n° 123 - Janv. - Fév. 2010 - 3 euros - La Guilde Européenne du Raid
n° 123 - Janv. - Fév. 2010 - 3 euros - La Guilde Européenne du Raid
n° 123 - Janv. - Fév. 2010 - 3 euros - La Guilde Européenne du Raid
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
© A. Chhor<br />
Design et artisanat<br />
Le tressage de la jacinthe d’eau au Cambodge.<br />
Deux designers français partent trois<br />
mois au Cambodge, à la rencontre<br />
des femmes khmères <strong>du</strong> village flottant<br />
de Prek Toal, pour collaborer et<br />
imaginer ensemble des objets issus<br />
de l’artisanat autour <strong>du</strong> tressage de<br />
la jacinthe d’eau.<br />
<strong>La</strong> jacinthe d'eau est une plante aquatique<br />
invasive, présente dans les milieux d'eau<br />
douce et originaire <strong>du</strong> bassin amazonien.<br />
Ayant une croissance très rapide, on la<br />
trouve aujourd'hui dans plus de 80 pays<br />
majoritairement situés entre les deux<br />
ropiques. Cette plante pose de nombreux<br />
problèmes environnementaux dans la<br />
mesure où elle participe à la ré<strong>du</strong>ction de<br />
la biodiversité. Elle possède en effet une<br />
structure dense qui limite le passage de<br />
Invasion des jacinthe<br />
sur le lac Tonie Sap.<br />
la lumière, réchauffe l'eau et diminue la<br />
quantité d'oxygène, tuant nombre d'espèces<br />
animales et végétales. Au niveau<br />
sanitaire, elle contribue à la prolifération<br />
de maladies comme la malaria ou la<br />
bilharziose. Elle empêche aussi les autres<br />
plantes de respirer, ce qui entraîne un<br />
pourrissement végétal qui infecte l'eau<br />
potable. <strong>La</strong> jacinthe d'eau génère également<br />
des difficultés pour les activités<br />
humaines comme la pêche, la navigation<br />
ou l'irrigation. Elle provoque des inondations<br />
et peut paralyser les barrages<br />
hydrauliques. À l'heure actuelle, il n'existe<br />
aucune technique pour freiner la pousse<br />
de cette plante, mais elle est utilisée pour<br />
divers usages (papier au Kenya, compost<br />
au Mali, rembourrage de panneaux de<br />
construction en Inde, etc.), et la vannerie<br />
est une de ces utilisations possibles. Notre<br />
projet porte sur la revalorisation de cet<br />
artisanat.<br />
Designers diplômés de l'Ensci les Ateliers,<br />
nous nous sommes orientés vers des<br />
projets qui s'inscrivent dans une volonté<br />
de développement <strong>du</strong>rable, qui valorisent<br />
des techniques traditionnelles et l'emploi<br />
raisonné de matériaux renouvelables. Je<br />
travaille depuis septembre 2008 sur le<br />
développement de ce projet pour lequel<br />
j’ai obtenu trois bourses (Envie d’Agir,<br />
Initiative Jeune Solidaire <strong>du</strong> département<br />
92 et Paris Jeune Aventure), avec l’aide<br />
d’Aïssa Logerot. Nous avons choisi de<br />
travailler en collaboration avec l’association<br />
franco-khmère Osmose et la coopérative<br />
Saray car la plante est très présente sur le<br />
lac Tonlé Sap au Cambodge. Quelques<br />
artisanes ont eu l'idée de raviver ce<br />
savoir-faire ancestral, qui utilise les tiges<br />
de la plante comme matière première<br />
pour tresser des objets usuels. Elles allient<br />
ainsi petite activité économique et préservation<br />
de leur environnement. Privilégiant<br />
l'échange de compétences entre designers<br />
Artisanes de la coopérative Saray.<br />
Plateforme flottante de Saray<br />
où travaillent les artisants.<br />
et artisans, nous souhaitons tester et<br />
expérimenter la matière pour lui trouver<br />
de nouvelles formes et de nouveaux usages,<br />
créer ensemble des objets et trouver les<br />
moyens de revaloriser cet artisanat.<br />
L'atelier de la coopérative Saray se situe<br />
au village flottant de Prek Toal, aux abords<br />
<strong>du</strong> Tonlé Sap. Notre travail avec les<br />
artisanes leur permettra de diversifier leur<br />
pro<strong>du</strong>ction, d'acquérir des outils conceptuels<br />
et une méthode exploratoire dans<br />
la pro<strong>du</strong>ction formelle d'objets usuels. Si<br />
les artisanes parviennent à développer<br />
et à améliorer leur réseau de vente, non<br />
seulement elles obtiendront des ressources<br />
financières essentielles pour leur<br />
famille, mais elles continueront aussi à<br />
utiliser cette technique particulière de<br />
fabrication d'objets, qui nécessite une<br />
coupe régulière de la plante dans l'eau. Le<br />
projet se déroule sur trois mois car nous<br />
pensons que c’est le temps minimal pour<br />
comprendre les techniques de tressage,<br />
et pouvoir ainsi proposer des objets<br />
différents, à mi-chemin entre les deux<br />
cultures. Cela nous permettra aussi de<br />
poser les bases d'un échange et d'un suivi<br />
sur le long terme, qui ira au-delà <strong>du</strong><br />
travail sur place. Notre projet n'a pas la<br />
prétention de pouvoir « changer les<br />
choses », mais nous espérons qu'il contribuera<br />
à un développement économique<br />
local en adéquation avec la préservation<br />
de l'environnement.<br />
par Amandine CHHOR<br />
www.surlesrivages.blogspot.com<br />
AVENTURE <strong>n°</strong><strong>123</strong> 3