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Dossier professeur - Musée du Louvre

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Découverte <strong>du</strong> Proche Orient ancien par les mythes.<br />

Pistes de questionnement des œuvres avec les élèves.<br />

Benoit DERCY, <strong>professeur</strong> agrégé de Lettres Classiques, Doctorant en archéologie grecque à Paris‐Sorbonne IV<br />

Pourquoi un tel dossier ? Devant la difficulté que peut représenter le Proche Orient pour qui ne l’a jamais<br />

étudié, j’ai souhaité donner ici un commentaire de visite mêlant les remarques pratiques, les modalités <strong>du</strong><br />

questionnement pédagogique et les explications érudites, toutes puisées dans des ouvrages de référence<br />

dont certains titres sont donnés en bibliographie, ou dans les commentaires lus et enten<strong>du</strong>s lors de<br />

nombreux parcours suivis au <strong>Louvre</strong> ou dans les sections proche‐orientales d’autres musées.<br />

Remarques sur le texte de ce dossier J’ai placé le signe * devant les termes techniques qui peuvent être<br />

intro<strong>du</strong>its lors de la reprise <strong>du</strong> commentaire des élèves par le <strong>professeur</strong>. Les indications<br />

« gauche »/ « droite » sont données relativement au spectateur.<br />

Les noms propres sont orthographiés selon les normes en vigueur. La lettre ‐u‐ se lit « ou », le g‐ est <strong>du</strong>r,<br />

les voyelles devant ‐n ne sont pas nasalisées (ex. : Ningirsu = « Ni‐nn‐guir‐sou »).<br />

STELE DES VAUTOURS (AO 50, 2346, 2347, 2348 et 16109)<br />

a/ Pourquoi choisir de commencer par la Stèle des Vautours, et comment l’intro<strong>du</strong>ire ?<br />

Quelle est l’importance de ces fragments ? Les élèves apportent généralement ces éléments de<br />

réponses :<br />

‐ ces fragments sont gravés (*relief), et sont associés (ils constituent les restes d’une *stèle) ; ils sont<br />

couverts d’écriture dans le champ libre (stèle *épigraphiée).<br />

‐ ils ont une importance historique (écriture = témoignage, commémoration), religieuse (remerciement<br />

envers le dieu, voir ensuite face mythologique), artistique.<br />

La moitié conservée de cette stèle commémore la victoire <strong>du</strong> roi Eannatum (règne v. 2450), roi de Girsu,<br />

actuelle Tello, de l’Etat de Lagash, sur la ville voisine d’Umma qui lui disputait une partie de son territoire.<br />

Elle a pu être placée sur la limite <strong>du</strong> territoire entre les deux cités comme une borne, après la défaite<br />

d’Umma, à moins qu’une stèle de moindre qualité en ait fait fonction et que la « stèle des Vautours » ait<br />

été conservée dans un lieu plus officiel. Le fait que la stèle soit gravée sur les côtés aussi invitait à en faire le<br />

tour.<br />

b/ La face mythologique.<br />

A quoi voit‐on qu’est représenté ici un dieu ? On le voit à sa taille, par rapport à celle des hommes<br />

contenus dans le filet. Le dieu est doté d’armes : le filet, pour emprisonner les ennemis qui, s’ils veulent<br />

s’échapper, sont voués à une mort certaine (le dieu assomme de sa masse d’arme un des ennemis dont la<br />

tête dépasse <strong>du</strong> filet, en haut à gauche). Un oiseau rapace tient le filet. Une femme, en fait une déesse (car<br />

elle est coiffée d’un chapeau à cornes), se tient derrière lui.<br />

Il s’agit <strong>du</strong> dieu *tutélaire de la cité, NINGIRSU, dieu de l’orage, représenté ici en compagnie de son<br />

animal emblématique, l’aigle *léontocéphale IMDUGUD, en akkadien ANZU. Sa parèdre, la déesse placée à<br />

1


gauche, est peut‐être la mère de Ningirsu, NINHURSAG (qui aurait allaité Eannatum !), ou sa sœur NANSHÉ,<br />

ou encore sa femme BA’U.<br />

Les dieux interviennent donc dans les conflits entre les hommes et sont garants de la réussite des rois et<br />

de la protection de leur territoire.<br />

c/ La face historique.<br />

Divisée en quatre registres comme une planche de bande‐dessinée en quatre cases, cette face donne en<br />

images (et par le texte) le récit de la victoire d’Eannatum. On reconstitue avec les élèves cette narration en<br />

pointant les détails de la représentation.<br />

1 : les soldats casqués, portant de hauts boucliers rectangulaires et des lances, et piétinant leurs ennemis,<br />

sont guidés par un homme plus grand, portant une robe kaunakès (à mèches laineuses ?), un casque à<br />

fausses oreilles et chignon (très proche de celui de Meskalam<strong>du</strong>g, trouvé dans la tombe d’Ur PG 755 et daté<br />

de 2600‐2550, en électrum, repro<strong>du</strong>it sur la piste élève) et une harpè (lame courbe d’apparat), le roi<br />

Eannatum lui‐même. Au loin, dans le ciel que marque l’orbe de la stèle, des vautours survolent un tas de<br />

cadavres entassés dont ils se nourrissent. C’est ce détail très cru, qui dit bien la cruauté de la guerre, que<br />

les archéologues ont mis en avant en donnant à la stèle son nom actuel.<br />

2 : après la bataille vient le défilé de victoire. Les soldats marchent derrière le char <strong>du</strong> roi, dont on ne voit<br />

plus qu’un morceau de la caisse. Ce type de chars à roues pleines, tirés par des onagres, n’étaient pas<br />

utilisés sur le champ de bataille.<br />

3 : cérémonies funéraires et sacrifice de remerciement : à gauche, des hommes portent des couffins<br />

remplis de terre et gravissent une échelle pour recouvrir les soldats <strong>du</strong> roi morts au combat. Un sacrifice se<br />

prépare au centre : un jeune taureau est couché sur le dos, ligoté ; un officiant, représenté dans une nudité<br />

rituelle symbolique, verse une *libation sur deux grands vases d’où émergent des rameaux, symboles de<br />

fertilité ; on reconnaît à droite le bas de la robe <strong>du</strong> roi, assis et les pieds sur un repose‐pied. Les élèves y<br />

verront peut‐être un détail <strong>du</strong> dieu ; pourtant, la répartition des deux sphères divine et humaine sur deux<br />

faces autorise à rejeter cette interprétation.<br />

4 : comment interpréter ce registre très fragmentaire ? Peut‐être comme la mise à mort <strong>du</strong> souverain ou<br />

d’un général ennemi sur le front <strong>du</strong>quel une main (celle d’Eannatum ?) brandit une lance immense (déjà<br />

visible dans le registre 2). Cet homme menacé semble d’ailleurs rendre un dernier salut à trois hommes de<br />

plus petite taille tournés vers lui.<br />

Remarque : dans la mesure où la tête d’Im<strong>du</strong>gud/Anzu est endommagée sur la face mythologique de la<br />

Stèle des Vautours, nous proposons d’observer le haut de la plaque votive de Du<strong>du</strong> (AO 2354). On peut<br />

aussi montrer l’aigle emblème de Ningirsu sur le vase en argent voué à ce dieu par Entemena (AO 2674) où<br />

il maîtrise en les agrippant dans ses serres lions et caprins symbolisant les forces délétères. Ces deux objets<br />

se trouvent dans la vitrine 6.<br />

Prolongements possibles : on peut, une fois de retour en classe, reprendre l’étude de la Stèle, par<br />

exemple en travaillant sur la reconstitution partielle qu’en donne l’ouvrage L’art en Mésopotamie, Hazan,<br />

2006, p.40‐41 (ou le Manuel de l’Ecole <strong>du</strong> <strong>Louvre</strong> d’Agnès Benoit, p.224 et 226). On peut aussi travailler sur<br />

l’Etendard d’Ur (British Museum, daté <strong>du</strong> XXVI°s. av. JC), dont une des faces principales, dite « face de la<br />

Guerre », illustre la victoire d’un roi : défilé de vaincus devant le roi, chars écrasant les corps des ennemis<br />

morts … Voir l’excellent document à usage des élèves sur le lien suivant : http://hg‐ec.ac‐orleans‐<br />

tours.fr/joomla/attachments/031_fiche+eleve+mesopotamie.pdf<br />

2


RELIEF VOTIF D’UR‐NANSHE (AO 2344)<br />

Chronologiquement plus ancien (vers 2525‐2500), puisqu’Ur‐Nanshe est le grand‐père d’Eannatum, ce<br />

panneau illustre une autre fonction de la royauté (le roi bâtisseur) et permet d’insister à nouveau sur les<br />

relations qu’entretient le roi avec les dieux.<br />

a/ Apparence générale et construction de l’image.<br />

Le trou qui se trouve au centre <strong>du</strong> bloc de pierre, que les élèves ne manqueront pas de signaler, informe<br />

de sa fonction commémorative : le panneau était fiché dans le mur <strong>du</strong> palais ou <strong>du</strong> temple, et son contenu<br />

narratif rappelait les bienfaits ou la piété <strong>du</strong> roi.<br />

L’image est découpée en deux registres disposés « en équerre » (ou comme deux L couchés imbriqués<br />

l’un dans l’autre) : on repère immédiatement le fait que le roi apparaît deux fois.<br />

b/ Qui est représenté ? Comment le sait‐on ?<br />

Trois éléments permettent l’identification des personnages : leur taille (par rapport à celle des autres) qui<br />

tra<strong>du</strong>it par convention une hiérarchie ; leur nom ou statut, inscrit sur le fond ou sur les vêtements ; leurs<br />

vêtements ou attributs.<br />

le roi : représenté deux fois, c’est le personnage plus grand que les autres ; son nom est écrit devant son<br />

visage ; il porte le kaunakès, jupe de mèches laineuses (?).<br />

sa femme (ou sa fille ?) : elle est plus petite que le roi, mais plus grande que les autres personnages ; son<br />

nom, Abda, est écrit en face de son visage ; elle porte elle aussi le kaunakès.<br />

ses fils : on remarquera que le premier fils (derrière la femme) porte la coiffe <strong>du</strong> roi à bandeau et<br />

chignon, qu’il s’agit donc <strong>du</strong> successeur d’Ur‐Nanshe, Akurgal (dont le nom est écrit sur la jupe). Il tient<br />

dans sa main droite un vase à verser.<br />

des hauts fonctionnaires (voir par ex. le personnage placé devant le roi dans le registre inférieur).<br />

un serviteur : un petit personnage se tient à deux reprises derrière le roi. Dans le registre <strong>du</strong> bas, on<br />

reconnaît clairement un échanson qui sert la boisson au roi, assis et gobelet en main.<br />

c/ Que font‐ils ? Quelle fonction a ce panneau ?<br />

Le thème de chaque registre se laisse deviner aisément par certains détails.<br />

Dans la scène <strong>du</strong> haut : on note le couffin rempli de briques que porte le roi : Ur‐Nanshe ordonne la<br />

construction d’un temple, vraisemblablement pour Ningirsu, le dieu tutélaire de la cité de Girsu‐Tello (cf<br />

Stèle des Vautours pour le contexte historique).<br />

Dans la scène <strong>du</strong> bas : le roi boit : il célèbre un banquet d’inauguration lors de l’achèvement <strong>du</strong> temple.<br />

La plupart des personnages qui se tiennent devant le roi adoptent le geste (des mains ou des bras) de la<br />

prière, <strong>du</strong> respect.<br />

On peut s’attendre à la question suivante de la part des élèves : « pourquoi dit‐on qu’il s’agit <strong>du</strong> roi, et non<br />

pas d’un dieu ? » Le dieu serait représenté avec une tiare à cornes ; il serait placé sur une estrade.<br />

3


d/ Commentaire stylistique.<br />

On peut lister ici les codes de représentation anatomique sumérienne <strong>du</strong> III° millénaire : bras en équerre,<br />

tête de profil mais œil de face, crâne rasé (signe de respect rituel), nez important et busqué, grande arcade<br />

sourcilière. Peu de naturalisme et aucune indivi<strong>du</strong>alisation, donc, dans ces figures.<br />

L’histoire (sommaire) <strong>du</strong> cunéiforme. Observation de quelques exemples en vitrine.<br />

a/ D’où vient l’écriture ?<br />

Les archéologues expliquent l’invention de l’écriture vers ‐3300 <strong>du</strong> fait de l’accroissement de la<br />

population dans les villes naissantes au IV° millénaire entraînant la nécessité d’administrer<br />

l’approvisionnement et les biens, d’augmenter les cheptels pour pro<strong>du</strong>ire de la laine et exporter des<br />

pro<strong>du</strong>its tissés, seule ressource naturelle en Mésopotamie qui ne disposait naturellement pas de matériaux<br />

comme le bois, les gisements de minerais ou la pierre (pierre de taille, pierres précieuses…). Pour tant de<br />

tâches et d’informations dont il faut garder le souvenir, la technologie qu’est l’écriture devient nécessaire.<br />

Les Sumériens toutefois expliquaient la naissance de leur écriture par un mythe qu’on peut narrer aux<br />

élèves.<br />

Le mythe d’Enmerkar On trouvera les références et le développement de ce mythe dans le petit livre<br />

d’Estelle Girard, Histoires d’écritures, Castor Poche Flammarion, 2001, p.62‐64. Le mythe connaît<br />

différentes versions toutefois. Celle qu’en donne Wikipédia est sensiblement différente de la nôtre, même<br />

si c’est toujours bien par l’écriture qu’ Enmerkar l’emporte : l’écriture est en effet donnée tantôt comme un<br />

devinette indéchiffrable, un défi de plus dans la lutte opposant le roi d’Uruk et le seigneur d’Arrata, une cité<br />

située vraisemblablement dans le sud‐ouest de l’Iran ; tantôt comme un message déroutant mais<br />

finalement lu par le seigneur d’Aratta, qui ce faisant verbalise une formule qui le contraint à livrer les<br />

matériaux précieux à Enmerkar.<br />

http://fr.wikipedia.org/wiki/Enmerkar_et_le_seigneur_d'Aratta<br />

http://classes.bnf.fr/ecritures/arret/lesecritures/cuneiforme/08.htm<br />

b/ Explications des premières évolutions de l’écriture.<br />

En Mésopotamie, il n’y a pas de matériau comme le papyrus ou le bois pour servir de support commode<br />

et économique à l’écriture. On se sert de la matière première à disposition : l’argile.<br />

On passe d’une écriture gravée au moyen d’une pointe (roseau taillé) à une écriture imprimée au moyen<br />

d’un calame (roseau ou bout de bois taillé en biseau) qui laisse une empreinte en forme de clou dans<br />

l’argile. Un parallèle fonctionne très bien auprès des élèves : dans le sable mouillé, on peut écrire la lettre O<br />

de deux façons :<br />

‐ en enfonçant son pied dans le sable et en se déplaçant, non sans difficulté car le sable résiste, on forme<br />

un O bien rond mais aux contours peu nets en raison des petits monticules de sable qui sont constitués de<br />

la matière extraite ;<br />

‐ en posant le pied et en le soulevant plusieurs fois côté à côté, on imprime la lettre dans le sable qui est<br />

alors tassé. L’empreinte est nette mais le cercle est en réalité constitué de petits traits droits.<br />

De la même façon, en passant de la pointe au anciens ont amélioré la netteté de leur écriture et la<br />

calame en biseau, de la gravure à l’impression, les rapidité de son exécution, mais ont transformé les<br />

4


signes initiaux, proches des objets représentés, et<br />

ren<strong>du</strong> plus abstraite l’écriture. Ceci est net dans<br />

l’évolution entre 3300 et 2400 des signes ‘vache’ ,<br />

‘âne’, ou ‘mouton’ dans le tableau proposé.<br />

Prolongement possible : en classe, on peut proposer aux élèves de se livrer à un exercice de<br />

déchiffrement de tablettes. L’ouvrage d’Elisabeth Le Breton, Du verbe à l’écrit. La naissance de l’écriture en<br />

Mésopotamie, éd. <strong>Louvre</strong>, collection « Chercheurs d’art », 2003, p.17‐18, propose plusieurs exemples<br />

d’exercices, en écritures pictographique et cunéiforme, avec un lexique (p.36‐37). On remarquera à cette<br />

occasion que les calculs se fondaient sur deux bases : une base 10 et une base 60, utilisée encore<br />

aujourd’hui pour les heures, minutes, secondes.<br />

c/ Quelques exemples (dans les vitrines 3 et 6, côté fenêtres donnant sur l’extérieur).<br />

AO 29560 : tablette archaïque d’Uruk (IV° millénaire) de rationnement alimentaire. On fait deviner aux<br />

élèves le sens <strong>du</strong> pictogramme précunéiforme « manger » (tête et cou d’homme stylisés devant une<br />

écuelle, dans la case en bas à gauche).<br />

AO 4196 : badge d’identification de soldat ou d’officier. Attention : la ficelle est moderne. Ce type de badge<br />

de contrôle « parle » aux élèves.<br />

Une des tablettes d’inventaire (au‐dessus <strong>du</strong> badge) : on fera observer l’extrême finesse et le soin dans<br />

l’exécution des signes de ces grandes tablettes d’archives comptables.<br />

GUDEA, PRINCE DE LAGASH « L’ARCHITECTE AU PLAN » (AO 2)<br />

La statue fut découverte à Girsu dans la « cour centrale A » par de Sarzec en 1881. Elle est en diorite,<br />

matériau venu de l’île de Bahreïn, ce qui confirme le contrôle des routes commerciales sous Gudea<br />

permettant l’importation de matériaux exotiques nécessaires à certaines constructions, comme celle <strong>du</strong><br />

temple dont il est ici question.<br />

a/ Qui est l’homme représenté ?<br />

Les élèves réagissent immédiatement au fait que cette statue ainsi que la plupart de celles présentées<br />

dans la salle, qui forment une unité pressentie en raison de leur couleur (quasiment toutes les statues sont<br />

réalisées dans un seul matériau, la diorite, une pierre très <strong>du</strong>re), ont « per<strong>du</strong> leur tête », élément très<br />

fragile qui n’a pas résisté aux outrages <strong>du</strong> temps après l’abandon <strong>du</strong> site.<br />

Gudea, dont on a une vingtaine de statues très stéréotypées, a régné entre 2130 et 2110 sur Tello,<br />

l’antique Girsu, dans l’Etat de Lagash dont il a été question avec la Stèle des Vautours plus haut. Il fait partie<br />

de la seconde dynastie sumérienne, ou néo‐sumériens, qui règnent à nouveau dans l’Etat de Lagash après<br />

un épisode où les Akkadiens avaient pris possession de la région vers 2340, jusqu’à l’effondrement de leur<br />

Empire aux alentours de 2140 sous les attaques des Gutti des monts Zagros. Cette « renaissance<br />

sumérienne » ne s’éteindra qu’après la Troisième dynastie d’Ur, à la toute fin <strong>du</strong> III° millénaire.<br />

5


Que fait‐il ?<br />

Le roi a les mains jointes. Il est dans une attitude de prière. Les statues avaient été déposées dans les<br />

sanctuaires de la ville, et vouées aux dieux (Ningirsu, Ba’u son épouse, Ninhursag sa mère, grande déesse<br />

mère des Sumériens…).<br />

Sur ses genoux, le roi porte une tablette sur laquelle est gravé le plan d’un bâtiment *à niches et *à<br />

redans (en fait, le plan de l’enceinte <strong>du</strong> temple de Ningirsu), un stylet et une règle gra<strong>du</strong>ée.<br />

c/ Quel sens donner à cette statue ?<br />

Les deux cylindres d’argile exposés dans la vitrine <strong>du</strong> fond de la pièce sont les deux plus longs textes en<br />

sumérien connus jusqu’à présent. Ils donnent le récit de deux rêves au cours desquels Gudea reçut la visite<br />

<strong>du</strong> dieu Ningirsu qui lui demanda de lui construire un temple, et lui en confia le plan. Ce sanctuaire, nommé<br />

E‐ninnu, ne fut pas en fait construit mais reconstruit et peut‐être agrandi par le roi.<br />

d/ Que raconte le texte ?<br />

Le texte est écrit en caractères cunéiformes transcrivant ici la langue sumérienne se développe sur 9<br />

colonnes, et 366 lignes. Il relate :<br />

‐ des données historiques (la victoire de Gudea sur Anshan et l’Elam (plateau iranien, région <strong>du</strong> Fars),<br />

contenu <strong>du</strong> butin rapporté, mesure de rémission des dettes …)<br />

‐ des données sur les rites de construction d’un temple (interdits, impuretés).<br />

‐ des données techniques et économiques, comme la liste des matériaux importés : le bois de cèdre <strong>du</strong> sud<br />

de l’Anatolie ; l’ébène et l’or de la vallée de l’In<strong>du</strong>s ; le bitume de Magda ; la diorite d’Oman…<br />

On peut lire avec les élèves quelques signes en partant de l’inscription qui démarre en haut à droite dans<br />

le dos de la statue (lecture de haut en bas dans chaque case). On peut y déchiffrer sur la colonne 1<br />

(première grande « bande » constituée de « cases ») les titres et nom de Gudea. Dans la case 2, on lit le<br />

premier signe, composé d’une silhouette humaine schématisée et vue de profil, qui porte comme une<br />

couronne sur la tête : l’ensemble signifie le « grand homme », LU‐GAL, soit « le roi ». On lit encore, dans la<br />

case 3, les trois derniers signes, qui sont des phonogrammes : GU‐DE‐A, qui signifie « l’Appelé ». Dans la<br />

case 4 apparaît le titre officiel d’EN‐SI, le « prince ». Dans la colonne 2 case 1, il est facile d’isoler le premier<br />

signe, en forme d’étoile : NIN, le « dieu », qui constitue le nom de Nin‐Girsu, dieu tutélaire de Girsu.<br />

e/ Commentaire stylistique.<br />

On ne peut qu’être sensibles à la qualité de réalisation de cette statue, notamment eu égard à la <strong>du</strong>reté<br />

<strong>du</strong> matériau qu’est la diorite (pierre importée d’Oman, et déjà exploitée dans les ateliers des rois<br />

akkadiens précédents) : le sculpteur a fait preuve d’un grand talent en donnant au bras découvert <strong>du</strong> roi un<br />

tel ren<strong>du</strong> dans le modelé des muscles, dans le détail des ongles, dont on aperçoit les cuticules, mais aussi<br />

dans le plissé de la robe à franges. Techniquement, toutefois, l’artiste n’a pas décollé les bras <strong>du</strong> corps<br />

(mais le geste de prière efface toute éventuelle maladresse dans la position) et n’a pas ajouré<br />

complètement les pieds, afin de ne pas fragiliser la statue. Elle est encore caractérisée par ailleurs par une<br />

nette frontalité.]<br />

.<br />

6


KUDURRU DE MELISHIPAK II (Sb 22)<br />

a/ Qu’est‐ce que ce caillou ?<br />

Cette *stèle en forme de gros galet est *épigraphiée : elle porte sur les côtés les actes de donation de<br />

terrains par les souverains à des dignitaires. Ici, le roi kassite Melishipak II (1186‐1172) lègue à son fils des<br />

terres. Ce ku<strong>du</strong>rru n’a pas été retrouvé à Babylone, mais à Suse où il avait été emporté comme butin au<br />

XII°s. après la chute des kassites.<br />

b/ Quels dieux sont représentés ?<br />

On n’observera ici que le premier registre afin d’identifier les seuls dieux et déesses utiles par la suite<br />

pour le récit de Gilgamesh.<br />

Gravés dans l’orbe de la stèle, les éléments représentent logiquement les divinités astrales. Les élèves<br />

repèrent facilement la lune à gauche et le soleil à droite, les dieux SIN et SHAMASH. ISHTAR est le deuxième<br />

astre, ici sous forme d’une étoile à 8 branches (comme notre « étoile <strong>du</strong> berger » qui est en réalité la<br />

planète Vénus). Sur la rangée inférieure, ce ne sont plus des astres mais des tiares à cornes posées sur des<br />

autels qui symbolisent ANU (AN sumérien), dieu <strong>du</strong> Ciel, et ENLIL, dieu de l’Air, implacable et destructeur,<br />

qui est à l’origine <strong>du</strong> Déluge ! La tête de bélier et le poisson‐chèvre sont les attributs d’EA (ENKI sumérien),<br />

dieu des techniques et des artisans, qui règne sur les eaux douces, « l’Apsou ». C’est lui qui sauve<br />

Utanapishtim <strong>du</strong> Déluge en lui conseillant de construire une arche. [Pour les plus curieux, le dernier autel<br />

comporte un araire et représente Ninhursag, la déesse de la Terre]<br />

Prolongements possibles en classe : travailler sur les mythes de Création, ou <strong>du</strong> Déluge. Comme dans la<br />

mythologie égyptienne ou grecque (mythe de Geb et Nout, émergence de Gaia et d’Ouranos à partir <strong>du</strong><br />

Chaos), le monde commence chez les Sumériens par un processus de séparation et de distinction <strong>du</strong> Ciel et<br />

de la Terre, régis par An et Enlil, issus d’un magma primordial indifférencié.<br />

Le mythe de Gilgamesh<br />

Le récit est découpé en trois parties, chacune d’elle étant raconté dans une salle différente :<br />

1) de la création d’Enki<strong>du</strong> à sa mort : cour Khorsabad, assis devant le relief <strong>du</strong> transport <strong>du</strong> bois de<br />

cèdre, puis devant le héros maîtrisant un lion. Ces reliefs serviront à illustrer des passages <strong>du</strong> récit.<br />

2) quête de l’immortalité, Gilgamesh chez Utanapishtim : devant la vitrine 3 de la salle 9.<br />

3) retour de Gilgamesh à Uruk, construction des murailles et mise à l’écrit de son aventure : salle de<br />

l’Apadana de Suse.<br />

On peut proposer aux élèves de remettre dans l’ordre, dans les salles <strong>du</strong> musée ou en classe, les 11<br />

épisodes <strong>du</strong> récit.<br />

1‐ Création de Enki<strong>du</strong> par Ea avec de l’argile et de la salive, dans le but de donner un rival à<br />

Gilgamesh.<br />

2‐ Un chasseur aperçoit l’Homme‐Sauvage dans la steppe. Il raconte sa peur à Gilgamesh.<br />

3‐ Gilgamesh envoie une courtisane pour apaiser et apprivoiser l’Homme‐Sauvage.<br />

7


4‐ Gilgamesh et Enki<strong>du</strong> tuent Humbaba, le Gardien de la forêt de Cèdres, et rapportent sa tête et<br />

<strong>du</strong> bois.<br />

5‐ Ishtar veut s’unir à Gilgamesh, qui refuse ses avances et la rejette.<br />

6‐ Le Taureau Céleste, envoyé par Ishtar, dévaste Uruk avant d’être terrassé par Gilgamesh et<br />

Enki<strong>du</strong>.<br />

7‐ Enki<strong>du</strong> dépérit et meurt, à la suite de rêves‐présages.<br />

8‐ Gilgamesh part en quête de l’immortalité : après sa rencontre avec les Hommes‐Scorpions, il<br />

arrive dans un état physique déplorable chez Sidari la cabaretière.<br />

9‐ Gilgamesh rencontre Uta‐Napishtim qui lui raconte l’épisode <strong>du</strong> Déluge qui détruisit la terre.<br />

10‐ Un serpent vole l’herbe de Jouvence à Gilgamesh (première mue).<br />

11‐ Gilgamesh construit des murailles et un temple à Ishtar à Uruk, et fait transcrire son épopée.<br />

1) LA COUR DU PALAIS DE SARGON II A KHORSABAD.<br />

Cette cour <strong>du</strong> Palais <strong>du</strong> <strong>Louvre</strong>, aujourd’hui protégée par sa toiture de verre, tente de repro<strong>du</strong>ire, certes<br />

dans des dimensions ré<strong>du</strong>ites, l’une des cours <strong>du</strong> palais que se fit construire le souverain assyrien<br />

Sharrukîn, Sargon II, entre 717 et 706. Le roi lui‐même régna entre 721 et 705 : suite à sa mort au combat,<br />

son fils Sennacherib déserta le palais et la cité inachevée pour faire construire une nouvelle capitale, Ninive.<br />

Les reliefs présentés dans la « Cour Khorsabad » (<strong>du</strong> nom actuel <strong>du</strong> site de Dûr‐Sharrukîn, « citadelle de<br />

Sargon »), initialement placés dans la cour d’honneur <strong>du</strong> palais qui menait à la salle <strong>du</strong> trône, avaient une<br />

double fonction : ces *orthostates de calcaire dressées depuis le niveau <strong>du</strong> sol sur les murs de brique crue<br />

les protégeaient et les décoraient de scènes évoquant les dignitaires des régions de l’Empire assyrien se<br />

rendant auprès <strong>du</strong> roi pour lui payer un tribut, constitué de riches objets (qu’on fait décrire aux élèves :<br />

vaisselle métallique, chars, chevaux de race ...). Une série de reliefs est dans sa composition sensiblement<br />

différente.<br />

RELIEFS DU TRANSPORT DU BOIS DE CEDRE (AO 19888 à 19891)<br />

Ces quatre blocs d’albâtre gypseux sculptées en *bas relief montrent des Phéniciens apportant leur tribut<br />

de bois de cèdre depuis le Liban ou l’Amanus jusqu’en Mésopotamie.<br />

On peut faire décrire les opérations aux élèves de droite à gauche : les arbres sont abattus, hâlés,<br />

transportés par voie de mer (chargés dans les embarcations ou acheminés par flottage), déchargés et<br />

transportés jusqu’au chantier de construction. On remarque : un chassé‐croisé entre les bateaux pleins et<br />

vides ; des îles sur lesquelles sont construites des façades fortifiées (les villes phéniciennes) ; des animaux<br />

marins réels ou imaginaires (serpents, tortues, crabes, taureaux ailés, taureaux ailés androcéphales,<br />

hommes‐poissons …).<br />

Aux élèves qui remarqueront une différence de couleur sur la pierre, on expliquera que la restauration<br />

récente a permis en effet de mettre en évidence le travail de réfection accompli au XIX°s. lors de l’arrivée<br />

de ces *orthostates au <strong>Louvre</strong>, pour combler les manques et rendre les panneaux plus lisibles.<br />

8


Le récit préalable de la première partie de l’épopée de Gilgamesh, incluant la lutte contre Humbaba, aura<br />

permis d’intro<strong>du</strong>ire la lecture de ces reliefs, et montre la pérennité de ces échanges dans le Proche‐Orient<br />

ancien. On fera remarquer aux élèves que le taureau ailé <strong>du</strong> récit de Gilgamesh n’est pas celui que nous<br />

voyons sur ces reliefs ou en grand format sur les murs de la cour <strong>du</strong> <strong>Louvre</strong> : les génies androcéphales<br />

(appelés « lamassu ») sculptés dans l’albâtre et qui ornaient le palais de Sargon II protégeaient l’accès <strong>du</strong><br />

palais, alors que le Taureau Ailé détruit Uruk dans le mythe !<br />

HEROS MAITRISANT UN LION (AO 19862)<br />

Ce personnage aux traits assyriens peut aisément représenter Gilgamesh maîtrisant à travers le motif <strong>du</strong><br />

lion (dont on remarquera les crocs menaçants) les forces sauvages de la nature. Un tel motif est fréquent<br />

dans la propagande royale de l’Antiquité, des rois mésopotamiens à Alexandre le Grand.<br />

On concentrera le commentaire autour de deux aspects, sur lesquels on questionnera les élèves : le<br />

gigantisme et l’impression de force qui émane <strong>du</strong> personnage héroïque ; la symbolique <strong>du</strong> lion.<br />

La grandeur <strong>du</strong> personnage est marquée par les dimensions de la sculpture (4,70m) et la petitesse <strong>du</strong> lion<br />

par rapport à l’homme ; par le fait que la partie supérieure de sa tête dépasse <strong>du</strong> fond de cet ensemble en<br />

haut relief. La musculature est mise en avant (bras et mollets). Il s’agit pourtant ici d’une force tranquille,<br />

apaisante dans le contexte d’un palais dont ce génie assure la protection, avec autres lamassu (taureaux<br />

ailés) et génies bénisseurs ailés (apkalu) : l’homme dont le corps est de profil affiche sur son visage vu de<br />

face un sourire, alors que le lion, dans la même position profil‐face, grimace de douleur sous l’étreinte de<br />

son dompteur qui l’étrangle et lui enserre les pattes.<br />

Prolongement possible : les éditions Classiques Hatier (voir Bibliographie) proposent en ligne, pour les<br />

<strong>professeur</strong>s inscrits à leur site, un questionnaire, avec corrigé, permettant l’étude <strong>du</strong> Héros maîtrisant un<br />

lion, qu’on peut ainsi étudier en classe en projetant l’œuvre disponible sur le lien suivant : www.oeuvres‐et‐<br />

themes.com<br />

2) SALLE 9, VITRINE 3.<br />

Gilgamesh vient de perdre son meilleur ami par la volonté des dieux. Il décide de gagner l’immortalité.<br />

Mais c’est un être repoussant, amaigri et sale, qui se présente devant la cabaretière Sidari, qui prend<br />

d’abord peur à la vue de ce misérable, puis accueille le roi et lui prodigue le meilleur conseil de sagesse qui<br />

soit : il faut profiter de la vie. Un tel couple m’a immédiatement fait penser à l’improbable voisinage de la<br />

Princesse de Bactriane et <strong>du</strong> Balafré dans la vitrine 3 de la salle 9 … Toujours en prenant la précaution de<br />

dire aux élèves que je n’utilise ces deux statuettes qu’à titre illustratif, qu’elles appartiennent à une autre<br />

culture et une autre aire géographique que celles où le mythe de Gilgamesh est né et s’est diffusé, je<br />

profite toutefois de cette entorse pour diffuser quelques informations relatives à leur histoire à elles ! Et<br />

tant pis si la Princesse ne répond pas exactement à la beauté vantée de Sidari dans l’épopée ; elle incarne à<br />

mes yeux la douceur d’une mère, le bon accueil de l’aubergiste à l’égard <strong>du</strong> voyageur à bout de souffle... Et<br />

puis la Bactriane n’est‐elle pas une contrée des confins <strong>du</strong> Proche‐Orient antique, tandis que Gilgamesh<br />

part au bout <strong>du</strong> monde pour découvrir l’immortalité ?<br />

PRINCESSE DE BACTRIANE (AO 22918) ‐ Fin III° millén., début II° millén.<br />

Cette statuette de femme vêtue d’un kaunakès, en stéatite (vêtements verts) et calcite (chairs blanches),<br />

appartient à un groupe de figurines semblables nommées « princesses de Bactriane », <strong>du</strong> nom de la région<br />

au nord de l’Afghanistan où elles ont été pro<strong>du</strong>ites. Elles pourraient provenir de tombes ou incarner la<br />

9


Grande déesse d’Asie centrale qui pacifie les forces sauvages (en cela, elles ne seraient pas si éloignées de<br />

Sidari !), que représente, entre autres, le Balafré.<br />

LE BALAFRÉ (AO 21104) ‐ Fin III° millén., début II° millén.<br />

C’est bel et bien un abus que de voir dans les traits de cet être monstrueux notre héros Gilgamesh, tout<br />

dépenaillé et repoussant soit‐il. En effet, cette figurine (en chlorite pour les chairs et calcite pour le pagne)<br />

représente non un homme, mais un être anthropomorphe de nature serpentine. Les écailles qui couvrent<br />

ses bras, son torse et ses jambes le montrent clairement. Il incarne les forces hostiles que l’on maîtrise en<br />

faisant une balafre sur la joue droite (sa droite). Le petit trou qu’il porte sur le front devait servir à<br />

rapporter des cornes. Une agrafe de bronze, un clou (qu’attestent deux trous au‐dessus et en‐dessous des<br />

lèvres) devait lui fermer la bouche pour achever de le maîtriser. C’est un personnage connu en un petit<br />

nombre d’exemplaires, dont l’origine mythologique est l’Asie <strong>du</strong> centre, et le lieu de pro<strong>du</strong>ction<br />

vraisemblablement la Bactriane, comme la Princesse.<br />

3) CHAPITEAU DE COLONNE DE L’APADANA, SALLE D’AUDIENCE DU PALAIS DE DARIUS Ier A SUSE (AOD 1)<br />

Fin de l’histoire, entrée dans l’Histoire !<br />

Ces chapiteaux de 5,50m ne représentent qu’un quart de la colonne, qui culminait à 21m. Il y en avait 36<br />

dans cette salle d’audience *hypostyle <strong>du</strong> Palais de Darius Ier (datée d’env. 510 av. JC). Carrée, elle<br />

mesurait 109m de côté. Les élèves ne manqueront pas d’être impressionnés par cet élément architectural<br />

gigantesque, ou encore par la Frise des Archers. Placez‐les sous la tête d’un des taureaux : c’est le point de<br />

vue le plus impressionnant, qui fait sentir à quel point le roi recourait ici à l’architecture pour affirmer au<br />

monde (et aux tributaires de l’Empire perse achéménide unifié) sa toute‐puissance.<br />

Des poutres, comme celles qui, remontées à l’époque moderne, sont aujourd’hui visibles, reposaient sur<br />

l’espace vacant existant entre les cous des taureaux, et soutenaient le toit de l’édifice. Les variations de<br />

couleur dans le calcaire venu des monts Zagros sont <strong>du</strong>es au fait que ce chapiteau est reconstruit à partir<br />

de fragments de plusieurs indivi<strong>du</strong>s. Les époux Dieulafoy effectuèrent les fouilles de ce palais dans les<br />

années 1884 à 1886.<br />

Alors que Persépolis, capitale politique de Darius où l’on trouve des chapiteaux assez semblables, devait<br />

être détruite par Alexandre le Grand, Suse, simple capitale administrative, reçut le Conquérant qui<br />

l’épargna.<br />

On pourra faire remarquer aux élèves les signes d’écriture cunéiforme, notant la langue indo‐européenne<br />

que fut le vieux perse, sur certaines briques de la Frise des Archers (frise dont on voit à quel point elle a été<br />

reconstituée si l’on en scrute les briques).<br />

La cour de l’Apadana nous permet de mettre en parallèle le moyen que trouve Gilgamesh pour devenir<br />

immortel, ou plutôt éternel (car s’il meurt, il entre dans l’Histoire et ne sera pas oublié par les Hommes) :<br />

construire un rempart à sa ville ; fixer par l’écrit ses aventures.<br />

On pourra finir dans les salles, ou de retour en classe, par un bilan littéraire sur le mythe de Gilgamesh, en<br />

demandant aux élèves de redonner les grands thèmes dont parle ce récit initiatique : vie et mort, amitié,<br />

actions héroïques, sagesse, immortalité, vanité des puissants …<br />

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Ainsi, après avoir montré au début de la visite la naissance de l’écriture en relation avec la volonté de<br />

rester dans les mémoires (Stèle commémorative des Vautours), les vestiges exposés au <strong>Louvre</strong> de<br />

l’Apadana témoigne de la magnificence <strong>du</strong> palais de Darius Ier, roi perse achéménide, comme signe de la<br />

puissance des rois et de leur volonté de l’emporter sur la mort. Si le temps est destructeur et l’Homme<br />

mortel, ses ouvrages, littéraires et architecturaux, permettent de pérenniser sa mémoire. Finalement,<br />

n’est‐ce pas une belle leçon que Gilgamesh a donné là à ses dieux : eux, immortels, ont pourtant été<br />

remplacés et ne sont pas demeurés nos dieux : ils ne sont pas éternels ; lui, s’il est mort, reste aujourd’hui<br />

dans nos mémoires ; son épopée est inscrite eu nombre des textes fondateurs constitutifs de notre<br />

héritage culturel, et, après avoir disparu pendant des siècles, est lue avec plaisir comme si elle n’avait pas<br />

subi l’outrage <strong>du</strong> temps.<br />

Lexique<br />

Ce lexique reprend la plupart des termes techniques abordés dans ce dossier. Il peut être constitué après la<br />

sortie, en classe.<br />

Androcéphale : qui a la tête (‐céphale, <strong>du</strong> grec kêphalê) d’un homme (andro‐, <strong>du</strong> grec anêr, andros).<br />

(Stèle ou statue) anépigraphe : sans inscription (≠ épigraphiée).<br />

Chapiteau de colonne : bloc posé tout en haut de la colonne, et qui peut prendre différentes formes<br />

(têtes d’animaux, simple rectangle, volutes …).<br />

Ecriture cunéiforme : écriture qui consiste en signes (idéogrammes ; phonogrammes = syllabes et signes<br />

alphabétiques) en forme de clous imprimés dans l’argile au moyen d’un calame taillé en biseau, ou taillés<br />

dans la pierre et imitant la forme de clous.<br />

(Stèle ou statue) épigraphiée : qui comporte des signes d’écriture (≠ anépigraphe).<br />

Principe ou loi de hiérarchisation : code iconographique qui consiste à représenter les personnages les<br />

plus importants en grande taille, puis à diminuer les tailles en fonction de la hiérarchie sociale (roi ><br />

serviteur), religieuse (dieu > roi), <strong>du</strong> sexe <strong>du</strong> personnage (homme > femme)…<br />

Salle hypostyle : salle dont le toit repose sur des colonnes.<br />

Léontocéphale : qui a la tête (‐céphale, <strong>du</strong> grec kêphalê) d’un lion (léonto‐, <strong>du</strong> grec leôn, leontis).<br />

Enceinte à niches et à redans : enceinte dont le plan vu de dessus dessine des créneaux, correspondant à<br />

retraits et avancées <strong>du</strong> mur.<br />

Un orthostate : grand bloc de pierre dressé, portant généralement des reliefs et de l’écriture, qui<br />

permettait de consolider les murs (réalisés, eux, en brique crue) depuis la base jusqu’à plusieurs mètres de<br />

haut.<br />

Ecriture précunéiforme : écriture qui consiste en signes (pictogrammes ou idéogrammes) tracés dans<br />

l’argile ou gravés dans la pierre.<br />

Un registre : dans l’art égyptien ou proche‐oriental, le mot désigne une bande distincte <strong>du</strong> reste de<br />

l’image, comme une vignette de bande‐dessinée isolée <strong>du</strong> reste de la page.<br />

Sculpture en haut relief : sculpture se détachant fortement (en général plus de la moitié <strong>du</strong> volume total)<br />

sur un fond (≠ bas relief).<br />

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Une stèle : pierre dressée et souvent inscrite (dessins, écriture) commémorant une victoire, résumant des<br />

faits ou la vie d’un homme (stèle funéraire).<br />

Un dieu tutélaire : dieu protecteur de la cité.<br />

Bibliographie<br />

Histoire et archéologie <strong>du</strong> Proche Orient ancien (pour les a<strong>du</strong>ltes).<br />

A. BENOIT, Les Civilisations <strong>du</strong> Proche‐Orient ancien, Manuel de l’Ecole <strong>du</strong> <strong>Louvre</strong>, RMN éditions, Paris,<br />

2003. Ouvrage de référence. Désormais accessible en petit format, moins cher et plus facile à transporter,<br />

mais avec des illustrations en noir et blanc.<br />

L.‐J. BORD, R. MUGNAIONI (dir.), Les statues épigraphes de Gudea, <strong>Musée</strong> <strong>du</strong> <strong>Louvre</strong>, Geuthner, Paris,<br />

2002. Si l’envie vous prend de lire la tra<strong>du</strong>ction des inscriptions en sumérien des statues de Gudea.<br />

J. BRIEND, A. CAUBET, P. POUYSSEGUR, Le <strong>Louvre</strong> et la Bible, Bayard, Paris, 2004. Un choix d’œuvres<br />

fondamentales et des parallèles établis avec la Bible.<br />

A. CAUBET, P. POUYSSEGUR, Aux origines de la civilisation. L’Orient ancien, Terrail, Paris, 2001. Ouvrage<br />

synthétique, présentant des illustrations grand format, pratique en classe.<br />

G. CURATOLA (dir.), L’Art en Mésopotamie, Hazan, Paris, 2006. Egalement un ouvrage grand format, plus<br />

pointu que le précédent.<br />

J.‐C. MARGUERON, Les Mésopotamiens, Picard, Paris, 2003². Ouvrage historique de référence.<br />

Khorsabad, Capitale de Sargon II, Les <strong>Dossier</strong>s de l’Archéologie, Hors‐série n°4, 1994. <strong>Dossier</strong> pratique pour<br />

ses plans, son développement consacré à l’histoire de cette partie des collections <strong>du</strong> <strong>Louvre</strong>.<br />

Ecriture cunéiforme (ouvrages consultables par les collégiens)<br />

E. GIRARD, Histoires d’écritures, Castor Poche Flammarion, 2001. Ouvrage de vulgarisation pour les jeunes,<br />

prenant en compte toutes les écritures.<br />

E. LE BRETON, Du verbe à l’écrit. La Naissance de l’écriture en Mésopotamie, <strong>Louvre</strong>, Chercheurs d’art,<br />

2003. Ouvrage pour les jeunes sur le cunéiforme, son origine, son évolution, sa diffusion.<br />

(pour a<strong>du</strong>ltes)<br />

B. LION, C. MICHEL (dir.), Les écritures cunéiformes et leur déchiffrement, De Boccard, Paris, 2008. Petit<br />

livret plus technique, pour a<strong>du</strong>ltes, sur l’écriture cunéiforme, les langues qu’elle a transcrites …<br />

Le récit de Gilgamesh (adaptations pour scolaires, utilisables en classe)<br />

L’Epopée de Gilgamesh, racontée par Pierre‐Marie Beaude (folio Junior). Belle adaptation littéraire <strong>du</strong><br />

mythe, accessible aux 6°.<br />

Gilgamesh, adaptation de Martine Laffon d’après la tra<strong>du</strong>ction de Jean Bottéro (Belin‐Gallimard,<br />

Classicocollège n°17). Texte très fidèle aux originaux, mais restant simple à lire grâce à un apparat critique<br />

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fourni, et agrémenté d’un dossier proposant des lectures d’images, des textes complémentaires sur les<br />

épreuves qualifiantes des héros et les récits <strong>du</strong> Déluge, un glossaire de mythologie suméro‐akkadienne.<br />

Le récit de Gilgamesh, adapté par Jacques Cassabois (Classiques Hatier n°122). Une adaptation qui offre une<br />

version raccourcie (certains épisodes sont résumés), mais dans une langue moins accessible que les<br />

versions précédentes. Toutefois, le texte est agrémenté de nombreuses photographies en noir et blanc<br />

d’œuvres évoquant le mythe ou la culture mésopotamienne, et l’édition propose aux <strong>professeur</strong>s, sur<br />

internet, des questionnaires (avec corrigés) pour interroger deux œuvres repro<strong>du</strong>ites en couleurs sur les 2°<br />

et 3° de couverture, dont le Héros maîtrisant un lion <strong>du</strong> <strong>Louvre</strong>.<br />

Gilgamesh, le roi qui ne voulait pas mourir, adaptation de Viviane Koenig (Oskar éditions). A consulter<br />

notamment pour ses schémas simples sur la conception <strong>du</strong> monde chez les Mésopotamiens, et son dossier<br />

offrant une synthèse abordable des grands empires <strong>du</strong> Proche Orient ancien.<br />

Gilgamesh (2 tomes), adaptation en bande dessinée par Gwen de Bonneval et Frantz Duchazeau, Dargaud,<br />

2004 (l’intégrale : 2010). Une très belle version au trait vif et coloré qui reprend la structure bipartite <strong>du</strong><br />

mythe.<br />

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