n°117 Août - Terra Modana

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NNaattuurree De Modane à Bonneval Les toxiques En Haute Maurienne, plus de trente plantes communes sont toxiques. On trouve notamment l’aconit napel, considérée comme la plus dangereuse de France. Certaines baies sont également néfastes. Belles mais dangereuses. Du laurier rose à la ciguë en passant par l’aconit tue-loup ou la… pomme*, les plantes toxiques sont partout. Certaines ne provoquent que de vagues nausées. Pour d’autres, la consommation de quelques grammes entraîne la mort. Une plante toxique (ou vénéneuse) contient des principes actifs nuisant à la santé de l’homme ou des animaux. Elle a des effets sur le corps qui peuvent entraîner la mort ou des dégâts irréversibles. La toxicité se manifeste le plus souvent par l'ingestion de certaines parties de la plante, mais parfois un simple contact peut entraîner des lésions. Bien utilisés, leurs poisons se transforment en médicaments L’homme a rapidement appris à reconnaître les plantes toxiques. A s’en méfier mais aussi à les utiliser. Parfois pour de bonnes raisons car ces plantes toxiques, lorsqu’elles sont bien employées, peuvent avoir des vertus thérapeutiques. « Une plante dite toxique n’est après tout qu’une plante médicinale très fortement dosée » affirme par exemple Gilles Hiobergary, cueilleur professionnel qui vient régulièrement en Haute Maurienne. C’est le dosage du principe actif qui soigne ou qui nuit. Mais l’homme s’est également servi de ces plantes pour des raisons bien plus sombres. Les guerriers trempaient leurs pointes de flèche dans des macérations de certaines plantes toxiques pour augmenter le pouvoir mortel de leurs armes. Les poisons issus des végétaux ont eu un certain succès jusqu’à la fin du XVII ème siècle. Les produits chimiques ont ensuite remplacé les “philtres” tirés des fleurs et des plantes. Les plantes ont développé une toxicité pour se protéger des herbivores, d’autres espèces se sont parées d’aiguilles dans le même but. Mais les intoxications chez les animaux sont rares, leur instinct les empêche de toucher aux plantes toxiques, notamment à l'aide de leur odorat ou du goût. De plus, les plantes toxiques ont parfois une odeur et un goût désagréables, des techniques supplémentaires pour décourager les herbivores. Dans les pâturages, on voit bien que les animaux font le tri. Par exemple, en Haute Maurienne certains alpages sont broutés et seuls les plants de vératre ou d’euphorbe restent intacts. Vaches ou moutons sont passés autour sans les toucher. Ainsi préservées, ces plantes vont pourvoir se développer au détriment des autres végétaux. Cependant, les poisons des plantes n’agissent pas sur tous les organismes. Par exemple, les sangliers consomment de grandes quantités de glands alors que le tanin qu'ils contiennent est néfaste pour l'homme. De même, les oiseaux ingèrent régulièrement des baies, comme celles de la belladone, qui sont hautement toxiques pour l’homme. Il est difficile de connaître avec précision le nombre de plantes toxiques présentes en France mais une centaine est répertoriée. Sans le savoir, on offre parfois des bouquets de poison. Par exemple, toutes les parties du muguet et même l'eau dans laquelle on la trempe sont très toxiques. On agrémente aussi son jardin de plantes qui peuvent être mortelles : thuya et if forment de jolies haies mais ils sont toxiques, quant à la vigne vierge, l’ingestion de ses baies peut être fatale. En Vanoise, plus de trente plantes communes sont toxiques. De belles baies aux couleurs attractives Lors de balades en montagnes ou en forêt, il est vivement conseillé de se méfier des baies et des fruits sauvages. Rien ne ressemble plus à une baie qu’une autre baie. Certaines sont comestibles et même particulièrement savoureuses. D’autres sont mortelles alors que leurs belles couleurs sont particulièrement attractives, notamment pour les petits. Un enfant habitué à manger des myrtilles ou des groseilles pourrait se laisser tenter. En cas d’ingestion de plante toxique, il faut se rapprocher dans les plus brefs délais du centre anti poison de la région (Centre anti-poison de Lyon : 04 72 11 69 11, pompiers : 18 ou 112 depuis un portable) et conserver un échantillon de la plante ingérée. Dans le cas d’un contact avec ces plantes, il est important de laver soigneusement les parties du corps contaminées, avant tout risque d’ingestion. Si le principe actif est un irritant pour la peau ou les muqueuses, il convient de procéder de même en lavant soigneusement les parties touchées. L’avis d’un médecin doit compléter tout début d’intoxication, même légère. Cependant, de simples précautions suffisent à profiter pleinement des balades dans la nature : surveiller les enfants et ne rien cueillir permet d’éviter tout souci avec ces belles plantes. Belles, mais parfois mortelles. *Ingérés en très grande quantité, les pépins de pomme sont dangereux pour l’homme. Aconit napel. L’une des plantes les plus toxiques de la flore d'Europe tempérée. Toute la plante est vénéneuse. Si elle est ingérée, cette plante entraîne une paralysie de l'appareil respiratoire précédé de vomissements, de coliques et de troubles du rythme cardiaque. La mort peut intervenir 30 à 40 minutes après l’ingestion. L’aconit napel est tellement toxique que la cueillir entraîne des dermites. En cas de coupure sur les mains, le poison peut pénétrer par simple contact. ©PNV-Christian Balais
Pierre Lacosse, garde-moniteur au Parc national de la Vanoise, présente certaines plantes toxiques que l’on peut rencontrer lors des balades en Haute Maurienne : Les aconits, les belles aux fleurs mortelles Ci-dessus, un aconit paniculé. ©PNV-Patrick Folliet Pierre Lacosse : « Les huit espèces françaises d’aconits sont toxiques. Elles ont une racine en forme de navet noir et les fleurs ont des sépales retournés en casque donnant à la plante un aspect caractéristique. Les aconits poussent dans des lieux frais et ombragés (Plan d’Amont, forêt de Montonnaz…) où ils déploient leurs belles fleurs (jaunes, bleues ou violettes) et leur grande taille (jusqu’à 1.50 m). Les aconits sont probablement les plantes les plus toxiques de France. L’aconitine est l’alcaloïde le plus présent dans la plante et 1 à 3 grs de la racine suffisent à donner la mort à un homme. » Le vératre blanc, au bout des flèches Ci-contre, prairie colonisée par le vératre au Mollard, à Bessans. ©PNV-Vincent Augé. Pierre Lacosse : « Le vératre blanc est très commun chez nous et pousse dans les mêmes endroits que la célèbre gentiane jaune à qui elle ressemble fortement. A la différence de la gentiane, à feuilles opposées, le vératre blanc a les feuilles alternes spiralées autour de la tige. Les fleurs, en longue grappe, sont d’un blanc verdâtre. Toute la plante est toxique et contient principalement de la jervine. Cet alcaloïde peut entraîner des troubles d’hypotension, des vomissements et une dépression respiratoire menant à la mort. Le vératre, utilisé en poudre sert d’insecticide. Il était utilisé dans l’antiquité pour enduire les pointes de flèches. » Le poison du vératre a une action sur le système digestif et sur la moelle épinière à l'origine de convulsions et de troubles de l'équilibre puis d'asphyxie par atteinte de l'appareil respiratoire. La jusquiame noire, la plante des grimoires Pierre Lacosse : « Plante pouvant atteindre 80 cm de haut. Elle pousse souvent dans les décombres ou les terrains riches en azote que l’on rencontre au Bourget ou à Aussois. Les feuilles sont molles, grandes, dentées et les fleurs sont jaune pâle veinées de violet. Ce n’est pas pour rien que la jusquiame est la plante des grimoires de sorcières : toute la plante est toxique. Elle contient de la hyoscyamine, de l’atropine et de la scopolamine qui peuvent entraîner divers troubles (digestifs, neuro-végétatifs), des atteintes cardiaques menant au coma et à la mort. » Le chèvrefeuille, les baies tentatrices Ci-dessus, un chèvrefeuille bleu. ©PNV-Patrick Folliet Pierre Lacosse : « Toutes les espèces de chèvrefeuilles sont toxiques. Il faut être très prudent car les fruits sont d’un beau rouge cerise ou ressemblent à des myrtilles. Les chèvrefeuilles sont des arbrisseaux à feuilles opposées poussant plutôt en forêt. Cinq espèces agrémentent nos contrées. Les troubles occasionnés sont des vomissements, diarrhées, sueurs, tachycardie menant au coma. Des cas mortels ont été mentionnés. » L’euphorbe, la plante du roi Juba Ci-contre, inflorescence d’euphorbe petit cyprès au Bois du Suffet, à Termignon. ©PNV-Nathalie Tissot. En bas, euphorbe devenue rouge à la fin de la floraison. ©PNV-Mylène Herrmann Pierre Lacosse : « 50 espèces d’euphorbes sont présentes en France. La plante doit son nom à Euphorbus, médecin du roi Juba II dans l’antiquité, cité par Pline l’ancien. Il aurait soigné son maître grâce à la plante. L’euphorbe est reconnaissable au latex blanc qui s’écoule de sa blessure et que l’on a coutume d’utiliser en soin des verrues. Les propriétés du latex sont irritantes pour la peau et purgatives. Les euphorbes sont aussi aisément reconnaissables au fait qu’elles ne sont jamais consommées par les herbivores et ornent les prés fraîchement broutés. » Ci-dessus, daphné bois-gentil (ou bois-joli) en fleur puis avec ses fruits. Les baies sont toxiques pour les mammifères mais sont mangées par de nombreux oiseaux qui permettent leur dissémination. ©PNV-Christian Balais (fleurs) et ©PNV-Frantz Storck (baies) Ci-dessus, un aconit tue-loup ©PNV-Ludovic Imberdis Le lichen des loups Pierre Lacosse : « Ce beau lichen filamenteux de couleur jaune vif pousse sur les troncs des mélèzes de l’Orgère ou de Montonnaz. C’est l’acide vulpinique qui lui donne sa belle couleur et sa toxicité. Il tient son nom des recettes employées jadis pour tuer les loups ou les renards. » Le principe toxique agirait par inhibition de la respiration, entraînant la mort.
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