meynier : histoire intérieure<br />

du FLN.<br />

L'indignation rétrospective ne<br />

suffit pas à comprendre les raisons<br />

pour lesquelles des<br />

hommes et des femmes ont pu<br />

être ravalés, pendant des décennies,<br />

au rang de sous citoyens<br />

par une <strong>République</strong> qui se proclamait<br />

patrie des droits de<br />

l'homme.<br />

René Gallissot, <strong>La</strong> <strong>République</strong><br />

française et les indigènes, L'Atelier,<br />

2007.<br />

la Kabylie orientale.<br />

1862. Prise du Chérif Mohammed ben Abdallah<br />

à Ouargla.<br />

1864. Insurrection des Oulad-Sidi-Cheïkh de<br />

Si-<strong>La</strong>zreg, dans la province d'Oran, et de Si-<br />

<strong>La</strong>la dans le Sud de la province d'Alger. Insurrection<br />

dans la Kabylie orientale.<br />

1865. Soumission des Oulad-Sidi-Cheikh.<br />

1868. Insurrection dans le Sud de la province<br />

de Constantine<br />

1871. Grande insurrection des Kabyles de la<br />

province d'Alger et de celle de Constantine<br />

1876. Insurrection d'EI Amri.<br />

1881. Insurrection de Bou-Amama dans le<br />

Sud-Ouest de la province d'Oran.<br />

Jusqu'en 1870, l'Algérie n'était restée essentiellement<br />

qu'un territoire militaire, dont<br />

l'administration chaotique reflétait l'indécision<br />

qui régnait en France sur le statut du<br />

pays. Elle fut régie d'abord par des généraux<br />

en chef : Bourmont, Clauzel, Berthezène, Savary,<br />

Voirol (1830-34); puis par des gouverneurs<br />

: d'Erlon, Clauzel, Damrémont, Valée,<br />

Bugeaud, Cavaignac, Changarnier, Charon,<br />

d'Hautpoul, le maréchal Randon; ensuite par<br />

un ministre de l'Algérie et des colonies,<br />

Pierre-Napoléon (1858), Prosper de Chasseloup-<strong>La</strong>ubat<br />

(1859); enfin, après 1861, par un<br />

gouvernement général : le maréchal Pelissier,<br />

le maréchal Mac-Mahon, le général<br />

Chanzy.


5 <strong>Juillet</strong><br />

Portrait<br />

Messali Hadj, né à<br />

Tlemcen le 16 mai<br />

1898 et mort à Gouvieux,<br />

dans l’Oise, le 3 juin<br />

1974, est un homme politique<br />

algérien. Il réclame<br />

dès 1927, l'indépendance de<br />

l'Algérie. Il est le fondateur<br />

du Parti du peuple algérien<br />

(PPA), du Mouvement pour<br />

le triomphe des libertés démocratiques<br />

(MTLD) et du<br />

Mouvement national algérien<br />

(MNA). Après une lutte<br />

de pouvoir entre ses mouvements<br />

et le Front de libération<br />

nationale (FLN) au<br />

cours de laquelle, il sera la<br />

cible d’attentats, il cède à ce<br />

dernier la conduite des<br />

mouvements prônant l'indépendance<br />

de l'Algérie. Il<br />

se retire alors de la vie politique.<br />

Emprisonné à<br />

maintes reprises et déporté,<br />

il continue à militer après la<br />

dissolution de l'ENA par le<br />

Front populaire en janvier<br />

1937. Il participe alors à la<br />

fondation du Parti du<br />

peuple algérien (PPA) le<br />

11 mars 1937. Il est élu président<br />

du parti à sa fondation.<br />

En 1954, il fonde le Mouvement<br />

national algérien<br />

(MNA). Assigné à résidence<br />

Angoulême (Charente), Messali<br />

Hadj perd peu à peu son<br />

influence.<br />

A partir de cette date, les<br />

tensions entre les deux organisationsindépendantistes<br />

vont donner lieu à des<br />

règlements de compte sanglants,<br />

après le refus du<br />

MNA de se dissoudre dans le<br />

FLN, il y aurait eu dans cette<br />

lutte fratricide 10 000 morts<br />

et 25 000 blessés. En 1958,<br />

Messali est libéré et choisit<br />

de résider en France, mais<br />

reste sous surveillance policière.<br />

Le 18 septembre 1959,<br />

Messali Hadj échappe de<br />

peu à un attentat pendant<br />

un footing avec ses gardes<br />

du corps à Chantilly. En 1961,<br />

il ordonne à ses partisans de<br />

céder les pouvoirs aux représentants<br />

du Gouvernement<br />

Provisoire Algérien<br />

pour mener à bien les négociations<br />

avec la France.<br />

Messali Hadj n'obtient la<br />

nationalité algérienne qu'en<br />

1965. Il meurt en 1974 sans<br />

avoir pu revoir son pays<br />

natal. Décédé à Gouvieux le<br />

3 juin, il est inhumé le<br />

7 juin à Tlemcen.<br />

N. R.<br />

L’année 1927<br />

Les membres de l’ENA<br />

sont Salah Bouchafa, Messali<br />

Hadj, Amar Imache,<br />

Hadj-Ali Abdelkader, Djeffal,<br />

Si Djilani, Belkacem<br />

Radjef et Belghoul, qui en<br />

jouèrent les principaux<br />

rôles. El-Emir Khaled El-<br />

Hassani Ben El-Hachemi<br />

(connu sous le nom de<br />

l’émir Khaled El-Hassani<br />

Ben El-Hachemi, petit-fils<br />

de l’émir Abd El-Kader),<br />

exilé en Égypte en fut le<br />

président d’honneur.<br />

Hadj ali Abd El-Kader est<br />

membre du Comité directeur<br />

du Parti communiste<br />

français (PCF) quand le<br />

Komintern demande que<br />

l’action du parti se développe<br />

parmi les travailleurs<br />

nord-africains.<br />

Hadj ali Abd el-Kader<br />

fonde alors l’Etoile nordafricaine<br />

dans ce but.<br />

Cette organisation, selon<br />

la volonté de Hadj ali Abd<br />

el-Kader, est fondamentalement<br />

laïque et compte<br />

se battre en complète collaboration<br />

avec la classe<br />

ouvrière française. Elle recrute<br />

la majeure partie de<br />

ses militants dans l’émigration<br />

ouvrière algérienne<br />

à dominante kabyle,<br />

militants qui sont placés<br />

sous haute<br />

surveillance par le Service<br />

des affaires indigènes<br />

nord-africaines de la Préfecture<br />

de police de Paris.<br />

Les buts de cette association<br />

sont «la défense des<br />

intérêts sociaux, matériels<br />

et moraux» des travailleurs<br />

de cette région.<br />

En 1927, elle accueille Messali<br />

Hadj. Ce jeune Tlemcénien<br />

a des points de vue<br />

qui divergent de ceux de<br />

Hadj Ali Abdel-Kader.<br />

moins préoccupé par la<br />

laïcité et faisant état de<br />

points de vue nationalistes,<br />

il veut engager le<br />

mouvement sur le terrain<br />

politique en se faisant<br />

porte-parole d’une revendication<br />

d’indépendance<br />

de l’Afrique du Nord<br />

(Maroc, Algérie et Tunisie<br />

au sein d’un ensemble national<br />

que serait l’Algérie).<br />

Il est membre et permanent<br />

du Parti communiste<br />

et il est adhérent et militant<br />

de la CGTU. Le parti<br />

comprenait 4000 membres<br />

en 1924.<br />

«Le peuple algérien qui est<br />

sous la domination française<br />

depuis un siècle n’a<br />

plus rien à attendre de la<br />

bonne volonté de l’impérialisme<br />

français pour<br />

améliorer notre sort.»<br />

Le discours de Messali<br />

Hadj est influencé à la fois<br />

par «l’islam politique» et<br />

le nationalisme arabe.<br />

Messali Hadj avait été le<br />

premier homme politique<br />

à réclamer l’indépendance<br />

de l’Algérie publiquement<br />

lors d’un congrès anticolonial<br />

à Bruxelles les 10 et 15<br />

février 1927, sous l’égide<br />

du Parti communiste.<br />

Parmi les revendications<br />

politiques essentielles apparaissent<br />

:<br />

1. L’indépendance totale<br />

de l’Algérie.<br />

2. Le retrait total des<br />

troupes d’occupation.<br />

3. Constitution d’une<br />

armée nationale, d’un gouvernement<br />

national révolutionnaire,<br />

d’une Assemblée<br />

constituante élue au<br />

suffrage universel. Le suffrage<br />

universel à tous les<br />

degrés et l’éligibilité dans<br />

toutes les assemblées<br />

pour tous les habitants de<br />

l’Algérie. <strong>La</strong> langue arabe<br />

considérée comme langue<br />

officielle.<br />

4. <strong>La</strong> remise en totalité à<br />

l’Etat algérien des<br />

banques, des mines, des<br />

chemins de fer, des forts et<br />

services publics accaparés<br />

par les conquérants.<br />

5. <strong>La</strong> confiscation des<br />

grandes propriétés accaparées<br />

par les féodaux alliés<br />

des conquérants, les<br />

colons et les sociétés financières<br />

et la restitution<br />

aux paysans des terres<br />

confisquées. Le respect de<br />

la moyenne et petite propriété.<br />

Le retour à l’Etat<br />

algérien des terres et forêts<br />

accaparées par l’Etat<br />

français.<br />

6. L’instruction gratuite<br />

obligatoire à tous les degrés<br />

en langue arabe.<br />

7. <strong>La</strong> reconnaissance par<br />

l’Etat algérien du droit syndical,<br />

de coalition et de<br />

grève, l’élaboration des<br />

lois sociales.<br />

8. Aide immédiate aux fellahs<br />

pour l’affectation à<br />

l’agriculture de crédits<br />

sans intérêts pour l’achat<br />

de machines, de semences,<br />

d’engrais, organisation<br />

de l’irrigation et<br />

amélioration des voies de<br />

communications.<br />

9. Abolition immédiate du<br />

Code de l’indigénat et de<br />

toutes les mesures d’exception.<br />

10. Amnistie pour tous<br />

ceux qui sont emprisonnés,<br />

en surveillance spéciale<br />

ou exilés pour infraction<br />

au Code de l’indigénat<br />

ou pour délit politique.<br />

11. Liberté de voyage absolue<br />

pour la France et<br />

l’étranger.<br />

12. Liberté de presse, d’association,<br />

de réunions,<br />

droits politiques et syndicaux.<br />

13. Remplacement des délégations<br />

financières élues<br />

au suffrage restreint, par<br />

un Parlement national algérien<br />

élu au suffrage universel.<br />

14. Suppression des communes<br />

mixtes et des terri-<br />

<strong>La</strong> NR 4371 - Jeudi 5 juillet 2012<br />

11<br />

Messali dénonce l’odieux code de l’indigénat<br />

, L’Etoile nord-africaine (ENA) était une association fondée en France en 1926 par un noyau de travailleurs émigrés<br />

essentiellement kabyles, devenue un parti politique comprenant plusieurs militants.<br />

Vers la fin de la servitude des Algériens. (Photo > D. R.)<br />

toires militaires, remplacement<br />

de ces organismes<br />

par des assemblées municipales<br />

élues au suffrage<br />

universel.<br />

15. Accession de tous les<br />

Algériens à toutes les fonctions<br />

publiques sans aucune<br />

distinction, fonction<br />

égale, traitement égal pour<br />

tous.<br />

16. L’instruction obligatoire<br />

en langue arabe accession<br />

à l’enseignement à<br />

tous les degrés, création<br />

de nouvelles écoles<br />

arabes. Tous les actes officiels<br />

doivent être simultanément<br />

rédigés dans les<br />

deux langues.<br />

17. Application des lois sociales<br />

et ouvrières. Droit<br />

au secours de chômage<br />

aux familles algériennes<br />

en Algérie et aux allocations<br />

familiales.<br />

L’année 1928<br />

En 1928, l’Etoile nord-africaine<br />

se sépare du Parti<br />

communiste français<br />

(PCF) dont la «bolchevisation»<br />

voulue par le Komintern<br />

l’éloigne de ce qui<br />

sera sa revendication principale,l’autodétermination.<br />

Les autorités françaises<br />

dénoncent la «menace<br />

pour l’autorité de l’Etat».<br />

L’ENA est dissoute le 20<br />

novembre 1929.<br />

LNR


5 <strong>Juillet</strong><br />

<strong>La</strong> longue marche de l’Algérie<br />

indépendante<br />

,En cinquante ans d’existence, l’Algérie peut se targuer d’avoir atteint des seuils de développement –économique<br />

et humain- que très peu de nations auraient atteint en si peu de temps. Cela dit, le parcours n’a pas été sans embûches,<br />

loin s’en faut. En effet, des périodes difficiles ont entravé sa marche vers le progrès et la démocratie : la<br />

décennie 1990 restera, pour les Algériens, une page noire dans leur histoire contemporaine, mais qui les rendra<br />

plus immunisés contre toute tentative de déstabilisation, à l’image de celles qui broient actuellement nombre de<br />

notre région.<br />

Reste, en ce cinquantenaire historique,<br />

à consolider les réformes<br />

démocratiques et à parachever la<br />

construction des institutions. Car,<br />

sur ce registre, beaucoup reste à<br />

faire. Pour mieux cerner la question<br />

des réformes en Algérie, il y<br />

a lieu de la situer dans son<br />

contexte historique, en suivant<br />

les différentes étapes qu’a traversées<br />

le pays depuis son indépendance<br />

en 1962 : de Ben Bella<br />

à Bouteflika, en passant par Boumediene,<br />

Chadli et le HCE, des<br />

progrès ont été enregistrés, mais<br />

le pays a toujours connu des périodes<br />

de régression plus ou<br />

moins dangereuses. Un bilan<br />

s’impose.<br />

Du monolithisme politique au multipartisme<br />

Première option adoptée lors du<br />

congrès de Tripoli en juin 1962,<br />

par le Conseil national de la révolution<br />

algérienne (CNRA) : pour<br />

la réalisation de la «révolution<br />

démocratique populaire», calqué<br />

sur le modèle socialiste en vogue.<br />

Une révolution socialiste d’essence<br />

collectiviste allait donc inspirer<br />

des institutions régentées,<br />

dès 1963, par un parti unique, le<br />

FLN qui veille à l’application du<br />

programme et de ce qui était appelé<br />

« les tâches de la révolution<br />

démocratique », qui se traduit essentiellement<br />

par une politique<br />

sociale au profit des masses pour<br />

élever le niveau de vie des travailleurs,<br />

et une démocratisation<br />

de l’enseignement, l’accès au logement<br />

et aux soins, et la libération<br />

de la femme. »<br />

Les réformes démocratiques ont<br />

commencé réellement en 1967,<br />

avec l’organisation des premières<br />

élections municipales, qui seront<br />

suivi dix ans plus tard des premières<br />

élections législatives.<br />

D’autres rendez-vous politiques,<br />

comme le référendum sur la<br />

Constitution de 1976, auront<br />

parmi un large débat sur les différentes<br />

préoccupations citoyennes,<br />

dans les limites de ce<br />

que pouvait autoriser le système<br />

politique en place.<br />

Cela dit, l’ère Boumediène était<br />

beaucoup plus tournée vers la<br />

consolidation du développement<br />

économique, à travers notamment<br />

les politiques d’industrialisation<br />

et de nationalisation et le<br />

renforcement de l'indépendance<br />

nationale.<br />

Sous le règne de Houari Boumediène,<br />

toute opposition politique<br />

était réduite à néant ; mais des<br />

mouvements politiques de<br />

gauches, tels que le PAGS, ont pu<br />

trouver des brèches pour s’exprimer<br />

et activer, notamment<br />

dans les syndicats et les médias.<br />

Même si le dirigisme du FLN empêchait<br />

encore toute ouverture<br />

démocratique réelle.<br />

L’avènement de Chadli Bendjedid,<br />

en 1979, allait ouvrir une nouvelle<br />

ère à tous les niveaux de la<br />

vie nationale, en engageant le<br />

pays sur la voie du libéralisme<br />

économique, mais avec le maintien<br />

du monolithisme politique.<br />

Le pays connut alors ses premiers<br />

soubresauts populaires,<br />

avec les manifestations de 1980<br />

en Kabylie, et de 1986 à Constantine,<br />

qui sonnaient comme de sérieux<br />

avertissements. En 1986,<br />

les débats largement médiatisés<br />

sur la Charte nationale permettront<br />

pour la première fois à des<br />

voix «discordantes» d’avoir droit<br />

de cité.<br />

Mais ce qui va marquer sérieusement<br />

cette période, c’est le<br />

nouveau cap économique pris<br />

par le pouvoir, avec la fameuse<br />

campagne de «restructuration»<br />

des entreprises nationales, piloté<br />

par l’ex-Premier ministre, Abdelhamid<br />

Brahimi, aujourd’hui en<br />

exil, et qui, aggravé par le crash<br />

pétrolier de1986, plongera l’Algérie<br />

dans une crise inédite. Incapable<br />

de se redresser, le pays<br />

se trouve rapidement confrontée<br />

à une explosion populaire incontrôlable.<br />

L’Algérie, sortie du «cauchemar»<br />

Spontanés ou manipulé, les événements<br />

d’octobre 1988 imposeront<br />

de nouvelles ruptures déchirantes<br />

: fin du parti unique,<br />

autorisation d’une presse privée<br />

et partisane. Cela appelait l’adoption<br />

d’une nouvelle Constitution.<br />

Une Constitution qui fixait tout un<br />

train de réformes politiques, institutionnelles<br />

et économiques,<br />

mais qui manquait d’un vrai<br />

consensus national. Pour preuve,<br />

les premières élections pluralistes,<br />

de juin 1990, donnaient la<br />

majorité à un parti fasciste qui<br />

menaçait de remettre en cause<br />

tous les acquis arrachés de haute<br />

lutte. Une deuxième expérience,<br />

les législatives de décembre 1991,<br />

accentueront le danger d’un<br />

ordre intégriste fatal pour la démocratie<br />

et la souveraineté du<br />

pays.<br />

L’interruption du processus électoral<br />

qui suivit la démission de<br />

Chadli Bendjedid mettra fin au<br />

«cauchemar», mais posera vite le<br />

problème de légitimité politique<br />

à pourvoir aux nouvelles institutions<br />

conçues sous la pression<br />

des événements.<br />

<strong>La</strong> création d’une instance suprême<br />

–le Haut comité d’Etat-, et<br />

du conseil consultatif pour se<br />

substituer respectivement à la<br />

présidence déclarée vacante et<br />

une Assemblée populaire nationale<br />

arrivée à sa fin de mandat, ne<br />

se fera pas sans difficultés : le<br />

premier président du HCE, Mohamed<br />

Boudiaf, sera assassiné<br />

au bout de trois mois. S’en suit<br />

une décennie de violence terroriste<br />

qui a menacé la <strong>République</strong><br />

dans ses fondements même.<br />

C’est sous la menace permanente<br />

d’un terrorisme déchainé, aidé<br />

par des organisations internationales<br />

influentes, et dans un<br />

contexte de crise économique<br />

accrue, que l’armée algérienne<br />

reprend l’initiative pour organiser<br />

des élections présidentielles qui<br />

porteront, en 1995, l’ancien ministre<br />

de la Défense Liamine Zeroual<br />

à la tête de l’Etat.<br />

L’Algérie commençait à redresser<br />

la barre en continuant à lutter<br />

sur deux fronts : la lutte contre les<br />

groupes islamistes armés qui,<br />

aculés, pratiquaient la politique<br />

de la terre brûlée, et la consolidation<br />

du processus de reconstruction<br />

des institutions. C’est<br />

alors que seront organisées les<br />

deuxièmes élections législatives<br />

pluralistes, en 1997, suivi des<br />

élections locales durant la même<br />

année, alors que le terrorisme<br />

continuait son entreprise macabre.<br />

En 1999, le président Zeroual<br />

cède sa place à Abdelaziz Bouteflika<br />

pour permettre la mise en<br />

œuvre du projet de la réconciliation<br />

nationale, qui sera adopté<br />

par voie de référendum.<br />

Ce projet va permettre la reddition<br />

de milliers d’islamistes<br />

armés. En parallèle, Bouteflika<br />

initie des réformes structurelles<br />

et politiques profondes, dont certaines,<br />

comme la réforme de<br />

l’éducation et celle du statut personnel,<br />

ont rencontré une farouche<br />

résistance dans les milieux<br />

conservateurs.<br />

<strong>La</strong> relance économique qui bénéficie<br />

de recettes pétrolières exceptionnelles,<br />

se traduit par le<br />

lancement de grands projets<br />

–l’Autoroute Est-Ouest, Tramway,<br />

Métro, modernisation des voies<br />

ferroviaires, trois nouvelles villes<br />

en construction…-, mais aussi<br />

par une nette amélioration du<br />

niveau de vie des Algériens, et<br />

d’efforts soutenus pour relancer<br />

la vie culturelle, pour laquelle<br />

d’importants budgets sont alloués.<br />

De nouvelles réformes institutionnelles<br />

et politiques sont également<br />

prévues pour le restant<br />

du troisième mandat du président,<br />

lesquels sont censés impulser<br />

plus de démocratisation<br />

dans les institutions, tout en<br />

veillant à la stabilité du pays,<br />

dans une conjoncture régionale<br />

instable.<br />

Les dernières élections législatives<br />

ont montré la voie.<br />

<strong>La</strong>rbi Balta<br />

<strong>La</strong> NR 4371 — Jeudi 5 juillet 2012<br />

12<br />

EXPOSITION<br />

DE PHOTOS<br />

INÉDITES SUR LA<br />

COLONIALISATION<br />

FRANÇAISE<br />

Le coup de gueule<br />

de Ouahab Hebbat<br />

Le Médias Club s’apprête<br />

à organiser une<br />

exposition de photos<br />

inédites sur la colonisation<br />

française en Algérie. Interrogé<br />

par «Algeriepatriotique»,<br />

Ouahab Hebbat,<br />

directeur général de<br />

l’agence New Press, a indiqué<br />

que l’exposition, qui<br />

s’étalera sur toute l’année<br />

du Cinquantenaire de l’Indépendance,<br />

comprend<br />

des images jamais diffusées<br />

jusque-là et donc inconnues<br />

du grand public.<br />

L’exposition aura lieu à la<br />

Maison de la presse Tahar-<br />

Djaout, à Alger. «Ce projet<br />

me tenait à cœur. Je réfléchis<br />

depuis des mois à la<br />

manière de contribuer à<br />

cet événement important<br />

de l’histoire de notre pays<br />

et l’idée m’est venue d’organiser<br />

cette exposition<br />

dans le cadre du club médias<br />

qui vient juste d’être<br />

inauguré», souligne Ouahab<br />

Hebbat, qui regrette,<br />

néanmoins, que sa<br />

louable initiative n’ait pas<br />

eu l’écho escompté : «Je<br />

ne comprends pas comment<br />

les organismes économiques<br />

que j’ai contactés<br />

pour participer à cette<br />

démarche patriotique<br />

n’ont pas daigné répondre<br />

à mes nombreuses sollicitations<br />

pour les y associer<br />

sous la forme qu’ils veulent»,<br />

se demande notre<br />

interlocuteur, profondément<br />

déçu. Quoi qu’il en<br />

soit, le Médias Club a obtenu<br />

«l’aval et les encouragements»<br />

de la direction<br />

de la Maison de la presse<br />

pour l’organisation de<br />

cette exposition qui drainera<br />

sûrement beaucoup<br />

de monde, tant le sujet<br />

passionne et les photos<br />

attirent de par leur caractère<br />

original. «Les photos<br />

que nous allons exposer<br />

n’ont jamais été diffusées<br />

à ce jour.<br />

Elles comportent des<br />

scènes terribles de la colonisation<br />

française et sont<br />

une preuve matérielle des<br />

horreurs commises par la<br />

France en Algérie depuis<br />

1832 jusqu’à l’indépendance<br />

et même après,<br />

précise le directeur de New<br />

Press, puisque des photos<br />

montrant les actes terroristes<br />

commis par l’OAS seront<br />

également exposées<br />

pour la première fois.»<br />

Nous souhaitons une<br />

grande réussite à cette<br />

manifestation qui lèvera le<br />

voile sur une partie de<br />

l’histoire récente de l’Algérie<br />

qui est loin d’avoir<br />

livrée tous ses secrets.<br />

Sarah H.


5 <strong>Juillet</strong><br />

Célébration du cinquantenaire de l’Indépendance<br />

Participation d’élus russes et sudafricains<br />

, Coopération est sans doute<br />

le maître mot de la présence<br />

des représentants des mairies<br />

d’Ekaterinbourg de la fédération<br />

de Russie et de leurs homologues<br />

de la ville de Nelson<br />

Mandela Bay d’Afrique du Sud<br />

qui sont depuis ce dernier lundi<br />

à Annaba.<br />

Ils répondent à l’invitation que leur a<br />

adressée la commune d’Annaba à<br />

venir participer aux festivités du cinquantenaire<br />

de l’indépendance de<br />

l’Algérie. Durant les deux précédentes<br />

journées, les membres de la<br />

délégation de la Fédération de Russie<br />

composée d’élus, scientifiques, techniciens<br />

et hommes et femmes de culture<br />

se sont penchés sur les acquis<br />

enregistrés par l’Algérie durant les 50<br />

précédentes années. Ils se sont bien<br />

imprégnés des avancées technologiques<br />

et scientifiques qui leur ont<br />

été présentées lors de leurs différentes<br />

étapes de leur visite dans les<br />

murs de celle qui fut, il y a quelques<br />

années, capitale de l’acier et un des<br />

poumons de la pétrochimie et de l’industrie<br />

ferroviaire. Durant leur petite<br />

croisière en mer, au palais de la culture<br />

et des arts Mohamed Boudiaf un<br />

des héros de la guerre de libération, à<br />

la basilique St Augustin ou lors de<br />

leur visite des ruines romaines, les<br />

hôtes russes se sont bien imprégnés<br />

de l’aménagement de la 4ème ville<br />

d’Algérie, de ses atouts et atours. Ils<br />

sont pris connaissance du patrimoine<br />

culturel et de la volonté des pouvoirs<br />

publics de veiller à la protection de<br />

Publicité<br />

l’environnement tout en maintenant<br />

le cap sur le développement économique<br />

et social. Les contacts qui se<br />

sont multipliés entre les élus des<br />

deux entités communales représentatives<br />

de la grande cité d’Ekateringbourg<br />

de la Fédération de Russie et<br />

celle de Annaba ont servis d’occasion<br />

de dresser et présenter des perspectives<br />

pour l’élaboration et la réalisation<br />

de projets conduits dans le cadre<br />

d’un accord de coopération. Point<br />

d’orgue de ces contacts, la fructification<br />

des échanges qui a vu plusieurs<br />

élus des deux pays s’exprimer. Chacun<br />

a pu réaffirmer son soutien à<br />

toute initiative allant dans le sens des<br />

intérêts des populations des deux<br />

villes d’Algérie et de Russie. Cependant,<br />

ce sont l’organisation et le déroulement<br />

des festivités marquant le<br />

cinquantenaire de l’indépendance de<br />

l’Algérie qui ont beaucoup plus caractérisé<br />

les discussions. C’est que ces<br />

festivités ont démarré depuis plusieurs<br />

jours à Annaba. Les membres<br />

des deux délégations de Russie et<br />

d’Afrique du Sud qui séjourneront<br />

jusqu’au 6 juillet dans la capitale de<br />

l’Edough ont pris connaissance de<br />

l’animation prévue dans le cadre d’un<br />

riche programme élaboré par la commune<br />

de Annaba. Celle-ci a vu grand<br />

pour bien marquer ces festivités commémoratives<br />

du cinquantenaire de<br />

l’indépendance de notre pays. A ces<br />

hôtes, elle a proposé de nombreuses<br />

visites touristiques de différents sites<br />

historiques, culturels et industriels<br />

comme le complexe des engrais<br />

phosphaté Fertial. Comme elle a<br />

prévu des prises de contact aves des<br />

adhérents de la Chambre de Commerce<br />

et d’Industrie « Seybouse » Annaba<br />

ainsi que des cérémonies officielles<br />

d’inauguration, baptisation et<br />

mise en service d’infrastructures de<br />

divers secteurs socio-économiques.<br />

D’où l’intérêt manifesté par plusieurs<br />

élus de la ville d’Ekateringbourg qui<br />

s’étaient préalablement imprégnés du<br />

cinquantenaire de l’indépendance de<br />

l’Algérie. Au moyen d’un interprète,<br />

plusieurs d’entre eux ont tenu à exprimer<br />

leur satisfaction quant à l’excellence<br />

des relations multiformes<br />

entre les deux pays. Le gala artistique<br />

animé par la chanteuse libanaise<br />

Elissa durant la soirée de ce dernier<br />

lundi a été une autre occasion que<br />

n’ont pas ratée les représentants élus<br />

des deux grandes cités. Ils ont en<br />

effet discuté de nombreuses opportunités<br />

d’échanges dans tous les domaines.<br />

Aujourd’hui 4 juillet, les contacts devraient<br />

se poursuivre pour une<br />

meilleure approche et une vision plus<br />

lointaine des relations. Et lorsqu’au<br />

programme il est prévu que ces<br />

contacts sont élargis au directeur de<br />

l’exécutif de wilaya, il y a de quoi dire<br />

que les échanges vont être très fructueux<br />

entre les deux villes. Les produits<br />

artisanaux de divers horizons<br />

de la grande Algérie seront présentés<br />

aussitôt achevée la cérémonie d’inauguration<br />

du salon de l’artisanat de<br />

Annaba.<br />

A. Djabali<br />

Nlle <strong>République</strong> / 5/7/12 / ANEP 927931<br />

ALGÉRIE<br />

<strong>La</strong> NR 4371 — Jeudi 5 juillet 20122<br />

13<br />

Guerre de Libération<br />

Parution du livre-récit d’Ait Mehdi<br />

Mohamed Amokrane<br />

«Le dur et invraisemblable parcours d’un combattant»,<br />

(Mémoires et témoignage) d’Aït Mehdi Mohamed<br />

Amokrane sur la guerre de Libération nationale<br />

vient de paraitre aux éditions Rafar. Récit<br />

d’un acteur de la lutte armée pour l’indépendance<br />

de l’Algérie écrit avec le concours de notre<br />

confrère Aït Mouhoub Mustapha. Le témoignage<br />

du lieutenant de l’Armée de libération nationale<br />

(ALN), Mokrane Aït Mehdi constitue, lit-on dans le<br />

prologue d’Aït Mouhoub «un instrument d’une<br />

importance inestimable». D’abord pour «les historiens<br />

avides de sources fiables pour approcher la<br />

vérité des faits historiques» dont celle ayant trait à<br />

la wilaya III, région qui a abrité le Congrès de la<br />

Soummam. <strong>La</strong> sortie du livre coïncidant avec la<br />

célébration du cinquantenaire de l’Indépendance<br />

de l’Algérie rappelle pertinemment l’importance<br />

de la sauvegarde et la transmission de la mémoire<br />

par l’écriture des acteurs et actrices de l’histoire<br />

du mouvement de Libération nationale. Le<br />

témoignage d’Aït M Mohamed Amokrane, dans un<br />

des chapîtres sur la traversée de la ligne Morice,<br />

illustre la valeur historique du récit de Si Mokrane.<br />

Il est question de la nuit du 28 au 29 avril 1958,<br />

plus connu par «<strong>La</strong> bataille de Souk Ahras» au<br />

cours de laquelle «620 moudjahidine trouvèrent la<br />

mort, dont 120 sur les 150 affectés à la wilaya III».<br />

Durant cette même nuit, cette unité de l’ALN, que<br />

le sous-lieutenant Ben Messabih, originaire de<br />

Mascara, compagnon de Si Mokrane «trouva la<br />

mort». Aussi c’est au cours de cette nuit qualifiée<br />

par Aït Mouhoub «de véritable boucherie» que<br />

«les deux officiers déserteurs de l’armée française<br />

ont émis le vœu de rentrer en Algérie et de participer<br />

à l’effort de de la guerre menée par le<br />

peuple algérien en wilaya III» en prenant<br />

connaissance des pratiques barbares perpétrées<br />

par l’armée française, à l’intérieur du pays et<br />

«d’une guerre disproportionnée, menée par les<br />

Algériens contre la quatrième puissance militaire<br />

de l’Otan», souligne-t-on. Si Mokrane est natif de<br />

Draâ El Mizan le 23 mars 1931. Il fut arrêté le 14<br />

septembre 1957 dans ce qui est connu «l’Affaire<br />

des officiers algériens», et incarcéré à la Maison<br />

d’arrêt de Fresnes à Paris jusqu’à janvier 1958.<br />

Après qu’il ait regagné la Tunisie après sa<br />

deuxième évasion en mars 1958, Si Mokrane a pris<br />

part à la Bataille de Souk Ahras. Après l’indépendance,<br />

Si Mokrane intégra les rangs de la Gendarmerie<br />

nationale.Il fut le fondateur de l’école de la<br />

Gendarmerie nationale de Sidi Bel-Abbès, baptisée<br />

au nom du martyr Ben Messabih. Il a été notamment<br />

commandant du groupement régional<br />

de l’Est, Constantine. Décédé en juin 2011, Si Mokrane,<br />

en étant un valeureux combattant durant<br />

la guerre de libération a contribué à l’édification<br />

de l’Algérie indépendante. Par son récit contenu<br />

dans le livre en question, le défunt Si Mokrane a<br />

apporté aussi son édifice dans la sauvegarde de la<br />

mémoire collective pour mieux appréhender nos<br />

lendemains.<br />

Karima Bennour


5 <strong>Juillet</strong><br />

Histoire d’Algérie<br />

Commerces, paix et guerres<br />

Le débarquement<br />

Sidi Ferruch ou Sidi Fredj est une<br />

plage à 30 kilomètres à l’ouest d’Alger.<br />

Ce lieu historique du débarquement<br />

des Français qui a commencé<br />

le 14 juin 1830, a permis à<br />

l'armée française la prise d'Alger<br />

survenue le 5 juillet. Première opération<br />

qui a conduit à la destruction<br />

du pouvoir des Deys, et de la<br />

milice turque appelée Régence<br />

d'Alger, dépendance au moins nominale<br />

de l'Empire ottoman. <strong>La</strong><br />

date de ce débarquement est retenue<br />

comme le premier jour de la<br />

colonisation de l’Algérie. Cette<br />

conquête est la résultante de relations<br />

bilatérales entre l’Algérie et<br />

la France extrêmement tendues<br />

par le non règlement d’un contentieux<br />

financier qui traîne depuis<br />

1796, date à laquelle Bonaparte<br />

remporte une éclatante victoire<br />

sur l’Autriche. L’empereur s’est<br />

fait livré par l’Algérie d’importantes<br />

quantités de blé pour assurer<br />

le ravitaillement de sa campagne<br />

d’Egypte en 1798. Depuis<br />

cette date, les Français n’ont cessé<br />

de différer le règlement de leur<br />

dette. Le 16 mai 1830, les troupes<br />

de la flotte française prennent le<br />

départ du port de Toulon en direction<br />

d’Alger pour officiellement<br />

selon l’histoire enseignée dans les<br />

manuels scolaires, punir le Dey<br />

d’Alger pour avoir frappé avec son<br />

éventail le consul de France, Pierre<br />

Deval, qui devait s’expliquer sur le<br />

grand retard reproché à son pays<br />

dans le règlement de la dette<br />

contractée par Napoléon lors de<br />

sa campagne d’Egypte. <strong>La</strong> Régence<br />

d’Alger avait approvisionné<br />

en blé, en bestiaux, en laine les<br />

armées du<br />

«Directoire» vers 1795-1796 sans<br />

que les crédits aient été honorés,<br />

sauf partiellement sous la «Restauration».<br />

Ce contentieux entre<br />

la France et la Régence d’Alger allait<br />

dégrader les relations commerciales<br />

et politiques entre les<br />

autorités des deux pays.<br />

Organisation du protectorat<br />

De 1515 jusqu'en 1830, date de la<br />

conquête de l'Algérie par la France,<br />

la Régence d'Alger est un État qui<br />

s'étend depuis l'est d'Oujda à<br />

l'Ouest jusqu’à <strong>La</strong> Calle à l'Est. En<br />

droit province de l'Empire ottoman,<br />

elle dispose progressivement,<br />

de fait, d'une large autonomie.<br />

Après la défaite de Charles<br />

Quint en 1541, sa capitale, Alger,<br />

devient le port le plus puissant de<br />

la rive sud de la Méditerranée.<br />

Sous la domination ottomane, son<br />

appellation en arabe est : wilayates<br />

el-Djezaïr.; à l'époque des Deys,<br />

ou nommée parfois appelée Mamelakat<br />

el-Djezaïr en arabe.<br />

Cette province est formée par plusieurs<br />

beyliks, qui sont sous l'autorité<br />

des Beys, puis de Deylic<br />

sous l'autorité de Deys. <strong>La</strong> Régence<br />

est gouvernée par des Pa-<br />

chas, des Aghas, des Beys et des<br />

Deys. Les provinces, ou Beylic,<br />

sont : Alger, Constantine, Oran,<br />

Mascara, Mazouna, Tlemcen et<br />

Médéa.<br />

Les guerres franco-algériennes<br />

En 1681, le 18 octobre le Dey<br />

d’Alger déclare officiellement<br />

la guerre à la France de Louis<br />

XIV.<br />

En 1681, les barbaresques capturent<br />

un navire de guerre français<br />

et emmènent à Alger le capitaine<br />

et l'équipage pour les réduire en<br />

esclavage. En 1682-1683, l'amiral<br />

français Abraham Duquesne commande<br />

par deux fois le bombardement<br />

d’Alger, et força le Dey à restituer<br />

tous les esclaves chrétiens.<br />

En représailles au bombardement<br />

de Duquesne les Turcs supplicient<br />

le consul de France, le Père Jean Le<br />

Vacher en l'utilisant comme boulet<br />

de canon humain. Les Algériens<br />

en représailles à la violence<br />

des bombardements attachèrent<br />

à la bouche de leurs canons plusieurs<br />

Français de distinction dont<br />

les membres mutilés vinrent tomber<br />

sur les bâtiments français<br />

En 1684, le vice-amiral de<br />

Tourville dirige une expédition<br />

vers Alger. Des négociations<br />

aboutirent et la paix fut signée.<br />

<strong>La</strong> paix que Tourville avait<br />

conclue avec les Algériens fut de<br />

nouveau rompue par ces derniers.<br />

Le maréchal d'Estrées, en 1688,<br />

avec ses navires de guerre torpilla<br />

la ville d'Alger avec plus de 10 000<br />

bombes. À la suite de cette expédition,<br />

la paix fut définitivement<br />

conclue avec la Régence. Elle dura<br />

plus d'un siècle. Mais les corsaires<br />

algériens, tout en respectant le pa-<br />

villon de la France, n'en continuèrent<br />

pas moins à écumer la mer<br />

méditerranée, rançonnant et causant<br />

de grands ravages sur les<br />

côtes d’Espagne. 1811, les accords<br />

de paix vont vite après cette date<br />

être remis en cause notamment<br />

après que David Bacri nommé par<br />

Napoléon consul général à Alger<br />

est décapité en 1811 par ordre du<br />

Dey d’Alger. Cet évènement est la<br />

première étape qui va envenimer<br />

les rapports entre les Français et<br />

les ottomans.<br />

<strong>La</strong> crise économique va<br />

provoquer la conquête de<br />

l’Algérie<br />

Le Dey Hussein, ne pouvant prélever<br />

sa part majoritaire sur l’ancienne<br />

dette concernant les livraisons<br />

de blé par l’Algérie, ni sur<br />

les nouvelles transactions commerciales<br />

toujours pas réglées,<br />

convoque le consul français Deval<br />

pour normaliser les situations des<br />

dettes de la France.<br />

C’est donc suite à ce conflit commercial<br />

que survient l’affaire du<br />

«coup d'éventail». Cet incident<br />

qualifié de diplomatique sera le<br />

casus belli pour déclarer la guerre<br />

au Régent Le Dey Hussein d’Alger<br />

représentant l’empire ottoman qui<br />

voit sa trésorerie faire banqueroute.<br />

Les revenus de la Régence avec le<br />

déclin de ses forces navales n’a<br />

plus les faramineux revenus que<br />

lui procuraient les 35 galères composant<br />

la force de frappe d’Alger<br />

contrôlant l’ensemble du trafic<br />

maritime en Méditerranée. Il est<br />

important de préciser que la marine<br />

algérienne imposait aux différentes<br />

flottes pénétrant en mer<br />

Méditerranée un impôt, pour assu-<br />

rer leur protection contre les pirateries<br />

ou les agressions de pays<br />

tiers. D’autres évènements ont<br />

marqué cette période par plusieurs<br />

confrontations navales dont<br />

celle qui a vu s’affronter la Marine<br />

algérienne à l’expédition américaine<br />

en 1815, ou avec les Marines<br />

britanniques et hollandaises en<br />

août 1816 au large de la baie d’Alger.<br />

Britanniques et Hollandais subirent<br />

de lourdes pertes et sont repoussés<br />

vers le large ; toutefois<br />

l’armada algérienne perd également<br />

un grand nombre de navires.<br />

Révoltes internes<br />

<strong>La</strong> Régence d’Alger avec la limitation<br />

du commerce extérieur est<br />

affaiblie par une dissidence interne<br />

de la paysannerie, des montagnards,<br />

et des commerçants. <strong>La</strong><br />

révolte débutera en 1802, pour<br />

s’aggraver jusqu’à la veille du débarquement<br />

français en 1832.<br />

Cette scission entre la population<br />

et les représentants du protectorat<br />

ottoman est consécutive aux<br />

pertes qu’enregistre le Trésor public<br />

et à la décision d’augmenter<br />

trop forts les impôts.<br />

Les populations vont ouvertement<br />

afficher leur désir de se débarrasser<br />

des dignitaires Turcs en leur<br />

déclarant la guerre. Sur le plan militaire,<br />

la flotte d'Alger se retrouve<br />

vite en position de faiblesse pour<br />

contenir les attaques des flottes<br />

européennes. A partir de 1815, les<br />

navires de guerres français et britanniques<br />

dominent la Méditerranée.<br />

Alger résiste aux persécutions<br />

des flottes étrangères. Le<br />

dernier bombardement de la ville<br />

fut l’ œuvre de la Marine britannique.<br />

(Lord Exmouth).<br />

<strong>La</strong> NR 4371 - Jeudi 5 juillet 2012<br />

14<br />

,<strong>La</strong> colonisation française trouve ses racines dans les échanges politiques et commerciaux qu’avaient entretenu Français et Algériens durant les<br />

siècles précédant le débarquement de 1832 à Sidi Fredj. Alger disposait à cette époque d’une puissance maritime redoutable à plusieurs égards.<br />

Les bateaux de guerre étaient entièrement usinés dans les ports d’Algérie, dotés d’une redoutable supériorité maritime et de forteresses au niveau<br />

des principaux ports. Les Algériens vont s’imposer comme protecteurs des trafics maritimes circulant en Méditerranée contre la piraterie<br />

et les pays tiers. Alger avait même imposé un impôt à tous les pays qui traversaient la grande bleue pour commercer.<br />

L’attaque d’Alger le 4 juillet 1830. (Photo > D. R.)<br />

Guerres et commerces<br />

<strong>La</strong> France commerçait traditionnellement<br />

avec l’Afrique du Nord<br />

et avait des concessions qu’elle<br />

avait achetées aux Algériens, et<br />

que reconnurent les sultans turcs<br />

suzerains du Dey d’Alger en 1518,<br />

1692, 1694 et 1801.<br />

<strong>La</strong> situation avantageuse des<br />

concessions d'Afrique, leur richesse<br />

en grains, en bestiaux, en<br />

laines, en cire, en miel, etc., la facilité<br />

de répandre les marchandises<br />

de fabrique française dans<br />

l'intérieur de l'Afrique, enfin les<br />

produits de la pêche du corail,<br />

procuraient de grands avantages<br />

aux compagnies qui, avant la révolution,<br />

exploitaient les concessions.<br />

Ce commerce fut languissant<br />

et presque nul durant les<br />

longues guerres de la révolution et<br />

de l'empire.<br />

<strong>La</strong> force navale de l'Angleterre diminua<br />

les échanges commerciaux<br />

de la France outre mer sans pour<br />

autant affecter les négoces avec<br />

Alger qui restera neutre dans les<br />

conflits armés entre européens.<br />

Cependant, en 1798, lors de la<br />

campagne d'Égypte, les Algériens,<br />

contraints par <strong>La</strong> Porte, déclarèrent<br />

la guerre à la <strong>République</strong> française<br />

et attaquèrent la Galle, établissement<br />

où se trouvaient alors<br />

environ 200 hommes et vingt canons.<br />

Ils s'en emparèrent et en détruisirent<br />

les fortifications.<br />

Mais cette hostilité forcée n'eut<br />

pas de suite, et en 1801, après la<br />

paix d'Amiens, les marchands français<br />

reparurent sans obstacle sur<br />

la côte africaine.(*).<br />

A. K.<br />

Sources : Historia [archive],<br />

«<strong>La</strong> conquête d'Alger», page 320 France- Ministère<br />

de la marine et des colonies


5 <strong>Juillet</strong><br />

Guerre de Libération<br />

, <strong>La</strong> guerre d’Algérie longtemps escamotée par les autorités française a été meurtrière, totale et parfois particulièrement barbare.<br />

Marine, aviation, infanterie, légions<br />

étrangères, parachutistes, chasseurs<br />

alpins, gendarmerie, police, appelés<br />

du service militaire, réservistes,<br />

services de renseignements et barbouzes<br />

de l’Organisation de l’armée<br />

secrète (OAS) avaient pour mission<br />

de maintenir l’ordre colonial, de pacifier<br />

le pays contre des insurgés<br />

qu’on appela avec dérision les fellagha,<br />

nom donné aux insurgés qui ne<br />

tarderont pas à être qualifiés de terroristes.<br />

<strong>La</strong> réalité est dissimulée à l’opinion<br />

publique tant nationale qu’internationale,<br />

pour occulter les horreurs<br />

que commettent certains régiments<br />

de l’armée régulière usant d’exécutions<br />

sommaires, et surtout de la<br />

torture. Les premières années de la<br />

guerre seront à l’avantage de l’Armée<br />

de libération nationale qui est devenue<br />

experte en guérilla rurale.<br />

L’organisation politique du FLN avait<br />

fait de ce parti un symbole de liberté<br />

au plan internationale et nationale<br />

pour balayer les thèses françaises<br />

d’une intégration à la Soustelle.<br />

L’image de la France se salit.<br />

Les chefs du FLN sont accueillis et<br />

respectés dans les pays socialistes,<br />

dans les pays arabes, dans les capitales<br />

du Tiers-Monde, à la conférence<br />

de Bandung en 1955, ainsi qu’à<br />

l’ONU et aux Etats-Unis par le jeune<br />

sénateur qui deviendra le président<br />

des Américains, John Kennedy. <strong>La</strong><br />

question algérienne s’internationalise<br />

avec les attentats d’Alger, avec<br />

la grève des 8 jours largement observée<br />

par les Algériens pour légitimer<br />

les actions du FLN. L’enjeu était de<br />

permettre à l’ALN, coupée de ses<br />

bases logistiques, de reconstituer<br />

ses forces, et mettre un terme à la<br />

propagande des dirigeants de la IV e<br />

<strong>République</strong>. Avec l’arrivée de de<br />

Gaulle au pouvoir, les Français misent<br />

toujours sur une victoire militaire,<br />

les parachutistes ont tous les<br />

pouvoirs, et les pieds-noirs conservent<br />

l’espoir que l’Algérie sera éternellement<br />

française. Mis à part<br />

quelques intellectuels s’offusquant<br />

que la torture continue à être pratiquée,<br />

et de quelques centaines de<br />

sympathisants pour la cause nationale<br />

pour la plupart communistes, le<br />

reste de l’opinion ne comprend pas<br />

que les autochtones revendiquent<br />

non plus les mêmes droits, mais l’indépendance.<br />

L’année 1954<br />

C'est essentiellement par la presse<br />

que la population avait appris l'insurrection.<br />

Le 1 er novembre, jour férié,<br />

on n'avait pas beaucoup écouté la<br />

radio mais le 2 novembre, tout le<br />

monde fut au courant. Tous les journaux<br />

titrèrent sur l'insurrection. Peu<br />

de texte, mais des photos parlantes,<br />

une carte impressionnante des lieux<br />

où s'étaient produits les attentats<br />

et les noms en caractère gras des<br />

sept morts (deux civils européens,<br />

trois militaires européens, deux civils<br />

musulmans) alertèrent l'opinion publique.<br />

Pour dire vrai, les Européens ne s'affolèrent<br />

pas et si les éditions se vendirent<br />

mieux que d'habitude, c'était<br />

en raison de ce super fait divers que<br />

l'on annonçait à grand fracas. Les<br />

Algérois n'avaient rien entendu des<br />

bombes qui avaient explosé aux<br />

quatre coins de leur ville. Seuls les<br />

voisins des points stratégiques visés<br />

avaient entendu l'explosion d'un<br />

vague pétard. Ce ne pouvait être<br />

bien grave. En revanche, la simultanéité<br />

des attentats montrait clairement<br />

que cette manifestation était<br />

bien coordonnée, donc qu'il fallait se<br />

méfier. Mais ce n'était pas suffisant<br />

pour engendrer la panique. <strong>La</strong> population,<br />

ce 2 novembre 1954, fut loin<br />

de mesurer l'importance de ce qui se<br />

passait. Et puis la violence, le risque<br />

étaient monnaie courante dans le<br />

folklore pied-noir.<br />

Après les attentats meurtriers du 1 er<br />

novembre 1954, plus connus sous le<br />

vocable de «Toussaint rouge» par<br />

les Français, allait se développer durant<br />

8 ans une guerre pas comme les<br />

autres, entre deux armées et deux<br />

populations. <strong>La</strong> population algérienne<br />

qui a été spoliée de ses<br />

meilleures terres dès le début de<br />

l’invasion française sera de nouveau<br />

déracinée par l’administration coloniale<br />

pour être parquée et encadrée<br />

dans des camps de fortune,<br />

pour l’empêcher de ravitailler les<br />

Le Congrès de la Soummam<br />

Le 20 août 1956 s'est tenu dans un hameau,<br />

près du village d'Ifri, le congrès<br />

de la Soummam, un des évènements<br />

les plus marquants de la guerre d'Algérie.<br />

Pendant plusieurs jours, la région a<br />

vécu dans un huis clos sécuritaire indispensable<br />

à la réussite de ce<br />

conclave. C’est le colonel Amirouche,<br />

farouche opposant aux colonialistes,<br />

qui est chargé de la sécurité des<br />

congressistes.<br />

<strong>La</strong> plateforme de la Soummam devait<br />

faire le point sur la situation militaire et<br />

politique, élaborer les perspectives générales,<br />

et définir les moyens d’action<br />

et de communication. Des centaines de<br />

insurgés en provisions alimentaires,<br />

en armes, en hommes, et en argent.<br />

2 350 000 Algériens vivent dans des<br />

conditions lamentables dans plus<br />

de 2 000 «centres de regroupent».<br />

5 000 000 vivent dans des bidonvilles<br />

sous le contrôle des SAS. De<br />

1954 à 1957 les troupes de l’Armée<br />

de libération nationale causent l’essentiel<br />

des pertes subies par les différents<br />

corps de l’armée française, ce<br />

qui oblige Paris à instaurer l’état<br />

d’urgence dans une partie de l’Algérie<br />

le 1 er avril 1955. Les occupants<br />

peuvent désormais contrôler par<br />

des laissez-passer la circulation des<br />

personnes, suspendre le cas échéant<br />

les déplacements, limiter drastiquement<br />

les libertés de la presse, arrêter<br />

sur simple présomption, emprisonner<br />

indéfiniment les suspects.<br />

C’est à cette date que sera décidée<br />

l’envoi de renfort prit dans les<br />

contingents des appelés. 200 000<br />

soldats appelés débarquent en janvier<br />

1956 en Algérie en renfort des effectifs<br />

déjà opérationnels, ils seront<br />

400 000 à la fin de l’année, et 450 000<br />

en 1957. Le service militaire est rallongé<br />

à 27 mois. Les militaires de<br />

carrière, les spahis et les harkis verront<br />

leurs effectifs augmenter considérablement.<br />

<strong>La</strong> guerre atteint son<br />

paroxysme de terreur et de violences<br />

le 20 août 1955 lorsqu’un soulèvement<br />

de paysans est réprimé de<br />

manière sauvage par des bombardements<br />

par avions et artillerie. Près<br />

de Batna, non loin de là, à Tizint, village<br />

situé à 70 kilomètres de Khenchela,<br />

des légionnaires ouvrent le<br />

feu sur des civils invalides qui discutaient,<br />

huit furent tués sur le coup,<br />

deux blessés graves furent achevés ;<br />

dix-sept personnes dont une petite<br />

fille furent abattues, selon ce que<br />

rapporte d’après les faits qu’il a<br />

constaté sur place Jean Daniel dans<br />

l’Express, ajoutant qu’en cette période<br />

«trois jours avant Noël, la région<br />

de Batna a subi une opération<br />

en règle de ratissage. Bombardement<br />

par avions et artillerie et incendie<br />

massif ont entièrement rasé un<br />

douar. En Kabylie, au douar Irdjama<br />

dans la commune mixte de Taher, un<br />

caïd impopulaire dont les abus et la<br />

corruption avaient été dénoncés depuis<br />

des années, c'est-à-dire bien<br />

avant que la rébellion ne commence,<br />

a été abattu par les maquisards.<br />

Soixante-cinq maisons ont été incendiées.<br />

<strong>La</strong> population est passée<br />

presque entièrement au maquis».<br />

Les tueries dans le Constantinois en<br />

ce 20 et 21 août 1955 constitueront<br />

le point culminant de la barbarie<br />

dont feront encore preuve les autorités<br />

coloniales. D’après les rapports<br />

faits par l’administration des éléments<br />

algériens sous le contrôle du<br />

FLN s’en sont aveuglément pris aux<br />

Européens, notamment à Philippeville<br />

(Skikda) et El Halia. «71 civils européens<br />

et des dizaines de musulmans<br />

profrançais sont massacrés à<br />

la hache et au couteau. <strong>La</strong> répression<br />

fera officiellement 1 273 victimes,<br />

bien plus en réalité. Soustelle donne<br />

carte blanche à l’armée. Dans l’Est,<br />

la psychose devient permanente.<br />

Pour les Européens, chaque musulman<br />

est un égorgeur potentiel, et<br />

tous les Français deviennent des ratonneurs<br />

par le droit à la légitime défense.<br />

L’escalade de la guerre totale est sur<br />

des pentes de plus en plus raides ;<br />

elle se poursuivra jusqu’à l’indépendance.<br />

Au début de l’année 1956, la<br />

France se trouve engagée dans une<br />

forme nouvelle de conflit sur le territoire<br />

algérien : la guérilla. Conscient<br />

des capacités nécessaires pour<br />

mener cette nouvelle sorte de guerre<br />

et voyant les possibilités que peuvent<br />

apporter les hélicoptères dans<br />

ces engagements d'un nouveau type,<br />

le général de Maricourt, commandant<br />

de l'Air en Algérie, propose un<br />

nouveau concept d'action pour les<br />

troupes aériennes qu'il résume par<br />

la formule : «Il est plus facile à un oiseau<br />

de marcher qu'à un serpent de<br />

voler.» Il s'agit d'armer les hélicoptères<br />

qui auront à transporter des<br />

hommes capables d'interventions<br />

rapides. Ces combattants seront des<br />

aviateurs et des commandos destinés<br />

à être transportés par hélicoptères<br />

et à combattre au sol après le<br />

travail fait par l’aviation de chasse et<br />

les bombardiers.<br />

Selon Guy Pervilé, les effectifs ne furent<br />

pas tous employés de la même<br />

moudjahiddine étaient venus avec leurs<br />

colonels de wilaya Si M’hamed, Ouamrane,<br />

Mohamed Saïd, Ben Tobbal, Zighout,<br />

Ben M’Hidi, Abane Ramdane,<br />

<strong>La</strong>rbi Ben M’hidi, Zighout Youcef, Krim<br />

Belkacem et bien d’autres chefs historiques<br />

militaires ou civils.<br />

<strong>La</strong> révolution algérienne est connue et<br />

<strong>La</strong> NR 4371 - Jeudi 5 juillet 2012<br />

15<br />

façon. Leur grande majorité fut affectée<br />

à des missions statiques de «quadrillage»,<br />

destinées à assurer la sécurité<br />

des personnes et des biens dans<br />

l’Algérie utile, avec le renfort des<br />

«unités territoriales» recrutées parmi<br />

les réservistes français d’Algérie et<br />

de plusieurs catégories de «supplétifs»<br />

musulmans (harkis, goumiers,<br />

groupes mobiles de protection rurale,<br />

moghaznis des Sections administratives<br />

spécialisées, groupes<br />

d’autodéfense des villages). Pendant<br />

ce temps, les troupes d’intervention<br />

(légionnaires, parachutistes, commandos<br />

de l’air et de la marine...) devaient<br />

traquer les unités «rebelles»<br />

dans leurs bastions montagneux,<br />

déclarés «zones interdites». L’aviation<br />

fournit ses moyens de transports,<br />

trois «groupes d’appui tactique»<br />

(avions de liaison, de reconnaissance<br />

et d’appui aux troupes<br />

terrestres), et deux groupes d’hélicoptères<br />

(le troisième étant rattaché à<br />

l’«aviation légère de l’armée de<br />

terre»). Elle s’illustra surtout le 22 octobre<br />

1956 en interceptant l’avion<br />

marocain transportant les chefs de<br />

la délégation extérieure du FLN (Ben<br />

Bella, Khider, Aït Ahmed et Boudiaf)<br />

qui négociaient secrètement avec le<br />

président du Conseil Guy Mollet.<br />

De son côté, la marine surveillait les<br />

côtes, et réussit le 16 octobre 1956<br />

l’arraisonnement du navire égyptien<br />

Athos, chargé d’armes destinées aux<br />

bases marocaines de l’ALN. L’expédition<br />

franco-britannique sur le canal<br />

de Suez, préparée après la nationalisation<br />

du canal par l’Égypte (26<br />

juillet 1956) et déclenchée au début<br />

de novembre, immobilisa pendant<br />

plusieurs mois 30 000 hommes des<br />

troupes d’intervention, sans atteindre<br />

son but politique : le renversement<br />

du colonel Nasser, protecteur<br />

du FLN.<br />

Malgré ce déploiement de forces et<br />

ces coups d’audace, le FLN et l’ALN<br />

réussirent à compléter leur implantation<br />

dans tout le territoire algérien<br />

et à porter la guérilla dans<br />

toutes les grandes villes, y compris<br />

Alger, par des attentats sélectifs ou<br />

aveugles. Le nombre total d’actions<br />

« terroristes » répertorié par le 2 e<br />

bureau de l’armée française atteignit<br />

son maximum en janvier 1957.<br />

Les membres du «Comité d’organisation<br />

et d’exécution» siégeant clandestinement<br />

à Alger crurent pouvoir<br />

mobiliser toute la population<br />

algérienne par une grève insurrectionnelle<br />

de 8 jours à partir du 27 janvier<br />

1957 pour démontrer la représentativité<br />

du FLN à l’ouverture de<br />

la session de l’ONU.<br />

…<br />

reconnue, forçant l’admiration du<br />

monde entier après ses victoires sur le<br />

terrain en deux ans à peine.<br />

<strong>La</strong> guerre a cette période s’est étendue<br />

à l’ensemble du territoire national.<br />

Le congrès de la Soummam devait<br />

consacrer la prépondérance du civil sur<br />

le militaire, il en sera autrement.


5 <strong>Juillet</strong><br />

Ben Bella, itinéraire d’une révolte<br />

Avant 1939, Messali Hadj ou Ferhat Abbas<br />

, Ahmed Ben Bella est né le 25 décembre 1916 dans une famille modeste de Maghnia à quelques kilomètres de la<br />

frontière marocaine. Son père, originaire de Marrakech, cumule pour poursuivre les emplois d’agriculture et de commerçant.<br />

Ben Bella fréquente les<br />

écoles française et coranique.<br />

A Maghnia, l’entente<br />

règne entre colons<br />

et musulmans jusque sur<br />

les terrains de foot où le<br />

jeune Ahmed passe l’essentiel<br />

de son temps libre.<br />

Titulaire du certificat<br />

d’études à l’âge de 11 ans,<br />

il poursuit des études secondaires<br />

à Tlemcen, une<br />

ville voisine où il hébergé<br />

par un ami de son père. Il<br />

découvre là-bas la discrimination<br />

et éprouve, pour<br />

la première fois, l’impression<br />

d’être un étranger<br />

dans son propre pays. A<br />

14 ans, blessé par l’irrespect<br />

que manifeste un professeur<br />

européen au prophète<br />

Mohammed (Qssl),<br />

il connaît sans doute ses<br />

premiers questionnements<br />

sur l’identité algérienne.<br />

A cette époque,<br />

une opposition au statut<br />

colonial de l’Algérie commence<br />

à se manifester au<br />

sein de certaines élites urbaines.<br />

Ferhat Abbas,<br />

pharmacien marié à une<br />

Française, habillé à l’occi-<br />

Le décret Crémieux accorde la nationalité<br />

française aux seuls israélites, mesure qui<br />

heurte les autres Algériens.<br />

- Une monnaie nationale - Frapper monnaie<br />

dans un climat de guerre était un signe de domination<br />

et un symbole d’autorité et cela<br />

est une très nette affirmation de la souveraineté.<br />

Parallèlement à l’établissement de sa<br />

puissance politique sur le plan territorial par<br />

l’unification du pays, l’Emir a voulu donner<br />

à l’Etat qu’il créait, une base financière et une<br />

monnaie qui, n’étant pas frappée en son<br />

nom à Tagdempt instaurait déjà un caractère<br />

national dans la construction d’un Etat à<br />

l’exemple des Etats modernes du XIXe siècle.<br />

<strong>La</strong> Frappe d’une monnaie nationale par cet<br />

homme extraordinaire a donné plus de grandeur<br />

dans l’affirmation de l’Etat qu’a créé<br />

l’Emir. Cette monnaie prouve que l’Emir a<br />

non seulement unifié le pays mais il a aussi<br />

entamé la modernisation de l’Etat qu’il tente<br />

de créer.<br />

Fantassin de l’Emir<br />

6-13 octobre 1837. Second siège de Constantine,<br />

le général Damrémont est tué dès le<br />

début des combats ainsi que le général Perrégaux.<br />

Le général Valée succède à Damrémont.<br />

<strong>La</strong> ville tombe après une lutte héroïque<br />

de 7 jours et subira pillage et atrocités<br />

pendant les jours qui suivront sa chute.<br />

Ahmed Bey réussit à s'échapper.<br />

Octobre 1837. Le Maréchal Valée est nommé<br />

Gouverneur général en Algérie.<br />

31 octobre 1838. Pour la première fois, l'appellation<br />

officielle «Algérie» (euphonie de<br />

Al-Djezaïr) parait aux bulletins des lois n°<br />

609 (ordonnance du roi des Français<br />

n° 7 654 sur l'administration civile de l'Algérie).<br />

Jusqu'alors on parlait de «Possessions<br />

françaises de l'Afrique du Nord».<br />

1839<br />

- Occupation de Blida et prise de Jijel (Djidjelli).<br />

28 octobre 1839. Une expédition menée par<br />

le duc d'Orléans, franchit le défilé des Bibans<br />

(Portes de Fer), violant ainsi le Traité de la<br />

Tafna.<br />

19 novembre 1839. L’Emir Abd-el-Kader dénonce<br />

la violation du Traité par les Français<br />

dentale et bien vu des autorités<br />

françaises, milite<br />

pour l’assimilation<br />

[zoom] du peuple algérien.<br />

Messali Hadj, personnage<br />

charismatique<br />

aux allures de prophète,<br />

est quant à lui issu d’un<br />

milieu modeste de Tlemcen.<br />

Il réactive l’Etoile<br />

Nord-africaine, mouvement<br />

d’inspiration communiste<br />

dissous en 1929,<br />

le 28 octobre et reprend la guerre contre la<br />

France.<br />

23 décembre 1839. Abd-El-Kader défait les<br />

Français à la bataille de Oued El Alleug.<br />

1840<br />

Bataille de Mazagran. Prise de Cherchell, de<br />

Médéa, de Miliana.<br />

29 décembre 1840. Le général Bugeaud est<br />

nommé Gouverneur général en Algérie.<br />

1841<br />

- Combat du Sig.<br />

- Destruction des villes de l'Emir, Boghar et<br />

Taza.<br />

- Occupation de Mila.<br />

Mai 1841. Saccage de la ville de Takdempt, capitale<br />

de l’Emir Abd-el-Kader, par l'armée<br />

française.<br />

1842<br />

- Destruction de Sebdou.<br />

- Occupation de Tlemcen.<br />

17 octobre 1842. Massacre des tribus Arib par<br />

le général Bugeaud.<br />

1843<br />

16 mai 1843. Prise de la Smala de l’Emir Abdel-Kader.<br />

Après une traque de plusieurs jours et profitant<br />

de ce qu'Abd-el-Kader patrouille à<br />

quelque distance avec ses hommes, le duc<br />

d’Aumale, cinquième fils du roi Louis-Philippe,<br />

à la tête de 600 cavaliers, surgit au cœur<br />

de la Smala sans défense et s'en empare près<br />

du puits de Taguine, au sud ouest de Béjaïa<br />

(Bougie). Le butin est énorme, incluant les<br />

manuscrits de l'Emir. Il s’empara de la tente<br />

de l’Emir, alors absent, fit prisonniers nombre<br />

de ses parents, dispersa ses manuscrits et<br />

pilla ses trésors. <strong>La</strong> mère, la femme et les enfants<br />

d’Abd-el-Kader parvinrent toutefois à<br />

s’échapper.<br />

Face à la résistance farouche qui s’oppose à<br />

l’attaque surprise des Français, le duc d’Aumale<br />

note : «C’était grandiose et terrifiant [...].<br />

Des hommes qui refusent de mourir sans<br />

avoir défendu leur vie.»<br />

Les plus importants des nombreux prisonniers<br />

seront exilés, en résidence surveillée, à l'île<br />

Sainte Marguerite à Cannes où ils finiront<br />

leurs jours. Ils y sont d'ailleurs enterrés, dans<br />

un petit cimetière à l'Est du Fort, où des<br />

et revendique le premier<br />

l’indépendance. En 1937,<br />

déçu par l’échec du projet<br />

Blum-Viollette [zoom] et<br />

par la politique du Front<br />

populaire, Messali Hadj<br />

crée le Parti du peuple algérien<br />

(PPA). Ses ardentes<br />

revendications indépendantistees<br />

entraînent l’interdiction<br />

du mouvement<br />

deux ans plus tard. Il est<br />

peu probable que Ben<br />

Bella ait été en relation<br />

avec de tels mouvements.<br />

Mais il ne put les ignorer,<br />

en particulier à Tlemcen,<br />

foyer actif de contestation<br />

contre la présence française.<br />

Après avoir échoué<br />

au brevet, en 1934, il renonce<br />

aux études et regagne<br />

Maghnia où pendant<br />

deux ans, il travaille<br />

à la ferme familiale, enchaîne<br />

les petits métiers et<br />

fresques rappellent leur passage.<br />

Cet événement somme toute sans gloire, ne<br />

fut pas décisif, mais aura un énorme retentissement<br />

en France. <strong>La</strong> propagande de la<br />

monarchie de juillet en tira grand profit, au<br />

point d’en faire un des clichés de la conquête<br />

coloniale française pour le reste du siècle.<br />

Février 1843. Promulgation d’un décret ministériel<br />

portant création des bureaux arabes.<br />

31 juillet 1843. Bugeaud est nommé maréchal.<br />

1844<br />

- Prise de Biskra et de Dellys.<br />

- Expédition de <strong>La</strong>ghouat.<br />

6 août 1844. Bombardement de Tanger (Maroc)<br />

par l'escadre française du prince de Joinville.<br />

14 août 1844. A la bataille d'Isly au Maroc, les<br />

troupes de Bugeaud, battent l'armée du Sultan<br />

marocain qui, par le Traité de Tanger,<br />

s'engage à mettre Abd-el-Kader hors-la-loi<br />

sur le territoire marocain.<br />

1845<br />

- Expédition dans l'Aurès.<br />

- Expédition chez les Trara.<br />

5-19 juin 1845. Massacre de la tribu des Ouled<br />

Riah par le maréchal Pélissier pour réprimer<br />

le soulèvement du Dahra..<br />

8 août 1845. Massacre collectif de 500 personnes<br />

asphyxiées par le général Saint Arnaud<br />

dans une grotte près de Beni Menaceur (environs<br />

de Cherchell).<br />

23 au 26 septembre 1845. Bataille du Djebel<br />

Kerkour et de Sidi Brahim.<br />

Le colonel Montagnac attaque les troupes<br />

d'Abd-el-Kader, au Djebel Kerkour, c'est un<br />

désastre, le colonel est tué et la colonne est<br />

écrasée. Les survivants français se replient<br />

vers le Marabout de Sidi Brahim, où ils se retranchent<br />

pendant trois jours.<br />

Le 26 septembre : les Français tentent une sortie<br />

mais ils sont décimés, seuls 15 chasseurs<br />

et un hussard réussiront à fuir. Abd-el-Kader<br />

sera blessé au visage.<br />

Novembre 1845. Légalisation et réglementation<br />

de l’exercice du culte hébraïque en Algérie.<br />

1845 - 1850. Révolte de l'oasis de Zaatcha et<br />

Zibane menée par Cheikh Bouziane.<br />

1846<br />

s’inscrit à la préparation<br />

militaire.<br />

Assimilation : étymologiquement,<br />

rendre semblable.<br />

Avant 1940, Abbas<br />

croit sincèrement que les<br />

Algériens peuvent devenir<br />

français par un processus<br />

semblable à celui<br />

qu’ont connu les Bretons<br />

ou les Occitans. Ne déclare-t-il<br />

pas en 1936 : «<br />

[…] je ne mourrai pas<br />

pour la « partie algérienne»,<br />

parce que cette<br />

partie n’existe pas. Je ne<br />

l’ai pas découverte. J’ai interrogé<br />

l’histoire, j’ai interrogé<br />

les vivants et les<br />

morts ; j’ai visité les cimetières<br />

: personne ne m’en<br />

a parlé.» Projet Blum-Viollette<br />

: Elaboré en 1936 par<br />

le gouvernement du Front<br />

populaire, il consiste à<br />

donner la citoyenneté<br />

française à une vingtaine<br />

de milliers d’Algériens<br />

triés sur le volet. Malgré<br />

son extrême timidité, il<br />

n’est même pas présenté à<br />

la Chambre par le président<br />

du Conseil, Léon<br />

Blum.<br />

Révolte de Benacer Ben Chohra au Centre et<br />

Sud-Est.<br />

1847<br />

<strong>Juillet</strong> 1847. Déplacement de l’Emir Abd-el-<br />

Kader au Maroc<br />

En vertu du Traité de Tanger, le Sultan du<br />

Maroc contraint l'Emir Abd-el-Kader à quitter<br />

le Maroc.<br />

23 décembre 1847. Chassé du Maroc par le<br />

Sultan, Abd-el-Kader se présente aux spahis<br />

du colonel Yusuf au col de Guerbous, près de<br />

la frontière marocaine, et fait sa reddition au<br />

général Louis Juchault de <strong>La</strong>moricière.<br />

25 décembre 1847. L’Emir Abd-el-Kader est<br />

transféré en France.<br />

1848<br />

- Expédition chez les Beni-Senous.<br />

29 janvier 1848. Abd-el-Kader, arrive à Toulon,<br />

où il est interné au Fort <strong>La</strong>malgue,<br />

contrairement aux promesses, qui lui ont été<br />

faites avant sa reddition, de le laisser se retirer<br />

dans un pays musulman.<br />

24 février 1848. Abdication du roi Louis-Philippe.<br />

25 février 1848. Proclamation de la Seconde<br />

<strong>République</strong> Française.<br />

5 juin 1848. Ahmed Bey se rend aux forces<br />

françaises.<br />

26 juin 1848. Paris - Après les journées révolutionnaires<br />

et la chute de la dernière barricade,<br />

15 000 prisonniers politiques seront<br />

déportés en Algérie.<br />

Novembre 1848. L’Emir Abd-el-Kader est<br />

transféré à la prison d'Amboise.<br />

21 novembre 1848. L'Algérie est divisée en 2<br />

zones : Les Territoires civils et les Territoires militaires.<br />

10 décembre 1848. Louis Napoléon Bonaparte<br />

devient le premier Président de la seconde<br />

<strong>République</strong>.<br />

11 décembre 1848. <strong>La</strong> Constitution de 1848<br />

proclame l'Algérie partie intégrante du territoire<br />

français.<br />

Les Territoires civils de Bône (Annaba), d'Oran<br />

et d'Alger, deviennent des départements<br />

français (Alger, Oran et Constantine) dirigés par<br />

des préfets.<br />

Les indigènes d'Algérie (les Musulmans et les<br />

Juifs) deviennent des «sujets» français.<br />

<strong>La</strong> NR 4371 — Jeudi 5 juillet 2012<br />

17<br />

ALI LA POINTE<br />

LA RÉDEMPTION<br />

Agé de 27 ans au moment de<br />

sa mort, Ali <strong>La</strong> pointe avait un<br />

caractère fougueux et entier.<br />

Mais ce qui caractérisera le<br />

personnage c’est son courage<br />

et sa vivacité d’esprit. Né à<br />

Miliana le 14 mai 1930 sous le<br />

patronyme de Ammar Ali, il<br />

s’est fait connaître à Alger<br />

comme joueur de « tchic-tchic<br />

» à Bab El- Oued. Très vite, il<br />

remplit son casier judiciaire de<br />

différentes condamnations<br />

pour vols d’effets militaires,<br />

coups et blessures volontaires,<br />

violence et voie de faits à<br />

agents et tentative d’homicide<br />

volontaire. Il s’évadera du<br />

chantier de travail à Médéa où<br />

il y purgeait une peine. pour<br />

clore définitivement avec son<br />

passé, il s’engage dans la lutte<br />

et la révolution contre l’occupant.<br />

Très vite il est présenté à<br />

Yacef Saâdi qui l’incorpore<br />

dans son groupe. C’est ce que<br />

rapportera l’ensemble de la<br />

presse locale en 1957, à la<br />

suite de l’explosion causant la<br />

mort d’Ali <strong>La</strong> Pointe. De nombreux<br />

articles reviennent sur<br />

les différents attentats orchestrés<br />

par lui et le grand patron<br />

de la Zone autonome et<br />

quelques coupures de presse<br />

relateront la fameuse explosion<br />

du 5, rue des Abderames<br />

en précisant qu’« Ali <strong>La</strong> Pointe<br />

ne s’est pas fait sauter, il a été<br />

attaqué dans son repère hermétique<br />

par les bérets verts»,<br />

note l’Echo d’Alger. L’objectif<br />

pour la presse de l’époque est<br />

clair : il ne faut pas en faire<br />

un martyr qui a préféré se<br />

faire exploser plutôt que de se<br />

rendre. Il s’agissait de ne pas<br />

susciter des envies de suivre<br />

son exemple. Mais ce que les<br />

journaux ne disent pas, c’est<br />

qu’Ali faisait peur. Sa ténacité<br />

à défier l’adversaire, sa pugnacité<br />

et son courage alimentent<br />

l’espoir, enhardissent<br />

les plus revêches à s’engager<br />

et symbolisent l’Algérien dans<br />

toute sa dimension culturelle<br />

et cultuelle. Il avait<br />

«El-Rahba», se souvient Zohra<br />

Drif. Et de poursuivre : « Avec<br />

lui, on était intouchables, il<br />

avait la puissance, le courage.<br />

Les Français avaient très peur<br />

de lui. Si on se retrouvait face<br />

à un barrage, il fonçait, il<br />

n’hésitait pas et il n’avait pas<br />

peur.» Zohra Drif a de l’admiration<br />

dans la voix. Son regard<br />

s’éclaire lorsqu’elle évoque le<br />

révolutionnaire qu’elle désignera<br />

parfois de loufoque et<br />

d’enfantin. «Il aimait faire des<br />

blagues et rigoler de choses<br />

enfantines comme un gosse.<br />

Comme quelqu’un qui n’a jamais<br />

eu la chance d’être un<br />

enfant», évoque-t-elle soudain<br />

pensive. Ali <strong>La</strong> Pointe,<br />

qui a certes connu la misère,<br />

s’est engagé pour d’autres<br />

raisons.«C’est difficile à dire et<br />

les seuls termes qui me viennent<br />

à l’esprit sont religieux,<br />

mais je dois dire que lorsque<br />

je pense à l’engagement d’Ali<br />

je ne peux m’empêcher d’y<br />

voir une sorte de rachat.» Elle<br />

s’explique : «Nous connaissions<br />

le passé d’Ali et<br />

d’ailleurs qui n’était pas<br />

proxénète à l’époque, mais<br />

lorsqu’il a combattu, on a<br />

l’impression qu’il voulait racheter<br />

ses erreurs, rattraper<br />

ses égarements.»


5 <strong>Juillet</strong><br />

Industrie militaire<br />

Après la libération de la totalité<br />

des régions de l’emprise espagnole,<br />

il est dès lors envisageable<br />

de fonder la Marine algérienne,<br />

ce qui est entrepris à travers la<br />

construction dans un premier<br />

temps de quatre petits navires<br />

de guerre, et au fil du temps, une<br />

véritable industrie militaire voit le<br />

jour à travers plusieurs chantiers<br />

navals (notamment à Cherchell,<br />

Béjaïa et Alger) qui fournissaient<br />

à la Marine algérienne un nombre<br />

considérable de navires de guerre<br />

équipés de canons développés<br />

entièrement par des compétences<br />

algériennes. À partir de là, une<br />

nouvelle page s’ouvre pour la Régence<br />

d’Alger qui à travers sa Marine<br />

peut imposer son leadership<br />

en Méditerranée durant près de<br />

trois siècles.<br />

Après la colonisation militaire,<br />

la colonisation agricole<br />

Par arrêté du 18 avril 1840/1851,<br />

le maréchal Bugeaud fait consacrer<br />

la concession gratuite des<br />

terres. Le peuplement par un peu<br />

plus de cent mille colons des<br />

meilleures terres est fait sous réserve<br />

que ces nouveaux propriétaires<br />

y résident en permanence.<br />

Les crédits nécessaires à la mise<br />

en valeur des terres sont attribués<br />

avec des documents de propriété<br />

immédiate et transmissible<br />

(maréchal Randon décret 1851).<br />

U N E M I N O R I T É A I S É E<br />

De 1872 à 1878, les Français vont<br />

s’inspirer de la loi américaine du<br />

«homestead» en établissant le<br />

principe de l’attribution gratuite<br />

sous condition de résidence deux<br />

à trois ans.<br />

Cette loi va accélérer considérablement<br />

l’arrivée de nouveaux<br />

colons. On comptait 207 615 cultivateurs<br />

européens en 1888<br />

contre 3 254 724 cultivateurs algériens<br />

qui ne possédaient plus<br />

que des terres rocailleuses ou<br />

très mal irriguées. Beaucoup de<br />

Lorrains-Alsaciens se sont fixés<br />

en Algérie. Tous les résistants kabyles<br />

se sont vu confisquer leurs<br />

terres.<br />

1834, 1 er Traité de paix avec les Français<br />

1) Dès 1831, l'Emir Abd El-Kader,<br />

homme d'Etat et, ce que l'on sait<br />

moins, chef soufi et poète, leva<br />

l'étendard de la révolte. <strong>La</strong> tactique<br />

d'Abd-El-Qader, fondée sur<br />

des attaques éclair, rendit très<br />

difficile l'entreprise de conquête<br />

menée notamment par le général<br />

Bugeaud.<br />

Il obtint de la France, par le traité<br />

de la Tafna, en 1837, la reconnaissance<br />

de son autorité sur une<br />

grande partie des provinces de<br />

l'Ouest, avant de reprendre les<br />

armes. L'Emir, qui s'était réfugié<br />

au Maroc et avait obtenu, un<br />

temps, l'appui du sultan maro-<br />

cain, fut contraint de se rendre<br />

en 1847, mais il devait demeurer<br />

longtemps comme un héros de<br />

la résistance nationale aux yeux<br />

de beaucoup d'Algériens.<br />

2) Le général Desmichels écrivit<br />

de nouveau à Abd El-Kader pour<br />

lui demander une entrevue que<br />

l'Emir refusa pour marquer son<br />

rang souverain, au-dessus des généraux<br />

français (il ne daigna accorder<br />

la faveur d'une entrevue<br />

qu'au maréchal Bugeaud, au général<br />

de <strong>La</strong>moricière et au duc<br />

d'Aumale).<br />

Abd El-Kader répondit à la lettre<br />

du général Desmichels que l'islam<br />

lui défendait de se soumettre<br />

aux envahisseurs, mais qu'il lui<br />

permettait d'accepter une paix si<br />

elle lui était proposée.<br />

Il sentait alors le besoin de cesser<br />

les hostilités contre les Français,<br />

et malgré les revers que ces derniers<br />

éprouvèrent près d'Oran,<br />

dans un lieu nommé Dar-el-Bidah<br />

(«Maison blanche»), il continua<br />

les négociations entamées, en engageant<br />

son agha, Mouloud ben<br />

Arrach et le caïd Ouled Mahmoud,<br />

pour s'entendre en dehors<br />

d'Oran, avec le séfarade Mandoukaï<br />

Amar, sur les bases d'un<br />

traité de paix qui allait être passé<br />

entre la France et les Algériens.<br />

Abd El-Kader insistait pour avoir<br />

Mostaganem, mais se voyant refuser<br />

sur ce point, il demanda<br />

Arzew, où il parvint à établir de<br />

fait son autorité sans l'accord des<br />

Français.<br />

Ils arrivèrent à un accord sur les<br />

trois dispositions suivantes du<br />

traité19 :<br />

1. Cessation des hostilités entre<br />

les Arabes et la France ;<br />

2. liberté du commerce pleine et<br />

entière ;<br />

3. remise immédiate des prisonniers.<br />

Les négociateurs d'Abd El-Kader<br />

(civils et militaires de la province),<br />

amendèrent avec habileté une<br />

partie des conditions posées par<br />

les Français à Abd El-Kader et le<br />

traité fut signé le 24 février 1834.<br />

3) Quand les troupes françaises<br />

chassent les Turcs d'Alger en 1830<br />

et commencent à occuper l'Algérie,<br />

dont les côtes constituent<br />

alors un véritable enjeu international<br />

pour les échanges par voie<br />

maritime, beaucoup de chefs locaux<br />

prennent les armes. L'invasion<br />

française suscita d'emblée<br />

une farouche résistance de la part<br />

de tribus révulsées par cette incursion<br />

chrétienne en terre d'islam<br />

et habituées à une autorité<br />

turque très indirecte.<br />

Ainsi, commença la conquête d'un<br />

pays alors faiblement peuplé (3<br />

millions d'habitants environ) et,<br />

presque aussitôt, la résistance<br />

des Algériens.<br />

Cette résistance sera incarnée à<br />

<strong>La</strong> NR 4371 — Jeudi 5 juillet 2012<br />

18<br />

l'Ouest par l'émir Abd-El-Qader<br />

qui proclama la guerre sainte (Djihad)<br />

contre les Français en 1832,<br />

et à l'Est par le bey de Constantine,<br />

El-Hadj Ahmed.<br />

4) A l'Est, le dernier bey de<br />

Constantine, Ahmed, contraint<br />

d'abandonner la ville après deux<br />

sièges, tient tête pendant encore<br />

onze ans dans les Aurès.<br />

<strong>La</strong> conquête se poursuit des années<br />

durant. Prise de villes et de<br />

territoires par les Français (qui<br />

utilisent des méthodes brutales,<br />

pratiquent le refoulement des tribus<br />

et la spoliation des terres) alternent<br />

avec les soulèvements :<br />

1849, 1851, 1859, 1860, 1864, 1871.<br />

Tour à tour, Petite ou Grande Kabylie,<br />

Aurès, Sud-0ranais ou Sud-<br />

Constantinois se rebellent.<br />

5) Les gouvernements français<br />

successifs (monarchie, république,<br />

Second Empire, république<br />

à nouveau) hésitent sur le<br />

type de colonisation à poursuivre<br />

et sur le statut à octroyer à l'Algérie<br />

(nom donné pour la première<br />

fois dans un texte officiel<br />

français, en 1838).<br />

Napoléon III (1808-1873),<br />

conscient de l'injustice faite aux<br />

Algériens, songe à un grand<br />

«royaume arabe»», mais ses<br />

bonnes intentions ne survivront<br />

pas à sa destitution, après la défaite<br />

de Sedan devant les Prussiens,<br />

le 4 septembre 1870.<br />

Près de 600 000 Algériens musulmans appartiennent aux groupes sociaux les plus favorisés (revenus annuels supérieurs à 89 000 F). Ce sont de grands propriétaires fonciers<br />

issus de l’aristocratie précoloniale qui ont su s’accommoder de la domination française. On les trouve aussi parmi une frange de la paysannerie qui a connu un<br />

mouvement d’ascension sociale au début des années 1920, notamment par sa conversion aux spéculations européennes, blé tendre et viticulture. On compte ainsi plus<br />

8 000 grandes explorations musulmanes (plus de 100 ha) et 16 580 moyennes (entre 50 et 100). 7 000 entreprises de toute nature, employant 23 000 personnes, sont aussi dirigées<br />

par des Algériens musulmans (1). Les professions libérales (que l’on songe au pharmacien Ferhat Abbas et au docteur Bendjelloul), tout comme l’armée et la fonction<br />

publique, contribuent également à la formation et à l’essor de cette classe moyenne algérienne musulmane. Cette élite, même réduite, porte témoignage d’une société coloniale<br />

beaucoup moins figées qu’on ne le suppose généralement et qui répond à des règles de fonctionnement et de reproduction qui ne relèvent pas de l’apartheid.<br />

(1) L. Schiaffino, LLee MMoonnddee, 14 juillet 1957.


histoire<br />

Ensembles politiques<br />

Les fondements stratégiques<br />

de l’intégration maghrébine (IV)<br />

, Fondée le 17 février 1989 à<br />

Marrakech, l'UMA ne cesse,<br />

depuis, de faire du surplace. Les<br />

responsables des cinq pays<br />

membres (Algérie, Libye, Maroc,<br />

Mauritanie, Tunisie) continuent<br />

certes de se rencontrer<br />

périodiquement et de développer<br />

une coopération bilatérale dans<br />

plusieurs domaines, mais sans<br />

amélioration substantielle sur le<br />

plan des échanges économiques.<br />

Le produit intérieur brut de l’ensemble des pays<br />

du Maghreb a été évalué en 2011(voir tableau en annexe)<br />

par le FMI à 409,445 milliards de dollars en<br />

2011 contre 387,712 milliards en 2010. Ce PIB global<br />

est artificiellement gonflé par la Libye et l’Algérie<br />

du fait du poids des hydrocarbures et des phosphates<br />

pour le Maroc. Ainsi, en 2011, le PIB du<br />

Maghreb représente 0,57 % du PIB mondial, 2,40<br />

% du PIB de la communauté économique européenne<br />

et 2,72 % du PIB américain et est légèrement<br />

supérieur au PIB de la Grèce qui connaît une très<br />

gave crise d’endettement pour environ 12 millions<br />

d’habitants. Comparé à la population et aux PIB allemand<br />

(3.328 milliards de dollars pour 82 millions<br />

d’habitants) et français (2.808 milliards de dollars<br />

pour 65 millions d’habitants), on mesure l’important<br />

écart. Le PIB maghrébin doit à l’horizon 2020<br />

quadrupler (1.550 milliards de dollars à prix<br />

constants 2010) au minimum si l’on veut éviter des<br />

tensions sociales de plus en plus vives au niveau<br />

de l’espace Maghreb. Il s’agira de relancer le projet<br />

de la Banque d’investissement maghrébine avalisé<br />

en 2010 par l’UMA, une base pour concrétiser<br />

l’interconnexion bancaire entre les pays du Maghreb<br />

tout en harmonisant le cadre légal entre les diverses<br />

banques de la région, objet de la prochaine<br />

réunion des chefs maghrébins d’Etat en octobre<br />

2O12 à Tunis, d’unifier les tarifs douaniers, de prévoir<br />

la création d’une grande université euro-maghrébine,<br />

d’une banque centrale et d’une bourse magrébines,<br />

support d’une monnaie maghrébine, ces<br />

structures devant s’insérer à l’horizon 2020 dans le<br />

cadre d’une banque centrale et d’une bourse euroméditerranéenne,<br />

ce qui suppose la résolution<br />

préalable des taux de change. Le PIB maghrébin<br />

doit être multiplié par cinq à l’ horizon 2020 ou quadruplé<br />

(environ 2.000 milliards de dollars à prix<br />

constants 2012) au minimum si l’on veut éviter des<br />

tensions sociales de plus en plus vives au niveau<br />

du Maghreb. Comme conséquence de cette non-intégration,<br />

le faible attrait des investissements directs<br />

étrangers (IDE). Selon le rapport de la Conférence<br />

des Nations unies sur le commerce et le développement<br />

(CNUCED) publié le 26 juillet 2011 sur<br />

l'investissement dans le monde, en termes de flux<br />

d'IDE, l’Algérie a drainé 2, 594 milliards de dollars<br />

en 2008, 2,761 milliards en 2009 et 2,291 milliards<br />

en 2010 mais essentiellement concentré dans les hydrocarbures.<br />

Le Maroc n’a drainé respectivement<br />

durant les mêmes années que 2,487 milliards de dollars,<br />

1,952 milliard et 1,304 milliard . Pour la Tunisie,<br />

ils sont de l'ordre de 2,758 milliards de dollars<br />

en 2008, 1,688 en 2009 et 1,513 en 2010 et la<br />

Libye 4,111 milliards, 2,674 et 3,833 en 2010 principalement<br />

par la relance de son secteur hydrocarbures.<br />

Ainsi, le total des IDE pour ces quatre pays<br />

du Maghreb totalisent 8, 941 milliards de dollars soit<br />

0,6 % des IDE estimés à 1.500 milliards de dollars<br />

et devant aller à plus de 2.000 milliards à l’horizon<br />

2013. Cela a des répercussions sur le niveau du chômage<br />

souvent surestimé par les données officielles.<br />

Il s’ensuit un taux de chômage inquiétant et une dominance<br />

de la sphère informelle au Maghreb.<br />

Certes, selon une étude de l’OCDE, le PIB par habitant<br />

moyenne 2009/2012 a connu une certaine amélioration<br />

Mais un indicateur global peut voiler d’im-<br />

Au Maghreb, le chômage touche beaucoup plus la frange des universitaires. (Photo > D. R.)<br />

portantes disparités régionales qu’une concentration<br />

excessive du revenu national au profit d’une<br />

minorité croissance peut ne pas signifier développement,<br />

d’où l’importance d’enquêtes plus précises<br />

et d’analyses qualitatives pertinentes. Ainsi,<br />

les statistiques officielles sur le taux de chômage<br />

au Maghreb sont souvent biaisées. Selon les données<br />

du BIT et de la Banque mondiale, si l'Algérie,<br />

le Maroc et la Tunisie ont réussi ces dix dernières<br />

années à ramener le chômage à des niveaux assez<br />

bas, 9,1 % au Maroc, 10,2 % en Algérie et 13,3 % en<br />

Tunisie en 2009 contre respectivement 13,4 %, 30<br />

% et 15,7 % en 2000, cela ne concerne pas nécessairement<br />

des emplois productifs surtout dans des<br />

pays rentiers comme la Libye et l’Algérie grâce à la<br />

rente des hydrocarbures où nous assistons souvent<br />

à des versements de traitements sans contreparties<br />

productives pour calmer le front social. Les rapports<br />

du FMI et de la Banque mondiale montrent<br />

que le chômage des jeunes diplômés est beaucoup<br />

plus important que celui des non-instruits. L'étude<br />

conclut qu'au Maghreb le chômage touche beaucoup<br />

plus la frange des universitaires, plus exigeants<br />

quant à leur emploi et leur salaire, que ceux<br />

qui n'ont pas poursuivi de cursus scolaire. Ainsi, le<br />

taux de chômage au Maghreb est supérieur à 40 %<br />

en tenant compte des emplois précaires et en soustrayant<br />

la sphère informelle marchande, existant<br />

une sphère informelle productive mais marginale.<br />

En effet, la sphère informelle est dominante au<br />

Maghreb. Et bien que jouant comme facteur de<br />

tampon social et constituée de jeunes entrepreneurs<br />

dynamiques qu’il s’agit d’intégrer d’une manière<br />

intelligente, sur le moyen terme, la dynamisation<br />

de l’intégration maghrébine passe par l’intégration<br />

de la sphère informelle et la création<br />

d’entreprises dynamiques dans la sphère réelle<br />

s‘insérant dans le cadre des valeurs internationales<br />

d’autant plus que le Maroc, la Tunisie et l’Algérie<br />

ont signé l’accord de libre-échange avec<br />

l’Union européenne impliquant à l’horizon<br />

2017/2020 d’importants dégrèvements tarifaires,<br />

ce qui peut pousser ceux opérant dans la sphère<br />

réelle à amplifier la sphère informelle d’autant plus<br />

que la plupart des entreprises dans la sphère réelle<br />

sont peu initiées au management stratégique et<br />

sont à dominance familiale avec une gestion autoritaire<br />

ignorant les mutations internationales, freinent<br />

en tant que lobbys l’ouverture par des pressions<br />

protectionnistes et prospèrent (ou déclinent)<br />

grâce à des parts de marché que leur attribuent<br />

l’Etat via la dépense publique. <strong>La</strong> sphère informelle<br />

est le produit des dysfonctionnements des appareils<br />

de l’Etat et du poids de la bureaucratie. Lorsque<br />

un Etat, par des actions autoritaires, émet des lois<br />

qui ne correspondent pas à l’état de la société,<br />

celle-ci enfante ses propres lois qui lui permettent<br />

de fonctionner, sphère qui ouvre la voie à l’Etat de<br />

non-droit et à la corruption par la domination du<br />

cash alors que l’économie moderne repose sur<br />

deux postulats, le contrat et le crédit. Pour les<br />

agents économiques opérant dans la sphère informelle,<br />

dans leur conscience, ils fonctionnent dans<br />

un espace qui est leur droit avec des codifications<br />

précises entretenant des relations complexes avec<br />

la sphère réelle. L’économie informelle est réglée<br />

par des normes et des prescriptions qui déterminent<br />

les droits et les obligations de ses agents économiques<br />

ainsi que les procédures en cas de<br />

conflits ayant sa propre logique de fonctionnement<br />

qui ne sont pas ceux de l’Etat, nous retrouvant<br />

devant un pluralisme institutionnel et juridique<br />

contredisant la vision moniste du droit enseigné<br />

aux étudiants. Les économies maghrébines en<br />

transition sont en effet confrontées à une double<br />

évolution. D’abord économique, avec la transition<br />

d’un système d’économie planifiée, ou de fort interventionnisme<br />

étatique, à celui d’une économie de<br />

marché. Ensuite politique, avec le passage d’un<br />

système non démocratique vers un système plus<br />

démocratique. C’est dans ce cadre que des enquêtes<br />

précises sur le terrain concernant les économies<br />

méditerranéennes et des pays de l’ex-camp<br />

communiste montrent clairement les interdépendances<br />

entre institutions formelles et institutions<br />

informelles, de nombreuses règles formelles n’étant<br />

qu’une validation ex-post de règles informelles issues<br />

de la tradition ou de la coutume. Réciproquement,<br />

une institution formelle peut être prolongée,<br />

voire modifiée par une institution informelle.<br />

Aussi, pour les économistes qui doivent éviter le juridisme,<br />

dans chacun de ces cas de figure, ayant des<br />

incidences réelles sur le comportement des investisseurs,<br />

nous assistons à des logiques différentes<br />

tant pour la formation du salaire et du rapport salarial,<br />

du crédit, du taux d’intérêt, de la formation<br />

profits et des prix qui dépendent dans une large mesure<br />

de la forme de la concurrence sur les différents<br />

marchés. Cette dualité se retrouve, par exemple,<br />

avec la différenciation du taux de change officiel et<br />

celui du marché parallèle, le rapport à la fiscalité<br />

qui conditionne la nature des dépenses et recettes<br />

publiques, en fait par rapport à l’Etat, le paiement<br />

de l’impôt direct étant un signe d’une plus grande<br />

citoyenneté, les impôts indirects étant injustes par<br />

définition puisqu’étant supportés par tous les citoyens<br />

riches ou pauvres. Selon le ministre du Travail<br />

algérien, l’informel contribue à 25 % du PIB en<br />

2010 et plus de 30 % emplois Selon les derniers<br />

chiffres du Haut-Commissariat au plan au Maroc,<br />

l'économie informelle représente 14,3 % du PIB et<br />

37,3 % de l'emploi non agricole. Pour l’Algérie, la<br />

<strong>La</strong> NR 4371 - Jeudi 5 juillet 2012<br />

19<br />

sphère informelle contrôle 40 % de la masse monétaire<br />

en circulation, à savoir environ 13 milliards de<br />

dollars. Le nombre de commerçants qui travaillent<br />

au noir est passé en 2011 à 1 million contre quelque<br />

600.000 en 2010. Ce sont là des chiffres avancés par<br />

l'Union nationale des commerçants et des artisans<br />

algériens (UGCAA). Cette augmentation est, selon<br />

lui, l’effet de la décision prise par le gouvernement<br />

après les émeutes de janvier de ne pas s’attaquer<br />

à l’informel. Pour le D r Deborah Harrold, professeur<br />

au Bryn Mawr Collège (Colombia), spécialiste du<br />

Maghreb, l’économie informelle représente les 50<br />

% de la taille de l’économie nationale algérienne.<br />

Nous avons approximativement la même taille au<br />

Maroc. Selon une enquête du Soir du Maroc en<br />

date du 20 décembre 2010, la part de l’informel représenterait<br />

entre 50 à 70 %. L'économie informelle<br />

génère au Maroc quelque 280 milliards de dirhams<br />

par an, augmentant de 40.000 unités de production<br />

chaque année, selon les estimations publiées en décembre<br />

2009 dans un rapport du Haut-Commissariat<br />

au plan. Cinquante-sept pour cent des entreprises<br />

de ce secteur sont des commerces de détail<br />

et 20 % travaillent dans le secteur des services. Ce<br />

rapport estime également que le nombre des entreprises<br />

non enregistrées est passé de 1,23 million en<br />

1999 à 1,55 million en 2007, soit une augmentation<br />

de près de 18 %t. Qu’en est-il pour la Tunisie, la<br />

Libye et la Mauritanie ? Une place énorme au Maghreb<br />

comparée aux autres pays où ce secteur ne dépasse<br />

pas les 20 % et un manque à gagner considérable<br />

pour l’Etat - alors qu’elle représente dans des<br />

sociétés organisées comme la Suisse (8 % de l’économie<br />

globale), le Canada (15 %) ou encore la Norvège<br />

(20 %). L’Italie, pays de la «combinazione», affiche,<br />

quant à elle, avant son intégration à l’Union<br />

européenne où ce taux dépassait 50%, un taux de<br />

27 %.<br />

Les actions pour des filières dynamiques intégratrices<br />

que peuvent réaliser à court terme les pays<br />

du Maghreb ensemble ?<br />

Problématique : quelle politique de développement<br />

pour le Maghreb face à la mondialisation ?<br />

Toute étude de marché sérieuse, si l’on veut éviter<br />

le gaspillage des ressources financières, suppose<br />

que l’on réponde au moins à cinq questions qui<br />

concernent d’ailleurs l’ensemble de la politique industrielle<br />

future que l’on ne saurait isoler de la politique<br />

globale. Quel est le choix des secteurs en<br />

fonction de la demande solvable des Maghrébins<br />

sachant que le marché local est un marché instable.<br />

Quelle est la stratégie des filières par rapport<br />

aux mutations mondiales? <strong>La</strong> restructuration<br />

du secteur public industriel et marchand permettra-t-elle<br />

des programmes d’investissement, pour<br />

les transformer en véritables leviers économiques<br />

favorisant l’émergence de secteurs dynamiques<br />

compétitifs dans le cadre des avantages comparatifs<br />

mondiaux dont la prise en compte des industries<br />

écologiques ? Construit-on actuellement des<br />

projets pour un marché local régional ou mondial<br />

afin de garantir la rentabilité financière face à la<br />

concurrence internationale ? Les filières ne sontelles<br />

pas internationalisées avec des sous-segments<br />

éparpillés à travers le monde ? Un partenariat<br />

stratégique n’est-il pas la condition fondamentale<br />

pour à la fois des projets fiables et pénétrer le<br />

marché mondial ? <strong>La</strong> production locale sera-t-elle<br />

concurrentielle en termes du couple coûts-qualité<br />

dans le cadre de la logique des valeurs internationales<br />

? L’urgence d’un système financier adéquat<br />

qui réponde à la nouvelle logique industrielle, car<br />

sans réformes de ce système, actuellement se limitant<br />

à une redistribution de la rente donc un<br />

enjeu de pouvoir, impulser des secteurs.<br />

(A suivre)<br />

Abderahmane Mebtoul


5 <strong>Juillet</strong><br />

, L’horreur a été poussée<br />

à son paroxysme le 8 mai<br />

1945, d’après les témoins<br />

oculaires qui se sont exprimés<br />

plusieurs années<br />

après. Sassi Benhamla, président<br />

de l’Association du<br />

8 Mai 1945 de Guelma, est<br />

parmi ceux qui ont été formels<br />

quand ils avaient témoigné<br />

de l’horreur. Pour<br />

lui, le colonialisme avait<br />

poussé sa machine de répression<br />

à ses extrêmes,<br />

durant les deux premières<br />

semaines de mois de mai<br />

1945 dans la région de<br />

Guelma. Cet ancien militant<br />

du Parti du peuple algérien<br />

(PPA) raconte dans<br />

ce récit comment des cadavres<br />

d’Algériens durent<br />

jetés dans les fours de<br />

chaux à la veille de la<br />

venue de la commission<br />

dite Tubert.<br />

«Dès l’annonce de la constitution<br />

de la commission d’enquête,<br />

présidée par le général<br />

Tubert, les milices et les services<br />

de sécurité se sont attelés<br />

à dissimuler des cadavres en<br />

les jetant dans des fours à<br />

chaux», a d’emblée indiqué le<br />

président de l’Association du 8<br />

Mai 1945. «Les historiens doivent<br />

savoir que les villes et villages<br />

martyrisés par le colonisateur<br />

durant les massacres du 8<br />

mai 1945, avaient vécu ces évènements<br />

différemment, à cause<br />

de l’absence de liaisons entre<br />

eux», a encore souligné ce témoin<br />

des évènements de<br />

Guelma.<br />

C’est ainsi que Benhamla, premier<br />

responsable de la cellule<br />

<strong>La</strong> conférence sur «le déplacement des<br />

populations algériennes dans des camps<br />

de regroupement» sous le colonialisme<br />

français tenue, hier, au forum du quotidien<br />

El Moudjahid, a été marqué par la<br />

présence de Noureddine Yazid Zerhouni.<br />

Pour la circonstance, le vice-Premier mi-<br />

du Parti du peuple algérien<br />

(PPA) à Guelma, a illustré son<br />

propos à partir de ce qu’il avait<br />

vécu dans sa ville natale, en endossant<br />

la responsabilité de ces<br />

crimes au sous-préfet André<br />

Achiary, en poste, à cette<br />

époque, dans cette localité.<br />

C’est dans ce contexte que Benhamla,<br />

un militant infatigable<br />

de la vérité sur les massacres du<br />

8 mai 1945 qui, malgré son âge<br />

avancé et sa maladie, continue<br />

à dénoncer ce crime que la colonisation<br />

cherche à occulter, a<br />

expliqué que tout a commencé<br />

quand, à la veille de la fête du 1 er<br />

Mai, le sanguinaire Achiary interpella,<br />

par le biais des services<br />

de sécurité, les dirigeants<br />

du PPA de Guelma pour leur signifier<br />

qu’il leur était interdit<br />

d’organiser tous.<br />

nistre a troqué sa casquette de représentant<br />

du gouvernement pour témoigner<br />

de la guerre de Libération nationale.<br />

«Je suis parmi vous pas en tant que témoin,<br />

pas en qualité de ministre», prévient<br />

Yazid Zerhouni. Dan son intervention,<br />

il a tenu a rappeler quelques pans<br />

de son parcours de moudjahid. «Je fais<br />

partie du groupe des militants chargés<br />

d'organiser les services de renseignement<br />

de l'ALN dans le maquis», dira-t-il<br />

pour étayer ses propos sur le nombre<br />

d'Algériens retenus dans les campements.<br />

Sur ce point, «la population algérienne<br />

qui vivait dans les campements<br />

érigés par l'armée française est estimée<br />

à 3,5 millions», souligne Zerhouni.<br />

Ce n'est pas tout. Il ajoute un autre chiffre<br />

non moins important. Il s'agit de la population<br />

ayant fui l'armée française. «1,5<br />

million d'Algériens ont quitté leurs domiciles<br />

pour se réfugier ailleurs et dans les<br />

villes», selon l'orateur. En tout, «près de<br />

5 millions sur les 8 millions d'Algériens<br />

ont été déplacés sous le colonialisme»,<br />

conclut l'ex-ministre qui était en charge<br />

Seule une marche pour fêter la<br />

fin de la Seconde Guerre mondiale,<br />

en parallèle à la marche<br />

prévue par les officiels. Et de<br />

préciser : «Nous ignorions à ce<br />

moment-là que la police avait<br />

tiré sur les manifestants du 1 er<br />

mai à Alger.»<br />

Dans son récit, Benhamla situe<br />

le début des provocations<br />

d’Achiary, un sous-préfet inconditionnel<br />

de la colonisation, lorsqu’il<br />

avait précédé à l’arrestation<br />

de Abdelmalek Ouartsi, responsable<br />

à Guelma du PPA et<br />

des Amis du manifeste pour les<br />

libertés (AML). Agissant sous<br />

la couverture des AML, raconte<br />

encore Benhamla, un rescapé<br />

des massacres du 8 mai 1945, le<br />

PPA était en réalité le principal<br />

organisateur des manifestations<br />

du 1 er mai à Guelma. Il y avait<br />

comme une odeur de poudre<br />

en l’air, selon ce témoin, car<br />

selon ses précisions, Archiary<br />

avait commencé à armer les ultras<br />

(milices civiles) dès le 16<br />

avril 1945. <strong>La</strong> répression sanglante<br />

commença à Guelma dès<br />

le 8 mai 1945 à 16 heures, se<br />

rappelle Benhamla. Le crime<br />

était préparé, depuis au moins<br />

un mois, selon le témoignage<br />

de ce militant de Guelma du<br />

PPA. Les gendarmes armés se<br />

tenaient déjà devant les manifestants,<br />

agissant sous les ordres<br />

d’Achiary qui se tenait derrière<br />

eux. <strong>La</strong> première victime fut le<br />

martyr Boumaza qu’une balle<br />

atteignit, dès les premiers coups<br />

de feu. <strong>La</strong> suite est connue : des<br />

milliers de morts. Une véritable<br />

boucherie perpétrée sous les<br />

ordres du sinistre Achiary. Les<br />

colons continuaient à semer la<br />

mort, au-delà du 8 mai 1945.<br />

Benhamla raconte que dès le<br />

début de la deuxième semaine<br />

du mois de mai, les autorités coloniales<br />

distribuèrent des armes<br />

dans les casernes militaires. Le<br />

10 mai, selon lui, neuf personnes<br />

furent froidement exécutées<br />

dans la caserne, parmi eux le<br />

fils du kadi de la ville qui fut fusillé<br />

devant son père. Benhamla<br />

garde l’image d’un enseignant<br />

ultra qui fut d’une sauvagerie<br />

inouie, raconte-il. Il fut derrière<br />

les exécutions sommaires d’Algériens<br />

venus de plusieurs régions<br />

en plein ville de Guelma.<br />

Cet enseignant sanguinaire opérait,<br />

selon Sassi, en faisant exécuter<br />

des Algériens qu’il avait<br />

auparavant listés. Dans son<br />

œuvre macabre, il prenait le soin<br />

de mettre sur sa liste macabre<br />

les noms de ses anciens élèves.<br />

A partir du 11 mai, Guelma était<br />

un véritable terrain de chasse à<br />

l’homme. Benhamla raconte que<br />

du renseignement au profit de l'ALN dans<br />

la région de Mostaganem durant la<br />

guerre d'Algérie. Ce nombre émane de<br />

l'armée française dont les communications<br />

sont interceptées quotidiennement<br />

par les cellules de renseignements de<br />

l'ALN. «Nous interceptons quotidiennement<br />

les communications de la gendarmerie,<br />

de l'armée et de la police françaises»,<br />

révèle Yazid Zerhouni pour appuyer<br />

la véracité de ses statistiques<br />

relatives à la population algérienne barricadée<br />

dans les campements de l'armée<br />

coloniale. «Nous avons des informations<br />

sur l'armée coloniale en temps réel»,<br />

s'enorgueillit Yazid Zerhouni. Ces campements<br />

dans des zones faciles à surveiller<br />

obéissent à une logique militaire française.<br />

Elle vise à contrecarrer la Révolution<br />

algérienne, en séparant la population<br />

des moudjahidine. «Pour tuer un poisson,<br />

il suffit de retirer l'eau où il vit.<br />

Pour tuer l'action des moudjahidine, il<br />

faut les séparer de sa population», explique<br />

Yazid Zerhouni. L'orateur est revenu<br />

ensuite sur la nécessité de relire les<br />

ouvrages écrits par des historiens étran-<br />

<strong>La</strong> NR 4371 - Jeudi 5 juillet 2012<br />

20<br />

Saci Benhamla raconte les massacres du 8 mai 1945 à Guelma<br />

Achiary et les milices civiles étaient derrière l’horreur<br />

ZERHOUNI APPORTE SON TÉMOIGNAGE SUR LA RÉVOLUTION<br />

3,5 millions d'Algériens ont vécu dans des campements<br />

les milices avaient d’abord libéré<br />

les prisonniers et fait sortir<br />

les malades des hôpitaux<br />

avant de les exécuter en plein<br />

ville. Ce fut une boucherie indescriptible,<br />

se souvint encore<br />

l’un des derniers témoins du<br />

massacre de Guelma. Il se rappelle<br />

également la carrière de<br />

pierre, appelée carrière Tive.<br />

C’est là que les milices acheminaient<br />

des Algériens arrêtés<br />

dans les localités, villages et<br />

douars environnants, et les<br />

achevaient froidement. Les dépouilles<br />

étaient jetées dans des<br />

fosses profondes avant qu’elles<br />

ne soient brûlées. Les habitants<br />

de Guelma sentaient l’odeur de<br />

la chair brûlée, se remémore encore<br />

ce témoin de l’horreur perpétré<br />

par le colonialisme contre<br />

des civils sans armes à Guelma<br />

quelque temps seulement après<br />

la libération de Paris de l’occupation<br />

nazie.L’imagination meurtrière<br />

des milices sanguinaires<br />

fut poussée jusqu’à son paroxysme<br />

quand elles décidèrent<br />

de mettre les cadavres dans des<br />

fours à chaux du fameux Djebel<br />

El-Boumba. Elles cherchaient,<br />

raconte Benhamla, à dissimuler<br />

les traces de leur ignoble<br />

crime, à la veille de la venue de<br />

la mission d’enquête à Guelma<br />

(commission Tubert). Près de<br />

12 000 Algériens furent froidement<br />

exécutés à Guelma, lors<br />

de ces évènements qui ensanglantèrent<br />

l’Algérie. Ces massacres<br />

furent aussi le véritable<br />

déclencheur d’une colère qui<br />

s’étendra sur l’ensemble du territoire<br />

national. Ce fut le 1 er novembre<br />

1954, une révolution populaire<br />

pour l’indépendance, au<br />

cours de laquelle Guelma la martyre<br />

fut une haute place du combat<br />

libérateur du peuple algérien.<br />

gers, notamment français. Dont des<br />

contre-vérités sont prises pour des faits<br />

réels et admis par tous. «J'espère que<br />

les historiens algériens se pencheront<br />

davantage sur cet épisode colonial», souhaite<br />

Yazid Zerhouni lequel conseillera<br />

aux «jeunes chercheurs algériens la maîtrise<br />

de la langue française pour mieux<br />

comprendre le contenu des archives de<br />

l'armée française. En paraphrasant Kateb<br />

Yacine, «la langue française est un butin<br />

de guerre». Sur le contexte de contre-vérité<br />

qui se résume à «l'inexistence de<br />

l'Etat algérien» avant la colonisation,<br />

Yazid Zerhouni s'inscrit en faux et réfute<br />

«ces mensonges» pris pour une vérité<br />

absolue. Si on parle de la naissance d'un<br />

Etat algérien, «il faut placer cette problématique<br />

dans le contexte de<br />

l'époque», affirme l'intervenant en citant<br />

l'Italie et l'Allemagne. «L'Etat allemand a<br />

été fondé en 1870. L'unification de l'Italie<br />

a eu lieu en 1830», alors que «le roi Massinissa<br />

a unifié le pays et les peuples<br />

d'Afrique du Nord depuis l'Atlas jusqu'en<br />

Egypte, avant l'ère chrétienne».<br />

Mahmoud Chaal


5 <strong>Juillet</strong><br />

Ainsi commence l’année 1958<br />

De la IV e à la V e <strong>République</strong><br />

, Enlisée dans la<br />

guerre d’Algérie, la<br />

IV e <strong>République</strong> succombe<br />

à la crise du<br />

13 mai 1958 qui crée<br />

les conditions du retour<br />

au pouvoir du<br />

général de Gaulle.<br />

«13 mai 1958» À Alger, une<br />

manifestation à la mémoire<br />

de trois prisonniers<br />

français exécutés par le<br />

Front de libération nationale<br />

( FLN ) tourne à<br />

l’émeute.<br />

Un comité présidé par le<br />

général Massu, exige la<br />

formation d’un gouvernement<br />

de salut public.<br />

13 et 14 mai 1958:<br />

À Paris, Pierre Pflimlin,<br />

partisan de réformes libérales<br />

en Algérie, est investi<br />

à la tête d’un gouvernement<br />

de centre-droit qui<br />

est dénoncé par les activistes<br />

algérois comme un<br />

«gouvernement d’abandon».<br />

15 mai 1958:<br />

À Alger, le général Salan,<br />

détenteur des pouvoirs civils<br />

et militaires, s’adresse<br />

à la foule place du Forum<br />

et achève son allocution<br />

en criant :<br />

« Vive de Gaulle ».<br />

À Paris, communiqué du<br />

général de Gaulle : « Je me<br />

tiens prêt à assumer les<br />

pouvoirs de la <strong>République</strong>».<br />

- 24 mai 1958 - Opération<br />

résurrection en Corse, des<br />

parachutistes venus d’Alger<br />

prennent le contrôle<br />

De Gaulle à Alger en 1958. (Photo > D. R.)<br />

de l’île qui passe à la dissidence.<br />

?<br />

27 mai 1958 : Communiqué<br />

du général de Gaulle :<br />

«J’ai entamé le processus<br />

régulier nécessaire à l’établissement<br />

d’un gouvernement<br />

républicain».<br />

- 28 mai 1958: À Paris, démission<br />

du gouvernement<br />

Pflimlin et manifestation<br />

pour la défense de la <strong>République</strong>.<br />

- 29 mai 1958 : Message au<br />

Parlement du président<br />

de la <strong>République</strong> René<br />

Coty annonçant sa déci-<br />

sion de faire appel «au<br />

plus illustre des Français<br />

». De Gaulle reçu à l’Élysée.<br />

1 er et 2 juin 1958 : De<br />

Gaulle est investi à la tête<br />

du dernier gouvernement<br />

de la IV <strong>République</strong> et reçoit<br />

les pleins pouvoirs<br />

avec mission de préparer<br />

une nouvelle constitution.<br />

- 4 juin 1958: Premier<br />

voyage du général de<br />

Gaulle en Algérie: «Je vous<br />

ai compris».<br />

4 Septembre 1958:<br />

De Gaulle présente solennellement<br />

le projet de<br />

<strong>La</strong> fin de la guerre d’Algérie<br />

(1958 / 1962)<br />

- L'émeute algéroise du 13 Mai<br />

1958, entraîne la chute de la 4°<br />

<strong>République</strong>.<br />

-Le Général De Gaulle impose<br />

à l'armée et aux Européens l'indépendance<br />

de l'Algérie. Résolu<br />

à résoudre de manière<br />

pragmatique le problème algérien,<br />

le Général doit tenir<br />

compte des circonstances qui<br />

vont le conduire progressivement<br />

à l'idée de l'indépendance<br />

algérienne:<br />

<strong>La</strong> détermination du FLN qui<br />

forme un Gouvernement provisoire<br />

de la république Algérienne<br />

(GPRA) Le désaveu de<br />

l'opinion internationale. <strong>La</strong> lassitude<br />

des Français devant ce<br />

conflit interminable. Une série<br />

de discours jalonne sa propre<br />

évolution et prépare progressivement<br />

l'opinion à l'indépendance<br />

algérienne.<br />

En Septembre 1958, De Gaulle<br />

propose en vain au FLN une<br />

reddition honorable, la "Paix<br />

des Braves". En Septembre<br />

1959, il franchit une étape dé-<br />

cisive en reconnaissant aux algériens<br />

le droit à l'autodétermination.<br />

Puis il évoquera successivement<br />

" L'Algérie algérienne",<br />

un "Etat algérien<br />

souverain". Dés 1960, il entame<br />

avec le FLN des pourparlers<br />

qui aboutissent, le 18 Mars<br />

1962, aux accords d'Evian, reconnaissant<br />

l'indépendance<br />

de l'Algérie.<br />

- Les Européens et l'armée, qui<br />

ont porté De Gaulle au pouvoir,<br />

ont le sentiment d'une<br />

trahison. Ils rêvent d'un nouveau<br />

13 Mai qui le chasserait<br />

du pouvoir. En Janvier 1960,les<br />

activistes d'Alger déclenchent<br />

une semaine d'émeute, la "semaine<br />

des barricades". En<br />

Avril 1961, quatre Généraux<br />

(Challe, Salan, Jouhaud et Zeller<br />

- les deux premiers étant<br />

d'anciens commandants en<br />

chef d’Algérie) provoquent un<br />

Putsch qui échoue devant le<br />

refus des soldats du contingent<br />

de suivre les officiers rebelles<br />

et devant la fermeté du<br />

Constitution, place de la<br />

<strong>République</strong> à Paris. - 28<br />

septembre 1958: <strong>La</strong> nouvelle<br />

Constitution est<br />

adoptée par référendum<br />

( près de 80 % de OUI ).<br />

3 octobre 1958:<br />

À Constantine, de Gaulle<br />

annonce un ambitieux<br />

programme de réformes<br />

en faveur des Musulmans<br />

d’Algérie.<br />

23 et 30 novembre 1958:<br />

Premières élections légis<br />

latives de la V <strong>République</strong>,<br />

au scrutin majoritaire à<br />

deux tours.<br />

Chef de l'Etat. Désormais, les<br />

activistes se retrouvent dans<br />

l'Organisation armée secrète<br />

(OAS): par une série d'attentats<br />

en Métropole et en Algérie,<br />

celle-ci s'efforce de rendre impossible<br />

tout accord avec le<br />

FLN, puis une fois celui-ci acquis,<br />

d'en empêcher l'application.<br />

- 700 000 Européens doivent<br />

quitter avec déchirement l'Algérie.<br />

L’action de l'OAS aboutissant<br />

en effet à rendre impossible<br />

la cohabitation des<br />

deux communautés européenne<br />

et musulmane, ils<br />

abandonnent une terre sur laquelle<br />

ils sont nés et laissent<br />

leurs biens, pour affronter un<br />

difficile reclassement en Métropole.<br />

Quant à l'OAS, elle<br />

tente à diverses reprises d'assassiner<br />

le Général De Gaulle:<br />

le 22 Août 1962, celui-ci<br />

n'échappe à la mort que de<br />

justesse lors de l'attentat du<br />

petit Clamart, prés de Paris.<br />

Eric Le Barbu<br />

21 décembre 1958 :<br />

Le général de Gaulle est<br />

élu président de la <strong>République</strong>.<br />

Le 31 mai 1958, le dernier<br />

président<br />

De la IV e <strong>République</strong>, René<br />

Coty, raccompagne sur les<br />

marches de l’Élysée,<br />

Charles De Gaulle qui est<br />

venu lui confirmer qu’il<br />

acceptait de former un<br />

gouvernement et qui sera<br />

bientôt le premier président<br />

de la Vème <strong>République</strong>.<br />

<strong>La</strong> NR 4371 - Jeudi 5 juillet 2012<br />

21<br />

Après<br />

la colonisation<br />

militaire,<br />

la colonisation<br />

agricole<br />

Par arrêté du 18 avril<br />

1840/1851 le maréchal<br />

Bugeaud fait consacrer<br />

la concession gratuite<br />

des terres. Le peuplement<br />

par un peu plus de<br />

cent milles colons des<br />

meilleures terres est fait<br />

sous réserve que ces<br />

nouveaux propriétaires y<br />

résident en permanence.<br />

Les crédits nécessaires<br />

à la mise en<br />

valeur des terres sont<br />

attribués avec des documents<br />

de propriété immédiate<br />

et transmissible<br />

( maréchal Randon décret<br />

1851).<br />

De 1872 à 1878 les français<br />

vont s’inspirer de la<br />

loi américaine du « homestead<br />

» en établissant<br />

le principe de l’attribution<br />

gratuite sous<br />

condition de résidence<br />

deux à trois ans. Cette<br />

loi va accélérer considérablement<br />

l’arrivée de<br />

nouveaux colons.<br />

On comptait 207 615 cultivateurs<br />

européens en<br />

1888 contre 3 254 724<br />

cultivateurs algériens<br />

qui ne possédaient plus<br />

que des terres rocailleuses<br />

ou très mal irriguées.<br />

Beaucoup de<br />

Lorrains Alsaciens se<br />

sont fixés en Algérie.<br />

Tous les résistants Kabyles<br />

se sont vus confisquer<br />

leurs terres, notamment<br />

en Petite Kabylie<br />

et en Grande<br />

Kabylie à cette époque.<br />

<strong>La</strong> guerre d'Algérie est un facteur<br />

de déstabilisation économique<br />

C'est un gouffre financier qui relance<br />

l'inflation, creuse le déficit<br />

budgétaire, détériore la balance<br />

commerciale, épuise les ressources<br />

en devises. Dès 1957, il<br />

faut freiner l'expansion et renoncer<br />

aux dépenses sociales. Par<br />

ailleurs, le conflit algérien provoque<br />

une profonde crise morale:<br />

des intellectuels, des étudiants,<br />

des jeunes, des représentants<br />

des Eglises réclament la fin<br />

d'une guerre conduite contre les<br />

aspirations nationales d'un<br />

peuple et protestent contre l'utilisation<br />

de la torture. Enfin, la<br />

Guerre d'Algérie fait éclater la majorité<br />

de Gauche, victorieuse aux<br />

élections de 1956, et paralyse le<br />

pouvoir. Une partie de la majorité<br />

rejette en effet la politique<br />

du gouvernement de Guy Mollet.<br />

Les ministères qui se succèdent<br />

en 1957 - 1958 cherchent une solution<br />

politique à la crise algérienne,<br />

mais sans oser le dire, car<br />

ils manquent d'autorité pour l'imposer<br />

au Parlement, aux Européens<br />

d'Algérie et à l'armée. Le<br />

pouvoir est paralysé et la guerre<br />

débouche sur une crise de régime.<br />

Mais l'Algérie française<br />

trouve aussi des défenseurs chez<br />

les intellectuels de gauche. Pour<br />

une partie des socialistes qui suivent<br />

leur secrétaire général, Guy<br />

Mollet, pour des intellectuels<br />

comme l'ethnologue Albert Bayet,<br />

l'indépendance algérienne constituerait<br />

un renoncement à l'œuvre<br />

civilisatrice de la France qui a implanté<br />

en Algérie le progrès, la<br />

laïcité, les droits de l'Homme et<br />

qui abandonnerait la population<br />

algérienne à un islam réactionnaire,<br />

clérical, rétrograde. Certains<br />

intellectuels de droite se radicalisent<br />

à partir de 1960. On retrouve<br />

de nombreux professeurs<br />

et écrivains au colloque de Vincennes<br />

de juin 1960 qui rassemble<br />

les partisans de l'Algérie française<br />

ou parmi les signataires en octobre<br />

1960, du «Manifeste des intellectuels<br />

français» qui dénonce<br />

les «121» comme des «professeurs<br />

de trahison». Enfin, quelques-unes<br />

appuieront l'OAS tout en réprouvant<br />

les attentats sanglants organisés<br />

par celle ci.


5 <strong>Juillet</strong><br />

Les 13 e Assises de Taza<br />

Place forte de l'Emir Abd-El-Kader<br />

, <strong>La</strong> wilaya de Tissemsilt<br />

organise en collaboration<br />

avec la direction de la culture<br />

et la fondation de<br />

l'Emir Abd-El-Kader, sous<br />

l’égide de la ministre de la<br />

Culture, du 3 au 5 juillet de<br />

chaque année, les 13 es Assises<br />

de la ville de Taza, relevant<br />

de la commune de<br />

Bordj Emir Abd-Elkader.<br />

S'insérant dans le cadre de la célébration<br />

du 50 e anniversaire de<br />

l'Indépendance, cette manifestation<br />

sera consacrée à l’exploit<br />

de plusieurs activités dont le colloque<br />

du fondateur de l'État algérien<br />

moderne, treizième du genre<br />

sur l'Emir Abd El Kader dont la<br />

ville, considérée comme la forteresse<br />

de l'Emir, porte le nom de<br />

Taza. Les valeurs de la tolérance<br />

chez l’Emir Abd-El-Kader seront<br />

abordées aux «13 es assises de<br />

Taza», prévues ce mardi dernier<br />

dans la commune de Bordj Emir<br />

Abd- El-Kader (Tissemsilt). Ces<br />

assises, organisées chaque année<br />

pour commémorer un événement<br />

historique important ayant trait à<br />

la résistance populaire algérienne<br />

contre l'occupation française, traiteront<br />

cette fois-ci du conseil de<br />

la Choura, tenu à la citadelle de<br />

Taza le 3 juillet 1839, où l’Emir annonça<br />

à nouveau le jihad suite à<br />

la violation par les forces coloniales<br />

du Traité de Tafna. De nombreux<br />

chercheurs et spécialistes<br />

en archéologie, histoire et<br />

sciences politiques traiteront, lors<br />

de cette rencontre, du parcours<br />

militant de l'Emir Abd- El- Kader et<br />

de sa pensée prônant la paix, la réconciliation<br />

et la tolérance, a souligné<br />

le président de l'association<br />

«Taza» d’archéologie et du patrimoine,<br />

Ahmed Chelghoum. Ces<br />

assises de trois jours s'inscrivent<br />

dans le cadre de la célébration<br />

du cinquantième anniversaire du<br />

recouvrement de l'Indépendance<br />

nationale. Co-organisée par l'association<br />

d’archéologie et du patrimoine<br />

de Taza et la direction de la<br />

culture, cette rencontre sera mise<br />

à profit par le Dr Azzedine Bouyahiaoui,<br />

spécialiste en archéologie<br />

de l'université d'Alger pour présenter<br />

les résultats des fouilles<br />

effectuées au cours des dix dernières<br />

années sur le site archéologique<br />

de la citadelle de l'Emir<br />

Abd El-Kader à Taza. Les organisateurs<br />

ont également programmé<br />

plusieurs activités culturelles et<br />

sportives, dont des «portes ouvertes»<br />

au musée de Bordj Emir<br />

Abd-El-Kader et des expositions<br />

de photos sur les réalisations et<br />

les acquis de l'Indépendance, ainsi<br />

que des représentations folkloriques<br />

de différents genres artistiques:<br />

kabyle, chaoui, oranais et<br />

sahraoui.En plus de tournois de<br />

football, de volley-ball et de handball,<br />

des récitals poétiques et des<br />

ateliers scientifiques sur l’archéologie<br />

seront animés par des associations<br />

versées dans l’histoire<br />

et le patrimoine culturel. Entre<br />

autres des conférences seront<br />

présentées lors de ces assises.<br />

L'objectif de cette rencontre, a indiqué<br />

le président de l'association<br />

archéologique et du patrimoine<br />

de la ville de Bordj Emir<br />

,Il est réputé pour son franc-parler et sa droiture, admirateur<br />

de l’Algérie Libre dès son plus jeune âge et séduit<br />

par la lecture de tout ce qui se rapporte à l’histoire<br />

de l’Algérie, c’est pour défendre un idéal de justice et<br />

d’égalité que Ami Mohamed Khiar entrera en résistance<br />

contre le colonialisme français.<br />

Né en 1936 dans le quartier populaire Djebbès, 1er Novembre<br />

actuellement, dans une famille de modestes<br />

gens, dès l’âge de 18 ans suite à un massacre perpétué<br />

par l’armée française dans la ville de Bordj Bou Arreridj,<br />

où 10 Moudjahidine ont été tués, Ami Mohamed,<br />

puisque tous l’appellent ainsi, décide non pas d’émigré<br />

en France mais de lutter contre la France. « J’avais 18<br />

ans et ma mère venait de me signer l’autorisation d’immigré<br />

en France mais à la vue de ce massacre j’ai brulé<br />

Le traité de la Tafna qui fut par la suite bafoué par le colonisateur. (Photo > D. R.)<br />

Abd-El-Kader (Taza), de mettre<br />

en évidence les exploits et les<br />

œuvres du chef de la résistance<br />

populaire contre le colonisateur<br />

français sur le plan politique, littéraire<br />

et religieux, le but étant<br />

également a-t-il ajouté, de donner<br />

la lumière sur l'histoire de la région<br />

et son site archéologique, à<br />

savoir la citadelle de l’Émir Abd-<br />

El-Kader connu sous le nom de<br />

Taza Le bastion de «Taza», édifié<br />

en juin 1838 par le khalifa de Miliana,<br />

Mohamed Ben Allal sur<br />

ordre de l’Emir Abd-El-Kader, comprenait<br />

plusieurs édifices de type<br />

militaire adaptés aux conditions<br />

de guerre de cette époque, notamment<br />

la citadelle, les usines<br />

militaires, les entrepôts, la prison,<br />

l’écurie et la boulangerie. <strong>La</strong><br />

même source a souligné que l’organisation<br />

de ces assises, qui<br />

s’étaleront jusqu’au 5 juillet, coïncide<br />

avec la commémoration d’un<br />

événement historique ayant trait<br />

à la résistance populaire algé-<br />

rienne contre le colonialisme français<br />

qui est la tenue du Conseil de<br />

la choura à la citadelle de «Taza»<br />

un 3 juillet 1839, où l’Emir Abd-Elk-<br />

Kader avait annoncé de nouveau<br />

le jihad en réplique au désavouement<br />

du Traité «Tafna» par le colonisateur.<br />

Le programme élaboré<br />

pour ces assises prévoit des<br />

conférences abordant «Les traités<br />

de paix entre le président de<br />

la <strong>République</strong> de l’époque et<br />

l’Emir Abd-El-Kader» et «<strong>La</strong> résistance<br />

nationale chez l’Emir»,<br />

«L’originalité chez l’Emir Abd-El-<br />

Kader, l’habit comme modèle», en<br />

plus de sujets traitant de l’identité<br />

nationale et de la lutte contre le<br />

trafic d’objets antiquaires, selon<br />

la même source. Lors de cette<br />

rencontre, le Dr. Azzedine Bouyahiaoui,<br />

professeur d’archéologie à<br />

l’Université de Bouzaréah (Alger),<br />

animera une communication où<br />

il présentera les résultats des<br />

fouilles effectuées l’an dernier au<br />

niveau du site archéologique du<br />

Portrait d’un révolutionnaire<br />

Ammi Mohamed Khiar<br />

les papiers et je me suis engagé comme Fidie dans la révolution<br />

algérienne », se rappela-t-il. Son portrait révèle<br />

la personnalité exemplaire d’un algérien citoyen qui<br />

consacra toute son énergie à la Révolution et à l’Algérie.<br />

Notre interlocuteur n’aime pas trop parler de sa personne,<br />

néanmoins il nous accorde une courte discussion,<br />

mais qui en dit long sur sa longue vie. « J'ai accepté<br />

d'être avec eux, en abandonnant tout mes projets<br />

pour la juste cause dira-t-il en substance. En 1956,<br />

j’étais obligé de quitter Bordj Bou Arreridj parce qu’on<br />

vient de découvrir notre groupe. Je rejoins le maquis à<br />

1ere wilaya ensuite la 3ème jusqu’à 1962, ensuite j’ai<br />

travaillé au sein l’ANP jusqu’à 1983 », dira-t-il fièrement.<br />

Sa modestie nous laisse quelque peu avide d’en savoir<br />

<strong>La</strong> NR 4371 - Jeudi 5 juillet 2012<br />

22<br />

bastion de l’Emir Abd-El-Kader<br />

connu sous le nom de «Taza», implanté<br />

dans la commune de Bordj-<br />

Emir Abd-El-Kader. Les participants,<br />

a-t-il précisé, aborderont<br />

entre autres thèmes «<strong>La</strong> personnalité<br />

de l’Emir Abd-El-Kader pendant<br />

sa lutte contre le colonisateur»,<br />

«Synthèse d’un livre sur le<br />

fondateur de l’Etat algérien», et<br />

«Le rôle des monuments dans la<br />

promotion de la coexistence entre<br />

les peuples». Un concours national<br />

de la meilleure Toile exprimant<br />

la paix, des tables rondes,<br />

des tournois sportifs, des portes<br />

ouvertes sur le musée communal,<br />

une exposition des arts traditionnels,<br />

des récitals poétiques,<br />

des soirées artistiques et une visite<br />

touristique au site archéologique<br />

précité, figurent également<br />

au programme. Les organisateurs<br />

de cette assise et les participants,<br />

notamment la nouvelle génération,<br />

revivre le rôle joué par l’Émir<br />

Abd-El-Kader. Par ailleurs, sur le<br />

site de Taza, où l’Émir Abd-El-<br />

Kader a tenu son dernier conseil<br />

de guerre le 3 juillet 1839 a pris<br />

une importance aussi grande que<br />

Tagdempt, Boughar, Mascara et<br />

Saïda. Pour les spécialistes de<br />

l'histoire, le Traité de la Tafna<br />

sanctionne la première phase de<br />

la stratégie militaire de l’Émir Abd-<br />

El-Kader considérant le paraphe<br />

par l’Émir Abd-El-Kader de ce document<br />

comme l'expression de<br />

la haute maîtrise du jeune Emir,<br />

âgé de 25 ans (30 mai 1837). Il<br />

s'agit, indique-t-on, d'un document<br />

original qui n'a été divulgué qu'en<br />

1950 par un chercheur français,<br />

Marcel Emmuari.<br />

L’Émir Abd-El-Kader devrait<br />

constituer un exemple pour les<br />

jeunes d'aujourd'hui de par ses<br />

comportements et ses écrits entre<br />

la tradition et la modernité de ses<br />

conceptions politiques et militaires.<br />

Par ailleurs, la création de<br />

la citadelle à Taza, exprimait la<br />

vue éclairée du fondateur de l'État<br />

algérien moderne. Cette même<br />

maîtrise que l’Émir Abd-El-Kader<br />

Ibn Mahieddine avait démontré<br />

sur le terrain durant les batailles<br />

de Khang Netah en 1833 et de la<br />

Macta en 1835.<br />

Abed Meghit<br />

plus. Il se contente d’ailleurs d’effleurer son parcours<br />

de moudjahid ; ses actions et ses performances, ils les<br />

résument d’ailleurs en quelques mots : « Tout ce que<br />

nous avons fait c’est peu devant ce que le peuple a<br />

donné », dira-t-il « Sans lui, rien n’aurait été fait ou<br />

gagné », ajoute-t-il.<br />

Ami Mohamed profite de notre présence pour lancer un<br />

appel à la direction de l’éducation d’intégrer dans ses<br />

cours d’histoire ou d’éducation civique des conférences<br />

avec des Moudjahidines pour donner aux jeunes<br />

un témoignage vivant et réel de notre révolution.<br />

L’autre point sur lequel notre interlocuteur insiste est<br />

celui d’inculquer aux jeunes la notion de nationalisme,<br />

de l’amour de la patrie et surtout la vérité et la liberté.<br />

S.-K. B.


NR<br />

LA<br />

LA NOUVELLE RÉPUBLIQUE<br />

, Krim Belkacem est un des<br />

grands noms de la Révolution<br />

du 1 er Novembre 1954. Un nom<br />

associé aux plus grands<br />

événements de l’histoire de la<br />

guerre de Libération.<br />

Chef historique, surnommé le lion<br />

des djebels par les soldats français,<br />

Krim Belkacem est né le 15 décembre<br />

1922 à Aït Yahia Moussa,<br />

dans la daïra de Drâa El Mizan,<br />

dans la wilaya de Tizi-Ouzou. Fils de<br />

caïd, il fréquente l’école Sarrouy à<br />

Alger où il obtient son certificat<br />

d’études. Le 21 août 1942, il s’engage<br />

aux chantiers de la jeunesse<br />

à <strong>La</strong>ghouat. Inquiet des idées nationalistes<br />

de son fils, son père accélère<br />

son passage sous les drapeaux<br />

et le fait entrer dans l’armée. Le<br />

jeune homme devient un excellent<br />

tireur et, en novembre 1944, il est<br />

nommé caporal-chef au 1 er régiment<br />

de tirailleurs algériens. Une<br />

année plus tard, il est démobilisé.<br />

Ce sera le retour au village natal, auprès<br />

des siens. Il occupe alors le<br />

poste de secrétaire auxiliaire de la<br />

commune. Krim Belkacem adhère<br />

ensuite au PPA et commence à implanter<br />

des cellules clandestines<br />

dans les villages environnants. Inquiètes<br />

de cette influence qu’il<br />

commence à avoir sur la population,<br />

les autorités françaises le<br />

convoquent le 23 mars 1947 au<br />

motif d’«atteinte à la souveraineté<br />

de l’Etat». Prenant d’abord l’avis<br />

du PPA, Krim Belkacem choisit de<br />

prendre le maquis, sous le nom de<br />

Si Rabah. Des menaces et des pressions<br />

sont exercées sur son père<br />

afin qu’il livre son fils mais il refuse<br />

d’abdiquer. En guise de représailles,<br />

Krim Belkacem dresse une<br />

embuscade contre le caïd qui n’est<br />

autre que son cousin et le gardechampêtre.<br />

Ce dernier est tué sur<br />

le coup. Il est alors jugé en 1947 et<br />

1950 pour différents crimes et<br />

condamné à mort par contumace.<br />

Désigné responsable du PPA-MTLD<br />

pour toute la Kabylie et, à la tête<br />

d’un état-major composé de 22 maquisards,<br />

il multiplie les contacts<br />

avec les militants et la population,<br />

réussissant l’exploit de faire enrôler<br />

dans son maquis quelque 500<br />

éléments et ce, à la veille du 1 er novembre<br />

1954. Il a pour proche collaborateur<br />

Amar Ouamrane. Le 9<br />

juin 1954, Krim Belkacem rencontre,<br />

à Alger, Mostefa Ben Boulaïd,<br />

ainsi que Mohamed Boudiaf et<br />

Didouche Mourad. Ces derniers<br />

font tout pour le convaincre de la<br />

nécessité d’une troisième force.<br />

Toutefois, Krim ne rompt pas avec<br />

les messalistes vu que deux de ses<br />

représentants, en l’occurrence Ali<br />

Zamoum et Aït Abdesslam, participent<br />

en juillet 1954 au congrès<br />

d’Hornu en Belgique. Un accord<br />

est finalement passé avec les cinq<br />

responsables du «groupe des 22».<br />

Krim Belkacem et la délégation algérienne à Evian. (Photo > D. R.)<br />

Il rompt avec Messali Hadj en août<br />

1954, sans en informer les militants.<br />

En devenant le 6 e membre de<br />

la direction du FLN (les six chefs<br />

historiques), Krim est le responsable<br />

de la zone de Kabylie. Il encourage<br />

alors Abane Ramdane à<br />

accélérer les préparatifs de la réunion-bilan<br />

afin de doter la Révolution<br />

d’un programme et d’une<br />

structure cohérents : le congrès<br />

de la Soummam se tient le 20 août<br />

1956. Au terme de cette réunion,<br />

Krim devient l’un des membres les<br />

plus influents du Conseil national<br />

de la révolution algérienne (CNRA)<br />

et du Comité de coordination et<br />

d’exécution (CEE). S’installant avec<br />

ce dernier à Alger, il suit néanmoins<br />

de près le fonctionnement de sa wilaya.<br />

A l’automne 1956, les services<br />

secrets français lancent l’opéra-<br />

5 <strong>Juillet</strong><br />

Figure de la Révolution<br />

Krim Belkacem : lion aux djebels, renard à Evian<br />

tion «Oiseau bleu» aux fins de lutter<br />

contre Krim et ses hommes.<br />

300 volontaires sont recrutés pour<br />

former ce «contre-maquis», munis<br />

d’armes et de munitions. Pourtant,<br />

Mehlal Said, Zaidet Ahmed, Omar<br />

Toumi, Makhlouf Said et Hammadi<br />

parviennent à déjouer cette opération<br />

et à la tourner à leur avantage.<br />

Face à cette humiliation, 10 000<br />

soldats français investissent les<br />

maquis dans l’espoir d’anéantir les<br />

hommes de la «Force K» (Oiseau<br />

bleu) mais ils essuient un second<br />

camouflet car tous ont déjà rejoint<br />

les rangs de Krim Belkacem, emportant<br />

avec eux plus de 250 fusils<br />

de guerre.<br />

Création de la Zone autonome<br />

d’Alger<br />

Vers novembre-décembre 1956,<br />

Krim Belkacem a pour mission de<br />

créer, avec ses compagnons du<br />

CCE, à savoir Abane Ramdane,<br />

<strong>La</strong>rbi Ben M’Hidi et Benyoucef Benkhedda,<br />

la Zone autonome d’Alger<br />

(ZAA) afin de superviser la guérilla<br />

urbaine dans l’Algérois. Il s’attribue<br />

les liaisons avec toutes les<br />

wilayas, ce qui fait de lui le chef<br />

d’état-major de la zone algéroise et<br />

le stratège de la lutte armée. Mais<br />

au cours de la bataille d’Alger, Ben<br />

M’Hidi est capturé, ce qui pousse<br />

Krim Belkacem à fuir Alger le 5<br />

mars 1957, accompagné de Ben-<br />

Désigné responsable du PPA-MTLD pour<br />

toute la Kabylie et, à la tête d’un étatmajor<br />

composé de 22 maquisards,<br />

il multiplie les contacts avec les militants<br />

et la population, réussissant l’exploit de<br />

faire enrôler dans son maquis quelque<br />

500 éléments et ce, à la veille<br />

du 1 er novembre 1954.<br />

Il a pour proche collaborateur<br />

Amar Ouamrane.<br />

khedda puis Bentobbal. Il gagne la<br />

Tunisie via les maquis. En août de<br />

la même année, le CNRA se réunit<br />

au Caire pour entériner les décisions<br />

arrêtées la veille au cours<br />

d’une réunion extraordinaire du<br />

CCE. Benkhedda et Dahlab se re-<br />

<strong>La</strong> NR 4371 – Jeudi 5 juillet 2012<br />

trouvent écartés du nouveau comité,<br />

quant à Abane, il est isolé.<br />

Krim, Bentoubbal et Boussouf<br />

constituent, dès lors, le noyau dur<br />

des chefs par lequel passent toutes<br />

les décisions. A la formation du<br />

GPRA, le 19 septembre 1958, Krim<br />

Belkacem est au faîte de sa puissance<br />

(il est vice-président et ministre<br />

des forces armées), ce qui ne<br />

plaît pas à tout le monde, d’où cette<br />

tentative de coup d’Etat fomentée<br />

par les colonels <strong>La</strong>mouri,<br />

Naouaoura et Aouacheria et qui le<br />

vise directement. Dans le deuxième<br />

GPRA (janvier 1960-août 1961),<br />

Krim garde la vice-présidence mais<br />

passe aux affaires étrangères. Enfin<br />

dans le troisième, il cumule viceprésidence<br />

et ministère de l'Intérieur,<br />

de même que c'est à lui qu'est<br />

confiée la délégation qui va négocier<br />

les accords d’Evian et dont il<br />

sera le signataire, du côté algérien.<br />

Au lendemain du cessez-le-feu, naissent<br />

des désaccords : Krim s’oppose<br />

à Ben Bella et à l’état-major général.<br />

Il se retrouve, suite à la victoire<br />

de ces derniers, écarté de la<br />

vie politique. Il se tourne momentanément<br />

vers les affaires et part<br />

s’installer en France. Il repasse<br />

dans l’opposition après le coup<br />

d’Etat du 19 juin 1965. Accusé<br />

d'avoir organisé, au mois d'avril<br />

1967, un attentat contre Boumédiene,<br />

manipulé et trahi par une<br />

partie de son entourage, il est<br />

condamné à mort par contumace.<br />

Lors d’une interview accordée au<br />

quotidien national El Moudjahid (le<br />

25 mars 1998), sa fille Karima, médecin,<br />

a déclaré que son père renonça<br />

définitivement à la politique<br />

en août 1967 : «Le 4 août 1967, il entassa<br />

précipitamment toute sa famille<br />

avec quelques effets dans la<br />

Volkswagen familiale et roula toute<br />

la nuit jusqu'au Maroc. Le lendemain,<br />

il est condamné par contumace.»<br />

Commence alors une dure<br />

vie d’exil.<br />

En 1968, il crée avec quelques amis<br />

dont Slimane Amirat, les colonels<br />

Amar Ouamrane et Mohand Oulhadj,<br />

le Mouvement pour la défense<br />

de la révolution algérienne<br />

(MDRA), parti qui active dans la<br />

clandestinité. Krim Belkacem est<br />

retrouvé mort, le 18 octobre 1970,<br />

étranglé avec sa cravate dans une<br />

chambre de l’hôtel Intercontinental<br />

à Francfort.<br />

Il avait 48 ans. Il a été enterré dans<br />

le carré musulman de la ville allemande<br />

jusqu'au 24 octobre 1984,<br />

date à laquelle, réhabilité, sa dépouille<br />

a été rapatriée. Il repose, aujourd’hui,<br />

au «Carré des Martyrs» à<br />

El-Alia, à Alger. Krim Belkacem a<br />

été, à l’époque, le plus jeune colonel<br />

au monde.<br />

Voir sur Internet<br />

www.lnr-dz.com

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