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La naissance du roi Arthur

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Chrétien de Troyes en fait un calice contenant le sang <strong>du</strong> Christ et, au milieu <strong>du</strong> XIII e siècle,<br />

la version dite « classique » ou encore « cistercienne » de la légende le présente comme<br />

l’écuelle qui servit à Jésus pendant la Cène. Quant à Wolfram von Eschenbach, auteur de la<br />

version allemande <strong>du</strong> Parzival, au début <strong>du</strong> XIII e siècle, il nous montre le Graal comme une<br />

mystérieuse pierre tombée <strong>du</strong> ciel et sur laquelle, chaque vendredi, une colombe vient<br />

apporter une hostie. Et, dans certaines versions, le héros <strong>du</strong> Graal est Perceval (ou Parzival,<br />

ou Perlesvaux, ou Pere<strong>du</strong>r), tandis que dans la version cistercienne, c’est le pur Galaad, fils<br />

de <strong>La</strong>ncelot <strong>du</strong> <strong>La</strong>c, qui est l’heureux découvreur <strong>du</strong> vase sacré. Dans ces conditions, il n’est<br />

guère aisé de s’y reconnaître, et encore moins de prétendre que telle ou telle version est la<br />

bonne, ou <strong>du</strong> moins la plus conforme à un éventuel original qui aurait été per<strong>du</strong>.<br />

Ce sont quelques exemples pris à travers les inextricables halliers d’une mythique forêt de<br />

Brocéliande. Cette complexité s’explique par le fait que les légendes <strong>du</strong> Graal et <strong>du</strong> <strong>roi</strong> <strong>Arthur</strong><br />

ont été transcrites <strong>du</strong> XI e au XV e siècle par des écrivains appartenant à la fois à divers<br />

peuples, à diverses cultures, et à des systèmes de pensée parfois très éloignés les uns des<br />

autres. De plus, ces légendes sont d’origines géographiques multiples, et leur contenu<br />

idéologique réalise une sorte de synthèse entre une tradition que, faute de mieux, on<br />

qualifiera de « païenne » (notamment druidique), et un contexte judéo-romano-chrétien qui<br />

est celui de l’époque charnière de l’histoire <strong>du</strong> christianisme occidental : c’est en effet le<br />

moment où se définit le dogme de la transsubstantiation (1205), où s’affirment les pratiques<br />

de dévotion à la Vierge Marie, héritière des anciennes croyances en la Mère universelle, où<br />

se manifeste, notamment à Fécamp et à Bruges, le culte <strong>du</strong> Précieux Sang de Jésus, moment<br />

où, hélas, débute une impitoyable répression contre tous ceux qu’on appelle des hérétiques,<br />

moment également de la formulation théologique de Thomas d’Aquin et <strong>du</strong> passage fort<br />

inquiétant de l’idéologie inhérente au style roman à celle qui prévaut dans l’art gothique [1] .<br />

C’est donc dans un contexte tourmenté, riche en débats de toutes sortes, en remous<br />

politiques, intellectuels et spirituels, que s’élaborent les fameux Romans de la Table Ronde.<br />

On comprend alors comment l’<strong>Arthur</strong> primitif, de simple chef de clan romano-breton qu’il était<br />

historiquement [2] , soit devenu un puissant <strong>roi</strong> cristallisant autour de lui d’innombrables<br />

éléments empruntés ici et là, tous greffés sur des schémas archaïques – et très celtiques –<br />

concernant le « Roi <strong>du</strong> Monde », <strong>roi</strong> de type sacré et pivot obligatoire d’une société<br />

d’hommes libres et responsables.<br />

<strong>Arthur</strong> est en effet un personnage historique des environs de l’an 500 de notre ère. Il était,<br />

d’après les documents fiables (en latin) qui le concernent, un <strong>du</strong>x bellorum, c’est-à-dire un<br />

« chef de guerres », louant ses services aux <strong>roi</strong>s bretons qui avaient besoin de guerriers pour<br />

repousser les invasions saxonnes dans ce qui était alors l’île de Bretagne, autrement dit la<br />

Grande-Bretagne actuelle. L’époque était celle de la fin de l’Empire romain et <strong>du</strong> début de la<br />

civilisation mérovingienne, <strong>du</strong> moins sur le continent, et il est plus vraisemblable d’imaginer<br />

cet <strong>Arthur</strong> revêtu d’un uniforme romain <strong>du</strong> Bas-Empire que de le décrire sous l’aspect d’un <strong>roi</strong><br />

Plantagenêt <strong>du</strong> XII e siècle. Et son champ d’action a été essentiellement le comté de<br />

Cornwall, avec la fameuse forteresse de Tintagel, le Devon (où l’on retrouve le nom <strong>du</strong><br />

peuple gallo-breton des Dumonii), le Somerset, avec Glastonbury, qui deviendra le haut lieu<br />

<strong>du</strong> Graal, la fameuse île d’Avalon de la mythologie, le sud <strong>du</strong> Pays de Galles, avec le camp<br />

romain de Caerlion-sur-Wysg, et le pays dit des Bretons <strong>du</strong> Nord, autour de Carlisle, le<br />

Car<strong>du</strong>el des romans arthuriens. Les succès obtenus par <strong>Arthur</strong> contre les envahisseurs

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