Centre Antoine Vitez asbl Théâtre de l'Aléna asbl Château de Sclessin

Il est amusant de penser que leurs parents, qui les inscrivaient dans un tel lieu,
passablement en ruine et sans toilettes, devaient avoir au fond d‟eux une part
d‟idéalisme. Je leurs rends hommage d‟avoir cru en nous peut-être presque avant
nous-mêmes.
L‟état de délabrement du lieu nécessitait des fonds et ces premiers inscrits
nous apportèrent nos premiers pots de couleurs. Il était temps car, Stéphanie étant
étudiante, je finançais tout avec mon allocation de chômage et nous étions au bord
de la précarité. Précarité euphorique mais précarité tout de même!
Je ne retournais plus à Paris que si j‟avais une audition importante ou un
tournage et j‟abandonnai mes cours. Le reste du temps, c‟est-à-dire la majorité, je le
passais à nettoyer, déblayer, peindre, plafonner, maçonner, colmater, poncer,
carreler, décorer, bien heureux d‟être capable de le faire. Stéphanie ne sachant au
départ pas bricoler me secondait précieusement et amenait sa touche dans les
finitions. Elle pensait et voulait ardemment lancer ses cours de danse la saison
suivante, en septembre 1996, et convoitait pour cela une salle du premier étage de
bonne taille. Malheureusement s‟y trouvaient les milliers de livres éventrés jonchant
le sol. Ainsi, et avant même de pouvoir nous occuper de l‟affectation de ce local, des
semaines furent nécessaires à remettre tout en caisses et à déblayer.
Se posait aussi un autre problème: lors de notre démarrage d‟activité dans
la salle des fêtes de l‟association voisine, quelqu‟un, au sein de cette association,
avait cru bon de nous voler la vieille sonorisation offerte par mon frère. Je ne me
souviens plus avec quel petit appareil nous avons débuté mais nous débutâmes!
Six élèves étaient là, au rendez-vous de notre joie mal contenue. Nous nous
aimâmes passionnément et, avec l‟aide des élèves de théâtre, nous pûmes, la
saison suivante atteindre le chiffre de trente élèves! Les rentrées étant absorbées
par le bâtiment, nous, Stéphanie et moi, survivions tant bien que mal. Elle dispensait
des cours de danse ailleurs et cela nous permit de ne jamais être en difficulté.
Avec la ville de Liège, les choses allaient au mieux. Le bourgmestre avait
confié à la presse son vif intérêt pour notre projet; l‟échevin des bâtiments nous
suivait pas à pas, nous promettant un bail emphytéotique, et le conseiller communal
enfin, nous obtenait les rendez-vous et autorisations pour développer les activités.
Un soir, le concierge vint me porter un énorme trousseau de clés mais c‟était
clairement contre sa volonté qu‟il s‟exécutait. Il repartit aussi sec en maugréant dans
sa barbe grisonnante et hirsute des menaces. La semaine suivante, le bras en
écharpe, il s‟était fait mordre par son chien et en était fier!, il m‟alpagua vivement en
ces termes:« Méfie-toi! Des mecs comme toi, j‟en ai vu beaucoup et ça disparaît
facilement. » J‟aurais pu sourire, mais cet individu, ce mandataire politique tenait à la
main une carabine à canon scié! Sous le choc, Stéphanie et moi ne vînmes pas
travailler ce week-end là. Pourtant, en passant devant la bâtisse le samedi soir, de
retour du cinéma, nous y aperçûmes de la route, de la lumière. Nous étions en
décembre. Nous allâmes aussitôt voir de quoi il s‟agissait mais n‟osâmes pas entrer.
Nous scrutions du parking.
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