Perec joueles faussaires - Direccte
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0123<br />
Vendredi 24 février 2012<br />
Laguerrede1914 vuepar uncheval ?StevenSpielbergaadapté<br />
pourlesécransceromanoriginalduBritannique MichaelMorpurgo<br />
Premier galop<br />
jeunesse<br />
Florence Noiville<br />
Qui est Michael Morpurgo? Poser<br />
cette question en Angleterre serait<br />
comme demander àunFrançais<br />
qui est Pef ou René Goscinny. Né<br />
en 1943, Morpurgo est l’un des meilleurs<br />
écrivains pour la jeunesse outre-Manche.<br />
Un ardent défenseur, aussi, du livre pour<br />
enfants:n’a-t-ilpascontribuéàlacréation<br />
du titre de «Children’s Laureate»,<br />
une sorte d’ambassadeur<br />
du livre jeunesse, dont il a,<br />
après le génial Quentin Blake,<br />
occupé la fonction pendant<br />
deux ans?<br />
Morpurgon’étaitpourtant<br />
pas destiné àceparcours.<br />
Enfant, il préfère le sport<br />
àlalecture. A18ans, il opte pour<br />
lemétierdes armes,puisseravise.<br />
Il sera prof. Enseignant d’anglais à<br />
Londres, il al’impression que les<br />
livres qu’il fait lire àses élèves les<br />
ennuient. Alors, il invente pour eux<br />
des histoires sur mesure. De fil en<br />
aiguille,ilproposesestextesàdeséditeurs.<br />
Aujourd’hui, il a plus de<br />
100 livres derrière lui (Le Roi de la<br />
forêtdes brumes,LeRoyaumede Kensuké,Anya…),denombreuxprixlittéraires<br />
et plus de 1,5million d’exemplaires<br />
vendus rien qu’en France. Et<br />
Morpurgo ne se contente pas<br />
d’écrire. En 1978, il a, avec sa<br />
femme, ouvert une ferme<br />
dans le Devon qui accueille<br />
des enfants venus de quartiers<br />
urbains défavorisés.<br />
C’est avec Cheval de<br />
guerre, publié en 1982, que<br />
Morpurgo adébuté sa carrière.«Mesplusancienssouvenirs<br />
sont un mélange<br />
confus de champs accidentés,<br />
d’écuries sombres et de rats qui<br />
cavalcadent au-dessus de ma<br />
tête. Mais je me rappelle assez bien le jour<br />
de la vente de chevaux. C’est une terreur<br />
qui m’a escorté toute ma vie. » C’est un<br />
Sexyfaucilleau fusil<br />
CINÉASTE ÀL’ŒUVRE ORIGINALE et réalisateur de clips àsuccès, le<br />
Français Michel Gondry est aussi un auteur de BD, art qu’il pratique<br />
avec des moyens plutôt limités, en l’occurrence un trait naïf et<br />
bancal digne d’un enfant de 10 ans. Michel Gondry n’en reste pas<br />
moins un conteur hors pair dont l’imagination débridée s’accommode<br />
plutôt bien de l’esprit underground du comics américain.<br />
C’est une histoire bien française cependant, et délirante àsouhait,<br />
que ce touche-à-tout vivant aux Etats-Unis nous raconte ici. Jugez:<br />
quatre copains ayant fréquenté dans leur jeunesse la même fac<br />
d’arts plastiques sont convoqués àl’Elysée, dont l’hôte n’est autre<br />
qu’un certain Johnny Hallyday. Nos amis craignent d’être jetés en<br />
prison pour avoir évité le service militaire vingt-cinq ans plus tôt<br />
sous des motifs fallacieux. Que nenni, l’heure est grave pour l’Ilede-France<br />
(désormais séparée de la province):une meute de femmes<br />
communistes et sexy venues d’Europe de l’Est projettent d’envahir<br />
Paris. L’armée francilienne étant partie parader dans le golfe<br />
du Mexique, un bataillon d’intérimaires est formé sur le tas, nos<br />
quatre zouaves en tête… On ne dira rien de plus de ce récit jouissif<br />
construit sur une angoisse générationnelle:lapeur de gâcher une<br />
année de sa jeunesse sous les drapeaux. Tous les imposteurs qui,<br />
comme Gondry ou votre serviteur, yont échappé liront cet album<br />
avec encore plus de plaisir. p Frédéric Potet<br />
a On aperdu la guerre, mais pas la bataille, de Michel Gondry,<br />
Cambourakis, 48 p., 12¤.<br />
cheval qui parle ici. Un cheval nommé<br />
Joey.Audébutduroman,ilestencorepoulain,<br />
on l’a arraché àsamère et son destin<br />
esttracé:onestàlaveillede1914,ildeviendra<br />
«cheval de guerre»…<br />
Le premier conflit mondial vu par un<br />
cheval ?Dans La Revue des livres pour<br />
enfants (1989), Morpurgo raconte comment<br />
l’idée lui est venue. «Pendant longtemps,<br />
j’avais été fasciné et horrifié par<br />
bande dessinée<br />
Cheval de guerre<br />
(War Horse),<br />
de Michael Morpurgo,<br />
traduit de l’anglais<br />
par André Dupuis,<br />
192p., 12,50¤.<br />
Le texte paraît aussi en<br />
édition de poche<br />
(«Folio Junior», 208p.,<br />
6,50€) et en livre audio<br />
le 1 er mars («Ecoutez<br />
lire», lu par Arnaud<br />
Denis, 23€).<br />
quatre dessins découverts au fond d’une<br />
malle dans un grenier. Ils représentaient la<br />
cavalerie britannique en 1914. De nombreux<br />
chevaux et soldats avaient été pris<br />
danslesbarbelésetétaiententraindemourir<br />
(...). Un jour, au pub de mon village, j’ai<br />
vu, assis près du feu, un vieil homme dont<br />
je savais qu’il avait fait la guerre dans le<br />
régiment de cavalerie du Devon. Il m’a<br />
raconté sa vie au front avec son cheval et<br />
comment il se confiait à lui lorsqu’il<br />
l’étrillait, comment il lui avouait ses peurs,<br />
ses espoirs. Il me disait que son cheval<br />
l’écoutait, l’écoutait vraiment. J’ai été touchéqu’il<br />
me confie cette histoire. J’ai même<br />
eu le sentiment qu’il me la transmettait.<br />
Après cette conversation, le récit de Joey a<br />
commencé àseconstruire dans ma tête…»<br />
Si Gallimardrééditeaujourd’huice texte<br />
vieux de 30ans, c’est parce que Stephen<br />
Spielberg vient de l’adapter au cinéma (le<br />
film est sorti le 22 février). Mais c’est aussi<br />
enraisonde son originalitéet desa grande<br />
finesse. Pendant plusieurs années, Cheval<br />
de guerre ad’ailleurs fait salle comble à<br />
Londres dans une adaptation proposée<br />
par le National Theatre. Notons qu’il sort<br />
aussi le 1 er mars en livre audio. Ce serait<br />
dommage de passer àcôté. p<br />
Des diamants pour<br />
une blonde<br />
Selon Jack,lecrime ne paie pas assez<br />
Raphaëlle Leyris<br />
polar<br />
Paternostra, ce n’est pas une<br />
prière, c’est le patronyme<br />
de Jake, le héros du roman.<br />
Des prières, de toute façon,<br />
on en fait peu dans son monde,<br />
celui des combines et de la violence,aucœurduNewYorkpasaseptisé<br />
des années 1970:onn’y compte<br />
que sur soi, son arme et sa chance.<br />
Un jour, parce qu’il en aassez<br />
de ne pas pouvoir offrir la belle<br />
vie àsapetite amie en se contentantd’êtrehonnête,JakePaternostra<br />
braque des diamantaires. Il en<br />
tue deux. Leur mort pèse beaucoup<br />
moins sur sa conscience que<br />
l’impossibilité où il se trouve de<br />
revendre le produit de son casse.<br />
En théorie, il est riche ;dans les<br />
faits, il n’a toujours pas de quoi<br />
emmener Easy au restaurant, et il<br />
se retrouve avec la moitié de la<br />
pègre new-yorkaise aux trousses.<br />
Chacun essaie de rouler son voisin;çatire<br />
dans tous les sens, et ça<br />
tortureau passage. Jake, au milieu<br />
de ce déferlement, n’oublie pas de<br />
rester cool –autant que possible.<br />
Eugène S. Robinson réussit à<br />
mener son intrigue pied au plan-<br />
Mélange des genres 9<br />
cher tout en offrant àson lecteur<br />
le plaisir d’une narration au long<br />
cours, qui prend le temps de dresser<br />
une épatante galerie de portraits–et,même,<br />
derevenirsur l’itinéraire<br />
de Jake. Ce polar<br />
emprunte àlaveine hard boiled,<br />
tendance Chester Himes, du<br />
genre, tout en rendant un hommage<br />
générationnel àQuentin<br />
Tarantino. Résultat de ce croisement:<br />
peut-être pas un diamant<br />
pur, mais un petit bijou d’énergie<br />
et d’humour noir. p<br />
Paternostra (A Long Slow<br />
Screw), d’Eugene S.Robinson,<br />
traduit de l’anglais (Etats-Unis)<br />
par Nicolas Richard, Inculte,<br />
302p., 22¤.<br />
Mon poche<br />
de chevet<br />
par Olivier Cadiot, écrivain<br />
La Vie mode d’emploi<br />
de Georges <strong>Perec</strong>, Le livre de poche, 640p., 7,50¤<br />
«Jemesouviens très bien de sa sortie. Ça m’a donné des ailes.<br />
Comment un livre pouvait-il être aussi complexe et aussi lisible?Roussel<br />
voisin de Jules Verne, Laurence Sterne et Bourbaki<br />
dans le même ascenseur. Enfin un livre moderne comique!Je<br />
ne suis pas fanatique des livres àcontraintes, des jeux sur la langue,<br />
et je trouve étonnant que <strong>Perec</strong> ait pu faire éclater le cadre<br />
qu’il s’était fixé. Ce n’était pas La Disparition,c’était l’apparition.<br />
Ce n’était pas non plus «Les Choses II», un roman qui aurait pu<br />
rassurer tout le monde. On al’impression qu’il achoisi dans ce<br />
livre d’exagérer ses défauts, de déborder son plan, de faire sauter<br />
l’immeuble. C’était rassurant. Le roman pouvait accueillir de<br />
nouveau des choses abstraites ou théoriques, en version chaude,<br />
il atoujours fait ça, mais il l’oublie périodiquement. Ce livre<br />
ressemblait àuncatalogue de projets possibles et, sans doute,<br />
beaucoup d’écrivains ont-ils bénéficié de cette générosité. Plusieurs<br />
années après me reste de cette lecture moins la prouesse<br />
qu’une légère mélancolie. Ce livre si clair est très sombre. Comme<br />
la gravure de l’immeuble en coupe sur la couverture. On y<br />
voit un homme en noir courbé, parapluie sous le bras, gravir<br />
tristement l’escalier, un cheval de bois miniature sur le parquet<br />
du deuxième, une expulsion au troisième, on entend le craquement<br />
d’un fauteuil au premier, un piano lointain au rez-dechaussée,<br />
le charivari d’un artiste sous les combles.»<br />
aDernier ouvrage d’Olivier Cadiot: Un mage en été, POL, 144p., 19,50 ¤.<br />
sélection poches<br />
Sur les traces des disparus<br />
L’historien Saul Friedländer aconsacré la plus grande partie de<br />
son existence de chercheur àtenter de comprendre la Shoah, qui<br />
aenglouti sa famille et l’a laissé orphelin. Dernier des grands<br />
savants survivants de ce cataclysme, professeur àl’UCLA (Los<br />
Angeles) et àTel-Aviv, il a, avec ces deux volumes parus respectivement<br />
en 1997 et 2008, produit la plus vaste synthèse depuis<br />
La Destruction des Juifs d’Europe,deRaul Hilberg (Fayard, 1988).<br />
Mais, àladifférence de ce dernier, Saul Friedländer aintégré aux<br />
documents des exécuteurs les traces que les victimes ont laissées<br />
de leurs souffrances. Friedländer, qui avait commencé son travail<br />
en questionnant le silence de l’Eglise et de Pie XII dans les<br />
années 1960, acomplété son enquête en l’étendant àlapopulation<br />
et aux élites, dont l’indifférence souvent complice arendu le<br />
crime possible. Grandiose initiation àlaconnaissance de la<br />
Shoah, summum d’érudition la plus àjour possible, ces deux<br />
tomes sont aussi un monument du désespoir. p Nicolas Weill<br />
aLes Années de persécutions. L’Allemagne nazie et les Juifs<br />
(1933-1939), de Saul Friedlander, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par<br />
Marie-France de Paloméra, Seuil «Point », 536p., 10€<br />
aLesAnnées d’extermination.L’Allemagne nazie et les Juifs<br />
(1939-1945), traduit par Pierre-Emmanuel Dauzat, Seuil «Points »,<br />
1032p., 12,50¤.<br />
Le poids des inégalités<br />
Autant chronique que manifeste, ce texte inédit de deux auteurs<br />
issus de la société civile décrit de manière fine et concrète la<br />
façon dont l’accroissement des inégalités renforce le poids des<br />
discriminations. L’«égalitarisme républicain» est àleurs yeux<br />
un modèle «àbout de souffle» qui contribue àfiger la société<br />
française dans un fonctionnement qui n’est pas loin de rappeler<br />
le système féodal des castes et des privilèges. Plus convaincant<br />
dans l’analyse que dans les solutions proposées, le livre est porté<br />
par la conviction des auteurs, qui s’inscrivent «dans la philosophie<br />
d’une économie sociale qui fait de l’homme la première<br />
richesse àpréserver». p Julie Clarini<br />
aChronique de la discrimination ordinaire, de Vincent Edin et Saïd<br />
Hammouche, Gallimard, «Folio », 230 p., 3.50 ¤.<br />
En eaux profondes<br />
En février1982, au large de Terre-Neuve, une plate-forme pétrolière<br />
afait naufrage. Parmi les dizaines de morts:Cal, père de<br />
trois –bientôt quatre –enfants. Vingt-six ans plus tard, sa veuve<br />
ne s’en est pas remise. Elle tourne inlassablement autour de<br />
cette nuit, et des souvenirs. Jeune Canadienne, Lisa Moore a<br />
écrit un puissant roman du deuil et du lent retour àlavie. p R.L.<br />
aFévrier (February), de Lisa Moore, traduit de l’anglais (Canada) par<br />
Carole Hanna, 10/18, 332 p., 8,40¤.<br />
parutions<br />
Histoire de l’Atlantique, de Paul Butel,Tempus, 598 p., 11¤.<br />
On ne peut plus dormir tranquille quand on aune fois ouvert les<br />
yeux, de Robert Bober, «Folio », 272 p., 5,95 ¤.<br />
JPod, de Douglas Coupland, traduit de l’anglais (Canada) par Christophe<br />
Grosdidier, J’ai lu, 542 p., 8¤.<br />
Le Bluff technologique, de Jacques Ellul,Pluriel, 748 p., 12,50 ¤.<br />
Les Equilibres ponctués, de Stephen Jay Gould, traduit de l’anglais par<br />
Marcel Blanc, «FolioEssais », 912 p., 11,50 €.<br />
Rupture, de Simon Lelic, traduit de l’anglais par Christophe Mercier,<br />
«Folio Policier », 368 p., 6,95 ¤.<br />
De la bêtise, de Robert Musil, traduit de l’allemand par Philippe Jaccottet,<br />
Allia, 64 p., 6,10 ¤.<br />
Lettres àsafemme, de Léon Tolstoï,traduit du russe et préfacé par<br />
Bernard Kreise, Rivages Poche, «Petite bibliothèque », 176 p., 8,50 ¤.<br />
Les Mythes, conteurs de l’inconscient, de Jean-Paul Valabrega, «Petite<br />
Bibliothèque Payot», 224 p., 8,50 ¤.