Violence et interaction sociale - Free
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membres du groupe "intrinsèquement" les plus violents vont-ils amener<br />
celui-ci à une polarisation extrême - voire violente - ?<br />
3) la violence définit la réalité <strong>et</strong> les pratiques <strong>sociale</strong>s.<br />
Les recherches les plus récentes en matière de persuasion<br />
soulignent l'idée suivante, qui semble de prime abord paradoxale : "si un<br />
individu choisit librement de réaliser un comportement contre-attitudinal,<br />
il tend ensuite à aligner son attitude dans le sens de son comportement"<br />
(Fazzio, Zana <strong>et</strong> Cooper, 1994). Nous avons repris le développement de<br />
Billig (1984) qui distinguait les attitudes <strong>et</strong> les comportements afin de<br />
souligner c<strong>et</strong>te inadéquation, mais aussi afin d'en signifier la valeur<br />
heuristique. Par rapport à la violence, la théorie de la dissonance cognitive<br />
(Festinger, 1957) comme celle de l'auto-perception (Bem, 1972) peuvent<br />
nous renseigner sur la définition <strong>et</strong> les pratiques prévalant chez les individus<br />
comme dans les groupes, en rapport avec la norme <strong>sociale</strong> qui refuse la<br />
violence. Ainsi, l'entreprise d'auto-justification qui accompagne toute<br />
tentative de réduction de dissonance s'appuiera t-elle sur la représentation<br />
<strong>sociale</strong> de la violence articulée sur l'idée de gradation, de gravité plus ou<br />
moins forte, de degrés différenciés <strong>et</strong> nécessitant de ce fait un traitement luimême<br />
graduel. Toute violence est punie en fonction de sa gravité (cf. la<br />
tradition judéo-chrétienne distingue par exemple les péchers en fonction de<br />
leur gravité). La théorie de l'auto-perception (auto-persuasion en fait à ses<br />
débuts) est similaire dans sa façon d'appréhender la violence. De type<br />
introspectionniste, elle s'inspire en eff<strong>et</strong> de la tradition judéo-chrétienne elle<br />
aussi ("ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse !").<br />
Conclusion.<br />
L'attitude générale, conforme à la norme <strong>sociale</strong> refuse la<br />
violence alors qu'elle produit paradoxalement des discours ou des<br />
comportements violents. Un décalage existe donc, qui se réfère à un schéma<br />
figuratif précis (la violence est à bannir car l'usage de la force pour<br />
contraindre autrui ne correspond plus à notre société pacifiée - voire sans<br />
affect -), tandis que le traitement de la violence se fera sur la base de sa<br />
gravité <strong>et</strong> de sa valeur instrumentale. Ambivalente, la notion draine avec elle<br />
une série de paradoxes, de non-dits, qui présupposent l'intériorisation par les<br />
individus de c<strong>et</strong>te différence entre idéel <strong>et</strong> comportemental. La gratuité d'un<br />
acte violent est impensable alors même qu'elle séduit notre entendement<br />
esthétique. Vécue essentiellement dans sa dimension contre-attitudinale, la<br />
violence en appelle toujours à une réduction de dissonance puisqu'elle<br />
fomente en l'individu (comme d'ailleurs dans le groupe) des énoncés de type<br />
justificatif, repris par le sens commun dans la formule déjà citée "la fin<br />
justifie les moyens". La représentation <strong>sociale</strong> de la violence double sa valeur<br />
instrumentale d'une valeur cognitive certaine : elle est un instrument<br />
d'appréhension du monde qui renforce le clivage bon/mauvais, bien/mal tout<br />
en perm<strong>et</strong>tant la catégorisation <strong>sociale</strong> (Tajfel, 1972) <strong>et</strong> la désignation de<br />
l'autre. L'affect n'est réintroduit <strong>et</strong> n'a de valeur explicative que dans le<br />
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