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HISTOIRE LOCALE (suite)<br />
Ainsi donc, le propriétaire du « COMMERCE », se rendant compte du danger que représentait son concurrent, se décida à<br />
louer son affaire, mais il était paysan, donc malin.<br />
Les auberges et débit <strong>de</strong> boissons se vendaient à l’époque au nombre <strong>de</strong> tonneaux <strong>de</strong> bière débités dans l’année. M. Buchy<br />
commanda donc progressivement le double <strong>de</strong> tonneaux <strong>de</strong> bière nécessaire à son débit, et la nuit venue, il vida le surplus<br />
<strong>de</strong> bière dans le ruisseau qui passait au fond du jardin.<br />
Et les factures à l’appui, il louait son affaire le double <strong>de</strong> sa valeur. Son successeur M. Burgun<strong>de</strong>r, petit épicier <strong>de</strong>s environs<br />
<strong>de</strong> <strong>Drulingen</strong>, traitait la clientèle <strong>de</strong> l’hôtel du « Commerce » selon sa métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> boutiquier et la réputation du restaurant<br />
ne s’améliorait pas. M. Buchy en quittant, avait donné à M. Burgun<strong>de</strong>r toute la recommandation nécessaire pour la bonne<br />
marche <strong>de</strong>s affaires, et entre autre, ce bon tuyau qui consistait à récupérer l’excé<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la bière tirée à la pression.<br />
Et tous les soirs le seau <strong>de</strong> bière ainsi récupéré passait dans la nourriture <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux cochons, ce qui fortifiait ces bonnes bêtes<br />
et aidait à les faire grossir plus rapi<strong>de</strong>ment.<br />
Les clients du “Commerce” vers 1940, gérant Burgun<strong>de</strong>r<br />
Mais arriva la foire du pays et pendant trois jours, tous les environs <strong>de</strong> cette région très <strong>de</strong>nse en petits villages se précipitaient<br />
à <strong>Drulingen</strong> , chef lieu du canton, pour participer aux ripailles, aux jeux, au bal <strong>de</strong> l’A.S.D. (association sportive <strong>de</strong><br />
<strong>Drulingen</strong>), ainsi qu’aux nombreuses libations.<br />
Et c’est ainsi que M. Burgun<strong>de</strong>r, le débit augmentant, jugeait bon <strong>de</strong> doubler la dose <strong>de</strong> fortifiant pour les cochons et<br />
versait <strong>de</strong>ux seaux <strong>de</strong> bière dans leur nourriture. Mais son épouse en fit autant, croyant que son mari avait omis <strong>de</strong> le faire.<br />
Car pendant ces jours <strong>de</strong> foire, les salles <strong>de</strong>s auberges et hôtels débordaient <strong>de</strong> clients, on avait recours au renfort en<br />
personnel, et on était débordé.<br />
Le len<strong>de</strong>main matin M. Burgun<strong>de</strong>r faisant son inspection habituelle, entendit ses cochons poussant <strong>de</strong>s cris stri<strong>de</strong>nts<br />
et plaintifs. Se vautrant dans leur porcherie, les yeux exorbités, ces porcs donnaient <strong>de</strong> toute évi<strong>de</strong>nce les signes <strong>de</strong> gran<strong>de</strong><br />
maladie et l’hôtelier se précipita chez le boucher pour les faire abattre.<br />
Mais le rapi<strong>de</strong> coup d’œil <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier, constatant l’état d’excitation extrême <strong>de</strong>s bêtes, et connaissant l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />
débitants d’ajouter la bière à leur nourriture, fit son enquête et l’on constata que l’épouse aidant, les <strong>de</strong>ux cochons avaient<br />
reçu quatre seaux <strong>de</strong> bière et étaient ivres morts.<br />
Ce qui fit la risée du canton tout entier.<br />
Sachez aussi que M. Jurgens Auguste, ancien habitant <strong>de</strong> Gérardmer, et en bon Vosgien, ne jurait que par le kirsch <strong>de</strong><br />
Fougerolles. Mais les Drulingeois ne l’entendaient pas <strong>de</strong> cette oreille, se sentaient frustrés, voir touchés dans leur amourpropre<br />
et dans leur sentiment national, car le canton est le plus grand producteur <strong>de</strong> kirsch et <strong>de</strong> quetsch. Après maintes<br />
discussions et dégustations, le patron du « SOLEIL » se laissa convaincre, mais obtint en contrepartie un prix plus bas que<br />
celui <strong>de</strong>s producteurs <strong>de</strong> Fougerolles, ce qui donna satisfaction à tout le mon<strong>de</strong>. Mieux, il fit imprimer <strong>de</strong>s étiquettes<br />
portant en lettres gothiques :<br />
Quetsch du restaurant du « Soleil »<br />
Selectionné par le patron<br />
Production régionale<br />
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