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Analyse du comportement suicidaire sur le pont Jacques ... - Crise

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Beautrais (2001) a plus particulièrement étudié l’effet <strong>du</strong> retrait des barrières anti-saut <strong>sur</strong> un<br />

<strong>pont</strong> Australien (non identifié par l’auteur) souvent utilisé par des patients psychiatriques<br />

<strong>suicidaire</strong>s. Il s'agissait d'un <strong>pont</strong> («overpass... above a metropolitan motorway») d'où sautaient<br />

des patients qualifiés de «schizophrènes» la plupart <strong>du</strong> temps. Il s’agit donc d’une situation bien<br />

particulière, sinon exceptionnel<strong>le</strong>, <strong>du</strong>e probab<strong>le</strong>ment à la proximité d'une unité psychiatrique qui<br />

traitait justement plusieurs indivi<strong>du</strong>s qui avaient déjà fait des tentatives de suicide.<br />

Effectivement, suite au retrait des barrières en 1996, <strong>le</strong> nombre de suicides a augmenté <strong>sur</strong> ce<br />

<strong>pont</strong> australien de 2 (pour 1994-1995) à 7 (pour 1997-1998) mais pas <strong>le</strong> nombre total de<br />

suicides par saut dans la région. À première vue, cela semb<strong>le</strong>rait donc indiquer qu’il y a eu<br />

déplacement vers <strong>le</strong> <strong>pont</strong> qui était redevenu accessib<strong>le</strong>, d’autant plus que, en parallè<strong>le</strong>, il y avait<br />

eu moins de suicides par saut <strong>sur</strong> <strong>le</strong>s autres sites (de 12 en 1994-1995 à 7 en 1997-1998). Une<br />

analyse plus en profondeur révè<strong>le</strong> cependant que <strong>le</strong>s profils des personnes décédées par<br />

suicide, d’un site à l’autre, étaient bien différents. En effet, <strong>le</strong>s personnes qui se sont suicidées à<br />

partir <strong>du</strong> <strong>pont</strong> en question étaient presque toutes schizophrènes (78%), contrairement aux<br />

personnes qui se suicidaient par saut d’un autre site (21%). Ceci signifierait donc qu'il n'y a pas<br />

vraiment eu déplacement mais plutôt augmentation des suicides (de personnes schizophrènes)<br />

<strong>sur</strong> <strong>le</strong> <strong>pont</strong> et, parallè<strong>le</strong>ment, diminution des suicides par saut ail<strong>le</strong>urs (ceci pour d’autres<br />

raisons). Ce <strong>pont</strong> australien aurait donc un intérêt particulier pour <strong>le</strong>s personnes schizophrènes<br />

qui fréquentent son voisinage.<br />

Un peu de la même façon, nous avons vu plus haut (section III.A.1) que Cantor et Hill (1990)<br />

avaient trouvé des différences importantes entre <strong>le</strong>s personnes <strong>suicidaire</strong>s identifiées à deux<br />

<strong>pont</strong>s australiens, dont l’un inauguré en 1986. Ces auteurs ont d’ail<strong>le</strong>urs observé que <strong>le</strong> nombre<br />

de suicides par saut avait effectivement doublé depuis l’ouverture <strong>du</strong> nouveau <strong>pont</strong> (bien que la<br />

courte période sous étude n’ait pas permis de <strong>le</strong> prouver de façon statistiquement significative).<br />

Inversement, cela permettrait de conclure que, si une barrière était installée <strong>sur</strong> un de ces deux<br />

<strong>pont</strong>s, <strong>le</strong>s personnes <strong>suicidaire</strong>s ne se dirigeraient pas vers l’autre <strong>pont</strong>.<br />

Il y aurait donc, selon ces quelques études, une spécificité propre non seu<strong>le</strong>ment aux suicides<br />

réalisés à partir des <strong>pont</strong>s mais aussi aux suicides réalisés à partir d’un certain <strong>pont</strong>. D’où la<br />

faib<strong>le</strong> probabilité que des déplacements vers d’autres moyens soient observés. Cette conclusion<br />

n’élimine cependant pas complètement la possibilité que d’autres facteurs soient entrés en jeu,<br />

<strong>sur</strong>tout quant à l’influence de contrô<strong>le</strong>s environnementaux spécifiques (des barrières anti-saut<br />

<strong>sur</strong> certains <strong>pont</strong>s) <strong>sur</strong> des taux globaux de suicide. Néanmoins, ces études tendent à confirmer<br />

l’idée que ceux qui ont été empêchés de se suicider à partir d’un <strong>pont</strong> bien particulier ne se sont<br />

pas ren<strong>du</strong>s <strong>sur</strong> un autre <strong>pont</strong> pour accomplir <strong>le</strong>urs fins. Notons ici qu’aucune expérience<br />

«naturel<strong>le</strong>», c’est-à-dire dans la communauté, ne pourra jamais nous fournir des preuves hors<br />

de tout doute dans ce domaine. En effet, contrairement à ce qui peut se faire en laboratoire, il<br />

est impensab<strong>le</strong> de pouvoir contrô<strong>le</strong>r tous <strong>le</strong>s facteurs en jeu, notamment dans <strong>le</strong> domaine de la<br />

prévention <strong>du</strong> suicide, d’autant plus que ceux-ci varient grandement dans <strong>le</strong> temps. Il faut donc<br />

considérer que des expériences comme cel<strong>le</strong>s des <strong>pont</strong>s Duke Ellington et Taft sont déjà très<br />

instructives.<br />

Marc Daig<strong>le</strong> (2003). <strong>Analyse</strong> <strong>du</strong> <strong>comportement</strong> <strong>suicidaire</strong> <strong>sur</strong> <strong>le</strong> Pont <strong>Jacques</strong>-Cartier<br />

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