L'affaire Smilodon

Texte : L'affaire Smilodon Nicolas Ancion
C'est dans l'encyclopédie que je
découvris la faille de l'ennemi.
J'avais profité d'une après-midi
ensoleillée d'automne pour bouquiner
dans le gros pouf du salon. Rien de
bien intéressant en général, à croire
que les auteurs de ces ouvrages de
référence étaient pris de compassion
pour la race féline. Un petit article
retint tout de même mon attention...
Dès que l'appartement fut plongé dans le
sommeil, je me suis faufilé jusqu'à la
Lorsque Philippe pénétra dans la
cuisine, le regard troublé par une
lourde nuit de sommeil, il dut se
pincer pour s'assurer qu'il ne rêvait pas.
Une odeur d'éther flottait dans l'air
et Smilodon, parfaitement abruti,
tournait en rond en se cognant au coin
des meubles. Le diagnostic leur parut
simple : Philippe et Isabelle devaient
se rendre à l’évidence, Smilodon était
éthéromane. Ils mirent la maladresse
du chat sur le compte des effets de
l'éther, mais il n'en était rien.
L'encyclo était formelle. Les vibrisses,
mieux connues sous le nom de
moustaches, sont indispensables dans
la vie d'un chat. Si ces poils sont
coupés, l'animal connaît de nombreux
troubles de la locomotion. Les livres
ont parfois du bon.
La contre-attaque s'était révélée
efficace sur l’ennemi : il était
***
pharmacie de la salle de bains, puis j'ai
couru à la cuisine. Un rayon de lune
glissait à travers la fenêtre entre les
pieds de la table. Le chat ronflait sur un
drap de vaisselle. Je débouchai le petit
flacon et, avant que Smilodon ait pris
la peine d'ouvrir les yeux, je l'avais
recouvert d'éther. Le drap de vaisselle
était aussi trempé que le museau.
J’avais quelques minutes de répit
devant moi je ne perdis pas une
seconde je déposai le flacon sur le sol
et j'empoignai le coupe-ongles.
solidement abruti. Par contre, les
humains ne réagirent pas comme je
l'avais prévu. Pour mon malheur, la
nouvelle imbécillité de Smilodon lui
gagna les meilleures faveurs de
Philippe et Isabelle. Pour tous deux,
l'explication s'imposait : ils avaient été
trop durs avec lui et le chat avait subi
un choc psychologique. Le rejet
affectif lui était néfaste. Ils
redoublèrent donc d'attention pour le
stupide matou. Il n'y avait désormais
plus de place que pour lui dans le lit
familial.
Il y a deux jours, ils m'ont reléguée sur
la garde-robe. Et, quand j'ai vu Smilodon
me tirer la langue en se prélassant sur la
couette, j'aurais bien bondi pour
étrangler ce chat de rage. Mais j'ai
préféré prendre mon mal en patience.
L'adversaire était sur les genoux. Je
n'aurais qu'à lancer un assaut final, bien
élaboré, pour le faire disparaître à tout
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