n° 123 - Janv. - Fév. 2010 - 3 euros - La Guilde Européenne du Raid
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LA FAIM n’est pas une fatalité<br />
Faciliter la souveraineté alimentaire de chaque pays<br />
ou groupe de pays s’impose.<br />
<strong>La</strong> plupart des politiques dites de développement menées dans<br />
les pays <strong>du</strong> Sud ont longtemps sacrifié l’agriculture : miser sur les<br />
villes et l’in<strong>du</strong>strialisation en s’approvisionnant sur les marchés<br />
mondiaux était considéré comme la stratégie la plus efficace.<br />
L’exode rural est ainsi venu grossir les mégalopoles <strong>du</strong> Sud<br />
tandis que les citadins devenaient de plus en plus dépendants des<br />
aliments importés. <strong>La</strong> flambée récente des cours a montré les<br />
limites de ce choix et la vulnérabilité des pays qui avaient sacrifié<br />
leurs agriculteurs. Investir dans l’agriculture est désormais considéré<br />
comme une priorité par de nombreux pays. Le soutien à<br />
la petite agriculture familiale paysanne est considéré<br />
comme le moyen le plus efficace de vaincre la faim. Chaque<br />
pays doit pouvoir défendre sa souveraineté alimentaire : le droit de<br />
protéger son agriculture des fluctuations des marchés mondiaux<br />
et de garantir une rémunération correcte à ses agriculteurs.<br />
Les programmes des ONG obtiennent des résultats<br />
très rapides lorsqu’ils sont bien menés,<br />
à condition qu’elles puissent avoir accès aux populations.<br />
Afin que leur aide ne soit pas mal utilisée (Corée <strong>du</strong> Nord,<br />
Birmanie, Darfour…), les plus expérimentées offrent un front<br />
commun aux affameurs en édictant des principes très clairs dans<br />
leur intervention :<br />
- libre choix des bénéficiaires des programmes ;<br />
- libre choix des méthodes d’intervention ;<br />
- libre choix des lieux d’intervention.<br />
Le but des ONG est d’apporter une assistance humanitaire directe<br />
et de contrôler qu’elle parvient bien à ses véritables destinataires,<br />
les populations les plus vulnérables et les plus malnutries.<br />
Dans leurs distributions alimentaires, elles bénéficient de l’aide<br />
logistique <strong>du</strong> PAM (programme alimentaire mondial), organisme<br />
des Nations Unies dont le rôle est de collecter, de mobiliser et de<br />
distribuer l’aide alimentaire.<br />
34 AVENTURE <strong>n°</strong><strong>123</strong><br />
VAINCRE LA FAIM<br />
de François GUILLAUME aux éditions Eyrolles.<br />
Mais les programmes des ONG sont forcément limités<br />
de par leurs moyens d’action,<br />
qui dépendent de contributions volontaires.<br />
Si les donateurs privés sont indispensables pour permettre<br />
aux organisations humanitaires de choisir et de démarrer leurs<br />
programmes en toute liberté, le soutien des organisations<br />
internationales, comme les agences des Nations Unies, et surtout,<br />
des gouvernements, ainsi que celui de l’Union <strong>Européenne</strong>,<br />
premier donateur mondial, leur est indispensable pour amplifier<br />
leur action.<br />
Pour être <strong>du</strong>rable et efficace l’aide humanitaire doit<br />
se doubler d’une action politique et diplomatique :<br />
la paix et l’instauration d’un État de droit<br />
sont le meilleur moyen de lutter contre les famines.<br />
Dans les pays dont les gouvernements sont soucieux de l’intérêt<br />
public et adoptent de véritables politiques démocratiques et de<br />
développement, les famines ne se pro<strong>du</strong>isent plus.<br />
Dénoncer les bourreaux et obtenir leur mise hors d’état de nuire,<br />
lutter pour le respect des droits de l’homme, et notamment<br />
des minorités, sont indispensables pour éviter que la famine ne<br />
devienne une arme aux mains des gouvernements ou des mouvements<br />
armés. Quelles que soient les difficultés souvent rencontrées<br />
sur le terrain, il faut tout tenter pour rester présent, afin de ne<br />
pas laisser les populations seules face à l’arbitraire.<br />
Les pays où un véritable processus de développement est<br />
amorcé ne connaissent plus la faim. Il ne suffit pas de<br />
pro<strong>du</strong>ire plus de nourriture, il faut aussi que celle-ci soit<br />
accessible, même aux plus pauvres.<br />
par Sylvie BRUNEL<br />
Géographe, économiste, professeur de géographie à la Sorbonne (Paris IV)<br />
François Guillaume persévère. Ancien président de la FNSEA puis ministre de<br />
l’agriculture de 1986 à 1988, il met en cause le libéralisme de l’OMC et prône<br />
une OPEP des pro<strong>du</strong>cteurs agricoles, « l’exception alimentaire » nécessitant la<br />
protection des marchés agricoles, au Nord comme au Sud. Il est favorable<br />
aux OGM et à une utilisation raisonnée des pro<strong>du</strong>its phytosanitaires pour un<br />
nécessaire développement des pro<strong>du</strong>ctions.<br />
Un livre émaillé de nombreux exemples, tels les offices agricoles ayant le<br />
monopole des exportations (marketing board) de pays, libéraux à usage<br />
interne, et une réflexion ambitieuse sur les régulations économiques et monétaires<br />
internationales. Regrettons toutefois que ne soit pas assez soulignée<br />
la responsabilité des États dans la plupart des pays concernés par la faim.<br />
© D.R.