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Hommage a M. Henri Omont - Bibliothèque numérique de l'école ...

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HOMMAGE<br />

A<br />

M. HENRI OMONT<br />

26 JANVIER 1933<br />

I)ISCOUBS DE M. ALFRED COVILLE<br />

I EMIiFIE DE I;INSrI-rUT<br />

li<br />

Document


HOMMAGE A M. HENRI OMONT<br />

• L'allocution suivante a été prononcée par M. Alfred<br />

Couille, le 26 manier 1933, dans le vestibule d'honneur <strong>de</strong> la<br />

<strong>Bibliothèque</strong> nationale, au nom <strong>de</strong>s souscripteurs à la médaille<br />

ci ii la Bibliographie offertes à M. Jienri Oinont.<br />

MON CHER CONFRÈRE ET AMI,<br />

La tâche qui m'est confiée aujourd'hui et que ma fidèle<br />

affection considère comme un grand honneur, n'en est pas<br />

moins, par votre lait, singulièrement complexe. Vous avez<br />

tant travaillé ici ou ailleurs, avec une compétence si variée,<br />

vous avez rendu tant <strong>de</strong> services à l'érudition et aux érudits,<br />

vous avez semé partout tant d'amitiés et <strong>de</strong> reconnaissance,<br />

que la seule énumération <strong>de</strong> ceux qui désirent<br />

vous apporter aujourd'hui leur I érnoiguage <strong>de</strong> sympathie,<br />

d'admiration ou <strong>de</strong> gratitu<strong>de</strong>, suffirait à remplir le message<br />

que je suis chargé <strong>de</strong> vous apporter en leur nom, s'il <strong>de</strong>vait<br />

être tout à fait conforme à votre préférence, car vous ne<br />

cachez pas que vous n'aimez guère les longs discours, surtout<br />

quand il s'agit <strong>de</strong> vous-même. Il faut cependant vous<br />

résigner et accepter nos hommages tels, que je dois vous<br />

les présenter, puisque ce fut déjà pour tous un véritable<br />

sacrifice <strong>de</strong> cé<strong>de</strong>r à votre désir et <strong>de</strong> laisser à nu seul le<br />

soin, en vous remettant médaille et Bibliographie, <strong>de</strong> vous<br />

exprimer notre commune pensée. Et si c'est moi qui fus


-4—<br />

choisi ainsi pour être l'interprète <strong>de</strong> tous, c'est que, hasard<br />

ou excès <strong>de</strong> bienveillance, je me suis trouvé et me trouve<br />

encore, à une ou <strong>de</strong>ux exceptions près, mêlé ou associé à<br />

toutes les organisations ou compagnies savantes dont vous<br />

êtes l'honneur et dont vous représentez les meilleures tradi-<br />

tions. Dans cet ensemble, vous serez, je pense, d'accord<br />

avec moi, si je mets en première ligne la Normandie, l'École<br />

<strong>de</strong>s chartes, la <strong>Bibliothèque</strong> nationale et l'Institut <strong>de</strong> France.<br />

Vous avez conservé un culte filial pour la Normandie<br />

- permettez-moi <strong>de</strong> dire notre Normandie - et son admi-<br />

rable passé. Vous lui <strong>de</strong>vez vos origines personnelles et<br />

quelques-unes <strong>de</strong> vos éminentes qualités. Quand on ouvre<br />

votre Bibliographie, û la première page, le premier numéro<br />

- qui date <strong>de</strong> 1878 - c'est un catalogue <strong>de</strong> manuscrits<br />

d'une bibliothèque norman<strong>de</strong>, celle <strong>de</strong> Conches. C'est à<br />

Évreux que vous avez passé votre enfance et votre adoles-<br />

cence. C'est près <strong>de</strong> Conches que vous venez chaque année<br />

chercher un repos bien mérité, si tant est que vous vous<br />

donniez jamais <strong>de</strong> vrais loisirs. C'est la terre norman<strong>de</strong><br />

qui gar<strong>de</strong> tes vôtres, ceux qui sont partis pleins dannées<br />

et ceux qui, hélasi vous ont quitté bien avant l'heure.<br />

Notre amitié est trop discrète pour insister; mais elle aussi<br />

elle se souvient. C'est encore à la Normandie que vous<br />

<strong>de</strong>vez votre maître Léopold Delisle, dont vous avez si heu-<br />

reusement et si utilement suivi les traces. Comme lui et<br />

après lui, vous avez apporté votre précieuse contribution<br />

à la Société <strong>de</strong>s Antiquaires <strong>de</strong> Normandie, à la Société <strong>de</strong><br />

l'Histoire <strong>de</strong> Normandie, à la Société libre <strong>de</strong> l'Eure, aux<br />

Académies <strong>de</strong> Rouen et <strong>de</strong> Caen, et quel est le Normand,<br />

épris du passé <strong>de</strong> sa province, qui ne vous doive quelque


-5—<br />

chose? A l'École <strong>de</strong>s chartes, tous ceux qui se tournent<br />

vers l'histoire norman<strong>de</strong>, ont la - bonne fortune d'avoir vos<br />

conseils et vos érudites et judicieuses critiques. Cette fidélité<br />

si éprouvée à votre petite patrie marque déjà un <strong>de</strong>s<br />

traits essentiels <strong>de</strong> votre caractère, l'attachement - attachement<br />

sans défaillance - à tout ce qui est <strong>de</strong> votre tradition<br />

et <strong>de</strong> votre <strong>de</strong>voir.<br />

De la Normandie, du Lycée d'Évreux, vous êtes venu<br />

directement à l'École <strong>de</strong>s chartes. Cette école vous n'en<br />

l'ôtes pas seulement l'élève au fond <strong>de</strong> votre coeur, si je<br />

puis dire, vous ne l'avez jamais quittée. Dans votre domaine<br />

préféré, le déchiffrement, l'attribution, la critique et le<br />

classement <strong>de</strong>s manuscrits, vous en avez personnifié l'esprit -<br />

et la métho<strong>de</strong>. Je me souviens encore <strong>de</strong> l'impression que<br />

vous me files, à moi qui n'avais encore que trois mois<br />

d'école, lors <strong>de</strong> la soutenance <strong>de</strong> votre thèse : c'était dans<br />

le vieil hôtel <strong>de</strong> la rue <strong>de</strong>s Francs-Bourgeois, dans cette<br />

bizarre enceinte ovale où les élèves étaient séparés du<br />

public par une haute palissa<strong>de</strong>; vous étiez un long jeune<br />

homme mince, en redingote noire, avec <strong>de</strong>s lunettes d'or,<br />

l'air doux et très sérieux. Bien au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> vous, au centre<br />

d'une table rectangulaire, était assis un assez gros monsieur-barbu,<br />

tassé sur lui-même, qui , regardait <strong>de</strong> près et<br />

parlait avec une pru<strong>de</strong>nte précision, mais chez qui l'on sentait<br />

un fond <strong>de</strong> sympathie pour le patient avec lequel il<br />

discutait, c'était Léopold Delisle. Vous parliez tous <strong>de</strong>ux<br />

sur un sujet délicat et austère, la ponctuation <strong>de</strong>s manuscrits.<br />

Ni l'un ni l'autre ne voulait se compromettre dans<br />

<strong>de</strong>s affirmations téméraires. Mais on <strong>de</strong>vinait <strong>de</strong> part et<br />

d'autre une gran<strong>de</strong> inclination pour les mêmes choses et


-6—<br />

pour le jeune <strong>de</strong> sûres promesses d'avenir. Vàus les avez<br />

largement tenues ROUF l'tole <strong>de</strong>s chartes et pour la Société<br />

<strong>de</strong> l'École <strong>de</strong>s chartes. A l'École, vous êtes revenu connue<br />

chargé du cours <strong>de</strong> Bibliographie pendant un semestre,<br />

puis définitivement comme membre du Conseil <strong>de</strong> perfec-<br />

tionnernent, il y a vingt-cinq ans, comme prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> cc<br />

Conseil <strong>de</strong>puis douze ans. Vous êtes ainsi <strong>de</strong>venu pour la<br />

direction <strong>de</strong> l'École le conseiller <strong>de</strong> tous les jours, todété<br />

et pru<strong>de</strong>nt:, bienveillant aussi mais après réflexion -<br />

aux idées nouvelles. La Société <strong>de</strong> l'École <strong>de</strong>s chartes ne H<br />

vous doit pas moins; vous avez été son prési<strong>de</strong>nt, vous<br />

prési<strong>de</strong>z encore son comité <strong>de</strong> publication. Depuis bien <strong>de</strong>s<br />

.années vous avez pris la charge <strong>de</strong> la <strong>Bibliothèque</strong> <strong>de</strong><br />

l'École <strong>de</strong>s chartes, vous en suivez la rédaction et l'im-<br />

pression avec un zèle, uneattention impeccables, un tou-<br />

chant désintéressement, et c'est grâce à vous que ce pério-<br />

dique, après trois quarts <strong>de</strong> .iècle d'existence, reste au<br />

premier rang <strong>de</strong>s publications savantes du mon<strong>de</strong> entier<br />

consacrées à l'histoire et aux sciences auxiliaires du Moyen<br />

âge. Aussi votre nom est-il l'objet (l'un très grand respect,<br />

et jouit-il d'une autorité unique dans notre petite société<br />

chartiste. Et si nous cherchons quelque consolation égoïste<br />

à votre départ <strong>de</strong> la <strong>Bibliothèque</strong> nationale, nous la trou-<br />

vons dans l'espoir que vous pourrez désormais donner<br />

encore plus <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> sollicitu<strong>de</strong> à nos étu<strong>de</strong>s, à notre<br />

école, à notre <strong>Bibliothèque</strong>.<br />

De l'École <strong>de</strong>s chartes; vous êtes passé directement<br />

encore au Département <strong>de</strong>s manuscrits <strong>de</strong> la <strong>Bibliothèque</strong><br />

nationale. C'est dans cette maison que s'est passée toute<br />

votre vie <strong>de</strong> fonctionnaire et <strong>de</strong> savant. Que <strong>de</strong> bien on


-7—<br />

peut faire en un <strong>de</strong>mi-siècle sans changer <strong>de</strong> place, quand<br />

oti est comme vous un homme <strong>de</strong> <strong>de</strong>voir et <strong>de</strong> science!<br />

J'eusse bien préféré que M. l'Administrateur général lui-<br />

même, au nom <strong>de</strong> tous ceux qui à la <strong>Bibliothèque</strong> furent<br />

vos collègues et vos collaborateurs, qui vous ont vu au<br />

travail matin et soir, rappelât votre oeuvre si étendue et si<br />

profon<strong>de</strong> et cependant, par la faute <strong>de</strong> votre réserve, si<br />

mal •connue<br />

<strong>de</strong> ceux-là même qui en bénéficient chaque<br />

jour dans -leurs recherches. Grâce aux indications <strong>de</strong><br />

MM. Lauer, Bondois et Van-Moé, permettez-moi <strong>de</strong> rappe-<br />

ler l'essentiel <strong>de</strong> ce que vous avez fait. Lorsque vous arri-<br />

viez au Département <strong>de</strong>s manuscrits, il était bien difficile<br />

pour le commun <strong>de</strong>s érudits, philologues et historiens, <strong>de</strong><br />

s'y reconnaître. Les anciens catalogues manuscrits étaient<br />

peu accessibles; d'un maniement compliqué. On ne trouvait<br />

comme catalogues imprimés que les pesants in-folios du<br />

fonds latin et du fonds grée publiés au milieu du xviii 1 siè-<br />

<strong>de</strong> et les trois premiers volumes in-quarto <strong>de</strong> l'ancien<br />

fonds français. Léopold Delisle avait entrepris un catalo-<br />

gue général du fonds latin faisant suite au catalogue <strong>de</strong><br />

1 744, qu'il poursuiyit du n° 8.823 au no 18.613, et com-<br />

mencé lé catalogue (les nouvelles acquisitions latines. Mais<br />

il constatait la nécessité d'un nouveau catalogue général<br />

complet <strong>de</strong> ce fonds latin si riche et si mal connu, travail<br />

• qui s'est organisé et se poursuit sous votre direction. Des<br />

manuscrits grecs, dont on sait l'inestimable valeur, on ne<br />

connaissait guère que les plus célèbres. Le catalogue du<br />

fonds français imprimé seulement jusqu'au ho 6.170 avait<br />

té conçu dans <strong>de</strong> telles proportions qu'il eût fallu plu-<br />

sieurs générations d'hommes pour l'achever. Les manu-


-8-<br />

scrits français <strong>de</strong> Saint-Germain-<strong>de</strong>s-Prés, <strong>de</strong>s anciens<br />

petits fonds étaient à peine répertoriés. Les efforts précé<strong>de</strong>nts<br />

<strong>de</strong> classement mal conçus avaient apporté plus <strong>de</strong><br />

trouble que d'ordre. Un autre que vous se fflt sans doute<br />

découragé en présence <strong>de</strong> la tâche accumulée : résolument,<br />

sans arrière-pensée personnelle, vous avez entrepris et<br />

mené à bien, avec quelques collaborateurs dévoués, le<br />

classement et l'inventaire jusqu'au n n 33.264 <strong>de</strong> cette masse<br />

redoutable, lâche prodigieuse pour qui connaît les difficultés<br />

et tes délicatesses <strong>de</strong> telles opérations. Et le résultat<br />

fut celui que l'on espérait, la rédaction <strong>de</strong> catalogues sinipIes,<br />

très clairs, aisément maniables, faisant immédiatement<br />

connaître ce que contient l'ensemble <strong>de</strong>s collections.<br />

Ce travail vous l'avez poursuivi sans trêve comme bibliothécaire,<br />

comme conservateur-adjoint; il vous désignait<br />

sans concurrence possible pour être conservateur dès 1899,<br />

il y a trente-<strong>de</strong>ux ans. Et malgré la charge <strong>de</strong> la direction<br />

<strong>de</strong> ce département oit il y a tant <strong>de</strong> choses à ordonner, à<br />

vérifier, à surveiller au <strong>de</strong>dans et au <strong>de</strong>hors, tant <strong>de</strong> gens<br />

à recevoir et tant <strong>de</strong> conseils et <strong>de</strong> réponses à donner, vous<br />

avez toujours persévéré dans votre entreprise, puisqu'en<br />

1932 vous poussiez le catalogue imprimé <strong>de</strong>s nouvelles<br />

acquisitions françaises jusqu'au n 0 23.648. Quoi <strong>de</strong> plus<br />

éloquent que cette énumération et ces chiffres<br />

Mais vous n'avez pas été uniquement un admirable<br />

bibliothécaire, absorbé par <strong>de</strong>s travaux techniques dont le<br />

désintéressement fait la gran<strong>de</strong>ur. Le savant et le bibliothécaire<br />

ont toujours été inséparables. Ces manuscrits,<br />

auxquels vous donniez, comme on dit ailleurs, une fiche<br />

signalétique et un numéro <strong>de</strong> classement, que vous énumé-


-9—<br />

riez dans d'excellents inventaires, vous avez toujours aimé<br />

à en considérer lé texte, la valeur, les détails paléographi-<br />

ques, les traits originaux, la provenance révélatrice, la<br />

<strong>de</strong>stinée si souvent suggestive. Vous, avez prodigué les<br />

articics, les noices, les reproductions dans tous les pério-<br />

diques savants, avec une simplicité, une sobriété, une<br />

précision qui doivent servir d'exemple, si bien que <strong>de</strong> leur<br />

ensemble, sur certains points il en ressort une véritable<br />

doctrine, comme peu à peu du travail du mosaïste se déta-<br />

che une claire image. Je n'en veux prendre pour exemple<br />

que votre étu<strong>de</strong> préférée, celle <strong>de</strong>s manuscrits grecs, élu<strong>de</strong><br />

pour laquelle vous êtes reconnu comme le maître incontesté<br />

dans le mon<strong>de</strong> savant tout entier. Je rappellerai les intro-<br />

ductions et les notices <strong>de</strong> vos cinq volumes <strong>de</strong> fac-similés,<br />

<strong>de</strong>s manuscrits grecs <strong>de</strong> la <strong>Bibliothèque</strong> nationale <strong>de</strong> 1882<br />

à 1902, vos reproductions <strong>de</strong>s manuscrits <strong>de</strong> Platon, <strong>de</strong><br />

Démosthène, <strong>de</strong> la Poétique d'Aristote, <strong>de</strong>s Chirurgiens<br />

grecs, etc., <strong>de</strong>s miniatures <strong>de</strong>s Évangiles grecs, surtout la<br />

reproduction avec une remarquable notice, très pénétrante,<br />

du manuscrit en onciales du vi e siècle <strong>de</strong> l'Ancien Testament<br />

publiée Ley<strong>de</strong> en 1897. Maison ne sait vraimentque choisir<br />

dans une oeuvre aussi multiple, aussi diverse. Qu'il me suffise,<br />

après ces rapi<strong>de</strong>s détails, d'être l'interprète <strong>de</strong> l'émotion<br />

que toits ressentent ici <strong>de</strong> vous voir quitter ce champ<br />

merveilleux, que vous avez si longtemps, si bien, si pro-<br />

fondément labouré. Ce n'est pas seulement une question<br />

<strong>de</strong> sentiment, c'est l'impression que la Science française<br />

sera diminuée par votre absence définitive du plus beau<br />

déptt du inon<strong>de</strong>, On ne vous verra puis <strong>de</strong> votre pas tran-<br />

quille, encore jeune, traverser ce département où il s'est


- 10 -<br />

fait comme une harmonie secrète entre vous et ces salles<br />

tIc dépôt silencieuses dont presque tous les manuscrits ont<br />

passé entre vos mains. Mais vos catalogues, vos inventaires,<br />

votre Bibliographie, votre image enfin seront là pour rap-<br />

peler aux plus jeunes que nous avons à votre égard une<br />

<strong>de</strong>tte <strong>de</strong> reconnaissance que rien ne pourra acquitter.<br />

J'ai été bien long déjà, et cependant je n'ai pas encore<br />

fini. La récompense d'une telle oeuvre et d'une telle coin-<br />

pétence, c'était l'entrée à l'Académie <strong>de</strong>s .Inscriptions et<br />

- Belles-Lettres. Vous y avez été élu il y a trente-<strong>de</strong>ux ans,<br />

vous n'aviez pas encore quarante-trois ans; vous y êtes<br />

aujourd'hui un <strong>de</strong>s trois doyens d'élection. A l'Académie,<br />

comme partout, vous êtes à la fois réservé et respect, ne<br />

parlant que <strong>de</strong> ce que vous savez parfaitement. Vous faites<br />

partie <strong>de</strong> toutes les commissions qui s'occupent du Moyen<br />

âge, <strong>de</strong> la vie générale ou extérieure <strong>de</strong> la Compa gnie. Vos<br />

• avissont parmi les plus. écoutés; on connaît et on apprécie<br />

votre esprit avisé, d'une gran<strong>de</strong> expérience critique, votre<br />

pru<strong>de</strong>nce, votre sens du juste milieu. L'Académie, confiante<br />

• clans ces qualités, vous a délégué ô la Commission admi-<br />

nistrative tic l'Institut qui vous a fait son secrétaire, vous<br />

remettant ainsi le soin <strong>de</strong> veiller pour ainsi (lire ï quotidien-<br />

nement à Vadministratioi! délicate <strong>de</strong> cette illustre maison,<br />

qui ne se peut administrer comme aucune autre, qui a ses<br />

traditions, pas toujours très unie en elle-même,' mais très<br />

attachée, à bon droit, à son autonomie. Vous avez trouvé<br />

là aussi une véritable vocation.<br />

Et maintenant je ne puis plus qu'énumérer. Vous avez<br />

été, - j'en sais quelque chose, - un collaborateur pré-<br />

cieux <strong>de</strong> la Direction <strong>de</strong> l'Enseignement supérieur dans


- 11 -<br />

vos missions d'inspecteur général <strong>de</strong>s Bibliothèquç.s, sur-<br />

tout <strong>de</strong>s <strong>Bibliothèque</strong>s universitaires, et vous l'êtes encore<br />

dans la Commission supérieure <strong>de</strong>s <strong>Bibliothèque</strong>s, comme<br />

vous l'êtes aussi <strong>de</strong> la Direction générale <strong>de</strong>s Archives<br />

dans la Commission supérieure <strong>de</strong>s Ar'eliives. Vous avez<br />

donné un concours toujours dévoué aux Congrès <strong>de</strong>s Socié-<br />

tés Savantes et vous prési<strong>de</strong>z avec votre compélence et<br />

votre bonne grce la Section d'histoire et <strong>de</strong> philologie du<br />

Comité <strong>de</strong>s travaux historiques et scientiflques. Vous avez<br />

collaboré comme membre du Conseil et comme prési<strong>de</strong>nt<br />

aux travaux <strong>de</strong> la Société <strong>de</strong> [Histoire <strong>de</strong> France, <strong>de</strong> la So-<br />

ciété <strong>de</strong>s Antiquaires <strong>de</strong> France, <strong>de</strong> l'Association pour l'en-<br />

couragement <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s grecques: <strong>de</strong> la Société <strong>de</strong> l'Histoire<br />

<strong>de</strong> Paris et (le '11e (le France, <strong>de</strong> la Société <strong>de</strong>s anciens.<br />

textes français: Vous êtes docteur honoris causa <strong>de</strong> l'Uni-<br />

versité, d'Oxford, -associé <strong>de</strong> la British Aca<strong>de</strong>my, <strong>de</strong> l'Aca-<br />

démie <strong>de</strong> Danemark, et certainement j'en oublie. Partout<br />

où il vavait oeuvre d'érudition à faire, vous êtes venu, vous<br />

avez donné votre concours, sans bruit, sans ambition<br />

hèti ve. toujours soucieux avant tout <strong>de</strong> l'intérêt général,<br />

sans- doute peu disposé aux aventures, ruais finalement<br />

rallié aux initiatives <strong>de</strong> ceux à qui vous aviez donné votre<br />

confiance. Je vois encore un exemple <strong>de</strong> votre dévouement<br />

scientifique clans cette gran<strong>de</strong> entreprise du Catalogue géné-<br />

ral <strong>de</strong>s - manuscrits <strong>de</strong>s l3ihliotliùques <strong>de</strong> France à laquelle<br />

<strong>de</strong>puis . 1885 vous avez tant donné <strong>de</strong> vous-même soit<br />

comme- anteur<strong>de</strong> catalogues, soit comme directeur et con-<br />

seiller (le vos collaborateurs, entreprise vraiment monuinen- -<br />

tale ayant déjà plus <strong>de</strong> 75 volumes et dont nous espérons<br />

bien que vous verrez l'achèvement. Et comment ne pas


- 12 -<br />

rappeler enfin les missions difficiles, parfois périlleuses que<br />

vous avez si bien remplies pendant ta guerre dans la zone<br />

<strong>de</strong>s armées, à Soissons, à Reims, à Boulogne et ailleurs<br />

pour assurer la sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s richesses éparses dans les<br />

bibliothèques <strong>de</strong> la région du nord; Quelle crainte personnelle<br />

aurait pu vous retenir quand vous saviez <strong>de</strong> beaux<br />

manuscrits, honneur <strong>de</strong> notre pays, en danger?<br />

J'ai dit votre rôle si efficace dans les diverses branches<br />

où s'est répandue votre activité. Mais je n'ai encore indiqué<br />

que quelques traits <strong>de</strong> votre production personnelle <strong>de</strong><br />

savant. Comment l'apprécier autrement que par <strong>de</strong>s paroles<br />

banales et superflues, tant elle est variée, dispersée<br />

dans le temps et l'espace, toujours soli<strong>de</strong> et durable jusque<br />

dans ses plus menus détails? Vous l'avez semée <strong>de</strong><br />

tous côtés avec la prodigalité d'un homme dont le travail<br />

acharné n'a cessé d'accroître les richesses. D'ailleurs pourquoi<br />

insister? Des moindres pierres, on vient dans la<br />

Bibliographie <strong>de</strong> vos travau.x <strong>de</strong> vous élever un monument,<br />

le seul qui dot vraiment plaire à votre sagesse et à<br />

votre mo<strong>de</strong>stie. Les auteurs, vos collaborateurs du Département<br />

<strong>de</strong>s manuscrit, y ont mis, avec le zèle le plus affectueux,<br />

la métho<strong>de</strong> et la précision minutieuse nécessaires<br />

pour vous présenter un travail qui fût digne <strong>de</strong> vous. Nous<br />

leur <strong>de</strong>vons un grand merci, d'abord pour le très utile<br />

volume que grâce à notre confrère Privat, ils ont pu si<br />

bien et si vite réaliser et peut-être plus encore pour l'image,<br />

si le mot peut convenir en matière si abstraite, - que ce<br />

volume nous permet <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r ainsi <strong>de</strong> toute votre vie<br />

scientifique.<br />

Ai-je dit tout ce qu'il fallait vous dire, tout ce que l'on


- 13 -<br />

m'avait chargé <strong>de</strong> vous dire? Notre mélancolie est gran<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> savoir que vous allez cesser <strong>de</strong> vous donner à cette maison<br />

avec laquelle notre pensée vous i<strong>de</strong>ntifiait. Mais nous<br />

comptons bien vous voir continuer ou reprendre <strong>de</strong>s travaux<br />

pour lesquels vous avez une compétence unique,<br />

dans votre bibliothèque personnelle. Nous savons quelle<br />

parfaite sollicitu<strong>de</strong> veille sur vous; votre foyer est <strong>de</strong> ceux<br />

où, malgré les coups imprévus du sort, on voit venir sans<br />

crainte le soir <strong>de</strong> la vie, sous la gar<strong>de</strong> d'une affection que<br />

les années n'ont jamais fait que renforcer. La retraite sera<br />

ainsi pour vous non pas ce vi<strong>de</strong> que d'autres oit tant <strong>de</strong><br />

peine à combler et dont certains ne se guérissent jamais,<br />

mais comme un renouveau <strong>de</strong> travail, où l'on n'agit pas<br />

moins, mais plus libremenC à son gré et à son heure, le seul<br />

moment entre l'enfance et le grand départ, dans nos carrières<br />

vouées au service <strong>de</strong> l'État, où on peut être vraiment à<br />

soi-même, jouir <strong>de</strong> son passé, choisir ses besognes et ses<br />

loisirs, et, pour prendre une expression à laquelle on a trop<br />

souvent donné un tout autre sens, vivre sa vie.<br />

Pour que dans cette vie nouvelle, vous gardiez un souvenir<br />

visible <strong>de</strong> ceux qui aujourd'hui se pressent autour <strong>de</strong><br />

vous, un comité s'est formé, qui, avec <strong>de</strong>s concours aussi<br />

empressés que nombreux, a fait frapper cette médaille et<br />

vous l'offre par ma main. Vous la regar<strong>de</strong>rez avec la sérénité<br />

du maître qui le soir venu repasse tout ce qu'il a fuit<br />

dans sa journée et se rend ce témoignage qu'il a fait et<br />

bien fait tout ce à quoi la Provi<strong>de</strong>nce l'avait <strong>de</strong>stiné.<br />

Et voici la Bibliographie <strong>de</strong> vos travaux. Je viens <strong>de</strong><br />

dire avec quels sentiments et quelle métho<strong>de</strong> elle a été<br />

composée. Laissez-moi ajouter qu'avec ses excellentes


- 14 -<br />

tables elle ne sera sans doute pis inutile à vous-même<br />

car vous avez tant produit, que vous ne gar<strong>de</strong>z peut-être<br />

pas toujours le souvenir présent <strong>de</strong>s i. ioS numéros qu'elle<br />

contient. Et vous penserez en l'ouvrant à toutes les affec-<br />

tions dont elle est le symbole et qui viennent <strong>de</strong> s'unir ici<br />

en votre honneur. -<br />

Enfin pour achever notre hommage, il me reste à vous<br />

présenter nos unanimes félicitations à l'occasion <strong>de</strong> votre<br />

promotion comme comman<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> la Légion d'hônueur,<br />

que M. le Ministre <strong>de</strong> l'Éducation nationale a bien voulu<br />

vous annoncer et qui vient à l'heure attendue combler<br />

notre voeu le plus cher et apporter le témoi gnage officiel si<br />

mérité <strong>de</strong> tous les services que vous avez rendus.<br />

i'ouIouc. - ayp. EdotirirtÉ I'rivt, - 3752. - rBS.

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