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Perec joueles faussaires - Direccte

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0123<br />

Vendredi 24 février 2012<br />

Résolu mais sans illusions, le philosophe palestinien Sari Nusseibeh<br />

propose une solution pragmatique auconflit<br />

«Sortir du piège»<br />

Alain Frachon<br />

Si lemonde était bien fait, cet<br />

homme serait depuis longtemps<br />

ministre de l’éducation<br />

dansungouvernementdel’Etat<br />

de Palestine. Il entretiendrait<br />

les meilleures relations avec<br />

soncollèguedel’Etatvoisin,Israël;ils’attacherait<br />

àdévelopper avec lui des échanges<br />

d’étudiants et de professeurs. Il serait reçu<br />

avec fierté dans les deux universités dont<br />

il est diplômé, Oxford, en Grande-Bretagne,<br />

et Harvard, aux Etats-Unis. Il négocierait<br />

avec l’Union européenne des bourses<br />

Erasmus pour les étudiants palestiniens.<br />

Mais,précisémentparcequ’ilaétudiéla<br />

philosophie en des terres où elle penche<br />

plutôtducôtédel’empirisme,SariNusseibeh<br />

n’entretient pas d’illusion:lemonde<br />

n’est pas parfait, tout particulièrement<br />

chez lui, dans les territoires palestiniens<br />

occupés.A63ans,présidentdelaseuleuniversité<br />

arabe de Jérusalem, Al-Quds, Sari<br />

Nusseibeh est un philosophe qui ne se<br />

paie pas de mots. Ces trente dernières<br />

années lui ont appris ànepas céder àl’ivresse<br />

théorique. Il ne se «défonce»pas au<br />

concept.Ilavancesesargumentsavechésitation,<br />

prudence, timidité presque, dans<br />

un anglais peaufiné sur les rives de la<br />

Tamise, élégant et précis –par courtoisie.<br />

Priorité àlaréalité, donc. Militant OLP,<br />

Nusseibeh acru àcequ’on appelle le processusd’Oslo,<br />

un cheminementpar étapes<br />

vers la création d’un Etat palestinienàcôté<br />

del’Etat d’Israël. Agitateurd’idées,ilamilitépourquelemouvementnationalpalestinienadoptela<br />

solutionditedes deux Etats,<br />

au lieu de celle qu’il privilégiait àl’origine:<br />

la création, àlaplace d’Israël, d’un «Etat<br />

unique, démocratique et binational».<br />

La négociation n’a pas abouti. Chaque<br />

jourqui passe,et qui voitles implantations<br />

israéliennes progresser en Cisjordanie,<br />

rend de plus en plus improbable la solutiondupartageterritorialendeuxEtats.Ily<br />

avait moins de 230000Israéliens installés<br />

dans la partie arabe de Jérusalem et en Cisjordanie<br />

au moment d’Oslo, en 1993. Il yen<br />

aundemi-million aujourd’hui. «L’histoire<br />

ne va pas dans le sens d’un partage foncier,<br />

qui est de moins en moins vraisemblable»,<br />

dit Nusseibeh dans le calme matinal d’un<br />

petit hôtel du quartier de l’Odéon, àParis.<br />

Si l’un ou l’autre des règlements évoqués<br />

ci-dessus lui semblait «plausible», il<br />

s’y rangerait volontiers. Ce n’est pas le cas,<br />

explique-t-il:«Onest dans une impasse et,<br />

si on continue, la vie, déjà difficile, deviendra<br />

de moins en moins supportable pour<br />

tout le monde. » Il note la montée des<br />

«fanatismes» dans les deux camps. Il relève<br />

le peu de popularité d’une Autorité<br />

palestinienne (AP), héritière des accords<br />

d’Oslo, qui contrôle àpeine 20%delaCisjordanie.<br />

Il ne dit rien, par politesse, d’un<br />

gouvernement israélien dont le programme<br />

ressemble àcelui d’un groupe de BTP:<br />

agrandir toujours les implantations. «Il<br />

faut sortir de ce piège, tourner cette réalité<br />

malheureuse en quelquechose de positif»,<br />

déclare l’empiriste bostonien-oxfordien.<br />

Il est venu àParis présenter un livre qui<br />

développe une série de conférences qu’il a<br />

faites l’an dernier àlaSorbonne. Il y<br />

défend une solution intérimaire qui préserve<br />

les idéaux politiques des deux parties<br />

:Israël entend rester un Etat juif et<br />

démocratique; les Palestiniens veulent<br />

leur Etat, démocratiquelui aussi. En attendant,<br />

les uns et les autres pourraient<br />

apprendre àvivre ensemble.<br />

Le professeur Nusseibeh suggère que<br />

les Israéliens accordent aux Palestiniens<br />

Extrait<br />

Le partage de l’oubli<br />

Jean-Louis Jeannnelle<br />

Perdre/Maisperdrevraiment<br />

/Pourlaisser place àlatrouvaille.»<br />

Ces quelques vers<br />

d’Apollinaire donnent du<br />

sensàladoubleaventurevécuepar<br />

Belinda Cannone : celle d’être<br />

dépouillée des deux malles en<br />

métal dans lesquelles la romancière<br />

et essayiste avait enfermé des<br />

journaux scrupuleusement tenus<br />

depuis l’âge de 10ans, puis celle de<br />

trouver dans cette terrible épreuve<br />

l’inspiration pour une nouvelle<br />

œuvre. Au départ, les propos consignés,<br />

aussitôt le vol constaté, dans<br />

un nouveau cahier destiné àla<br />

publication et non plus àlaseule<br />

sphère intime visent àexorciser le<br />

traumatisme subi. Car depuis toujours,<br />

Belinda Cannone se plaint de<br />

son manque de mémoire –les carnets<br />

avaient pour fonction de l’en<br />

protéger. D’ailleurs, avait-elle<br />

10ansou12anslorsquesonpèrelui<br />

avait confié un cahier, lui recommandantd’y<br />

noter ses pensées afin<br />

«Ilfaut tourner cette<br />

réalité malheureuse<br />

en quelque chose<br />

de positif »<br />

«Que devons-nous faire dans les circonstances présentes,<br />

où le projet des deux Etats n’est plus une solution<br />

envisageable et où il faut s’attendre au maintien prévisible<br />

de l’actuel statu quo?Que devons-nous faire,<br />

d’une part, pour réduire les causes de souffrances,<br />

donc de mécontentement et d’instabilité éventuelle,<br />

d’autre part, pour anticiper un éventuel accord de<br />

paix qui pourrait se développer àpartir des réalités<br />

nouvelles qui ne cessent, inévitablement, de se créer<br />

sur le terrain? (...) L’extension du droit de séjour àtous<br />

les Palestiniens vivant sous autorité israélienne sert l’intérêt<br />

des deux parties. Israël pourrait même l’instaurer<br />

de façon unilatérale. Cela permettrait au moins d’améliorer<br />

ledit statu quo. Car laisser les choses en l’état ne<br />

peut que conduire àune catastrophe majeure.»<br />

Une allumette vaut-elle toute notre philosophie?pages 92-93<br />

de ne rien oublier? Son père, sur<br />

lequel elle écrivait un livre précisément<br />

au moment où ses malles lui<br />

ont été dérobées… Impossible de<br />

vérifier désormais. Voici Belinda<br />

Cannone condamnée àsevivre<br />

comme «une femme sans ombre».<br />

Le faitest là, comme une loi implacable<br />

autrefois formulée dans<br />

L’Ecriture du désir (Calmann-Lévy,<br />

2000):«Jenemesouviensquedece<br />

quej’écris(àpeuprès).»Continuerà<br />

écrire devient ainsi une manière<br />

d’amortir le choc.<br />

Mise àl’épreuve de soi<br />

Pourtant, aufil des pages, une<br />

forme s’invente, où la diariste met<br />

en scène en un très beau jeu de<br />

miroirs le rôle conféré d’ordinaire<br />

àl’écriture quotidienne. Celle-ci<br />

ne se réduit pas, tel unfétiche, à<br />

consoler d’une perte (celle de l’enfance,<br />

du temps qui passe ou de<br />

l’ensemble de ses archives personnelles).<br />

Elle est aussi une mise à<br />

l’épreuve de soi. Car Belinda Cannone<br />

se défend de toute autocomplaisance:<br />

«J’ai toujours eu horreur<br />

de marcher dans mes traces»,<br />

insiste-t-elle, refusant avec Sartre<br />

d’avancer «l’œil dans le rétroviseur»,<br />

en se donnant avant l’heure<br />

un «ton posthume ». C’est au<br />

contraire par exigence d’authenticité<br />

qu’elle consigne ses pensées,<br />

invoquant ce «dire-vrai extrémiste<br />

» auquel elle attache, avec<br />

Michel Leiris, un grand prix.<br />

Peu àpeu, le travail de réparation<br />

conduit l’écrivain àrelire certaines<br />

de ses œuvres passéespour<br />

trouver un sens àcequi lui arrive<br />

ou déceler dans l’actualité d’étonnantséchosàsonhistoire–lachute<br />

de Dominique Strauss-Kahn, chez<br />

qui elle note un désir secret de<br />

«tout perdre»,oulesauvetage des<br />

33mineurschiliens dont l’aventure<br />

lui prouve que «nous nous<br />

connaissons survivants» lorsque<br />

nousdécouvronsennouslacapacité<br />

de dépasser une situation limite.<br />

De l’arrestation de Ben Laden, elle<br />

retient surtout les «centaines de<br />

milliers de pages de journaux intimes»,<br />

un «trésor», selon les Américains,quil’ontcomparéà«unepetite<br />

bibliothèque universitaire».Relisant<br />

quelques mois plus tard cette<br />

entrée,la diariste s’étonned’avoirà<br />

ce point passé tout le réel «au<br />

tamisdel’idéefixe».BelindaCannoneva<br />

jusqu’àglisserdanssontexte,<br />

sans prévenir le lecteur, un mystérieuxpersonnage<br />

en qui elle recon-<br />

de CisjordanieetdeGaza le statut de résident<br />

étranger –celui dont dispose un<br />

Thaïlandais, un Français ou un Américain<br />

venu résider dans ce pays. Pas de<br />

droits politiques, mais celui de travailler,<br />

de circuler, d’habiter, de se faire soigner<br />

où il veut. Toutes les institutions de l’Etat<br />

d’Israël continueraient de relever du seul<br />

choix des citoyens israéliens;émanation<br />

des seuls Palestiniens des territoires,<br />

l’Autorité palestinienne, qui leur tient<br />

lieu d’Etat, serait renforcée.<br />

Le niveau de vie des seconds finirait par<br />

se rapprocher de celui des premiers; ils<br />

apprendraient àseconnaître. Au bout<br />

d’une période d’essai, l’AP se transformerait<br />

en Etat, reconnu par l’ONU. Les ressortissants<br />

des deux Etats cohabiteraient sur<br />

le même territoire mais sans avoir ni la<br />

même nationalité ni les mêmes institutions<br />

politiques. Les deux Etats pourraient<br />

un jour se constituer en fédération.<br />

Nusseibeh n’est pas naïf. Il décline toutes<br />

les critiques que sa solution suscitera –<br />

notamment, côté israélien, l’obstacle de la<br />

sécurité. Il s’efforce d’y répondre.<br />

Le professeur de philosophien’aime ni<br />

la passivité ni l’illusion. Il entend «prendre<br />

la réalité telle qu’elle est». Il fait le procèsdesrhéteursbrillantsqui,surlaPalestinecommesurd’autressujets,sont<br />

en quête<br />

de justice absolue, de vérités globales,<br />

définitives. Il passe enrevue les travaux<br />

des philosophes arabes d’hier et d’aujourd’hui.<br />

Ceux qui ont prôné tour àtour «le<br />

rationalisme, l’arabisme marxisant, l’islamisme»<br />

et quelques autres «- ismes »<br />

miraculeux. Il leur manifeste un intérêt<br />

académique, il leur témoigne une sympathie<br />

de confrère.<br />

Mais lui, résident de Jérusalem, patriote<br />

et militant, obligé tousles jours de poireauter<br />

àunbarrage de l’armée israélienne<br />

pour aller dans le quartier mitoyen<br />

d’Abou Dis; lui, conférencier international<br />

marié àune Britannique mais toujours<br />

sans passeport à63ans;lui, qui aeu<br />

lecouragededéfendrelecompromispolitiquedans<br />

un milieu qui cède facilement<br />

àl’esthétique de la radicalitéet de la lutte<br />

armée;lui, donc, il cherche des solutions<br />

concrètes. Toujours et encore. C’est sa<br />

façon, polie mais résolue, d’être un nationalistepalestinien.<br />

p<br />

Une allumette vaut-elle toute<br />

notre philosophie? de Sari<br />

Nusseibeh, traduit de l’anglais<br />

par Agathe Peltereau-Villeneuve,<br />

Flammarion, 124p., 16¤.<br />

De laperte de ses carnets àlaréinvention de soi, lapente suivie par Belinda Cannone<br />

naît son voleur –avant d’avouer<br />

avoir inventé cette histoire.<br />

Comment se protéger toutefois<br />

de cette «inflation de soi-même»<br />

quesusciteinévitablementlapratique<br />

du journal?Il n’est pas sûr que<br />

le respect de la sincérité ysuffise et<br />

que l’œuvre entreprise puisse dès<br />

lors atteindre à «cequi nous fait<br />

homme et pas seulement individu»,<br />

ainsi que Belinda Cannone y<br />

aspire. Survient la rencontre d’une<br />

danseuse de hip-hopnommée Bintou<br />

avec laquelle elle imagine un<br />

spectaclesurlacapacitédesemétamorphoser;<br />

ladiariste yrenoue<br />

avec une conviction profonde, sorte<br />

de ligne de force dans son existence:<br />

ilest nécessaire de mener<br />

une «réinvention permanente de<br />

soi»! C’est àcette condition que<br />

Belinda Cannone trouve un réconfortauxsouvenirsdeperteinconsolable<br />

dont ses interlocuteurs la gratifiaient<br />

en retour lorsqu’elle leur<br />

racontaitle vol de sesmalles,et que<br />

ses lecteurs trouvent àleur tour<br />

dansLaChairdutempslelieud’une<br />

expérience partageable. p<br />

La Chair du temps,<br />

de Belinda Cannone,<br />

Stock, 266p., 19¤.<br />

Critiques Essais<br />

Sans oublier<br />

La cassitérite coûte<br />

Notre vie moderne en est pleine, mais on n’en sait rien:sans la<br />

cassitérite, principal minerai de l’étain, ni les téléphones portables<br />

ni les imageries médicales ou les téléviseurs, rien de tout<br />

cela n’existerait. «Sans étain, pas de connexions, donc pas d’électronique»,résume<br />

le journaliste Christophe Boltanski, qui asuivi<br />

le trajet du précieux minerai, des mines de la République<br />

démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre) jusqu’à la tour Bolloré,<br />

dans le quartier parisien de la Défense, où les chargés de communication<br />

jurent tout ignorer de ce que coûtent, en vies humaines,<br />

l’extraction et le commerce de la cassitérite africaine. C’est<br />

une belle enquête, solidement documentée, et un voyage au<br />

long cours –deParis àBruxelles, en passant par Londres, Goma<br />

(RDC) ou Ipoh (Malaisie) –que nous offre le reporter du Nouvel<br />

Observateur. Le récit aurait pu être plus ramassé, mais l’écriture<br />

est nette, le style enlevé. Partie d’Afrique –oùl’on découvre le<br />

«deuxième monde» de la mine, avec ses jeunes esclaves, vieillis<br />

avant l’âge –, la cassitérite yrevient:plutôt que de recycler<br />

leurs ordinateurs, les pays riches les déversent en<br />

Afrique, où ils enlaidissent et polluent les faubourgs<br />

d’Accra ou de Lagos. Minerais de sang se lit comme un<br />

roman. Il dit, sans pontifier, l’infinie injustice faite àun<br />

continent. Du journalisme de salut public, en somme.<br />

p Catherine Simon<br />

aMinerais de sang. Les Esclaves du monde moderne,<br />

de Christophe Boltanski, photographies de Patrick Robert,<br />

Grasset, 346 pages, 19,50 ¤.<br />

Je me souviens<br />

Psychanalyste, romancier et fondateur chez Gallimard de la collection«Bibliothèque<br />

de l’inconscient», «Jibé»Pontalis a,<br />

depuis toujours, déclaré qu’il n’aimait ni les études savantes ni<br />

les archives. Il brûle papiers et lettres mais conserve les photographies<br />

colléesdans des albums ou dispersées sur sa bibliothèque.<br />

Aussibien s’est-il spécialisé dans les courts récits savamment<br />

construits, dans les abécédaires et dans l’art de se donner<br />

l’illusion que le temps n’a pas d’âge. On en trouvera la quintessence<br />

dans ce nouvel opuscule. «C’était mieux avant»,dit-il, en<br />

pastichant le Je me souviens de <strong>Perec</strong>. C’était mieux «quand le<br />

mot “révolution” était porteur d’espoir» ou «quand Lacan (…)<br />

n’avait pas encore fabriqué de lacaniens»et «quand j’allais danser<br />

au Bal nègre, rue Blomet».Belle nostalgie sans passéisme et<br />

dans un style pétillant d’intelligence! p Elisabeth Roudinesco<br />

aAvant, de Jean-Bertrand Pontalis, Gallimard, 142 p., 14,50 ¤.<br />

Schizophrénie<br />

Issu d’une lignée de psychiatres, et directeur de la clinique Bellevue,<br />

située àKreuzlingen sur la rive suisse du lac de Constance,<br />

Ludwig Binswanger (1881-1966) fut le fondateur d’un courant<br />

phénoménologique de la psychiatrie dynamique, la Daseinanalyse<br />

(analyse existentielle), et l’un des grands spécialistes de l’approche<br />

de la mélancolie et de la schizophrénie. Le texte présenté<br />

ici raconte l’histoire d’une patiente de 24 ans, Lola Voss, internée<br />

àBellevue de juillet1924 àoctobre1925, et dont Binswanger s’occupa.<br />

Il eut avec elle, jusqu’en 1930, un échange épistolaire.<br />

Lola refusait tout contact avec des vêtements et<br />

se livrait àdes jeux de langage pour demeurer hors du<br />

monde extérieur. Binswanger parvint àlaramener à<br />

une «relation d’existence».Elle lui en saura gré et lui<br />

donnera les moyens d’élaborer une nouvelle méthode<br />

clinique de diagnostic de la folie. Passionnant. p E. Ro.<br />

aLe Cas Lola Voss. Schizophrénie. Quatrième étude,<br />

de Ludwig Binswanger, traduit de l’allemand par Philippe<br />

Veysset, PUF, 126 p., 18¤.<br />

Nizan tragique<br />

Des deux vies littéraires de Paul Nizan (1905-1940), l’une commença<br />

en 1931 avec Aden Arabie et son fulgurant incipit, si<br />

fameux aujourd’hui: «J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne<br />

dire que c’est le plus bel âge de la vie.» Elle s’acheva par Chronique<br />

de septembre,sur la crise de Munich, paru en 1939, moins<br />

d’un an avant qu’une balle perdue ne fauche l’écrivain, pendant<br />

la retraite de Dunkerque. Suivit l’effacement voulu par le<br />

Parti communiste français qu’il avait quitté àcause du pacte<br />

germano-soviétique après en avoir été un apparatchik renommé.<br />

La résurrection commença en 1960 avec la reparution de ce<br />

même essai-récit inaugural, accompagné, cette fois, d’un avantpropos<br />

de Sartre, qui devait marquer toute une génération politique<br />

et lancer Nizan dans une postérité toujours vivante. Sartre<br />

avait fait de son ami de jeunesse la figure emblématique de<br />

la révolte. Yves Buin, dans un essai biographique passionnant,<br />

s’interroge ànouveaux frais sur cet oxymore:l’intellectuel de<br />

parti, déchiré entre pensée et discipline.p Michel Contat<br />

aPaul Nizan. La Révolution éphémère, d’Yves Buin. Denoël, 350p., 23¤.<br />

Inquiétude animale<br />

7<br />

Seuls les hommes ont-ils le privilège d’exister?Dans ce cas, les<br />

animaux devraient se contenter de vivre –cequi, aux yeux des<br />

philosophes, est souvent bien peu. C’est cette évidence que la<br />

philosophe Florence Burgat interroge dans son nouvel ouvrage,<br />

partant en quête des indices de la perplexité qui asaisi de<br />

nombreux penseurs devant la vie animale –àcondition toutefois<br />

qu’ils n’aient pas décidé, comme Heidegger, d’en «rester à<br />

l’abeille». Car, selon elle, les animaux connaissent l’angoisse et<br />

ont bel et bien une expérience de la mort, àdéfaut d’en avoir<br />

une représentation. De quoi nous questionner sur les conditions<br />

d’«existence»que nous leur imposons. p Julie Clarini<br />

aUne autre existence. La Condition animale, de Florence Burgat,<br />

«Bibliothèque Idées », Albin Michel, 400 p., 24¤.

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