Analyse du comportement suicidaire sur le pont Jacques ... - Crise
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III. B. 2. Armes à feu<br />
Pour démontrer qu’une diminution dans l’accessibilité à un moyen de se suicider pouvait<br />
diminuer <strong>le</strong> taux global de suicide, Lester (1988) invoque un deuxième exemp<strong>le</strong>: celui des lois<br />
contrôlant <strong>le</strong>s armes à feu. Clarke et Lester (1989), à partir d’un ensemb<strong>le</strong> d’études, ont<br />
cependant présenté des résultats mitigés là-dessus, <strong>du</strong> moins quant à la situation bien<br />
particulière des États-Unis. Lester (1990) cite même une conférence donnée par Rich et Young<br />
(1988), <strong>le</strong>squels avançaient que, à Toronto, <strong>le</strong>s indivi<strong>du</strong>s <strong>suicidaire</strong>s auraient abandonné la<br />
méthode de l’arme à feu pour <strong>le</strong> saut en face d’une rame de métro, laissant ainsi inchangés <strong>le</strong>s<br />
taux globaux de suicide.<br />
Par delà cette conférence non documentée, une étude canadienne plus récente, cel<strong>le</strong> de<br />
Carrington et Moyer (1994), en arrive pourtant à des conclusions plus précises et plus<br />
optimistes. Ces chercheurs ont étudié l’effet de la loi canadienne (Bill C-51) qui, à partir de<br />
1978, a établi certains contrô<strong>le</strong>s <strong>sur</strong> la possession d’armes à feu. Ils ont réalisé des analyses<br />
statistiques (dites de «régression») <strong>sur</strong> <strong>le</strong>s variations régiona<strong>le</strong>s dans la possession d’armes à<br />
feu et dans <strong>le</strong>s taux de suicides, de même que des analyses de séries temporel<strong>le</strong>s interrompues<br />
(«interrupted time series»). Ces deux types d’analyses statistiques ont révélé des associations<br />
positives entre la disponibilité des armes à feu et <strong>le</strong>s taux de suicides, de même qu’aucune<br />
évidence de déplacement au niveau des moyens utilisés. Selon eux, l’accès limité à une<br />
méthode particulière de suicide avait donc un effet bénéfique <strong>sur</strong> <strong>le</strong>s taux globaux de suicide.<br />
Là-dessus, <strong>le</strong>urs conclusions concordaient avec la «théorie de la décision» déjà invoquée par<br />
Clarke et Lester (1989). Cette théorie souligne l’importance des processus cognitifs et des<br />
facteurs conjoncturels qui sont en jeu lors de la prise de décision chez <strong>le</strong>s personnes<br />
<strong>suicidaire</strong>s.<br />
Leenaars et Lester (1996) ont quant à eux observé, suite à l’application de la nouvel<strong>le</strong> loi<br />
canadienne, une diminution significative de l’utilisation d’armes à feu lors des suicides mais<br />
aussi dans la «victimisation» par homicide. Pour ce qu’il en est de la population féminine, ils<br />
n’ont observé aucun phénomène de déplacement, ce qui ne serait pas <strong>le</strong> cas, selon <strong>le</strong>ur étude,<br />
chez <strong>le</strong>s hommes. Carrington (1999) a cependant ré-analysé <strong>le</strong>s données de Leenaars et<br />
Lester, rappelant d‘abord que ces derniers n’ont compilé que <strong>le</strong>s données propres aux victimes<br />
(de suicide ou d’homicide) et non cel<strong>le</strong>s propres aux auteurs (d’homicide). Par delà cet aspect<br />
méthodologique, <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s analyses statistiques de Carrington apparaissent comme<br />
convaincantes et démontrent bien que, alors que <strong>le</strong>s suicides masculins par arme à feu<br />
déclinaient au Canada, il n’y avait pas de changement correspondant au niveau des autres<br />
méthodes utilisées. Leenars et Lester (1999), fina<strong>le</strong>ment, ne poussent pas trop loin ce débat<br />
(très) méthodologique, d’autant plus que, même s’il y avait preuve statistique d’un certain<br />
déplacement (pour <strong>le</strong>s hommes), el<strong>le</strong> ne serait pas d’un très grand ordre de grandeur.<br />
Lester (1995), à partir d’une revue <strong>sur</strong> <strong>le</strong> sujet, souligne fina<strong>le</strong>ment que <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> des armes à<br />
feu peut effectivement ré<strong>du</strong>ire <strong>le</strong> nombre de suicides (mais pas nécessairement celui des<br />
homicides) et ceci sans qu’il y ait déplacement vers d’autres moyens. Lambert et Silva (1998)<br />
rappel<strong>le</strong>nt aussi que <strong>le</strong>s indivi<strong>du</strong>s <strong>suicidaire</strong>s choisissent rarement un deuxième moyen pour se<br />
suicider, qu’ils ne chercheront pas à se procurer de façon illéga<strong>le</strong> une autre arme et que, en<br />
définitive, la crise <strong>suicidaire</strong> se sera probab<strong>le</strong>ment résorbée entre-temps.<br />
III. B. 3. Médicaments et autres substances toxiques<br />
Marc Daig<strong>le</strong> (2003). <strong>Analyse</strong> <strong>du</strong> <strong>comportement</strong> <strong>suicidaire</strong> <strong>sur</strong> <strong>le</strong> Pont <strong>Jacques</strong>-Cartier<br />
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